République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Guy Mettan, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mark Muller, Pierre-François Unger, David Hiler, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Charles Beer, conseiller d'Etat, ainsi que MM. René Desbaillets, Pierre Losio, Alain Meylan, Philippe Morel et Manuel Tornare, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue Luc Barthassat, actuel conseiller national. (Applaudissements. Exclamations.)

E 1786
Prestation de serment du successeur remplaçant M. PETROZ Pascal, député démissionnaire

Le président. M. Bertrand Buchs est assermenté. (Applaudissements.)

E 1780-A
Prestation de serment de Mme NICOLET Yvette, élue Juge à la Cour de justice
E 1777-A
Prestation de serment de Mme CUENDET Isabelle, élue Juge au Tribunal de première instance
E 1776-A
Prestation de serment de M. REALINI Claudio Adriano, élu Juge suppléant au Tribunal tutélaire et Justice de paix
E 1761-A
Prestation de serment de Mme GAMBA Rosa, élue Juge assesseur au Tribunal cantonal des assurances sociales
E 1762-A
Prestation de serment de Mme GABUS Julie, élue Juge assesseur à la commission cantonale de recours en matière administrative, spécialisé en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique pour statuer en matière de constructions (pris en dehors de l'administration)

Le président. Mme Yvette Nicolet, Mme Isabelle Cuendet, M. Claudio Adriano Realini, Mme Rosa Gamba et Mme Julie Gabus sont assermentés. (Applaudissements.)

E 1779-A
Prestation de serment de Mme SAILLEN AGAD Françoise, élue Substitut du Procureur général

Le président. Mme Françoise Saillen Agad est assermentée. (Applaudissements.)

R 637
Proposition de résolution de Mmes et MM. Christine Serdaly Morgan, Lydia Schneider Hausser, Prunella Carrard, Marie Salima Moyard, Irène Buche, Christian Dandrès, Elisabeth Chatelain, Manuel Tornare, Antoine Droin, Aurélie Gavillet, Jean-Louis Fazio, Roger Deneys, Loly Bolay, Anne Emery-Torracinta : Pas de charges supplémentaires pour les personnes âgées : pour une politique de soins cohérente

Le président. Nous passons à la première urgence, la R 637. L'idée était de renvoyer directement cette proposition de résolution à la commission de la santé. La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Ah si ! Bon, quelques minutes... (Exclamations. Commentaires.)

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Bien... (Commentaires.)

Des voix. Sans débat !

Mme Christine Serdaly Morgan. Parfait, allez-y ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Merci de votre compréhension !

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 637 à la commission de la santé est adopté par 72 oui (unanimité des votants).

M 1968
Proposition de motion de Mmes et MM. Prunella Carrard, Lydia Schneider Hausser, Christian Dandrès, Brigitte Schneider-Bidaux, Christine Serdaly Morgan, Mathilde Captyn, Manuel Tornare, Alain Charbonnier, Olivier Norer, Marie Salima Moyard, Anne Emery-Torracinta, Esther Hartmann, Antoine Droin, Irène Buche, François Lefort, Aurélie Gavillet, Jean-Louis Fazio, Loly Bolay, Roger Deneys : Grève ISS: pour le respect des CCT et des salaires décents à Genève

Débat

Mme Prunella Carrard (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a septante-sept jours aujourd'hui, les employés d'ISS-Aviation votaient la grève suite à la dénonciation de la convention collective de travail en vigueur par leur employeur. Cette grève a connu depuis de nombreux soubresauts, il est vrai. Citons ici un jugement en défaveur des employés par la Chambre des relations collectives du travail - CRCT - jugement pour le moins scabreux, dans la mesure où il allait à l'encontre de toutes les jurisprudences en la matière. Pourquoi ? Nul ne le sait, même si l'on peut émettre certaines hypothèses. Citons également l'apparition-surprise et miracle, pour les dirigeants de l'ISS, d'une association nommée PUSH, se présentant comme un nouveau partenaire social et représentante des employés, association constituée par les cadres d'ISS et qui n'a d'autre velléité que de légitimer une baisse salariale... (Brouhaha.) Monsieur le président, si vous pouviez calmer un peu l'assemblée, ce serait agréable ! (Le président agite la cloche.) Merci !

Ce qui est difficile à évaluer cependant, c'est l'implication du Conseil d'Etat. Peut-être y a-t-il eu de nombreuses discussions de couloirs, mais officiellement le Conseil d'Etat ne s'est, à notre sens, que très peu impliqué dans la résolution de ce conflit. Or, en vertu de la loi, le Conseil d'Etat remplit un rôle de surveillance de l'Aéroport international de Genève, et c'est sur ce postulat fondamental que nous avons déposé cette proposition de motion et que nous nous adressons aujourd'hui à vous. Ainsi, nous demandons que le Conseil d'Etat s'assure que les entreprises travaillant pour les régies publiques ou simplement sur le site de ces dernières respectent les CCT établies au moment de l'attribution de la concession. Il n'est pas admissible qu'une entreprise dénonce une CCT en cours de concession, même si c'est une entreprise sous-traitante, et peu importe d'ailleurs si sa concession est régie au niveau fédéral ou cantonal.

Ce que nous affirmons ici, c'est qu'il est de la responsabilité de l'Etat de s'assurer que les travailleurs de ce canton perçoivent des salaires décents leur permettant de vivre correctement dans une région où le coût de la vie est particulièrement élevé. A ce stade, je vous donnerai un exemple: avec les nouveaux salaires en vigueur, un employé d'ISS gagnera, pour un travail à plein temps, 3500 F brut comme salaire minimal en début de carrière, et 3800 F en fin de carrière - brut encore une fois ! L'une de mes connaissances travaillant pour ISS est mère célibataire de trois enfants, et cette situation avec un salaire de 3500 F lui donnera vraisemblablement droit à des aides publiques sous forme de prestations complémentaires familiales, selon le projet de loi récemment proposé par M. Longchamp. Ces prestations seraient alors grosso modo d'un montant de 2500 F, payés par l'Etat, et c'est là également que le bât blesse. Les socialistes n'admettent pas que l'Etat se substitue à la responsabilité sociale des entreprises de payer des salaires décents.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Prunella Carrard. Nous disons non à cette subvention indirecte à des entreprises voyous, exerçant qui plus est sur le site de la régie publique du canton de Genève.

Le président. Merci, Madame la députée...

Mme Prunella Carrard. Je n'ai pas terminé, Monsieur le président ! J'utilise un peu du temps de parole des...

Le président. Non, vos trois minutes sont épuisées !

Mme Prunella Carrard. Je prends une ou deux minutes sur le temps de parole du parti socialiste !

Le président. Alors d'accord, continuez !

Mme Prunella Carrard. Je me dépêche ! Afin de parer à ce genre de dérive, la dernière invite de notre proposition de motion demande que plus de moyens soient alloués aux organismes cantonaux chargés de la protection des travailleurs et de la surveillance du marché de l'emploi. C'est le moins que nous puissions faire pour les travailleurs de ce canton. Pour les employés de l'ISS qui doivent payer leurs factures, il y a urgence que le Conseil d'Etat prenne leur défense car, franchement, qui ici osera dire qu'il est normal de vivre avec 3500 F brut ? Qui ici osera le faire ? Qui ici osera dire qu'il est normal que, pour la même activité, le salaire à l'ISS soit de 24% plus bas qu'il y a dix ans ?

Mais l'urgence de ce débat se justifie également pour une autre raison: nous aborderons bientôt le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat visant à clarifier les relations entre le gouvernement, le parlement et les établissements publics autonomes. Nous demandons donc que les écueils évoqués dans cette motion soient pris au sérieux et clarifiés lors des débats sur ce projet de loi, et que l'Etat s'engage véritablement, par la loi, dans la protection du droit des habitants de ce canton à bénéficier de conditions de travail décentes. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe radical a voté l'urgence, c'est qu'il voulait quand même rappeler quelques principes. Je m'adresse à vous, Monsieur le président, mais manifestement ma collègue ignore complètement ou connaît mal les mécanismes et les organismes qui s'occupent de réguler, de vérifier, de surveiller le niveau des salaires et les situations de dumping éventuel - le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, etc. Je pense que le Conseil d'Etat nous le rappellera.

Elle semble également ignorer trois principes fondamentaux qui président au fonctionnement du partenariat social dans notre pays. Tout d'abord, l'Etat n'a pas à se substituer à la volonté des partenaires sociaux, même si c'est une entreprise. Il peut ensuite éventuellement fournir une aide par certaines initiatives afin que les partenaires sociaux se parlent et, cas échéant, entreprennent des négociations.

Il y a un deuxième principe qui est extrêmement important, c'est la liberté d'association. Si les employés de cette entreprise ont décidé de travailler avec un syndicat qui s'appelle PUSH, qui est également... (Commentaires.) Ecoutez, laissez-moi parler ! Ce syndicat est également présent à Zurich, donc ce n'est pas seulement un syndicat maison...

Et le troisième principe est celui de la liberté de contracter. Je peux contracter, m'affilier au SSP ou à un autre syndicat. C'est une liberté, un fondement de notre fonctionnement: liberté individuelle, liberté d'association.

Alors dans cette affaire, je suis bien obligé de faire appel à mon expérience de trente ans dans un secteur qui n'a pas toujours été très calme en matière de relations du travail. Effectivement, c'est un secteur qui a des syndicats très représentatifs - dans la construction, la plupart représentent le 90% des travailleurs. Pour les employeurs également, les associations patronales sont extrêmement représentatives. On parle de corporatisme; eh bien oui, c'est du corporatisme positif, puisqu'on obtient des résultats. En trente ans, il y a eu des coups de Trafalgar dans nos métiers, rappelez-vous les manifestations ! Mais on a toujours abouti à des conventions collectives, à une bonne foi, à une confiance réciproque. Ici, on a affaire je dirais presque à un chef syndicaliste qui a envie de se faire un prénom, puisque la famille est très nombreuse, et qui utilise la technique de la canonnière, le harcèlement...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Gabriel Barrillier. Je vais conclure ! ...et je pense que ce n'est pas la bonne technique, ce n'est pas comme ça qu'il va améliorer le sort des 13 grévistes qui font partie de son syndicat sur environ 150.

En conclusion, nous refusons cette proposition de motion et vous invitons à faire de même. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait tenir ce soir deux discours, le premier venant d'un magistrat radical et consistant à dire ceci: l'économie genevoise va bien, l'aéroport est en forte progression, il est bénéficiaire, nous avons toujours plus de passagers, et tout va bien dans le meilleur des mondes. Ça, c'est le discours qu'on nous tient en fin d'année pour faire le bilan du Conseil d'Etat, notamment de ce département. Et alors après, il y a le revers de la médaille, il y a ces employés, puisque l'on a voulu une ouverture des frontières sans contrôle, que l'on paie avec une fronde ! Et quand ces employés viennent dire: «Excusez-moi, mais je travaille à 100% et je n'arrive pas à subvenir aux besoins de ma famille. J'ai une vie normale, un appartement modeste de quatre pièces à Genève, que je paie 2200 F par mois avec les charges, j'ai les primes d'assurance-maladie, mes enfants vont à l'école...», eh bien là, on s'entend dire: «Mais enfin, c'est normal !» Parce que c'est ce que prône M. le conseiller d'Etat en charge de l'aéroport: tout va bien ! On se souvient des expériences du mois de janvier, au début de cette année, où il y avait déjà des grévistes; ils étaient peut-être plus que treize, mais ils ne seraient que deux que ça ne changerait rien au problème ! Et le conseiller d'Etat a finalement daigné écourter ses vacances de l'autre côté de la planète, pour voir ce qui se passait éventuellement là où il était ministre ! Et finalement nous sommes intervenus - donc le ministre, vous comprendrez bien - et les grévistes ont obtenu une augmentation: de 40 F par mois ! Alors faites le calcul: cela représente 35 centimes supplémentaires de l'heure ! Mais quelle gratitude, merci, seigneur ! Mais de qui se moque-t-on dans cette république, Mesdames et Messieurs ? Le MCG, en date du 13 janvier déjà, déposait un projet de loi pour interdire à l'Aéroport international de Genève de louer des concessions à des entreprises qui ne seraient pas au bénéfice d'une convention collective. Vous avez voulu et vous plébiscitez la main-d'oeuvre européenne et le fait qu'elle vienne travailler à Genève; vous avez tiré les salaires en bas, et aujourd'hui vous payez le prix de votre arrogance ! Parce que même les frontaliers qui gagnent deux ou trois fois plus que le SMIC commencent maintenant à avoir les dents longues. On ne parle même pas des Genevois qui sont désormais depuis longtemps déjà sur le carreau ou à l'Hospice général - ou en tout cas au bénéfice de certaines aides sociales, tant les salaires sont misérables - et qui n'arrivent plus à vivre.

Eh bien, le MCG se bat contre cette politique ! Et, oui, nous allons soutenir le texte des socialistes ! Parce que, Messieurs, de deux choses l'une: soit vous avez l'économie dans les veines et vous vous foutez de la précarité d'une grande partie du peuple genevois, et il faut que la population le sache...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président ! ...soit vous êtes respectueux des citoyens de Genève et vous payez des salaires décents, ce qui, en fin d'année, permettra à votre ministre de tirer sur ses bretelles en disant que l'aéroport marche bien. (Applaudissements.)

Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts vont soutenir cette proposition de motion. Il est vrai que la situation de l'ISS a beaucoup évolué, mais nous pensons que cette situation va encore se répéter pour d'autres entreprises. Nous estimons qu'il est important que l'Etat joue un rôle de régulateur lorsqu'il y a des situations où les entreprises demandent à leurs employés des augmentations de cadence et offrent des conditions de travail de plus en plus pénibles et des salaires de plus en plus bas. C'est pour cela que nous soutenons cette motion; ce n'est pas par rapport à l'ISS où, effectivement, il y a peut-être eu quelques petits problèmes avec certains syndicats - nous sommes bien d'accord avec cela. Non, c'est aussi parce que nous pensons que l'Etat doit vraiment avoir un rôle de respect et de surveillance pour que les conventions collectives soient respectées. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne cette proposition de motion, j'aimerais rappeler qu'effectivement l'association PUSH existe depuis longtemps, déjà du temps de Swissair. Les travailleurs dans leur grande majorité sont d'accord aujourd'hui de fonctionner dans les conditions qui leur sont offertes; 85% ont signé la convention. Seule une minorité fait grève: 13 personnes. D'autres ont même eu le courage de déclarer qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette grève et de le dire dans les journaux. Il fallait effectivement beaucoup de courage, et ils l'ont fait.

Maintenant, évidemment, il faut se rappeler que si la situation est telle qu'elle est aujourd'hui, c'est parce que nous avons signé des accords bilatéraux qui nous obligeaient à ouvrir le marché. Là où il y avait auparavant une entreprise d'entretien des avions, eh bien maintenant il y en a deux: ISS et Dnata. Dnata, de Dubaï, il faut le faire quand même ! Mais cela aurait pu être pire, parce qu'en réalité l'Etat a même décidé à un moment donné de ne pas ouvrir davantage le marché et de restreindre à deux entreprises.

Alors oui, je regrette les prix exorbitants du coût de la vie à Genève, mais il faut dire qu'avec la situation d'aujourd'hui il convient aussi d'assumer les conséquences. Vous avez voulu les accords bilatéraux, il va falloir maintenant aussi être cohérents avec vous-mêmes, donc assumer et accepter les conséquences - en l'occurrence, le fait que peut-être aujourd'hui les salaires sont plus bas qu'hier.

M. Serge Hiltpold (L). Après la motion sur les conditions salariales des bagagistes de janvier, voilà que le groupe socialiste revient à la charge au sujet des conditions salariales du personnel touchant le site de l'aéroport cette fois-ci, avec la problématique des nettoyeurs au sein de l'entreprise ISS. Pour votre information, et pas plus tard que mardi dernier, une convention collective d'entreprise entre ISS et son personnel a été signée et votée devant huissier, avec le consentement d'une très large majorité de ses collaborateurs, soit plus de 80%.

Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le rôle de l'Etat est d'empêcher les situations de sous-enchère salariale, et non de se substituer aux organisations représentatives des travailleurs qui négocient leurs salaires. Avec vos procédés démagogiques de saisir le parlement, vous remettez en question ce que l'on appelle le partenariat social et le tripartisme, éléments et valeurs largement reconnus qui ont fait leurs preuves et qui sont enviés par nos pays voisins. Je dirai même que c'est une sorte de mépris pour le travail qui est accompli au quotidien pour garantir des conditions-cadres justement établies au profit de notre économie genevoise qui s'occupe du droit privé. La paix du travail est le fruit de cette négociation entre fédérations patronales et syndicales. Je suis d'ailleurs fort surpris de votre manque de confiance envers vos syndicats de travailleurs - Unia, SIT, Syna - qui, jusqu'à nouvel ordre, défendent vos milieux et non pas ceux que je représente ici dans ce parlement. Seraient-ils incapables de négocier ? Est-ce de la récupération politique ou une telle méconnaissance du dossier, pour être convaincus par treize grévistes ? Mesdames et Messieurs les députés, je reste perplexe quant au bien-fondé de votre proposition de motion.

En conclusion, et c'est une évidence pour les libéraux, il appartient aux patrons et syndicats de négocier des conditions de travail adaptées. Les conventions collectives ne peuvent pas être imposées par l'Etat, sans quoi les syndicats n'auraient plus lieu d'exister. Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer cette proposition de motion en commission de l'économie, laquelle prendra, je n'en doute pas, la juste mesure des choses avec plus de recul que ce que j'ai entendu jusqu'à présent, ne subissant pas la pression de l'actualité et de certains flibustiers. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en train de refaire un débat que nous avons déjà eu - il s'agissait de l'entreprise Swissport. On peut souscrire à la demande de renvoi en commission, afin de refaire le même débat, ce qui nous permettra une fois de plus de démontrer les mensonges du syndicat SSP qui, dans cette affaire, défend treize grévistes. Sur ces treize grévistes, une personne est à 100%; est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Faut-il bloquer l'activité d'une entreprise pour ce groupuscule, que je qualifierais de sectaire ? Et quand on dit que le syndicat PUSH - je dis bien «le syndicat PUSH» - n'est pas un syndicat, c'est mal connaître l'activité de cette organisation, puisque, Madame Carrard, ce syndicat exerce depuis de nombreuses années; je pense que vous et moi n'étions pas encore nés lorsque ce syndicat était actif.

En revanche, ce qui est jeune sur l'Aéroport international de Genève, c'est l'activisme pernicieux d'un syndicat qui est le SSP, et qui est mené - on l'a dit - par un flibustier, un pirate qui veut torpiller le partenariat social. Nous allons donc accepter bien entendu de renvoyer ce texte en commission, mais on entendra à nouveau les mêmes choses, et cela permettra de tordre le cou à tous les mensonges qui sont dits non seulement par un syndicat, mais également par les représentants de l'Alternative ce soir. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Dandrès, à qui il reste une minute trente.

M. Christian Dandrès (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je regrette profondément que l'Entente prenne ce soir la défense d'un employeur qui bafoue les règles les plus élémentaires du partenariat social. L'Etat n'a pas à intervenir et à se substituer aux partenaires sociaux, nous dit-on. Je vous rappelle tout de même que vous avez la mémoire un peu courte, parce qu'il y a quelques semaines à peine, vous faisiez passer la loi sur l'horaire d'ouverture des magasins. On constate que l'Entente agite le partenariat social lorsque cela l'arrange. Dans ce cas d'espèce, ISS-Aviation dénonce une convention collective qui est en vigueur depuis plus de dix ans, et tente par la suite de passer en force ses exigences salariales à la baisse en imposant de nouveaux contrats de travail ! Puis, après quelques dizaines de jours, ISS ressuscite PUSH, le fameux syndicat maison qui apparaît à chaque fois qu'il y a un conflit social dans un aéroport, à Zurich ou à Genève.

ISS, Mesdames et Messieurs les députés, se moque de notre canton en pratiquant une politique de dumping social au vu et au su de nos autorités. Je tiens à vous rappeler que l'Etat s'était engagé, lors de l'autonomisation des régies publiques, à ce que l'intégralité des salariés qui y travaillent soient couverts par des conventions collectives. Le conseil d'administration de l'aéroport ne peut donc pas tolérer - c'est absolument inacceptable - que des sous-traitants profitent de leur position pour refuser d'appliquer les règles contenues dans les concessions qui sont conclues à l'aéroport. A mon sens, ce laxisme pose un problème institutionnel majeur, et c'est la raison pour laquelle il est absolument essentiel que le Grand Conseil se saisisse de cette affaire. Je vous invite donc à voter cette motion, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Hartmann, à qui il reste deux minutes.

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais quand même vous faire partager mon sentiment d'agacement, de très grand agacement, quand j'entends parler des accords bilatéraux qui feraient baisser les salaires. Non, ce n'est pas les accords bilatéraux qui font que les gens sont payés moins bien ! C'est l'ensemble des conditions salariales, c'est ce qui est négocié qui fait que les gens sont moins bien rémunérés. Ce n'est pas l'arrivée d'un Français qui provoquera du dumping salarial, c'est le fait que l'on autorise que ces salaires soient pratiqués. C'est pour cela que nous insistons - même si l'ISS effectivement, je le précise à nouveau, n'est pas un cas tout à fait exemplaire - sur le rôle de contrôle de l'Etat, et non de substitution aux patronats ou aux associations. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Weiss, à qui il reste trente-cinq secondes.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai très rapide. Je ne vois pas au nom de quoi ici les dix-neuf signataires d'un instrument en faveur de treize grévistes peuvent s'instituer les garants de la vraie conscience des travailleurs. En réalité, ceux qui, parmi les travailleurs de l'aéroport, ont décidé d'adhérer à un nouveau syndicat, ceux qui, parmi les travailleurs d'ISS, ont décidé de refuser la grève, ont parfaitement conscience de leur intérêt; ne les méprisons pas en pensant qu'ils ne savent pas ce qui est bon pour eux. Je trouve que, de la part du groupe socialiste, il y a là trop de dédain.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Forte, à qui il reste une minute trente.

M. Fabiano Forte (PDC). C'est beaucoup trop, Monsieur le président ! Je vous remercie de votre grande générosité ! J'aimerais simplement préciser un point: quand on dit qu'on ressuscite le syndicat PUSH, on ne ressuscite rien ! Lors du premier conflit avec l'entreprise Swissport, nous avons reçu à la commission de l'économie le SSP, avec son «líder máximo» - ils étaient sept, et c'est le seul qui a parlé - et nous avons également reçu le représentant syndical de PUSH, qui avait plus de trente-cinq ans de maison. Donc on ne peut pas prétendre ici que l'on ressuscite un syndicat et on ne peut pas faire l'affront à cette organisation syndicale de dire qu'elle ne s'appelle pas «syndicat»; c'est un mensonge ! (Applaudissements.)

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici vous dire au nom du Conseil d'Etat mon inquiétude. En effet, la situation qui se déroule à l'aéroport dans le cadre de ce conflit, comme celle que nous avons connue lors d'un conflit précédent, est une situation qui n'est pas acceptable. Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de le dire et il a eu l'opportunité de prendre des mesures dans le cadre du premier conflit, en faisant en sorte qu'une médiation entre les parties puisse avoir lieu.

Dans le deuxième cadre, le cas du conflit qui nous occupe aujourd'hui, j'aimerais rappeler que nous en étions à un stade où l'une des parties, de manière tout à fait explicite, a indiqué au Conseil d'Etat qu'elle ne voulait aucun arbitrage et aucune intervention de sa part, ce qui est profondément inquiétant.

Je souhaite enfin vous dire que la situation est un petit peu plus complexe qu'on veut bien la décrire. D'abord, il n'y a pas une convention collective qui liait l'ISS à la VPOD, mais deux; l'une de ces conventions collectives a été contestée par le syndicat lui-même, et cela a amené l'employeur à résilier les deux conventions collectives, puis ensuite à signer une convention collective avec un autre syndicat, le syndicat PUSH - vous en avez parlé. De mon côté, j'ai ordonné, en ma qualité de président du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, de saisir les instances nécessaires - soit le Conseil de surveillance du marché de l'emploi ainsi que les commissions paritaires - du cas précis, afin de voir dans quelle mesure une autre convention collective ou, à défaut, des usages pouvaient être imposés comme résolution à ce conflit. Le Conseil de surveillance du marché de l'emploi - dont je note dans cette motion qu'il serait à court d'argent, alors que je n'ai jamais entendu de la part de ses membres que ceci était un problème dans son fonctionnement - à l'unanimité de ses membres, qu'ils représentent des syndicats, des patrons ou l'Etat, a suivi la procédure qui lui avait été proposée, c'est-à-dire d'interpeller la commission paritaire ou, à défaut, d'examiner si des usages ne pouvaient pas être faits.

Mon inquiétude est grande, parce que nous assistons à Genève, dans une régie publique - et qui plus est dans une régie publique essentielle - à une dégradation du climat social ainsi qu'à une dégradation de ce qui fait la force de notre pays, c'est-à-dire la capacité des syndicats et des patrons de se parler, et la capacité que nous avons eue en Suisse, pendant des années, de construire des relations du travail qui n'étaient pas basées sur l'autorité ou sur un droit pléthorique, comme c'est le cas dans d'autres pays, qui s'enorgueillissent d'avoir des codes du travail de plus de 2000 pages. Cet avantage est en train gentiment mais sûrement de disparaître, par méconnaissance d'un certain nombre des parties de la réalité de tout cela. Et mon inquiétude est grande, Mesdames et Messieurs les députés, d'entendre ou de lire des argumentations qui me semblent devoir être explicitées de manière forte en commission. Il convient de rappeler un plusieurs principes, mais aussi, Madame Carrard, certains éléments juridiques qui, dans votre proposition de motion, mériteraient précisions, c'est le moins que l'on puisse dire.

C'est la raison pour laquelle, malgré le fait que nous avons, c'est vrai, Monsieur Forte, déjà fait un travail de cette nature, qui a amené la commission de l'économie à apprécier la situation, je vous demande de bien vouloir renvoyer cette motion en commission, afin que vous puissiez entendre et faire entendre - car ce sera là ma demande - non seulement les syndicats et l'entreprise concernée, mais également des partenaires syndicaux, des membres du CSME, et peut-être aussi, pourquoi pas, des responsables et des juges en charge de la CRCT, qui pourront vous démontrer que l'Etat, que les institutions n'ont pas pris, loin s'en faut, ce conflit à la légère.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il s'agit d'un renvoi à la commission de l'économie, je présume ? (M. François Longchamp acquiesce.) Très bien. Nous allons donc nous prononcer sur cette demande.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1968 à la commission de l'économie est rejeté par 50 non contre 41 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le président. Je vais donc, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter la proposition de motion elle-même.

Une voix. Appel nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien !

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1968 est rejetée par 47 non contre 44 oui.

Appel nominal

PL 10657-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Olivier Jornot, Alain Meylan, Ivan Slatkine, Nathalie Fontanet, Jacques Béné, Serge Hiltpold, Beatriz de Candolle, Fabienne Gautier, Daniel Zaugg, Edouard Cuendet, Jean-Michel Gros, Stéphane Florey, Jacques Jeannerat, Frédéric Hohl, Patricia Läser, Eric Bertinat, Antoine Bertschy modifiant la loi de procédure fiscale (LPFisc) (D 3 17) (Amnistie fiscale cantonale)
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (R)
Rapport de première minorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)

Premier débat

M. Pierre Conne (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, le but de ce projet de loi d'amnistie fiscale est pragmatique et simple: il vise à accroître les recettes fiscales. A court terme tout d'abord, en encourageant le plus grand nombre de contribuables concernés à déclarer des fortunes ou des revenus qui restent cachés à ce jour. A long terme ensuite, en permettant le réinvestissement des sommes déclarées dans l'économie. Ce projet de loi propose de mettre en place pendant deux ans une réduction attractive des taux d'imposition applicables au rappel d'impôt: 70% de rabais si la déclaration est faite la première année, 60% de rabais si la déclaration est faite l'année suivante.

Dans quel contexte ce projet de loi s'inscrit-il ? Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi fédérale sur la simplification du rappel d'impôt en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable. Cette loi facilite la tâche de ceux qui souhaitent remettre dans la légalité la fortune soustraite par le défunt et introduit une forme d'amnistie individuelle pour les personnes qui se dénoncent spontanément. Cependant, cette disposition fédérale n'offre aucun incitatif financier et se borne à ne pas pénaliser les contribuables. En conséquence, les conditions posées pour le calcul du montant total du rappel d'impôt sont à ce point élevées que rares seront ceux qui s'y risqueront, préférant rester dans l'illégalité. Ce projet de loi vient donc compléter l'amnistie fiscale prévue par la loi fédérale en introduisant une réduction des taux d'imposition réellement incitative. De plus, il convient de préciser les points suivants: cette amnistie ne concerne pas les personnes morales; la réduction ne s'appliquera qu'aux montants soustraits avant le 31 décembre 2009; la période pendant laquelle la dénonciation spontanée non punissable permettra de bénéficier d'une réduction du taux d'imposition est limitée au 31 décembre 2013; et, finalement, il n'y aura aucun rappel d'impôt pour les cas où la fortune soustraite n'excédera pas 80 000 F.

En conclusion, la majorité de la commission fiscale vous demande d'accepter ce projet de loi.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi ne touche pas seulement la densité de l'amnistie fiscale fédérale appliquée depuis janvier 2010. Il ébranle un fondement de l'Etat: l'application réelle et indifférenciée des règles adoptées par l'Etat de droit, ainsi que la notion d'honnêteté entre l'administration fiscale et le contribuable. Le sens donné à cette honnêteté est créateur par l'impôt d'un système de scolarité, de formation, de santé, de redistribution minimale des richesses via l'aide sociale, et j'en passe. C'est ce qui fait que Genève est un canton. Avec ce projet de loi, nous croyons rêver, ou plutôt cauchemarder. En effet, le projet de loi qui vous est présenté prône que les personnes qui souffrent d'amnésie vis-à-vis du fisc, qui oublient de déclarer leurs revenus, qui ont pris le risque de ne déclarer ni toute leur fortune ni tous leurs revenus sont les gagnantes, les sportifs de la haute voltige financière. Elles doivent être récompensées, incitées lourdement pour déclarer ce qu'elles ont caché. Le jeu doit en valoir la chandelle. Sur les montants de l'impôt dus, si ces gens se déclarent, ils pourront déduire sans gêne 70%, et ne paieront aucuns frais. Ce sont les champions.

A contrario, le salarié ou le contribuable honnête qui accepte les règles de la démocratie est pressenti comme un sot, un «has been», une personne démodée. Non seulement il paie l'impôt, mais s'il n'arrive pas à le payer, il sera passible de poursuites qui le handicaperont pour la recherche d'un logement ou un changement de travail; c'est un perdant ! Lors de l'émission «Temps présent», au Jeûne genevois - j'ai eu le temps de la regarder - une journaliste spécialisée dans des enquêtes ayant trait aux paradis fiscaux, Mme Lynnley Browning du «New York Times», rapporte que l'estimation des montants soustraits au fisc est de l'ordre de 7000 milliards de dollars dans le monde, et il est estimé que la Suisse en abriterait au bas mot 2000 milliards de dollars.

Les propos entendus lors des auditions, la pression, l'urgence de cette mesure d'amnistie de la part des partis de droite ne font que renforcer ces supputations, ces estimations de sommes énormes cachées au fisc. Compte tenu de cela, nous, socialistes, nous nous posons beaucoup de questions face au contrôle effectué par l'administration fiscale. Peut-être qu'il devrait être renforcé, voire adapté. Mais surtout, cela pose la question de savoir ce que l'on va gagner en offrant un tel cadeau. Les gens vont se déclarer peut-être un peu plus qu'ils ne le font actuellement avec l'amnistie fédérale; on va gagner pendant une année ou deux au fisc, et après, zou, ça va partir, parce qu'en termes de concurrence fiscale entre cantons il y en a encore qui sont meilleurs.

En résumé, le PL 10657 prône que, à revenu imposable égal, celui qui a déclaré normalement paie davantage que celui qui ne l'a pas fait et le déclare dans le cadre de l'amnistie. Cela implique qu'un contribuable modeste paierait des impôts supérieurs à ceux d'une personne aisée qui profiterait de cette loi. En clair, les fraudeurs qui bénéficieront de l'amnistie fiscale paieront moins que s'ils avaient respecté la loi.

Mesdames et Messieurs les députés de droite, je fais solennellement appel à votre sens civique, à votre sens de l'Etat de droit - les mêmes règles pour toutes et tous, les règles et les devoirs - et je vous demande de refuser cette loi. Et si elle vient à être acceptée ce soir, j'espère franchement que les citoyens honnêtes qui nous entendent n'accepteront pas de se laisser traiter comme des pigeons ou des dindons de la farce. Nous vous demandons donc de refuser cette loi.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez déjà compris grâce aux deux interventions précédentes, la loi qui nous est soumise aujourd'hui comporte deux parties distinctes. Tout d'abord, une adaptation de notre législation cantonale à la loi fédérale sur la simplification du rappel d'impôt en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable. Ce premier point ne pose bien évidemment aucun problème aux Verts, puisqu'il s'agit ici uniquement d'appliquer les nouvelles dispositions fédérales. Ensuite, ce projet de loi comporte un second élément, à savoir une proposition d'amnistie fiscale offrant jusqu'à 70% de réduction du montant dû au titre du rappel d'impôt aux personnes ayant dissimulé une partie de leurs avoirs aux autorités fiscales. C'est bien ce projet d'amnistie que nous combattons, car une telle réduction constitue une prime à l'amnésie fiscale.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est le suivant: contrairement à ce qu'affirme le rapporteur de majorité, la loi fédérale est déjà une réussite du point de vue du nombre de personnes qui en ont profité pour mettre au clair leur situation fiscale. Ainsi, Genève avait enregistré en juin dernier pas moins de 133 dénonciations spontanées pour un montant estimé à pas loin de 13 millions de francs. De plus, le journal «der Bund» parle même de plus de 1000 cas de dénonciation spontanée en Suisse au cours des six premiers mois de l'année. Le rapporteur de majorité affirme dans son rapport que cette loi se bornant à dépénaliser les contribuables amnésiques ne suffit pas. L'actualité nous démontre le contraire. Aujourd'hui, la lutte contre la fraude et la soustraction fiscale s'intensifie, l'entraide entre les pays s'améliore, et les contribuables indélicats envers le fisc l'ont bien compris. Ne plus être passible de poursuites pénales est déjà extrêmement rassurant à l'heure actuelle, et ce n'est pas le contribuable américain qui vient d'écoper d'un an de prison ferme qui me contredira.

En plus d'être superflu, ce projet d'amnistie fiscale pose en outre de sérieux problèmes éthiques et juridiques. D'un point de vue éthique, le montant élevé de la ristourne n'est pas acceptable. Je voudrais souligner ici que ce ne sont pas uniquement quelques gauchistes qui l'affirment, mais que ce problème éthique est également mentionné par le Département fédéral des finances sur son site, ainsi que par M. Pascal Broulis, chef du département des finances du canton de Vaud, lequel - si je ne fais erreur - n'est ni Vert, ni socialiste. Fixer un taux de réduction de la facture de l'impôt de 70% constitue une prime à la soustraction fiscale. En effet, les contribuables faisant acte d'un repentir tardif sont nettement favorisés par rapport à ceux qui ont toujours déclaré l'intégralité de leurs revenus et de leur fortune.

Le second problème que pose ce projet d'amnistie est non des moindres, vu que c'est sa compatibilité même avec le droit fédéral supérieur qui est mise en cause. A nouveau, le Département fédéral des finances met en garde sur son site contre les grands problèmes juridiques que pose l'amnistie fiscale. Je rappelle que le département cantonal des finances a également averti les commissaires à ce sujet, en démontrant dans une note que les principes d'égalité de traitement et d'imposition selon la capacité économique n'étaient pas respectés. Les dispositions du projet de loi sont telles que les contribuables qui profiteraient des 70% d'abattement demandés pourraient bénéficier non seulement d'un taux d'imposition moyen inférieur à celui d'autres contribuables ayant tout déclaré et disposant d'un revenu plus modeste, mais également d'une charge fiscale inférieure en francs.

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais attirer votre attention sur un fait important: à ce jour, tous les cantons de Suisse, à l'exception du Jura, ont décidé d'appliquer la législation fédérale telle quelle. Il est bon de souligner que c'est l'histoire du canton du Jura qui a incité les autorités à mettre en oeuvre une telle amnistie. Il faut en effet savoir que de nombreux citoyens jurassiens préféraient, pour des raisons politiques, cacher une partie de leurs avoirs quand ils étaient encore sous l'autorité fiscale bernoise. (Exclamations.) Or, depuis l'indépendance, les autorités jurassiennes tentent vainement de retrouver ces montants non déclarés. La situation du canton de Genève, vous l'admettrez, est à l'évidence fort différente de celle du Jura. Il est en outre important de souligner que Zurich ou Bâle, dont la situation économique s'apparente passablement à la nôtre, n'ont pas voulu d'une amnistie fiscale telle que proposée.

Enfin, et malgré les demandes réitérées de la part de certains commissaires lors des séances de la commission fiscale, cette dernière n'a pas réussi à établir au cours de ses délibérations quelles seraient les spécificités économiques, sociales ou historiques du canton de Genève qui justifieraient que le canton se singularise en adoptant une amnistie fiscale d'une telle ampleur.

En résumé, ce projet d'amnistie fiscale est inutile, puisque la législation fédérale porte déjà ses fruits, pose de graves problèmes éthiques et viole certainement les principes d'égalité de traitement et d'imposition selon la capacité économique contenus dans la LHID. Pour toutes ces raisons, les Verts déposent donc un amendement, tel que décrit dans le rapport de deuxième minorité, qui consiste à supprimer l'alinéa 1 de l'article 2 souligné du présent projet de loi. Si cet amendement vient à être refusé, la minorité Verte vous invitera, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Il est important que le canton se dote d'une loi cantonale d'amnistie fiscale, et ceci pour deux raisons essentielles: d'abord, les recettes supplémentaires non négligeables qui vont venir gonfler les caisses de l'Etat, et ensuite la somme des montants considérables qui vont être réinjectés dans l'économie du canton. Malheureusement, je me dois de vous faire part d'une certaine déception concernant les cas bagatelles de l'article 72, alinéa 9, de la LIPP, qui exempt de l'impôt les montants inférieurs à 80 000 F. Ce montant ne correspond malheureusement pas à la réalité d'aujourd'hui. Si l'on tient compte de l'inflation et de la valeur actuelle de ce montant, ce dernier aurait dû s'élever au minimum à 100 000 F, voire beaucoup plus.

Concernant le taux de 70%, l'UDC n'y voit absolument rien de choquant, puisqu'il est incitatif; et qui dit incitatif dit forcément rentrées fiscales supplémentaires.

Malgré cette petite déception citée plus haut, l'UDC genevoise soutiendra bien évidemment ce projet de loi, puisqu'elle en est également signataire, et j'invite malgré tout la minorité à revoir sa position et à faire de même.

Présidence de Mme Catherine Baud, deuxième vice-présidente

M. Pascal Spuhler (MCG). Le MCG soutiendra ce projet de loi qui, après discussions en commission, a donné satisfaction, suite à certains amendements que nous avons pu voter, entre autres pour les cas bagatelles, à 80 000 F, et concernant la limite dans le temps de ce projet de loi, soit jusqu'à fin 2013.

Pour ces différentes raisons, et également, comme l'a dit mon préopinant, au vu des différentes recettes supplémentaires que l'Etat pourra obtenir grâce à ce projet de loi, le MCG va soutenir cet objet.

M. Michel Forni (PDC). Une loi fédérale entrée en vigueur le 1er janvier 2010 veut aider des héritiers à remettre en légalité d'éventuelles fortunes soustraites par un défunt et introduit une amnistie individuelle pour des personnes qui se dénoncent spontanément. Ce type de disposition n'a généralement aucun effet incitatif financier, et rares sont les pseudo-amnésiques, comme vous les appelez, qui se risqueront à l'autodénonciation. La nature humaine est ainsi faite de clichés: il est évident que le riche incarne le mal, l'argent le diable, le rentier la turpitude, la richesse l'injustice et l'héritier, finalement, personnifie le péché. Mais grâce à cette loi, les éléments inquisiteurs n'enverront plus au bûcher les héritiers de tous les fortunés dignes de la guillotine.

J'aimerais ici faire mention de M. Mitterrand, qui était contre l'argent qui corrompt, contre l'argent qui achète, contre l'argent qui écrase, contre l'argent roi qui ruine, qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes, juste avant qu'il n'engageât M. Tapie.

Grâce aux auteurs de ce projet de loi, l'idée de compléter l'amnistie fiscale prévue dans la loi fédérale démontre qu'il y a une mesure incitative, peut-être sans idéologie, sans croisade, mais qui introduit le principe de l'attractivité du taux d'imposition. Alors une résultante, qui est celle d'accroître les recettes fiscales à long terme et de permettre à ceux d'en haut, à ceux d'en bas, privés, publics, élites, derrière cet argent diabolique, de réinvestir des sommes déclarées dans l'économie, démontre finalement que cette panne peut être comblée.

Nous avons parlé des chiffres, je n'y reviens pas: 70% de réduction. L'Etat redoutait des baisses de recettes, eh bien nous sommes dans une situation où nous aboutissons finalement, comme vous l'avez entendu, à une loi qui violerait des principes d'égalité de traitement et d'imposition. Alors ces vieilles querelles, alliant comparaison perpétuelle, observation obsessionnelle et transgression suprême, restent caricaturales et finalement regroupent en vrac tous les stéréotypes disponibles de l'argent diabolique et des âmes noires.

Le jeu en vaut donc la chandelle. Ce projet, devenu un compromis réformiste, nous plonge non pas dans la magie d'un Etat tutélaire, mais bien dans un monde où l'on baise la main qui donne et où l'on mord la main qui a refusé. Cette réforme est praticable dans sa symbolique et sa conduite, et le PDC vous propose d'y souscrire.

M. Charles Selleger (R). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi parlons-nous ce soir ? Il est question d'une amnistie, mais je crois qu'il est bon de rappeler la définition de ce terme, telle que vous pouvez la trouver dans le dictionnaire Larousse: l'amnistie, c'est un acte du pouvoir législatif - c'est bien le nôtre - qui efface un fait punissable, arrête les poursuites et anéantit les condamnations. C'est à distinguer de la grâce qui, elle, supprime l'exécution de la peine mais laisse subsister les effets de la condamnation. L'amnistie anéantit et la punition et le fait qui en est la cause. Voilà pour la définition.

Alors de quoi s'agit-il ce soir ? Il s'agit de voter une amnistie. Certes, l'amnistie ce n'est pas quelque chose d'éthique, cela pose un conflit moral, on est tout à fait d'accord. Il est convenu, plus ou moins implicitement, qu'une fois par génération on passe l'éponge sur les arriérés fiscaux qui ont été dissimulés, non pas dans le but de faire un cadeau aux contribuables indélicats, mais afin de remettre cet argent en circulation. Alors quand on nous dit, comme Mme Schneider Hausser, qu'il est indigne de faire un rabais de 70%, il faut bien comprendre que ce rabais de 70% ne portera que sur l'année où ces revenus réapparaîtront ! Et les revenus eux-mêmes seront pleinement taxés, ce n'est que le rappel d'impôt qui sera réduit de 70%. De plus, les années suivantes, les revenus qui seront réapparus continueront à être taxés, bien entendu, ils ne vont pas disparaître du jour au lendemain.

Je pense donc qu'il convient ce soir d'être pragmatiques et de se dire qu'un rabais de 70%, ce n'est pas les 100% qu'on a connu en 1969. C'est un incitatif, et il faut que cet incitatif soit important, sinon les sommes ne réapparaîtront pas et on aura une amnistie fiscale qui aura manqué son but. C'est pourquoi le groupe radical vous propose bien entendu de voter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi ne vise qu'une seule chose: des inégalités de traitement ! Il attaque en plus un pilier fondamental de notre société, le principe de redistribution de l'impôt. Je vous le demande donc, Mesdames et Messieurs les députés: à qui va profiter ce cadeau fiscal ? (Commentaires.) Non non ! Il va profiter aux malhonnêtes qui auraient caché leur fortune au fisc ! C'est donc une prime à l'amnésie fiscale. Par ailleurs, comme les arguments des minorités ont malheureusement été fort mal retranscrits dans le rapport que vous avez sous les yeux, je vais me permettre de répéter les principaux arguments des deux minorités: ce projet de loi est inutile, superflu, inique, il est vraisemblablement incompatible avec le droit supérieur, et c'est la raison pour laquelle les Verts vous proposent de le refuser. (Applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S). Le projet qui nous est soumis ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, on vous l'a dit, est peint comme le correctif indispensable aux défauts du régime fédéral, qui semble être insipide, mais qui existe tout de même depuis le 1er janvier 2010. Selon les auteurs du projet, la simple suppression de l'amende ne suffirait pas. Du coup, l'Entente et ses alliés proposent d'offrir 70% de réduction d'impôt aux fraudeurs. C'est une sorte de palme, on peut le voir ainsi, à des sportifs émérites dans une discipline - la soustraction fiscale - pour laquelle certains ont beaucoup travaillé ces dernières années. Et pour faire passer ce qui n'est en réalité qu'une baisse d'impôt différée, les auteurs du projet déclinent la vulgate habituelle. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer quelques propos issus du rapport de majorité. On parle d'incitatifs financiers, de réduction attractive, de pragmatisme légal, de choc, j'en passe et des meilleures. On se croirait revenu au temps béni des prescriptions quasi médicales des institutions financières internationales qui ont tant fait pour la ruine de l'Argentine notamment.

Alors un lecteur attentif pourra se demander de façon toute naturelle qui est cet être si difficile à convaincre qu'il faille lui sacrifier 70% de son impôt pour le forcer à remplir une déclaration fiscale. Eh bien cette personne, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le contribuable genevois tel que l'Entente et ses alliés le perçoivent. Il s'agit pourtant - et je m'en étonne - du même contribuable que celui dont l'Entente vantait le sens du devoir profond, lorsqu'elle défendait sa résolution 605 en mars dernier. Et j'entends encore sur ces bancs notamment le député Jeanneret qui martelait à trois reprises qu'il soutenait l'idée d'un citoyen profondément honnête, raison pour laquelle il n'était pas nécessaire de rendre l'administration plus transparente. Alors ce retournement me fait sourire, je ne vous le cache pas, et laisse voir à la population le crédit que vous portez à vos propres convictions.

Mais la majorité de la commission fiscale ne s'est pas arrêtée en si bon chemin. Après avoir décliné à l'envi le thème de la psychologie, c'est au tour de l'intérêt suprême de l'économie, le fameux intérêt suprême de l'économie. Elle va prétendre que l'argent va sortir des placards, se retrouver dans le circuit économique et relancer la croissance tant attendue. Mais ce que les auteurs du projet ne mentionnent pas, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que cette baisse d'impôt va surtout permettre à un fraudeur de régulariser à bon marché l'argent qu'il a caché au fisc pendant plus de dix ans. Et cet argent, il a toutes les chances par la suite de le placer ailleurs qu'à Genève. Sinon on peut se demander pourquoi le fraudeur ne se serait pas contenté du régime fédéral. C'est une question intéressante. Pourquoi un fraudeur ne se contenterait-il pas du régime fédéral s'il n'avait pour intention de placer l'argent un jour ou l'autre ailleurs qu'à Genève ? Donc rien n'est moins sûr que ce projet de loi profite à la prospérité de notre canton.

Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi, le parti libéral nous donne une magnifique leçon de syndicalisme, qui plaira sans doute aux contribuables et à nos concitoyens qui respectent la loi et déclarent chaque année leurs revenus. Je vous invite donc naturellement à rejeter ce projet de loi.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'une de nos collègues reprochait tout à l'heure avec perfidie au rapporteur de majorité de ne pas avoir bien fait son travail. J'aimerais au contraire souligner la grande qualité du rapport de majorité. Alors évidemment, il ne procède pas par jeux de mots et calembours, il est sérieux, parfois même râpeux, mais il est complet et je l'en remercie.

Nous savons dans cette salle que le Parlement fédéral a tenté de faire une amnistie. C'est une amnistie «Canada Dry»: elle en a un peu le goût, un peu l'odeur, mais pour le reste, tous ceux qui pratiquent le droit fiscal, tous ceux qui pratiquent la contribution publique - en tant que contributeurs ou en tant que professionnels - savent que ce n'est pas une vraie amnistie, parce qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.

Cette amnistie, Mesdames et Messieurs, il faut l'adopter au moins pour deux raisons - il y en a plusieurs, plus de deux, qui ont été évoquées tout à l'heure par nos différents collègues, mais j'aimerais en évoquer deux. D'abord, il y a effectivement la raison financière: ce projet de loi est un projet qui augmente les recettes de l'Etat. Il n'est pas très fréquent que les libéraux proposent d'augmenter les recettes de l'Etat ! Et il est encore moins fréquent que les socialistes, qui aiment bien l'Etat gourmand et boursouflé, combattent un projet qui garantit des recettes supplémentaires à l'Etat. Et l'expérience nous montre que ça marche ! L'amnistie fiscale de 1969 a parfaitement fonctionné ! L'amnistie jurassienne marche, et qu'on ne vienne pas nous faire le coup du petit peuple occupé qui était par conséquent obligé de ne pas déclarer. Entre l'amnistie fiscale générale de 1969 et l'entrée en souveraineté du canton du Jura, il y a moins de dix ans qui se sont écoulés, les Jurassiens sont des citoyens suisses comme les autres, et l'on n'a pas à prendre un exemple particulier, ou en tout cas à renier notre droit à vouloir faire comme eux. Et je vous donnerai un troisième exemple, c'est le «scudo fiscale» italien qui, avec un prélèvement de 5% - c'est-à-dire évidemment inférieur à ce qui est proposé ici - a permis à l'Italie de régulariser des montagnes d'argent qui sera désormais fiscalisé.

Et la deuxième raison, Mesdames et Messieurs, pardonnez-moi, mais c'est une raison éthique ! C'est une raison éthique, parce que si l'on ne vote pas une amnistie de la sorte, qu'est-ce qu'on aura ? On aura ce que vous, Mesdames les rapporteures de minorité, vous appelez à cor et à cri, c'est-à-dire que ces fonds restent non déclarés, qu'ils demeurent non productifs de recettes fiscales et que les contribuables restent en quelque sorte en marge de la possibilité de contribuer à l'Etat social. Entre cette situation-là, celle de ces fonds qui demeurent non taxés, et celle d'une amnistie où les gens ont droit à un rabais, il est parfaitement évident que la morale est chez nous; elle n'est en tout cas pas chez vous, Mesdames les rapporteures de minorité ! (Applaudissements. Commentaires. Rires.)

Des voix. Bravo !

M. Olivier Jornot. Il paraît qu'il y aurait des raisons juridiques qui s'opposeraient à ce projet de loi. Mesdames et Messieurs, depuis quand est-ce que ce sont les raisons juridiques qui gouvernent dans cette salle ? (Exclamations. Rires. Applaudissements.) Il est vrai que le département a commandé un rapport qui figure précisément dans le rapport de majorité, mais ce rapport, je n'hésite pas à le dire, est scandaleux. Il est scandaleux parce que c'est un effort scolaire de défendre une thèse indéfendable, celle selon laquelle le droit fédéral n'autoriserait pas les cantons à avoir leur propre politique en matière de taux. Or tout le monde sait que c'est le cas, tous les experts que nous avons entendus savent que c'est le cas, il n'y a que l'expert du département - ce n'est pas vrai, il le sait très bien... - qui a reçu l'ordre de ne pas le savoir. Et je trouve que c'est dommage, parce que ça signifie qu'on a maintenant dans nos documents un texte juridique qui soutient le contraire de ce que ce parlement va dire, je l'espère, dans un instant.

Oui, nous avons le droit d'avoir notre propre politique de taux, et ça n'a rien à voir avec la situation obwaldienne par exemple, qui est citée dans l'un ou l'autre des rapports de minorité. J'aimerais quand même rappeler que l'administration fédérale des contributions a travaillé main dans la main avec le canton du Jura, et qu'elle a salué l'amnistie proposée par ce canton.

Alors, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il n'y a pas à hésiter: il faut voter oui ! Il convient d'abord d'entrer en matière bien entendu, puis d'éliminer l'amendement qui propose ni plus ni moins que de vider ce projet de loi de sa substance, et il faut le faire pour les Genevois, pas seulement pour les contribuables, mais aussi pour tous ceux qui bénéficient des prestations de l'Etat. (Applaudissements. Huées.)

M. Claude Jeanneret (MCG). C'est vrai qu'un projet d'amnistie pose toujours un petit problème, je dirai, d'éthique. Est-il juste que des gens qui n'ont pas déclaré puissent en un coup le faire et ne pas être imposés totalement ? D'accord. Mais je dirai aussi: est-ce qu'il est souhaitable pour un Etat de voir disparaître des revenus importants, du fait que l'on va pénaliser des gens qui peuvent très bien vivre avec de l'argent caché ? Il y a beaucoup de créneaux sur lesquels il faut parler. Premièrement, l'amnistie fiscale n'est pas une gratuité: c'est un rabais, et c'est un rabais si l'on compte l'amende qui affecte automatiquement le retard d'impôt; on aura quasiment une égalité, c'est-à-dire que les gens vont pouvoir se remettre à jour sans être trop pénalisés, ce qui est souhaitable.

Deuxièmement, il faut maintenant et aujourd'hui travailler pour Genève. Lorsque l'on a un capital déclaré et que ce capital est soumis à l'imposition genevoise, on a un impôt sur la fortune qui revient à Genève uniquement, puisque le fédéral n'a pas d'impôt sur la fortune. Et puis nous avons un impôt sur le revenu, et le revenu est principalement composé, dans les dossiers titres, d'intérêts et de dividendes soumis à l'impôt anticipé de 35%, qui part à la Confédération, alors que si ces gens déclarent à Genève, 10% revient à la Confédération et le reste à Genève. Et là, Mesdames et Messieurs les députés, pour l'avenir de notre canton, il est quand même souhaitable que cet argent soit déclaré à Genève.

Il y a une deuxième phase où il faut réfléchir un petit peu à l'avantage de ce genre de procédé: dans le temps, il est vrai que l'évasion fiscale était l'apanage des riches. Aujourd'hui - en tant que fiduciaire, je le vois régulièrement - ce n'est pas l'apanage des riches: ce sont souvent des gens qui sont d'honnêtes fonctionnaires ou travailleurs, qui ont fait un petit héritage, qui ont fait ceci cela et qui n'ont pas voulu le déclarer, parce qu'ils ont acheté par exemple une petite maison en France. C'est 200 000 à 300 000 F, ce n'est pas beaucoup ! Mais multipliés par 20, 30 ou 40 000, c'est énorme ! Et ceci, il faut que ça rentre dans le cadre social. Parce que je vous rappelle une chose: au niveau des prestations sociales, lorsque quelqu'un arrive dans un EMS et ne possède rien, c'est l'Etat qui paie ! Or, s'il a 300 000 ou 400 000 F d'épargne, c'est d'abord son épargne qui paie. Tout cela fait que c'est l'Etat de Genève, ce sont les concitoyens de Genève, qui paient des impôts tous les jours, qui ne devront pas payer pour ceux qui n'ont pas déclaré ! Donc, il faut véritablement encourager les gens à déclarer ce qu'ils possèdent, c'est important ! En plus de cela, ce n'est pas la gratuité: ils paieront des impôts ! Ils vont simplement bénéficier d'un rabais qui évitera que la pénalité d'impôt soit trop lourde. Mais c'est quand même tout à fait acceptable ! Ils ne vont pas avoir la gratuité, et il n'y a pas de disparité majeure entre ceux qui ont déclaré et ceux qui ne l'ont pas fait, parce que ceux qui ont déclaré et qui avaient des revenus modestes, avec les 35% retenus sur leurs dividendes par l'impôt anticipé, eh bien ils y ont gagné ! Et ceux qui ne l'ont pas déclaré, ils y ont perdu ! Toutefois, cet argent n'a pas été pour Genève, mais pour la Confédération. Alors, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, pensez à Genève ! Il faut absolument que cette amnistie fiscale passe, que l'on ait le maximum de gens qui déclarent, même de petites fortunes, même 300, 200, même 100 000 F. Peu importe ! Ils déclarent quelque chose, ils déclarent leurs avoirs et, surtout, sur ces avoirs, ils déclarent le revenu des avoirs, et tout cela rentre dans l'escarcelle de la recette fiscale de Genève !

Alors d'accord, il y a une question d'éthique, celle de savoir s'il est normal que des gens qui n'ont pas déclaré puissent bénéficier d'un avantage. Mais soyez raisonnables, ce n'est pas un avantage de gratuité: c'est un avantage de diminution de la pénalité. Et je pense que, là, il est important que nous soyons conscients que, pour l'avenir de Genève, nous avons besoin d'impôts, car nous avons quand même encore une grosse dette à rembourser. Si l'on arrive à faire en sorte que l'épargne des Genevois soit déclarée, et surtout le revenu de l'épargne, qui représente des millions et des millions, tout cela va rentrer dans l'escarcelle de Genève, et non de la Confédération ! Donc il faut absolument, en tant que citoyens genevois, en tant que parlementaires genevois, que nous encouragions cette amnistie fiscale. C'est une fois, c'est bien, et il ne s'agit pas de faire des cadeaux aux riches ! Je vous rappelle une chose: les milliardaires n'en ont rien à foutre de l'amnistie fiscale, parce que, eux, si aujourd'hui Genève va mal, ils vont à New York ou à Singapour. Ce ne sont pas les riches, ce ne sont pas ceux que défendent nos lobbies banquiers qui vont souffrir ou non d'une amnistie fiscale. Je dis que, aujourd'hui, ceux qui vont bénéficier de cette amnistie fiscale, c'est le citoyen lambda, c'est le fonctionnaire, c'est l'employé, c'est quelqu'un qui a peu d'argent mais quand même une petite épargne honnête, qu'il a accumulée toute sa vie et qu'il n'a pas osé déclarer à un certain moment, parce qu'il a acheté quelque chose... Et ça, il faut le régulariser. Et ce n'est pas de la malhonnêteté, ce n'est pas encourager la fraude, c'est simplement permettre aux citoyens honnêtes de rentrer dans le rang et à l'Etat de Genève de récupérer l'argent et les impôts sur le revenu de cet argent, auxquels il a droit. C'est la raison pour laquelle nous, le MCG, nous voterons pour cette amnistie. (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. C'était magnifique au théâtre ce soir... Oui, il est là M. Jornot... Mais il oublie, à travers l'intensité de son verbe, de dire que ce n'est pas si drôle que ça d'être fraudeur actuellement, et qu'il y a de plus en plus de risques pour les personnes qui n'ont pas tout déclaré - on ne va pas parler des petits épargnants, parce que ceux-là arrivent, j'en suis sûre, à réinjecter, dans la déclaration, des montants oubliés. Mais les grosses sommes non déclarées maintenant vont devenir chaudes pour leur détenteur en raison des collaborations qui s'installent entre les différents pays d'Europe, voire du monde, des doubles conventions, bref, de tous ces accords qui sont conclus.

Il est vrai aussi que, pour l'équilibre du prochain budget et des prochains comptes, il serait assez bon que de l'argent extraordinaire rentre dans les caisses, parce que, d'une manière ou d'une autre, que ce soit financièrement, voire dans les prestations, on va sentir passer les 450 millions qui ont été diminués dans les revenus de l'Etat il y a six mois.

Du reste, Monsieur Jeanneret, à ce niveau-là je suis assez étonnée de constater un peu cette attitude girouette, parce qu'il y a six mois il y avait assez de finances pour octroyer des grands cadeaux, et actuellement on reprend les mêmes thèmes, mais cette fois pour aller chercher de l'argent afin de diminuer la dette. Je ne sais pas, mais, à un moment donné, il faudrait choisir, et je crois qu'en tout cas le parti socialiste a choisi. Il y a une amnistie fiscale fédérale, qui existe depuis déjà le 1er janvier, et n'oubliez pas que cette amnistie enlève déjà toute velléité de passer devant des juridictions pénales, ce qui est le cas dans la règle générale au niveau fiscal. C'est énorme, il y a déjà des avantages donnés, alors pourquoi en accorder plus à Genève, alors que ce n'est peut-être pas là que l'on a besoin de plus gros revenus qui n'ont pas été déclarés.

Pour conclure, nous voterons l'amendement proposé par les Verts, et nous vous demandons de refuser la loi au cas où cet amendement ne serait pas accepté.

Présidence de M. Guy Mettan, président

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je voulais juste revenir sur certains points qui ont été mentionnés pendant la discussion. Tout d'abord, concernant ces fameux cas bagatelles, dont la commission a parlé lors de ses débats, ce projet de loi prévoit donc d'exonérer totalement de tout rappel d'impôt toute soustraction fiscale inférieure à 80 000 F. Les partisans de cette proposition ont évidemment affirmé en commission qu'il s'agissait d'inciter les petits épargnants, les personnes aux revenus modestes, à déclarer leur argent. Nous nous opposons à cette disposition pour deux raisons. Premièrement, parce qu'il s'agit ici de pure démagogie: en effet, à l'heure actuelle, dans la loi, cette déduction est inutile puisque le seuil des déductions sociales est fixé aujourd'hui dans la loi à 82 000 F. Donc, en fait, concernant ces cas bagatelles, que l'on nous présente comme étant un cadeau, les petits épargnants qui auraient économisé 80 000 F ne sont de toute façon pas soumis à l'impôt actuellement.

Deuxièmement, il a été déclaré dans cette salle que la loi fédérale ne fonctionne pas... A nouveau, je le répète: oui, elle fonctionne ! La loi fédérale fonctionne. A l'heure actuelle, plus de 1000 personnes se sont dénoncées en Suisse. A Genève, on a eu des cas de dénonciation pour environ 13 millions de francs, ce qui n'est pas négligeable du tout. Ainsi, je pose la question suivante, qui est à peu près la même que celle de ma collègue Mme Schneider Hausser: ne serait-ce pas plutôt la crainte aujourd'hui qui incite les initiants de ce projet de loi à proposer une telle amnistie fiscale ? La crainte, car, en effet, oui, l'étau se resserre; oui, les Etats collaborent aujourd'hui de plus en plus pour lutter contre la soustraction fiscale. J'en ai terminé, Monsieur le président.

M. Pierre Conne (R), rapporteur de majorité. J'aimerais juste revenir sur ce qui a été dit. Je relève dans le fond que notre débat politique de ce soir s'articule autour de trois postures: deux postures défendues par ces dames, les rapporteures de minorité, et leur groupe, ainsi qu'une posture défendue par la majorité de la commission et les groupes qui la représentent.

La première posture que j'identifie, je la qualifierais de perdante, parce qu'elle veut nous faire croire que ce projet d'amnistie fiscale ne rapportera rien et que de toute façon, étant opposé au droit fédéral, il ne pourra pas aboutir. Quant à la deuxième posture, je la qualifierais de dogmatique, voire d'infantile, parce qu'elle continue encore et toujours à vouloir opposer les citoyens modestes et honnêtes aux citoyens riches et malhonnêtes. Et la troisième posture - celle que je défends et que je vous propose - est simplement une posture gagnante-gagnante. Pourquoi ? Parce que l'Etat sera gagnant, la fiscalité de notre canton sera gagnante, et les contribuables concernés seront également gagnants, non pas parce qu'ils auront triché, mais parce qu'ils seront revenus dans la légalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo ! (Exclamations.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, après le dépôt de ce projet de loi, j'avais eu l'occasion de vous dire que le Conseil d'Etat, en l'état, n'était pas favorable à ce projet, puisque le taux de réduction était tout de même extraordinairement important: 70%, non pas de l'amende, mais de l'argent dû. En effet, la question de l'amende, elle, était réglée parfaitement par le droit fédéral. Donc non pas la sanction, mais le dû.

Je vous avais indiqué également en commission que le Conseil d'Etat retraiterait de la question à la fin de vos travaux; il a noté les amendements déposés, notamment par le groupe démocrate-chrétien, et il accueille favorablement l'idée que cette amnistie ne soit pas étendue aux entreprises où, là, compte tenu des montages sophistiqués, nous aurions été dans une situation assez désagréable.

Le Conseil d'Etat a donc rediscuté de cette question et, sur la base de ce qu'il reste pour les personnes physiques - c'est-à-dire les 70%, portant à la fois sur le revenu et sur la fortune - le Conseil d'Etat n'est pas favorable à cette amnistie, pour des raisons qui ne sont pas forcément celles qui ont été développées par les uns ou par les autres, et qui tiennent en réalité à trois éléments.

Premièrement, nous pensons que c'est un mauvais message à l'égard de contribuables peu nombreux, mais assurément immensément riches, qui jouent aujourd'hui sur des possibilités consistant à s'établir en Suisse centrale tout en continuant à vivre à Genève - j'insiste là-dessus. Le message que l'on donne à ces gens-là est le suivant: «Ne vous en faites pas, cela s'arrangera dans vingt ans pour vos héritiers ou pour vous.» C'est tellement vrai que l'on a même vu des gens s'établir en Suisse centrale après avoir durement négocié le fait d'annoncer postérieurement le montant de ce qu'ils avaient fraudé au fisc, et ces faits ne vous sont pas inconnus puisqu'ils figurent dans un rapport ICF. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, le message aujourd'hui est vraiment brouillé. Nous avons une immense majorité de gens riches qui, à l'évidence, déclarent ce qu'ils doivent, mais il y a toujours un petit nombre de personnes qui, elles, sont prises par l'avidité, et à ces personnes-là nous ne devons pas donner un message de laxisme aujourd'hui.

Le deuxième message faux, à notre avis, c'est à l'égard de la Suisse. Je dois vous dire que, si vous lisez de temps en temps les journaux suisses alémaniques, vous avez pu constater qu'outre-Sarine on a été frappé que Genève fasse cavalier seul alors même que Zurich se dise très satisfait de l'amnistie fédérale, qui a permis de tripler ce qu'il obtient d'habitude par les dénonciations spontanées. Evidemment, il y a le Jura et, à l'époque, on croyait encore que le Tessin allait le faire, ce qui n'est pas le cas. Et il y a Genève... Voilà, ils laissent tout faire, et ce n'est pas bon; ce n'est pas bon parce que, par rapport à un certain nombre de pratiques fiscales extrêmement limites de la Suisse orientale, sur la question tant des personnes physiques que des personnes morales - notamment la localisation de sociétés qui ne possèdent strictement que le brevet, qui se trouvent dans des cantons de Suisse orientale et dont on prétend que c'est là que le revenu se réalise, alors que tout le reste est à Genève - nous estimons que cela a affaibli la position de Genève dans ces discussions.

Le troisième élément, c'est le message à l'égard de l'étranger qui, le moins que l'on puisse dire, regarde avec attention ce qui se fait en Suisse ces temps, et le message est assez compliqué à comprendre. Nous sommes connus - à tort ou à raison - comme un réservoir d'argent non déclaré; aujourd'hui, la stratégie a changé, le profil d'affaires a changé, on est avec de l'argent blanc, pour prendre la traduction littérale de l'allemand du PLR. (Commentaires.) Oui, ça c'est la traduction suisse romande ! Et nous, septième, huitième, neuvième place financière, alors qu'aucun canton suisse économiquement significatif ne procède à cette amnistie, nous allons la pratiquer ? Pourquoi diable ? Qu'avons-nous à cacher ? Est-ce que par hasard, en plus de toutes les pratiques sur lesquelles l'Union européenne aimerait que nous revenions en arrière - sans vraiment de base juridique, d'ailleurs, je le précise, ce sont des négociations - est-ce que par hasard nous voudrions donner le signal que non seulement nous avons des pratiques qui sont contestées sur nos techniques d'imposition, mais qu'en plus nous n'imposons pas les gens pour de vrai ? Ce que nous ne serions pas les seuls à faire dans le monde, certes... C'est encore, à notre avis, un mauvais message.

Je conclurai sur la question juridique. Il y a un doute, et je regrette simplement, Monsieur le député Jornot, que vous vous soyez un petit peu laissé aller dans l'argumentation. (Exclamations.) Je suis payé pour me faire insulter, mais mes collaborateurs ne le sont pas. M. Dufey - certains d'entre vous le connaissent bien, c'est le fils de l'ancien secrétaire général - qui a fait cela est convaincu de cette affaire, et j'aurais bien eu de la peine à lui donner le moindre ordre, parce que jamais je n'avais pensé que c'était ça le problème. Aujourd'hui, je crois avoir compris quel est le problème, je vous ai indiqué en commission, Monsieur Jornot, que je n'en savais rien, et de toute façon cela n'a pas beaucoup d'importance, puisque ce sont les tribunaux qui trancheront. On peut donc toujours dire des choses ou des autres, vous savez bien qu'il y a plusieurs avis, et je pense qu'il conviendrait quand même que vous retiriez quelques propos; les gens ont le droit de ne pas être de votre avis sur le plan juridique, tout en étant des gens indépendants et honnêtes, et c'est le cas de ce collaborateur. Je voulais juste le signaler.

Il y a un deuxième élément au moins que personne ne conteste. Vous allez vraisemblablement, d'après les déclarations des uns et des autres, voter cette amnistie; elle sera soumise au peuple, puisqu'il y a un référendum obligatoire sur ces questions, et de la sorte nous aurons une première indication des aspects juridiques qui tiennent effectivement au fait de savoir si concéder ce genre d'avantages peut être compris dans la LHID aujourd'hui, ou si ce n'est simplement pas une concurrence matérielle, mais justement par des astuces sur la manière d'imposer les gens. Cette question sera tranchée par les tribunaux, et je n'entends pas dire un mot de ce sujet que je maîtrise fort mal. Les chiffres sont plus mon affaire que le droit.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les trois raisons, essentiellement, qui font que notre Conseil ne soutient pas ce projet, qu'il pense préjudiciable à bien des égards et notamment par rapport à notre image en Suisse et à l'étranger. (Applaudissements.)

Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10657 est adopté en premier débat par 61 oui contre 29 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (souligné).

Le président. A l'article 2 souligné, nous sommes saisis d'un amendement de la seconde minorité, qui consiste à supprimer l'alinéa 1 de cet article 2 souligné.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 29 oui.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté par 61 oui contre 29 non.

Mis aux voix, l'article 3 (souligné) est adopté.

Le président. Le troisième débat n'est pas demandé... (Remarque.) Si ! Merci, Monsieur le conseiller d'Etat !

Troisième débat

La loi 10657 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10657 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 29 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10657

R 635
Proposition de résolution de Mmes et MM. Claude Jeanneret, Jacques Jeannerat, Anne Marie von Arx-Vernon, Thierry Cerutti, Edouard Cuendet, Roger Deneys, Renaud Gautier, Esther Hartmann, François Lefort, Christina Meissner, Philippe Schaller, Brigitte Schneider-Bidaux, Christine Serdaly Morgan, Daniel Zaugg pour que les artisans et PME/PMI genevois et français puissent offrir leurs prestations, sans entrave, sur le territoire de l'agglomération

Le président. Il était prévu que l'on renvoie directement cet objet en commission de l'économie. Je vous soumets donc cette proposition.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 635 à la commission de l'économie est adopté par 77 oui contre 1 non et 2 abstentions.

PL 10523-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zone sur le territoire des communes de Plan-les-Ouates et de Confignon (création de zones diverses) aux lieux-dits "Les Cherpines" et "Les Charrotons"
M 1884-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Mario Cavaleri, François Gillet, Fabiano Forte, Guillaume Barazzone, Michel Forni, Béatrice Hirsch, Nelly Guichard : Périmètre des Cherpines (communes de Plan-les-Ouates et Confignon) : pour une répartition équilibrée des logements, des emplois et des espaces dédiés au sport, aux loisirs et à la culture entre les communes de la Plaine de l'Aire
R 611
Proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Deneys, Christian Dandrès, Anne Emery-Torracinta, Prunella Carrard, Irène Buche, Antoine Droin, Lydia Schneider Hausser : Plaine de l'Aire : priorité aux logements !

Suite du premier débat

Le président. Nous reprenons maintenant le débat sur les Cherpines-Charrotons. (Commentaires.) Excusez-moi, nous avions dit que nous poursuivrions ce débat demain si nous ne finissions pas d'examiner les urgences; comme nous avons terminé ce soir de les traiter, il est évident que nous reprenons la discussion de tout à l'heure là où nous l'avons laissée. Je passe donc la parole à M. Girardet. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean-François Girardet. Nous reprenons donc les débats là où nous les avions laissés avant le repas, à savoir que nous discutons du déclassement des Cherpines, cette zone agricole de 58 hectares que l'on s'apprête à déclasser pour y construire des logements ainsi qu'une zone sportive, et que l'on déclasse également pour de l'industrie et du commerce. Mon groupe, le MCG, approuvera ce projet de loi de déclassement, mais personnellement je tiens quand même à rendre publique la position des agriculteurs, puisque jusqu'à présent - sauf par M. le député Leyvraz - cette dernière n'a pas été défendue officiellement par le représentant d'AgriGenève ou par la présidente des paysannes genevoises.

Je pense que les agriculteurs ont déjà énormément donné et que, comme Mme Mahrer, rapporteure de minorité, l'a rappelé, il y a déjà énormément de zones agricoles qui ont été déclassées pour la construction de logements. Je connais effectivement celle de Meyrin, les Vergers, qui, je le rappelle, permettrait de construire 1300 à 1500 logements sur 15 hectares, depuis qu'une loi de déclassement a été votée par ce Grand Conseil en juin 2006. Donc depuis 2006, voilà 15 hectares qui sont prêts à être construits: il n'y a eu aucune opposition, tout est prêt, et le PLQ a été accepté par le Conseil municipal. Sur cette zone, on pourrait construire au moins 1200 logements, or cela fait depuis 2006 qu'il n'y a rien; et pourtant, M. Cramer, quand il était conseiller d'Etat, avait déjà promis pour 2007 les grues sur ce chantier, mais aujourd'hui, rien, nada, ce terrain est toujours à l'agriculture.

Alors on nous dit du côté des bétonneurs de ce canton qu'il faut absolument déclasser des terrains agricoles. Je demande au conseiller d'Etat Muller, qui brille par son absence, mais qui entendra certainement cette question: pourquoi met-on autant de temps, alors qu'il n'y a pas d'opposition pour construire à Genève ? A Meyrin, on nous annonce de la construction pour 2014. Cela signifie qu'il faut huit à dix ans entre le moment où ce Grand Conseil vote une loi de déclassement et celui où l'on commencera à mettre à disposition des logements. Pour la Chapelle-Les Sciers ou les Communaux d'Ambilly qui, depuis 2003, sont déclassés, on nous a également annoncé qu'il faudrait attendre jusqu'en 2018 pour éventuellement mettre à disposition des logements. Alors l'agriculture a besoin de ces terrains ! Les Charrotons sont un terrain extrêmement fertile, puisque c'est une zone alluviale, une plaine alluviale, et chacun reconnaît l'excellente production de ces terrains. C'est effectivement un terrain d'alluvions très fertile et très riche pour le canton, notamment pour l'approvisionnement en culture maraîchère.

Je pense qu'avant de pouvoir déclasser ce terrain - mais là je m'exprime au nom des agriculteurs pour le maintien de ces zones agricoles - il faudrait d'abord bâtir, et rapidement, sur les zones qui sont déjà déclassées et pour lesquelles il ne manque plus que les promoteurs afin que l'on puisse construire des logements pour les Genevois qui attendent cela depuis trop longtemps.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a une motion d'ordre de M. Deneys, semble-t-il.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. En vertu de l'article 79 de notre règlement, compte tenu de l'absence du conseiller d'Etat chargé de ce dossier qui semble extrêmement important pour l'avenir de Genève, et quel que soit notre point de vue à ce sujet, je demande que la séance soit suspendue, si M. Muller peut se joindre à nous d'ici à quelques minutes, voire levée jusqu'à demain, pour que ce débat se fasse en sa présence, notamment parce qu'un certain nombre de questions sont posées et que nous devons avoir aussi des réponses de sa part. Je vous demande donc de soutenir cette demande de suspension ou de levée de séance.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous annonce que M. Muller arrive: il sera là d'ici à deux ou trois minutes. Nous allons maintenant voter cette motion d'ordre. Je rappelle que, pour une telle demande, il faut une majorité des deux tiers.

Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 46 oui contre 37 non et 4 abstentions (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. Nous poursuivons donc notre débat, et je passe la parole à M. Dandrès.

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Le débat concernant le déclassement de la plaine de l'Aire fait rage depuis plusieurs mois déjà dans la république, et certains ont soulevé le fait - à mon avis à juste titre - que les agriculteurs avaient déjà payé un tribut assez lourd à la crise du logement. Qu'ils se rassurent, parce qu'il semblerait que le Conseil d'Etat veuille à partir d'aujourd'hui entreprendre une densification de la zone villas, ce que bien entendu les socialistes voient d'un bon oeil. Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que nous ne parviendrons pas à loger les 4000 ou 5000 personnes qui chaque année viennent s'installer à Genève - sans compter celles qui sont déjà actuellement à la recherche d'un logement - sans toucher à la zone agricole. Réaliser du logement sur une zone agricole, sur une zone non bâtie, prend en principe deux à trois fois moins de temps que de densifier une zone déjà construite. Il faut donc se résoudre à sacrifier une partie de la zone agricole, mais pas à n'importe quel prix. Il est hors de question, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de la plaine de l'Aire subisse le même sort que les Communaux d'Ambilly où quelques dizaines d'hectares ont été sacrifiés pour construire à peine 2400 logements, qui plus est sur deux décennies.

Or, malgré les qualités urbanistiques indéniables du projet en question - c'est-à-dire le projet lauréat qui a été présenté au public vendredi - ce dernier ne prévoit que 2500 logements, dont en plus on ignore le type. Selon les calculs qui ont été montrés au public, le projet atteindrait dans sa forme actuelle à peine 0,6 de densité, alors que l'Etat s'était engagé à construire avec une densité minimale de 1. L'exemple du quartier de Vauban montre également qu'il est parfaitement possible de construire entre 3000 et 4000 logements sur ce secteur, et ce n'est pas M. Muller qui me contredira. Nous ne pouvons pas gaspiller le sol aujourd'hui, ce d'autant moins que le Conseil d'Etat a annoncé son intention d'accueillir 100 000 personnes de plus d'ici à 2030, et que déjà actuellement quelques dizaines de milliers de personnes cherchent désespérément un logement.

Mais construire n'est pas tout, Mesdames et Messieurs les députés: il faut encore créer des logements qui répondent aux besoins de la population. La pénurie de logements ne frappe pas de la même manière toutes les catégories sociales et, depuis le début de la dernière législature, l'accent a été mis de façon marquée sur la construction de logements destinés à la vente et sur la construction de villas, qui ont représenté jusqu'aux deux tiers des constructions effectuées. Or il faut rappeler que le salaire médian à Genève s'élève à environ 6000 F par mois et qu'un appartement de cinq pièces se loue à peu près 2700 F par mois selon l'office cantonal de la statistique. Alors ces loyers - qu'on peut qualifier de délirants - que réclament les bailleurs, en profitant naturellement de la crise, excluent de facto la moitié de la population du canton du marché locatif privé. Je pense notamment aux familles monoparentales ou à celles dont les parents - nous en avons parlé tout à l'heure - auraient des employeurs tels ISS-Aviation, qui versent des salaires dérisoires, à peine supérieurs à certains minima. Ces personnes n'ont pas d'autre choix, pour pouvoir trouver un toit, que de déposer des dossiers de candidature avec les 5000 autres personnes qui sont déjà en attente à l'office du logement, ou avec les 3000 autres personnes en attente à la Gérance immobilière municipale.

Les familles de la classe moyenne ne sont guère mieux loties, puisqu'elles doivent se partager les quelques dizaines de logements vacants. Uniquement quelques dizaines ! Et elles n'ont pas d'autres solutions, puisqu'elles n'ont pas les moyens d'acheter leur logement. On peut donc effectivement conclure que la politique qui a été menée par le Conseil d'Etat jusqu'à présent vise et favorise un certain nombre de personnes privilégiées qui peuvent trouver les fonds suffisants pour acquérir un appartement. Du reste, je ne résiste pas à l'envie de citer quelques exemples que j'ai trouvés sur le site internet d'une grande régie romande, où l'on propose par exemple un appartement de quatre pièces en ville de Genève qui se vend, Mesdames et Messieurs les députés, 1 180 000 F. Et je tiens à préciser que les logements que je mentionne n'étaient de loin pas les plus chers: j'ai fait attention qu'il ne s'agisse pas de duplex ou d'appartements de plus de 150 m2, par souci d'objectivité. Un autre appartement de quatre pièces au Grand-Saconnex - j'ai vérifié, il n'est pas situé dans le village - coûte 1 300 000 F. Et ce qui est assez extraordinaire sur le site de cette régie - site vraiment intelligemment fait - c'est qu'il constitue une sorte de statistique. Lorsque l'on entre les données, on voit que, pour des appartements entre trois et cinq pièces, la moyenne du prix d'acquisition est de 1,3 million. Alors inutile de préciser, Mesdames et Messieurs les députés, que l'écrasante majorité des locataires fait les frais de cette politique qui est à mille lieues des engagements qui ont été pris par le Conseil d'Etat en 2006, lorsque le protocole d'accord sur le logement a été signé. Les socialistes souhaitent donc que le Conseil d'Etat s'engage aujourd'hui à ce que les logements qui seront construits sur la plaine de l'Aire aient des loyers bon marché et correspondent aux besoins prépondérants de la population. C'est du reste l'une des invites de la proposition de résolution 611, que les partis de l'Entente - et je les en remercie - ont accepté de voter. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Que cela soit clair, je crois que personne ne s'oppose à la densification de ce périmètre des Cherpines. Elle est préconisée autant dans le plan directeur cantonal actuel que dans le futur projet d'agglomération. Cependant, malgré le fait que cela date de 2001, personne ne s'est posé la question de savoir comment on allait reloger les agriculteurs, depuis ce temps-là, et ce qu'on allait leur offrir. Cela fait presque neuf ans, et le relogement des exploitants agricoles n'a toujours pas trouvé de solution aujourd'hui; malgré tout ce qui a été dit ce soir, il n'y a pas de garantie ! On nous dit qu'ils n'auront qu'à aller de l'autre côté de l'autoroute, dans la zone agricole spéciale, or je rappelle que cette zone agricole spéciale qui a été négociée pendant de longues années est destinée uniquement à la culture hors sol. Allons-nous maintenant cultiver notre cardon directement dans le bocal ? A mon avis, ce n'est pas la solution qui est souhaitable.

Par ailleurs, d'autres personnes ont parlé du fait que les propriétaires - qu'ils soient exploitants ou non - étaient tous d'accord de vendre. Peut-être, mais pas à n'importe quel prix. Or c'est le prix qui aujourd'hui pose problème, selon que l'on se trouve dans la zone industrielle future ou dans la zone de développement côté logements qui est prévue: d'une centaine de francs, on passe à 5 ou 6 fois le prix par m2. Alors je suis désolée, mais tant que l'on n'aura pas réussi à trouver un prix unique, ce que souhaitent les propriétaires, eh bien on n'aura pas non plus résolu ce problème-là, à savoir de ne pas léser les propriétaires.

Ensuite, on parle de construire du logement pour les habitants. Vraiment ? Attendez, les communes - on le remarque - préfèrent, et de loin, des entreprises. Parce que les entreprises rapportent, alors que les habitants coûtent ! La preuve, c'est que l'on voit que ce projet prévoit une zone industrielle de 25 000 m2. Construire du logement pour les habitants, mais lesquels ? La région accueille plus de 10 000 habitants de plus par an, or le projet prévoit 2500 logements, sur 58 hectares. Combien de personnes va-t-on caser: 6000 habitants seulement ? On est loin du compte. Et s'agira-t-il véritablement des Genevois ? Tout le monde ici parle de cette zone industrielle qui est absolument nécessaire pour accueillir des cleantechs, des medtechs, des biotechs, bref, des termes anglo-saxons... (Commentaires.) Les emplois seront aussi probablement anglo-saxons et sans doute les logements le seront-ils aussi. Et qui restera désoeuvré, avec toujours ce problème du chômage ? Eh bien ce sont les Genevois. A quoi cela sert-il d'engranger des impôts sur des entreprises nouvellement installées, si c'est au final pour supporter des nuisances qui rongent notre vie quotidienne ? La pollution, l'urbanisation tentaculaire, la détresse sociale, les loyers exorbitants, un exil en France pour tous ceux qui souhaitent devenir ou rester propriétaires... Ce choix politique coûte cher à l'Etat, dont le budget d'ailleurs est prévu déficitaire.

Le territoire du canton et de la région est limité. Genève ne peut tout simplement pas continuer à attirer toujours davantage de nouvelles entreprises pour assurer son développement. Nous devons accepter le fait que nos ressources et notre territoire sont limités, et envisager de nouvelles pistes pour assurer une vie harmonieuse à nos habitants. Par exemple - on l'a mentionné précédemment - peut-être conviendrait-il de revoir la formule «un logement, un emploi» pour celle de «deux logements, un emploi», pendant une certaine période, histoire de résorber le problème pour les habitants qui résident déjà dans notre région.

Enfin, il faudrait au moins tenter de faire en sorte que le projet soit exemplaire au niveau durable. Est-il véritablement durable de construire, de bétonner les dernières terres fertiles ? Je ne reviendrai pas sur le problème des terres fertiles, il a été largement débattu. En revanche, j'insisterai sur le fait que la coopérative des Charrotons, qui n'a pas trouvé son espace, mène un projet social. Elle fournit 130 familles aujourd'hui, et elle permet également à des chômeurs et des personnes de l'Hospice général d'être accueillis sur ce terrain. Cette coopérative propose une construction en hauteur, qui préserverait une partie des terres pour la culture. De la véritable hauteur côté zone industrielle. Pourquoi ne prévoit-on pas sur cette surface une partie pour la coopérative qui, elle, a un projet durable, lequel permet justement de lier l'agriculture, la production et l'habitat ?

Finalement, c'est le processus actuel qui pose un problème de timing. On nous demande de déclasser alors que l'on ne sait pas aujourd'hui quelles sont les véritables solutions proposées aux exploitants et aux habitants. On nous demande en fait de voter la tête dans le sac ! Alors je suis désolée, mais je refuse personnellement de voter la tête dans le sac, et l'UDC refusera ce projet de loi mal embouti. Pas de déclassement sans bon projet ! (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont fait une campagne sur le fait qu'il fallait créer des logements, et nous n'avons pas changé d'avis. Du reste, Mme Mahrer, qui est trop aimable et qui classe fort bien les archives, nous a gardé un superbe document où je reconnais quelques têtes de personnes présentes dans cette assemblée: deux sur les bancs du Conseil d'Etat, et les autres sur ceux du parti libéral ! Dans cette série-là, nous avions bien évidemment le projet de M. Robert Cramer, qui a beaucoup travaillé sur la possibilité de créer des logements, et avec un slogan extrêmement clair: «Nous ne déclasserons pas sans un projet de qualité.» Ces personnes-là avaient lutté pendant toute la campagne - il y a un long texte, dont je vous fais grâce - pour que l'on ne construise pas à cet endroit-là. Cela dit, nous n'avons toujours pas changé, et nous pensons que, dans les zones où l'on peut bâtir, il faut densifier. Aux endroits comme les Communaux d'Ambilly, qui ont été déclassés, nous avons estimé qu'il fallait densifier et que la densité aujourd'hui obtenue n'est pas suffisante.

Nous avons une zone agricole qui est faible et donc extrêmement précieuse. Notre agriculture, vous le savez, est addict au pétrole. Aujourd'hui, pour produire de la nourriture, vous devez injecter une quantité astronomique de pétrole, c'est pourquoi les Verts se sont toujours battus pour une agriculture de proximité, celle que l'on pratique à Genève, pour une agriculture de qualité, celle que l'on pratique à Genève, et nous allons plus loin, pour sortir de cette addiction au pétrole, en recommandant une agriculture contractuelle de proximité, telle que celle qui est pratiquée par les Charottons.

Nous avons des solutions que nous vous avons proposées, qui permettent de respecter logement et agriculture: la solution de l'agroquartier. J'étais la semaine passée à Bordeaux, et j'ai été surpris: il y a un maire qui ne me semble pas être un furieux gauchiste, un certain M. Juppé, et que propose-t-il pour sa ville de Bordeaux, en dehors du fait qu'il a couvert la ville de trams, qu'il a créé de vraies pistes cyclables, qu'il réalise un développement de qualité et qu'il est sur une logique de zéro pesticide pour l'utilisation de sa municipalité ? Du reste, en tant que Vert, je suis obligé de reconnaître et de dire que ce qu'il a fait est admirable. Eh bien, son projet suivant, c'est un agroquartier ! Et il vous le dit aujourd'hui: on peut créer des agroquartiers.

Aujourd'hui, à l'occasion du déclassement, ce que l'on nous propose - et nous n'avons pas de projet de qualité - c'est un stade, c'est une zone industrielle. Le logement devient quelque chose de marginal, et ce que l'on nous propose, c'est de supprimer l'agriculture à cet endroit-là ! Ce n'est pas du tout le projet que nous défendons ! J'ai été fier de voir tout à l'heure les gens des Charrotons qui étaient là, parce que - je me rappelle - lorsque j'étais à l'école d'horticulture, nous passions, pour aller aux cours de culture maraîchère, sous la devise des plantaporrêts, les planteurs de poireaux, les maraîchers genevois, qui disaient ceci: «Nous cultivons des terres que nous saurons défendre.» C'était une devise martiale que j'appréciais fort peu à l'époque, mais aujourd'hui je la fais mienne d'un point de vue politique. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous cultivons des terres que nous saurons défendre, d'un point de vue politique, et je vous remercie de refuser ce projet de loi, parce que nous resterons fidèles à la devise des plantaporrêts genevois. (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je me permettrai de rappeler tout d'abord une fois encore que si certains groupes montent aux barricades aujourd'hui contre ce projet, cela fait effectivement dix ans que nous savons que, dans le cadre du plan directeur, cette zone devrait être déclassée. Et depuis toutes ces années, je n'ai pas l'impression que cette question-là ait beaucoup ému ces groupes qui aujourd'hui montent aux barricades.

J'aimerais aussi rappeler à M. Bavarel - qui vient de regretter, semble-t-il, que le projet proposé ne soit pas de qualité - que ce dernier, qui a été présenté en séance publique il y a quelques jours, reprend dans les grandes lignes et va même plus loin qu'une réalisation que nous citent en exemple depuis des lustres les Verts notamment: le projet de Vauban, à Fribourg-en-Brisgau. C'est un écoquartier du même type qui est prévu dans la plaine de l'Aire, c'est la mobilité douce qui sera au coeur de ce projet - mobilité douce que nous vantent aussi d'ailleurs à juste titre les Verts depuis très longtemps - donc je crois que c'est véritablement un quartier de qualité que rendra possible ce déclassement des Cherpines-Charrotons.

Vous nous avez également parlé, Mesdames et Messieurs des Verts, de la nécessité de préserver l'agriculture de proximité. Evidemment, nous souscrivons à cette nécessité, je crois que tout ce qui a été fait à Genève notamment dans le cadre de Genève Région - Terre Avenir est magnifique et doit être développé, mais ce ne sont pas les quelques hectares qui seront déclassés qui vont remettre en question ce processus d'agriculture de proximité à Genève. Vous avez aussi évoqué cette coopérative, qui nourrit de façon évidemment optimale en termes de qualité 130 familles, j'ai cru comprendre; c'est très bien, mais vous faites beaucoup moins de cas, Mesdames et Messieurs les Verts, des centaines de familles qui, si ce projet ne voit pas le jour, vont continuer à devoir s'expatrier en France voisine ou sur le canton de Vaud. M. Bavarel vient de nous parler du pétrole, pourtant les Verts semblent se soucier très peu des centaines de familles qui sont obligées de parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour pour rejoindre leur lieu de travail, et vous prétendez défendre quelques familles qui cultivent bio sur des terres effectivement fertiles. Je crois que là, le discours des Verts n'est plus tout à fait cohérent...

Concernant la nécessité de développer des projets qui permettent de construire suffisamment de logements, je crois que tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord, sauf que pour créer ces logements, eh bien il faut trouver le moyen de mettre les grues en activité, cela a été soulevé à plusieurs reprises. On nous dit dans cette enceinte qu'il y a des projets déclassés où rien ne démarre. Mais pourquoi rien ne démarre, Mesdames et Messieurs les députés ? Parce que précisément ce qui s'est fait de façon exemplaire pour les Cherpines-Charrotons ne s'est pas fait de la même manière pour les Communaux d'Ambilly ou pour la Chapelle-Les Sciers. Nous avons ici, dans le cas qui nous occupe, un front uni - et j'insiste là-dessus - des deux communes concernées, Plan-les-Ouates et Confignon, et du Conseil d'Etat. Ce front uni va dans le sens d'un projet équilibré, et je me permets d'insister sur le rôle joué par le PDC dans la recherche de cet équilibre. Tout à l'heure, vous allez voter, je l'espère, le rapport de majorité, qui intègre la proposition de motion démocrate-chrétienne; cette dernière a certes été amendée en commission, mais elle demande précisément un équilibre dans l'affectation du périmètre qui sera déclassé. Que prévoit cet équilibre ? Il prévoit évidemment qu'une majorité de la surface soit dévolue au logement; c'est une évidence, il y a l'absolue nécessité à construire de nouveaux logements à Genève. Dans ce sens, nous l'avons dit et nous le répétons, nous sommes prêts à soutenir dans la proposition de résolution du groupe socialiste.

Cet équilibre va également - et c'est une nécessité - dans le sens de permettre à Confignon, qui a beaucoup construit de logements ces dernières années, de bénéficier d'une zone d'activités, qui sera idéalement placée, le long de l'autoroute de contournement, dans la continuité de la ZIPLO. A mon avis, ce n'est pas - comme le prétendent certains dans les rangs des Verts - une hérésie que d'imaginer utiliser quelques hectares pour continuer notamment à développer les cleantechs. Je crois que vous êtes sensibles à ces technologies qui sont importantes pour l'avenir, y compris dans le domaine de l'environnement; eh bien, ce périmètre le permettra.

Enfin, l'équilibre va également dans le sens de permettre de développer, non pas de façon excessive - et là je crois qu'il faudra modérer quelques ardeurs - une zone de détente, une zone sportive, une zone culturelle, une zone scolaire, Mesdames et Messieurs les députés. En effet, il est important que nos élèves puissent intégrer des écoles qui ne soient plus éternellement des pavillons provisoires, mais des vraies écoles dans ce périmètre, et cet équilibre le permet; avec le développement maîtrisé des espaces publics et de la zone sportive.

Je crois que les garde-fous sont suffisants, dans les textes que nous allons voter ce soir, pour que ce projet soit réellement équilibré. Nous avons une proposition de motion, nous avons une proposition de résolution des socialistes, et nous avons un projet de loi qui va dans ce sens et qu'il faudra soutenir tout à l'heure.

Permettez-moi de terminer, Mesdames et Messieurs les députés, avec un aspect figurant dans la proposition de motion démocrate-chrétienne qui a été peu évoquée ce soir, aspect qui me paraît essentiel. Cette fois, je me tournerai plutôt du côté des rangs libéraux et radicaux, pour leur rappeler qu'il serait irresponsable de soutenir ce projet sans prévoir un développement important des transports publics. Et j'insiste sur un point qui a parfois été contredit par certains dans les rangs libéraux et radicaux, à savoir l'absolue nécessité de développer parallèlement à ce projet le tram vers Saint-Julien depuis l'une des gares CEVA. Est-ce que ce sera la gare de Lancy - Pont-Rouge ou la gare du Bachet ? Nous le verrons. Des études sont déjà en cours, et elles continueront à être menées dans ce sens. Très prochainement - puisque certains souhaitaient que les choses soient faites dans le bon sens - une demande de modification de la loi sur le réseau des transports publics sera proposée à ce parlement, et j'espère qu'à ce moment-là ceux qui appellent de leurs voeux le développement de ce périmètre voteront aussi massivement le développement des transports publics, en particulier du tram, dans cette région.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'aller dans le sens de l'équilibre, de l'équilibre entre le logement, les zones d'activités et les zones de loisirs, de détente et de sport; en précisant que pour cette dernière il s'agit de répondre aux besoins de la commune et de sa région et non pas de créer un mégaprojet de centre sportif comme certains veulent le dépeindre. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus, et le groupe démocrate-chrétien vous invite à suivre le rapport de majorité et à soutenir le projet de loi, la proposition de motion et la proposition de résolution socialiste. (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serai assez brève. Les socialistes ont toujours soutenu la création de logements, en particulier de logements sociaux, appelés actuellement LUP. On a déjà discuté en long et en large et l'on s'est déjà exprimé sur la résolution que nous avons déposée. Du reste, l'un des points importants vient d'être relevé par le député PDC.

Pour les socialistes aussi, il est important voire indispensable, si ce périmètre vient à être déclassé, qu'en plus d'une densification de logements il y ait un redimensionnement du centre sportif et de loisirs et que ce dernier soit adapté aux besoins des gens résidant dans la région, et non pas un mégacentre de loisirs commercial. Mais je ne vous cacherai pas qu'un certain nombre de socialistes ont discuté et vont certainement voter ce soir ce projet un peu à contre-coeur. Pourquoi ? Il ne s'agit pas tellement des Cherpines-Charrotons, mais plutôt du fait que nous avons actuellement à Genève, si le Conseil d'Etat mettait à exécution toutes les constructions possibles sur les zones déclassées, un potentiel d'environ 35 000 logements. En termes de plans localisés de quartier déjà entrés en force, si le Conseil d'Etat mettait à exécution la cause d'utilité publique, voire osait aller jusqu'à des expropriations à certains moments, on pourrait sans autres très rapidement construire 10 000 logements. Et ceci - et c'est bien cela qui fait mal au ventre - sans être confrontés, comme nous le sommes ce soir, à la question du déclassement d'une zone agricole importante et primordiale sur Genève, comme on l'a rappelé. Mais le parti socialiste est quand même un parti qui voit, qui entend et qui connaît beaucoup de gens qui vivent à Genève dans des situations, au niveau du logement, inacceptables: ils sont entassés dans des studios ou dans des deux pièces, etc. Il est urgent, c'est vrai, de construire. Et malheureusement, pour répondre à cette urgence - urgence en termes de logements - le parti socialiste aura à se positionner sur ce déclassement; mais comme l'ont dit mes prédécesseurs du PS, nous assumerons le fait de déclasser malheureusement cette zone, je le relève ici, par suite d'une politique mollachonne, voire plus, de nos exécutifs sur la question de la création de logements, ce que je regrette très profondément. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, il m'incombe de jouer la voiture-balai ! J'aimerais tout d'abord dire à notre ami Leyvraz - Monsieur le président, vous lui transmettrez ! - que, effectivement, on ne pourrait qu'être d'accord avec son brillant plaidoyer pour l'avenir de la planète, s'il n'y avait pas la nécessité absolue de construire des logements. Et il faut bien que l'on revienne un peu sur terre - c'est le cas de le dire - et que l'on trouve des solutions.

Deuxième petite précision, et je viens un peu au secours des libéraux. Effectivement, il y a un dépliant qui a été montré tout à l'heure, où je crois que les libéraux parlaient de 30 000 habitants en plus sur la plaine de l'Aire; ici - et le groupe radical a vraiment l'intention et la conviction de faire tout ce qu'il peut pour densifier - il s'agit d'arriver à construire pour environ 10 000 habitants. En effet, si l'on crée 3000 à 4000 logements, à raison de trois personnes par logement, cela fait à peu près 10 000. Donc je crois que, par rapport à votre dépliant, l'intention n'était pas d'imposer 30 000... (Commentaires.)

Je pense que tout a été dit. Cependant, Monsieur le président, j'aimerais m'adresser aux deux partis qui sont opposés à ce déclassement, non pas pour les fustiger, mais simplement pour attirer leur attention sur certaines de leurs contradictions. L'un de nos collègues de l'UDC, qui prône la densification... Je crois qu'il a été relevé à plusieurs reprises qu'il faut densifier dans les zones constructibles déjà déclassées, les zones de développement, les zones de développement où il y a des villas, or ce que j'ai constaté de la part de l'UDC, en tout cas par la voix de certains de ses députés et à travers les nombreuses lettres de lecteurs, où vous vous érigez en défenseurs des propriétaires de villas - je le dis et vous l'avez dit - c'est que vous, UDC, êtes contre la levée des servitudes croisées, vous êtes contre le déclassement des villas ou la densification en zone villas, et vous êtes contre le déclassement agricole. Alors dites-moi quelle solution vous pouvez apporter à cette problématique, puisque nous exportons nos jeunes en France voisine... (Commentaires.) Ça, c'est la petite remarque que je voulais vous faire. Donc soyez cohérents, c'est tout !

Je m'adresse maintenant aux Verts, Monsieur le président. Je vous rappelle que c'est un conseiller d'Etat Vert qui a conduit le projet d'agglomération franco-valdo-genevois. C'est lui qui l'a mené, en tout cas pour Genève. Il y a eu une répartition, et l'on s'est tous mis d'accord pour répartir la construction de logements et d'emplois dans la région franco-valdo-genevoise ! Genève doit réaliser sa part, à peu près 30 000 logements, c'est-à-dire 3000 par année. Il va donc bien falloir réaliser cette région ! Alors je vous demande, chers collègues, de voter ce déclassement dans le sens de la région. C'est extrêmement important.

Deuxième remarque à l'intention des Verts: c'est vrai que l'on a voté plusieurs grands déclassements - je regarde Mme Mahrer, nous y étions - et qu'il n'y a pas de grues, on ne fait rien. Mais je vous rappelle qu'après le vote du Grand Conseil, c'était au département de négocier avec les communes et de finaliser cette décision de déclassement ! PLQ, PDQ, tout ce que vous voulez ! Or votre ancien patron, notre cher Robert Cramer, s'en est allé il y a deux ans, et c'est quand même en partie sa responsabilité... (Exclamations. Commentaires.) ...de n'avoir pas conclu et négocié avec les communes. C'est en partie sa faute ! Donc on ne peut pas reprocher, vous ne pouvez pas reprocher à la majorité de ce parlement de n'avoir rien fait.

Des voix. Ah si ! Si si !

M. Gabriel Barrillier. Dernière remarque, parce que je crois que tout a été dit. Il se trouve que je connais un certain nombre de maraîchers dans la région dont nous parlons: Charrot, Bardonnex, La Plaine, etc.

Une voix. Nous aussi on les connaît !

M. Gabriel Barrillier. On les connaît, et certains sont de ma famille, alors je vais quand même quelquefois dans les cours de Charrot pour discuter. J'écoute, on parle, etc. Et je leur ai demandé: «Mais ce cardon, est-ce qu'on ne le fait que dans la plaine de l'Aire ? On ne le fait pas ailleurs ?» Et même le directeur de l'Union maraîchère de Genève, qui sait quand même de quoi il parle - vous le connaissez tous - m'a dit que les zones spéciales s'étendent sur toute la plaine de l'Aire, jusqu'à Lully, Bardonnex, Troinex, Veyrier. Donc l'avenir du cardon n'est pas en jeu, chers collègues ! (Exclamations.) Alors en fin de compte, les radicaux, comme toujours, priorisent l'intérêt général, et vous invitent à voter ce déclassement. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Une voix. Un grand moment !

Le président. Merci, Monsieur le député. La liste est close, Monsieur Florey ! (Remarque.) Non, la liste est close. Je propose que l'on achève le premier débat: je vais donc donner la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat. Ensuite, on votera l'entrée en matière et l'on poursuivra la discussion demain. La parole est à Mme Mahrer.

Mme Anne Mahrer (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites, et de nombreuses imprécisions aussi. Parlons du projet d'agglomération et, effectivement, du rééquilibrage qu'il représente entre l'attractivité du canton en matière d'emplois et de logements pour ce qui est de Genève et de la France voisine. Je constate, après avoir lu un article dans la «Tribune de Genève», que M. Béglé fait la tournée des popotes concernant toutes les entreprises cleantech. Sur la carte qui était présentée dans cet article, on voyait le bassin et l'arc lémaniques, mais on n'avait pas le sentiment, puisqu'il faut des emplois et des entreprises sur France, que ces entreprises pourraient - pourquoi pas - s'implanter sur France et y rééquilibrer comme il se doit les emplois. A force de dire que ce n'est pas possible et de ne pas tenter, on est en totale incohérence avec le projet d'agglomération.

D'autre part, M. Aumeunier disait que les Verts paralysent Genève... Mais quel pouvoir nous avons, Monsieur Aumeunier, c'est exceptionnel, et nous sommes tout à fait conscients de ce pouvoir ! J'aimerais tout de même rappeler que, jusqu'à présent, la ville s'est développée aux dépens de la zone agricole. Alors bien sûr, Genève est face à des défis immenses, mais je crois qu'il faut maintenant examiner et renouveler notre façon de faire, et considérer l'agriculture périurbaine comme une dimension du projet d'aménagement, voire comme un outil d'urbanisme. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que c'est quelque chose que l'on peut envisager; sur le périmètre des Cherpines-Charrotons, c'est même quelque chose qui doit être envisagé ! C'est possible: on évite de construire 12 000 m2 de centre sportif, et l'on évite de construire 2000 places de parking, puisque le tram viendra jusque-là.

Les Verts ne se contentent pas de défendre Cherpines-Charrotons et la coopérative, ou encore le cardon de M. Boehm: les Verts ont une vision beaucoup plus globale et souhaitent que toutes ces choses-là soient prises en compte aujourd'hui et demain, et je pense que le cahier des charges qui a été fourni aux personnes qui ont présenté des projets, dont celui qui a été retenu, ne devait probablement pas mettre l'accent sur le logement, puisque le projet est ce qu'il est - nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, il est urgent d'attendre, de surseoir à ce déclassement et de ne pas voter l'entrée en matière. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Tout d'abord, un petit message personnel à l'intention de M. Barrillier, que j'invite à regarder la proposition de motion 1923 - point 61 de l'ordre du jour - qu'il a signée et qui s'intitule: «Pour un soutien aux productions de l'agriculture genevoise». Mais en l'écoutant, l'agriculture genevoise sera bientôt en France voisine, donc cela pose un problème ! Au demeurant, ce n'était pas mon propos, j'ai transmis le message.

En revanche, concernant ce projet de déclassement, ce que j'aimerais dire en priorité, c'est que nous n'avons en réalité pas besoin de déclasser ce périmètre pour réaliser du logement à Genève. En effet, il existe bien entendu d'autres périmètres sur lesquels on pourrait construire, et notamment la zone villas, qui occupe une part considérable du territoire, avec une densité extrêmement faible, et qui est par ailleurs fortement polluante, ne serait-ce qu'à cause des jardins, des piscines et des voitures. Mais bien entendu, la réalité fait que les Cherpines et les Charrotons sont un périmètre extrêmement opportun pour réaliser rapidement du logement. Et c'est bien là d'ailleurs, je pense, que se situe une partie de l'enjeu: on ne peut pas simplement dire que nous allons réaliser du logement un jour, mais que ce jour sera dans vingt, trente ou quarante ans.

En outre, cela a certainement aussi le mérite d'arranger les affaires du conseiller d'Etat, qui n'a pas un bilan extrêmement favorable à présenter à ce jour: en déclassant la plaine de l'Aire, on pourra certainement y réaliser du logement bien avant d'autres périmètres.

Pour le reste, s'agit-il - pour reprendre l'expression de M. Dal Busco - d'un quartier novateur ? Alors d'accord, c'est un quartier novateur si vous m'offrez un bon verre de rouge - genevois, bien entendu - que vous me mettez une petite musique douce, avec une lumière tamisée, et que vous me chuchotez au creux de l'oreille: «Ce sera un joli quartier !» Peut-être que je vais vous croire mais, malheureusement, ce n'est pas la réalité. En effet, dire que c'est un écoquartier, alors qu'on parle d'une patinoire pour 10 000 spectateurs et d'un event center, et qu'il est question de 1,6 place de parking par habitant sur le périmètre... Je suis désolé, mais ce n'est pas un quartier durable, ce n'est pas un quartier d'avenir ! Et dire que c'est exemplaire parce que ce sera du Minergie Plus, c'est tout simplement ridicule, puisque depuis la nouvelle loi sur l'énergie on peut construire 20% de plus, car il y a des droits d'utilisation du sol supplémentaires si l'on bâtit aux normes Minergie Plus. Par conséquent, cela permet en l'occurrence de densifier, mais ce n'est pas exemplaire du tout; c'est juste la norme aujourd'hui en 2010.

Alors maintenant, faut-il voter ce déclassement ce soir ? Mon parti est favorable, parce qu'il a confiance en les capacités du Conseil d'Etat à mener à bien ce projet, conformément aux objectifs du plan directeur cantonal de 2001. Toutefois, il se fait beaucoup de souci, et personnellement je m'en fais encore plus, parce que pour avoir siégé à la commission d'aménagement, je me pose plusieurs questions quant à la volonté réelle du Conseil d'Etat de réaliser du logement en priorité. Du reste, j'aimerais que M. le conseiller d'Etat réponde aux quelques questions que voici: Monsieur le conseiller d'Etat, quelle est d'après vous la taille maximale de la zone sportive et de loisirs qui est acceptable dans un périmètre de 58 hectares ? Monsieur le conseiller d'Etat, que pensez-vous de la réalisation d'une patinoire à destination régionale dans ce périmètre ? Monsieur le conseiller d'Etat, que pensez-vous de la réalisation d'un event center ? J'ai d'ailleurs appris que Plan-les-Ouates continue d'avancer, parce que pendant que j'écoute mon violon avec mon verre de rouge, la commune de Plan-les-Ouates continue à faire son hard-rock dans son coin, et en l'occurrence on parle d'un projet à 200 millions avec un event center et un centre commercial, sur ce périmètre, ce qui n'est pas acceptable. Et enfin, Monsieur le conseiller d'Etat, combien de logements voulez-vous construire ? Personnellement, Monsieur le conseiller d'Etat, je vous fais confiance, je sais que cela ne dépend pas que de vous, mais j'aimerais connaître vos objectifs: quels sont vos objectifs à vous et quelle énergie allez-vous mettre pour les réaliser ? C'est aussi cela que j'attends comme réponse avant de savoir quelle sera ma position personnelle sur ce dossier.

M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Vu les questions posées au Conseil d'Etat et l'heure qui avance, je vais essayer de ne pas être trop long.

Au niveau de la densité, ceux qui ont lu le rapport en détail auront vu dans certaines fiches annexes qu'il est prévu 3000 logements pour 336 000 m2, ce qui fait une densité moyenne de 0,8 et non de 0,6 comme cela a été évoqué, sur 72% du périmètre. Et en suivant la proposition de résolution socialiste, cette densité va probablement encore augmenter, mais, de nouveau, ce n'est pas au niveau du déclassement que l'on règle la densité.

Par rapport à l'intervention de Mme Meissner concernant l'équité de traitement et le prix de la zone, je crois que le représentant de l'UDC a voté en commission la motion PDC, dans laquelle il a été demandé qu'il y ait une équité de traitement au niveau du prix du terrain; il faudrait donc peut-être que vous discutiez un peu en interne afin de savoir si vous acceptez les termes de cette motion ou si vous les refusez en plénière.

Encore un petit commentaire sur l'agroquartier de M. Bavarel. Lors d'une séance à la commune de Plan-les-Ouates, M. Philippe Magnin, président de l'association Cynara, responsable de l'AOC du cardon, a bien expliqué que la proximité entre l'exploitation des cardons et les habitations était parfaitement impossible, et pour les habitations et pour les exploitants de cardons, car il est impossible pour eux d'exploiter des cardons dans une zone habitée, pour des questions d'accessibilité de poids lourds, d'arrosage, de traitement et de danger que représente le cardon pour les habitants qui se trouveraient à proximité. C'est donc absolument impossible, et les agriculteurs eux-mêmes ne recommandent pas ce genre de choses. Par rapport à la terre, on m'a également dit que ce qui était important, c'était plus la graine du cardon que le support; donc ce cardon peut aussi être planté ailleurs.

Un dernier petit commentaire à l'intention de Mme Schneider Hausser, au sujet du nombre de logements en projet. Effectivement, s'il y a 35 000 logements en projet, à raison de 2500 logements par année, cela fait environ quinze ans. Par conséquent, si l'on veut construire 2500 logements par année et que les procédures prennent entre dix et quinze ans - ce qui est malheureusement le cas avec toutes les démarches qui ont été mises en place - il faut en permanence 35 000 logements en projet. Ainsi, moi je ne peux que vous recommander de multiplier ces déclassements, afin d'avoir tout le temps un potentiel de 2500 logements par année. Et puis je vous prends au mot: si vous voulez accélérer ces réalisations de logements, accélérons les procédures et enlevons certaines couches qui ont été mises sur ces procédures administratives afin de, rapidement, comme le souhaite M. Deneys, réaliser notamment ce projet des Cherpines.

Je n'insisterai pas sur les questions posées par M. Deneys, pour donner la possibilité au Conseil d'Etat de répondre à ces dernières, et je ne peux que vous recommander chaleureusement, une fois de plus, d'accepter ce projet de loi.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons ce soir au Grand Conseil le premier déclassement d'envergure de la législature. Et l'enjeu de ce débat, la question qui est posée est la suivante: voulons-nous développer Genève de façon intelligente, de façon harmonieuse, de façon concertée avec nos voisins, c'est-à-dire à Genève en priorité, ou voulons-nous poursuivre avec la méthode du laisser-faire, que nous connaissons depuis trop longtemps, et laisser Genève se développer en dehors de ses frontières ? Je crois que poser la question, c'est y répondre, mais je pense qu'il vaut également la peine de rappeler pourquoi il est important de construire à l'intérieur des frontières cantonales.

La première raison, Mesdames et Messieurs, c'est tout simplement pour répondre à la pénurie de logements et permettre à nos jeunes, aux couples qui se séparent et à ceux qui souhaitent déménager - pour plus petit ou plus grand - de le faire en demeurant à Genève, sans que l'on ait besoin d'exiger d'eux qu'ils quittent le canton.

La deuxième raison, c'est pour lutter contre cette exportation du logement en France voisine, exportation qui est à l'origine de nuisances et d'un trafic pendulaire intense qui pollue, fait du bruit, encombre nos voiries et pourrit la vie d'un grand nombre de nos concitoyens.

La troisième raison est un peu plus prosaïque, et on rejoindra là un débat que vous avez eu plus tôt dans la soirée: il s'agit de retenir les contribuables à Genève et de faire en sorte qu'ils paient leurs impôts dans notre canton.

Enfin, il convient également de songer à l'attractivité de Genève, en termes économiques, de manière que nous puissions poursuivre la création d'emplois que nous connaissons fort heureusement, mais qui pourrait être menacée par une pénurie de logements encore plus grave.

Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat est déterminé à atteindre l'objectif de construction de 2500 logements par année, régulièrement, dans les plus brefs délais. Ce ne sera pas pour 2010, ni pour 2011; ce sera, je l'espère, pour 2012 ou 2013, mais l'objectif, c'est une production régulière d'ici à 2030 de 2500 logements par année. Au fond, ce sont 50 000 logements - 50 000 logements ! - en vingt ans: 20 x 2500. Voilà quel est l'objectif que nous poursuivons. Certains trouvent que le Conseil d'Etat pratique une politique mollachonne, d'autres l'accusent de pratiquer la tactique du bulldozer; probablement qu'entre les deux il y a une voie médiane, une voie équilibrée, étroite certes, mais c'est celle que le Conseil d'Etat souhaite emprunter pour atteindre cet objectif.

Alors quel est l'objectif chiffré pour les Cherpines-Charrotons - et je répondrai là à la première question parfaitement légitime de M. Deneys ? L'objectif, c'est 3000 logements dans ce quartier. Le projet qui a été présenté à la commune il y a quelques jours prévoit 2500 logements au minimum - j'insiste là-dessus, c'est au minimum; l'objectif que je poursuis et que je continue à indiquer à mes collaborateurs, c'est 3000 logements. Certains disent: «Attendons, attendons de voir les grues aux Vergers, attendons de voir les grues aux Communaux d'Ambilly, ou encore ailleurs.» A ceux-là, je réponds que les déclassements pour ces derniers périmètres sont intervenus il y a de nombreuses années - plusieurs années pour les plus récents - et, depuis, malheureusement, la lenteur des procédures a fait que nous ne sommes pas encore en mesure d'ouvrir les chantiers. Mais nous devons amorcer la pompe ! Nous ne pouvons pas attendre pendant cinq ans qu'il y ait enfin des logements aux Communaux d'Ambilly ou à la Chapelle-Les Sciers. Parce que si nous le faisons, nous prendrons cinq ans de retard et nous aurons une production anémique - comme celle que nous connaissons aujourd'hui - dans six, sept ou huit ans. Et, au fond, la production insuffisante que nous connaissons actuellement trouve son origine dans la politique un peu mollachonne, probablement, menée il y a dix ans par les autorités genevoises.

Ce qui est intéressant dans ce projet, Mesdames et Messieurs, c'est également sa qualité. Vous aurez noté que nous sommes allés vite depuis le lancement du projet par M. Cramer il y a environ deux ans. En deux ans, nous arrivons avec le déclassement, nous arrivons avec une image, et c'est réjouissant. Au fond, nous avons appris, nous avons appris d'expériences passées, nous savons comment faire aujourd'hui; tout particulièrement lorsque la commune collabore et est un moteur du projet - et je tiens ici à saluer très énergiquement et très chaleureusement les communes de Plan-les-Ouates et de Confignon - nous sommes en mesure d'aller vite dans ce type de projet.

S'agissant toujours de la qualité, nous sommes en présence, Mesdames et Messieurs, d'un écoquartier. Alors certes, d'aucuns aimeraient des agroquartiers, mais je pense que dans quelques années on viendra avec des spatio-quartiers... C'est un écoquartier, c'est un quartier au top de la modernité en termes d'économies d'énergies, de gestion des déchets et de mobilité. Du reste, Monsieur Bavarel, vous avez aimablement rappelé l'excellente campagne électorale libérale d'il y a un an, et ce que nous demandions pour l'urbanisation de cette région du canton, c'était une urbanisation raisonnable. Le mot figure sur le flyer, il est question d'une urbanisation raisonnable, et c'est exactement ce que nous proposons ici ! Il ne s'agissait pas de préconiser l'absence de constructions, ni de prôner des tours aux Cherpines ou à Bernex; non, c'est une urbanisation raisonnable que nous réclamons, et c'est exactement dans cette direction que nous allons ce soir.

Autre enjeu, autre sujet de discussion: la zone sportive. Là aussi, Monsieur Deneys, je veux vous rassurer, et je déclare ici tout à fait solennellement qu'il n'y aura pas d'Arena, pas d'event center et pas de patinoire démesurée dans ce périmètre. Il s'agit d'une zone sportive de cinq hectares - moins de 10% de la totalité du périmètre - destinée à accueillir un centre sportif d'échelle régionale pour les habitants, pour un certain nombre de personnes résidant dans la région et pour les jeunes. En effet, lorsque l'on construit des logements, Monsieur Deneys - j'imagine que vous êtes d'accord ! - il faut faire vivre le quartier, il faut que les habitants puissent s'occuper, se divertir, se dépenser, consommer, et pourquoi pas se cultiver. Et pas seulement des cardons ! Et je crois qu'un centre sportif peut parfaitement participer de ce type de perspective.

Pour terminer, quelques mots sur l'enjeu de la zone agricole. Je partage votre souci de préservation de la zone agricole, Monsieur Leyvraz, et vous le savez, je crois. Cela étant, il y a une pesée des intérêts à faire. Une pesée des intérêts entre la préservation d'une zone représentant moins de 1% de la zone agricole du canton et qui est idéalement placée, à proximité de l'autoroute, à proximité immédiate de la zone urbanisée, et qui sera bientôt traversée par un tram... Alors si ce n'est pas là que l'on déclasse de la zone agricole, il faudra me dire où, parce qu'il n'y a pas de périmètre mieux placé. D'autre part, vous le savez aussi, nous jouissons à Genève d'un corps légal, d'un carcan législatif très contraignant, ce qui nous amène parfois à prendre du retard, mais qui a le mérite de nous garantir une utilisation parcimonieuse du sol. Et les 3000 logements que nous allons construire là, avec des entreprises, avec une école de culture générale et un centre sportif, sur 58 hectares, Monsieur Leyvraz, vous savez bien qu'en France voisine on les construit sur trois fois plus de surface, qu'on mange également sur la zone agricole. Et d'un point de vue régional, vous en conviendrez, nous ne sortons pas gagnants.

Enfin, quid des maraîchers ? Concernant les maraîchers, il y a deux exploitations privées, qui ont trouvé une solution de relogement à quelques centaines de mètres. Ce n'est pas une proposition de l'Etat, ce sont les propriétaires eux-mêmes qui se sont organisés, qui ont pris leur destin et le destin de leur exploitation en main; il y a dix jours j'avais M. Boehm, exploitant du cardon dit de Plainpalais, le cardon épineux, qui rappelait qu'il n'y a pas si longtemps il cultivait ses cardons sur la plaine de Plainpalais; quelques années plus tard, c'était aux Palettes, aujourd'hui, c'est aux Charrotons, et dans quelques années, eh bien ce sera à Perly, quelques centaines de mètres plus loin, et l'engagement a été pris de trouver avec les exploitants privés une solution de relogement rapide.

Quant au Jardin des Charrotons, ses représentants étaient nombreux à la tribune avant le repas - et peut-être nous regardent-ils à la télévision - et j'aimerais leur dire qu'une proposition leur est faite. Je ne prétends pas ici qu'elle leur ait été faite... Il semble que c'est par oral qu'elle aurait été formulée, mais je n'ai pas de preuve, donc je ne vais pas m'avancer, et de toute façon ce n'est pas moi qui la leur ai faite, donc il n'y a pas de raison que je m'approprie cette proposition. Cela étant, nous savons ce soir qu'une proposition est sur la table pour un déplacement du Jardin des Charrotons, afin de permettre à ses membres de poursuivre leur exploitation comme aujourd'hui; c'est à eux de décider. Je crois savoir que leur position est une position tout aussi militante de défense de la zone agricole que de défense de leur activité, et je respecte leur position. Toutefois, je trouve qu'aujourd'hui elle n'est pas tenable, à un moment où nous avons besoin de lutter contre la crise du logement.

Mesdames et Messieurs, l'enjeu est déterminant: il s'agit de savoir si nous voulons maîtriser notre développement dans la région ou si nous voulons laisser faire, et si nous voulons poursuivre l'anarchie que nous connaissons aujourd'hui, avec un impact désastreux sur le trafic dans la région, ou alors répondre à cette pénurie de logements. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du PL 10523.

Mis aux voix, le projet de loi 10523 est adopté en premier débat par 62 oui contre 24 non.

Le président. Nous pouvons terminer le vote de ce projet de loi, puisque nous avons déjà abondamment discuté.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1, alinéa 3, nous sommes saisis d'un amendement. Monsieur Deneys, je vous laisse le présenter brièvement.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, il y a quelques minutes, vous avez fait part à notre assemblée de votre décision de clore la soirée après le vote d'entrée en matière...

Le président. C'était une suggestion, mais on peut tout à fait continuer à voter, il n'y a pas de problème. (Brouhaha.)

M. Roger Deneys. Monsieur le président, vous avez une façon de présider en laquelle vous ne respectez pas votre propre parole, et c'est assez pénible. Si je dépose un amendement, je ne vais pas en parler brièvement ! Je vais défendre mon amendement, et j'espère bien avoir des réponses lorsque je dépose des amendements. Alors je trouve qu'il faut respecter ce que vous avez proposé en tant que président et, en l'occurrence, vous avez dit que vous vouliez poursuivre demain. Personnellement, je veux bien continuer maintenant, mais alors on ne s'arrête pas dans cinq minutes. D'accord ?

Concernant mon amendement, ce dernier vise à préciser un point qui revient d'ailleurs aussi dans la proposition de résolution 611 des socialistes, à savoir que les activités économiques et les équipements publics de sport et de loisir sont de proximité. Il s'agit donc, à l'article 1, alinéa 3, de rajouter «de proximité» à la fin de la phrase. Cette précision est extrêmement importante aujourd'hui parce que, j'insiste, les projets qui ne sont manifestement plus soutenus par le Conseil d'Etat, mais qui sont toujours ceux de la commune de Plan-les-Ouates - en tout cas de certains élus de cette commune - et qui visent à développer des équipements de type Arena, voire des centres commerciaux, des activités parasportives de type sport business, sont toujours projetés par cette commune, et déclasser de la zone agricole pour réaliser de tels équipements, c'est certainement non conforme au plan directeur cantonal qui est aujourd'hui en vigueur. Il est donc important de préciser dans ce projet de loi de déclassement que ces équipements de sport et de loisir sont justement, comme M. le conseiller d'Etat l'a évoqué tout à l'heure, destinés en priorité aux habitants de ce périmètre et de sa proximité, et bien entendu des communes voisines. Il s'agit de garantir le caractère de taille ajustée des équipements réalisés. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes vous invitent à accepter cet amendement, qui vise à réduire les ambitieux projets de nature mégalomane de certains élus de la commune de Plan-les-Ouates.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. La liste était close, j'ai donc dû attendre...

Le président. La liste n'est pas close pour le deuxième débat, pour le moment !

M. Eric Stauffer. Oui, c'est ça, j'ai donc dû attendre le deuxième débat !

Ce que je voulais relever, chers collègues, c'est que, à force de jouer les hypocrites, moi je me demande où l'on va amener Genève. Mesdames et Messieurs des Verts, j'ai bien entendu votre discours lors du premier débat et, finalement, si je fais une réflexion sur la dernière législature jusqu'à maintenant, je constate que vous allez toujours trouver le cardon, le blé, la libellule ou l'étang qui fait que ce n'est pas le bon endroit pour déclasser. Alors, Mesdames et Messieurs, j'aimerais juste vous poser une seule question: doit-on loger les Genevois dans les champs, à la belle étoile, au milieu des cardons et des libellules, ou va-t-on finalement pouvoir construire des logements...

Le président. Je vous rappelle, Monsieur le député, qu'en deuxième débat on ne discute que des amendements...

M. Eric Stauffer. Mais oui, justement, j'y viens, Monsieur le président !

Le président. Mais vous n'y êtes pas encore !

M. Eric Stauffer. Vous ne voulez pas parler à ma place, Monsieur le président ! (Brouhaha. Commentaires.) Donc, moi j'aimerais savoir si vous voulez des logements pour les Genevois ! Si ce n'est pas le cas, dites-le clairement ! De la même façon que vous avez avoué clairement que vous ne vouliez plus de voitures et que pour vous, en fait, la compensation était juste un prétexte, mais que vous désiriez des vélos partout. Parce qu'il faut que les gens sachent quel est le modèle de société que vous voulez !

Nous, ce que l'on souhaite, au MCG, ce sont des logements pour les Genevois. On a un engagement du conseiller d'Etat, et dieu seul sait si je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais quand il a raison, nous le soutenons et je le soutiens ! Il s'est donc engagé devant vous ce soir à construire au minimum 2500 logements, ou 3000, s'il y arrive, c'est son objectif. Alors il est où votre problème, chez les Verts ? Qu'est-ce qu'il y a ? Vous vous êtes tous embourgeoisés et avez tous de magnifiques appartements, et il ne faut plus construire ? Parce qu'il y a beaucoup de Genevois qui n'ont pas d'appartement ! Il y a de nombreux Genevois qui vivent dans des logements qui ne sont vraiment pas du tout adaptés à leur situation familiale ! Ou alors il vous faut préconiser, Mesdames et Messieurs les Verts, sur le moyen et le long terme, que les Genevois ne fassent plus d'enfants pour agrandir leur famille, parce que, finalement, on n'aura pas de logements à leur proposer !

Et alors le paradoxe - et je conclurai par là - c'est le fait que vous vous opposez systématiquement, Mesdames et Messieurs les députés, à la construction ! Et vous générez...

Des voix. C'est pas vrai ! (Exclamations. Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Si c'est vrai ! La preuve, Mesdames et Messieurs les députés - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est que vous amenez une situation qui fait que des gens vont habiter dans le canton de Vaud ou en France - ce sont donc des frontaliers - et vous générez du trafic automobile ! Et quand on vient vous demander de fermer les routes du réseau secondaire où il y a les douanes, non, c'est discriminatoire ! (Brouhaha.) Mais ce que vous faites, Mesdames et Messieurs, c'est que vous discriminez les Genevois ! Il faut que ça se sache publiquement ! Malheureusement, on n'est plus retransmis sur Léman Bleu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. Si si !

M. Eric Stauffer. Mais même, il faut que les gens le sachent ! Parce que vous êtes et vous pratiquez une politique d'hypocrites ! Et, au MCG, on s'y refuse ! (Applaudissements. Claquements de pupitres.)

Le président. Je vois que le débat se prolonge. Il est 23h15, et le Bureau vous propose... (Protestations.) J'ai été minorisé, mais la majorité du Bureau vous propose d'interrompre le débat. Et je respecte la majorité ! Sont encore inscrits M. Bavarel, M. Florey, M. Bertschy, M. Jeanneret, M. Deneys et M. Stauffer. Nous reprendrons donc ce débat demain.

Suite des débats: Session 11 (septembre 2010) - Séance 59 du 24.09.2010

Le président. Nous arrêtons là nos travaux, et je vous souhaite une excellente nuit !

La séance est levée à 23h15.