République et canton de Genève

Grand Conseil

Points initiaux

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, Robert Cramer, Pierre-François Unger, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Bertschy, Maurice Clairet, Victoria Curzon Price, Christiane Favre et Yves Nidegger, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. La commission législative nous demande l'ajout et le traitement en urgence de la proposition de résolution 591 que vous avez trouvée sur vos places, relative à une rectification matérielle apportée à la loi 10412 sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité.

Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de résolution 591 est adopté par 37 oui contre 3 non et 1 abstention.

Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 591 est adopté par 47 oui et 1 abstention.

Le président. Nous passons au point 5: prestations de serment.

E 1671
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant M. HALPERIN Michel, député démissionnaire

Le président. M. Antoine Barde est assermenté. (Applaudissements.)

E 1667-A
Prestation de serment de Mme GRANDCHAMP Emmanuelle, élue Juge assesseur au Tribunal des baux et loyers (représentant les milieux immobiliers)

Le président. Mme Emmanuelle Grandchamp est assermentée. (Applaudissements.)

E 1672
Tirage au sort d'une ou d'un membre suppléant de la commission de grâce, en remplacement de M. HALPERIN Michel, député démissionnaire

Le président. Je vais, d'une main innocente, tirer au sort. Suspense total... Voilà, il s'agit de Mme Janine Hagmann (L).

Des voix. Ah ! (Rires. Applaudissements.)

Fin des points initiaux

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Nous allons pouvoir «attaquer» l'initiative 141-C: point 111 de notre ordre du jour.

IN 141-C
Rapport de la Commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture chargée d'étudier l'initiative populaire 141 «Accueil continu des élèves»

Débat

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, un travail important et ciblé a été effectué par la commission de l'enseignement pour, d'abord, écouter les initiants et, ensuite, toutes les parties concernées par cette initiative demandant un accueil continu - de 7h30 à 18h - des élèves de 4 à 15 ans. Cette initiative préconise donc un accueil continu et garanti du lundi au vendredi pour tous les élèves.

Pour réaliser cet ambitieux projet, l'initiative suggère, par les structures de l'Etat - respectivement des communes - une prise en charge complétée par un accueil confié à des associations privées proposant des activités sportives et culturelles. Nous sommes favorables à une telle vision de coordination du public et du privé, toutefois cette coordination ne se décrète pas simplement: elle se prépare ! Elle tient compte des avis et des différents protagonistes qu'il faut réunir pour élaborer un projet d'une telle envergure. (Brouhaha.) Or, lors des auditions, les principales entités concernées.... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

Mme Nelly Guichard. Ces entités ont donné des préavis défavorables à l'initiative telle qu'elle est rédigée actuellement. Les cuisines scolaires existent à Genève, comme vous le savez, depuis plus de cent ans; chacun sait aussi que nous avons une offre parascolaire qui rencontre un tel succès qu'elle croule sous les demandes: il y a de grandes difficultés à recruter du personnel, et les locaux disponibles sont très largement occupés, comme nous l'ont expliqué les représentants de l'ACG et du GIAP, M. Manuel Tornare, conseiller administratif de la Ville de Genève, et Mme Claude Howald, directrice de l'accueil parascolaire. Cette dernière, d'ailleurs, ne soutient pas la présente initiative, ni à titre professionnel, ni à titre personnel, contrairement à ce que l'on pourrait en déduire à la lecture du rapport de minorité, page 78, où elle est nommément citée.

Quand nous avons voté la loi sur le parascolaire, il y a plus d'une dizaine d'années, il avait été prévu que les communes reprennent progressivement en charge cette prestation, jusqu'à 50%. Or aujourd'hui, les communes financent le parascolaire à 90%. C'est bien de vouloir mettre un large service à disposition des élèves et de leurs familles. Mais, avant cela, il faut tenir compte des besoins et de l'ampleur à donner à cette prestation, si nous ne voulons pas nous trouver face à une offre tout simplement impossible à financer ! Lors des travaux de commission, les députés - de la gauche jusqu'à la droite - ont, de manière réitérée, fait remarquer que l'on n'avait pas la possibilité d'évaluer les coûts qu'implique une telle proposition. Dans sa prise de position, même M. Beer a fait remarquer que la somme avancée par le parti radical, soit 200 F par élève et par mois, ne suffirait pas. (Brouhaha.)

Pour les enfants âgés de 12 à 15 ans, des études surveillées existent au cycle d'orientation, on le sait aussi - des cours et des activités diverses sont proposés aux jeunes. Nous comprenons parfaitement le souci des initiants de s'occuper des jeunes de cette tranche d'âge, mais, aujourd'hui déjà, aucune des activités n'est imposée, que ce soit pour se rendre dans une maison de quartier ou pour participer à des activités culturelles ou sportives. Et malheureusement, sur la base d'une participation volontaire, les élèves les plus turbulents - ceux qui sont en danger - ne répondent souvent pas à ces incitations. Nous doutons donc de la pertinence d'étendre l'offre aux 12-15 ans. Nous sommes favorables à une meilleure coordination et à une mise en réseau de tout ce qui existe déjà et nous préconisons la rédaction d'un contreprojet pour mesurer ainsi les besoins et, c'est important, les coûts engendrés par ceux-ci. La majorité recommande donc aujourd'hui le rejet de l'initiative.

M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Pourquoi une telle initiative ? Et pourquoi un tel succès lors de la récolte de signatures en faveur de cette initiative ? Il faut remonter un peu dans l'histoire. Il y a un fait de société évident: aujourd'hui, dans les familles, l'augmentation du nombre de femmes qui contribuent au revenu du ménage est devenue importante et, inversement, il y a aussi une augmentation considérable du nombre de familles monoparentales.... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)

Le président. Monsieur Follonier, vous avez raison, il y a trop de bruit ! Merci, Mesdames et Messieurs, de respecter la prise de parole du rapporteur !

M. Jacques Follonier. En dehors de ce fait de société, il y a eu la votation sur HarmoS. A l'article 11 d'HarmoS, il est indiqué très clairement qu'une offre appropriée de prise en charge des élèves est proposée en dehors du temps d'enseignement; c'est une structure de jour. Et c'est un «est» ! Ce n'est pas un «peut»: c'est un «doit» ! Donc, l'accueil tel que le propose l'initiative 141 sera mis en place à Genève, quoi qu'il arrive !

Quel est l'avantage de suivre cette initiative, finalement ? Eh bien, cela aurait permis au Conseil d'Etat de rédiger une loi d'application. Cette dernière aurait permis de travailler sur la collaboration des cantons, des communes, ainsi que des associations. Elle aurait permis de remettre à jour une chose importante, à savoir l'horaire scolaire ! On sait aujourd'hui que l'on devra revoir ces horaires - c'est quelque chose d'indubitable. Nous avons actuellement mille heures en moins de cours que dans les cantons voisins: rendez-vous compte que cela représente une année de moins dans le cursus scolaire ! Ce n'est juste pas jouable par rapport à la vie de nos élèves ! Ensuite, bien sûr, il faudra aussi avoir une préparation des structures par le cycle d'orientation, et cela est faisable, aussi bien pour les structures scolaires que pour les structures telles que les cafétérias d'établissements scolaires.

Alors, en commission, on a tout entendu. Tout le monde était d'accord - et c'est génial ! Tout le monde semblait d'accord... Mais personne ne veut de cette initiative ! Alors, chacun y va de son petit couplet: l'initiative est trop précise ou, au contraire, pas assez: elle n'englobe pas assez le cycle; ou elle a le tort de l'englober alors qu'il aurait fallu le sortir du champ de l'initiative; il n'aurait pas fallu y inclure l'école enfantine; il faudrait y mettre le cycle élémentaire... Et puis, en gros, il ne faudrait rien mettre dans cette initiative ! Et c'est gênant, parce que tout le monde trouve l'idée géniale, or j'ai l'impression que personne n'en veut vraiment. C'est la raison pour laquelle beaucoup de gens proposent ce soir un contreprojet.

Je me dois de, quand même, tordre le cou à des vieux clichés. Tout d'abord, l'initiative propose une offre qui est facultative. Elle n'est pas obligatoire... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Il y a beaucoup de bruit ! Pour ceux qui veulent discuter, il y a de la place à la buvette ou à la salle des Pas-Perdus !

M. Jacques Follonier. Ce bruit est d'autant plus étonnant, Monsieur le président, que, dans cet hémicycle, nombre de députés doivent avoir des enfants ou des petits-enfants !

Je reviens à mon sujet. L'initiative est facultative - je le répète, parce qu'en disant ou en pensant le contraire c'est une erreur que tout le monde a commise. Le cycle ne peut pas être sorti de cet accueil continu, pour une raison logique: tous les Genevois ont voté massivement pour HarmoS. Et HarmoS englobe toute la scolarité obligatoire ! On ne peut donc pas commencer à séparer les choses. Et puis, les arguments du style «il ne peut pas y avoir de cafétéria au cycle» montrent bien la mauvaise volonté de certains. On a entendu dire que l'encadrement pourrait ne pas débuter à 7h30, mais à 7h45 ou à 7h15... Tous les moyens sont bons !

J'ajoute que la cerise sur le gâteau, c'est la lettre que M. Tornare a écrite en tant que président du GIAP au président de la commission de l'enseignement, c'est-à-dire à moi-même, dans laquelle il dit qu'il est conscient des problèmes existants et considère que l'accueil est très important - d'ailleurs, il existe à partir de 7h du matin dans certains endroits. Toutefois, écoutez bien ceci: l'inscription dans la constitution d'une référence à des menus équilibrés et sains est inapplicable. Pourquoi ? Parce que si, aujourd'hui, c'est possible, plus tard cette disposition pourrait, en fonction des horaires, ne plus être applicable... Je crois qu'on cherche tous les détails pour dire oui, mais qu'en fait on souhaite - en tout cas ceux qui veulent un contreprojet - un non bien clair !

Le constat, c'est qu'il y a une somme de bonne volonté doublée d'une bonne dose de cynisme et, quand même aussi, d'un bon brin de langue de bois très politique - qu'on a retrouvée très clairement à la commission de l'enseignement.

Les choses sont simples, Mesdames et Messieurs les députés: soit on est pour, soit on est contre ! Soit c'est une bonne idée, il faut alors la défendre et aller jusqu'au bout, soit on trouve que c'est une mauvaise idée, et il faut l'oublier tout de suite !

Une voix. Bravo !

M. Jacques Follonier. Mais proposer un contreprojet pour changer une virgule, ce n'est en tout cas pas cohérent et ce n'est surtout pas responsable. En l'état, je vous invite, au nom du groupe radical, à soutenir sans réserve cette initiative et à abandonner l'idée d'un contreprojet qui ne ferait que retarder la mise en oeuvre d'un projet dont nos enfants ont grandement besoin.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). C'est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative répond manifestement à une préoccupation de la population, mais est-ce une raison pour inscrire dans la constitution genevoise, ce qui n'est tout de même pas rien, que tous les enfants effectuant leur scolarité dans l'enseignement public peuvent bénéficier d'un accueil continu garanti du lundi au vendredi de 7h30 à 18h et que la tâche sera conjointe entre le canton et les communes ? Certes, le Conseil d'Etat devra édicter une loi d'application, mais c'est bien là que le bât blesse: l'initiative radicale nous propose d'accepter un droit, de l'inscrire dans la constitution alors que son organisation reste problématique et son financement totalement utopique.

Mesdames et Messieurs les radicaux, c'est à vous que je vais m'adresser. Si l'on veut qu'une idée soit réalisée, aussi généreuse soit-elle, qu'elle soit à la mode, voire même nécessaire, la première préoccupation, la première réflexion à mener, c'est: qui vont en être les partenaires ? Réponse: le canton et les communes ! Avez-vous, Mesdames et Messieurs, consulté les communes ? Leur avez-vous demandé leur avis, avant le lancement de l'initiative ?

M. le rapporteur de minorité, qui est en même temps le président de la commission de l'enseignement, nous affirme qu'on ne peut que dire oui maintenant et que si on dit oui c'est que cette initiative est nécessaire. Mais pas du tout ! Regardez la lettre cosignée par le président du GIAP et par le président de l'Association des communes genevoises: eux-mêmes disent que cette initiative n'est pas réalisable telle que présentée !

Vous l'avez compris, la position du groupe libéral sera de dire non à cette initiative. Par contre, les libéraux pensent qu'il y a une volonté réelle à opposer un contreprojet. C'est intéressant, tout de même, de regarder ce qui se fait ailleurs; on n'est pas toujours le centre du monde ! Au-delà de la Versoix, qu'est ce qui s'est fait chez nos voisins vaudois ? Les libéraux radicaux vaudois se sont concertés. Ils ont contacté les communes, l'idée a ainsi mûri et elle a été reprise par la gauche en Grand Conseil.

Que dit cette initiative, fondamentalement différente de l'initiative genevoise, Monsieur le rapporteur de minorité ? Elle n'établit pas un droit qu'on promet aux gens et qui ne peut pas être réalisé. L'initiative radicale vaudoise est très brève et comporte trois articles: «1. En collaboration avec l'Etat et les partenaires privés, les communes organisent un accueil parascolaire surveillé, facultatif pour les familles, sous forme d'école à journée continue, dans les locaux scolaires ou à proximité, pendant toute la durée de la scolarité obligatoire.» Pour réaliser ce projet, que faut-il faire ? Allons trouver les communes, mettons-nous autour d'une table et, à partir de là, réglons ce problème ! Je poursuis: «2. L'accueil peut être confié à des organismes privés.» Pourquoi pas ! Et puis: «3. Les conditions de l'accueil parascolaire sont fixées par les communes.» Ok ! Ce n'est pas nous qui allons en décider, c'est elles ! Enfin: «4. Les parents participent au financement de l'accueil parascolaire.» Dans la période que nous vivons, je pense que c'est une position qui est saine !

Les libéraux sont d'accord de présenter un contreprojet. Ils réfléchissent si le contreprojet du canton de Vaud, pour répondre à la demande de la population, peut être présenté tel quel. Mesdames et Messieurs les radicaux, si vous êtes d'accord avec cette idée, nous pourrons aller tous ensemble devant la population, avec quelque chose qui sera réalisable et qui répondra aux attentes des citoyens !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je parlerai de cette initiative en deux points: le premier concerne le texte de l'initiative; l'autre, l'argumentaire. Le groupe MCG a longuement réfléchi à cette initiative, qui part certainement d'une très bonne intention mais qui, comme l'ont relevé mes préopinants, était assez mal structurée, pour des raisons déjà été évoquées préalablement.

En termes clairs, le MCG s'opposera à cette initiative, mais il accepte en revanche le principe d'un contreprojet, pour être un peu plus réaliste que ne l'est, à la base, cette initiative. Et cette position reprend les votes de la commission.

Maintenant, pour la deuxième partie de mon intervention, Monsieur le président, je ne poserai pas de devinette, mais vous transmettrez à M. le député Weiss, du parti libéral, que, s'il s'adressait à moi lors du précédent sujet... Mais je vois qu'il a quitté les lieux - et il a bien raison...

M. Pierre Weiss. Non ! Je suis là, Monsieur Stauffer ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Je vous laisse finir, Monsieur Stauffer.

M. Eric Stauffer. C'est bien, Monsieur Weiss ! Et merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Weiss que, s'il s'adressait à moi, ses propos étaient mensongers car, pour information, je n'ai jamais été condamné de ma vie ! (Brouhaha.) Ses propos étaient donc hautement diffamatoires. Et j'aimerais dire pour le reste, Monsieur le président, très brièvement, qu'un illustre personnage comme Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, n'avait pas pu signer l'acte de fondation de la Croix-Rouge parce qu'il se trouvait en situation de faillite. Et James Fazy, lui, est venu avec des fusils dans ce parlement pour faire entendre la voix des citoyens genevois... Eh bien, il s'agit là de deux personnages de qualité qui ont marqué l'histoire de notre canton, ce qui ne sera définitivement pas le cas de M. Weiss, qui tombera dans l'oubli lorsqu'il aura quitté cet hémicycle ! Plus personne ne parlera de lui, car il faut avoir le niveau et il faut respecter autrui !

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, suite à l'intervention du représentant du MCG, je constate en lisant le compte rendu, page 47 de ce rapport sur l'initiative, que la prise en considération de l'IN 141 a été votée favorablement par «2 R, 1 MCG». (Commentaires.) Simplement pour montrer comment ça s'est passé ! Ensuite, il y a eu le vote sur le contreprojet: les deux radicaux ont voté non, il y a eu une abstention socialiste, mais le MCG a voté le contreprojet. Alors, je ne sais pas très bien quelle est la position de ce groupe politique ! (Commentaires.)

Mme Hagmann nous a rappelé le projet qui a été voté dans le canton de Vaud par les libéraux, les socialistes et les radicaux; elle parlait des communes. Notre initiative a récolté 12 000 signatures. J'insiste: aucun parti dans cet hémicycle n'a, depuis plusieurs années, déposé une initiative populaire. On a donc 12 000 personnes derrière nous et... (L'orateur est interpellé. Commentaires. Le président agite la cloche.) ...cette initiative n'est donc pas née d'une lubie d'un député ! Je le souligne en passant. (L'orateur est interpellé. Commentaires. Le président agite la cloche.)

Je rappelle l'alinéa 2 de l'article 10A: «L'accueil à journée continue est une tâche conjointe du canton et des communes qui collaborent étroitement avec le tissu associatif pour son accomplissement.» Madame Hagmann, je ne vous prends pas à partie, mais je constate que le système proposé ici est quasiment le même que celui qui a été accepté dans le canton de Vaud par les socialistes, les libéraux et les radicaux !

Maintenant, en ce qui concerne les besoins, on a cité le GIAP. Moi, j'ai sous les yeux le numéro 26 du journal du GIAP de juin 2009 - il vient de paraître. Et que puis-je lire dans l'éditorial, signé par Mme Howald, cheffe - «f-f-e» ! - de service ? Ça vaut la peine de le relever, car le problème de la mutation de notre société du besoin, je cite: «[...] cette année a vu le nombre des enfants augmenter dans une proportion un peu plus accusée que précédemment, en particulier aux activités surveillées.» La suite est plus intéressante: «Les enfants, dans la plupart des lieux d'accueil, ont été présents à 98%, ce qui est un score jamais égalé à ce jour.» Vous vous souvenez, dit-elle dans son éditorial... Vous vous souviendrez certainement de la règle des trois tiers, qui était la réalité il y a dix ans. Et c'était quoi ? Pour trois enfants inscrits, un venait régulièrement et les deux autres de manière irrégulière. Les temps ont changé très sérieusement et les parents honorent, dans la majorité des cas, la commande de prestation qu'ils ont passée.

Donc, chers collègues, soit vous semblez atteints de cécité par rapport aux mutations de notre société - je pense que vous connaissez ces mutations - soit vous souffrez d'un sentiment de dépit, parce que vous n'avez pas eu l'idée ou l'obstination de proposer ces solutions ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) De la part de l'UDC, ça ne m'étonne pas... Ils ont certainement une vision à la Anker des relations dans les familles. Vous connaissez tous les tableaux d'Anker: le papa aux champs et la maman à la cuisine ! Du côté de nos cousins libéraux, il y a sans doute une méfiance à l'égard de la socialisation de la famille, que je peux comprendre, et envers le coût de l'opération. En revanche, j'ai beaucoup de peine à saisir cette réticence de la part des socialistes, qui sont, tout comme les Verts, soucieux de la place de la femme et de l'égalité entre hommes et femmes. Et que dire alors de nos amis PDC, qui freinent cette évolution alors qu'ils s'érigent en chantres de la modernisation et de la libération de la femme ?! En un mot comme en cent, chers collègues, vous avez envie de voter cette initiative !

Des voix. Non !

D'autres voix. Oui !

M. Gabriel Barrillier. Mais quelque chose vous retient, alors expliquez-nous quoi !

Une voix. L'Entente ! (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mme Läser, M. Gillet, Mme Ducret, Mme Baud, M. Saudan, Mme Borgeaud, Mme Guinand Maitre, M. Weiss, M. Ischi et M. Stauffer.

Des voix. Non ! (Brouhaha.)

Le président. La liste est close ! (Commentaires.) Madame Pürro, vous aviez tout le temps avant d'appuyer sur le bouton !

Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, la société change et nous devons nous adapter, mais nous adapter vite ! Le parti radical se soucie des familles et de leur bien-être, cela ne date pas d'aujourd'hui et cela n'a rien à voir avec un électoralisme primaire ! Il ne suffit toutefois pas de se soucier, de parlementer et de discutailler: il faut chercher des solutions et, surtout, en trouver.

Le parti radical, par cette initiative, apporte une solution concrète. Le mérite de notre initiative est d'organiser un accueil, mais un accueil qui est facultatif ! Ce que certains d'entre vous ont un peu de peine à comprendre ! Cela veut dire, au risque de nous répéter, qu'il s'agit d'offrir une solution aux parents qui travaillent de pouvoir le faire sereinement, en se concentrant sur leur travail, sachant que leur progéniture bénéficie d'un bon encadrement, et qu'ils puissent sortir du travail l'esprit libre afin de pouvoir profiter au maximum d'instants privilégiés avec leurs enfants.

Cette initiative contient un choix de société et apporte un appui aux actifs et aux actives de ce canton, un appui à ces personnes qui contribuent fortement au fonctionnement de notre société, un appui à ces personnes qui paient des impôts, un appui à ces personnes qui font la prospérité de notre économie !

Nous n'opposons pas personnes âgées, petite enfance et accueil continu: tous trois méritent une attention particulière. Pour l'accueil continu dont nous parlons aujourd'hui, il y a un coût social, c'est vrai, et nous en sommes conscients, mais n'est-ce pas un bon investissement que de financer un encadrement pour les jeunes ? N'est-ce pas un pari sur l'avenir ?

Le choix des femmes devient de plus en plus difficile...

Une voix. Oh !

Mme Patricia Läser. ... elles doivent choisir entre maternité et travail, entre carrière et vie de famille. Aujourd'hui, au XXIe siècle, cette situation est une hérésie. Nous avons le devoir de nous donner les moyens d'instaurer des infrastructures qui permettent à chacun et à chacune d'avoir le choix, le choix de mener la vie qui lui convient. L'initiative pour un accueil continu ne crée pas un besoin, mais elle répond à un besoin.

Mesdames et Messieurs de droite, de gauche et d'ailleurs, réfléchissez et agissez ! Cessons de tergiverser et avançons ensemble pour le bien de notre société !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est ce soir très heureux de voir que les radicaux aussi se préoccupent des familles de ce canton, comme nous le faisons depuis longtemps. (Commentaires. Rires.) J'aimerais signaler à M. Follonier, rapporteur de minorité, que nous n'avons pas à choisir à être pour ou contre cette initiative, contrairement à ce qu'il dit. Nous pouvons être favorables au fond et à la pertinence de cette réflexion, mais contre la forme de la proposition. C'est précisément la position que le groupe démocrate-chrétien soutient ce soir.

Il y a une réelle pertinence à s'interroger sur l'évolution de la société, sur l'évolution des besoins des familles, sur la réalité professionnelle d'aujourd'hui qui, très souvent, implique que les deux parents travaillent. C'est une réalité, nous devons faire évoluer les dispositifs qui régissent aujourd'hui le para et le périscolaire, c'est une évidence ! Mais de là à proposer une initiative constitutionnelle, qui introduit des dispositifs d'ordre réglementaire dans la constitution, qui vont dans un niveau de détail jusqu'à préciser les horaires, ce n'est tout simplement pas sérieux ! Donc, nous avons dit, et nous le répétons, qu'il est essentiel d'adapter le dispositif cantonal au niveau du para et du périscolaire, pour permettre effectivement un accueil continu de nos élèves, mais pas comme cela était proposé par le parti radical.

Il faut mettre en évidence deux défauts majeurs du texte actuel de l'initiative. Je l'ai dit, il y a des détails qui n'ont rien à faire dans une constitution. A notre avis, une modification législative aurait été tout à fait suffisante; il n'y a pas lieu à nos yeux d'introduire des dispositions dans la constitution sur ce sujet.

D'autre part - deuxième défaut majeur à nos yeux - on assimile sans nuances l'enfance et l'adolescence. Ces deux périodes nous paraissent assez différentes, comme vous le savez, dans l'évolution de l'enfant, mais aussi dans les besoins de prise en charge en matière d'accueil para ou périscolaire. Et les partenaires qui s'occupent de ces différents groupes d'âge sont également très différents.

Cela a été dit, ce sont les communes qui assument la majeure partie des charges. Nous avons le GIAP qui endosse une part importante de l'accueil pour les enfants des écoles enfantines et primaires. Nous avons la FASE qui prend le relais au niveau des adolescents. Ce ne sont pas les mêmes partenaires, ce ne sont pas les mêmes réalités, ce ne sont pas les mêmes besoins ! A nos yeux, le minimum aurait été de faire, dans le texte de l'initiative, une distinction entre un article sur les enfants et un article sur les adolescents.

Nous sommes donc convaincus qu'il s'agit aujourd'hui de travailler ensemble à l'élaboration d'un contreprojet, qui va dans le sens de cette réflexion tout à fait pertinente, mais qui permettra d'avoir au final un texte beaucoup plus cohérent et beaucoup plus utile pour les familles de ce canton. (Applaudissements.)

Mme Michèle Ducret (R). Pour apporter ma pierre à l'édifice radical, que nous essayons de monter morceau par morceau mais que vous essayez de démolir morceau par morceau... (Exclamations.) ...je voudrais vous rappeler que ce sont des radicaux qui, juste après la guerre, ont lancé l'idée des cuisines scolaires, quand c'est devenu une nécessité pour les parents qui travaillaient de pouvoir y placer leurs enfants. Ce sont des radicaux qui ont eu cette idée-là ! Ce sont aussi des radicaux qui ont lancé ceux qu'on appelait les «lundistes», les «mardistes», etc. Année après année, semaine après semaine, c'étaient des messieurs, souvent à la retraite, qui consacraient, avec beaucoup de fidélité, une ou deux journées de leur semaine à servir les repas aux enfants. Maintenant, il n'est plus possible de faire ce genre de choses, on n'a plus autant le sens civique qu'à l'époque et peut-être les gens se sont-ils un peu détournés des questions d'intérêt général.

Si je vous raconte tout cela, c'est pour vous dire que cette initiative va dans le droit fil de cette action qui date de 1946 - je vois que certaines personnes ont l'air de le savoir - et je voudrais insister sur ce fait-là, en expliquant que, comme à l'époque il y avait des gens qui avaient besoin d'aide, on les a soulagés. Aujourd'hui, ainsi que l'ont relevé mes collègues, cette proposition n'est que facultative, et j'insiste sur le bien-fondé de cette initiative. Nous en sommes assez fiers et je vous remercie de m'avoir écoutée ! (Applaudissements.)

Mme Catherine Baud (Ve). En ce qui concerne les Verts, je dirai en préambule que nous ne sommes pas contre le fait d'inscrire dans la constitution le principe d'un accueil continu des élèves. L'affirmation de ce principe général peut nous paraître tout à fait justifiée: la société évolue, les femmes travaillent, il y a un éclatement des familles. Donc, il y a effectivement des besoins et une nécessité d'élargir la prise en charge des enfants.

Cependant ce texte, dans sa forme, ne nous satisfait pas en l'état. D'une part, on a pu observer au début une sorte de stigmatisation de certaines personnes - cela ne s'adressait qu'à un type de parents. Ensuite, il est vrai que cela s'est ouvert à tous les parents. Néanmoins, cette initiative ne résout pas tous les problèmes et en poserait même davantage. Cette initiative est très générale, puisqu'elle concerne tous les enfants, mais elle est aussi beaucoup trop précise. Et, somme toute, on s'aperçoit que des questions restent en suspens: que va-t-il se passer le mercredi ? Les petites vacances sont-elles prises en compte ? On ne le sait pas ! C'est très précis dans un sens, et finalement cela ne l'est pas autant que cela. Donc, on ne sait pas trop où l'on va !

On sait aussi que les besoins des enfants se modifient selon leur âge: les parents ont besoin de beaucoup d'aide lorsque les enfants sont petits, ils en ont moins besoin lorsque les enfants sont plus grands. Il est donc nécessaire d'apporter une amélioration au niveau primaire, avec une extension des structures existantes, cette proposition peut se concevoir. En revanche, pour les élèves du cycle, c'est beaucoup plus utopique, surtout dans un délai bref. De plus, la demande n'est pas du tout la même, elle est beaucoup moins importante que pour le primaire.

La commission a réalisé de nombreuses auditions. En fait, on s'est aperçu que tous les intervenants auditionnés émettaient plutôt des réserves. Cela, parce qu'il faut d'abord analyser et définir ce que l'on souhaite. Il y a deux options: faire du gardiennage et garder les enfants dans une salle, c'est une chose; sinon, on peut proposer des activités de toutes sortes - culturelles, artistiques, sportives - mais à ce moment-là se pose la question de la gestion des déplacements. On peut aussi souhaiter - c'est tout à fait honorable - des repas équilibrés pour tous les enfants. Là, se pose le problème de la disponibilité des locaux. Enfin, on peut aussi souhaiter une assistance pour les devoirs scolaires. Pour cela, il faudrait trouver des personnes qualifiées, et alors se pose la question des compétences du personnel. En plus, tout cela doit se réaliser à un coût maximum de 200 F par enfant. Cela paraît donc un peu difficile et, à mon avis, plutôt utopique en l'état !

Par ailleurs, on a l'impression que les initiants n'ont pas vraiment analysé ce qui se faisait déjà avec tout le travail que fournissent le GIAP et la FASe. Il existe beaucoup de choses, et je crois qu'il faut savoir en tenir compte.

Alors oui, le système scolaire a atteint ses limites; oui, les horaires scolaires sont en pleine mutation; et, oui, il est évident que c'est le moment d'en profiter pour harmoniser et améliorer la prise en charge extrascolaire. Mais - mais ! - inscrire, dans la constitution, des horaires, voire les menus scolaires ou, même, la qualité des repas, cela paraît beaucoup trop précis et relève plutôt du domaine de la loi.

C'est la raison pour laquelle les Verts reprennent plutôt l'idée d'un contreprojet plus ouvert et plus réaliste qui, parce que les besoins ne sont pas les mêmes, poserait un principe général mais ferait une distinction entre le primaire et le cycle. Alors nous sommes prêts à y travailler, mais, en l'état, nous rejetterons cette initiative. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, avant toute chose, j'aimerais mentionner un fait à porter à la connaissance de cette noble assemblée: les trois pays qui sont toujours en tête de liste dans les classements PISA - c'est-à-dire la Finlande, la Corée du Sud et Singapour - bénéficient tous d'un accueil continu de qualité. Même à Singapour - et je relève cela pour mon collègue François Gillet - cet accompagnement est obligatoire au niveau du secondaire ! Alors rassurez-vous, les radicaux ne vous proposent pas un accueil continu obligatoire avec leur initiative 141; cet accompagnement est facultatif. Nous ne faisons aucune relation de cause à effet pour la réussite de ces pays, néanmoins c'est un fait qui méritait d'être relevé.

La lecture du rapport de majorité sur cette initiative 141 nous laisse quelque peu dubitatifs, nous autres radicaux. Nous avons l'impression que les positions des différents partis politiques ont cheminé d'un «oui, mais» - «oui» au principe, «mais» il y a des difficultés d'application - à un «non» - un «non» à l'initiative 141, quoique le principe est bon - et il faut y opposer un contreprojet.

Alors, d'accord pour un contreprojet ! Mais, le problème, c'est que les critiques opposées à l'initiative 141 sont très diverses et contradictoires ! Les écologistes trouvent cette initiative 141 trop généraliste et trop précise; les socialistes trouvent qu'elle est peu réaliste et risque d'induire une augmentation des impôts - et je suis très heureux de voir que le parti socialiste est sensible à cela, car ce n'est pas une problématique qui le touche souvent; les PDC trouvent que cette initiative a le mérite d'englober toute la scolarité obligatoire, mais qu'il ne faudrait surtout pas toucher au cycle d'orientation; et les libéraux, eux, considèrent qu'il ne faut pas inscrire cette initiative dans la constitution.

Bref, vous l'avez compris, nous avons le choix entre deux méthodes: soit nous faisons voter l'initiative 141 par le peuple - et en cas d'acceptation le département devra faire une loi d'organisation, mais qui bénéficiera d'un ancrage constitutionnel - soit nous préparons un contreprojet ! Cependant, au vu des critiques si diverses et contradictoires, je pense qu'il faudra plusieurs années pour que ce parlement accouche d'un contreprojet qui soit consensuel. (Commentaires.) Poser cette question, c'est donc y répondre, et le parti radical vous encourage à ne pas opposer de contreprojet à cette initiative 141 ! (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, concernant cette initiative...

Des voix. Ah !

Mme Sandra Borgeaud. ...je la soutiendrai. (Applaudissements. Chahut.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

Mme Sandra Borgeaud. Il y a plusieurs raisons à cela. Si, au niveau du cycle d'orientation, la demande est inexistante aujourd'hui, c'est pour la simple et bonne raison que rien n'a été proposé par le passé. On ne peut pas demander quelque chose qui n'existe pas !

Ensuite, pour ceux qui l'ignorent, je tiens à préciser que l'adolescence est un âge extrêmement difficile, c'est l'âge «charnier»... (Rires. Le président agite la cloche.) «Charnière !» C'est l'âge charnière où les adolescents doivent justement être encadrés. Et l'accueil continu permet l'apprentissage du respect d'autrui, de même que celui du partage et celui de la vie en communauté. L'adolescent vit l'intégration, il apprend à connaître ses camarades autrement que sur un banc d'école.

La période «peace and love» est révolue, Mesdames et Messieurs de la gauche ! Je souhaiterais qu'on arrête de pratiquer la politique de l'autruche, la tête dans le sable, et qu'on assume les responsabilités. Plusieurs d'entre vous se plaignent de la délinquance croissante, des jeunes qui sont livrés à eux-mêmes et traînent dans les rues parce qu'il n'y a personne pour s'en occuper... J'aimerais aussi m'adresser à ceux qui regrettent l'époque où les bonnes mères de famille ne faisaient que s'occuper de leurs enfants. Eh bien, elles n'ont plus ce choix aujourd'hui, Messieurs ! Quand elles préparent leur budget et calculent le coût des impôts, des assurances-maladie, du loyer, voilà des charges extrêmement lourdes ! D'où l'obligation, pour la plupart des mères de famille, de travailler afin de joindre les deux bouts à la fin du mois.

Le rôle d'un professeur ou d'un maître d'école est d'instruire les enfants. Avec cette initiative, on parle d'un accueil en continu, en dehors des heures d'école; cela amène un constat: ce sont d'autres personnes qui seront chargées de cet accueil et apprendront aux enfants ce que la vie va leur apporter plus tard. Les parents ne peuvent pas toujours être partout, on les presse systématiquement, s'ils ne sont pas à leur travail on les licencie... Par ailleurs, on se plaint qu'en Suisse la natalité soit trop faible. Si vous voulez que les habitants de la Suisse fassent des enfants, offrez-leur cette possibilité par des mesures aux niveaux économique et social ! Il faut des gens compétents et instruits pour s'occuper des enfants, de façon que ces derniers ne soient pas livrés à eux-mêmes et que leur apprentissage de la vie soit bon, en continuité de l'éducation que les parents se doivent de leur donner.

J'aimerais aussi vous rappeler que si la critique est aisée, l'art est difficile... Jusqu'à maintenant, tous les partis se sont contentés de critiquer, or je n'ai jamais entendu l'un d'entre vous avancer une proposition pouvant être meilleure. Alors, je n'ai ni envie de voter pour un contreprojet qui n'existe absolument pas à l'heure actuelle - dont on ne sait pas ce qu'il contiendra - ni envie de naviguer à vue. J'assume entièrement mes responsabilités et je voterai oui à cette initiative !

Mme Geneviève Guinand Maitre (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord je tiens à redresser la situation. On est en train de prétendre que nous sommes contre l'accueil continu des enfants. C'est une absurdité totale, on sait très bien que les socialistes ont clairement montré leur attachement au soutien des familles ayant besoin que leurs enfants soient pris en charge avant et pendant l'âge de scolarisation. J'en veux pour preuve l'initiative en faveur d'une véritable politique d'accueil de la petite enfance, qui vise à inscrire, dans la constitution justement, l'obligation pour les communes de prévoir suffisamment de places pour l'accueil de jour des enfants en âge préscolaire. Initiative qui répond à un besoin et qui a récolté 14804 signatures !

Une voix. Et sans «GHI» !

Mme Geneviève Guinand Maitre. Sans ! Si l'accueil continu des élèves est un principe auquel souscrivent sans réserve les socialistes, ils ne peuvent pour autant soutenir l'initiative 141. Celle-ci veut inscrire dans la constitution un texte qui ressemble plus à une loi d'application qu'à un article constitutionnel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est bien le principe de l'accueil continu qui doit être inscrit dans la constitution, et ce principe lui seul ! Quel est le sens d'inscrire dans la constitution des horaires précis, une offre tenant comptes des besoins pédagogiques, artistiques et sportifs des enfants ? Que dire des «menus équilibrés dans les restaurants scolaires» ?! On pourrait peut-être pousser le détail jusqu'à prévoir des chaises pour une bonne tenue du dos ?! Aller jusque-là dans la constitution serait franchement une absurdité !

Les articles proposés figent une situation au moment même où l'aménagement du temps scolaire est repensé dans le cadre de l'Accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire HarmoS. C'est une loi d'application qui devra déterminer le meilleur horaire, par exemple. Cela, les initiants l'ont eux-mêmes admis.

L'initiative demande un accueil continu des élèves pendant toute la scolarité; or il est ressorti des auditions des différents représentants d'associations professionnelles, de parents, de directions d'écoles, ainsi que du GIAP, le Groupement intercommunal pour l'animation du parascolaire...

Une voix. C'est pour les enfants !

Mme Geneviève Guinand Maitre. ...que la prise en charge des enfants dans l'enseignement primaire n'est pas à comparer avec celle des élèves du cycle d'orientation. On sait que les élèves du cycle ne cherchent pas à rester au-delà de l'horaire scolaire et que, si la prise en charge qui leur est offerte reste facultative, ce dont on peut se réjouir, il sera difficile de les convaincre - de les contraindre ?...

Une voix. Non !

Mme Geneviève Guinand Maitre. Ah ! De les convaincre d'en profiter ! La question des élèves de cette tranche d'âge qui nécessitent encore un encadrement ne sera certainement pas réglée de cette façon et ne justifie pas d'étendre l'offre au-delà de ce qu'elle est. C'est bien plus les structures de quartier qui pourront y répondre.

Les représentants de la FAPECO - Fédération d'associations de parents d'élèves du cycle d'orientation - préconisent plutôt une aide aux familles et estiment que «les élèves doivent progressivement se prendre en charge dans un processus normal d'autonomisation». Ce sont les propos de la Fédération. Non, décidément, le texte de cette initiative n'a rien à faire dans la constitution !

S'il est vrai que les auteurs d'une initiative ne sont pas tenus d'évaluer les coûts de la mise en oeuvre d'une telle proposition, on peut tout de même s'étonner qu'ils n'aient effectué aucune démarche auprès du département ou du GIAP pour avoir une estimation - comme ça, à la louche ! Prétendre, comme nous l'avons entendu, qu'ils n'auraient sans doute pas obtenu de réponse - pour se dédouaner de se renseigner - c'est faire preuve de légèreté et cela frise même la mauvaise foi. Les estimations données par le GIAP sont éloquentes: si l'offre actuelle est étendue à tous les jours de la semaine, ce n'est pas moins de 7,5 millions de francs qu'il faudra prévoir pour ces seules prestations !

Et cela sans parler des locaux actuellement disponibles qui ne suffiront de toute évidence pas ! Les initiants ont balayé un peu vite cette problématique. Les cafétérias créées dans les cycles ne peuvent recevoir plus de 30 à 40 élèves et l'espace pour les aménager a été pris, généralement, sur les couloirs. Cela ne suffira évidemment pas ! Si la pause de midi doit permettre à un nombre important d'élèves de manger à l'école, le temps du repas sera d'autant réduit et durera à peu près une demi-heure. Le menu sera alors essentiellement constitué de sandwiches... Repas très équilibré, vous en conviendrez avec moi ! (Brouhaha. Commentaires.)

Le président. Monsieur Barrillier, s'il vous plaît !

Mme Geneviève Guinand Maitre. Dans l'exposé des motifs de l'initiative, on peut lire que l'accueil continu doit assurer un encadrement pédagogique pour effectuer les devoirs... Actuellement, le GIAP éprouve, du simple fait des horaires, de grandes difficultés à recruter du personnel - qui n'est pas formé pour assumer la tâche d'accompagnement pédagogique. Il faudra donc engager du personnel qualifié, le former et le rémunérer en conséquence. Il est du reste piquant de voir que les initiants, issus des rangs de la droite, sont ceux-là même qui veulent sans cesse baisser les impôts et diminuer le rôle de l'Etat. Parce que ça les arrange... Comme ça !

A la question du financement des mesures proposées, on a pu entendre en commission un initiant qui serait favorable à une augmentation des impôts, consécutivement à la mise en oeuvre de cet accueil continu: j'espère que les électeurs apprécieront et s'en souviendront en temps utile ! L'augmentation de l'offre de l'accueil continu aura un coût que les socialistes voteront au moment où il le faudra, et j'espère que ce jour-là les membres du parti radical feront également preuve d'une belle unanimité pour voter ces budgets ! Je me réjouis d'avance de ce jour mémorable !

Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est pleine de bonnes intentions, mais elle fait des promesses sans se préoccuper de savoir si ces dernières pourront être tenues, ce que les socialistes se sont toujours refusés à faire, et continueront. (Remarque de M. Gabriel Barrillier.) L'initiative est trop détaillée et ne distingue pas les enfants de l'enseignement primaire des élèves du cycle d'orientation ! En un mot, le texte de cette initiative ne peut devenir un article constitutionnel.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont entièrement acquis à l'idée d'inscrire le principe de l'accueil continu dans la constitution. Ils vous recommandent de refuser cette initiative et de lui présenter une alternative réfléchie, sous la forme d'un contreprojet qui posera le principe général. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Weiss. (Quelques instants s'écoulent.) Monsieur Weiss ? (Exclamations.) Monsieur Weiss, c'est à vous !

M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président ! J'étais trop occupé à applaudir Mme Guinand Maitre pour les propos qu'elle vient de tenir !

Face à cette initiative de nos amis radicaux... (Exclamations. Un martinet entre par une fenêtre et ressort par une autre. Commentaires.)

M. Pierre Weiss. Les vilains oiseaux arrivent ! Je remets vite ma veste... (Chahut. Rires. Remarque.) Ce n'est pas le mien, il est trop petit. (Commentaires.)

Le président. Voilà, le martinet est reparti ! Nous reprenons, Monsieur Weiss, le temps sera décompté !

M. Pierre Weiss. Monsieur le président, je ne doutais pas de votre sens de la justice ! Donc, face à cette initiative qui est présentée par nos amis radicaux genevois, je crois qu'il faut réagir, sur la manière et sur le fond, d'un point de vue tactique et, aussi, stratégique.

Bien entendu, sur la manière, on aurait pu souhaiter que le parti radical genevois fît comme le parti radical vaudois, c'est-à-dire qu'il consultât les libéraux et, de la sorte, un texte commun aurait pu être présenté. Je crois que cela aurait dénoté d'un esprit de collaboration - que, à titre personnel, j'aurais souhaité voir - permettant d'augurer un succès plus grand de cette oeuvre nécessaire qui est celle d'offrir un accueil continu aux élèves des écoles primaires.

Sur le fond, on a dit tout d'abord qu'il convenait de respecter la constitution. La constitution de James Fazy, amis radicaux ! Que certains aimeraient refaire, et on ne sait pas encore de quelle façon ! Eh bien, cette constitution ne s'embarrasse pas de détails sur les menus, qu'ils soient équilibrés ou non. D'ailleurs, James Fazy n'était pas vraiment un témoin vivant de l'équilibre des menus, quand on regarde son portrait ! (Rires.) Cela dit, je pense qu'il conviendrait de laisser la question des menus à la loi et de poser le principe de l'accueil scolaire dans la constitution. Raison pour laquelle, toujours sur le fond, il conviendra effectivement, si le principe du contreprojet est accepté, de savoir être modeste et mesuré dans le libellé constitutionnel, et précis dans la législation qui devra suivre.

J'ajouterai une deuxième chose, un argument pratique: encore faudrait-il connaître les horaires scolaires qui seront finalement adoptés par le DIP, pour rattraper le déficit que nous avons à Genève en termes de temps de scolarité suivie par les enfants. Vous savez qu'il existe au moins une année de différence entre Genève et le Valais. Eh bien, où cette année de différence sera-t-elle mise ? A quel moment de la journée ? Sachons d'abord cela avant de préciser dans la constitution un horaire qui ne doit pas nécessairement correspondre à celui du coucher du soleil lors de l'équinoxe !

En matière de tactique, maintenant. Mme Hagmann l'a dit tout à l'heure, les libéraux déposeront en commission une proposition de texte de contreprojet qui sera le texte du contreprojet radical-libéral vaudois. J'ai dit «radical» d'abord ! Ils le déposeront en espérant que ce texte sera une base de discussion sans aucun dogmatisme, mais dans le but de trouver une majorité sur l'inscription d'un principe constitutionnel d'accueil scolaire. (Commentaires.) Chers amis, il ne faudrait quand même pas que, par une ironie du sort, comme dans le canton de Vaud, ce ne soit en définitive pas le texte de l'initiative qui soit traité d'abord, mais une proposition de loi venue d'un autre parti, de gauche, de ce parlement. Pourquoi ne pas garder l'initiative ? Et l'initiative serait précisément d'aller dans la direction du contreprojet !

Et puis, il y a la stratégie. Il y a la stratégie qui fait que, si nous nous dirigions ce soir vers le refus du contreprojet, seule l'initiative serait soumise au peuple, et ce serait probablement, je le crains, un échec. Et ce serait mauvais pour l'école, ce serait mauvais pour les enfants. En revanche, avec un contreprojet, la chance est grande que celui-ci soit accepté. Contrairement à ce que disait mon collègue Saudan, on ne devra pas attendre des années ! Il est précisé en première page du rapport rédigé par mon collègue que, avant le 11 août 2010, le contreprojet doit être adopté par ce Grand Conseil. Ce sera donc dans une année, au plus tard, et probablement en juin de l'an prochain que le contreprojet devra être accepté. Il aura toutes les chances de réussir. En tout cas, en ce qui concerne les libéraux, avec d'autres et d'abord avec les radicaux, nous ferons en sorte qu'un contreprojet réussisse, pour le bien des élèves de l'école genevoise. J'espère que Mme Guinand Maitre nous rejoindra ce jour-là aussi !

M. Eric Ischi (UDC). Je crois qu'on doit tous et toutes comprendre un peu la déception du groupe radical; c'est normal ! Et cette déception est directement proportionnelle au nombre d'intervenants de ce groupe pour soutenir cette initiative. C'est tout à fait de bonne guerre.

Mesdames et Messieurs, le groupe UDC ne pourra pas soutenir cette initiative, à cause de tous les griefs qui ont été énoncés, qu'il s'agisse de l'ancrage de cette initiative dans la constitution, avec tous ses détails ou, aussi, à cause de la question du financement.

Je dirai également qu'au fur et à mesure que nous avons auditionné les différents partenaires, certains se sont demandé si cette initiative ne devait pas être retirée. D'ailleurs, je peux même vous dire que cela a dû ébranler les représentants radicaux pendant cette étude en commission. (Commentaires.)

Cela dit, Mesdames et Messieurs, je crois que cette initiative a en tout cas le mérite de lancer le débat, qui doit avoir lieu ! Et, comme cela vient d'être dit, en optant pour un contreprojet, ce ne sont pas des années qui seront nécessaires pour sortir un texte, mais cela pourra bien être effectué dans le délai fixé par ce projet. Vous l'aurez compris, le groupe UDC refusera cette initiative.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois encore, certains - comme M. Barrillier, par exemple - s'en sont pris à notre commissaire à la commission de l'enseignement. Mais je crois qu'en lieu et place de m'entendre lorsque j'ai pris la parole, vous auriez mieux fait de m'écouter, chers collègues ! Car j'ai dit au début de ma déclaration que l'initiative partait d'un excellent principe qui méritait qu'on s'y attarde, mais que le manque de précisions, le manque de financement et la dimension trop générale de l'initiative amenaient le groupe MCG à refuser l'initiative et à voter la rédaction d'un contreprojet. (Brouhaha.) Alors je ne vois pas ce qu'il y a de contradictoire entre les propos du commissaire MCG et ce que nous déclarons en plénière ! Si quelques-uns d'entre nous ont un sens plus élevé du respect, je constate encore une fois que, quand certains d'entre vous en ont terminé avec les arguments politiques, il ne leur reste plus que les attaques personnelles... Encore une fois, ce n'est pas grave, car ces attaques nous coulent dessus un peu comme de l'eau sur un ciré.

Donc, je maintiens la position prise par le groupe MCG en faveur d'un contreprojet, car c'est vrai qu'il y a un problème, et le groupe radical a soulevé une problématique qui concerne beaucoup de parents. Ça, c'est une réalité, mais il fallait rendre cette proposition plus précise. Il fallait sortir des généralités, parce que, comme ça, c'est un peu tout et n'importe quoi ! Nous disons donc oui à un contreprojet - qui sortira quand il sortira - et non à l'initiative telle qu'elle est formulée !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Pürro.

Mme Véronique Pürro (S). Je vous remercie de m'avoir accordé la parole, Monsieur le président. D'autant plus que tout a quasiment été dit et que je ne vais pas m'amuser à répéter ce que tous les groupes ont avancé comme diagnostic, que nous partageons, même si nous ne l'exprimons pas forcément de la même manière. Il est vrai que 70% des femmes dans notre canton travaillent; cela a forcément une conséquence, mais il est faux d'imputer tout le problème à la femme. Le besoin de travailler est celui des parents, pas uniquement celui de la femme qui travaille aujourd'hui. Les parents sont les deux responsables des enfants, le père comme la mère. Et, dans la plupart des cas, tous deux souhaiteraient pouvoir mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Nous sommes donc d'accord sur ce diagnostic, même si, une fois de plus, nous ne l'exprimons pas de la même manière.

Toutefois, nous ne sommes pas d'accord sur la réponse apportée. Tout comme M. Weiss l'a dit tout à l'heure, je déplore aussi la méthode. Je ne regrette pas que les radicaux n'aient pas fait appel aux socialistes, bien qu'on aurait pu imaginer qu'ils le fassent vu le succès obtenu avec le cycle d'orientation, on aurait pu essayer, sur un sujet aussi important que celui-ci, de reproduire les alliances très larges, d'autant plus qu'une fois encore, sur la petite enfance, on est d'accord. Je me réjouis donc que vous nous souteniez, Monsieur Follonier, surtout que, comme je l'ai dit, nous partageons le diagnostic. Le fait que vous ne nous ayez pas approchés n'est pas un problème en soi. En revanche, que vous n'ayez pas approché et associé à la rédaction du texte les principaux concernés - le GIAP, la FASe et l'ACG - est un véritable problème. Et c'est en partie la raison de l'échec de votre texte: il n'est accepté par personne ! Nous l'avons vu en commission, ces institutions ont été auditionnées et elles ont toutes signalé, comme nous l'avons relevé ce soir, qu'il y a un problème, qu'il faut y remédier, et que la réponse doit être de l'ordre juridique ! Toutefois, comme on l'a dit pendant plus d'une heure, une réponse en un texte trop détaillé n'est pas pertinente. Je regrette donc que vous n'ayez pas pris la peine d'associer les partenaires concernés, et ils sont nombreux dans le domaine !

Sur la réponse, je ne vais pas entrer dans le détail, Mme Guinand Maitre l'a très bien fait, et je félicite aussi Mme la rapporteure Nelly Guichard de la qualité de son rapport, car tout y figure, et je crois que ce document nous sera précieux pour la rédaction d'un contreprojet. Quant aux défauts que nous trouvons à cette initiative, ce que nous pouvons dire, c'est que les socialistes vont prendre une part active à la rédaction de ce contreprojet, parce que le besoin est réel et qu'il mérite d'être mentionné dans la constitution, comme nous l'avons fait pour la petite enfance. Cela doit être un droit, tout comme vous le proposez. (Brouhaha.) Nous n'en avons pas beaucoup parlé, mais les études surveillées devraient être offertes à tous et être assumées par l'école, c'est-à-dire par l'Etat, et non par des privés ! Et là, les socialistes dénoncent - et nous l'avons encore peu fait - les inégalités que la solution radicale pourrait également engendrer.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, l'été s'annonce et j'espère que ce seront deux mois propices pour que, une fois le principe du contreprojet accepté, nous nous mettions tous autour d'une table - avec les radicaux, j'espère ! - comme nous l'avons fait pour le cycle d'orientation, afin de trouver une réponse qui satisfasse l'ensemble des partenaires et tous les partis de ce parlement. (Applaudissements.)

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse de majorité. En entendant les différents intervenants, on a bien compris que, contrairement à ce que nous faisait croire le parti radical, les critiques ne sont pas si contradictoires que cela, et je suis même certaine que nous serons à même de rédiger un contreprojet, comme la majorité le propose.

Si nous avons opté pour cette solution, c'est que nous estimons que la commission de l'enseignement est à même de le faire. Elle l'a d'ailleurs prouvé tout récemment, comme Mme Pürro l'a souligné, avec la rédaction d'un contreprojet tout aussi compliqué au sujet du cycle d'orientation.

Je le rappelle ici, ce contreprojet a été plébiscité par un très large pourcentage de la population et j'espère que le contreprojet qui sera rédigé au sujet d'un accueil continu des élèves rencontrera le même succès après son adoption ou, en tout cas, après qu'on aura consulté comme parties prenantes les différentes entités concernées, soit l'ACG, car ce sont quand même les communes qui vont payer une grande partie de toute cette infrastructure. Le parascolaire, évidemment, le GIAP et la FASe sont des partenaires incontournables pour la rédaction d'un tel contreprojet.

Nous refuserons donc cette initiative, comme je l'ai dit en préambule lors de ma première intervention.

M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Je passe ce soir la plus belle soirée de la législature !

Des voix. Oh !

Une voix. Je croyais que c'était hier !

Une autre voix. C'est le moment d'arrêter, alors ! (Rires.)

M. Jacques Follonier. Mesdames et Messieurs les députés, les masques sont enfin tombés ! J'ai été et suis toujours président de la commission de l'enseignement. Lorsque j'ai inscrit cette initiative à l'ordre du jour, je pensais naïvement qu'elle serait plébiscitée par l'ensemble de la commission et par l'ensemble du parlement. D'autant plus que, lorsque j'ai commencé à parler de cette initiative, le chef du département était à côté de moi, et j'avais lu que le Conseil d'Etat in corpore soutenait cette initiative, donc le chef du département aussi. Je ne voyais donc pas pour quelle raison nous nous retrouverions ce soir à - presque - nous chamailler pour savoir si l'on doit d'abord faire un contreprojet ou si l'on peut garder quand même cette initiative.

Finalement, je comprends ce qui s'est passé... L'ensemble des partis en Suisse est pour l'accueil continu, l'ensemble des partis de ce gouvernement est pour l'accueil continu, mais tous, les uns et les autres, pour des raisons plus ou moins inavouables, que certains laissent transparaître et que d'autres disent carrément. Alors oui, on peut continuer comme ça ! Moi, je vous rappelle simplement ce qu'ont fait les Vaudois, puisque Mme Hagmann nous en parlait - et elle a bien fait de prendre cet exemple vaudois: les Vaudois ont été beaucoup plus intelligents que nous ! Mme Hagmann parlait d'une initiative libérale-radicale, qui était une initiative populaire, qui a été squattée par les socialistes qui en ont fait une initiative parlementaire. Au lieu de se battre, de se taper dessus, qu'a fait le parlement ? Eh bien, les libéraux-radicaux ont accepté de voter le texte des socialistes - qui était le leur, d'ailleurs - et le parlement a voté cela rapidement et sans histoires ! A Genève, c'est juste impossible ! C'est regrettable, mais on l'a vu lors des auditions... Lorsqu'on a reçu les syndicats d'enseignants, ils sont venus nous dire qu'en fait ils devaient «garder la compétence pédagogique» ! Et qu'il était «hors de question que des devoirs soient faits en dehors de l'école» ! Alors qu'on se demande bien comment les élèves peuvent les faire en dehors de l'école, avec leurs parents.

Lorsqu'on a entendu le GIAP, il nous a dit qu'il était presque vexé qu'une telle initiative se fasse, parce que c'était ne pas reconnaître son travail ! Mais... imaginez ce que nous avons fait ! Et Mme Hagmann le sait, je la prends à témoin, nous avons écrit - nous, parti radical, sur ma demande, entre autres - à tous les partis. Vous avez tous reçu une lettre dans laquelle nous vous invitions à prendre le texte de l'initiative parlementaire vaudoise afin qu'on puisse voter aujourd'hui; nous n'avons reçu aucune réponse ! Même pas des libéraux qui, aujourd'hui, se déclarent prêts à défendre ce texte en plénière, voire - plutôt - en commission. C'est une manière de parler qui est incompréhensible.

Vous parlez de l'initiative. Imaginez les Vaudois - qui n'avaient rien ! - qui doivent tout construire et qui, aujourd'hui, partent là-dedans ! Mesdames et Messieurs les députés, à Genève, on est en train de prendre du retard... Mais d'une manière incommensurable parce qu'on vit sur nos acquis ! Dans le canton de Vaud, la question de la petite enfance a été réglée de main de maître, tout un système a été monté et fonctionne parfaitement, alors que nous, à Genève, nous nous complaisons dans nos petits systèmes ! Concernant les CFC dans le domaine de l'accueil de la petite enfance, c'est pareil: une loi a été introduite. Et nous, nous sommes englués dans notre règlement, on est en train de se battre entre syndicats et employeurs... Là, avec l'accueil continu, on recommence exactement la même chose ! Et ça va durer - peut-être pas des années, comme vous l'avez souligné - mais cela devrait durer, au pire une année. Or je doute franchement que l'on arrive à se mettre d'accord sur quelque chose d'aussi compliqué. Parce que Genève est devenue le fief de l'immobilisme ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Et j'aimerais quand même vous dire - je vais vous lire le préavis, car vous ne le savez peut-être pas, mais ce mois... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le Conseil d'Etat vaudois a sorti ce mois, soit il y a quelques jours, l'exposé des motifs de l'initiative parlementaire. Le voici: «Le Conseil d'Etat approuve donc cette initiative parlementaire et propose au Grand Conseil de soumettre la modification constitutionnelle qui en résulte en votation populaire sans contreprojet. Il souhaite que le Grand Conseil puisse le plus rapidement possible et examiner et adopter le projet de décret convoquant les électeurs, afin que la votation populaire puisse avoir lieu encore en 2009.»

Et je ne peux résister à vous lire le petit passage concernant les finances, parce qu'alors, qu'est-ce qu'on a pu entendre chez nous ! Voyez de quelle manière ils ont résolu le problème simplement: «Même si l'article 63a nouveau Cst-VD confie cette mission prioritairement aux communes, l'Etat sera certainement appelé à augmenter sa participation financière à l'accomplissement de cette mission constitutionnelle. L'exposé des motifs qui accompagnera le projet de loi d'application devra préciser les conséquences financières pour l'Etat et les communes.» C'est exactement ce que M. Beer nous avait proposé !

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.

M. Jacques Follonier. Alors je vais terminer rapidement. Je regrette qu'à Genève nous n'arrivions pas à bouger ! Je pense que la plupart des partis comptent sur M. Beer pour préparer un contreprojet; j'espère qu'il le fera, mais je pense que c'est trop conflictuel - en effet, vous aurez beaucoup de difficultés. Et j'aimerais quand même vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que les cuisines scolaires ont été instaurées par les radicaux en 1903; si l'on a été capable de le faire au début du XXe siècle, on en sera aussi capable au début du XXIe ! Alors je vous en prie, l'initiative est importante, le contreprojet aussi, mais rappelez-vous qu'au final c'est le peuple qui décidera ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mle conseiller d'Etat Beer.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, malgré la période électorale pointant le bout de son nez, vous me permettrez de le dire tout de go: l'initiative 141 est une initiative bienvenue ! Elle est bienvenue parce qu'elle pose une question fondamentale: celle du droit, pour des parents, à accéder au parascolaire. En tant que chef du département de l'instruction publique, je suis obligé de dire que l'initiative proposée offre, dans les termes mêmes de la réponse constitutionnelle, une issue à bien des soucis quotidiens des parents, des mères en particulier, contraints de jongler et de justifier régulièrement certains demandes - à savoir s'ils ne vont pas jouer au tennis ou au golf, ou déplacer leur voiture 4x4, au lieu de s'occuper de leurs enfants, comme cela est avancé régulièrement, de façon peu élégante, dans certains débats - alors qu'il s'agit très souvent, vous le savez, d'obligations professionnelles étant à l'origine des demandes des parents. A partir de là, le Conseil d'Etat salue le dépôt de cette initiative et conserve sa position sur ce point.

J'aimerais également dire que l'initiative tombe bien, parce que l'Etat assume aujourd'hui le parascolaire à raison de 10%, les communes, 90%, selon une loi de 2007 votée par le Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat - vous l'avez rappelé, Madame la rapporteure de majorité. Cela signifie que, dans les faits, les communes assument le coût pratiquement totalement. Pour certaines et certains, cela voudrait dire que l'Etat n'aurait plus rien à dire en matière d'horaires parascolaires et d'accueil d'enfants, ce qui est une erreur.

J'ajoute que cette initiative tombe bien, parce que la question de fond reste posée en regard des enjeux de l'harmonisation scolaire, avec la question de l'horaire scolaire: quels horaires pour quelle finalité ? Avec quels partenaires et comment ? Avec quel financement ?

Maintenant, il faut bien le dire, l'initiative pose quelques problèmes... Qui va payer ? Surtout, on va poser des questions sur la qualité: qui va prendre cela en charge ? comment ? avec qui ? et avec quel horaire scolaire, puisque celui-ci est en pleine redéfinition ? Il y a aussi ceci: faut-il que la prise en charge soit élargie aux adolescents ? Si oui, comment ?

Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, je dis très clairement que, avec les questions posées, un certain nombre d'inconvénients à la démarche peuvent être décelés, et ils dépassent très largement une loi d'application. Je soutiens qu'un contreprojet est en mesure de régler certains de ces problèmes, à condition de ne pas tout inscrire dans la constitution et, également, d'accepter une loi d'application définissant des éléments relatifs à l'articulation, à l'horaire, à la prise en charge, et à la participation des différents partenaires notamment.

Mesdames et Messieurs, j'ai quand même envie de relever une chose: qu'il y ait demain une initiative ou un contreprojet, eh bien, je souhaite que cela se réalise le plus vite possible, et que le peuple puisse voter, de manière à permettre de dégager des droits et des aménagements pour la population de ce canton.

Le deuxième élément - je rejoins Mme la députée Hagmann et M. le député Weiss sur ce point - c'est qu'il faut définir l'horaire scolaire. L'horaire scolaire à Genève - vous le savez, j'aime le répéter ainsi, ou plutôt je le dois - est en souffrance. Monsieur le député Weiss, si seulement vous aviez raison quand vous disiez tout à l'heure qu'un écolier genevois effectue un an de moins d'école que les écoliers valaisans ! Pour la seule langue française, ce déficit s'élève à deux années de moins sur l'ensemble de la scolarité obligatoire ! Cela veut dire que nous avons un déficit important, et je sais que tant les partisans du contreprojet que les initiants sont conscients du fait qu'il va falloir modifier l'horaire scolaire. Mais comment ? En tout cas, il faut augmenter l'horaire et j'ose dire - avec votre appui, j'espère - que cela ne sera pas discutable. Par contre, le «comment» doit être discuté. S'agit-il de mettre en place le cinquième jour d'école le mercredi ? Est-ce qu'il s'agit de modifier les horaires quotidiens ? S'agit-il de les modifier sur cinq jours ? Laissez la commission, avec les différents partenaires, répondre à ces questions, puisqu'elle associe les parents et, aussi, au niveau du groupe de pilotage, les représentants des enseignants, de même que les communes, la Ville de Genève en particulier, plus d'autres partenaires tels que les consulats, les clubs de sport, les écoles d'art, pour ne citer que ceux-là, qui sont directement intéressés à la définition de l'horaire scolaire.

Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois, initiative ou contreprojet, j'espère qu'on s'intéressera quand même - et vous le faites - à la prise en charge des adolescents. Et si l'on dit, comme le relève à juste titre Mme la députée Guinand Maitre, que c'est la FASe qui est compétente en ce qui concerne les adolescents, j'espère que ni l'initiative ni un contreprojet ne vont figer dans la constitution le nom d'un partenaire désigné ! Au contraire, j'appelle de mes voeux - notamment avec la Ville de Genève - que la FASe et le GIAP puissent définir un horaire clair, avec des partenaires qui coordonnent leur action, plutôt qu'ils la pensent séparément - et j'allais dire: «pour le plus grand bien de l'humanité, malgré tout».

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite en tous les cas, malgré ce débat contradictoire qui est inhérent à ce type d'exercice - et, notamment, à la proximité des élections - à vous recentrer sur l'intérêt des enfants et des familles. Que vous décidiez de choisir l'initiative - quelles que soient ses limites, qu'il sera possible de préciser dans une loi d'application - ou que vous décidiez de choisir le contreprojet, je vous enjoins de rester également proches de la préoccupation des initiants, à savoir: faire ressortir un droit, à un moment où, trop souvent, nous fonctionnons dans l'arbitraire ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter la prise en considération de l'initiative. (Quelques instants s'écoulent.) J'ai longtemps appuyé sur la sonnette... Tout le monde est là ?

Des voix. Oui !

Mise aux voix, l'initiative 141 est refusée par 70 non contre 18 oui et 1 abstention.

Le président. Suite à ce refus, nous allons nous prononcer sur le principe et la préparation d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 88 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

L'initiative 141 est renvoyée à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture pour l'élaboration du contreprojet.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 141-C.

Le président. Nous reprenons la suite de notre débat de tout à l'heure. Il s'agit du traitement en urgence du PL 10444-A, point 123 de l'ordre du jour.

PL 10444-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit complémentaire de 106'930'000F à la loi 8719 ouvrant un crédit de 400'800'000F en vue de la réalisation de la liaison ferroviaire Cornavin-Annemasse via la Praille - les Eaux-Vives (CEVA) par les Chemins de fer fédéraux (CFF)
M 1873
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Meylan, Beatriz de Candolle, Antoine Bertschy, Jacques Jeannerat, Renaud Gautier, Daniel Zaugg, François Gillet, Mario Cavaleri, Fabienne Gautier, René Stalder, Eric Ischi, Jean-Marc Odier, Ivan Slatkine pour une couverture des besoins des divers types d'usagers dans le cadre du plan directeur de quartier no 29'520 relatif à la gare des Eaux-Vives

Suite du premier débat

Le président. Je rappelle que nous sommes en premier débat et que la liste est close. Doivent encore prendre la parole: M. Catelain, M. Slatkine, M. Bertinat, M. Jeanneret, M. Golay, Mme Chatelain, M. Gillet, M. Ducret, les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat.

M. Gilbert Catelain (UDC). En 2001, le groupe UDC avait reconnu le bien-fondé de ce projet d'infrastructure ferroviaire et j'avais personnellement émis un certain nombre de réserves, notamment le fait que nous n'étions pas en possession des conclusions négatives des études de marché qui avaient été commandées par l'ancien conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre, que les estimations de fréquentation, en particulier par les Genevois, ne ressortaient pas des études... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Gilbert Catelain. ...et qu'il y avait probablement une sous-estimation manifeste des coûts. Ce qui n'a pas empêché le groupe UDC, à l'époque, de voter la prise en considération de ce projet, puis de l'adopter.

Le projet de loi qui nous est soumis ce soir et le débat qui en découle illustrent à merveille la profondeur des blocages que ce Grand Conseil est capable de mettre en place pour entraver le développement durable de ce canton. Que s'est-il passé au cours de ces huit dernières années ? La population a progressé sur l'ensemble de la région, les déplacements ont explosé, les réseaux routiers et celui des TPG sont saturés. Ce Grand Conseil a voté d'importants projets de déclassement afin de permettre la construction de milliers de logements. La question qui nous est donc posée ce soir n'est pas de savoir s'il faut construire le CEVA: le CEVA est indispensable !

Des voix. Ah!

M. Gilbert Catelain. Et c'est un «CEVA-sceptique» qui vous le dit ! La question à laquelle nous devons répondre est celle relative au montant que nous sommes disposés à investir dans la réalisation de cette infrastructure, pour maintenir l'espoir que soit respectée la garantie constitutionnelle de la complémentarité des moyens de transports - partant, la construction de la traversées de la rade et, respectivement, l'extension du réseau de tram. Il conviendrait donc de connaître la vérité quant aux coûts ! Parce que déjà à l'époque, lorsqu'on nous a avancé le chiffre de 900 millions de francs pour ce projet, c'était déjà sous-estimé. On n'était pas aveugle ! (Brouhaha.) Sachant que ce Grand Conseil a voté une passerelle en bois enjambant la route des Jeunes, passerelle qui nous a coûté - proportionnellement - 30 millions le kilomètre, que l'autoroute de contournement a coûté, à l'époque, 100 millions le kilomètre... Il est donc évident que le CEVA ne va pas se réaliser pour 50 millions le kilomètre... C'est déjà le prix d'une simple voie de tram sur Cornavin-Meyrin-CERN ! A partir du moment où nous construisons des tunnels, nous savons que le coût sera élevé. Ce que nous demandons, c'est la vérité quant aux coûts. La Suisse est spécialiste en construction de tunnels: on connaît les risques géologiques, on connaît le problème qui a été rencontré pour les NLFA au Gothard, on peut donc très bien avoir une fourchette minimum-maximum, mais on doit savoir la vérité quant aux coûts ! Si nous l'avions connue en 2001, nous ne serions pas là pour en discuter. Disons au peuple ce que ce CEVA va coûter et osons nous prononcer sur le coût maximum que nous sommes prêts à y consacrer ! A ce moment-là, les gens auront confiance en le CEVA, nous serons partenaires de ce projet et pourrons au moins discuter avec les CFF, respectivement la Confédération. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Il convient pour nous d'avoir des garanties sur le financement; ces dernières, aujourd'hui, nous ne les avons pas ! Nous attendons la décision du Conseil fédéral et vous proposons, pourquoi pas, de voter cette entrée en matière, puisqu'on y arrivera finalement. Mais il conviendrait que le troisième débat n'ait pas lieu avant que nous soyons fixés sur la répartition des charges de ce projet ferroviaire qui est indispensable pour Genève. Et ce chaînon manquant, c'est la seule possibilité que nous aurons eue, ces cent dernières années, de réaliser une infrastructure moderne. Je rappelle que si nous ne l'avons pas encore, c'est aussi parce que nous avons, à l'époque, laissé les CFF établir leur direction régionale à Lausanne. Les décisions se prenaient à Lausanne et l'argent pour les infrastructures était réparti dans un environnement essentiellement vaudois; on votait plus pour savoir si on allait construire sur Lausanne ou sur Vallorbe, au détriment de Genève. Finalement, Genève est demeuré le parent pauvre de l'infrastructure ferroviaire en Suisse.

Nous n'aurons pas trois fois la même chance de construire une infrastructure ferroviaire. Le groupe UDC est d'accord avec l'édification de cette dernière, mais il veut simplement en connaître les coûts véritables. Nous sommes prêts, mais nous ne voulons pas porter atteinte au développement futur de Genève, lequel passe par la construction de la traversée de la Rade et des projets d'infrastructures dans la complémentarité des transports.

M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral s'est exprimé sur le fond du sujet en début de soirée, en vous indiquant la position favorable qu'il va prendre concernant ce projet de loi. Vous me permettrez d'intervenir ici à titre personnel, afin de vous faire part d'une position certes minoritaire, mais qui mérite de figurer au Mémorial.

Sur le fond du sujet, nous sommes tous d'accord: notre canton a besoin d'un projet comme le CEVA. Ce projet, Mesdames et Messieurs les députés, a été initié par ceux qui occupaient nos sièges voilà presque dix ans, et c'est en juin 2002, il y a sept ans presque jour pour jour, que notre parlement, dans une belle et presque stalinienne majorité, a approuvé le projet de loi 8719 accordant un crédit de plus de 400 millions pour cette infrastructure. En consultant le Mémorial, on relèvera ici que, à l'époque déjà, certains saluaient les travaux de la commission des travaux effectués «de manière expresse, digne des TGV» - je pense à Mme Gauthier, Morgane. On relèvera encore que, grâce à un vote historique, «Genève avait rendez-vous avec son destin.» C'étaient les propos de M. Barrillier. Bien que le débat de juin 2002 ressemblât plus à de grandes déclarations en faveur du CEVA, il faut relever que de nombreuses questions avaient été soulevées, comme celles relatives aux coûts d'exploitation, ou encore celles relatives aux problèmes que pourrait poser la nappe phréatique. A cette époque, on ne parlait pas encore de sons solidiens, de protections antivibratoires ou d'autres considérations géologiques.

Concernant les coûts, M. Cramer avait clairement indiqué - je vous renvoie au Mémorial - que le budget global de 940 millions serait respecté, que les coûts de fonctionnement se monteraient pour le canton à 3 ou 4 millions de francs par an avec un taux de rentabilité interne de 12%, et qu'au niveau des finances publiques il s'agissait d'un investissement presque entièrement autofinancé par la taxe poids lourds RPLP. (Commentaires.) Malgré l'ensemble de ces garanties, tous les députés qui étaient intervenus en séance plénière avaient relevé que si le projet CEVA est un projet fondamental pour notre canton, il était nécessaire qu'un rapport régulier sur l'avancement du chantier soit présenté au parlement.

Au surplus, à l'unanimité, les députés avaient voté un amendement à l'article 11 du projet de loi, amendement présenté par le parti libéral, qui précisait que le Conseil d'Etat devait remettre à notre Grand Conseil, dans son premier rapport relatif au projet CEVA, un plan financier d'exploitation se rapportant non seulement à l'ouvrage, mais aussi aux équipements qui seront à l'emplacement et à proximité des gares.

Depuis le mois de juin 2002, de l'eau a coulé sous les ponts. Si vous me le permettez: des trains ont roulé sur les rails !

Une voix. A cause de qui ?

M. Ivan Slatkine. Membre de la commission de contrôle de gestion depuis huit ans, j'ai vu passer de nombreux dossiers où, à l'unanimité de la commission, on a pu être frappé par les mauvaises appréciations que se sont faites les députés. Citons deux exemples. Parking-relais de Genève-Plage, 30 millions de francs votés: facture finale de 67 millions ! Stade de Genève, 20 millions de francs votés: facture finale de plus de 120 millions ! Et la saga n'est pas terminée ! Si le CEVA est certes «le» projet du siècle pour Genève et si, en cette période d'incertitude économique, on ne peut qu'encourager la réalisation de grands projets tels que celui-ci, est-ce néanmoins des raisons suffisantes pour ne pas vouloir voir la réalité des chiffres ?! Et pour ne pas obtenir la liste détaillée et chiffrée de ce projet mammouth, mais ô combien indispensable pour notre canton, comme l'avait demandé l'unanimité de notre parlement en juin 2002 ?!

Contrairement aux propos du rapporteur de minorité, il faut rappeler ici que le groupe libéral avait défendu la recevabilité de l'IN 138. Il l'avait soutenue non parce qu'il était opposé au CEVA, mais tout simplement parce qu'il estimait que, sur des sommes aussi importantes - que celles que nous sommes prêts à voter ce soir - il lui semblait légitime d'obtenir l'appui de toute la population. Le Tribunal fédéral a finalement tranché, et sur ce point il faut admettre que le débat est clos.

Toutefois, dans sa grande sagesse, le Conseil d'Etat a eu le courage de déposer le projet de loi dont nous discutons ce soir. Ce dernier devrait nous permettre d'obtenir les réponses à toutes les questions posées, de telle manière à pouvoir dégager la plus large majorité possible en faveur du projet CEVA.

En fait, avec ce projet de loi, le Conseil d'Etat nous donnait l'occasion rêvée de bétonner le dossier, afin de nous permettre de voter en toute quiétude un projet aussi important pour l'avenir de notre canton. Mais politique et réalité des chiffres ne font pas bon ménage, Mesdames et Messieurs les députés ! Ceux qui me connaissent ne pourront pas mettre en doute ma rigueur et mon intégrité. Selon moi, il ne faut pas avoir peur des chiffres, il faut les assumer. La lecture du rapport de majorité n'apporte malheureusement pas de réponses concrètes et précises aux questions posées: aucun chiffre, aucun rapport d'expert, pas de «business plan» ! On ne trouve pas trace du moindre échange d'informations avec le maître d'oeuvre, les CFF; on ne trouve pas la moindre trace d'échange avec la Confédération, afin de savoir si cette dernière prendra bien en charge sa part au niveau des surcoûts estimés.

Ce soir, on nous demande de prendre une décision d'une grande importance, sans que nous ayons en main toutes les informations et garanties nécessaires pour nous prononcer en toute connaissance de cause. On nous indique que l'exposé des motifs du Conseil d'Etat est complet, qu'il est parfait et que cela est suffisant pour autoriser une dépense supplémentaire de 113 millions aux 400 millions votés voilà sept ans.

Parce que je soutiens le CEVA, mais parce que je suis aussi également à cheval sur la gestion des deniers publics et attaché au principe de la responsabilité, vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les députés, que même si je suis de ceux qui sont pour le développement de notre canton, il ne me sera pas possible de voter ce soir comme nous l'avons fait voilà sept ans. Etre responsable, Mesdames et Messieurs les députés, c'est être en mesure de soutenir un projet quand on en connaît tous les tenants et aboutissants. En l'état, et à la lecture du rapport de majorité, il ne m'est malheureusement pas possible, en mon âme et conscience, d'apporter un soutien sans faille à ce projet de loi, qui laisse, selon moi, de trop nombreuses questions ouvertes. Je m'abstiendrai donc lors du vote final, car si l'on peut être pour le CEVA, il est aussi possible de ne pas vouloir signer un chèque en blanc pour ce projet, comme cela risque d'être le cas ce soir. (Applaudissements. Sifflet.)

M. Eric Bertinat (UDC). J'avoue qu'à mesure que les années ont passé, depuis que la décision a été prise de construire le CEVA, je me suis, pour reprendre la formule de mon collègue Catelain, «eurosceptisé». Au fur et à mesure que les questions venaient, les réponses ressemblaient à quelque chose comme une fuite en avant et les précisions demandées ne figuraient pas dans les réponses données.

Le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui est tout à fait dans cette lignée, et j'y trouve là une sorte de précipitation pour construire absolument et de manière têtue ce CEVA sans vouloir vraiment prendre le temps de creuser le sujet. Il suffit pour s'en convaincre de lire le rapport que l'ICF a rendu. L'ICF a effectué un audit de gestion le 5 mars de cette année, il a donc grosso modo trois mois. On trouve dans ce rapport deux thèmes qui reviennent et doivent vraiment nous poser le problème. Le premier thème, c'est que l'ICF constate que ce crédit complémentaire ne sera pas suffisant pour mener à bien le projet CEVA dès lors qu'il ne tient pas compte du renchérissement, qu'il évalue en mars à 135 millions de francs, et auquel pourraient s'ajouter les éventuels coûts liés au risque TVA qui se chiffre, lui, à 48,9 millions. Voilà déjà deux sommes qui ne sont pas inscrites aujourd'hui, qui ne font pas partie du crédit complémentaire, et auxquelles il faudra ajouter un surcoût de 230 millions ! Je ne trouve pas fondamentalement honnête de proposer à ce parlement de voter une partie seulement des coûts liés à la construction du CEVA. On n'y voit pas très clair - et je me demande dans quelle mesure les choses ne sont pas faites pour que, précisément, on ne puisse pas y voir très clair.

Deuxième remarque: nous ne sommes pas du tout sûrs que la Confédération paiera tous les débordements financiers que la construction du CEVA va provoquer. Là aussi, je me réfère au rapport de l'ICF, page 13: «Toutefois, et à notre connaissance, l'Etat de Genève ne dispose à ce jour d'aucune garantie de l'administration fédérale des contributions que ce procédé permette d'éviter le problème précité.» En effet, le courrier que la direction du projet a adressé à l'IFC indique entre autres que la décision n'est pas du tout prise et que les fonds nécessaires au versement éventuel de la participation fédérale ne sont pas encore trouvés. C'est-à-dire que nous allons voter un projet à géométrie variable, dont nous ne connaissons pas la totalité des coûts et qu'il serait tout de même important d'attendre, car - je pense que vous le savez tous - un certain nombre de conseillers nationaux ont déposé une question écrite à Berne pour demander la confirmation que la Confédération paiera tous les dépassements. Nous n'avons pas encore reçu de réponse, nous ne savons donc pas aujourd'hui ce que l'Etat de Genève va payer, et la facture sera très importante !

C'est pourquoi je propose, Monsieur le président, de renvoyer ce projet de loi à la commission des finances, pour se donner quand même le temps de savoir exactement à quoi on s'engage, pour que la population puisse aussi connaître les chiffres réels de la construction du CEVA, pour qu'on puisse attendre la réponse de la Confédération et revenir devant le parlement avec des chiffres sérieux.

Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des finances. Peuvent s'exprimer les deux rapporteurs et le Conseil d'Etat, trois minutes chacun. Je laisse la parole à M. Hohl.

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Je crois qu'il faut être raisonnable. Bien sûr, on peut renvoyer ce projet de loi à la commission des finances, on peut le garder un an, deux ans ou trois ans avant de revenir en plénière, et nous n'aurons pas plus de renseignements qu'aujourd'hui ! J'ai l'impression que vous pensez disposer d'une boule de cristal pour nous dire, tant à l'UDC qu'au MCG, que ce projet va coûter 2 milliards de francs ou plus... Mais comment le savez-vous ? Ce que l'on sait, c'est que plus nous attendons, plus ça coûtera cher ! Ce que l'on sait aussi, c'est que plus nous attendons, plus il y a des risques que Berne remette en question son apport dans le financement. Je vous rappelle que dans la convention qui a été signée en 2002 il est clairement indiqué à l'article 12 que tout dépassement du coût des travaux ou toute économie réalisée suit la même clé de répartition. C'est bien clair ! C'est absolument clair, Mesdames et Messieurs les députés: la Confédération participe au comité de pilotage et suit en permanence l'évolution de ce chantier, ainsi que, je l'ai rappelé au tout début, les 80% des soumissions qui sont rentrées.

Alors, quelle que soit la décision des Chambres fédérales, la Confédération s'est engagée par ce protocole d'accord. Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage, si réellement vous voulez de ce CEVA, de bien évidemment refuser ce renvoi en commission, parce qu'on a plein de gens dans cette salle qui disent oui au projet et qui le trouvent formidable. L'UDC a dit que ce dernier est essentiel; si c'est essentiel, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez absolument faire confiance et voter ce projet de loi. Point ! (Applaudissements.)

Le président. Le Conseil d'Etat veut-il prendre la parole à ce sujet ? Ce n'est pas le cas, nous allons procéder au... (Commentaires.) Excusez-moi, Monsieur Stauffer ! La parole est à vous.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que les derniers propos du rapporteur de majorité demandant de faire confiance au projet ne sont pas les bons propos. Et, actuel, je rejoins pleinement M. Catelain et le groupe UDC, de même qu'une grande partie des libéraux. Comme quoi, il y a une justice, puisque nous avons eu droit à une diatribe de M. Weiss et, ensuite, à la contre-diatribe de M. Slatkine...

Le président. Exprimez-vous sur le renvoi à la commission des finances, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Oui, on parle du renvoi en commission ! M. Slatkine nous a fait part avec beaucoup de franchise et d'honnêteté de ce qu'une grande partie des libéraux étaient contre ces dépenses étatiques incontrôlées. Et actuellement, Monsieur le rapporteur de majorité, défendre le projet du CEVA confine à l'irresponsabilité d'Etat. Vous ne savez pas où vous allez, vous voulez absolument commencer les travaux pour, ensuite, prendre en otage la population genevoise en disant qu'une fois un tronçon réalisé on sera obligé de finir, même si cela coûtera plus cher ! Ce ne sont pas seulement le MCG, l'UDC et une partie des libéraux qui le disent - ceux qui réfléchissent et sont respectueux des deniers publics - mais les CFF eux-mêmes ! Ils indiquent dans leur rapport commandé par le Conseil d'Etat que l'exploitation du CEVA sera déficitaire à raison de 32 millions de francs par année. Alors, nous sommes très intéressés de voir quelle sera la position du parti radical et celle de cette partie irréfléchie des libéraux, lorsqu'il faudra augmenter les subventions des TPG - que vous voulez réduire chaque année, puisque les TPG sont déficitaires.

Le président. Monsieur Stauffer, nous parlons du renvoi à la commission des finances !

M. Eric Stauffer. Mais on parle du renvoi en commission ! (Huées.) Oui, on peut jouer, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de problème... La population en est témoin. (Brouhaha.) Ainsi, pour quantifier ce que cela va coûter - sur dix ans d'exploitation, c'est 380 millions - il faut avoir des chiffres précis, et le groupe MCG soutiendra donc le renvoi à la commission des finances. Vous n'avez pas le droit, si vous êtes responsables des deniers publics, de voter à l'aveugle, selon le principe du «tout est bien» ou «tout est merveilleux», en disant que le CEVA est un projet d'avenir ! Je vous rappelle que la traversée sous la Manche a coûté 40 milliards aux contribuables et que ce n'est qu'après vingt-cinq ans que des dividendes de trois centimes ont pu être distribués... Mais l'Etat y a mis 40 milliards. Monsieur Hohl, est-ce que vous voulez faire payer des milliards aux Genevois ? Telle est la question ! Nous soutiendrons le renvoi en commission. (Brouhaha.)

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10444 à la commission des finances est rejeté par 62 non contre 15 oui.

Le président. Nous poursuivons notre premier débat. La parole est à M. Jeanneret.

M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues, nous avons peut-être été un peu vite dans le vote sur le renvoi en commission. En effet, on parle quand même de milliards... Et nonobstant le fait que le projet du CEVA n'est peut-être pas d'une grande valeur pour l'avenir du canton étant donné qu'il passe à des endroits qui ne permettent pas un développement, alors qu'avec un autre tracé ç'aurait été envisageable.

Indépendamment de cela, dire oui à n'importe quel prix m'atterre ! Quand on pense que, depuis quatre ans, les fonctionnaires de la fonction publique ont fait l'effort de modérer les réévaluations de leurs salaires et que tout le monde a fourni un effort pour rétablir la situation financière de l'Etat afin de diminuer l'endettement de 2 milliards de francs... Et alors, comme ça, en un soir, on dépense tout pour n'importe quoi ! Car, pour le moment, c'est n'importe quoi, ce n'est pas préparé ! C'est un projet qui est mal ficelé, qui n'a pas apporté de réponses à toutes les questions que n'importe quel bon gestionnaire se devait de poser.

Je rappelle aussi une chose: nous avons quand même été élus par des citoyens qui paient des impôts pour financer tout ça ! Il me semble quand même que la moindre des choses, c'est d'être suffisamment responsables pour avoir la décence de faire au moins une étude sérieuse avant de prendre la décision d'investir dans ce CEVA. Il fallait entreprendre une étude de toutes les opportunités pouvant se présenter, et non pas foncer parce qu'il faut faire un projet ! L'avenir du canton ne dépend pas de ce projet. L'avenir du canton peut aussi dépendre d'une traversée de la Rade ! L'avenir du canton dépend de l'activité du canton, il ne dépend pas d'un train qui relierait le canton à un pays voisin ! Il ne faut pas confondre avec les trains de la région zurichoise, qui desservent une région et, aussi, le pays. Il y a là-bas une osmose, car il y a autant d'usines à Winterthur qu'à Zurich pour attirer des travailleurs. Et je n'ai encore pas vu un déferlement de Genevois allant travailler sur France voisine... Quand on établit une entreprise là-bas, on est ponctionné par les impôts avant d'avoir commencé son activité. Donc, il faut arrêter de comparer les choses qui ne sont pas comparables !

Nous avons affaire ici à un projet qui a été mal ficelé, à l'instar de tout ce qu'on a vu réaliser à Genève par certains. On a vu que le même conseiller d'Etat qui a poussé à cette «chose» a lui-même déjà échoué dans d'autres domaines, ne serait-ce que celui de la surveillance ou la haute surveillance des Services industriels.

Non, soyons sérieux, chers collègues, et étudions cela comme il faut ! Peut-être que la commission des finances n'était pas l'endroit idéal. Je dirai qu'on pourrait penser à la commission des travaux, qui étudiera de manière sensée tout ce que ce projet peut impliquer comme travaux et comme conséquences pour le canton. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Monsieur le président, j'aimerais juste émettre une remarque, puisque vous avez autorisé mon collègue Weiss à le faire. Il y a peut-être parmi nous des députés qui ont des ennuis à titre privé, mais cela ne regarde personne ! En revanche, quand un député se targue d'être un bon député, quand il est payé par l'Université pour les cours qu'il donne et qu'il se permet en sous-commission de contrôler les finances de l'Université, qu'il se permet aussi de demander des augmentations de budget pour l'Université alors qu'il est payé par elle pour les cours qu'il y donne, c'est-à-dire qu'il ne respecte aucune déontologie ou code d'honneur en qualité de député...

Le président. S'il vous plaît !

M. Claude Jeanneret. ...eh bien, il me semble que cette personne devrait s'abstenir de faire des commentaires !

Une voix forte. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Monsieur le député, juste une petite chose. Vous trouviez que le débat sur le renvoi à la commission des finances était trop court; je vous rappelle l'article 78A de notre règlement qui stipule que, lorsqu'il y a une demande de renvoi en commission, les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer pendant trois minutes, pas plus ! Nous ne sommes donc pas allés trop vite.

M. Claude Jeanneret. J'ai demandé un renvoi à la commission des travaux !

Le président. Nous allons nous prononcer sur cette demande formelle. Il y aura également trois minutes de parole pour chaque rapporteur et pour le Conseil d'Etat.

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je m'étonne que le MCG et M. Jeanneret demandent le renvoi à la commission des travaux. C'est une commission intelligente qui pourra certes bien travailler sur ce projet... Mais on vient de le faire, la commission des travaux s'est justement saisie de ce projet de loi ! Nous sommes, merci de le relever, une commission intelligente, et nous savons travailler, raison pour laquelle nous avons rédigé ce rapport.

Ce texte, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas le rapport général du CEVA: c'est un rapport uniquement sur le crédit complémentaire ! On ne va pas répéter tout ce qui a déjà été dit sur le CEVA, vous n'avez qu'à le relire dans le Mémorial !

Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut que nous redevenions un peu sérieux et il est bien évident que je vous encourage à refuser ce renvoi à la commission des travaux.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Justement, Monsieur le rapporteur de majorité, soyons un peu sérieux ! La commission des travaux n'a pas fait son job tel qu'il devait l'être ! Quatre facteurs de coûts ont été occultés. (Protestations.)

Le président. Silence !

M. Eric Stauffer. Quatre facteurs ont été occultés, estimés à au moins 534 millions de francs ! Il y a eu les aléas géologiques: 188 millions de francs. Et aucune étude du sous-sol genevois n'a été effectuée ! Vous prétendez aujourd'hui voter un crédit complémentaire... (Brouhaha.) ...pour percer le tunnel du CEVA, or on ne sait pas ce qu'il y a dessous ! J'en veux pour preuve que M. Slatkine a fait état de cela en évoquant les nappes phréatiques. Franchement, nous ne savons pas où nous allons ! Et il est inadmissible de voter un crédit complémentaire de 113 millions alors qu'on sait très bien que le coût total avoisinera, voire dépassera certainement, les 2 milliards.

Il est nécessaire que ce projet de loi soit retravaillé en commission, afin que nous obtenions des chiffres exhaustifs. Nous nous souvenons de ce que le Conseil d'Etat nous avait donné des engagements - comme l'a rappelé, encore une fois, M. Slatkine, qui m'excusera de le citer trois fois dans ma prise de parole. Donc, on nous avait promis un coût de 20 millions pour le Stade de la Praille, et ce sont finalement 120 millions qui ont été nécessaires. (Brouhaha.) Eh oui !

Partant de cela, il nous faut donc étudier ces prix en commission ! Je vous préviens d'ores et déjà que le MCG déposera une série d'amendements pour compléter les crédits... (Brouhaha.) Monsieur le président, il y a beaucoup de bruit, mais ce n'est pas grave, je vais continuer... (Le président agite la cloche.) Donc, il faut compléter ces crédits complémentaires, afin que la population sache que le CEVA ne coûtera pas que 400 millions de francs, mais que nous sommes déjà à plus de 600 millions et que nous arriverons, pour la part cantonale, à 950 millions, voire un milliard !

Ensuite, puisque vous ne voulez pas aller travailler en commission, nous déposerons également un amendement pour faire une provision sur dix ans...

Le président. Sur le renvoi à la commission des travaux !

M. Eric Stauffer. C'est sur le renvoi en commission ! ...pour faire une provision sur dix ans, de 32 millions par année, ce qui équivaudra au déficit d'exploitation qui devra être payé par le contribuable genevois. Et ce sont encore 320 millions ! Tous ces chiffres, Monsieur le rapporteur de majorité, vous en faites fi ! Vous êtes obnubilés par ce tunnel ! Mais, très franchement, votre attitude et celle de la majorité de ce parlement, qui tend à défendre le CEVA, confinent à l'irresponsabilité d'Etat. Cela plombera les comptes de la république. (Protestations.)

Nous soutenons donc le renvoi à la commission des travaux, afin que ce projet revienne en plénière avec des chiffres réels, et nous nous souviendrons de ce que le conseiller d'Etat Robert Cramer, quand il s'est agi de contrôler les salaires de certains dirigeants d'établissements publics autonomes, a déclaré... (Huées.)

Le président. S'il vous plaît, on arrête ! (Chahut.)

M. Eric Stauffer. Il a déclaré dans la presse qu'il n'était pas au courant de ce qu'ils gagnaient ! C'est bien la preuve, une fois encore, qu'il ne maîtrise absolument pas ses dossiers...

Le président. Merci, c'est terminé !

M. Eric Stauffer. ...et que, finalement, c'est vraiment un scandale !

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10444 à la commission des travaux est rejeté par 59 non contre 12 oui et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons ici le débat sur ce projet. (Protestations. Remarque de M. Pierre Weiss.) C'est une décision du Bureau, Monsieur Weiss ! Nous allons passer au point 120, que nous devons examiner à huis clos. (Commentaires.)

Des voix. Motion d'ordre ! (Brouhaha.)

Le président. Nous la ferons voter, mais nous nous arrêterons ensuite ! (Le président est interpellé.) Je vous rappelle que vous devez obtenir une majorité des deux tiers pour pouvoir appliquer une motion d'ordre. (Panne informatique. Brouhaha.) Eh bien, nous allons nous prononcer à main levée !

Mise aux voix, la motion d'ordre (clore le premier débat) est adoptée.

Le président. Vous êtes largement soutenus, Mesdames et Messieurs les députés, nous voterons ainsi la prise en considération de ce projet de loi. Auparavant, M. Golay et Mme Chatelain doivent encore s'exprimer. (Panne de micro.)

Des voix. Micro ! (Brouhaha.)

Des voix. On ne peut pas continuer le débat comme ça !

M. Pierre Weiss. On n'est pas soumis à la technique ici !

Une voix. Voilà, c'est réparé !

Le président. Nous pouvons reprendre. La parole est à vous, Monsieur Golay.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le CEVA tant loué par les uns est décrié par les autres ! C'est ce que j'ai entendu ce soir dans ce parlement. J'ai entendu que ce projet était l'avenir de Genève, indispensable pour la région en termes de mobilité, j'en passe et des meilleures... Eh bien, pour l'instant, votre projet du CEVA ne prend pas seulement une mauvaise tournure sur le plan financier, mais également par rapport à l'intérêt que celui-ci suscite auprès des Genevois.

Sur ce dernier point, je vous invite à prendre la ligne déjà existante du CEVA, entre la gare de Cornavin et la gare du Pont-Rouge, située sur la commune de Lancy. Là, Mesdames et Messieurs les députés, vous pourrez vous rendre compte que ce tronçon n'a aucun succès. Après deux années d'exploitation de cette ligne, les wagons restent quasiment vides ! Pour l'heure, ce trajet Cornavin-Lancy est un véritable désastre en termes de fréquentation, avec une gare déserte où le sentiment d'insécurité, même subjectif, règne dès la tombée de la nuit. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Que fait le gouvernement pour inciter les habitants de Lancy et les nombreux travailleurs exerçant sur cette commune à utiliser ce mode de transport ? Rien ! Absolument rien ! Au contraire, il a réussi à supprimer la ligne du tram 17 qui reliait la gare du CEVA Pont-Rouge à toute la cité du Grand-Lancy. Quelle belle promotion pour le CEVA !

Lors de mes deux premières années dans ce parlement, j'ai siégé dans le comité des «pro-CEVA». J'ai démissionné de cette association, n'étant pas convaincu que ce projet était une priorité pour les citoyens genevois. Siégeant à la commission des transports, je doute que ce projet attire les foules - peut-être quelques milliers d'usagers par jour ? - d'autant moins que la France ne fait pas preuve d'un grand enthousiasme pour aménager des structures d'accueil et des parkings, ceci au centre d'Annemasse. De plus, je vois mal les gens du Chablais ou d'ailleurs pénétrer dans Annemasse avec leurs voitures pour, ensuite, prendre ce train !

Ce soir nous discutons d'un crédit supplémentaire de 113 millions, alors que tout le monde sait que ce montant est très largement sous-estimé. (Brouhaha.) Nous savons tous que le coût supplémentaire sera de 500 millions de francs, dans le meilleur des cas, ou d'un milliard de francs, dans le pire des cas, si la Confédération ne rallonge pas sa participation initiale. En réalité, le CEVA nous reviendra certainement à plus de 2 milliards de francs, voire 3 milliards selon le comité contre le CEVA. Cela pèsera lourd sur les finances publiques pour, au mieux, quelques milliers de passagers journaliers.

Passons de la réalité au rêve: avec ces 2 milliards, nous pourrions financer l'entier des projets de lignes de tram et de bus prévus à Genève. Ou bien, nous pourrions financer la traversée du lac. Avec ces projets, nous pourrions parler de dizaines, voire de centaines de milliers d'usagers quotidiens. Malheureusement, beaucoup de grands projets dorment dans les tiroirs de l'administration, faute de moyens financiers. En somme, la meilleure chose serait de terminer le tronçon du CEVA jusqu'au dépôt des TPG, au Bachet, de profiter des voies CFF déjà existantes et de se recentrer sur les véritables priorités en matière de transports pour nos citoyens genevois. (Brouhaha.)

Refusons ce crédit supplémentaire de 113 millions de francs, qui n'est que le début d'une longue série sans fin ! Fixons des priorités raisonnables financièrement et procédons par étapes, pour ne pas plomber les investissements futurs. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à rejeter ce projet de loi 10444.

Mme Elisabeth Chatelain (S). Mesdames et Messieurs les députés, on est presque à la fin des discussions, le débat a eu lieu. «Enfin !» disent certains, ceux qui souhaitent un vote populaire, par exemple. Les montants ont été clairement identifiés, le projet de loi du Conseil d'Etat est très clair. Si vous l'avez lu attentivement, on voit qu'on n'a peut-être pas encore tous les petits détails, mais il est rare d'avoir un projet de loi aussi précis. Pourtant, le Conseil d'Etat a été traité de menteur; nous avec, d'ailleurs ! Nous devons à présent choisir. Je ne souhaite pas être particulièrement solennelle ce soir, mais, comme il s'agit d'un projet d'importance, je le serai un peu.

Je considère, et le parti socialiste avec moi, que le moment est stratégique, que nous sommes devant nos responsabilités, que nous sommes devant un choix politique pour Genève: choisir l'ouverture à une région ou la fermeture. Ce sont des choix que nous avons le droit de faire, mais on doit bien réfléchir aux conséquences. On doit choisir entre aller vers l'avenir ou rester dans le passé. Evidemment, l'avenir, c'est toujours un peu l'inconnu, il peut faire peur parfois. Sinon, on peut choisir de rester dans le passé, peut-être plus confortable. Le choix doit s'effectuer par rapport au CEVA, qui est un projet abouti; les autorisations de construire sont là, même s'il reste encore quelques recours à traiter, procédures habituelles dans le cadre de ce genre de grands travaux. On doit choisir entre le CEVA, projet abouti, et une idée, celle d'un projet dont le tracé passerait dans des endroits encore inconnus. La ligne passerait au pied du Salève, sur un tracé où il n'y a même pas une gare. La gare de Saint-Julien est plus loin et on se trouve un peu dans un no man's land - «dans les champs de cardons», comme M. Gabriel Barrillier a l'habitude de dire. On buterait contre le Salève, et cette ligne-là, que certains appellent de leurs voeux, les Français n'en veulent pas ! En effet, ce serait reporter sur la France la majorité des coûts. Les Français ne le souhaitent pas, car ils désirent développer leur réseau RER à partir d'Annemasse, en étoile et pas en cul-de-sac. D'ailleurs, vingt des quarante gares qui feront partie du réseau RER se trouvent sur le territoire français.

Genève change, Genève évolue, Genève s'agrandit. Cela peut déplaire à certains et amener quelques inquiétudes. Ce qui m'inquiéterait beaucoup plus, ce serait de ne pas accompagner ce changement, de ne pas accepter cette évolution et de ne pas réaliser de nouvelles infrastructures, et de continuer à palabrer. Je crois que le mot est des plus adéquats ! Il y a énormément de palabres autour de ce sujet, pour trouver le meilleur projet, pour trouver le meilleur tracé, le moins cher, et même, si j'ose dire: «le plus mieux bien», celui qui, en fait, ne se réalisera jamais !

Je rêve d'une région qui se développerait harmonieusement, qui offrirait plus de logements et où les problèmes de circulation seraient réduits. Je vous demande, et le parti socialiste avec moi, de montrer à la population genevoise, et à la population de toute la région, que vous voulez le CEVA et le RER ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler que ce crédit complémentaire, comme cela a été dit, est absolument nécessaire, nous devons le voter ce soir. Rappelons aussi qu'il est largement dû à des améliorations apportées au projet, lesquelles vont bénéficier aux riverains qui précisément, pour certains, le bloquent depuis de longs mois. Donc, ce projet a subi des retards, que d'aucuns souhaiteraient voir continuer à se développer.

Je rappellerai encore que le CEVA est indispensable à notre canton, à notre région: c'est la colonne vertébrale du futur plan de mobilité de notre agglomération, Mesdames et Messieurs les députés ! Tous les développements à venir se greffent déjà sur le réseau CEVA ! Il est donc indispensable à l'avenir de notre canton; de même qu'il l'est - Mme Chatelain l'a relevé - aux futures zones de logements. Ces derniers faisant cruellement défaut, nous espérons qu'ils pourront se développer le plus vite possible à proximité des gares CEVA.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, allons au-delà des calculs impossibles que certains souhaiteraient pour connaître, au centime près, le coût final des travaux ! Allons au-delà des calculs électoralistes de M. Stauffer et de son parti, le MCG, qui, comme d'habitude, saute dans le train de l'opportunisme au dernier moment ! Au-delà de ces calculs, c'est l'avenir de notre canton et de notre agglomération qui se joue. Nous devons voter ce crédit complémentaire ce soir même, et merci de l'adopter massivement ! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. Michel Ducret.

M. Eric Stauffer. Il faut appliquer le règlement, un renvoi en commission a été demandé ! (Exclamations. M. Eric Stauffer s'exprime hors micro. Chahut.)

Le président. Non, ce n'est pas juste, Monsieur Stauffer ! Vous arrêtez ! (Brouhaha.) M. Golay a demandé un renvoi en commission des finances, ce qui avait déjà été proposé. On ne peut pas changer comme ça, tout d'un coup, parce que vous en avez décidé ainsi ! (Remarque de M. Eric Stauffer. Protestations.) S'il vous plaît, c'est terminé ! La parole est à M. Ducret.

M. Michel Ducret (R). Merci, Monsieur le président de donner la parole aux orateurs !

Mesdames et Messieurs les députés, a-t-on construit le Gothard en sachant exactement à la fin du XIXe siècle combien de marchandises passeraient en 2008 ou en 2009 à travers ce tunnel ? Ce n'est pas possible de répondre à ce genre de questions ! Le peuple genevois a voté avec le peuple suisse le nouveau tunnel du Gothard - cinquante-deux kilomètres sous les Alpes. Est-ce que vous croyez qu'ils ont demandé le détail du crédit et de savoir au franc près combien allait être dépensé ?! Ou peut-être la couleur du ticket ?! Ce n'est juste pas possible, Mesdames et Messieurs les députés !

Sommes-nous fous, dans ce canton ?! Sommes-nous fous au travers ce débat pour un crédit complémentaire ?! En réalité, on veut remettre en cause une infrastructure qui est essentielle pour le développement de Genève ! Et ceci alors que le processus est largement engagé et que ce Grand Conseil a voté le tracé il y a plusieurs années - c'est un choix qu'il a fait délibérément, et moi-même je n'étais pas de cet avis-là ! - alors que ce Grand Conseil a voté le crédit principal de construction, que les Chambres fédérales ont voté la part fédérale de ce crédit, que le projet a été accepté par nos voisins français - nos partenaires indispensables à notre prospérité - et qu'il est financé ! Et, aussi, que les coûts, en comparaison des projets en cours de réalisation à Zurich, sont tout à fait normaux et qu'il n'y a plus à ce jour, Mesdames et Messieurs, d'alternative valable à ce projet !

Globalement, à Genève, nous souffrons déjà d'un retard d'investissements dans les infrastructures nécessaires à notre région, à nos prétentions, et, surtout, qui sont indispensables à notre réalité économique ! Sommes-nous fous, Mesdames et Messieurs ?! Ce n'est plus le moment, quelle que soit la pertinence ou l'impertinence des arguments contre ce projet ! Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui c'est: CEVA ou «ça va pas» !

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, ce soir il n'y a en réalité pas de rapport de minorité... (Brouhaha.) ...mais bien un simple rapport d'opportunité, empli de déclarations qui démontrent que le rapporteur n'a strictement rien compris aux enjeux et à la problématique de notre réalité économique et qu'il s'oppose avec des idées complètement erronées sur Genève et sa région !

Le seul but de ce rapport de minorité, c'est de mettre son auteur en lumière, de se faire reluire envers ses électeurs potentiels et de parader devant les téléspectateurs comme un gros dindon gominé ! (Rires. Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, ici, nous les radicaux, nous avons une autre idée de la politique et, aussi, une bien plus haute idée des Genevois et des Genevoises, que celle qu'en a ce pseudo-rapporteur qui prend la population pour un ramassis d'idiots et ce Grand Conseil pour la scène de la Comédie !

Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a ce soir qu'un choix: soit on laisse Genève sans possibilité de développement économique, et il faudra alors en accepter toutes les conséquences, y compris la régression, soit on veut un avenir pour Genève et l'on accepte ce crédit complémentaire. Ce n'est pas plus compliqué que ça ! (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier l'UDC: vous avez prouvé ce soir que vous êtes pour le CEVA. Votre problématique, c'est le coût, et c'est bien légitime. Tous les partis se sont posé la même question, d'ailleurs ! On est tous pour le CEVA, il n'y a qu'un seul parti - on l'a compris ce soir - qui est absolument contre le CEVA...

M. Eric Stauffer. Les libéraux ?

M. Frédéric Hohl. ...un parti qui se fout complètement de l'avis des finances et du coût de ce projeté ! Le seul but de vos interventions, Messieurs du MCG, c'est uniquement d'avoir un outil pour les élections, tout le monde l'a compris ! Je crois que les téléspectateurs l'ont compris. Mesdames et Messieurs, il est temps maintenant de voter et de penser à la Genève de demain !

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez encore ricaner, rigoler, glousser et vous autocongratuler... (Brouhaha.) ...il n'en demeure pas moins que, ce soir, vous êtes en train de démontrer votre manque de courage politique. Si vous aviez du courage politique et si vos arguments étaient forts, vous auriez spontanément proposé une votation populaire pour obtenir la légitimité du peuple. Vous ne voulez pas le faire ! Vous voulez continuer dans cette logique destructrice qui va entraîner la dépense de centaines de millions pour réaliser un CEVA qui n'améliorera en rien la mobilité à Genève !

Finalement on peut ne pas s'en étonner, mais ce qui me paraît le plus bizarre, quand j'entends les propos de Monsieur... Rappelez-moi votre nom... (Exclamations.) Le monsieur radical... M. Ducret ! Excusez-moi, cette lacune était due au fait que vous ayez un homonyme à côté de vous. Je poursuis: je m'étonne quand même un peu de ce que l'Entente soit si divisée sur ce sujet, car, à écouter les commentaires de couloirs de certains libéraux - et même en plénière - eh bien, on voit que le CEVA n'a pas fait l'unanimité dans vos rangs ! Est-ce à dire que, quand vous traitez le MCG d'imbécile et d'irresponsable, c'est aussi valable pour une partie de l'Entente ?! Et, au même niveau, vos collègues libéraux qui, eux, sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait peut-être pas toutes les informations pour décider en connaissance de cause et, surtout, d'une manière responsable. (Brouhaha.)

Nous, au Mouvement Citoyens Genevois, nous ne voulons pas mentir à la population et nous vous avons préparé trois amendements, dont le premier est une proposition d'augmentation de crédit de 650 millions de francs, puisque c'est à peu près ce qu'il faudra pour couvrir les dépenses du CEVA. Alors, si vous avez le courage de faire les choses avec, dirai-je, honneur et transparence, eh bien, vous voterez cet amendement ! Pourquoi ? Parce que vous savez très bien qu'un crédit voté n'est pas forcément une obligation de dépense, néanmoins ça laissera la latitude au Conseil d'Etat de pouvoir finaliser le projet avec des chiffres réels. En fait, vous n'en aurez pas le courage, comme vous n'avez pas celui d'aller devant le peuple ! Car, si vous aviez proposé un stade de la Praille à 120 millions, il y aurait eu instantanément un référendum et ce stade n'aurait jamais vu le jour ! Mais vous voulez encore une fois prendre la population en otage, lui dire que l'enveloppe est suffisante et revenir après en disant qu'on n'avait pas prévu telle ou telle chose, qu'il y a le renchérissement et qu'il faut rajouter 200 millions de francs...

Le Mémorial sera là pour en attester: il y aura eu un groupe qui résistait et disait que le CEVA coûterait aux Genevois un milliard de francs ! L'avenir donnera la réponse à cette question, mais évidemment qu'à ce moment vous direz qu'on ne savait pas, qu'on ne pouvait pas prévoir - comme pour le stade de la Praille - et, finalement, le cocu de l'affaire, ce sera le citoyen contribuable genevois ! (Commentaires.)

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier la commission des travaux et son président, M. David Amsler, pour l'excellent travail qui a été fourni lors de l'examen de ce projet de loi. Les auditions de ceux qui ont demandé à être entendus ont eu lieu, les réponses aux questions posées par la commission ont été fournies, et, pour ceux qui prennent la peine de lire pas seulement le rapport de commission mais également le projet de loi et l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, vous constaterez que pour l'ensemble des questions posées, notamment sur le plan financier, les réponses ont été données.

J'aimerais vous dire que je regrette la façon dont le débat s'est déroulé ce soir: malheureusement, certains groupes ont cru utile de tenter de faire obstruction à son déroulement normal. Par rapport à l'enjeu dont nous parlons, c'est indigne, Mesdames et Messieurs ! Le peuple aura l'occasion de se prononcer, il y aura probablement un référendum, et il aboutira. Une votation sera organisée en décembre et le peuple tranchera, hors artifices de procédures, sur la base des arguments, sur le fond. C'est-à-dire sur l'utilité, sur la nécessité de la construction de cette infrastructure pour notre région.

Alors, quels sont les motifs qui doivent ce soir vous amener à approuver ce projet de loi ? Tout d'abord, il y a la question des transports dans notre région. Genève et sa périphérie ont un grand retard dans le domaine de la mobilité par rapport à Zurich, Berne ou Bâle. C'est un retard que le Conseil d'Etat, avec votre soutien, Mesdames et Messieurs, cherche à rattraper depuis plusieurs années, dans le domaine des transports publics et, également, des transports individuels. Depuis quelques années, une forte impulsion a été donnée pour réactiver le dossier concernant la traversée du lac et plusieurs autres projets routiers: la traversée de Vésenaz, la route des Nations et d'autres études encore. Et c'est ce mouvement-là, cette dynamique-là, que nous devons poursuivre avec cette infrastructure structurante qu'est le CEVA.

Le CEVA va permettre de relier deux réseaux de transports publics, l'un sur le côté gauche du lac, l'autre sur le côté droit, et il va doter notre région - enfin ! - d'un véritable réseau RER, dont le manque se fait sentir cruellement.

L'autre raison pour laquelle nous devons voter ce projet, de façon très pragmatique et sans entrer dans le lyrisme - j'essaierai d'être un peu plus lyrique vers la fin - c'est que la réalisation du CEVA va ouvrir la porte à un certain nombre d'autres réalisations, notamment à tous les projets urbanistiques qui, aujourd'hui, sont développés autour des futures gares CEVA, qu'il s'agisse de SOVALP, ce grand projet des CFF autour de la gare de Lancy-Pont-Rouge, qu'il s'agisse de la place de la gare des Eaux-Vives - où il y aura des logements, des activités et la Nouvelle Comédie de Genève - et, enfin, qu'il s'agisse de Chêne-Bourg, où est prévu un grand projet comprenant des centaines de logements et des milliers de mètres carrés de bureaux. Ce sont également ces projets-là qui sont en jeu ce soir, Mesdames et Messieurs !

Il y a des critiques, et c'est légitime qu'il y en ait. J'aimerais essayer d'y répondre brièvement. Tout d'abord, sur les coûts. On nous dit que ça n'est pas transparent... On nous dit que le Conseil d'Etat cache des chiffres - les CFF aussi cacheraient des chiffres. C'est un procès d'intention ! Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage... C'est extrêmement facile de mettre en doute le montage financier de la réalisation du CEVA. Le Conseil d'Etat a fait le choix de la transparence, Mesdames et Messieurs ! Il a fait le choix difficile de venir devant vous avec une demande de crédit complémentaire, en vous expliquant que, oui, le coût avait augmenté de 50% par rapport à celui qui a été estimé il y a quelques années. Nous avons pris ce risque parce que nous estimions que nous vous devions la vérité: nous vous devions d'être transparents et de vous permettre de vous prononcer en toute connaissance de cause. Ça n'a rien à voir avec le dossier du Stade de Genève ! Au contraire, si nous avions procédé pour le Stade de Genève comme nous le faisons aujourd'hui pour le CEVA, il y a cinq ou six ans le Conseil d'Etat serait venu devant vous avec une demande de crédit complémentaire pour financer le surcoût qui était déjà identifié pour la construction du stade. Et nous ne serions pas obligés aujourd'hui de venir ramer en commission des finances pour obtenir de quoi le faire tourner le stade !

Ce sont deux dossiers qui sont menés de façons totalement différentes. Nous avons tiré les leçons d'un certain nombre d'échecs, de dysfonctionnements, et aujourd'hui nous jouons cartes sur table, à livre ouvert. Je mets au défi quiconque d'avancer le contraire, car personne n'a été crédible, ce soir, en remettant en doute les coûts du CEVA ! Personne ! Et je vous mets au défi de nous démontrer qu'il ne s'agit pas d'un coût complet.

Autre critique, ou plutôt autre tentative de diversion, c'est de dire qu'il ne faut pas faire le CEVA ainsi, mais de réaliser plutôt le barreau Sud ou encore un autre tracé... Le Tribunal fédéral a tranché cette question, l'initiative populaire a été invalidée, et ce que j'aimerais surtout dire à ce sujet, c'est que ces deux tracés ne sont pas incompatibles ! On peut parfaitement réaliser le CEVA, mais le CEVA, c'est le premier tronçon; c'est la première ligne d'un réseau qui va continuer à se développer. Pourquoi ne pas réaliser le barreau Sud ultérieurement ? Mais si aujourd'hui nous renoncions au CEVA en faveur d'un autre tracé, c'est possible de le faire. C'est un choix que vous pouvez effectuer, or vous devez savoir que dans la planification de la Confédération et des CFF il n'existe aucun autre tracé actuellement et que tout autre mettrait au moins vingt ans à être réalisé ! Or, Mesdames et Messieurs, c'est aujourd'hui que nous avons besoin de cette ligne de train !

Deux autres critiques ont été très peu développées ce soir, mais j'aimerais les évoquer parce qu'au fond c'est ce qui inquiète les habitants de certains quartiers et motive l'opposition de la plupart des recourants: les nuisances. Les vibrations, tout d'abord, et le bruit. Nous sommes en train de travailler pour essayer d'améliorer la situation, pour donner toutes les garanties nécessaires aux recourants afin de réduire au strict minimum les nuisances en question.

Autre inquiétude - et, à mon avis, il s'agit plus d'un fantasme - c'est un éventuel afflux de voyous du quartier du Perrier, en France voisine. Mesdames et Messieurs, les voyous qui aujourd'hui veulent venir à Genève pour commettre quelques rapines le font déjà ! Ils prennent le tram, ils viennent en vélomoteur, en moto ou en voiture... Ils n'ont évidemment pas besoin du CEVA pour cela ! Je peux comprendre cette crainte, mais je considère qu'elle est totalement infondée.

Mesdames et Messieurs, le contexte dans lequel ce vote s'inscrit va définir la Genève de l'avenir: nous allons voter sur le CEVA, probablement en décembre; en septembre, nous voterons sur l'extension de l'OMC et, au fond, sur ce que nous souhaitons pour la Genève internationale; il y a un référendum en Ville de Genève contre le projet Praille-Acacias-Vernets; par ailleurs, nous avons de grands projets en cours, comme le projet d'agglomération ou la traversée du lac. Nous vivons donc un tournant de l'histoire de notre région ! Nous allons devoir prendre ces prochains mois et années des décisions cruciales et fondamentales pour le développement de notre région. Et aujourd'hui, vous allez prendre l'une de ces décisions.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre le Conseil d'Etat et à indiquer la bonne direction: la direction du développement, la direction de la prospérité et de la qualité de vie dans notre région. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 10444 est adopté en premier débat par 65 oui contre 7 non et 7 abstentions.

Le président. Nous entamerons le deuxième débat demain.

Troisième partie du débat: Session 10 (juin 2009) - Séance 54 du 26.06.2009

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au huis clos pour traiter le point 120. Je demande au Conseil d'Etat de se retirer, aux personnes qui sont à la tribune de bien vouloir la quitter, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission à Léman Bleu.

La séance publique est levée à 23h.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.

RD 782
Demande de levée du secret de fonction (huis clos)

Cet objet est clos.

Fin de séance

La séance est levée à 23h15.