République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Isabel Rochat et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Charles Beer, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Bertschy, Loly Bolay, Roberto Broggini, René Desbaillets, Emilie Flamand, Dominique Rolle et Hugo Zbinden, députés.

Annonces et dépôts

Le président. La parole est à la députée Mme Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Je souhaitais annoncer le retrait de la proposition de motion 1955 «Préservons la biodiversité de notre espace urbain !», dans la mesure où ce qu'elle contenait a été intégré dans la loi sur la biodiversité.

Le président. Merci Mme la députée. Il en est pris acte.

PL 10907-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Plafonnement de la déduction des primes d'assurances maladie et accidents)
Rapport de majorité de M. Guillaume Barazzone (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au point 76, PL 10907-A. Ce débat est classé en catégorie II: cinquante minutes, cinq minutes par groupe et par rapporteur. Je donne la parole au rapporteur de majorité.

M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. Nous voici à nouveau dans cette salle pour discuter d'un des projets de lois faisant partie du train de mesures du Conseil d'Etat pour générer un certain nombre de recettes fiscales. Celui-ci a pour but de générer 11 millions de recettes fiscales supplémentaires et de supprimer la déduction actuellement prévue dans la LIPP, acceptée par le peuple il y a trois ans, en matière d'assurance-maladie. Pour rappel, la loi actuelle prévoit que l'on puisse déduire le double de la prime moyenne cantonale et à partir de 0.5% pour les frais médicaux. Le projet de loi dont il est question propose de réduire cette déduction à la prime moyenne cantonale et non plus au double de la prime moyenne cantonale.

La majorité vous recommande de refuser ce projet de loi, et j'aimerais aussi rappeler que le même débat avait eu lieu lors de l'adoption en commission puis au parlement de la LIPP, qui a ensuite été acceptée par le peuple. Nous avons donc refait brièvement ce débat en commission.

Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous recommande de refuser le projet de loi pour les raisons suivantes: selon la majorité de la commission, le projet de loi porte clairement atteinte aux intérêts de la classe moyenne et des familles, car ce sont généralement elles qui s'acquittent du montant des primes, alors que certains membres de la population bénéficient de subsides partiels ou entiers de la part de l'Etat pour payer leurs primes. C'est dans le souci de ne pas faire perdre du pouvoir d'achat à cette classe moyenne et aux familles que la majorité a décidé de refuser ce projet de loi. La majorité a également été soucieuse de ne pas bafouer la volonté du peuple, qui s'est exprimé il y a trois ans et a décidé d'accepter cette déduction du double de la prime moyenne cantonale.

Quand bien même l'argument du Conseil d'Etat avait une certaine logique et une certaine cohérence en matière de santé publique, la commission n'a pas été convaincue que la question de la déduction fiscale ait un véritable impact sur le choix du montant de la franchise - et donc de la prime - de l'assurance de base. Contrairement à ce que soutient le Conseil d'Etat, d'autres facteurs ou critères, selon la majorité, motivent en général les assurés à choisir une franchise élevée ou basse. Je pense notamment à l'état de santé, à l'aptitude au risque, au risque d'encourir un certain nombre de frais médicaux durant l'année, etc.

Quand bien même la majorité a reconnu que cet argument avait une logique en tant que tel, la commission a fait une pesée des intérêts en faveur de la classe moyenne et du pouvoir d'achat de celle-ci contre l'argument du Conseil d'Etat. La majorité a également relevé que l'effet incitatif négatif du système que décriait le Conseil d'Etat était moindre que ce que le gouvernement indiquait, dans la mesure où un très grand nombre de personnes bénéficient de primes intégralement payées par le service des prestations complémentaires. D'autres - ils sont plus de 16 000 dans ce canton - bénéficient de subsides partiels de la part de l'Etat en matière d'assurance-maladie. La majorité n'a pas été convaincue par l'argument du Conseil d'Etat affirmant que le fait de prévoir des déductions trop élevées a un impact décisif sur le choix des assurés. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la première minorité, le parti socialiste, est convaincue que, pour une justice fiscale, ce projet de loi est indispensable. Nous l'avions déjà relevé lors des travaux sur la LIPP - loi sur l'imposition des personnes physiques - en 2008; nous revenons sur ce principe de ne pouvoir déduire que la prime moyenne cantonale, dont l'argumentation est également appuyée par les autorités. Ce projet de loi, s'il venait à être accepté, rapporterait environ 11 millions aux finances cantonales. Pour quelles raisons accepter ce projet de loi ? Un quart de la population genevoise a besoin de subsides, totaux ou partiels, pour pouvoir payer ses primes d'assurances-maladie. Une grande partie de ce que vous appelez la classe moyenne, Monsieur Barazzone, ne peut plus s'accorder d'autres cotisations que la moyenne cantonale, afin de simplement pouvoir boucler ses fins de mois.

La droite a décidé de défiscaliser, d'encourager le choix de primes élevées et d'assurances complémentaires. Conserver l'article 32 de la LIPP est contraire à une égalité de traitement face à l'impôt, principe fondateur de nos valeurs constitutionnelles fédérales. Avec cette loi, le droit encourage les personnes qui en ont les moyens de contracter des assurances onéreuses et des complémentaires proposant un service hôtelier haut de gamme lors des hospitalisations. Plus ces cotisations sont hautes, plus le contribuable pourra les déduire fiscalement. Pratiquement, avec la LIPP actuelle, chaque personne peut déduire jusqu'à 926 F de primes mensuelles. Mais, Monsieur Barazzone, combien de personnes peuvent se payer le luxe d'investir des sommes pareilles et obtenir une déduction maximale ? Sur un petit revenu, une cotisation Lamal dans la moyenne cantonale ne changera rien au niveau fiscal. Par contre, un contribuable plus aisé serait tenté de s'assurer sur un montant maximum, obtenant ainsi une déduction maximale. Ce montant important aura un impact non sur les tranches basses ou moyennes de l'assiette fiscale, mais bien sur une tranche haute, ce qui permettrait de modifier un palier fiscal. De ce fait, les déductions s'accumulant dans la LIPP, celle dont il est question aujourd'hui comprise, péjorent les finances publiques. La règle de financement des hôpitaux ayant changé, le canton est obligé de subventionner des prestations dans des cliniques privées, ce qui produit actuellement un boom dans ces cliniques, qui ne cessent de vouloir attirer des clients. Nous nous trouvons dans un jeu dangereux de libre concurrence, dans lequel la droite biaise encore le jeu en injectant des subventions indirectes à ces soins privés, via des déductions fiscales surfaites. Votre position va donc au-delà de la fiscalité. C'est le démantèlement du système de soins pour toutes et tous qui se mène actuellement, dans le refus de ce projet de loi. Les socialistes veulent non seulement abolir une inégalité de traitement fiscal, mais également préserver une santé accessible à toutes et tous. Pour cette raison, nous vous recommandons d'accepter ce projet de loi.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Pour les Verts, ce projet de loi est très intéressant à plus d'un titre. Avant tout financièrement, il ne faut pas le cacher, puisqu'il permettrait d'augmenter les recettes de 11 millions par année. Ensuite, ce projet de loi répond également à une préoccupation de maîtrise des coûts de la santé, sur laquelle je reviendrai plus tard. Enfin, il mettrait fin à un particularisme genevois.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est que Genève fait figure d'exception. Nous sommes en effet le seul canton de Suisse autorisant le contribuable à déduire l'entier des primes de l'assurance de base, mais surtout, les primes des assurances complémentaires. Les autres cantons suisses n'acceptent même pas que les primes liées à l'assurance de base soient entièrement déductibles. Or, cette déductibilité des primes a des effets contre-productifs, voire négatifs.

Tout d'abord, cette déductibilité fausse le choix de l'assuré, le détournant des assureurs les moins chers. Ce système peut donc être considéré comme un frein au développement d'une plus grande concurrence entre les caisses et donc ne pas favoriser les baisses des primes d'assurances-maladie.

Ensuite, cette déductibilité décourage aussi les contribuables à opter pour une assurance avec une franchise. Or, les études le démontrent, les personnes n'ayant pas de franchise consomment davantage de soins médicaux que les autres et participent ainsi davantage à l'augmentation des coûts de la santé en Suisse. Il est donc nécessaire aujourd'hui de revenir sur ce système de déductibilité et d'opter pour un dispositif encourageant véritablement les assurés à choisir l'assurance la moins chère et à opter pour des franchises élevées lorsque leurs finances et leur état de santé le permettent.

Pour conclure, je voudrais souligner que la déductibilité des primes de l'assurance-maladie à hauteur de la moyenne cantonale - ce qui nous est proposé dans ce projet de loi - positionnerait toujours Genève parmi les cantons les plus généreux de Suisse. Pour toutes ces raisons, les Verts vous appellent à accepter ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 10907 prévoit un plafonnement de la déduction des primes d'assurance-maladie et accident. Le plafonnement de la déduction fiscale serait à hauteur du montant de la prime moyenne cantonale, soit 463 F. Ce projet de loi porte atteinte aux classes moyennes, qui continueraient d'être exposées à des primes d'assurance-maladie Lamal élevées, mais perdraient du pouvoir d'achat, si le montant des déductions devait être diminué. Cela, l'UDC ne peut l'accepter. Les primes d'assurances-maladie Lamal sont obligatoires et pénalisent en particulier les familles. Cette déduction faisait partie du paquet fiscal voté par le peuple trois ans auparavant, dans le cadre du vote sur la LIPP. Une fois de plus, la volonté populaire est bafouée, et l'UDC le dénonce avec fermeté. L'UDC dit non à ce projet de loi, qui, s'il est accepté, pénalisera tous les contribuables, mais spécialement les classes moyennes et les familles. Il convient par conséquent de dire non à ce marché de dupes.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, encore un projet de loi «comment plumer la classe moyenne ?»! Nous en avons une démonstration avec ce texte parlementaire, émanant du Conseil d'Etat. Nous avons les primes les plus chères de la Confédération et l'on veut une fois de plus faire payer le Genevois, en proposant une prime moyenne pour plafonner sa déduction fiscale. Non ! Cela ne va pas. Aujourd'hui une bonne partie de nos concitoyens de la classe moyenne ont encore des assurances complémentaires, souvent une complémentaire en semi-privé, la seule qu'ils peuvent encore se payer. Malheureusement on veut leur supprimer cette possibilité de pouvoir déduire l'entier de ces primes complémentaires. On ne parle même pas de la Lamal. Proposer une prime moyenne pour la déduction impliquerait pour ces citoyens une course à modifier les assurances en fin d'année. Il s'agit de tracasseries supplémentaires et de formalités compliquées. Cela n'est pas correct vis-à-vis de nos citoyens, nous ne sommes pas du tout enclins à accepter l'incapacité des autorités de la Confédération et, bien sûr, du canton à ne pouvoir lutter contre la hausse des primes d'assurance. C'est pourquoi notre groupe dira non à ce projet de loi.

M. Vincent Maitre (PDC). D'emblée, je tiens à préciser le débat, car j'ai souvent entendu les deux rapporteurs de minorité parler de primes d'assurances complémentaires. Pardonnez-moi, mais si l'on s'en tient strictement au projet de loi, nous parlons bien de l'assurance de base. L'assurance complémentaire n'a rien à voir là-dedans. Deuxièmement, vous parlez et vous criez à cor et à cri que vous voulez plus de justice fiscale. Très bien. Pensez-vous qu'il est normal qu'à Genève nous payions plus que nulle part ailleurs dans le monde, probablement, nos primes maladie ? Trouvez-vous également juste que les Genevois aient payé, du point de vue des réserves, en raison de la fédéralisation des primes, beaucoup plus que n'importe quel autre citoyen de ce pays vivant dans un autre canton ?

Enfin, cela a été dit, ce projet de loi grève sensiblement le pouvoir d'achat des familles, le PDC ne peut évidemment pas y être insensible. Quand on sait pertinemment que le paiement des primes d'assurance-maladie par les ménages est un des postes les plus lourds du budget mensuel, nous ne pouvons décemment pas accepter ce genre de projet de loi. L'égalité devant l'impôt, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes en particulier, est belle, vous la revendiquez à chaque fois, mais puisque vous revendiquez ce principe, pourquoi ne déposez-vous tout simplement pas un projet de loi qui vise à imposer une prime d'assurance-maladie en fonction du revenu du contribuable ? A ce moment-là vos voeux seront exaucés, vous ferez payer des dizaines de milliers de francs aux riches par mois et très peu aux classes les plus pauvres. Vous savez très bien que cela est absolument incompatible avec nos principes, et notamment le fameux principe de solidarité, qui devrait pourtant vous parler. Je vous encourage, pour les raisons qui ont été évoquées, en particulier par le rapporteur de majorité, à refuser ce projet de loi.

M. Christophe Aumeunier (L). En ce qui concerne les libéraux, nous refuserons effectivement ce projet de loi et son entrée en matière, parce qu'au fond, comme cela a été dit, il consiste de nouveau à taper sur la classe moyenne. On nous parle ici de générosité quant aux déductions, mais, Madame la rapporteure de minorité, où est la générosité dans ce canton, s'agissant de la progression de la courbe fiscale, s'agissant de la hauteur des primes maladie, qui sont les plus chères de Suisse, et s'agissant de la prise en charge par l'Etat, pour un grand nombre de Genevois, des primes d'assurance-maladie ? Oui, effectivement, il y a la nécessité de pouvoir déduire une partie de ses primes maladie, nécessité éminente pour notre classe moyenne, qui, nous le savons, est celle qui est la plus comprimée dans ce canton, celle qui supporte les charges les plus élevées et qui, à la fin du mois, se retrouve avec le revenu disponible moindre. En outre, les libéraux sont également sensibles à la liberté de pouvoir s'assurer avec une complémentaire. Pour toutes ces raisons, nous refusons l'entrée en matière dans ce projet de loi.

M. Pierre Conne (R). Chers collègues, la chancellerie a publié l'année dernière, sous un format de passeport suisse, des chiffres très intéressants: «Genève autrement». Quand vous ouvrez ce livret, sur la première page, la première information quelle est-elle ? Le revenu disponible des Genevois, après payement des impôts et du loyer, est le plus bas de Suisse. Si nous considérons d'abord la partie fiscale, on s'aperçoit que, dans le cadre de la péréquation financière suisse et de l'impôt fédéral direct, les Genevois paient pour les autres cantons. S'agissant des primes d'assurance-maladie, nous savons, et notre parlement et le Conseil d'Etat s'en occupent depuis la législature précédente, que les Genevois paient les réserves pour les résidents d'autres cantons. Cela est le cadre.

Revenons donc à ce projet de loi. Que propose-t-il ? Il propose d'augmenter encore davantage la charge des citoyens genevois en matière d'assurance-maladie. Car, à l'heure actuelle, chaque résident peut déduire, comme cela a déjà été indiqué, le double de la moyenne de la prime d'assurance de base genevoise. Le projet de loi propose de réduire cela de moitié, c'est-à-dire à la moyenne de la prime d'assurance de base. Il est absolument exclu que le groupe libéral et le PLR acceptent ce projet de loi.

J'aimerais faire une petite remarque s'agissant des primes d'assurance complémentaire privée et préciser que la loi actuelle prévoit que, jusqu'à concurrence du double de la moyenne de l'assurance de base, il est possible de déduire le paiement de la prime d'assurance de base et les primes d'assurances complémentaires. Mais est-ce vraiment encourager ceux qui le peuvent, en raison d'un revenu suffisant, à conclure des contrats d'assurance privée ? Quand on observe la réalité, les choses sont tout autres. Pourquoi ? Parce que les personnes qui sont quinqua-, sexa-, septuagénaires et plus, sont des personnes qui sont liées à leur contrat d'assurance complémentaire privée, sachant que s'ils la quittent éventuellement pour s'adresser à une compagnie qui offrirait des primes plus intéressantes, ils n'arriveront simplement pas à conclure un nouveau contrat. Ces personnes, qui ne sont pas forcément des personnes à haut revenu, peuvent certes changer leur assurance de base, mais pas leur assurance complémentaire. Je pense que, pour cette raison, il est important d'être attentif, évidemment au revenu disponible de la classe moyenne, mais particulièrement au revenu des plus âgés, qui tiennent à l'assurance complémentaire privée, qui se sacrifient pour cela et qui ne peuvent pas s'en passer à l'heure actuelle. Donc s'il vous plaît, soyons raisonnables. Pensons à l'ensemble de la population et particulièrement aux revenus qui ne sont pas forcément les plus aisés, surtout pour les personnes d'un âge avancé, et n'acceptons pas ce projet de loi dans la situation actuelle.

M. Bertrand Buchs (PDC). Il est vrai que chaque fois que l'on parle d'une augmentation des impôts, le réflexe est de dire «on n'en veut pas». Mais ce projet de loi est vraiment malvenu, parce qu'il touche quelque chose de vraiment important pour la totalité de la population: les primes d'assurance-maladie. Pourquoi ? Parce que l'idée qui a été émise par les rapporteurs de minorité, disant que les riches payeront de hautes primes d'assurance-maladie et que les gens moins aisés payeront des basses primes, est complètement fausse ! C'est le contraire. Les gens aisés font extrêmement attention aux primes d'assurance-maladie qu'ils payent, ils vont comparer les différentes assurances-maladie et vont discuter de leur prime, alors que les personnes âgées ou les personnes à faible revenu ne feront, elles, pas attention à leurs primes et tiendront compte de leur assurance.

Les gens sont extrêmement liés à leur assurance-maladie et désirent même ne jamais en changer. Je me bats chaque année pour demander aux personnes de changer de caisse maladie, mais elles ne le font pas. Lorsque l'Etat demande à des personnes percevant un subside d'assurance-maladie de changer de caisse maladie, afin d'obtenir une prime plus basse et devoir rembourser moins de prime, les personnes ne changent pas d'assurance. Je m'excuse, mais ce projet de loi ne touche pas les gens aisés, il touche les gens peu aisés et la classe moyenne ! Celle qui paie le plus. L'argument définitif est de dire: les Genevois, qui ont payé trop de réserves, ne verront probablement jamais cet argent revenir à eux. Ce n'est pas le moment de péjorer leur revenu.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, et je ne vais pas répéter ce que vous avez déjà entendu. Je voulais simplement faire une remarque dans ce débat qui me paraît surréaliste, dans lequel la gauche semble avoir pris la place de la droite en demandant que l'on diminue les déductions fiscales qui profitent à la classe moyenne et à la classe moyenne inférieure, non pas aux plus démunis qui, eux, voient leurs primes intégralement payées par l'Etat, alors que, d'un autre côté, nous avons une droite qui soutient le maintien de ces déductions fiscales.

Deux remarques: on nous dit qu'il faut inciter les gens à changer de caisse et que le moyen de les inciter est précisément de les amener à concevoir que seule une partie des primes qu'ils paient sera déduite - l'équivalent de la prime moyenne cantonale. Il faut donc qu'ils s'approchent de cette prime moyenne cantonale pour pouvoir obtenir une déduction totale. C'est, de cette manière, inciter ce tourisme annuel que l'on connaît et qui ne sert manifestement à rien, si ce n'est à faire tourner les poissons dans le même bocal, poissons que nous sommes tous, ayant l'illusion d'être dans la mer, alors que finalement ce sont les assureurs qui nous font passer d'un coin à l'autre de l'aquarium. Ce tourisme annuel de changement de caisse pour s'affilier à la meilleur marché ne sert à rien, puisque vous connaissez les effets pervers du système: la caisse qui attire le maximum d'assurés voit automatiquement ses primes augmenter l'année suivante, par le simple effet des vases communicants. On ne peut pas différencier les primes pour les anciens et les nouveaux assurés.

Deuxièmement, on pénalisera ceux qui ont des assurances complémentaires et qui sont de moins en moins nombreux, puisque ces personnes qui avaient pris, des décennies auparavant, des assurances complémentaires en perspective des besoins qu'elles auraient plus tard dans la vie, sont à présent contraintes d'y renoncer, car elles ne peuvent tout simplement plus y faire face. Ces personnes, vous les pénaliserez alors même que, par leurs assurances complémentaires, elles soulagent les coûts supportés par la collectivité dans le cadre de l'assurance-maladie. Il est important de le savoir. Malgré toutes les velléités de nos assureurs qui visent à réduire, année après année, leurs prestations au titre de l'assurance complémentaire - et nous en avons la preuve, en tout cas depuis le début de l'année, puisqu'elles essaient de se rattacher aux prestations de l'assurance de base pour pouvoir payer de moins en moins - il n'en demeure pas moins que le fait d'avoir une assurance complémentaire et de permettre l'intervention de celle-ci soulage le coût de la collectivité concernant les coûts de la santé. Il faut donc permettre ces déductions fiscales et s'y opposer, comme le fait la gauche, me paraît totalement absurde.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons d'un côté une politique affirmée de vouloir réduire les coûts de la santé et, de l'autre, la possibilité à Genève, non pas de déduire la prime moyenne cantonale de sa déclaration d'impôts, mais le double. Cela est absurde, cela n'a pas de sens et, pour réagir à l'intervention de M. Poggia, personne n'est obligé de souscrire à une assurance complémentaire. Lorsqu'on est dans une situation de revenu limité, eh bien on limite ses coûts de la santé, parce qu'il s'agit, en moyenne, de la deuxième dépense la plus lourde sur un budget mensuel. Cela se passe ainsi. Dans la situation actuelle, l'Etat de Genève promeut la consommation de l'assurance complémentaire: cela n'a pas de sens. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à accepter ce projet de loi.

M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, je constate, comme hier, la similitude entre le gouvernement français et la manière dont notre gouvernement appréhende ce problème. La seule différence est que j'ai revu mes calculs, puisque le conseiller d'Etat M. Hiler m'a fait remarquer qu'ils n'étaient pas exacts. Une fois mes calculs revus, j'avoue qu'ils sont pires ! Puisque la dette de la France est de 1717 milliards pour 65,7 millions d'habitants, chiffres au 30 juin de cette année, nous arrivons donc à une dette moyenne en France de 26 000 F par personne. Le même calcul donne 32 500 F pour Genève. C'est dire le grand problème que nous avons à Genève, c'est-à-dire non seulement la dette, mais également les décisions que nous continuons à prendre pour faire augmenter cette dette pour les générations à venir. La démarche, comme je vous le disais, est similaire. On cherche partout des moyens de trouver quelque argent pour compenser des pertes fiscales et arriver à équilibrer le budget. Le budget que l'on nous a annoncé sera déficitaire, si j'ai bien entendu hier soir, de l'ordre de 700 millions. Les 11 millions que nous demande ce projet de loi vont à nouveau être cherchés sur le dos des contribuables en créant pratiquement un nouvel impôt, puisqu'il s'agit d'une augmentation d'impôts. Cela n'est pas acceptable. Si l'Etat veut réellement retrouver les chiffres noirs, il doit avant tout revoir les structures de l'Etat, revoir ses charges, plutôt que d'aller chercher, au contraire, de l'argent à l'extérieur pour gonfler les recettes et essayer ainsi d'équilibrer ses comptes.

M. Stéphane Florey (UDC). Vous transmettrez, particulièrement au parti socialiste, qu'il doit arrêter de taper sur la classe moyenne quand cela l'arrange. J'aimerais lui rappeler que l'UDC avait déposé un projet de loi qui aurait permis une économie au Conseil d'Etat tout en évitant de taper justement sur la classe moyenne. Il s'agissait du projet de loi qui proposait de ne subventionner que le montant de la prime minimum, par exemple pour les personnes étant à l'OCPA et toutes les couches défavorisées. Ce projet de loi, vous l'avez refusé, Mesdames et Messieurs les socialistes. Alors arrêtez de nous taper dessus et revenez un peu à la réalité !

M. Pierre Conne (R). Chers collègues, je souhaite préciser un argument que j'ai entendu tout à l'heure dans la bouche d'une de mes préopinantes. Ce projet de loi n'aura strictement aucun effet sur les coûts de la santé. Il s'agit là d'une question purement fiscale. Les coûts de la santé sont liés directement à la quantité des services médicaux et au prix des services médicaux. Dans ce projet de loi, il est question du montant que l'on va déduire de son revenu par rapport aux primes que l'on a payées. La question de la hauteur de la prime, elle, est liée évidemment aux coûts de la santé. Mais la part que nous allons déduire n'est pas du tout liée au coût des soins. Il s'agit de préciser dans quel débat nous nous trouvons. Nous ne sommes pas dans un débat sur les coûts de la santé, nous sommes dans un débat fiscal. Il s'agit de savoir quelle part il sera possible de déduire de son revenu.

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais enfoncer le clou après ce qu'a dit M. Conne. Je crois qu'il faut cesser de mélanger les coûts de la santé et les coûts des primes d'assurance-maladie. M. le conseiller d'Etat, M. Unger, depuis des années, nous répète qu'il n'existe aucune relation entre les primes d'assurance-maladie payées par le canton de Genève et les coûts de la santé. Le canton de Genève a consenti un énorme effort pour limiter les coûts de la santé, a réussi à les limiter avant que l'augmentation des cabinets médicaux n'explose. Or, vous n'avez pas constaté une diminution de votre prime d'assurance-maladie. Ne mélangez pas, vous ne pourrez pas faire baisser les coûts de la médecine en baissant les primes d'assurance-maladie. Cela n'a strictement rien à voir. Les coûts de la santé n'ont rien à voir avec ce que les gens paient, car d'autres composantes entrent en jeu. Si l'on veut diminuer les coûts de la santé, il faut prendre des décisions autres, qui ne concernent pas les primes d'assurance-maladie.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement m'étonner des interventions de MM. Conne et Buchs, parce qu'ils sont tous deux des professionnels de la santé, ils sont tous deux médecins et je trouve que leurs interventions, dans le cadre de ce débat, sont particulièrement inappropriées. Il s'agit d'un cas classique d'article 24, parce que les intérêts des médecins sont évidemment d'avoir le maximum de frais pris en charge par la collectivité publique. En l'occurrence, permettre une déduction de la prime moyenne revient bien entendu à favoriser la classe moyenne. Aller au-delà revient à favoriser les hauts revenus et les privilégiés et, donc, lorsqu'il s'agit de faire des efforts, il s'agit de ne pas d'octroyer des cadeaux aux plus riches d'entre nous.

M. Pierre Conne (R). Je souhaite répondre à la mise en cause dont j'ai fait l'objet et préciser que je suis fonctionnaire, qu'à ce titre j'ai voté d'ailleurs hier la loi sur la fusion des caisses de pensions et que, dans le cadre de mes activités hospitalières, je suis salarié et je n'ai aucun revenu supplémentaire lié à une activité privée. Pour ma part, je n'ai jamais rien facturé à l'assurance-maladie. Je pense donc être parfaitement à l'aise et sans aucune position de conflit d'intérêt sur ce débat. En plus de cela, je suis commissaire à la commission fiscale et il me semble que, dans ce cadre-là, les remarques qui m'ont été adressées sont complètement déplacées. Merci. (Applaudissements.)

M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir sur l'argument principal qui a été évoqué par les rapporteurs de minorité et qui sera certainement évoqué par M. Unger au nom du Conseil d'Etat, il s'agit de l'argument de la cohérence, qui dit que revenir au système antérieur fera en sorte que les assurés choisiront des primes plus basses. Mesdames et Messieurs, si cet argument était vrai, nous le saurions, puisque le système projeté par le projet de loi existait avant l'adoption de la LIPP. Et, déjà à cette époque-là, tout le monde disait que les gens ne choisissaient pas les primes les plus basses. Faire croire que, par l'adoption de ce projet de loi, nous allons changer les comportements est simplement une erreur et c'est se tromper soi-même. Le Conseil d'Etat, c'est son rôle, dira qu'il est nécessaire d'avoir un système cohérent. Mais nous, nous appliquons un principe de réalité. Et la réalité démontre, toutes les études sérieuses démontrent, qu'à revenu égal les citoyens genevois et les habitants de ce canton ont un pouvoir d'achat, en valeur absolue, bien moins élevé que celui des assurés des autres cantons. Dans le respect de ce principe et uniquement pour cette raison-là, la majorité vous recommande de ne pas faire perdre du pouvoir d'achat aux familles et aux classes moyennes.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Guillaume Barazzone. Je conclus en vous demandant, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, de refuser ce projet de loi.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Dans ce débat, deux niveaux: effectivement beaucoup de médecins ont pris la parole concernant la santé. Je souhaiterais rappeler aux députés PDC que, dans ce projet de loi, on parle de primes d'assurance-maladie et non de primes d'assurance-maladie de base. Les complémentaires sont donc inclues dans les déductions possibles. Au niveau de la santé, s'il est vrai que les personnes âgées doivent conserver leurs complémentaires, c'est bien parce qu'un problème de qualité des soins existe. Si, avec l'assurance de base, les soins et le suivi étaient idéaux, une complémentaire ne serait pas nécessaire. Ensuite, par rapport à ce projet de loi, qui est un projet de loi fiscal, en termes d'égalité par rapport à la fiscalité, le seul moyen d'introduire une égalité de traitement est de trouver un dénominateur commun à tous les citoyens et tous les contribuables. Actuellement, la loi telle qu'elle est ne comporte pas de dénominateur commun. Du moment qu'une plus grande déductibilité est permise, on avantage les personnes à plus haut revenu ou ayant le plus de fortune. Cela est mathématique, inéluctable. Dire que l'on touche la classe moyenne et la classe moyenne inférieure est faux. Actuellement, la classe moyenne inférieure, à Genève, ne peut plus se permettre de s'assurer par des complémentaires. Cela est la réalité du terrain, Mesdames et Messieurs. Je crois que vous devriez y descendre un peu. Nous vous demandons donc d'accepter ce projet de loi.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je tiens à remercier M. Barazzone pour avoir remis l'église au milieu du village, à savoir que ce projet de loi n'est pas une idée farfelue des Verts et des socialistes, il s'agit d'un projet de loi qui nous est présenté par le Conseil d'Etat, à majorité de droite, qui, il me semble, n'est pas si farfelu. Vous vous plaigniez du fait que les primes sont trop élevées. Oui, elles le sont et nous le regrettons tous. Ce n'est pas juste, nous devons payer énormément. Mais ce projet de loi, comme l'a dit Mme Lydia Schneider Hausser, permet en fait aux personnes à hauts revenus de déduire l'entier des complémentaires qu'ils ont choisies. Ce sont souvent des choix de vie qui amènent les gens à choisir ces complémentaires extrêmement chères et je ne trouve pas juste que nous permettions aux gens aisés - et non à la classe moyenne, comme on veut le faire croire - de bénéficier d'une telle ristourne sur les impôts. Enfin, j'ai écouté tous vos arguments, notamment celui affirmant que «le fait de retirer la déductibilité totale de ce que nous payons en assurances-maladie ne va pas favoriser la libre concurrence entre les caisses et ne va pas induire chez le consommateur la volonté de s'affilier à une caisse moins chère». Apparemment, la libre concurrence entre les caisses n'est donc pas la solution. Alors quelle est-elle ? La prime unique ! Et nous nous trouvons tous au même stade. La première étape est donc d'accepter ce projet de loi, puis de passer à la caisse unique.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout ou presque a été dit dans le débat qui nous occupe. Je n'ai pas été particulièrement sensible - pas plus probablement que mes collègues - aux arguments de la lutte des classes, qui sont du type de ceux du XIXe siècle. Les problèmes se posent d'une manière un peu différente. Personne n'a parlé de la mesure complémentaire qu'apporterait l'impôt dans le cas présent, qui est la mesure d'efficience de l'AFC. En effet, déduire par âge et par sexe un montant donné, est plus simple que d'aller vérifier des bouts de factures cornés, salis avec une tache de café, ce qui prend un temps considérable. Je ne sais pas si mon collègue pourra vous dire combien de postes cela concernerait, mais ces postes pourraient être utilisés à faire mieux que des additions individuelles de primes individuelles, que tout le monde veut pouvoir déduire de manière individuelle. Je crois que tous ceux qui sont attachés à l'efficience de l'Etat auront compris cela.

Cela n'a pas d'influence sur les coûts de la santé, nous sommes entièrement d'accord à ce sujet, il ne faut pas tout mélanger. En revanche, on se reparlera prochainement, vraisemblablement en octobre, quand le Conseil fédéral publiera les primes d'assurances-maladie, de ces caisses qui, non seulement, en termes d'assurance de base, se contentent d'être les plus chères de Genève, mais qui, par ailleurs, augmentent le plus à Genève, alors qu'elles ont plus de 100% de réserves. Ce sont vraiment ces gens-là que vous voulez indirectement subventionner en empêchant de dire aux gens «si vous prenez cette assurance, vous ne pourrez déduire, comme tout le monde, que la prime moyenne cantonale» ?

Je trouve que nos discours pourraient prendre un caractère un peu schizophrène. On ne peut pas dans le même temps, vu sous l'angle de celui qui paie la prime, défendre des choses que j'entends volontiers de la part des uns et des autres et, d'un autre côté, ne pas se rendre compte qu'il s'agit d'une subvention indirecte à un certain nombre de caisses qui se comportent comme des voleurs. Nous l'avons souvent partagé. Il s'agit du moyen le plus simple d'éviter la publicité que l'on fait chaque année par des pages entières dans les journaux, disant aux gens «assurez-vous, pour l'assurance obligatoire de soins, à des assurances ne dépassant pas la prime moyenne cantonale». Le plus simple, c'est de le prêcher par l'exemple, en leur disant «si vous payez plus, vous ne pourrez pas le déduire». Le but n'est pas uniquement que cela rapporte de l'argent, le but est aussi pédagogique. Il est vrai que ce raisonnement ne s'applique pas à l'assurance complémentaire, cela est d'une autre nature. Or, vous savez que les assurances complémentaires sont désormais, grâce à une loi fédérale, subventionnées très largement par les pouvoirs publics. Il nous faut là aussi être vigilants, puisque vous savez bien que la part cantonale dans le financement des hospitalisations privées n'est pas pour améliorer le sort des cliniques, mais pour améliorer le sort des assurances complémentaires. On ne peut pas d'un côté avoir un discours véhément sur les caisses d'assurances et leurs départements et, d'un autre côté, éviter une mesure simple qui permettrait tout à la fois de décourager ces comportements et de rapporter 11 millions à l'Etat, d'après l'évaluation qui en a été faite. Je vous rappelle, le ministre des finances vous en a parlé hier soir, que ces 11 millions pourraient se traduire, l'année prochaine, par cent postes d'infirmières dans les hôpitaux. Nous verrons si les gens préfèrent avoir les infirmières et renoncer à ces 11 millions d'économie totalement factice, qu'on leur fait faire, ou le contraire. Merci de votre attention.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crains de n'avoir pas été bien compris par votre collègue M. Bertinat. Je recommence un peu plus lentement. Du fait des décisions que vous avez prises hier soir, et comme nous l'avons fait connaître par un communiqué de presse datant de début septembre, le déficit 2012 - et non pas 2013 - sera équivalent à 750 millions de francs, imputables pour l'essentiel, vous l'aurez compris, à la question des caisses de pensions, d'autres éléments non récurrents, voire comptables en l'occurrence, venant améliorer quelque peu le résultat.

Le problème ne se pose pas cette année. Le problème se posera les années suivantes. Ce que j'ai essayé de vous indiquer hier, en début de débat, c'est que par rapport à la planification de l'année passée, qui nous permettait de revenir, en 2014, à l'équilibre. Nous avions de facto, 70 millions de retard. Parce que, certes, vous vous apprêtez, et je vous en remercie, à voter des mesures qui compensent un certain nombre de votes négatifs que vous avez fait dans le domaine des recettes fiscales et que vous continuez à faire, mais il n'est pas dans l'intention du Conseil d'Etat, au vu de l'absence d'une crise majeure, pour le moment, en Europe, de venir avec des centimes additionnels sur la fiscalité ordinaire. Ainsi, tout en respectant parfaitement notre planning sur les charges, 70 millions restent à trouver. Si cela ne se fait pas, vous aurez le 31 mars 2014 une liste d'économies, sur laquelle nous allons travailler dès à présent, que nous opposerons individuellement à des augmentations d'impôts, comme le veut la constitution, que vous êtes nombreux à avoir soutenue ici. L'addition, comme l'a dit mon collègue M. Unger, peut prendre ce genre de forme.

Ce que je veux surtout vous dire, c'est que ce retard de 70 millions que nous avons, vous pourrez bien sûr le compenser sur les charges, mais alors accrochez-vous, parce qu'il n'y a que 71 millions de charges libres supplémentaires sur le prochain budget. Tout le reste est contraint ou relève de la mécanique comptable. Contraint signifie qu'il s'agit d'une obligation à l'égard de tiers, sur lequel on ne peut pas revenir. Curieusement, nous avions eu l'idée, mais sans doute ne vous plaira-t-elle pas, de concentrer cette augmentation de ressources sur la justice, la sécurité, l'enseignement, puisque vous avez voté et plébiscité des réformes assez coûteuses, que ce soit le cycle d'orientation ou le mercredi matin d'école, et en dernier lieu la mobilité, car il semblait y avoir un vague problème.

Mesdames et Messieurs, il faudra être cohérents. Les 70 millions que vous ne voulez pas donner, en partie pour des «Genferei», vous êtes les rois de la «Genferei», laissez-moi vous le dire: la déduction sociale pour indépendant, pas un seul canton en Suisse ne l'a. Mes collègues suisses, cela les fait mourir de rire ! Nous avons la plus haute déduction sociale pour la fortune, pour tout le monde, puis encore une déduction sociale pour les indépendants. Allez raconter cela à un Zurichois. En effet, jusqu'à 150 000 F, on paie moins d'impôts à Genève qu'à Zurich. Comme cela a été dit, cela dépend de qui l'on veut protéger. Ensuite, pas un canton ne prend l'entier de la prime maladie en déduction ! Le canton de Vaud voisin, qui a une fiscalité sans doute moins avantageuse que la nôtre à l'heure actuelle, ne permet qu'une partie de déduction. Je comprends bien, Mesdames et Messieurs, et nous affronterons, dès la fin de ce mois, ce problème avec vous, que ce qui vous dérange est, globalement, d'avoir une imposition relativement élevée de la fortune - cela est vrai, c'est le seul cas dans lequel j'admets la comparaison avec la France - mais sans dire qu'à force d'introduire des correctifs divers et variés, telles que valeurs totalement fantaisistes des biens immobiliers, déductions pour des catégories particulières; nous sommes dans une apparence de fiscalité élevée.

Nous allons vous mettre tout cela sur la table et vous verrez ce que vous voulez en faire. Mais ne continuez pas à dire que, parce que les taux sont en apparence élevés, la fiscalité est si élevée que ce que l'on dit. En réalité, les taux sont maintenus élevés parce qu'on multiplie les exceptions, les dérogations, la non-prise en compte des lois fédérales et de la réalité économique. Vous aurez l'occasion, le Conseil d'Etat vous la donnera, de corriger tout cela, sans forcément augmenter d'un seul sou, les recettes fiscales. Pour le moment, la meilleure conclusion que l'on peut donner à ce débat est qu'en refusant ce jour cette mesure vous êtes à peu près sûrs de la voir revenir et elle sera opposée à une baisse de prestations dans les hôpitaux. Le peuple tranchera et je ne suis pas sûr qu'il le fasse dans le sens où la majorité le prévoit ici.

Le président. Je fais voter au vote nominal l'entrée en matière du projet de loi 10907.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10907 est rejeté en premier débat par 60 non contre 26 oui et 1 abstention.

Appel nominal

PL 10903-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (suspension en 2013 et 2014 du dispositif relatif à la charge maximale - bouclier fiscal)
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (R)
Rapport de première minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Christian Dandrès (S)

Premier débat

Le président. Il est bientôt 9h. Nous passons au projet de loi 10903-A. Monsieur le rapporteur de majorité vous avez la parole.

M. Pierre Conne (R), rapporteur de majorité. Chers collègues, au vu des efforts nécessaires à réaliser pour atteindre un retour à l'équilibre budgétaire, le Conseil d'Etat propose d'accroître les recettes de l'Etat, plutôt que de réduire ses charges, et donc d'augmenter les impôts. Dans le cas présent, il s'agirait de suspendre le bouclier fiscal pour 2013 et 2014. Qu'est-ce que le bouclier fiscal ? Lorsqu'on est obligé de dilapider sa fortune pour payer ses impôts, l'impôt est alors confiscatoire, ce qui constitue pour le Tribunal fédéral une entorse à la garantie de la propriété établie par la Constitution fédérale.

Le bouclier fiscal intervient alors afin d'éviter ces situations iniques. Le bouclier fiscal est compatible avec la loi fédérale LHID et justifié sous l'angle constitutionnel comme une protection contre la fiscalité confiscatoire. Le bouclier fiscal fait en sorte que les contribuables ne supportent pas une charge d'impôts supérieure à 60% de leur revenu, impôt fédéral direct non compris. En ajoutant l'impôt fédéral direct, on peut atteindre, déjà à l'heure actuelle, un impôt de 72%. Ce dispositif, similaire à celui adopté par le canton de Vaud, est destiné à préserver ce qu'il reste de l'attractivité fiscale du canton de Genève, qui connaît le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé de Suisse - et l'impôt sur la fortune en Suisse est déjà extrêmement lourd en comparaison internationale. Le bouclier fiscal est donc une mesure qui se justifie pleinement cela d'autant plus qu'à l'heure actuelle les rendements de fortune sont très faibles, voire parfois négatifs.

La majorité de la commission fiscale est d'avis que ce projet de loi n'est ni souhaitable, ni nécessaire, bien au contraire. La suspension du bouclier fiscal constituerait pour les finances publiques et l'économie genevoise un véritable auto-goal. La levée n'est pas vraiment souhaitable. L'existence de ce plafond de taxation s'inscrit dans le cadre d'une vaste réforme fiscale, adoptée par le peuple en 2009, après des mois de travaux ayant abouti à un fragile équilibre. Il serait malvenu de le remettre en cause par la suppression d'une brique de l'édifice - édifice qui d'ailleurs bénéficie essentiellement aux familles. Une telle augmentation d'impôts n'est pas nécessaire pour trouver de nouvelles recettes.

La majorité de la commission estime que le Conseil d'Etat dispose d'autres outils, moins dommageables, permettant d'atteindre le même but, comme en atteste le projet de loi sur les intérêts différenciés, PL 10967, devant rapporter, selon le gouvernement, 70 millions de francs, soit le double du présent projet.

Soyons attentifs au fait que le canton de Vaud pratique également le bouclier fiscal à 60% et, si Genève suspend ce dispositif de protection fiscale, de nombreux excellents contribuables viendraient à échapper au fisc genevois en se déplaçant ne serait-ce que de quelques kilomètres, dans le canton de Vaud. La perte serait alors toute autre que le prix de la protection en vigueur. La suspension du bouclier fiscal constitue une menace pour les recettes fiscales et les impacts sur l'économie locale pourraient être catastrophiques. Sur la base de ces arguments responsables, la majorité de la commission fiscale vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le présent projet de loi et de maintenir le bouclier fiscal. (Applaudissements.)

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi souhaite suspendre durant deux ans le bouclier fiscal, qui est entré en vigueur avec la dernière réforme des impôts. Cette mesure pèse tout de même 40 millions de francs, en termes de recettes publiques, ce qui n'est pas négligeable en période de creux économique. C'est ce contexte qui a visiblement amené le Conseil d'Etat a proposé sa suspension, en décembre 2011, au vu des années difficiles qui s'annoncent.

Les Verts s'étaient déjà positionnés sur le bouclier fiscal lors de la dernière réforme des impôts. Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez donc notre position, le bouclier fiscal n'est pas une bonne mesure. Il va à l'encontre du principe de progressivité de l'impôt. Il s'agit d'un cadeau aux contribuables dotés d'un revenu important de ce canton. Il crée une sorte d'injustice devant l'impôt et, comme je l'ai déjà dit, il constitue par ailleurs un manque à gagner de 40 millions pour les finances publiques. Un élément qui doit être ajouté est qu'il constitue une de ces exceptions de plus à la progressivité que l'on vote, du moins pour la majorité du Grand Conseil, et cela est évidemment très problématique. Nous avons donc été satisfaits de voir le Conseil d'Etat déposer ce projet de loi, car malgré de nombreuses nouveautés qui nous ont fait soutenir la baisse d'impôts, la pilule du bouclier fiscal a été difficile à accepter.

Depuis, la conjoncture économique maussade ne s'est pas améliorée. Le franc fort affecte l'économie genevoise et il est donc nécessaire de mettre fin à quelques largesses fiscales qui avaient été adoptées lors de cette réforme. Or, il semble que la majorité de droite ne soit pas sortie des années folles du nouveau millénaire. Mais le vent a bel et bien tourné. La France de M. Sarkozy, le pays qui a si fortement inspiré l'Entente au moment de sa proposition d'instaurer un bouclier fiscal, a entre-temps abandonné son bouclier fiscal, le 28 juillet 2011.

Vous aurez donc compris, Mesdames et Messieurs les députés, que nous souhaitons non seulement suspendre le bouclier fiscal, mais, dans l'absolu, nous préférerions l'abandonner simplement. Ce qui est certain en revanche, si l'Entente reste sur ses positions dogmatiques, c'est qu'il ne s'agira bientôt plus d'accepter ou de refuser une mesure douce - telle qu'elle nous est proposée ici - mais bien de choisir entre une hausse d'impôt et une baisse réelle des prestations. Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, il est non seulement triste qu'une majorité de ce parlement défende les intérêts des plus nantis de notre société, au détriment de la majorité, aux revenus faibles et moyens, mais il est également grave qu'en période de difficultés économiques un effort temporaire des personnes fortunées ne soit pas accepté.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la situation financière du canton nous a été rappelée par M. Hiler. Il nous a indiqué, et il est important de le souligner, que le déficit sera de 750 millions de francs. Dans ce contexte, même l'Entente a reconnu que des mesures fortes s'imposaient; je vous renvoie au rapport de M. Conne. C'est précisément ce qu'a fait le Conseil d'Etat lorsqu'il a déposé ce bouquet de lois fiscales pour corriger les perspectives, qui avaient malheureusement été mal évaluées dans le plan financier quadriennal 2012-2015. Il faut préciser également que les mesures proposées par ces quatre projets de lois frappent toutes à la marge: elles travaillent sur les déductions ou sur les frais de prélèvement de l'impôt à la source.

En cohérence avec la position qui était la sienne en 2009, le Conseil d'Etat a proposé de geler temporairement le bouclier fiscal. Je dis en cohérence pour une raison assez simple. Vous vous souvenez qu'en 2009 le gouvernement avait estimé que les largesses fiscales que l'Entente avait réclamées à cor et à cri étaient supportables compte tenu des perspectives d'alors. Malheureusement pour le canton, l'Histoire ne lui a pas donné raison. A cet égard, j'aimerais rappeler que la responsabilité du Conseil d'Etat est grande, dans la mesure où il n'était pas nécessaire d'être un grand prophète pour deviner en 2009 que ce bouclier fiscal, en plus d'être une infamie politique, serait également une hérésie budgétaire. A présent, nous pouvons prendre toute la mesure du désastre.

Contre toute attente, l'Entente et les partis qui se prévalent d'habitude de la rigueur budgétaire refusent de suspendre temporairement, je souligne temporairement, ce bouclier, comme ils ont refusé ou vont refuser les trois autres projets de lois dont nous débattons au cours de cette session. L'on peut qualifier cette démarche de frénésie, parce que les députés de la commission des finances ont non seulement rejeté ces quatre projets de lois, mais en plus, pris dans leur élan, ont refusé les autres points à l'ordre du jour de cette séance-là, y compris le projet de loi 10924, qui pourtant était une simple mise en conformité de la législation cantonale au droit fédéral. Je me réjouis donc que nous débattions de ce texte et de lire le rapport de M. Ivanov, pour voir comment il réussira à justifier ce choix.

J'aimerais en revenir à l'argumentation développée par l'Entente et par le rapporteur de majorité sur le présent projet. Je pense qu'il faut saluer l'effort qu'il a déployé pour pouvoir justifier la décision de son groupe. Il file la métaphore de la manière suivante: la LIPP, depuis 2009, serait devenue favorable aux familles; la pierre d'angle de cette réforme est le bouclier fiscal et, donc, du coup, en retirant temporairement le bouclier fiscal, tout le système va s'écrouler et ensevelir les familles. On nous sert également la concurrence fiscale avec le canton de Vaud, ainsi que la volatilité des électeurs fortunés, soit les quelque 1300 personnes qui sont concernées par ce projet. J'aimerais rappeler qu'une étude a été effectuée par Standard & Poor's en 2010 qui explique que, contrairement à ce qui avait été indiqué, la moyenne fiscale cantonale se situe dans la moyenne nationale; je vous renvoie à ce rapport très intéressant.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir à présent sur la question politique qui avait été celle de 2009: à cette date, l'Entente avait réussi à faire passer le bouclier fiscal en l'enrobant d'un papier cadeau, le splitting, en disant qu'il s'agissait de soutenir les familles. Le bilan nous est à présent connu, et ses conséquences, pour reprendre les mots du rapporteur de majorité du projet d'hier, risquent d'anéantir les familles avec l'application du frein à l'endettement. Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut donner aux familles et à la population genevoise le dernier mot dans cette affaire. M. Meylan criait hier soir - je dis crier parce que vous n'aviez pas la parole - que le paquet fiscal avait été accepté par la population. Monsieur Meylan, adoptez cette loi et laissez le peuple choisir. Je suis surpris de constater que, dans cette perspective, votre foi populaire commence à vaciller. Et je pense, Monsieur Meylan, que vous n'avez pas tort.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'adage qui dit que trop d'impôt tue l'impôt doit être la règle ce matin, dans ce parlement. Lorsque l'impôt frise l'impôt confiscatoire, il n'est plus acceptable que le citoyen soit spolié à ce point. Le peuple a voulu et a plébiscité le bouclier fiscal. Le groupe MCG refusera donc ce projet de loi du Conseil d'Etat. J'aimerais corriger les propos de ma préopinante indiquant que l'Entente allait refuser les quatre projets de lois. C'est faux, puisque nous avons appris avec bonheur, au Mouvement Citoyens Genevois, qu'au sujet de la rétribution des entreprises concernant l'impôt à la source, l'Entente allait voter cette réduction, ce qui amènera plus de sous dans les caisses de l'Etat. Nous nous sommes toujours positionnés pour un Etat social efficace, mais pas avec des ponctions telles que vous les concevez à la gauche de ce parlement. Une économie forte est nécessaire pour avoir une politique sociale efficace et ce n'est pas sur ceux qui créent des richesses et qui peuvent donc se développer et investir qu'il faut taper à longueur d'année. Pour ces motifs et tous ceux que nous vous expliquons depuis maintenant sept ans lors de sujets économiques, le groupe MCG refusera l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 10903 veut suspendre pour les années 2013 et 2014 le bouclier fiscal voté par le peuple trois ans auparavant, dans le cadre de la LIPP. L'impact financier, si ce projet de loi est accepté est de l'ordre de 38 millions et non de 40 millions, pour chacun de ces deux exercices, soit 76 millions.

J'aimerais citer le professeur Auberson, auditionné par la commission fiscale au sujet de ce bouclier. Je cite: «aujourd'hui, l'impôt sur la fortune en Suisse est extrêmement lourd en comparaison internationale. En appliquant un impôt sur la fortune de 1%, alors que le patrimoine ou le portefeuille ne rapporte rien, voire diminue, relativement parlant, c'est comme si l'économie, sur laquelle la personne n'a pas de contrôle, augmente le taux d'imposition indirectement. Pour ces raisons, le bouclier fiscal est une mesure qui se justifie. Cela est d'autant plus valable à l'heure actuelle, sachant que les rendements de fortune sont très faibles, voire même négatifs parfois».

La suspension du plafond à 60% n'est donc pas souhaitable, dans la période difficile que nous vivons, avec une crise économique qui s'accroît, pénalisant les familles et les classes moyennes. Il convient de refuser ce projet de loi. Le Conseil d'Etat veut reprendre d'une main, ce qu'il doit lâcher par ailleurs, par exemple la TVA qu'il a fallu payer dans le cadre des travaux du tram, pour lesquels l'Etat était maître d'oeuvre, en lieu et place des TPG, ayant reçu 200 millions de subventions de Berne pour ces travaux. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, le gaspillage continue. Pour ces raisons, l'UDC vous recommande de refuser ce projet de loi, car il brise l'équilibre voté trois ans auparavant par le peuple genevois.

M. Eric Leyvraz (UDC). Comme mon préopinant vient de le dire, l'UDC refusera ce projet de loi. J'aimerais tout de même rappeler quelque chose, dont on n'a pas parlé, c'est qu'un budget de 8 milliards pour 460 000 habitants est une chose unique au monde ! Avons-nous la meilleure sécurité de Suisse ? Je ne le pense pas. Avons-nous le canton avec les infrastructures les plus performantes ? Je ne le pense pas. Avons-nous la ville la plus propre de Suisse ? Certainement pas ! Germe donc dans l'esprit du représentant de la classe moyenne et des PME que je suis l'idée saugrenue que, comme nous avons les impôts les plus élevés, que nous avons l'impôt sur la fortune le plus élevé, que nous avons la dette la plus élevée, peut-être que notre administration n'est pas la plus performante de Suisse et qu'elle se sert un peu trop souvent pour elle chez Fauchon, plutôt qu'à la Migros.

Franchement, avec tout le respect que je vous dois, à vous, Monsieur le conseiller d'Etat, et au Conseil d'Etat, je trouve que le Conseil d'Etat ne manque pas de souffle en nous présentant quatre demandes d'augmentation d'impôts après avoir demandé à la collectivité publique un effort supplémentaire pour les caisses de 6,3 milliards. Une chose est sûre, vous n'êtes pas les champions du timing. Oui, nous voulons plus de sécurité dans ce canton, oui nous voulons de meilleurs transports, et nous les aurons et, pour cela, vous ferez des économies à l'interne. Vous pouvez très bien le faire, le DIME nous l'a prouvé récemment à la commission des finances, puisque, voulant nous vendre un projet de vélib, il nous a indiqué qu'il était capable de faire 700 000 F d'économies à l'interne pour nous faire adopter le projet de vélos libres. C'est bien la preuve que cela est possible. J'espère que le DIME servira d'exemple aux autres départements de l'Etat, car, soyons clairs, en ce qui concerne la classe moyenne et les PME, nous n'en pouvons plus et il est exclu que nous acceptions des charges supplémentaires.

M. Charles Selleger (R). A entendre ce qui a été dit, on m'a quasiment coupé l'herbe sous les pieds. J'aimerais cependant que l'on resitue le débat. Dans quel but nous présente-t-on ces projets de lois ? Dans le but de redresser les finances cantonales. Pour cela, on nous présente au départ cinq petits projets de lois, qui vont ramasser quelques millions à gauche et à droite. J'aimerais rappeler que Genève a les impôts les plus élevés de Suisse, que le nombre de fonctionnaires par habitant est le plus élevé de Suisse, que le salaire moyen des fonctionnaires avoisine les 9000 F et que notre dette est abyssale, comme nous en avons abondamment discuté hier. Alors, bien sûr, il est nécessaire d'équilibrer le budget et de combler cette dette, mais il faut s'attaquer au vrai problème: le train de vie de l'Etat. Il faut s'attaquer au nombre de fonctionnaires, d'une manière harmonieuse, progressive, c'est ce que notre groupe propose, et il n'est pas question d'entrer en matière sur des projets de lois qui vont à l'inverse de ce que le peuple a voté juste deux ou trois ans auparavant. C'est pourquoi notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi 10903 et vous propose d'en faire autant.

Présidence de M. Pierre Losio, président

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, il est très clair que, lorsque la situation demande des efforts, la solidarité doit jouer. Or, ici, de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'un bouclier fiscal qui vise à préserver la fortune d'un impôt considéré comme excessif par certains.

Si vous lisez la page 381 du rapport sur le projet de loi 10199, celui de la baisse d'impôts, vous verrez que ces 42 millions - tels qu'ils étaient estimés à l'époque sur l'année fiscale 2006 - de baisse de recettes fiscales concernaient des contribuables dont la fortune était supérieure à 3 millions de francs.

On peut se poser la question de savoir si, lorsque la solidarité doit jouer, il s'agit de considérer que ce sont les salaires des infirmières qui sont excessifs, comme l'a dit M. Weiss hier soir, puisqu'ils sont 20% supérieurs à ceux du CHUV, selon lui, et que, sous-entendu, il faudrait baisser le salaire des infirmières... Peut-être faudrait-il augmenter le nombre d'élèves par classe, en l'occurrence pénaliser les bas revenus et la classe moyenne qui n'ont pas les moyens de se payer des écoles privées ?

Ou faut-il demander un effort supplémentaire à celles et ceux qui disposent d'une fortune supérieure à 3 millions de francs ? Je vous le demande: où les efforts sont-ils raisonnablement possibles ? Qui plus est, pour une durée limitée, puisqu'il s'agit d'une suspension et parce que la conjoncture, le changement de paradigme que vous avez notamment imposé à Berne, avec cette réforme absurde de la LPP, le demande.

Les socialistes n'ont jamais été opposés aux baisses d'impôts, mais il est très clair... (Rires. Le président agite la cloche.) ...que les baisses d'impôts doivent être effectuées en prenant compte de l'ensemble des paramètres qui régissent notre société et notre collectivité. Une baisse d'impôts est raisonnable lorsque nous en avons les moyens. Nous n'en avions déjà pas les moyens en 2009, quand nous avons voté la baisse d'impôts précédente, parce que nous avions déjà une dette de 10 milliards, parce que nous avons eu 100 000 habitants de plus en 20 ans et parce que nous ne pouvons pas d'abord baisser les impôts et ensuite prétendre qu'il faut réduire le train de vie de l'Etat, il faut bien entendu faire le contraire.

D'ailleurs, je tiens à le relever une fois de plus, le PLR, l'UDC, au-delà de leurs déclamations ostentatoires régulières, ne font rien pour baisser le train de vie de l'Etat et se plaignent année après année que l'Etat coûte trop cher. Je donnerai deux exemples: l'UDC revient avec une initiative demandant une double traversée du lac, alors que nous n'avons pas le moindre centime à mettre dans ce projet à l'heure actuelle et, lors du projet de budget 2012, le PLR a soutenu un nombre important - au moins 40 - de postes de fonctionnaires pour des plans stratégiques de développement à 150 000 F par an, pour le nouveau plan directeur cantonal. Les socialistes ont demandé que ces postes ne soient pas pourvus, mais vous les avez néanmoins votés, comme vous avez voté des augmentations de subventions pour des associations dont les directeurs gagnent 150 000 F pour un 80%. Cela est la réalité du PDC, de l'UDC et du PLR, ce n'est pas faire des économies, c'est satisfaire les besoins des petits copains, à l'occasion. Nous ne pouvons pas l'accepter.

Le principe est de dire que l'effort de solidarité doit se porter sur celles et ceux qui en ont les moyens. L'impôt n'est pas confiscatoire quand quelqu'un dispose d'un revenu disponible supérieur à plusieurs dizaines de milliers de francs par mois. C'est le revenu disponible qui doit compter et non le montant de la fiche d'impôts. Les socialistes sont très attachés à ce que tout le monde puisse vivre décemment dans cette société. Mais vivre décemment cela ne signifie pas gagner plus de 50 000 F par mois. C'est pourquoi le bouclier fiscal est indécent dans son principe. Cependant on pourrait imaginer que l'impôt baisse pour tout le monde, quand nous en aurons la possibilité. Le jour où la dette genevoise redescendra en dessous de son budget annuel, c'est-à-dire en dessous de 6 milliards, on pourra discuter. Pour le moment, il est clair qu'il faut d'abord diminuer la dette et faire réellement des économies, que vous n'êtes pas capables de faire et, ensuite, discuter de baisse d'impôts. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, c'est ce que vous faites à plein-temps et cela est tout simplement inacceptable. Les Genevois ne peuvent pas comprendre cela.

M. Christophe Aumeunier (L). Je tiens à remettre les choses dans leur contexte, celui dans lequel le Conseil d'Etat a proposé quatre projets de lois destinés à hausser la fiscalité genevoise. Ce contexte est le plan financier quadriennal que le Conseil d'Etat a présenté en novembre 2011. Dans le plan financier quadriennal, il explique: «Nous avons un déficit structurel de 150 millions, que nous devons combler.» M. Hiler nous parle à présent de 70 millions, les chiffres divergent, ce n'est pas grave.

Ce déficit structurel, le Conseil d'Etat se propose, par des mesures extrêmement rapides, immédiates, d'y faire face avec une première série de mesures, dont j'aimerais parler. Cette première série de mesures concerne la limitation des charges et des économies. Mais nous attendons du Conseil d'Etat un rapport sur la limitation des charges et des économies, à l'heure où on nous demande de voter des hausses fiscales, qui sont évidemment extrêmement malvenues dans le canton de Genève, car, nous le savons, nous vivons une crise des dépenses ! Nous ne vivons pas une crise des recettes. Genève est le canton qui perçoit le plus de recettes fiscales. Il est évidemment celui qui dépense le plus, celui ayant la dette la plus élevée de Suisse. Un budget de 7,6 milliards nous amène à constater que ce qui est demandé dans ce projet de loi est un demi-pourcent du budget. Le Conseil d'Etat, lorsqu'il nous présente ce budget, nous indique qu'il n'est pas en mesure de trouver un demi-pourcent d'économies ! Respectivement, si le déficit structurel est de 150 millions, 1% d'économies. Le Conseil d'Etat nous dit qu'il ne peut pas le faire. Ce qui est plus gênant, c'est l'attitude tendant à nous dire: «Mesdames et Messieurs les députés, vous choisirez». Non ! L'Exécutif est en charge des budgets, l'Exécutif doit trouver 1% d'économies dans un budget de 7,6 milliards !

Il est inconcevable que nous n'y arrivions pas et cela est extrêmement décevant, car nous ne devrions pas devoir choisir entre des prestations ou des nouvelles charges fiscales, déjà énormes dans notre canton. Nous devons pouvoir faire en sorte que l'administration soit plus efficiente, que l'Etat soit plus efficient, plus efficace, c'est là notre propos. Après que ces quatre projets de lois ont été déposés, le Conseil d'Etat en a retiré un - il s'agit de l'exonération qu'il souhaitait supprimer sur les collections artistiques - considérant par là qu'il avait été un peu vite et que les recettes fiscales à la clé étaient moindres. Nous avons, par ailleurs, déjà refusé deux autres projets de lois.

Il s'agit en revanche de constater qu'il faut remercier le Conseil d'Etat, car il a pris une mesure de gestion, celle de déposer un projet de loi qui vise à introduire un intérêt différencié entre les intérêts créditeurs et les intérêts débiteurs. Ce projet de loi constitue pour nous, groupe libéral, un projet de loi de remplacement, un projet de loi que nous voterons le cas échéant, car il s'agit d'un projet de loi de gestion. C'est ce que nous demandons, c'est ce que nous souhaitons ardemment.

Dans ce contexte, et s'agissant maintenant du bouclier fiscal, le groupe libéral refusera de suspendre celui-ci pour des mesures d'équité et pour des mesures d'opportunité. S'agissant de l'équité et de solidarité, l'on nous parle de niche fiscale, alors que nous faisons face à une cathédrale qui est l'Etat, complètement disproportionnée aujourd'hui et qui est beaucoup trop lourde. En opportunité, il s'agit de maintenir à Genève une prospérité élevée. Les personnes touchées par le bouclier fiscal apportent de la prospérité, ils sont ici des entrepreneurs, des gens dynamiques, nous ne pouvons pas nous permettre de leur dire: «Allez ailleurs, allez trouver d'autres champs plus prospères». Nous ne pouvons pas nous le permettre. C'est irresponsable de la part de la gauche de le penser, raison pour laquelle le PLR refusera ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). Concernant le fond, tout a été dit et très bien dit, notamment par M. Aumeunier. Quant à la forme, j'aimerais dire que ces projets de lois figuraient dans les travaux de la LIPP et ont été largement votés par le peuple, cela a été dit plusieurs fois ce matin, il paraît donc difficile de se moquer du peuple en revenant aussi vite sur ces sujets.

Quant à la responsabilité du groupe libéral, le PLR prendra ses responsabilités quand il s'agira de rémunérer la perception de l'impôt à la source par les entreprises en votant l'amendement des 2%. Je tiens à le dire, quand il s'agit de prendre nos responsabilités, nous les prenons. Cela signifie aussi que la fiscalité des entreprises devra être modifiée au cours des prochaines années. Dans ce cadre-là aussi, nous voterons le projet de loi structurel et administratif qui se trouve actuellement à la commission des finances, comme l'a dit M. Aumeunier, de façon que les revenus augmentent quelque peu pour l'Etat et puissent atténuer un tout petit peu les années difficiles à venir pour le budget. Le PLR refuse naturellement ce projet de loi mais prendra ses responsabilités pour le suivant.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes ce projet de loi ne va pas assez loin, car il ne prône la suspension de ce bouclier fiscal que sur deux ans. En commission fiscale, est en attente un projet de loi socialiste qui, lui, demande l'abolition de ce bouclier fiscal. Mesdames et Messieurs de la droite, il sera très intéressant de voir si vous avez le courage de faire ce que vous auriez dû avoir le courage de faire avec la LIPP, c'est-à-dire non pas un paquet ficelé, mais bien de demander au peuple si, oui ou non, il accepte un bouclier fiscal, car un bouclier fiscal, Mesdames et Messieurs, représente 40 millions de manque à gagner pour l'Etat et pour quoi ? Pour pouvoir arroser les 1250 contribuables - peut-être 1300 dans le canton - se situant au-dessus de 3 millions de revenus et qui déduisent en moyenne, avec ce mécanisme, 31 000 F par année par rapport à ce qu'ils devraient payer si l'impôt était juste et égalitaire. Ainsi, pour 25% de la population du canton de Genève, cette déduction, faite par 1300 personnes, représente une somme supérieure à leur revenu annuel pour vivre. Avant de dire que cela n'est pas une ineptie, il y a encore du chemin...

Ce matin le MCG nous annonce qu'il est devenu un parti comme les autres, même plutôt un parti de droite, vu qu'il négocie 40 millions contre, je m'excuse de le dire, quelques clopinettes qui viendront dans le projet de loi suivant en faveur de l'Etat. Nous prenons acte et sommes heureux de vous accueillir comme un parti parlementaire comme les autres et bien aligné à la droite, en tout cas pour ce qui est de la fiscalité. Mesdames et Messieurs, comment faire gagner une Genève forte, lorsque la majorité de ce parlement n'a qu'une idée: l'individualisme et l'accumulation de richesses personnelles ? Pourquoi n'y aurait-il pas, une fois, la possibilité de valoriser les personnes fortunées qui paient correctement leurs impôts, qui soutiennent véritablement une démocratie et des politiques publiques issues d'un parlement et appliquées par un gouvernement pour toutes et tous ? L'apogée de la réussite consiste-t-elle uniquement à accumuler une fortune personnelle la plus grande possible ? Pourquoi la contribution via la fiscalité n'équivaut-elle pas aux dons, aux legs ou autres soutiens que des personnes fortunées font, individuellement, pour redorer leur blason par le marketing ?

Mesdames et Messieurs, nous sommes ici à un noeud de la démocratie et ce bouclier fiscal en deçà et au-delà de la contribution fiscale pose un problème d'éthique, un problème de limite de démocratie. Les socialistes, par l'acceptation de ce projet de loi, non seulement veulent des rentrées fiscales pour Genève, mais veulent une démocratie faite de politiques publiques qui soient applicables et qui profitent à toutes et tous, pas seulement à une partie fortunée de la population. C'est pour cela que nous accepterons ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). L'intervention de M. Hiler à la fin du débat sur le projet de loi précédent m'a fait regretter notre consensus d'hier soir. Sa mine réjouie, son rire même, dans les accusations qu'il porte contre les députés pour mauvaise gestion, risquent malheureusement de se retourner comme un boomerang sur le Conseil d'Etat dans son ensemble, et sur lui en particulier. Il n'est pas acceptable, Monsieur Hiler, que vous opposiez, comme vous le faites, les prestations à la population et les hausses d'impôts, sans vous interroger, vous qui êtes à la tête du département des finances, sur le coût du service des prestations à la population. Qu'avez-vous fait pour réduire le coût du service des prestations à la population, quand vous avez, au cours de votre mandat, augmenté précisément le coût de ces prestations en introduisant le 13e salaire, pour ne prendre que cet exemple ? Qu'avez-vous fait, si ce n'est de ne pas vous opposer systématiquement à nos quelques tentatives de réduire le coût du projet de loi d'hier sur le sauvetage des caisses de pensions ?

Vous avez maintenu, contrairement à votre collègue jurassien, la primauté des cotisations, vous avez maintenu la répartition 2/3 - 1/3, vous avez maintenu la pénibilité. Tous les efforts fournis pour réduire le coût ont été conduits par les députés du PLR et de l'Entente, qui se sont échinés à trouver des économies. Je trouve que vous avez quelque ingratitude, quelque façon peu agréable de vous rire de nous publiquement et avec vos collègues, ce matin. J'ajouterai à cela que cette affaire des intérêts moratoires qui va venir sur le terrain, certes il s'agit d'un projet de pure gestion, mais vous auriez pu y penser avant de vouloir taper dans la poche des contribuables. Si on vous amène à présent à une retraite bien ordonnée, qui s'appelle en réalité une défaite des actions du Conseil d'Etat dans ses propositions de réduire le déficit de l'Etat, c'est parce que vous avez à notre égard un certain mépris, qui se traduit par vos éclats de rire. Je regrette ce mépris et je regrette presque mon vote d'hier soir.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne sais pas si j'ai le droit de prendre la parole, mais comme je vais m'exprimer sur un sujet sur lequel je suis absolument incompétent, je vais la prendre, parce que sur les sujets où on est compétent, il semble qu'on ne doit pas prendre la parole. Le débat que nous avons ce jour est passionnant, parce qu'il s'agit d'un débat gauche-droite sur le rôle de l'Etat et je crois que nous aurons ce débat sur le prochain budget. Il s'agit de savoir que doit faire l'Etat et quelles sont les limites de l'Etat. Voilà le débat.

Venir avec des arguments contre les riches, cela n'a pas sa place, car il y a des gens riches et des gens pauvres. Mais je crois que quelque chose doit être revu complètement au niveau des impôts, c'est la taxation des gens riches. Il existe actuellement un courant philosophique et politique qui demande, à l'extrême - et ce ne sont pas des gens de droite, ce sont des gens de gauche - de supprimer les impôts pour les riches. Pourquoi ? Parce que ce courant a senti que les gens riches, quand ils ne paient plus d'impôts, dépensent plus d'argent pour la communauté, par des fondations, par des donations, par des legs. Quand j'entends la gauche nous dire que les gens riches donnent de l'argent pour se faire plaisir, c'est lamentable ! Si les riches ne donnaient pas leur argent de cette façon, nous n'aurions aucun parc à Genève. Pourquoi a-t-on des parcs à Genève ? Ce n'est pas l'Etat qui a créé les parcs, ce sont des gens riches qui ont légué leur propriété à l'Etat. Pourquoi a-t-on les Bastions ? C'est parce que des gens riches ont légué leurs terrains. Il faut donc arrêter d'avoir cette habitude stupide qu'a la gauche de toujours tout ramener sur le terrain de la morale.

Pour finir, comme il est samedi et qu'il faut se cultiver un peu, je vous lirai une citation d'une professeure américaine de gauche, qui dit dans son livre: «La gauche n'a souvent plus rien à offrir que des dénonciations morales, dénonciations des atteintes envers les institutions et les principes de démocratie libérale, des comportements des dirigeants et des élites du camp politique opposé, des injustices commises par le système économique capitaliste». Merci beaucoup.

M. Eric Stauffer (MCG). Vous voudrez bien transmettre à ma collègue de gauche qu'il ne faut pas qu'elle se méprenne sur les positions stratégiques du Mouvement Citoyens Genevois. J'aimerais rappeler que le MCG a toujours été en faveur d'une économie forte, afin de pouvoir faire du social efficace. Il est à noter que les dépenses engendrées et proposées notamment par le parti socialiste font qu'à certains moments, dans l'histoire de ce canton, les budgets sont déficitaires.

J'aimerais, Mesdames et Messieurs les socialistes, que vous puissiez prendre exemple sur quelques communes qui ont dû composer avec le système D. Je parle de communes qui ne sont pas très riches, qui ont des budgets un peu tirés, comme par exemple la commune d'Onex, dans laquelle je suis magistrat des finances, comme vous le savez. Avec un budget de 45 millions pour plus de 18 000 habitants, laissez-moi vous dire que mes deux collègues de gauche ont l'intelligence d'écouter quelqu'un qui, du point de vue économique, serait plus situé à droite. Nous avons des budgets équilibrés, des budgets qui nous permettent de rembourser la dette de la commune d'Onex à hauteur de 6,5 millions, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans, et cela simplement en raison d'une rigueur dans la gestion financière. Bien sûr, surcréer des postes, cela coûte cher. A Onex, non seulement nous avons étudié les prestations de certaines opérations pour la population, mais nous avons également supprimé l'encaissement de ces prestations, parce que le fait d'avoir un employé pour les encaisser coûtait plus cher que ce que nous percevions. Cela s'appelle une bonne gestion des deniers publics. Si vous pouviez prendre exemple sur cela, nous n'en serions pas à nous écharper dans ce Grand Conseil pour savoir s'il faut ôter ou maintenir le bouclier fiscal.

Voilà ce que je voulais dire, mais ne vous méprenez pas sur nos positions. Nous, nous savons économiser là où cela est nécessaire et vous le verrez dans le projet de loi qui devrait arriver dans 30 minutes.

M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque j'entends la députée socialiste comparer les riches, cette maladie honteuse que l'on doit assimiler à la peste, celles et ceux qu'il faut bouter hors de la ville, parce qu'ils représentent un danger, ceux que l'on ne peut fréquenter que lorsque l'on se met un long masque en carton devant le visage, de façon à éviter d'obtenir ce vilain microbe, on peut ne faire que ce qu'a fait excellemment le député Buchs: regarder un peu en arrière et se poser la question de ce qui à Genève a été fait par l'Etat et ce qui doit être attribué à ces horribles riches.

A la longue, à force de les vilipender, à force de dire qu'ils sont la lie de l'humanité, qu'ils sont juste taillables et corvéables à merci, qu'ils paient moins d'impôts que les autres, ce qui est juste un mensonge mathématique - s'ils paient, en termes relatifs moins d'impôts, en termes absolus ils en paient beaucoup... Que l'on cesse donc, par les temps qui courent, de bien vouloir stipendier une certaine classe de la population, s'imaginant que le reste de la population sera capable de subvenir à l'entier des besoins, que les socialistes ne cessent de mettre en avant et qui doivent être payés par l'Etat. Il y a, à un moment donné, un minimum de pudeur, Madame, que vous devriez avoir, en vous rappelant que si ces horribles riches n'étaient pas là, un grand nombre de politiques publiques ne pourraient tout simplement pas être financées. (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je crois qu'il ne faut pas déformer les propos que j'ai tenus: lorsque j'ai dit qu'il n'était pas acceptable que les riches de Genève, les 1300 personnes, bénéficient de ce bouclier fiscal, c'est que l'égalité de traitement, que nous soutenons en tant que socialistes, en termes de contributions publiques, n'est pas maintenue avec le bouclier fiscal tel qu'instauré. A ce titre, ce n'est pas d'une exclusion des personnes riches - si leurs entreprises réussissent, tant mieux - dont j'ai parlé, mais bien d'une inclusion, dans un système collectif, constitué par les politiques publiques, l'Etat et une valorisation de leur participation, avec les mêmes règles que tout citoyen de ce canton.

Quant à l'intervention de M. Weiss, qui est absent actuellement, je souhaitais préciser que le frein à l'endettement et que l'opposition «prestations versus imposition plus grande», cela ne vient pas de nos bancs. Il s'agit d'un choix que la majorité de ce parlement a fait et imposé. Ensuite, dire que ce que le Conseil d'Etat a déclaré est inadmissible... A quoi vous attendez-vous par rapport au frein à l'endettement ? Que l'on essaie de réduire le prix du parquet du réduit du fond de la salle du Grand Conseil? Non, nous parlons bien de prestations qui seront réduites ou d'une augmentation des contributions demandée aux citoyens. Le dire, pour une fois, de manière claire, je ne vois pas en quoi cela représente un scandale. Nous aurons effectivement des mois et des années difficiles et des choix difficiles à imposer à la population. Nous verrons, à ce moment-là, comment elle réagira.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas laisser dire certaines choses dans cette assemblée. Je me réfère ici aux propos de Mme Schneider Hausser, qui dit que ce matin nous nous sommes réveillés en changeant d'avis. Cela n'est pas du tout le cas. Je vous demande de relire le rapport. Vous verrez que les deux commissaires en commission ont voté non; j'en faisais partie et je vous confirme que nous avions bien voté non. Nous n'avons pas changé de position. D'autre part, les discussions qui peuvent survenir à la salle des pas perdus font partie de la vie politique. Nous confirmons cependant notre vote.

En outre, cela a été dit par la droite, mais je crois que vous ne l'avez pas compris, celle-ci est prête à voter, prochainement, un projet de loi concernant les intérêts moratoires et équivalant à 70 millions, contre le présent projet de loi qui ne vaut que 40 millions. Je pense que l'effort de notre part existe et que vous ne savez peut-être pas calculer.

Le prochain projet de loi est plus intéressant que celui-ci. Seulement, vous voulez tout, c'est votre habitude, vous voulez continuer à plumer toutes les catégories ayant des revenus, c'est votre seul enjeu, vous ne défendez même plus les travailleurs, la seule chose qui vous intéresse est de défendre les bras cassés de votre République ! Ceux-là vous les défendez, mais, en ce qui concerne les travailleurs, je ne vous vois pas souvent présenter des textes pour défendre les contrats collectifs, etc. Vous voulez toujours plus de recettes, mais le reste, ceux qui gagnent de l'argent pour payer le système de notre collectivité, ne vous intéressent pas.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, le présupposé répété à maintes reprises par la droite, consistant à dire «Nous sommes dans une telle situation, parce que l'Etat de Genève vit au-dessus de ses moyens», me fait penser à l'hypothèse d'un individu à qui on dirait la même chose: «Monsieur, vous vivez au-dessus de vos moyens». Que peut faire cette personne, de façon rationnelle, pour essayer d'avoir un budget équilibré ? En fait, la recette que vous proposez, un enfant de quatre ans ne la comprendrait pas et, en tout cas, contesterait sa logique. Parce que la solution que vous proposez, c'est de dire à cette personne qui vit au-dessus de ses moyens: «La première chose que vous devez faire est de demander une réduction de salaire». La première chose que doit faire une personne vivant au-dessus de ses moyens serait de réduire son train de vie et ensuite peut-être il pourra réduire son salaire, parce qu'il aura un budget équilibré et une certaine marge de manoeuvre. Or, quand on vit au-dessus de ses moyens, ce n'est pas en commençant par réduire son salaire, que l'on va pouvoir tourner. Or, c'est bien ce que vous proposez, car une baisse d'impôts revient à réduire les moyens de l'Etat, revient à réduire le «salaire de l'individu-Etat», qui ne peut ensuite plus payer ses charges, ses dépenses. En l'occurrence, vous empirez la situation.

Evidemment, nous pouvons discuter sur le fond. Il n'existe pas de dogme sur l'impôt, il doit permettre à l'Etat de fonctionner. Nous souhaitons maintenir la paix sociale en Suisse, nous souhaitons maintenir des conditions-cadre satisfaisantes pour l'économie, bien entendu. Mais pour cela, il faut aussi que les personnes aient les moyens de vivre décemment. Quand nous sommes dans une situation de déficit, il s'agit de faire des choix. Nous pouvons choisir de prendre de l'argent sur les plus pauvres, ce que vous souhaitez faire à maintes reprises - et, à titre personnel, je trouve que le prochain projet de loi, qui s'attaquera aux personnes ayant des retards d'impôts, va aussi toucher les plus faibles de la société, car souvent, les personnes ayant des retards d'impôts sont celles qui ont du mal à boucler leur budget mensuel. Mais ce n'est pas le cas de toutes les personnes qui sont en retard, je ne dis pas que cela est aussi simple.

Dans le présent projet de loi, on demande un effort de solidarité aux plus hauts revenus, aux personnes qui ont plus de 3 millions de fortune. Est-ce qu'un effort de leur part est véritablement indécent ? Au parti socialiste, nous ne le pensons pas. Nous pensons que les efforts doivent être partagés mais aussi proportionnés. Ce n'est pas la richesse des riches qui est indécente, c'est le fait de dire que les riches paient trop d'impôts, quand ils ont des moyens exceptionnellement élevés pour vivre, alors que d'autres sont dans la misère. C'est cela qui est indécent. Donc, comme en France, il est normal de demander aux plus riches de notre société qu'ils rendent une partie de leur richesse, par effort de solidarité collective. C'est une question de dignité, une question de solidarité élémentaire et c'est ce que les socialistes demandent pour une durée limitée, parce que les circonstances l'exigent. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de faire cet effort maintenant, de façon proportionnée et raisonnable, et de demander un effort aux personnes ayant une fortune supérieure à 3 millions de francs. Cela ne concerne pas tout le monde. Mesdames et Messieurs, merci d'accepter cette proposition de projet de loi.

Le président. Par décision du Bureau la liste est close. Reste la parole à MM. les députés Lussi, Leyvraz, les trois rapporteurs et M. le conseiller d'Etat.

Fin du débat: Session 11 (septembre 2012) - Séance 65 du 15.09.2012

M 1955
Proposition de motion de Mme et MM. Christina Meissner, Eric Bertinat, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Christo Ivanov, Patrick Lussi : Préservons la biodiversité de notre espace urbain !

La proposition de motion 1955 est retirée par ses auteurs.

Le président. Nous faisons la pause et nous reprenons à 10h.

La séance est levée à 9h45.