République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, David Hiler, François Longchamp, Isabel Rochat et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et M. Charles Beer et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Mathilde Captyn, Jean-Louis Fazio, Renaud Gautier, Esther Hartmann et Pierre Losio, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

IN 150-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 150 : Pas de cadeaux aux multinationales : Initiative pour la suppression des allégements fiscaux

Débat

Le président. Nous attaquons notre point fixe, point 135 de l'ordre du jour, IN 150-B. Je précise qu'il s'agit d'un débat sur la recevabilité de cette initiative. La parole est à M. Edouard Cuendet, rapporteur de majorité. C'est un débat libre.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut quand même revenir un peu à la genèse du dossier: le parti socialiste genevois veut chasser les multinationales et leurs dizaines de milliers d'emplois du canton de Genève, et cela constitue une priorité économique et politique pour le PS genevois, qui est prêt à tout pour arriver à ses fins.

L'initiative 150, dont il est question ce soir, s'inscrit pleinement dans cette stratégie d'éradication, dont Mme Sandrine Salerno est l'un des porte-drapeaux les plus virulents. On ne sera pas surpris de constater qu'elle fait partie du comité d'initiative, en compagnie des trois conseillers nationaux socialistes genevois, toujours en pointe pour saboter le tissu économique du canton.

J'ai affirmé, et je le répète, que le PS est prêt à tout pour débarrasser Genève de ses multinationales ! Il est tellement prêt à tout qu'en l'occurrence, et cela touche la forme, il a induit les citoyens en erreur pour les amener à signer une initiative avec laquelle ces citoyens, en réalité, ne pouvaient être d'accord. En effet, durant la campagne de récolte de signatures, le PS a fait croire aux signataires que la suppression des allégements fiscaux n'allait toucher que les multinationales. Or, dans le rapport du Conseil d'Etat et selon les chiffres qu'il fournit, il s'avère que ces mesures fiscales d'allégements profitent en large majorité à des entreprises locales, à des PME locales, souvent en difficulté, pour leur permettre de passer un passage difficile, dans des conditions acceptables. Ces mesures d'allégements permettent donc de préserver des emplois locaux dans notre canton, dans des PME. Ce fait a été sciemment caché aux signataires, dont l'attention a été systématiquement attirée sur les multinationales que ce soit dans le texte même de l'initiative, l'exposé des motifs ou l'argumentaire. Preuve en est le fait que le terme «multinationales» apparaît au moins vingt-cinq fois et qu'elles sont traitées, au passage, de «profiteurs», de «parasites» et que les socialistes leur imputent tous les maux du canton.

En revanche, ni dans le titre, ni dans le texte, ni dans l'exposé des motifs, ni dans l'argumentaire, il n'est question du fait que les entreprises endogènes, les PME locales, sont les principales bénéficiaires de ces mesures. D'ailleurs, notre excellent collègue MCG Pistis a très bien résumé le problème, en demandant aux initiants, lors des travaux de commission, si l'initiative aurait reçu autant de succès si le titre avait été correctement formulé. En réponse à cette question tout à fait pertinente, le président du PS a clairement répondu que l'initiative 150 n'aurait pas rencontré le même succès ! Notre estimé collègue Dandrès a ajouté, en commission, que les citoyens sont censés lire non seulement le titre de l'initiative mais également l'exposé des motifs. Or, comme cela a été dit précédemment, l'exposé des motifs n'évoque que les multinationales. Par conséquent, les citoyens ont bel et bien été induits en erreur.

L'omission fondamentale et voulue des socialistes au sujet des entreprises locales a sans conteste exercé une influence inadmissible sur la formation de la volonté démocratique. Les droits politiques des citoyens au sens de l'article 34 de la Constitution - droits fondamentaux - ont été bafoués, de sorte que l'initiative 150 doit être déclarée totalement irrecevable. Je vous remercie donc de suivre la majorité de la commission législative sur ce point. Je vous invite également à vous opposer à l'élaboration d'un contre-projet si par impossible l'initiative 150 venait à être déclarée recevable. En effet, dans cette hypothèse, il faudra que les socialistes assument leur responsabilité jusqu'au bout et expliquent à la population qu'il faut supprimer ces allégements et conduire à la faillite les PME genevoises qui en bénéficient dans les périodes difficiles. Je leur souhaite d'ores et déjà bonne chance !

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. En préambule, Monsieur le président, vous me permettrez de dire que je trouve inacceptable les propos de M. Cuendet, vis-à-vis de mon parti, le parti socialiste. J'aimerais rappeler à M. Cuendet que nous sommes en démocratie et que tout parti peut déposer une initiative. Je sais très bien que le parti libéral, lorsque l'on parle d'allégements fiscaux ou d'équité - parce que c'est l'équité que veut cette initiative - prône toujours de favoriser ceux qui se font faire des cadeaux, comme les multinationales ou autres. Je regrette cette attitude, qui était la même en commission vis-à-vis des personnes auditionnées, vis-à-vis d'un président de parti qui a toute son honorabilité et sur lequel on n'a pas le droit de tenir de tels propos.

Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, que demande l'initiative 150 ? Elle demande la suppression des allégements fiscaux. La loi, LHID, dit que les cantons peuvent prévoir des allégements fiscaux. La suppression de cet article 10 n'est pas en contradiction avec le droit fédéral. En revanche, à l'article 45B, les dispositions transitoires sont déjà beaucoup plus problématiques. Ces dispositions transitoires proposent que l'abrogation de l'article 10 déploie ses effets dès la période fiscale qui suit la votation populaire. Cet article est contraire au droit supérieur, car cette disposition revient sur un acte unilatéral de gouvernement par des arrêtés du Conseil d'Etat. Il faut savoir que les allégements fiscaux peuvent avoir une durée de presque dix ans. Or, les arrêtés en force au jour de l'entrée en vigueur de l'abrogation de l'article 10, demandée par l'initiative, le demeurent jusqu'à la fin des périodes fiscales concernées. La personne morale concernée peut s'en prévaloir. C'est ce qu'on appelle les droits acquis. De plus, il faut savoir que tant la jurisprudence que la doctrine protègent les droits acquis.

J'en reviens maintenant à la position de la majorité, qui, en définitive, se limite à dire que le problème de cette initiative est le principe de clarté. Vous l'avez entendu, le rapporteur de majorité dit que les personnes qui ont signé cette initiative ont été trompées par le parti socialiste. Tout d'abord, j'aimerais rappeler que le Conseil d'Etat admet dans son rapport la recevabilité partielle de cette initiative. L'article 45B, concernant les dispositions transitoires, est contraire au droit supérieur et, vous l'aurez compris si vous avez lu les deux rapports, mon rapport de minorité arrive à la même conclusion que le Conseil d'Etat.

Que dit la majorité ? Elle dit que le principe de clarté est violé. Tout d'abord, je souhaite vous rappeler que le principe de clarté - et le Conseil d'Etat le dit, tout comme le rapporteur de majorité - ne fait absolument pas partie des critères de recevabilité. Le Conseil d'Etat ne s'est pas trompé sur cette question, car il écrit à la page 7 de son rapport du 15 juin dernier: «L'exigence de clarté - celle qui est contestée par la majorité - du texte d'une initiative populaire ne fait pas partie des conditions de validité des initiatives étudiées.» Et, plus loin, il écrit que «l'initiative 150 comporte d'une part une abrogation d'un article - l'article 10 - ce qui ne pose aucun problème de clarté.» Il conclut en disant que «L'IN 150 ne comporte donc pas de problème de clarté.», donc aucun problème avec le droit supérieur.

Autre élément: que disent la doctrine et la jurisprudence ? Il faut d'abord rappeler que le principe de clarté ne repose sur aucune base légale, car il n'existe pas d'arrêt précis du Tribunal fédéral sur cette notion. De plus, le principe de clarté n'est pas formellement ancré dans la constitution genevoise.

Enfin, la jurisprudence: il existe un arrêt récent du Tribunal administratif cantonal, suite à un recours contre la formule de signatures d'une demande de référendum, toujours concernant ce principe de clarté, dans lequel les recourants estimaient qu'il y avait violation des droits politiques. Le Tribunal administratif genevois avait débouté les recourants, estimant que le Tribunal fédéral avait relevé par le passé que le droit genevois ne contenait aucune règle sur les manières de rédiger une demande de référendum ou d'initiative.

Autrement dit, Mesdames et Messieurs de la majorité, votre courroux contre cette initiative ne repose sur rien ! Vous avez sans doute, ce soir, gagné une manche. Vous avez la majorité, vous vous êtes bornés à contester ce principe de clarté qui ne repose sur aucune base légale, sur aucun arrêt du Tribunal fédéral, sur aucune jurisprudence. Vous allez certainement gagner ce soir, mais le match sera arbitré par le Tribunal fédéral, parce que, naturellement, le parti socialiste fera recours. A ce moment-là, on verra bien. Rira bien, qui rira le dernier.

Mesdames et Messieurs les députés, je regrette cette attitude qui fait fi d'une volonté populaire, de tous ceux et celles qui ont signé cette initiative. Je rappelle quand même qu'au moment où on a débattu de cette question à la commission législative la question a été posée à la chancellerie. Et que dit la chancellerie lorsqu'on lui propose une initiative ? Eh bien elle dit qu'une initiative doit répondre à certains critères. C'est déjà arrivé que la chancellerie refuse une initiative qui n'est pas conforme. La chancellerie n'a rien eu à dire sur l'initiative 150. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande ce soir de suivre les conclusions de la minorité, formée des socialistes et des Verts, et de déclarer cette initiative, comme le demande le Conseil d'Etat, partiellement valide. Je vous en remercie.

M. Jacques Jeannerat (R). Permettez-moi, Monsieur le président, d'abord de vous féliciter pour votre brillante élection. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les enjeux entourant l'initiative ont été parfaitement résumés par l'excellent rapport de majorité. Je rappellerai donc ce soir uniquement quelques éléments fondamentaux sur le fond et sur la forme de cette initiative. Sur le fond pour commencer: je me contenterai de souligner à quel point cette initiative constitue une hérésie, qui plus est en ces temps économiques difficiles !

Le président. Monsieur le député, c'est sur la recevabilité.

M. Jacques Jeannerat. Oui, je sais. Je vais y venir. Ce que l'initiative demande n'est, ni plus ni moins, que des PME locales ne puissent soit pas naître... (Brouhaha. Commentaires.) ...soit doivent mettre la clé sous le paillasson. Les allégements fiscaux, Monsieur le président, visés par cette initiative, s'adressent en effet, comme l'a dit le Conseil d'Etat dans son rapport...

Le président. Monsieur le député, c'est sur la recevabilité. Vous ne siégez pas à la commission législative, donc...

M. Jacques Jeannerat. Alors j'en viens à la forme.

Le président. Voilà, c'est cela, merci.

M. Jacques Jeannerat. Alors, je passe à la deuxième page et j'en viens à la forme. Sur ce point, c'est important d'insister sur le fait qu'il n'y a qu'une seule solution pour cette initiative, c'est le classement vertical. Les initiants ont, en effet, ni plus ni moins, trompé les électeurs. Ils ont violé l'article 34 de la Constitution fédérale qui garantit l'expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens. Tout, dans l'argumentaire de l'initiative, qui se trouve dans son exposé des motifs mais aussi sur les feuilles de signatures, vise les statuts fiscaux cantonaux et l'imposition différenciée des entreprises multinationales, qu'elles soient étrangères ou suisses. Mais l'article visé par l'initiative ne concerne absolument pas ces statuts cantonaux, mais bel et bien des allégements fiscaux, qui, eux, s'adressent à des catégories d'entreprises tout à fait autres. En conclusion, considérant cette initiative pour ce qu'elle est, à savoir une tromperie manifeste de la population, clairement contraire au droit supérieur, je vous invite à tirer les conséquences qui s'imposent et à suivre les conclusions du rapporteur de majorité, qui déclare que cette initiative n'est pas recevable.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à titre liminaire, j'aimerais quand même clarifier le débat. (Exclamations.) Au nom de l'Union démocratique du centre, nous sommes appelés à nous prononcer sur la forme. Pour ceux qui ont la chance de voir document, ils remarquent qu'il y a un échéancier qui commence au 16 mars 2012 pour se terminer au 16 septembre 2014. Nous en sommes à la phase trois, à savoir déterminer si le texte déposé correspond au droit. L'Union démocratique du centre, durant les débats en commission, a été partagée par le fait que, même si l'on nous affuble de plein de choses, nous sommes quand même soucieux d'écouter les considérants du Conseil d'Etat. Ceux-ci figurent dans cet excellent rapport qu'on appelle IN 150-A, sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer. Dans ce rapport, le Conseil d'Etat dit clairement que cette initiative, dans une grande partie, notamment par cet article 45, est irrecevable mais suggère quand même de la déclarer partiellement recevable et de lui offrir un contre-projet, ce qui n'est pas - le contre-projet - le fait de la commission législative, mais qui viendra dans la phase qui va suivre.

Face à ceci, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre fait partie de ces partis dits populistes, qui aiment déposer des initiatives et, en fait, nous commençons à nous inquiéter de cette démarche - qui ne nous semble pas tout à fait correcte - de rejeter d'emblée, sur des prétextes de recevabilité, un texte. Néanmoins, il est vrai que nous avons voté avec la majorité. Pourquoi ? Je m'en explique ce soir. Nous avons voté avec la majorité, parce que les restrictions nous semblent tellement fortes qu'il vaudrait presque mieux refuser ce texte et qu'un autre soit redéposer.

Quant au fond, je déçois peut-être les socialistes, il est vrai que sur le fond, l'UDC, dans le troisième débat qui suivrait, ne pourrait que s'opposer à ce type de projet. Mais je tiens à le dire, ce soir, pour les citoyens qui nous regardent, nous parlons de recevabilité et il n'est pas juste, je choisis à dessein le terme de «judiciariser» pareillement les initiatives que chaque parti politique propose, en disant qu'elles ne sont pas recevables, et on finit alors au Tribunal fédéral. Ceci, en ce qui nous concerne, n'est pas démocratique. Cependant, l'Union démocratique du centre vous demandera de suivre le rapport de majorité.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'argument retenu par la majorité de la commission législative et la formulation de cette position par le rapporteur de majorité sont désolants. Visiblement, celui-ci est aveuglé par ses désirs qui l'empêchent de respecter le contenu de sa prestation de serment, dont je vous rappelle une partie du contenu non respecté: «Je jure et je promets solennellement de rester strictement attaché aux prescriptions de la Constitution». J'en ai enlevé une partie. Ces prescriptions, en ce qui concerne les initiatives, sont claires: la commission législative doit se positionner sur la forme. En matière de recevabilité formelle, seuls les éléments législatifs doivent respecter l'unité de la matière, l'unité de la forme, l'unité du genre. L'argumentaire n'entre pas en ligne de compte pour vérifier cette recevabilité de forme, contrairement à tout ce qui a été dit par les personnes qui soutiennent le rapport de majorité. En conséquence, cette initiative est parfaitement recevable et le Conseil d'Etat l'a dit dans son rapport.

Le rapporteur de majorité de la commission législative se focalise sur le terme «multinationale», utilisé dans l'argumentaire. Comme la majorité estime que ce terme doit être banni de tout discours et de tout débat dans ce Grand Conseil, il est donc justifié, pour eux, de conclure à l'irrecevabilité totale de cette initiative. La suite du rapport de majorité ne fait que répéter ce que dit le Conseil d'Etat, mais en termes plus vagues. On pourrait même penser que le rapporteur pense que le Conseil d'Etat ne saurait pas vraiment de quoi il parle. Enfin, à plusieurs reprises, en particulier dans le dernier paragraphe du rapport de majorité, il est avancé un argument complètement lacunaire qui a été répété ici ce soir et qui est, d'une certaine manière, de la pure provocation: le rapporteur et certains préopinants ont évoqué le fait que nous parlons de multinationales. Mais vous n'apportez aucune preuve à ce que vous dîtes ! Il n'y a pas non plus de preuve dans le rapport de majorité. Concernant les 42 entreprises au bénéfice d'un allégement fiscal, on n'a aucune preuve qu'elles soient toutes ou majoritairement endogènes, vu que ce qui est relaté dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat sur les comptes n'évoque pas ces éléments.

Ensuite, il est vrai que - vous avez parlé de la forme - que cette initiative touche un sujet qui relève d'allégements fiscaux de l'ordre de 60 millions en 2011 et à hauteur d'un milliard 240 millions pour la totalité des allégements engagés par le Conseil d'Etat actuellement. Prétendre que cette initiative est totalement invalide est une position purement politique sur la forme et est donc contraire aux prérogatives, à ce stade, de la commission législative. C'est pourquoi nous n'accepterons pas cette position et nous soutenons donc le rapport de minorité de Loly Bolay, qui dit que l'initiative est, en tout cas, partiellement recevable. Nous verrons encore, au niveau du Tribunal fédéral, si nous devons y aller.

Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous devons donc parler ce soir de recevabilité. Eh bien, j'ai un scoop, Mesdames et Messieurs: une initiative qui incommode le PLR n'est pas forcément irrecevable. On pourrait croire le contraire parfois, parce que l'on a vu beaucoup d'initiatives invalidées dans ces lieux, qui finalement ont été rétablies par le Tribunal fédéral. Aujourd'hui nous partageons les conclusions du Conseil d'Etat et de la rapporteure de minorité, à savoir que les dispositions transitoires posent un problème, puisque le principe de non-rétroactivité est un des principes fondamentaux de notre Etat de droit. Nous sommes donc favorables à une invalidation partielle. Quelques mots, pour finir, sur le fond, parce que sinon, ce n'est pas drôle ! Nous ne sommes pas entièrement favorables au texte de l'initiative et quand l'initiative reviendra du Tribunal fédéral partiellement validée, nous serons très heureux d'étudier un contre-projet qui ne supprime pas totalement les allégements fiscaux, mais qui les limite en les soumettant à des critères sociaux et environnementaux stricts.

M. Serge Hiltpold (L). La première lecture porte sur le principe de clarté. Je prends le rapport de IN 150-B en gras «Initiative populaire 150: pas de cadeaux aux multinationales». Je crois que le principe de clarté est clairement violé. Nous avons entendu dans ce débat, avec passion, que le but de l'initiative était vraiment de taper et de dénigrer les multinationales, secteur économique important de notre canton. Et nous avons entendu les socialistes opposer systématiquement les différents secteurs économiques alors qu'ils sont complémentaires.

L'attitude est parfaitement trompeuse. Je vais vous parler du rapport: la mise en application de cette initiative touche 42 entreprises genevoises. Cela est la réalité. La réalité de ce que vous cherchez quand vous faites signer des gens dans la rue, en voulant politiquement dresser les gens contre les multinationales, alors que les effets de la recevabilité de cette initiative pénalisent les entreprises genevoises. Concernant le ton utilisé dans cette initiative, il est parfaitement désagréable: «Les PME et les PMU locales oubliées. Genève a besoin de développer son économie locale et non de survivre aux injections financières des grandes multinationales hors-sol.» On l'a vu: les entreprises locales sont défavorisées.

Je crois que le fond du problème est autre. Un débat a été lancé avec cette initiative que le conseiller d'Etat, David Hiler, met sur la table, sur le taux d'imposition de 13%. Cela c'est l'avenir. Et je pense que cette initiative maintenant est parfaitement irrecevable. S'agissant du climat, je peux essayer de comprendre les socialistes qui essaient de développer l'emploi. Mais une fois que vous nous avez expliqué que vous êtes contre les multinationales, que vous êtes contre les banques, que vous êtes contre le secteur financier, que vous êtes contre les artisans, j'aimerais bien savoir comment vous allez maintenir l'emploi sur le canton.

En conclusion, évidemment le parti libéral et le groupe PLR seront contre un contre-projet. Concernant les propos de la rapporteuse de minorité, parlant de «courroux» et de «gagner une manche»: je pense que Genève n'a pas à gagner une manche. L'emploi doit gagner une manche et la responsabilité que nous avons en tant que parlementaires est de développer l'économie avec justice et équité pour tous. Raison pour laquelle nous jugeons que cette initiative est irrecevable.

Le président. Bien, merci Monsieur le député. Nous exerçons un mandat difficile, on doit se déterminer sur la recevabilité. Ceux qui siègent à la commission législative connaissent cette problématique. Savoir ce qui est recevabilité et ce qui est le fond. On joue cet exercice très difficile, je vous demande quand même d'essayer de vous cantonner dans cette problématique de recevabilité. La parole est à M. le député Dal Busco.

M. Serge Dal Busco (PDC). Merci, Monsieur le président du parlement et président de la commission législative pour ce rappel. Je vais donc effectivement vous écouter et n'en rester qu'à la forme. Je ne vais pas être de ceux qui vont reprocher aux initiants d'avoir sciemment cherché à tromper les signataires. On ne va pas aller sur ce terrain-là. Néanmoins, le groupe démocrate-chrétien suivra les conclusions du rapport de majorité, quand bien même, en commission, votre serviteur s'était abstenu pour débattre effectivement de la question à fond au sein du groupe. Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions que la majorité, en ce sens que, si cela n'a pas été fait sciemment, il y a probablement eu...

Et j'ai été personnellement extrêmement frappé d'entendre de la bouche même des initiants le fait de reconnaître que si l'initiative avait été formulée différemment dans son intitulé, elle n'aurait probablement pas recueilli autant de succès. Cela est quelque chose de dérangeant dans l'exercice de la démocratie et donc ce principe de clarté, pour nous, est clairement violé.

Les dispositions de l'article 34 de la Constitution fédérale ne sont pas respectées, précisément parce que, en lisant cet intitulé, en lisant l'exposé des motifs, la personne, qui est appelée à signer, ne signe pas forcément - même pas du tout - ce qu'elle croit signer. Alors, Mesdames et Messieurs, on verra bien si cette base légale sera établie suite à ce qui a été annoncé, c'est-à-dire un recours au Tribunal fédéral. Elle n'existe pas encore aujourd'hui, on l'aura peut-être enfin, et personnellement j'appelle vraiment de mes voeux que les futures initiatives lancées dans ce canton respectent une forme qui nous évite de passer des heures, en tout cas de longues minutes ici dans ce parlement à débattre de ces questions de forme. Il faudrait vraiment qu'à l'avenir, et c'est vrai que la Constituante a prévu des dispositions en la matière, on arrive à éviter ces situations extrêmement désagréables. Vous l'aurez compris, le groupe démocrate-chrétien vous encourage à voter comme la majorité, c'est-à-dire à déclarer cette initiative totalement invalide.

M. Mauro Poggia (MCG). Sans doute, avant que cette initiative ne soit soumise au peuple, la question sera réglée d'une autre façon, puisque, sous la pression de l'Union européenne, nous allons devoir adapter notre imposition et éviter ces différences entre ces sociétés qui ont une partie de leur activité à l'étranger et les entreprises locales.

Néanmoins, nous avons aujourd'hui à régler, comme l'a très justement dit notre président, une question qui est éminemment juridique. De sécurité et de certitudes, il n'y en a jamais dans ce domaine. Il y a tout de même et néanmoins des principes qui doivent être appliqués. On ne vend pas une signature comme on vend un produit de lessive. Il s'agit d'informer les citoyens qui sont amenés à adhérer à cette initiative, et le but n'est pas de mettre des slogans attractifs pour attirer le chaland. Il s'agit évidemment d'avoir des slogans qui collent avec le texte de l'initiative. Nous ne sommes pas dans une élection où tout le monde dit qu'il sera forcément meilleur que les autres. Ici on ne peut pas, et c'est là un point faible de cette initiative, on ne peut pas venir dire que l'on s'en prend aux multinationales, alors que, du même coup, en supprimant une disposition, on s'en prend aussi aux entreprises locales qui peuvent avoir besoin d'allégements fiscaux à un moment donné de leur vie économique, tout simplement parce qu'il y a une baisse des commandes, parce qu'ils veulent conserver les emplois et la condition est de pouvoir bénéficier d'une aide de l'Etat, cette aide qui peut être octroyée sous la forme d'un allégement fiscal. Venir ici prétendre que le but est de s'en prendre aux multinationales est manifestement trompeur.

Je relève d'ailleurs que lorsqu'il s'est agi de voter sur l'unité de la matière, un député Vert et un député socialiste en commission se sont abstenus, aucun n'a dit clairement qu'il considérait que la conformité au droit supérieur était réalisée. Je pense donc que lorsque même les députés du parti qui lance cette initiative ne sont pas convaincus du respect du droit supérieur, en l'occurrence il s'agit de l'article 34 de la Constitution fédérale qui impose que le citoyen puisse librement former son opinion sur la base des renseignements qui lui sont donnés, il y a de quoi avoir des doutes. Vous direz à Mme Loly Bolay que l'expression «rira bien qui rira le dernier» n'est peut-être pas la bonne, parce que si une initiative comme celle-là passe, nous sommes peut-être tous amenés à pleurer ensemble. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). J'ai écouté avec attention les arguments du rapporteur de majorité, ainsi que ceux des autres intervenants qui sont en défaveur de cette initiative. J'aimerais relever que, si le rapporteur de majorité, à la page 4 de son rapport, reproche aux initiants d'avoir ignoré qu'il y avait une différence entre les entreprises dites endogènes et les entreprises exogènes et qu'en l'occurrence cela ne s'appliquerait pas correctement au terme «multinationale», on peut se poser la question de savoir s'il y avait tromperie. En réalité, j'ai regardé comment le Conseil d'Etat présente les allégements fiscaux dans le document des comptes et j'ai pris les comptes 2011, aux pages 62 et 63 - je ne sais plus de quel tome, I ou II - eh bien, en réalité, les allégements fiscaux, tels qu'ils sont présentés aux pages 62 et 63, donnent le nombre d'entreprises, le nombre d'emplois, les impôts exonérés, les impôts générés et la masse salariale soumise à l'impôt. On ne peut pas savoir, du rapport des comptes, s'il s'agit d'entreprises endogènes ou exogènes, cette information ne pouvait pas être connue des initiants. Au demeurant, la définition des entreprises endogènes ou exogènes - d'ailleurs, je ne sais pas qui a inventé cela au départ - se trouve à la page 35 du rapport du Conseil d'Etat l'IN 150-A. Nous pouvons y lire: «Sont considérées comme des entreprises endogènes celles qui avaient leur centre de décision en Suisse au moment de l'octroi de l'allègement. Sont considérées comme des entreprises exogènes celles qui avaient leur centre de décision à l'étranger au moment de l'octroi de l'allégement.»

En fonction de ces définitions, Mesdames et Messieurs les députés, il est tout simplement impossible de savoir, qu'elles soient endogènes ou exogènes, si elles sont multinationales ou non. Il n'y a pas de lien entre le siège en Suisse et le siège à l'étranger, pour dire si une entreprise est multinationale ou pas.

Nestlé a son siège en Suisse, c'est une multinationale. Quand Merck Serono était Serono et avait un siège à Genève, c'était une multinationale. Donc on ne peut pas du tout déduire des définitions du Conseil d'Etat - qui n'étaient pas dans les rapports des comptes d'ailleurs - qu'une entreprise est multinationale ou non. Donc il est en tout cas certain qu'il n'y a pas du tout tromperie quand les socialistes ont déposé une initiative qui parlait des multinationales, parce que l'information n'était connue de personne ! Cela souligne aussi le problème de l'opacité de l'octroi de ces allégements. En réalité, ce n'est que dans le rapport de l'IN 150-A que nous avons un certain nombre d'informations sur la typologie de ces entreprises ! Parce que ces informations ne figurent pas dans les rapports des comptes. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes, en toute bonne foi, ont pensé que les entreprises concernées étaient des multinationales. On ne peut même pas déduire du rapport du Conseil d'Etat que ce n'est pas le cas. On n'en sait rien du tout.

Les socialistes estiment donc simplement que la différence de traitement fiscal entre les entreprises suisses qui ne sont pas des multinationales et les entreprises étrangères ou suisses qui sont multinationales ou non n'a pas de raison d'être. Toutes les entreprises doivent être traitées de la même manière et, au demeurant, l'allégement fiscal est bien une mesure limitée dans le temps. Après dix ans, ces entreprises restent en Suisse, avec un traitement fiscal identique aux autres entreprises, ou elles repartent. D'ailleurs, on n'a aucune information dans le rapport du Conseil d'Etat IN 150-A sur le nombre d'entreprises qui restent, qui partent, le nombre d'emplois qui sont préservés ou non. On ne sait pas. Donc l'opacité fiscale règne du début à la fin dans ce dossier, et les socialistes déposent une initiative qui vise à régler le problème de l'inégalité de traitement entre les entreprises suisses, les PME suisses, les indépendants suisses, et les étrangers qui bénéficient d'avantages. Les entreprises suisses bénéficient peut-être aussi d'avantages et sont peut-être des multinationales. Le titre n'est donc en aucun cas trompeur et le respect de la Constitution fédérale est certain.

Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit certainement d'invalider partiellement cette initiative, parce que la disposition transitoire pose problème, mais, sur le fond, il n'y a absolument pas tromperie. Cette initiative est faite en fonction des éléments connus de la population genevoise, des députés, du parti socialiste et, donc, aucune personne ayant signé ce texte ne pouvait envisager quoi que ce soit sur les bénéficiaires de ces allégements. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir le rapport de minorité.

M. Eric Stauffer (MCG). Je souhaiterais presque, aujourd'hui, un mariage entre la droite et la gauche, parce que, finalement, entre les deux, vous faites tout, mais tout, pour décourager les entreprises de venir s'installer à Genève. Alors je vous pose la question, vous transmettrez, Monsieur le président, je pose la question aux socialistes: si demain, par grand malheur, cette initiative passait, qu'est-ce qu'il resterait aux entreprises pour choisir Genève pour venir s'y installer ? La sécurité dans nos rues ? (Commentaires.) Non, je vous pose la question: la sécurité dans nos rues ? Je crois que c'est un débat qui est dépassé, et là la responsabilité est à droite effectivement. La qualité et le nombre de logements vacants ?

Le président. Monsieur le député, je suis désolé de faire le cerbère ce soir.

M. Eric Stauffer. Mais je vous en prie, Monsieur le président, mais comme tout le monde...

Le président. C'est la recevabilité.

M. Eric Stauffer. J'y arrive, Monsieur le président.

Le président. Oui, mais il faut y arriver rapidement.

M. Eric Stauffer. J'y arrive, c'est directement lié, vous allez comprendre. Mais vu que tout le monde a un tout petit peu digressé, vous me permettrez de faire 32 secondes encore sur ma digression. Finalement, ces entreprises ne vont pas arriver parce qu'il y a un nombre de logements satisfaisant et bon marché à Genève ! Donc, finalement, il ne restera plus rien. Alors, moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, cessons d'être hypocrites. (Exclamations.) Peut-être qu'effectivement cette initiative pourrait être recevable au sens du droit, mais si une possibilité est offerte à ce parlement de la déclarer irrecevable, eh bien, pour le bien des Genevois, nous la déclarerons irrecevable. Point. Terminé. A la ligne.

Vous notez - à la recevabilité, page 19 de votre rapport: «Diminution des prestations publiques. Le prix à payer pour les contribuables Genevois est lourd. En offrant, ces réductions fiscales à ces multinationales, c'est autant de recettes en moins qui servent à financer des prestations publiques [...]». Mais, si ces entreprises ne viennent plus, ce n'est pas des recettes fiscales en moins, c'est zéro que vous aurez à vous partager ! Et au MCG, nous avons toujours dit qu'il faut une économie forte pour pouvoir faire du social efficace ! Il me semble que ce paramètre vous échappe complètement chez les socialistes ! Sans économie forte, vous n'avez rien à dépenser !

Partant de ce principe, on voit qu'il y a aussi quelques lacunes dans la franchise de certains de nos collègues. J'en veux pour preuve que la droite s'est clairement affichée contre la recevabilité de cette initiative, adoubée de l'UDC et du MCG. Mais je vois dans le rapport, à la page 11, qu'un PDC, membre de la commission législative et magistrat communal de l'Entente, qui doit promouvoir l'économie genevoise, s'abstient par deux fois sur la décision de déclarer cette initiative irrecevable, moi j'émets quelques doutes sur cette Entente, parce qu'il faut savoir à un moment ce que l'on veut pour Genève et les Genevois. Alors, je vous le dis, Monsieur le président, cette initiative, pour nous, du point de vue du Mouvement Citoyens Genevois, est irrecevable. Elle est dangereuse, comme beaucoup de choses que les socialistes font malheureusement dans les rues par pur électoralisme en faisant signer des initiatives avec des titres trompeurs. Et je vous ai vu faire à moultes reprises, notamment sur la place du Molard. Et cette initiative en est un exemple frappant. Rappelez-vous, s'il y a une chose dont vous devez vous souvenir ce soir de mon discours, c'est qu'il faut une économie forte pour du social efficace. Cela vous pouvez vous l'imprimer, parole de MCG !

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président, et je vous promets que je ne vais pas digresser. J'aimerais rappeler ici simplement que l'initiative 150 est l'une des deux composantes de la double initiative qui avait été déposée par les socialistes, la 149 et la 150, dont les titres se font écho. 149: «Pas de cadeaux aux millionnaires». 150: «Pas de cadeaux aux multinationales».

Mais, Monsieur Cuendet, si vous aviez lu le titre jusqu'au bout, vous auriez constaté qu'il est parfaitement clair, parce qu'il se poursuit par «Pas de cadeaux aux multinationales» deux points : «Initiative pour la suppression des allégements fiscaux». Des allégements fiscaux, c'est moi qui souligne cette fois, Monsieur Cuendet. Le titre est limpide et j'ai donc le sentiment qu'à suivre la lecture que vous faites du principe de clarté, ce qu'il faudrait pour le PLR, en somme, c'est que le comité d'initiative annexe à l'argumentaire votre position, la position de l'Entente. De ce point de vue, vous jouez les censeurs de la République, Monsieur.

J'aimerais préciser qu'à ce propos votre parti avait lancé une initiative. La Chancellerie a constaté qu'elle n'avait pas abouti cet été. Elle s'intitulait: «Stop à la bureaucratie». J'avais lu, à l'époque, l'argumentaire qui figurait en annexe à la feuille des signatures et qui préconisait de, je cite: «limiter la densité normative et la charge administrative des entreprises». Pour convaincre le chaland, selon l'expression de Maître Poggia, les initiants servaient un florilège de slogans. Je cite simplement deux exemples. Le premier slogan: «L'Etat nous dicte quand et où nous pouvons faire nos achats». Deuxième slogan, je pense que l'on met cette réplique dans la bouche d'un fonctionnaire: «Pour des raisons inconnues, nous ne trouvons pas votre dossier.»

Alors voilà, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, l'interprétation à géométrie variable que fait le PLR du principe de la clarté. Parce que, effectivement, si l'on avait appliqué la doctrine «Cuendet», celle qu'il souhaite voir appliquer à notre initiative, il aurait fallu préciser que ces mesures qu'il préconisait auraient eu pour conséquence, par exemple, d'entraver la lutte contre le travail au noir et pour la protection de la santé des consommateurs. Mais le PLR ne l'a pas fait, et j'aimerais relever que le sort que la population a réservé à cette initiative montre que vous avez tort, Monsieur Cuendet, puisque l'initiative n'a pas abouti. Lorsqu'on utilise des arguments qui sont ceux que vous avez servis, la population ne signe pas. Je crois que ce qui s'est passé au mois d'août 2012 démontre que cette initiative ne pose aucun problème et que vous avez tort, Monsieur Cuendet. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Vont s'exprimer encore Madame la rapporteure de minorité, ensuite Monsieur le rapporteur de majorité et finalement, M. le conseiller d'Etat, David Hiler. La parole est à Mme Loly Bolay.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais d'abord répondre à M. Mauro Poggia que, effectivement, on a répondu avec les Verts que cette initiative n'était pas conforme au droit supérieur - je le dis dans mon rapport de minorité et je viens de le dire à deux reprises - tout simplement parce qu'on considère, comme le Conseil d'Etat, que l'article 45B, les dispositions transitoires, est contraire au droit supérieur. Donc, effectivement, j'ai voté comme cela, parce que cette initiative doit être déclarée partiellement valide, parce que l'article 10 est valide, mais pas l'article 45B. Si vous avez lu mon rapport de minorité, si vous m'avez écoutée, je pense que maintenant vous avez compris mes propos et mon vote en commission. Je vous dirais si on va rigoler. Mais bien sûr que l'on va rigoler, Monsieur Poggia, pour la raison suivante, Monsieur le président vous la lui direz: parce que, quand on analyse une initiative, Monsieur le président, vous qui présidez la commission législative aussi, il y a des critères auxquels il faut répondre: les critères sur la forme, sur l'unité de la matière, sur l'exécutabilité, sur le droit supérieur.

Mais le principe de clarté, celui que vous invoquez pour dire que cette initiative n'est pas valable, ne fait pas partie des critères. Le Tribunal fédéral n'a pas d'arrêt sur cette question. La constitution genevoise ne fait aucune mention de la clarté, et je l'ai dit tout à l'heure: un arrêt du Tribunal administratif a débouté le recourant sur un référendum qui invoquait ce principe de clarté. J'ai mis l'argumentaire du Tribunal administratif dans mon rapport de minorité. Sur ce principe de clarté, le Tribunal fédéral ne peut que nous donner raison, parce que vous invoquez quelque chose qui n'existe pas dans la jurisprudence. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que l'on va bien rigoler et non pas sur les allégements fiscaux. Sur cette notion-là on va rigoler, parce que, encore une fois, la majorité s'est trompée, la majorité aurait dû dire que cette initiative, comme le Conseil d'Etat le dit et comme nous le disons, effectivement pose un problème à l'article 45B, mais pas l'article 10. Encore une fois, la clarté ne fait pas partie des critères de recevabilité.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Tout d'abord, pour revenir sur un des propos liminaires de la rapporteure de minorité, elle a évoqué l'équité fiscale et, à ce sujet-là, je souhaiterais poser la question de savoir s'il est équitable de condamner à la ruine des PME locales qui bénéficient de tels allégements.

Sur le principe de la clarté, je vais parler de ma petite expérience au Grand Conseil - ce sera le moment historique - le nombre de fois, et j'ai des témoins ici, où on m'a dit: «Vous ne comprenez rien au social, vous ne comprenez rien à l'enseignement, vous ne comprenez rien à ci, vous ne comprenez rien à cela.»! C'est peut-être vrai, on a beaucoup d'experts, notamment au sein de l'Alternative. Mais alors là, Madame Bolay, je suis désolée de vous le dire, en termes juridiques, en tout cas M. Poggia, avocat au barreau, et moi-même avons peut-être un peu plus de connaissances que vous et nous avons lu l'arrêt du Tribunal administratif, contrairement à vous, auquel il est fait référence et qui cite clairement, mais alors, on ne peut plus clairement, l'article 34 de la Constitution comme un droit fondamental, une garantie minimale que tous les textes de référendums et d'initiatives doivent respecter à Genève. Donc là, vous vous trompez lourdement du point de vue juridique. J'ai cité cet arrêt dans mes conclusions, pages 11 et 12. Donc, je suis désolé de vous contredire sur ce point, vous vous trompez complétement.

Cela étant dit, je voulais ajouter que la question de la tromperie se pose aussi sur un élément important, c'est que, au fond, le parti socialiste demande la suppression de l'article 10 LIPM qui parle des allégements fiscaux. Or, si on lit l'argumentaire, si on lit l'exposé des motifs, ce que M. Dandrès nous a expressément demandé de faire en commission - il a dit qu'on ne pouvait pas comprendre l'initiative si on ne lisait pas l'exposé des motifs - tout l'argument du PS repose en réalité sur les statuts fiscaux et non sur les allégements fiscaux. Les statuts fiscaux, à savoir les sociétés holding, les sociétés auxiliaires - qui profitent, il est vrai, à de nombreuses multinationales, qui sont venues créer des dizaines de milliers d'emploi à Genève - eh bien ces multinationales, qui sont les principaux contribuables et qui ont créé des emplois à Genève, bénéficient de tels statuts, mais qui n'ont rien à voir avec l'article LIPM qui est attaqué ici par le parti socialiste.

Le parti socialiste est extrêmement mal à l'aise avec le libellé de son initiative. Ses représentants se répandent dans les médias, sur Léman Bleu, dans les journaux en disant: «Pitié, faites-nous un contre-projet pour nous sortir de cette ornière !». Parce qu'ils se sont trompés, ils se sont lourdement trompés dans la rédaction de leur texte, puisqu'ils ont mélangé - c'est triste pour eux - l'article 10 LIPM, qui concerne les allégements et les articles qui touchent les statuts fiscaux. En se trompant dans la rédaction de leur texte, ils ont par là-même induit en erreur les signataires évidemment, puisque les signataires pensaient qu'ils signaient contre les statuts des multinationales et, au fond, ils ont signé contre les allégements fiscaux bénéficiant majoritairement à des sociétés endogènes et destinés à les sauver de situations difficiles. Donc la tromperie est tout à fait évidente. En plus, comme M. Poggia, je suis extrêmement choqué par l'expression utilisée par Mme Bolay de «rira bien qui rira le dernier». Ici, on parle de dizaines de milliers d'emplois et il est totalement inacceptable qu'une personne qui est censée défendre l'emploi à Genève utilise des expressions aussi provocantes. Je conclurai en disant que je vous remercie par avance de suivre les conclusions du rapport de majorité. (Applaudissements.)

Le président. Merci, M. le rapporteur de majorité a sollicité ou posé une question au début de son intervention à Mme la rapporteure de minorité, à qui j'accorde quelques instants pour répondre.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, pas quelques instants, puisque nous sommes dans un débat libre, et je ne crois pas avoir parlé déjà trois fois sept minutes, donc j'ai le temps, Monsieur le président, je vous remercie.

J'aimerais quand même revenir d'abord sur ce qu'a dit M. le rapporteur de majorité. M. le rapporteur de majorité me dit que j'ai tort. Mais j'ai mis dans mon rapport de minorité l'arrêt du TA, en tout cas les conclusions de l'arrêt du TA. L'arrêt du TA dit, je ne vais pas tout lire, Monsieur le président, mais juste quelques lignes. L'arrêt du TA dit: «Le Tribunal fédéral l'a relevé, le droit genevois ne contient aucune règle sur la manière de rédiger une demande de référendum ou d'initiative contrairement à d'autres législations cantonales qui interdisent toute mention susceptible de créer un doute.» Autrement dit, ce principe de clarté n'existe nullement.

Maintenant, Monsieur le président, si vous permettez, puisque le rapporteur de majorité a parlé d'une anecdote personnelle, je vais vous donner la mienne. (Exclamations.) Il y a quelques années, j'ai travaillé dans une grande multinationale étrangère en Suisse et je faisais partie des dix-sept employés à Genève et il y avait, à Bâle, environ neuf employés. Cette multinationale a décidé de fermer ses portes. Dix-sept emplois ont donc été supprimés à Genève, neuf à Bâle. Eh bien, le volet financier de cette multinationale est venu s'installer à Genève, dans une rue très connue et ils ont emmené tous leurs employés. A Genève, ils n'ont engagé personne. Je me trouvais à la direction, parce que je faisais partie de la direction genevoise pour aller négocier les plans sociaux dans une grande ville européenne. Nous avons appris de la bouche même de la direction de cette multinationale que Genève était très généreuse, parce que les autorités genevoises avaient proposé à la filiale financière, alors qu'elle n'avait rien demandé, des allégements fiscaux. Autrement dit, la même multinationale qui a supprimé dix-sept emplois à Genève et neuf à Bâle se voit fournir un magnifique cadeau. On leur dit: «Vous ne créez pas d'emplois à Genève, vous en avez même supprimé, mais parce que vous venez vous installer à Genève, on vous fait cadeau d'allégements fiscaux.»

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés pourquoi je me bats. Parce que moi aussi j'ai eu une petite entreprise, j'ai un mari qui a une petite entreprise et moi je veux l'équité pour les petites PMU/PME. C'est pour cela que le parti socialiste se bat. Et arrêtez de nous dire que nous, nous voulons casser de l'emploi ! Nous nous battons depuis des années pour l'emploi à Genève, pour les Genevois et pour ceux qui habitent ici... (Brouhaha.) ...et je conteste vos propos selon lesquels le parti socialiste veut supprimer des emplois dans les PME. Nous voulons l'équité, c'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter mon rapport de minorité.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je serai très bref. Evidemment, la rapporteure de minorité admet ici, en plénière, qu'elle n'a pas lu l'arrêt du Tribunal administratif. Elle élabore toute son argumentation sur les seules conclusions de cet arrêt, alors que l'arrêt lui-même, dans le corps de l'arrêt, précise clairement que l'article 34 de la Constitution est un droit fondamental, une garantie minimale, touchant au fonctionnement de la démocratie, en garantissant que les droits politiques puissent s'exercer de manière libre et régulière. Donc, avant de faire de grandes péroraisons sur les conclusions d'un arrêt, il faut lire l'entier de l'arrêt, parce qu'il est tout à fait pertinent. C'est pour cela que je me suis permis de le citer dans mon rapport de majorité, pour faciliter la lecture aux membres de ce parlement.

Et puis, dans son expérience personnelle, Mme Bolay a bien démontré qu'il s'agissait d'un problème de multinationale ! Uniquement de multinationale et que cela n'avait rien à voir avec les allégements fiscaux accordés à des entreprises locales, pour les sauver de la faillite. Donc, les conclusions de mon rapport sont parfaitement exactes: le PS veut éliminer les multinationales du canton. Mme Salerno l'a dit à plusieurs reprises, mais dans des publications subventionnées par la Ville de Genève, en disant qu'il y avait trop de multinationales à Genève. Alors, de nouveau une anecdote personnelle: en tant que contribuable de la Ville de Genève, je ne suis pas ravi qu'une magistrate de la Ville demande que les multinationales partent du canton. Cela étant dit, j'en reste à la conclusion de mon rapport de majorité.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous continuons le ping-pong, mais j'aimerais quand même qu'on s'en tienne à la recevabilité. Je sais que je prêche dans le désert, mais enfin, j'essaie. Je donne la parole à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Je suis désolé, mais pour aller sur le fond, un petit moment quand même, de l'initiative... (Exclamations.) ...parce que, Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez attaqué directement et frontalement le parti socialiste, en disant qu'on était contre l'emploi, contre les multinationales et, en réalité, moi je vais reprendre justement...

Une voix. Mais c'est vrai !

M. Roger Deneys. ...le rapport sur les comptes 2011. Dans ces pages 62 et 63 du rapport sur les comptes, on voit le nombre d'allégements fiscaux octroyés en 2011...

Le président. Je suis désolé, Monsieur le député, mais vraiment désolé...

M. Roger Deneys. Oui, mais j'y arrive. Je vais arriver sur la forme. Mais laissez-moi terminer...

Le président. Non, vous y arrivez ! Et j'aimerais vraiment vous prier de terminer ce débat dans la sérénité et sur la recevabilité.

M. Roger Deneys. Laissez-moi terminer, Monsieur le président.

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. C'est gentil, Monsieur le président. Eh bien, cinq entreprises ont bénéficié de ces allégements, et on ne sait pas de quel type d'entreprises il s'agit, concernant leur statut de multinationale ou non. On sait que trois d'entre elles sont dans la production de commerce de biens et deux sont dans les biotechnologies et la biométrie. On ne sait rien de plus. Concernant le nombre d'entreprises qui sont peut-être bénéficiaires de ces statuts d'allégements fiscaux et qui arrêtent ou qui disparaîtraient en raison de l'initiative socialiste, ce qu'on peut relever du tableau du Conseil d'Etat, toujours aux mêmes pages et sans qu'il n'y ait de totaux explicites mentionnés, c'est que sur les 135 entreprises bénéficiaires depuis 1998 - il faut déduire celles qui ne sont plus au bénéfice de ces allégements, parce que cela fait plus de dix ans - il y en aurait 60 et, sur ces 60, il y en aurait encore 42 qui bénéficieraient de ces allégements. Ce qui veut dire que 18 d'entre elles sont parties et, en l'occurrence, ce ne sont pas les socialistes, ni quiconque ici dans cette assemblée, qui ont pu faire partir ces entreprises, c'est d'autres considérations, liées à leur rentabilité, liées à d'autres avantages acquis ailleurs, mais cela, on ne peut pas le savoir.

Et c'est vrai que le manque de transparence qui régit les statuts fiscaux en général, les bénéficiaires d'allégements, fait que l'initiative socialiste est totalement recevable, parce que la qualité des bénéficiaires n'est pas connue préalablement au dépôt de cette initiative et, au moins, elle aura eu ce mérite, grâce au rapport du Conseil d'Etat IN 150-A, de clarifier un peu plus la typologie de ces entreprises. Cela n'est pas suffisant et certainement que l'hypothèse d'un contre-projet aurait peut-être permis de clarifier davantage la situation. Mais, dans tous les cas, la recevabilité est absolue, puisque ces entreprises sont souvent, voire toujours, multinationales.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Il y a certains propos que je ne peux pas laisser passer de cette manière, parce qu'on entend, et vous transmettrez à la rapporteuse de minorité, Mme la députée socialiste Loly Bolay, qui vient nous dire, presque une larme à l'oeil: «Mon mari est indépendant et, nous aussi, nous aurions voulu bénéficier d'abattements fiscaux». C'est ce que vous avez dit en substance, Madame la députée. Moi, j'aimerais quand même dire aux gens qui nous regardent: n'oubliez jamais, c'est vrai, il y a des allégements fiscaux pour les multinationales, mais le nombre de sous-traitants qu'elles ont est juste impressionnant. Alors imaginons une seule seconde, mais par pure fiction, que l'entreprise du mari de Mme Bolay soit dans, par exemple, le bois, la menuiserie, l'ébénisterie... et qu'une grande multinationale, ayant décidé de refaire tous ses bureaux, lui confie un contrat de 200 ou 300 000 F. Cela arrive tous les jours, dans les multinationales à Genève ! Eh bien, si ces multinationales ne sont pas là, finalement, vous irez réparer des portes chez des assistés sociaux qui n'auront de toute façon pas les moyens de vous payer et le problème des impôts sera réglé, car votre entreprise n'en payera pas, puisqu'elle n'aura pas de bénéfices ! C'est là où je veux en venir: il ne faut pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis ! Avoir aujourd'hui des multinationales, certes cela peut choquer, en disant: «Mais pourquoi eux paieraient 11% et les autres 23% ?» Eh bien, regardez un petit peu le calcul inverse: les employés, eux, n'ont pas d'allégements fiscaux...

Une voix. Le calcul inverse, c'est le même calcul.

M. Eric Stauffer. Et les employés qui gagnent des 200, 300, 400 000 F par année, eux paient des impôts ! Allez demander au ministre des finances si, tout d'un coup, on avait toute cette manne fiscale qui disparaissait... Déjà, on n'a pas besoin de supprimer l'impôt sur les multinationales, parce que, vu qu'on n'est pas capable de faire de logements, ils vont dans le canton de Vaud, où ils paient zéro franc d'impôts dans le canton de Genève ! Mais posez la question à M. le ministre des finances s'il serait content. Evidemment, Madame Bolay, ces arguments ne vous plaisent pas, parce que c'est juste la vérité ! Cela découle juste du bon sens ! Alors, oui, et là le MCG rejoint ce qui a été dit, même, de temps en temps, par nos pires ennemis de droite, avec lesquels on a des fois des relations un peu humides... (Brouhaha.) ...mais vous voulez casser de l'emploi à Genève ! Et c'est ce que vous réussirez à faire !

Une voix. C'est dégoulinant. (Rires.)

Le président. Monsieur le député, et si on revenait à la recevabilité ?

M. Eric Stauffer. Voilà. Donc, ce que je veux dire - et en restant sérieux, parce que c'est un sujet important - il faut à tout prix maintenir ces avantages, mais surtout les compléter par un système de sécurité à Genève qui va rassurer ces gens qui vont venir, par un système de construction de logements où on ne va pas se laver les mains, tel Ponce Pilate, pour dire que l'arrière-pays du Genevois, c'est la zone frontalière ou le canton de Vaud et puis alors, surtout, j'encourage vraiment le gouvernement à aller taper sept fois sur la table du Conseil fédéral pour mettre un terme à cette inégalité fiscale - et là on vous soutiendra: lorsqu'un résident du canton de Vaud travaille à Genève - et cela a quand même fait la fortune de Nyon et des environs - et paie zéro franc d'impôt dans le canton de Genève ! Cela est une aberration helvétique à laquelle il faut aujourd'hui mettre un terme !

Le président. Revenons à notre initiative, cher Monsieur.

M. Eric Stauffer. Mais c'est les impôts, c'est les accords fiscaux, c'est global ! On ne peut pas sectoriser ! C'est une vision d'ensemble qu'il faut avoir ! Certains partis rêvent d'une vision pour Genève. Eh bien, le MCG a cette vision ! Et cette vision, c'est une économie forte ! J'en ai terminé.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de minorité, Loly Bolay. Sur la recevabilité, Madame la députée.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Oui, Monsieur le président, vous avez laissé largement M. Stauffer, qui ne lit pas les rapports sur la recevabilité et qui mélange un peu tout, parler longuement. J'aimerais juste vous demander si cela est normal qu'une entreprise comme Merck Serono, qui a bénéficié des largesses du gouvernement de Genève et qui, aujourd'hui, a sacrifié des centaines d'emplois et d'autres entreprises, multinationales ou autres, qui ne paient que 11% et que les entreprises ici paient 24% d'impôts. Trouvez-vous cela normal ? Moi je parle au nom de l'équité ! Que cela soit pour des gens de ma famille ou pour d'autres ! Toutes les entreprises genevoises paient plein d'impôts ! Alors, bien sûr que certains bénéficient des apports des multinationales, mais regardez ce que dit le rapport de gestion: c'est 60 millions de cadeaux qu'on a fait aux multinationales en 2011 ! 60 millions en fiscalité ! (Brouhaha.) Alors, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, le Conseil d'Etat est d'accord de proposer un contre-projet...

Une voix. Parce que vous ne défendez que cela.

Le président. Monsieur le député Golay, laissez s'exprimer votre collègue !

Mme Loly Bolay. Le Conseil d'Etat dit qu'il est d'accord pour un contre-projet, le parti socialiste se réjouit de pouvoir en discuter si l'occasion lui est donnée. Pourquoi ? Parce que, dit-il, il veut diversifier le tissu social. Cela veut dire qu'implicitement le Conseil d'Etat reconnaît qu'effectivement les multinationales sont largement bénéficiaires des allégements fiscaux.

Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est pour dix secondes à M. le député Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, j'allais oublier l'essentiel. Nous avons, au MCG, un représentant au Conseil national, et je tiens ici à féliciter Mauro Poggia, qui, seul, a déposé un texte parlementaire au Conseil fédéral pour justement corriger cette iniquité fiscale entre le canton de Vaud et le canton de Genève. Et j'invite les autres groupes parlementaires qui ont des conseillers nationaux à appuyer le texte parlementaire de Mauro Poggia au Conseil national et au Conseil des Etats et à faire en sorte que ce texte soit discuté, car d'ores et déjà le Conseil fédéral s'est opposé à ce texte - on se demande bien pourquoi du reste... Peut-être parce que, quand on dit Genève, certains pensent que ce n'est pas grave et qu'ils n'ont qu'à payer !

Le président. Monsieur le député, vous avez dépassé dix secondes.

M. Eric Stauffer. J'ai dépassé. Je conclus. Donc cela serait vraiment une solution à un problème qui pourrait satisfaire tout le monde. Et là, on parle d'équité, Madame la députée socialiste: des gens qui habitent dans le canton de Vaud et qui travaillent à Genève, il faut aussi qu'ils paient des impôts à Genève !

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, peut-être que, comme le député Stauffer, devrais-je commencer par «Amis téléspectateurs, bonsoir» mais... (Rires.) ...ma fonction m'en empêche, hélas ! Mesdames et Messieurs, j'aimerais d'abord vous dire: comment est-ce que le Conseil d'Etat définit sa position sur la recevabilité d'une initiative ? Nous avons certes quelqu'un qui a fait des études de droit parmi nous, mon ami François Longchamp, mais chaque fois qu'on l'interpelle sur ses redoutables connaissances, il répond: «Cela fait longtemps et je n'ai jamais pratiqué.»! Ce qui signifie que c'est la direction des affaires juridiques de la chancellerie, particulièrement depuis le départ de nos éminents collègues Cramer et Moutinot, qui fait le rapport que vous connaissez, extrêmement pointu, et, sauf si le sens commun allait à l'encontre de ses conclusions - auquel cas nous avons toujours la possibilité de vérifier chez un spécialiste éminent - nous nous rangeons à cet avis. Avec un principe, qui d'un Conseil d'Etat à l'autre a toujours été le même, si nous avons un doute, nous allons plutôt dans le sens de laisser le peuple s'exprimer.

Sur ce point, qu'ont dit nos juristes ? Ils ont dit: «En tout cas, la clause qui est dans les dispositions transitoires prévoyant une rétroactivité, cela n'est pas possible et, en plus, c'est une somme inouïe d'ennuis, de procès, de demandes en dédommagements, si, par hasard, on laissait cela.» Nous nous sommes rendus à cette opinion. Il ne nous avait pas échappé, parce que nous savons lire, que l'exposé des motifs était relativement confus, au point que certains collaborateurs non fiscalistes du département, lorsque l'initiative a été présentée publiquement, ont cru eux aussi, l'espace d'un instant, que cela parlait des statuts et pas des allégements.

Certes, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai vu beaucoup de formulaires de référendums et d'initiatives dans ma vie: en politique, on ne demande pas à une force partisane de donner autre chose que son point de vue. En démocratie, la vérité est supposée sortir du choc des opinions. Effectivement, de ce point de vue là, nous pensons qu'il y a bel et bien, à Genève, beaucoup de nos concitoyens - pas la majorité, mais beaucoup - qui estiment que les désagréments qu'ils ont dû subir à cause de l'arrivée d'un certain nombre de ces entreprises multinationales sont plus importants que les avantages qu'ils en ont retiré. Je ne vous parle pas du bien-être général. Nous pensons qu'ils ont tort, mais nous pensons que ces désagréments, ceci dit, sont réels et qu'on ne peut pas simplement dire: «Non, il n'y a pas de problèmes.» Vous l'avez dit vous-même, mais en proposant, Monsieur Stauffer, d'autres solutions.

Alors, à partir de là, j'aimerais tout d'abord dire deux ou trois choses. Dans le débat d'aujourd'hui, j'ai décelé plus d'une cinquantaine d'erreurs factuelles, d'inexactitudes, de confusions, et après j'ai arrêté de compter. (Rires.) J'aimerais quand même rappeler - comme a dit M. Stauffer, «pour ceux qui nous regardent» - que, tout d'abord, la majorité des multinationales n'ont ni statuts ni allégement, qu'elles représentent aujourd'hui plus de 30% des emplois et, si ma mémoire est bonne, plus de 40% du PIB genevois. Ces ordres de grandeur, il faut quand même les avoir en tête. Parmi ces sociétés, il en est un certain nombre, de tailles très inégales, un millier à peu près, représentant 20 000 emplois, qui ont des statuts ou des sociétés qui dépendent ou qui sont directement liées à des sociétés à statuts. Nous avons montré dans une étude récente, qui a eu un certain impact, qu'à ces 20 000 emplois directs correspondaient 30 000 emplois indirects. On peut toujours demander à un autre institut s'il arrive à la même conclusion que le Crea, mais peu importe. Même l'usine Ford de Genk, où les gens ne sont pas aussi bien payés que dans les multinationales ici, ont compté un ratio de 2. Là, on est arrivé à un ratio de 2,3, si ma mémoire est bonne, sur les emplois. C'est dire, Mesdames et Messieurs, qu'il s'agit de choses sérieuses.

En dernière analyse, il y a ces allégements. Là-dessus, je crois qu'il y a une ou deux choses qui ne sont pas bien comprises par les uns et par les autres. Ces allégements ont des conditions. Une des conditions, c'est qu'il ne doit pas y avoir de concurrence directe entre les entreprises, ce qui fait que malgré tout l'amour que nous avons pour les artisans boulangers, nous ne pouvons pas alléger une nouvelle entreprise de boulangerie qui vient ouvrir parce que c'est de la concurrence déloyale. Cela limite le nombre, et c'est pour cela qu'il n'y a que cinq, six ou sept cas d'allégements par an. Cela limite d'autant plus que la deuxième condition, c'est que l'entreprise doit être nouvelle, développer une nouvelle activité ou être en restructuration. Hors de cela, même si c'est une entreprise bio, responsable, sociale, solidaire, représentant 300 emplois, les allégements ne s'appliquent pas ! Il faut qu'il y ait quelque chose de nouveau qui n'entre pas en concurrence. Est-ce que cela a toujours été respecté ? Presque. Je pense qu'il y a un certain temps les décisions en opportunité étaient moins bien analysées, moins bien fondées. Mais pour avoir regardé les allégements faits depuis la loi sur l'harmonisation, dans l'ensemble, cela a été respecté. Il y a quelques exceptions. Une autre chose qui doit être précisée, c'est que, bien sûr, les multinationales à statut peuvent prétendre à des allégements et en ont obtenu. Maintenant, évidemment, cela réduit aussi le cadeau, puisque de tout façon, comme vous l'indiquez, elles paient en moyenne 11,3% à l'arrondissement, alors que les autres c'est 24% et que là, évidemment, elles vont payer tout l'impôt fédéral direct, rien de cantonal, puis elles monteront à un impôt cantonal de 3%.

Cette clause fait que le système est utilisé aussi bien pour des start-up - et pour cela, vous avez un certain nombre d'informations dans le rapport - que pour des entreprises industrielles, qu'elles soient nouvelles ou qu'elles soient en restructuration, il y en a eu beaucoup. Cette clause s'est aussi appliquée à un certain nombre d'entreprises qui agissaient pour le marché local, mais qui proposaient un produit qui n'existait pas. Il y a eu une vague de sociétés, pendant la bulle internet, elles ont d'ailleurs à peu près toutes disparu, pas parce que c'était des multinationales, mais parce qu'elles n'avaient pas beaucoup d'assise. Il est vrai que la mortalité de ces entreprises est plus forte que les entreprises endogènes, puisqu'on prend un risque.

Il est vrai aussi, Mesdames et Messieurs, que, pour les start-up, ce n'est pas extrêmement efficace, puisque, généralement, elles ne font pas de bénéfices pendant la période des allégements, il y a des exceptions, mais pas tant que cela. Il faudrait qu'on trouve mieux, en fait. Maintenant, nous pensons honnêtement que le rapport de la commission législative n'est pas suffisamment étayé. La commission législative aurait dû demander un avis à quelqu'un qui fait autorité dans le domaine des droits politiques pour étayer sa prise de position. C'est du droit, vous aurez peut-être raison, nous aurons peut-être raison, nous verrons. Mais là, nous pensons qu'il y a, pour reprendre un terme utilisé récemment par un de mes amis, qui s'appelle Michel, un côté un peu amateur dans la démarche. Bien, cela étant dit... (Rires.) Je peux aussi faire un peu de spectacle, cela fait longtemps que je ne suis pas venu ! Un ami personnel, je précise et de longue date, bientôt vingt ans ! J'ajoute que dans ces conditions, il m'aurait paru plus raisonnable, par principe, de laisser le peuple trancher sur la version dans laquelle on invalidait ce que tout le monde admettait qui ne jouait pas: la rétroactivité. Et, en dernière analyse - et là je m'excuse, je vais faire une toute petite digression sur le fond - j'ai l'impression que c'est une faute politique. Pourquoi ? Parce que ce que je constate, c'est qu'il y a un certain nombre de convergences qu'on observe. Il y a eu un débat extrêmement vif, il y a deux ans, avec des attaques extrêmement vives. Je peux en parler, parce que principalement, j'en étais la cible, pour des raisons électorales ou autres... Je m'excuse, c'est bien le «Père Hiler» que les socialistes ont voulu brûler, ceux de la Ville, mais... (Rires.) ...tout de même. Bref, j'en suis sorti indemne...

Ce que je constate, c'est que, devant l'ampleur des dangers qui nous menacent, sur la question des statuts, tout le monde a compris que la solution n'était pas totalement mûre, mais qu'il fallait qu'on travaille à en trouver une, celle qui fait le moins de dégâts, parce qu'effectivement nous ne voulons pas perdre 50 000 emplois et nous ne voulons pas perdre, en effet direct - sans aucun effet indirect ni effet induit - 1 milliard 100 millions de recettes fiscales. Et donc nous devons trouver une solution.

Cette solution passe par l'égalité de traitement de toutes les sociétés. On peut discuter à l'infini de quel est le taux qui permet cela. C'est plutôt du réglage fin, on verra à l'issu des travaux de la Confédération. Et puis, je crois aussi, en regard de toutes les interventions du parti socialiste - parce que j'ai la chance d'avoir des gens qui prennent tous les communiqués de presse et qui me les donnent - qu'ils ont aussi compris que l'initiative était vouée à l'échec. Effectivement, même si le gros des allégements, en termes quantitatifs, en termes d'emplois, comme en termes d'impôts concerne bel et bien des multinationales, l'outil a été particulièrement opérant et le plus grand nombre d'entreprises - vous avez des statistiques sur la période - étaient bien des entreprises qui n'étaient pas des multinationales. Les multinationales sont plus grosses en général, pas toutes d'ailleurs, mais en réalité cette chose est relativement importante. Donc, nous avions la chance d'avoir un débat économique dépassionné sur le thème: «Maintenant qu'on sait qu'on peut tout perdre, comment on va faire pour ne pas tout perdre ? Mais comment on va faire aussi pour corriger un certain nombre de problèmes liés à notre mode de développement ?»! Comment allons-nous faire pour que dure la croissance extraordinaire qui est derrière nous - elle n'est pas forcément devant par contre - et qui a conduit à des aspects de mal-développement dénoncés ici. On s'attaque chaque fois à des choses différentes. Quels sont leurs rapports avec la croissance et, surtout, que faisons-nous, Mesdames et Messieurs, de cette réalité ? Le premier secteur économique à Genève n'est plus la banque. Ce n'est pas l'horlogerie, ce n'est pas la Genève internationale, c'est le commerce de gros, qui inclut aussi bien les sociétés de négoce que les QG de multinationales. Oui, mais d'un autre côté - et c'est la réflexion du canton de Vaud, lisez attentivement la documentation du canton de Vaud - nous devons veiller à ce que les allégements soient un instrument de diversification.

Dans les années 90 et encore au début des années 2000, là où les très grosses opérations ont été réalisées, il était normal, alors que Genève se désindustrialisait et qu'il ne nous restait pratiquement plus que la banque, de trouver de nouvelles manières et même d'y mettre le prix, je veux dire, avec des allégements extraordinairement avantageux. Lorsque ce secteur devient le premier, il faut aussi éviter la monoculture dans ce domaine-là, et c'est vrai que, dans l'option du Conseil d'Etat, de plus en plus l'allégement doit d'abord être un outil de diversification. Et même si les opportunités industrielles sont rares, le récent contrat avec une société genevoise sur des pièces en platine pour l'EADS montre qu'il y a toujours des niches. Par contre, dans les domaines...

Non, mais c'est quand même important, je veux dire: on peut encore faire de l'industrie en Suisse ! Mais il n'y a pas que de l'industrie, on peut faire de la recherche en Suisse. Je me permets à ce propos de dire que la société Serono, à l'époque était une société totalement familiale, que c'est après qu'elle a été rachetée par la société Merck, qu'elle n'a jamais été un siège, mais une succursale. Donc, même lorsqu'il y a vertu, c'est-à-dire que l'on encourage la recherche et le développement, rien n'est acquis. De la même façon que quand vous avez une chaîne industrielle, elle peut faire faillite. Mais il est vrai que nous sommes d'avis, au Conseil d'Etat qu'aujourd'hui, là où nous pensions avoir marqué de sérieux points, c'est-à-dire dans les biotechs, la disparition du navire amiral fait que nous devons retrousser nos manches, que, pour ce qui est des cleantechs, il y a des choses, mais cela est très peu et le centre se développe plutôt en Suisse alémanique, comme les biotechs se développent dans le canton de Vaud.

Donc il nous faut à tout prix - cela est le fond - garder cet instrument ! Mais nous étions d'accord d'essayer de trouver, avec vous, avec la commission, puisque c'est elle qui présente un contre-projet, des modalités. De ce point de vue, notre démarche n'est pas différente de celle du Conseil d'Etat vaudois qui, après avoir reçu des critiques assez dures du contrôle fédéral, puisque c'était l'arrêté Bonny, sur le fait que leur procédure était questionnable, a corrigé le tir.

Nous n'avons pas été attaqués. Il n'y pas d'évidence que nous soyons sortis. Mais nous pensions qu'il était intéressant d'essayer d'avoir peut-être quelque chose de mieux cadré et d'en discuter avec vous, toujours dans l'idée de construire un consensus autour de la défense de l'essentiel, parce qu'il y a tellement de choses que l'on peut discuter, de toute façon ce n'est pas la peine de se disputer quand on risque de couler Genève. Vous ne voulez pas; moi ce que je crains simplement c'est qu'on retarde ce débat, parce qu'il aura lieu. Si vous continuez à suivre la majorité, si le Tribunal fédéral donne raison aux initiants, on est repartis pour un tour, mais en retard.

Enfin, je ne verrai pas ce round-là, parce que le Tribunal fédéral ne va pas très vite. Inversement, si le Tribunal fédéral donne raison à la majorité de ce Grand Conseil, alors je crois que nous serons amenés par nous-mêmes à présenter un projet qui fixe un certain nombre de choses. Pour nous, ce qui est important, c'est de pouvoir compter, comme tous les gouvernements de Suisse, pour les questions essentielles, sur une majorité qui défend non pas les intérêts d'une minorité, mais les intérêts du peuple. Mais je m'excuse de vous le dire: les intérêts du peuple, ce n'est pas qu'on perde 50 000 emplois et 1 milliard 100 millions de recettes, même si c'est pour des idées nobles et généreuses.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que le Conseil d'Etat vous recommande. Il vous recommande donc les conclusions du rapport de minorité, puisque les conclusions du rapport de minorité sont celles du Conseil d'Etat, ce dont nous le remercions et, pour le reste, il peut vous assurer qu'il cherchera à améliorer le système des allégements et qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que nous évitions les effets d'une débâcle, non pas annoncée, mais menaçante. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote.

M. Eric Stauffer. Vote nominal, Monsieur le président !

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? Oui, largement soutenu. Alors je vous demande beaucoup d'attention. Unité de la forme: estimez-vous que l'IN 150 respecte l'unité de la forme ?

Mise aux voix à l'appel nominal, l'unité de la forme de l'initiative 150 est adoptée par 92 oui.

Appel nominal

Mise aux voix à l'appel nominal, l'unité du genre de l'initiative 150 est adoptée par 91 oui contre 2 non.

Appel nominal

Mise aux voix à l'appel nominal, l'unité de la matière de l'initiative 150 est adoptée par 59 oui contre 32 non et 2 abstentions.

Appel nominal

Mise aux voix à l'appel nominal, la conformité au droit supérieur de l'initiative 150 est rejetée par 66 non contre 27 oui.

Appel nominal

Mise aux voix à l'appel nominal, l'invalidité partielle de l'initiative 150 est rejetée par 66 non contre 28 oui.

Appel nominal

Mise aux voix à l'appel nominal, l'exécutabilité de l'initiative 150 est adoptée par 72 oui contre 13 non et 8 abstentions.

Appel nominal

Le président. Nous passons au vote final: l'initiative 150 doit-elle être déclarée totalement invalide ?

Mise aux voix à l'appel nominal, l'invalidité totale de l'initiative 150 est adoptée par 66 oui contre 28 non.

Appel nominal

L'initiative 150 est donc déclarée irrecevable.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 150-A.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 150-B.

R 709
Proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Deneys, Marie Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan, Melik Özden, Lydia Schneider Hausser, Loly Bolay du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal : NON à la criminalisation automatique des employé-e-s de banques (et des autres entreprises suisses) !

Débat

Le président. Nous passons maintenant à la dernière urgence. S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.) La parole est à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Le président agite la cloche.) ...les socialistes genevois, mais aussi ailleurs en Suisse, ont été extrêmement choqués durant cette année 2012 par les... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons encore traiter au moins ce point, je vous invite à un peu de patience, d'attention et à écouter votre collègue.

M. Roger Deneys. Je vous remercie, Monsieur le président. Les socialistes, disais-je, ont été extrêmement choqués en 2012 par, d'une part, la décision de onze banques suisses de transmettre le nom de tous leurs employés aux autorités fiscales et judiciaires américaines, judiciaires en particulier, alors même que ces employés de banques... (Le président agite la cloche.) ...n'avaient commis aucun délit. Ils n'avaient que le malheur d'avoir été, paraît-il, peut-être, éventuellement, on ne sait pas, en contact avec des clients américains. Que des banques agissent de la sorte est déjà assez particulier. Que, par la suite, quand les employés apprennent une telle décision...

Mme Loly Bolay. Monsieur le président, on n'entend rien. (Le président agite la cloche.)

Le président. Je réitère mon appel. Nous arrivons bientôt au bout. Un peu de patience et de cran ! Ecoutez votre collègue.

M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. Que ces employés apprennent, par la suite, que leurs noms ont été transmis, alors qu'ils n'étaient même pas au courant, est encore plus choquant. Du jour au lendemain, vous pouviez, en toute bonne foi, après avoir travaillé dans la légalité des années, vous rendre aux Etats-Unis et vous faire arrêter à la douane directement, parce qu'on vous considérait comme un criminel.

Eh bien, cette pratique, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes la trouvent véritablement inique ! Mais le problème, c'est qu'en 2012, nous n'en sommes pas restés là. Le Conseil fédéral, après coup, a considéré qu'il pouvait donner son accord aux banques qui avaient commis de tels actes. De façon encore plus curieuse, par la suite, le préposé à la protection des données a évoqué, et je cite ici un article du Temps - un journal qui mériterait de survivre : «Le préposé à la protection des données peut maintenant suivre l'argument de l'intérêt public avancé pour justifier la transmission des données.» C'est un article du 17 octobre 2012, c'était mon anniversaire, mais ce n'était pas un cadeau. Une telle décision du préposé à la protection des données signifie simplement que la Suisse, sans en révéler les raisons, parce qu'invoquer l'intérêt public ne dit pas pourquoi et comment cela se fait que l'on puisse donner des noms de concitoyennes et concitoyens à un Etat étranger, alors qu'ils n'ont pas commis de délit... Le fait que cela soit considéré comme légal ou, en tout cas, que rien ne l'empêchait, prouve qu'il est nécessaire d'intervenir au niveau fédéral, pour demander à la Confédération de prendre des mesures claires, immédiates pour interdire la transmission de noms de concitoyennes et de concitoyens à des Etats étrangers, quand ils n'ont pas commis de délit. Si aujourd'hui on peut l'autoriser, cela peut se répéter n'importe quand. Et si cela se fait au nom d'un intérêt public qu'on ne connaît pas, on peut craindre le pire, on peut invoquer un tel intérêt n'importe quand et, donc, c'est tout simplement inadmissible pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Alors le droit d'initiative...

Le président. Monsieur le député vous avez largement entamé le temps de votre groupe, je vous le signale.

M. Roger Deneys. Merci. Je vais conclure. Le droit d'initiative que j'invoque, le droit d'initiative cantonale permet de renvoyer une telle résolution directement à Berne pour que l'Assemblée fédérale se prononce et puisse, le cas échéant, prendre des mesures adéquates. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes souhaitent que cette résolution, qui vise à ne pas criminaliser les employés de banques, soit renvoyée directement à l'Assemblée fédérale et, le cas échéant, parce que c'est la pratique, qu'une délégation de députés de ce Grand Conseil qui, je l'espère, devrait être de tous les partis, aille à Berne défendre la légitimité de cette revendication pour préserver les droits de nos concitoyennes et concitoyens. C'est tout simplement scandaleux qu'une autorité telle que le Conseil fédéral puisse brader aussi facilement les intérêts de ses concitoyennes et concitoyens ! Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter immédiatement cette résolution, sans la renvoyer en commission, puisque, bien entendu, les pratiques évoluant de façon assez particulière, les délais sont extrêmement importants. Donc je vous invite à soutenir cette résolution.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, nous allons assister dans un instant dans ce parlement à un concours d'hypocrisie. Nous avons entendu la position des socialistes, dont l'écoeurement est à géométrie variable, qui sont tout d'un coup, et nous approuvons cette réaction, écoeurés - nous le sommes aussi au niveau du MCG - par la délation dont se sont rendus responsables les banquiers suisses, avec l'aval de notre Conseil fédéral. Par contre, ces mêmes socialistes cautionnent totalement la politique «d'à-plat-ventrisme» de notre Conseil fédéral lorsqu'il s'agit de soutenir la délation des clients étrangers honnêtes, je dis bien honnêtes et non pas criminels, puisque vous l'avez entendu et vous le lirez dans ce texte, pour les socialistes le fait de ne pas déclarer son argent dans son pays et de considérer qu'il est plus en sécurité en Suisse est criminel ! Donc, ces clients honnêtes, nous pouvons, évidemment à suivre l'avis des socialistes, les vendre aux Etats étrangers. Ces mêmes clients, que nous avons fait venir ici en Suisse, en leur promettant le secret bancaire, ces mêmes clients étrangers auxquels nous devons, faut-il le rappeler, quand même le niveau de vie qu'a connu la Suisse depuis la dernière guerre, qui a permis à nos banques de soutenir notre économie, de soutenir notre recherche, de soutenir notre technologie. Mais ici on touche les employés, alors le parti socialiste monte au créneau. Vous avez raison de monter au créneau ! J'aimerais simplement que vous soyez plus honnêtes et que vous respectiez l'honneur de ce pays, en toutes circonstances.

D'un autre côté, vous allez entendre l'hypocrisie des partis de l'Entente, qui considèrent que l'on peut vendre père et mère lorsqu'il s'agit de sauver sa tête et que, finalement, ces petits employés sont bien peu de chose lorsqu'il s'agit finalement de mettre, non pas l'intérêt du pays en avant, mais leur intérêt personnel, puisque je rappelle que le Conseil fédéral, en janvier dernier, saisi en tant qu'autorité de surveillance au sens de l'article 271 de notre code pénal, a donné son accord pour que les banques puissent transférer, au-delà de toutes les règles sur l'entraide internationale en matière pénale, les noms des employés, sans même les informer, je cite: «Si la défense de leurs intérêts l'exige.» On ne parle même pas des intérêts supérieurs du pays, on parle de l'intérêt de nos banquiers. C'est vrai qu'à un moment donné, on a un peu de peine à faire la différence entre l'intérêt de nos banquiers et l'intérêt du pays, à lire le Conseil fédéral. Vous lirez avec beaucoup d'intérêt...

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.

M. Mauro Poggia. Je finis. Ceux que cela intéresse, vous lirez une interpellation 12.33.89 au Conseil fédéral. Vous lirez la réponse du Conseil fédéral: elle est évidemment édifiante. Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, chers collègues, je suis surpris que les socialistes viennent au secours des employés de banques. C'est tout à fait un sujet de droite. Il faut savoir que, dans les banques suisses, les apports de fonds en provenance de l'étranger sont très recherchés et rémunérés par des bonus plus ou moins importants dans les banques. Par cupidité, certains employés de banques n'ont pas su sélectionner les fonds d'épargne déclarée des fonds soustraits au fisc étranger, ce qui a amené l'industrialisation de la fraude ou l'évasion fiscale. Où est la limite entre les employés directement actifs dans l'aide à l'évasion et à la fraude fiscales et les collaborateurs qui ne font que traiter les affaires courantes dans le back office ? Ces derniers peuvent être effectivement considérés comme des martyrs s'ils figurent dans les listes ad hoc.

Les autorités fiscales américaines accusent les banques suisses d'avoir sciemment organisé l'aide à l'évasion fiscale de leurs concitoyens et les banques suisses en paient maintenant le prix ! C'est pour ne pas perdre leur licence d'exercer sur le territoire américain que certaines banques suisses ont livré des noms de leurs collaborateurs au Conseil fédéral, qui les a transmis au fisc américain. Cela a apaisé momentanément l'appétit du fisc américain. C'est la pression économique sur les banques suisses qui les fait paniquer. Elles espèrent ainsi pouvoir échapper à leurs responsabilités. Il faut savoir que sur les CDs volés par Falciani à HSBC et dans les déclarations de Birkenfeld, le gestionnaire de fortune de l'Union de Banques Suisses à Genève, notamment, les noms des gestionnaires de fortune sont mentionnés. Il faut savoir aussi que pour les deux grandes banques suisses, la Banque cantonale de Zurich et certaines banques privées, le marché américain et d'autres marchés comme l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne sont très intéressants, car il y a de très grosses fortunes dans ces pays. Il faut savoir que les pays concernés - Etats-Unis, Allemagne, France, Grande-Bretagne - ne vont pas lâcher prise, car les Etats ont besoin d'argent pour financer leurs politiques sociales, entre autres.

Ces pays veulent aussi mettre leurs citoyens dans le droit chemin; ils veulent également que la Suisse devienne moins compétitive et éliminer ainsi un concurrent. Ces pays vont continuer à harceler la Confédération pour obtenir des échanges automatiques d'informations. A ce moment-là, le secret bancaire sera définitivement mort. Dans la troisième demande, je pose la question: qui va payer l'assistance juridique et financière aux employés victimes de la transmission de données ? Est-ce que c'est l'Etat...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Bernhard Riedweg. Oui, je termine. La question se pose: est-ce que ce sera l'Etat ou les banques qui vont payer ces frais ? Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole pour une minute à Mme Serdaly Morgan.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Merci, Monsieur le président. Pourquoi est-ce qu'il y a urgence ? Il y a urgence, parce que lundi la commission de gestion du Conseil national - ce lundi - a ouvert une enquête. C'est donc bien le moment de manifester ici à l'égard du parlement fédéral notre opinion. Mardi, c'est l'expert du droit du travail, Gabriel Aubert, qui s'est prononcé sur la question. Un avis attendu de la part de cet expert qui a dit clairement que le chemin suivi n'assurait pas la protection due aux salariés. Nous sommes écoeurés, oui ! Monsieur Poggia - qui est sorti - par l'attitude des patrons des entreprises que sont les banques à l'égard de leurs employés. Nous sommes écoeurés, parce que c'est aux conseils d'administration des entreprises d'assumer des pratiques éthiquement discutables à l'égard de pays et particulièrement de pays comme la Grèce ou l'Espagne, qui sont aujourd'hui en souffrance ou de pays qui ont besoin de se reconstruire. Par ailleurs, le parti socialiste...

Le président. Il faut conclure, Madame la députée.

Mme Christine Serdaly Morgan. Oui je vais conclure en disant que, par ailleurs, le parti socialiste a de la peine à tolérer l'iniquité qui existe désormais entre des employés fichés, dont l'employabilité sera difficile et diverses personnes échappant au fisc, dont l'anonymat serait désormais préservé. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Il y a quand même quelque ironie à voir cette proposition de résolution, déposée par le parti socialiste, qui, comme l'a dit, à moitié à raison, M. Poggia, ne considère qu'un côté de la question. Parce qu'il y en a un autre. S'il s'agit à juste titre de s'opposer à la criminalisation des employés de banques suisses dont des données, dont les identités, dont les e-mails, dont les courriers, dont je-ne-sais-pas-quoi encore a pu être transmis à des autorités ou en tout cas à l'étranger, il y a aussi quelque iniquité à ne pas penser aux clients étrangers des banques suisses, pour lesquels le parti socialiste a entrepris, depuis des années une entreprise de criminalisation, qui contribue précisément aux difficultés que connaissent les banques en Suisse, qu'ils soient suisses ou qu'elles soient étrangères. Par conséquent, il me semblerait sur le fond, plus juste, plus équitable d'avoir une résolution qui s'oppose à la criminalisation automatique et des employés de nos banques, qu'elles soient suisses ou étrangères, et des clients de nos banques, qu'ils soient suisses ou, en l'occurrence, étrangers. Parce que, ainsi, il y aurait un équilibre, il y aurait un respect de la présomption d'innocence, d'abord et puis, il y aurait un respect de la sphère privée par ailleurs, il y aurait un respect, au fond, des valeurs qui ont fait le succès du secteur bancaire suisse au fil des décennies. Cela, c'est sur le fond. Maintenant, sur la rédaction: on voit bien à quel point le parti socialiste hait les banques. Quand il dit: «les pratiques extrêmement discutables de certains établissements bancaires suisses considérées à raison comme criminelles [...]» Qu'est-ce que c'est qui est criminel à leurs yeux ? Ce n'est évidemment pas le droit actuel, c'est une interprétation de ce qu'ils voudraient d'un droit futur, qui déclarerait criminels des comportements qu'ils ne veulent plus ou des pratiques qu'ils réprouvent. Quand ils disent aussi «qu'il n'est pas acceptable de faire porter la responsabilité d'actions criminelles commises par des banques suisses à des employé-e-s qui ne font qu'accomplir leur travail» est-ce qu'ils pensent...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Est-ce qu'ils pensent à ces employés qui transfèrent à des autorités étrangères des fichiers, des CDs ? Quand ils disent que «les employés de banques, majoritairement suisses, n'ont, eux, commis aucun délit» est-ce qu'ils pensent à cet employé bâlois qui a transmis des données à un conseiller national ? Bref, il n'y a dans cette proposition de résolution rien qui ne concerne les clients étrangers, rien qui concerne le fait que la transmission automatique de données des clients est une proposition socialiste qui vise à mettre à mal, sinon à terre, les banques suisses. Ayez le sens de l'équité, refusez cette proposition de résolution.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien va voter la résolution, même si elle n'est pas parfaite, même si on regrette la polémique que peut retenir cette résolution. Je pense qu'il faut aller sur le fond. Et le fond est qu'il est inadmissible de transmettre le nom des gens sans leur demander leur autorisation ou les avertir. L'humain doit être au centre ! C'est ce que nous disons dans notre parti. Il est inadmissible, pour quelque raison que ce soit, qu'on utilise le nom des gens sans le leur dire, pour les amener à prendre des risques inconsidérés dans leurs vies, alors que ces gens-là n'ont strictement rien fait de pénal. Je crois qu'au niveau de la Suisse on doit être extrêmement strict. On ne peut pas se comporter n'importe comment pour essayer d'obtenir quoi que ce soit d'un autre pays. C'est l'honneur de notre pays qui est en jeu et on doit respecter des règles simples qui sont de respecter la personne humaine.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez rappelé, depuis plusieurs mois, nous assistons, effarés, au fait que des banques suisses privées et publiques peuvent transmettre les noms de leurs employés et autres données personnelles à des Etats étrangers ! Des employés qui auraient été au contact de la clientèle américaine. Des banques publiques l'ont fait, comme la Banque cantonale de Zurich ! Une banque publique, comme la banque cantonale de Zurich ! Alors si certains de ces employés ont réellement été en contact avec la clientèle américaine et ont agi sur ordre, on s'étonne des nombres d'employés en cause, dont les noms ont été livrés ! Déjà 10 000 noms ont été livrés aux autorités américaines. 10 000  noms ! C'est déjà beaucoup. Une seule banque, à elle seule, HSBC, 1 400 employés, a livré 1 000 noms ! On s'étonne ! 1 000 personnes sur 1 400 ne travailleraient qu'avec la clientèle américaine...? Il est peu probable que ces milliers d'employés, maintenant en cause, ces 10 000 personnes dont les noms ont été donnés aux autorités américaines prennent le risque de prendre des vacances aux Etats-Unis.

Mais, par contre, comme l'ont rappelé certains députés, leur employabilité en Suisse est gravement mise en cause ! Ils seront évidemment moins concurrentiels sur le marché bancaire, parce que les banques, dans le contexte, en plus, de la labilité de l'emploi dans ce secteur, recruteront principalement, pour continuer à travailler avec la clientèle américaine, des gens dont les noms n'ont pas été donnés aux autorités américaines ! (Le président agite la cloche.) Alors, si les autorités américaines veulent des noms, elles les ont déjà: ce sont les noms des membres des conseils d'administration des banques suisses et des banques étrangères en Suisse et ces noms sont publics ! Ils n'ont pas besoin de demander d'autres noms, parce que ce sont eux les responsables ! Ce débat sur la justesse ou non de donner des noms des employés est assez ubuesque. Par contre, les invites de cette résolution, contrairement à ce qu'ont dit certains députés du PLR, sont tout à fait raisonnables. Il nous reste deux solutions maintenant: soit nous la renvoyons, comme le demandent les socialistes, directement au Conseil fédéral, ce qui est une possibilité, soit nous la renvoyons en commission de l'économie, rejoindre une motion PLR de soutien au secteur bancaire genevois et nous pourrions transformer cette résolution socialiste en une agréable invite complémentaire à la motion de soutien du secteur bancaire. Donc, la première proposition que je fais, c'est de renvoyer cette résolution en commission de l'économie. Si ce n'est pas suivi, les Verts soutiendront l'envoi de cette résolution au Conseil fédéral.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député... Vous avez épuisé votre temps. Ah, pour le vote nominal. Monsieur le président du Conseil d'Etat Unger, s'il vous plaît.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que l'exposé des motifs, ressemblant à celui de l'initiative que vous avez discutée au point précédent, est confondant d'approximation et de choses désagréables. Mais les invites, Mesdames et Messieurs les députés, car ce sont les invites que l'on vote, lorsqu'on vote une résolution, sont des invites qu'on ne peut pas ne pas prendre en compte ! Le comportement de nos banques dans cette situation de pression énorme - il est vrai - de livrer le nom des employés n'est pas tolérable ! Et si le préposé à la protection des données estime que l'intérêt supérieur - et vous avez raison, Monsieur le député, on ne sait pas si c'est l'intérêt supérieur des banques ou de la nation; cela aurait été bien, le cas échéant, de parler de la nation, parce que c'est bien de celui-là dont il s'agit - est de temps en temps, de dire des choses, on ne peut pas le faire à la diable, comme cela ! Pas plus qu'on ne peut faire à la diable l'apologie de ceux qui ont vendu des CDs de données de clients, pas plus qu'on ne peut faire l'apologie de gens ignobles, qui se prétendent de l'Etat de droit, qui les ont achetés, de manière illicite et qui les ont utilisés de manière illégale !

Alors, de tout cela, l'on doit pouvoir parler. Mais pour en parler, on ne peut le faire qu'en commission. Si on vote ce soir, on a loupé la moitié de l'opération, parce qu'il y a d'autres choses dont il faudra parler sur les pressions dont le secteur bancaire est victime.

Oui, le secret bancaire est probablement mort dans sa forme ancienne. Oui, des propositions sont faites qui ont le soutien de notre Conseil d'Etat, qui préservent à la fois la sphère et l'intérêt des pays qui devraient pouvoir toucher des impôts. Cela s'appelle les accords Rubik. Nous les soutenons de toute notre force ! Oui, nous aimerions pouvoir parler avec ces pays donneurs de leçons du dispositif de blanchiment qui est le meilleur en Suisse, même s'il n'est pas parfait: il est inexistant dans d'autres pays ! Oui, nous aimerions pouvoir parler avec ces pays qui sont tous des colons, qui ont tous hébergé ou mis en place des dictateurs qui ont fait des fortunes, dont on n'apprend jamais qu'ils ont rendu l'argent lorsque ces dictateurs sont démasqués. En Suisse, cela est fait dans les trois mois, immédiatement ! De tout cela, Mesdames et Messieurs, nous aimerions parler pour pouvoir affirmer, une fois pour toute, que notre secteur bancaire s'en sortira, parce qu'il est le meilleur du monde, qu'il devra se réformer, mais que nous devrons exiger des autres une forme de réciprocité. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je suppose que M. Roger Deneys voulait demander le vote nominal. Est-ce que vous êtes appuyé ? Oui, largement. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la résolution 709. (Remarque) Non, stop ! Renvoi à la commission de l'économie, excusez-moi ! Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent. (Remarque. Chahut. Le président agite la cloche. Huées.)

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de résolution 709 à la commission de l'économie est adopté par 64 oui contre 12 non et 1 abstention. (Brouhaha pendant la procédure de vote. Huées à l'annonce du résultat.)

Appel nominal

Le président. Vous avez renvoyé... (Commentaires.) Madame Gautier, s'il vous plaît ! Madame Gautier, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, vous avez renvoyé cette résolution à la commission de l'économie.

M 2108
Proposition de motion de Mme et MM. Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey, Christina Meissner, Henry Rappaz pour une meilleure gouvernance des établissements publics autonomes avec des directeurs généraux autochtones

Débat

Le président. Nous passons maintenant au point 31 de notre ordre du jour. La parole est à M. le député Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, après tous ces débats passionnés...

Le président. Monsieur le député, je précise que ce sera le dernier point de l'ordre du jour, aujourd'hui. Vous pouvez continuer.

M. Patrick Lussi. Merci, Monsieur le président. Les débats ont été passionnés et peut-être qu'il va être difficile de revenir au réel objet de cette motion, qui, - si vous vous donnez la peine, je suis sûr que vous l'avez lue, mais peut-être de bien comprendre ce dont il s'agit - ne s'adresse en définitive qu'à quelques individus. J'aimerais que par ce préliminaire, on ne vienne pas nous faire des procès d'intention de généralités. Mesdames et Messieurs les députés... (Le président agite la cloche.) ...ces derniers temps et il n'y a pas que l'Union démocratique du centre qui s'en fait l'écho, il y a aussi la presse et différentes personnes qui tentent, si ce n'est de dire ou de relater des dysfonctionnements, du moins de parler de sujets qui semblent ne pas être corrects vis-à-vis de notre population. Il s'agit, en l'espèce, de la nomination de personnes à des postes de hauts directeurs de nos grandes entreprises publiques autonomes, des postes à valeur plus qu'ajoutée, sous le prétexte - et peut-être que le terme n'est pas le bon, mais du moins c'est ce dont on veut nous persuader - que les compétences ne seraient en fait présentes qu'à l'étranger.

Nous l'avons déjà dit dans d'autres objets, là où cela blesse, ce n'est pas simplement par rapport à ce que l'Union démocratique du centre a envie de vous dire. Nous pensons spécifiquement à tous nos étudiants, nous pensons à tous ceux qui étudient, à tous ceux qui sont dans un parcours affirmé, qui arrivent à la quarantaine, qui ont fréquenté des hautes écoles et auxquels on vient dire: «Ecoutez, le cursus suisse est nettement insuffisant, nous devons aller chercher des gens ailleurs.» Alors, Mesdames et Messieurs les députés, le débat va se faire, je l'espère, sereinement. J'aimerais simplement vous rappeler notre invite que nous avons en page 2. Nous disons simplement que ces directeurs doivent avoir une connaissance du tissu local, doivent avoir en tout cas un minimum de parcours genevois, raison pour laquelle - et j'insisterai sur cette invite - nous demandons qu'ils doivent être des ressortissants suisses ou étrangers disposant d'un permis d'établissement à Genève. J'aimerais que ce soit ceci que vous reteniez: notre motivation c'est de nommer des gens qui connaissent le tissu local, qui connaissent nos fonctionnements, car l'administration genevoise, excusez-moi Mesdames et Messieurs les députés, d'après ce que je sais, ce n'est pas à la Sorbonne qu'on l'apprend, mais bien quelque part dans nos environs. Raison pour laquelle nous vous demandons de faire bon accueil à cette résolution, quitte à même, si vous le désirez, la renvoyer en commission, peu importe. Mais on ne peut pas passer comme chat sur braise sur ce sujet, qui occupe actuellement bien des gens dans notre brave République.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président, la proposition de motion pour une meilleure gouvernance des établissements publics autonomes, avec des directeurs généraux autonomes, voilà une motion qui ouvre un large débat sur cette Genève, dont, depuis des années, on ne cesse par la bouche de ses responsables de nous vanter à cor et à cri la qualité de ses hautes écoles, de ses universités classées au firmament du top 10 des meilleures écoles et universités européennes. Et voilà qu'à présent nos conseillers d'Etat viennent nous faire croire, la larme à l'oeil, qu'ils n'arrivent pas à recruter un seul candidat valable dans toute la Suisse pour repourvoir les postes d'importance aux HUG, aux TPG, aux SIG et bien d'autres institutions de renom. Aujourd'hui, malgré le fort taux de chômage dans notre canton, nos responsables se plaisent à aller recruter en France voisine en prétextant que nos compatriotes ne sont pas à la hauteur pour assumer une quelconque tâche d'importance chez nous. Ce choix délibéré est une grave incorrection, car il est évident qu'une personne n'ayant pas vécu assez longtemps à Genève ne connaîtra pas suffisamment les spécificités de notre canton.

De plus, les méthodes de gestion étrangères ne peuvent pas s'appliquer simplement par le seul entêtement de notre conseillère d'Etat, chargée du recrutement de ces candidats. Est-il indispensable de souligner, une fois encore, que les travailleurs frontaliers sont déjà largement représentés dans les établissements publics autonomes du canton, ce qui ne trouve pas du tout de réciprocité de l'autre côté de la frontière ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cela dit, de qui se moque-t-on ? Sans doute un peu de tout le monde, des universitaires brillants à la recherche d'un poste dans l'administration, le préopinant vient de le dire, à commencer par des postulants capables laissés sur la touche au profit d'autres. Alors, je vous entends déjà me dire qu'il ne faut pas vivre cloisonné dans un petit confort helvétique - vos sourires le confirment - que la guerre faite à l'étranger est puérile et encore bien d'autres persiflages de la sorte pour tenter de justifier votre choix de candidat extérieur au pays. Toutefois, tout cela cache en vérité une tout autre affaire, bien plus perfide. Une affaire cogitée par quelques têtes bien pensantes de chez nous, qui cherchent depuis quelque temps à préparer la consolidation du Grand Genève. Vous savez, ce que les élus de la région avaient appelé le franco-valdo-romand qui sonnait fort mal à l'oreille des électeurs...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Henry Rappaz. Puisqu'on y mettait, en tête de cette appellation, non pas la Romandie, mais la France. Donc un tour de magie et voilà que le nom de Genève est réapparu en grand. (Protestations.) Le Grand Genève, en vérité, sera la grande Savoie dans quelques années. Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs, de réserver un bon accueil à cette motion typiquement genevoise.

M. Charles Selleger (R). Il y a à peine quelques semaines, nous discutions ici d'un projet de loi qui demandait que les membres du conseil d'administration de l'une des grandes régies autonomes puissent être exceptionnellement de nationalité étrangère. Nous discutions alors de la gouvernance stratégique, donc de l'échelon politique des établissements publics autonomes. Nous sommes aujourd'hui saisis d'une motion qui s'adresse à la direction opérationnelle. Nous avons donc changé d'échelon. Ce qui pouvait, à la limite, se concevoir pour l'échelon politique, ne peut pas être reporté tel quel à celui de la direction managériale. Cette motion traduit franchement l'ostracisme du citoyen étranger, définition même de la xénophobie, et nous venons de l'entendre des deux partis qui représentent cette tendance ici, au Grand Conseil.

Pour nous, libéraux-radicaux, nous n'entendons pas nous priver des compétences des meilleurs. C'est par-dessus tout la valeur qui doit être privilégiée dans le choix d'une personne appelée à de hautes fonctions directoriales. Peu importe l'origine nationale ou la provenance géographique. (Brouhaha.) A l'issue d'une procédure de sélection souvent longue et laborieuse, c'est la compétence qui doit être le critère principal du choix. La mise en exergue de l'Université, citée dans l'exposé des motifs, est choquante à mes yeux. L'Université, c'est justement l'exemple de l'institution qui doit bénéficier du brassage culturel, de l'apport des idées étrangères. C'est l'essence même de sa vocation. Sans cet apport, une université ne mérite même pas son nom et est, bien entendu, vouée, à court terme, à l'échec. En conclusion, les groupes radicaux et libéraux s'opposeront à cette motion et vous engagent à faire de même.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts ont une conviction profonde, c'est qu'à la tête des cinq ou six entreprises de notre canton, par rapport à 400 000 habitants, nous voulons les meilleurs. Pourquoi voulons-nous les meilleurs ? Parce qu'il y a un service à la population qui en dépend, parce qu'il y a des milliers d'emplois qui en dépendent et qu'il s'agit là de récupérer les meilleurs éléments pour pouvoir diriger ces entreprises. Quelle que soit leur nationalité, quelle que soit leur provenance, nous souhaitons simplement les personnes les plus compétentes. Nous pouvons discuter des critères qui fondent cette compétence. Nous pouvons discuter des critères de pondération, à l'intérieur de cette compétence, entre une compétence managériale pure, une compétence technique ou une compétence du réseau local, mais nous ne voulons pas discuter du fait que nous voulons les meilleurs. Trop d'emplois en dépendent, trop de personnes sont touchées par les services de ces meilleures entreprises et nous voulons le meilleur pour Genève.

C'est la conviction des Verts, c'est la conviction que nous défendons depuis toujours, que nous voulons une Genève qui soit riche et riche de son brassage. Aujourd'hui, nous pensons que Genève vit de sa diversité et que c'est sa force et ce qui fait que nous ne sommes pas comme les autres villes de même taille telles que Saint-Etienne, Clermont-Ferrand ou d'autres, pour prendre des exemples français... Nous souhaitons, nous à Genève, pouvoir continuer à avancer et, pour cela, nous souhaitons dire que les gens du monde entier sont les bienvenus ici pour diriger les entreprises privées, bien évidemment, mais les entreprises publiques aussi. C'est dans ce sens-là que nous vous invitons à aller et c'est pour cela que nous vous invitons à refuser fermement cette motion.

M. Pierre Weiss (L). Il y a dans cette motion des éléments que l'on peut dire marqués par le bon sens. Je vais les rappeler, mais ce ne sont pas les seuls. Je vais les rappeler, par exemple: «avoir vécu longtemps à Genève constitue un atout indéniable.» C'est vrai que connaître le terroir est une bonne chose, c'est vrai que, si l'on n'a pas vécu suffisamment longtemps dans un canton, on n'en connaît pas les habitants, on n'en connaît pas les relations, le réseau de relations, on ne connaît pas les partenaires sociaux suffisamment bien. Ce sont deux exemples que je prends au hasard dans la liste des considérants, mais il n'y en a pas beaucoup d'autres, qui sont marqués au coin du bon sens. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est profondément et tout d'abord anti-confédérale ! Elle est anti-confédérale, parce qu'elle revient à priver les citoyens suisses des autres cantons, ne résidant pas à Genève, de la possibilité d'être nommés à la tête de régies genevoises et, personnellement, je considère que c'est inacceptable. Il suffit de lire les invites... (Le président agite la cloche.) ...«présenter un projet de loi précisant que les directeurs généraux d'établissements publics autonomes doivent être ressortissants suisses ou étrangers disposant d'un permis d'établissement à Genève.» C'est «à Genève». Or, en ce qui me concerne, je considère qu'un ressortissant vaudois est à même de diriger les SIG - vaudois ou d'un autre canton, neuchâtelois ou bernois. (Brouhaha.) Je crois par exemple que M. Hurter... (Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît, écoutez l'orateur.

M. Pierre Weiss. Je crois que M. Hurter n'était pas résidant à Genève avant d'avoir été nommé à la tête des SIG. Je ne crois pas davantage que M. Bonzon était résidant à Genève. Il travaillait aux CFF et il est venu à Genève, appelé à la direction des TPG. Une motion qui est anti-confédérale me semble une motion vile, parce que nous faisons partie d'un Etat, d'une Confédération où nous sommes tous égaux en droits. C'est la première raison de fond pour laquelle cette motion doit évidemment être rejetée. Il en est une deuxième...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Il en est une deuxième, et là M. Bavarel a d'abondance expliqué les raisons qui font que nous nous opposons à la stigmatisation des étrangers et des frontaliers. Je vous remercie. Il peut y avoir des éléments utiles, mais il n'est pas suffisant, ni nécessaire de résider à Genève pour diriger, pour le bien des Genevois, les entreprises publiques autonomes !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au nom du parti démocrate-chrétien, je vais répondre fort courtoisement à cette motion, présentée très courtoisement par M. Lussi. Il n'empêche que très courtoisement et à l'insu de son plein gré, il s'est retrouvé face à une motion qui peut être tout à fait xénophobe, et c'est dommage. C'est dommage, parce que je ne prétends pas que M. Lussi l'est. Mais là, il y a quelque chose de l'ordre du totalement irréaliste, parce que, effectivement, «une personne n'ayant pas vécu suffisamment à Genève ne connaît pas les spécificités de notre canton»: un Genevois né à Genève, mais qui n'a pas forcément fait ses études ici, ne pourrait pas remplir ce qui est demandé dans ce premier considérant, alors qu'un étranger né à Genève, ayant fait ses études à Genève, maîtriserait parfaitement les spécificités de notre canton. «Le fait de disposer de multiples diplômes et d'expériences à l'étranger ne remplace pas une connaissance des particularités genevoises»: évidemment, mais alors quel désavantage supplémentaire que d'avoir des diplômes à l'étranger ! Je ne vois pas pourquoi on oppose l'un à l'autre. «Qu'avoir vécu suffisamment longtemps à Genève constitue un atout indéniable»: c'est une magnifique lapalissade ! «Qu'une personne vivant à Genève est plus à même de discuter avec les différents partenaires et est plus ouverte au dialogue social», bien évidemment, cela n'oblige pas d'avoir un passeport à croix rouge et même d'avoir (Commentaires.)...

Une voix. A croix blanche !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. ...à croix blanche, pardon, la croix rouge dans ce cas-là, c'est le service après-vente. A croix blanche. (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, écoutez l'oratrice !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Mais on peut habiter en France et avoir une parfaite connaissance des partenaires résidant dans le dialogue social à Genève. Que «les méthodes de management étrangères ne peuvent pas s'appliquer à Genève»: mais c'est faux ! Parce qu'elles peuvent être encore un plus avec nos méthodes tellement exceptionnelles que la Terre entière nous les envie. Que «les travailleurs frontaliers sont déjà largement représentés dans les établissements publics autonomes»: oui, mais peut-être pas suffisamment au niveau des têtes dirigeantes, même lorsqu'ils les connaissent parfaitement bien. C'est dommage ! Que «l'engagement d'un directeur général frontalier étranger enverrait un signal négatif à la population résidant à Genève»: je pense...

Le président. Mesdames et Messieurs les députés - vous permettez Mme la députée ?

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Je vous en prie, Monsieur le président.

Le président. Nous arrivons au terme de notre session. Un peu de patience, écoutez l'oratrice. Continuez, Madame.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Merci, Monsieur le président. Donc je répète, parce que c'est très intéressant, Monsieur le président, «que l'engagement d'un directeur général frontalier étranger enverrait un signal négatif à la population résidant à Genève»: eh bien, au parti démocrate-chrétien, nous pensons qu'au contraire c'est un signal extraordinaire pour encourager ceux qui, n'étant pas forcément résidants et pas forcément suisses, mais qui connaissent parfaitement les rouages de nos universités, de notre management et qui en ont fait les preuves ont donc toutes leurs chances. C'est magnifique pour l'avenir de Genève ! Et que l'on peut trouver sur le marché de l'emploi genevois suffisamment de profils intéressants, bien évidemment, mais il y a surtout de la place pour tout le monde ! Lorsque les gens sont compétents, courageux, connaissent parfaitement bien le tissu genevois, qu'ils soient genevois, qu'ils soient vaudois, qu'ils soient français ou qu'ils soient javanais, du moment qu'ils adhèrent à nos valeurs, à nos convictions et qu'ils maîtrisent exactement nos institutions.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Mais c'est un grand plaisir, Monsieur le président. C'est pour cela, vous aurez bien compris, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne pouvons pas soutenir une motion pareille. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, évidemment, à ce stade, beaucoup de choses ont été dites. On va essayer de terminer dans le calme. On l'a dit, M. Charles Selleger l'a dit tout à l'heure, qu'on avait eu l'occasion de traiter partiellement ce sujet, lors de la dernière session, à propos du conseil d'administration des TPG. Là où nous divergeons peut-être avec le PLR, c'est que la direction générale d'une entreprise agit bien par délégation de compétences du conseil d'administration et que la question est donc la même. Alors, reprenons et nous assumerons la continuité de notre position de la dernière fois: ce qui nous importe, comme beaucoup d'autres dans cette assemblée, c'est la compétence. Bien sûr, si cette compétence peut être locale, alors c'est formidable. Mais les grandes entreprises sont complexes et le bassin de recrutement genevois est petit et, parfois, on doit aller regarder plus loin que nos frontières cantonales, dans notre région, qu'elle soit suisse ou frontalière et peut-être parfois même au-delà.

Rappelons aussi que l'une des richesses de Genève, mais aussi l'une des richesses de la Suisse, c'est précisément d'avoir fait de sa taille, petite, un atout de gestion, mais d'avoir toujours su être une terre d'accueil et aussi s'assurer la venue des meilleurs cerveaux, des meilleures compétences, d'avoir été une terre attractive, pour le développement de notre économie et de nos entreprises. Enfin, rappelons qu'un très bon manager, c'est quelqu'un qui a évidemment une vision, qui sait décider, mais c'est aussi quelqu'un qui sait s'appuyer sur ses collaborateurs, qui vont le «briefer» ou le former rapidement aux réalités locales et qui sait, à partir des éléments qu'il aura puisés dans son environnement, construire une vision. Donc il nous importe plus d'avoir des gens capables de se forger une vision, de construire une stratégie, de travailler avec leurs collaborateurs et avec leur environnement, plutôt que la connaissance précise du tissu local, au détriment d'autres compétences. Nous vous demandons donc de rejeter cette motion.

M. Patrick Lussi (UDC). Peut-être à ceux qui ont encore le courage d'écouter les fables qu'on vous raconte ce soir, vous aurez compris que l'on est dans une tragédie de Corneille: «Aux gens bien nés, la valeur n'attend pas le nombre des années». Autrement dit, tous ceux qui sont chez nous, qui y travaillent et qui y restent: «Vous êtes des ânes !» La conclusion de ces députés ce soir est de dire «sous-estimation totale de tous les gens qui travaillent et qui sont formés chez nous». Nous en prenons acte. Le débat devait avoir lieu. Les gens qui vous ont écoutés auront compris, Mesdames et Messieurs les députés. Quant à nous, quand j'entends mon préopinant, M. Weiss, vanter les qualités des confédérés c'est vraiment comme quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.

J'aimerais simplement entendre, au niveau des derniers engagements locaux sur Genève, en rapport avec nos établissements publics autonomes - qui, je le rappelle en passant, sont quand même des propriétés des citoyens et non pas des entreprises privées émergeant de capitaux provenant d'on ne sait où - combien de confédérés y a-t-il eu, Monsieur Weiss ? Il me semble, pas beaucoup, ou du moins la presse en aurait parlé, puisque, actuellement, c'est un sujet d'actualité. Mesdames et Messieurs les députés, l'intérêt c'était d'en parler. Soyez-en persuadés, l'Union démocratique du centre, ce soir certainement aura perdu, vu que vous faites une belle unanimité et que vous préférez entrer dans des propos xénophobes que d'entrer dans le pragmatisme. (Protestations.) Les gens jugeront. Mesdames et Messieurs les députés... (Le président agite la cloche.) ...en ce qui nous concerne, nous maintenons que cette motion a toute sa valeur et nous vous demandons de l'accepter.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Marc Falquet, à qui il reste 1 minute 25.

M. Marc Falquet (UDC). Je vais faire court. Je crois que c'est assez hallucinant d'entendre que personne ne sait défendre les intérêts de Genève ! Je veux dire, j'ai été élu par des citoyens genevois, je suis là pour défendre les citoyens genevois ! Je ne suis pas là pour défendre les Français, je ne suis pas là pour défendre les étrangers ou quoi que ce soit. Je suis là pour défendre les gens qui nous ont élus ! En tout cas, à l'UDC, on défend les gens qui nous élisent. Ce sont des citoyens genevois. Il y a assez de gens compétents à Genève. Les gens qui viennent d'ailleurs souvent font plus de bêtises que les Genevois. Voilà, c'est tout ce que je voulais dire.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Oui, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, merci de laisser ces mots conclusifs au Conseil d'Etat.

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît !

M. François Longchamp. Il ne vous étonnera pas que le Conseil d'Etat vous invitera à rejeter cette motion, pour une raison qui est double. La première est de rappeler que c'est le Conseil d'Etat - cela est parfois oublié - qui nomme tous les directeurs généraux des établissements publics autonomes et qu'il serait bien emprunté de le faire avec l'application de ces différents principes. J'aimerais vous rappeler ici que le directeur général de l'Aéroport International de Genève est un homme extrêmement bien inséré dans le tissu local, mais il habite à trois kilomètres de la frontière genevoise, en territoire vaudois; que le directeur de l'Hospice général habite sur le territoire vaudois; que le directeur des SIG habite dans le canton de Vaud; qu'il en est de même pour le directeur général des TPG; quant au directeur général de l'hôpital, qui est le seul de tous à habiter sur le territoire de notre canton, je ne vous révèlerai pas un secret - il est certes ancien, j'ai procédé dans d'autres fonctions à l'élaboration de sa nomination à la tête des hôpitaux. Lorsqu'il a été nommé à la tête des Hôpitaux universitaires de Genève, M. Gruson n'était pas naturalisé, il était belge.

Aucun des cinq directeurs généraux des cinq établissements publics qui gèrent des politiques essentielles dans notre canton, en matière d'énergie, en matière hospitalière, en matière aéroportuaire, en matière de transports ou en matière sociale, ne répond aujourd'hui aux critères de cette motion. Le Conseil d'Etat considère que ce sont des gens compétents qui mènent avec talent ces institutions. Il ne souhaite pas s'en séparer. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur cette motion 2108.

Mise aux voix, la proposition de motion 2108 est rejetée par 60 non contre 22 oui et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de clore cette session, j'aimerais vous féliciter et vous remercier pour votre bon travail, même si, sur la fin, cela était un peu dissipé. Je vous souhaite un bon week-end. Je clos la séance.

La séance est levée à 22h55.