République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, Laurent Moutinot et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, Claude Aubert, Caroline Bartl Winterhalter, Fabiano Forte, Philippe Guénat, Janine Hagmann, Claude Marcet, Yves Nidegger et Louis Serex, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

IN 142-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 142 "Pour le droit à un salaire minimum"

Le président. En application de l'article 119 de notre loi portant règlement du Grand Conseil, le rapport du Conseil d'Etat sur cette initiative est renvoyé à la commission législative, qui statuera sur sa recevabilité.

Le rapport du Conseil d'Etat IN 142-A est renvoyé à la commission législative.

PL 10121-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de MM. Olivier Jornot, Christian Luscher modifiant la loi sur la police (LPol) (F 1 05) (Pour renforcer les libertés et restaurer la sécurité publique)
Rapport de majorité de Mme Nathalie Fontanet (L)
Rapport de première minorité de Mme Véronique Pürro (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Mathilde Captyn (Ve)

Premier débat

Le président. Nous passons maintenant à la première urgence votée tout à l'heure.

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Nous traitons ce soir un projet de loi qui avait été déposé en son temps par des libéraux. Il vise à instaurer une base légale qui permette à la police d'interdire l'accès de certaines zones à des personnes qui mettraient en péril la sécurité publique, participeraient à des transactions portant sur des biens dont le commerce est prohibé, ou encore importuneraient sérieusement des tiers. Il s'agit simplement, Mesdames et Messieurs les députés, de rendre l'espace public à la population, cette population qui a peur et qui estime que, parfois, le territoire est pris en otage par certains.

Cette mesure n'est pas une dérive des libéraux, car une disposition de ce type est déjà en vigueur depuis longtemps dans le canton de Berne. De plus, suite à un référendum, elle a été adoptée très dernièrement dans le canton de Zurich par 79% des votants. Et le week-end dernier, Mesdames et Messieurs, ces mêmes mesures ont été adoptées à Bâle-Ville et à Lucerne avec des taux records. Il ne s'agit donc pas d'une dérive, mais d'une réelle tendance, parce que ces mesures ont porté leurs fruits.

En traitant de cet objet en commission, nous avons entendu différentes personnes, notamment le commandant de la gendarmerie du canton de Genève, qui nous a confirmé l'intérêt de ces mesures. Il nous a rappelé que 20% à 30% de l'activité de la police consistait à faire respecter la tranquillité du public et que ces mesures permettaient aux gendarmes de disposer d'une base légale pour éloigner une personne ou un groupe qui perturberait l'ordre public.

Nous avons également reçu un courrier du commandant de la police bernoise qui est extrêmement intéressant, parce qu'il prouve finalement que ces mesures ont une grande utilité dans le travail quotidien de la police.

De plus, à la demande de l'ensemble de la commission, nous avons entendu l'association Première ligne, parce qu'il était important que ces mesures ne mettent pas en péril l'accès au local d'injection pour ceux qui en ont besoin. En effet, il ne s'agit pas d'empêcher certaines personnes d'accéder à leur local, comme il n'est pas question d'empêcher d'autres personnes de se rendre à leur lieu de travail. Du reste, Première ligne nous a rappelé la nécessité que ces mesures n'interdisent pas l'accès au local. Cette association nous a surtout dit que, dans le domaine du droit des étrangers, où de telles mesures sont déjà en vigueur, la police avait toujours géré la question de façon très intelligente et que cela n'avait habituellement pas mis en péril l'accès au local d'injection pour les personnes concernées.

Alors nous dire aujourd'hui que ce projet est liberticide... Eh bien non ! Mesdames et Messieurs, l'étude en commission en a fait la preuve: il n'a rien de liberticide. Il permettra simplement à la population de pouvoir se déplacer sans avoir peur.

Je vous remercie de votre attention et reprendrai la parole plus tard.

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il convient peut-être de vous rappeler que cette mesure existe déjà pour une partie des habitants de notre territoire - il s'agit des étrangers - et que l'évaluation qui en a été faite est très contrastée. Je crois que les habitants des quartiers concernés peuvent en témoigner, le problème n'a été en fait que déplacé d'un quartier vers l'autre. Cela paraît assez logique: si l'on interdit à certaines populations pour x raison de se rendre sur un territoire donné, elles iront juste à côté, là où elles ne sont pas interdites de zone. Par conséquent, l'évaluation de la mesure - qui existe déjà, je le rappelle - est très contrastée.

Les socialistes ne nient pas le problème; effectivement, on ne peut pas nier que, dans certains quartiers, la situation soit très tendue et qu'il faille agir - ce que, je crois, la police fait déjà. Mais les mesures purement sécuritaires, comme celles que les libéraux et la majorité de la commission - et, j'imagine, du Grand Conseil, hélas ! - s'apprêtent à adopter, ne font finalement que masquer ou déplacer les véritables problèmes. Ces problèmes, je le répète, existent réellement, et nous devons imaginer des réponses non pas uniques, mais multiples. En effet, comme vous l'avez rappelé, l'association Première ligne, que nous avons auditionnée, s'est fait le plaisir de parler de l'originalité de la politique genevoise - et suisse - qui est d'avoir développé toute une série d'actions qui vont de la prévention à la répression, cette dernière n'étant qu'un moyen parmi d'autres.

Pour nous, il est donc plus important de renforcer les mesures de prévention et les forces de police de proximité, avant de vouloir prendre des mesures qui ne s'avèrent pas - aujourd'hui déjà - très concluantes.

Voilà les raisons, Mesdames et Messieurs les députés, pour lesquelles les socialistes vont refuser ce projet de loi qui, s'il parle d'un véritable problème, n'est pas en mesure d'y répondre correctement.

Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, qu'est-ce que ce projet de loi ? Il vise, d'après ses auteurs, à lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants. Soit ! Le problème est que dans la réalité, comme l'a dit ma préopinante, il n'a pas été constaté de baisse du trafic de stupéfiants après l'instauration des mesures d'exclusion de zones, à l'époque où Mme Micheline Spoerri était à la présidence du feu département de justice et police.

L'audition de l'association Première ligne nous a permis de confirmer ce point de vue. Je la cite: «Suite à l'assainissement du périmètre de la gare en 2004, le problème s'est vu reporté. Le souci d'améliorer la situation de certains quartiers peut conduire à transférer les problèmes vers un autre quartier.» C'est donc une mesure qui vise simplement à déplacer les problèmes dans l'espace, comme cela a été constaté tout dernièrement à grand battage médiatique au sujet du trafic de drogue aux Eaux-Vives et aux Pâquis. Il est donc assez inefficace de proposer cette mesure dans le but de «renforcer les libertés et restaurer la sécurité publique».

Les auteurs nous ont ensuite précisé que les mesures d'éloignement ne pouvaient s'appliquer qu'aux manifestations non autorisées qui troublent l'ordre public. Ouf, on est rassuré ! Mais qui organise des manifestations non autorisées ? Là, évidemment, cela devient intéressant. Il semble, d'après les auteurs, que les organisateurs de manifestations non autorisées recoupent un grand nombre de personnes: les jeunes qui se rassemblent dans les préaux d'école ou dans les parcs, par exemple; les jeunes qui se trouvent aux arrêts de tram et de bus, ou encore qui se réunissent autour d'un banc, etc. Les jeunes qui... glandent, quoi ! Mais les vieux qui vagabondent, pourraient-ils, eux, constituer hypothétiquement des manifestations non autorisées qui troubleraient l'ordre public ?! Tout ce que je peux dire, c'est que, heureusement, nous ne sommes pas en Italie, parce que j'en reviens et j'ai eu l'occasion de beaucoup apprécier toutes ces manifestations non autorisées de gens dans la rue qui, c'est vrai, pourraient d'un certain point de vue constituer une atteinte à l'ordre public... par la vivacité de leurs discussions !

Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris: les Verts s'opposent à ce nouvel outil sécuritaire et clairement anti-jeunes. Le cadre légal actuel est déjà bien fourni en mesures répressives. Le commandant de la gendarmerie, M. Cudré-Mauroux, nous a d'ailleurs confirmé lors de son audition que la police estime avoir de bons outils à disposition en matière de rassemblement.

Un dernier point: c'est effectivement à force d'appliquer ce genre de mesures qu'il n'y aura plus grand monde dans la rue, chacun marchant rapidement pour rejoindre sa maison, tout seul - et filmé par des caméras de vidéosurveillance, soit dit en passant. Quand plus personne ne se reconnaîtra dans la rue, ne se rencontrera, ne s'arrêtera pour se parler, alors là, nous aurons vraiment peur. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. J'aimerais au nom de tous souhaiter un excellent anniversaire à notre conseiller d'Etat François Longchamp ! (Applaudissements.) Et saluer à la tribune notre ancien collègue, le conseiller national Christian Luscher ! (Exclamations. Applaudissements.)

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on a entendu les rapporteuses de minorité parler de dérive sécuritaire... Non, Mesdames ! Il ne s'agit pas de dérive sécuritaire. Et il ne s'agit pas non plus de dire que ces mesures d'éloignement vont apporter une sécurité parfaitement efficace. Cependant, rappelez-vous les zones de non-droit que nous avons eues dans notre pays, et jamais à Genève, de par la volonté du Conseil d'Etat dans ses mesures relatives au trafic de drogue. Ainsi, à Berne et à Zurich, que s'est-il passé ? Pour pouvoir contrôler la drogue, on a laissé des zones de non-droit. Mais les autorités de ces deux cantons se sont rendu compte que, finalement, leur expérience était absolument contraire à la sécurité publique. Et ils ont dû dépenser beaucoup de forces, d'énergie et de moyens pour mettre fin à ces trafics impunis de drogue dans deux secteurs bien connus, dont le Letten.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, n'enlève rien à la liberté individuelle. Absolument rien ! Vous pouvez voir que, dans certains quartiers habités de nos communes, il y a constamment des troubles de l'ordre public, qui agacent la population. Et l'on a pu constater que, dans d'autres cantons - fort heureusement, pas encore à Genève - des gens en avaient tellement marre - excusez-moi l'expression - qu'ils en sont venus à se bagarrer, voire, à un certain moment, à utiliser des armes.

Ce projet de loi vise justement à prévenir ce genre de situations, en tentant de mettre fin à des troubles réels de la tranquillité publique dans des endroits bien déterminés de notre canton. Si des jeunes sont dans un préau d'école et qu'ils ne dérangent pas le voisinage, qu'ils ne commettent pas de déprédation, personne ne va les déloger ! Mais dès le moment où, dans des préaux d'école, des personnes commettent des actes de vandalisme, qui coûtent des dizaines de milliers de francs aux communes, la police peut intervenir: elle va interpeller différentes personnes, mais jamais elle n'aura de moyens suffisamment importants pour dissuader les vandales de saccager des lieux publics.

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est intéressant parce qu'il donne un moyen - un moyen supplémentaire. Comme on l'a dit, des cantons suisses alémaniques ont, par un vote populaire, estimé nécessaire de prendre des mesures de sécurité. Vous le savez, j'ai travaillé dans ce domaine-là. Il ne s'agit pas d'être arbitraire, mais simplement de mettre fin à des troubles que la population n'accepte pas.

Dans son rapport de minorité, Mme Pürro dit qu'il faut renforcer la présence policière sur le terrain et être plus sévère vis-à-vis des infractions. Bien sûr, Madame Pürro ! Je vous suis dans ce domaine-là ! Mais c'est un peu un leurre, actuellement, parce que les policiers vont éteindre l'incendie et repartir. En effet, les postes de gendarmerie ont eu, en 2008, quelque deux cents interventions et réquisitions journalières ! C'est dire que, courir de droite à gauche, cela ne suffit pas. Lorsque les policiers vont à un endroit, c'est pour faire respecter l'ordre public, et ce projet de loi est un atout supplémentaire pour justement faire respecter cet ordre public.

En conséquence, le parti démocrate-chrétien vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il vaut parfois mieux être sourd que d'entendre ce que l'on entend... (Commentaires.) Je sais que c'est vrai ! Mais vous savez que l'on ne dit que des vérités dans ce côté-là de l'hémicycle, et ces vérités déplaisent parfois...

Certains disent sur un ton ironique, en essayant d'avoir de l'esprit: «Oui, mais alors tous les jeunes qui attendent à l'arrêt du tram constitueraient des manifestations non autorisée; et de même dans les préaux d'école...». Mais de qui se moque-t-on en disant cela à la population ?

Pourquoi n'allez-vous pas donner des explications à ces parents dont la fille de deux ans a mangé une amphétamine dans un préau d'école, croyant que c'était un bonbon, et est tombée dans le coma, tout cela parce que des dealers de drogue se réunissent la nuit dans les préaux ?! Pourquoi n'allez-vous pas dire en face aux parents: «Mais écoutez, ce n'est pas grave, ces pauvres drogués, il faut bien qu'ils se rencontrent quelque part ! Et s'ils font un peu de commerce de produits non autorisés, ma foi, ce n'est pas grave: on travaille à dépénaliser toutes les drogues !» Car c'est un peu cela, le genre de société que vous nous proposez !

Laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le 14 février - jour de la Saint-Valentin, comme vous le savez - je suis allé avec mon épouse à la rue du Rhône, donc au centre-ville, dîner dans un restaurant pour célébrer la fête des amoureux. (Brouhaha.) Or je n'étais pas parqué depuis quinze secondes que deux personnes - dont je ne dévoilerai pas les origines, pour ne pas que l'on nous accuse de tous les maux - sont venues vers ma voiture pour me vendre de la drogue ! Mais c'est cela, la Genève que vous voulez proposer à la jeunesse ?! C'est cette Genève-là que vous voulez ?! En tout cas, pour nous, Mouvement Citoyens Genevois - et, je pense, pour une majorité de ce parlement - ce n'est définitivement pas la société que nous voulons pour Genève.

Certes, les zones d'exclusion ne sont peut-être pas la panacée. Mais si l'on peut étendre ces zones et renvoyer de l'autre côté de la frontière ces zonards et autres petits dealers qui viennent principalement d'Annemasse... (Brouhaha.) ...eh bien nous, nous en serons très satisfaits. Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un sentiment d'insécurité, mais bien d'une réelle insécurité.

Et, Mesdames les rapporteures de minorité, dont certaines briguent un poste au Conseil d'Etat - peut-être même le département des institutions - vous irez aussi donner des explications à cette famille dont le père s'est fait assassiner à coups de couteau au quartier de la Servette il y a deux semaines parce qu'il avait demandé à des jeunes qui dérangeaient l'ordre public de s'en aller. Voilà en fait la société que vous, vous prônez. Eh bien c'est honteux ! Et moi j'ai honte aujourd'hui, vis-à-vis des gens qui nous écoutent, d'avoir entendu les propos que vous avez tenus.

En conclusion, nous, MCG, soutiendrons ce projet de loi, parce qu'il est bon et qu'il va dans le sens d'une Genève où la sécurité serait rétablie dans ces zones de non-droit. Je veux notamment parler - et c'est aussi la responsabilité du Conseil d'Etat ! - de l'endroit qui s'appelle «l'Usine». Je vous invite ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, quand nous aurons fini la séance, à simplement passer en voiture à 15 km/h aux environs de l'Usine: vous verrez le nombre de personnes qui viennent vous proposer de la drogue. C'est absolument délirant. Voilà la Genève que vous proposez ?! Eh bien nous, nous disons non à cette Genève-là ! Oui à plus de sécurité ! Oui à la sécurité de nos enfants ! Faisons en sorte que les préaux d'école ne deviennent pas, la nuit, des lieux d'échange et de commerce de drogue ! J'en ai terminé pour l'instant.

Mme Loly Bolay (S). Je précise que le parti socialiste ne tient pas du tout à minimiser un problème, même si dans certains bancs de l'hémicycle, comme en face, on essaie de l'augmenter. Il y a un problème de drogue à Genève, c'est évident. Mais ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, ne va absolument pas le résoudre. Il existe aujourd'hui tous les outils nécessaires afin de pouvoir mettre les mesures en place. D'ailleurs - cela a été dit tout à l'heure par une rapporteure de minorité - je rappelle que des assignations territoriales ont été mises en place par Mme Spoerri. Or qu'ont-elles donné ? Des trafics de drogue continus.

Mais le problème, Mesdames et Messieurs, n'est pas là. En réalité, il y en a plusieurs. Tout d'abord, on sait que la police, la gendarmerie notamment, est aujourd'hui en sous-effectif. Pourtant, ceux qui viennent légiférer pour donner encore plus de travail à la police sont les mêmes qui, lorsque l'on vote les budgets, font des coupes, de sorte que l'on ne peut plus engager tout le personnel nécessaire. Nous, nous avons toujours dit qu'il fallait renforcer les dispositifs policiers et avoir la présence d'une police citoyenne dans les rues de Genève, mais nous ne sommes jamais écoutés.

J'aimerais ensuite souligner un point: il faut distinguer le problème des drogués - malades - qu'il faut soigner. D'ailleurs, l'association Première ligne - on en a parlé tout à l'heure - est venue nous dire le travail immense qu'elle fait sur le terrain depuis des années et ce qu'elle est arrivée à mettre en place avec la police. En outre, elle nous a parlé du travail admirable qu'accomplit la police dans ce domaine-là pour aider ces personnes malades à se soigner, notamment via le Quai 9. En effet, il existe des jeunes qui ont été pris dans l'engrenage de la drogue, et il faut les soigner ! Il ne faut pas les traiter comme des pestiférés, parce que ce fléau peut toucher n'importe quelle famille ! Alors ces gens-là, il faut les aider, et ne pas les traiter de cette façon !

D'autre part, il y a une autre chose à faire, mais l'on ne vous entend pas sur ce point. Je peux comprendre - de même que le parti socialiste - les doléances des habitants des Eaux-Vives, lorsque l'on parle du trafic de drogue dans ce quartier. Nous les entendons bien ! Mais ce projet de loi, que va-t-il faire ? Il va transférer le trafic des Eaux-Vives à Onex, ou partout ailleurs... Et les gens qui viennent en voiture - en Cadillac, Porsche, etc. - acheter à Genève cette came de mort, ils continueront à venir l'acheter, Mesdames et Messieurs les députés ! Pourquoi ? Parce que, tant qu'on laissera ces marchands de mort vendre leur marchandise à Genève, il y aura toujours de petites mains pour la produire ! Il faut donc tarir la source ! Et tant que nous n'arriverons pas à tarir la source de ces marchands de mort, on ne pourra rien. Vous pouvez rédiger et déposer tous les projets de lois que vous voulez pour transférer ces problèmes ailleurs, mais rien n'y fera !

Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, socialistes, il est important d'aller en amont des problèmes pour tarir les sources, et non en aval, comme vous le faites avec ce projet de loi. Je le répète: c'est un écran de fumée. Aujourd'hui déjà, dans tous les législatifs, des mesures sont prises pour endiguer ce phénomène. Donnons-nous la volonté de le faire ! En conclusion, le parti socialiste ne veut pas se donner bonne conscience avec un projet de loi qui restreint les libertés des autres et vous demande donc de le refuser. (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il fait bon vivre à Berne. Depuis dix ans, on peut manifester, se promener, des groupes de jeunes peuvent s'amuser: il n'y a pas de problème. Je connais bien Berne, comme beaucoup de personnes, et ce projet de loi s'est inspiré de ce qui s'y passe, puisque cela a porté ses fruits.

Quand nous avons auditionné la police, elle n'a pas sauté sur ce projet de loi en disant: «Voilà, c'est exactement ce qui va résoudre tous les problèmes !» C'est une mesure supplémentaire, laquelle va inciter les gens à ne pas récidiver - cela été dit en commission. Je vous rappelle que les personnes visées sont principalement les bandes violentes, les trafiquants, les vendeurs et les acheteurs de drogue. Ce sont ces personnes-là qui sont visées dans ce projet de loi. Le but est ainsi de rendre le domaine public au public.

Avec ce projet, le parti radical ne souhaite pas donner un chèque en blanc à la police. Bien évidemment, nous observons toujours le travail de cette dernière, parce qu'il est important de suivre les projets de lois que l'on met en application. Mais nous avons pleine confiance en la police: nous sommes certains que les policiers sont professionnels et qu'ils sauront user avec parcimonie de ce projet de loi, raison pour laquelle le parti radical soutient ce texte.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui me dérange le plus, c'est que les personnes qui veulent nous interdire de fumer dans les cafés parce que cela les incommode sont les mêmes qui incitent les dealers à continuer leur trafic dans les rues. Mais la démocratie, plus qu'aucun autre régime, exige l'exercice de l'autorité. Et si la nature a fait l'homme heureux et bon, la société le déprave et le rend misérable. Si c'est la raison qui fait l'homme, c'est le sentiment qui le conduit. Le jour est paresseux, mais la nuit est active, et vous le savez très bien.

J'aimerais encore vous dire qu'il faut prendre en compte la peur de nos concitoyens, qui se plaignent de l'insécurité à Genève. Il faut entendre les gendarmes, pas seulement les écouter. Ils sont en sous-effectif, on l'a dit, et se font agresser physiquement et verbalement. Est-ce cela que vous souhaitez pour notre république ?! Quel message donnez-vous aux jeunes et aux parents ?

Tarir les sources de la drogue ? Excusez-moi, mais j'ai envie de sourire - même si ce n'est pas drôle - car vous ne le pourrez jamais. Ce sujet est extrêmement tabou, et il y a beaucoup trop de personnes influentes qui y ont accès en toute liberté et en toute discrétion. Et tant que ces gens seront là, vous ne pourrez jamais empêcher les dealers et les personnes qui sont en dessous d'eux. La drogue ramène aussi énormément d'argent pour certains lobbies, et vous le savez. Ce n'est malheureusement pas l'intelligence humaine, mais l'argent qui gouverne le monde. Cependant, la vérité n'est jamais bonne à dire.

Je pense qu'il est tout à fait normal de vouloir améliorer la sécurité de nos concitoyens, d'essayer d'éduquer un peu mieux nos enfants, de rassurer nos parents - et ceux qui vont le devenir - et d'avoir envie de se promener librement à Genève sans avoir peur et sans devoir rester enfermé chez soi. En effet, on dit que l'on doit pouvoir sortir et créer des liens, parce que tout le monde est devant son ordinateur, mais il n'est pas agréable de sortir se promener au bord du lac et de se faire systématiquement accoster par des dealers qui vous demandent si vous cherchez de la drogue. Alors je suis désolée, mais il y a des endroits où il ne fait pas bon se promener, et malheureusement ces lieux-là attirent énormément de tourisme à Genève.

En conclusion, il vaut mieux ne pas réfléchir du tout que de ne pas réfléchir assez et, quant à moi, je soutiendrai ce projet de loi.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, Rousseau a été cité, et tout a été dit, ou presque. M. Stauffer s'est exprimé, si bien que les auteurs du projet de loi finissent par douter eux-mêmes de la validité de ce qu'ils ont proposé. (Rires.) Revenons à ce qui fait l'essentiel de ce projet de loi, concocté notamment avec l'aide de celui qui est aujourd'hui conseiller national, M. Luscher, que je salue à mon tour depuis ma place sous la tribune.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, répond à un besoin qui découle du constat suivant: pour que nos concitoyens mènent une vie correcte et normale dans notre ville, il ne s'agit pas seulement d'arrêter des délinquants, mais aussi de faire en sorte que, en dessous du seuil de criminalité, un certain nombre de personnes ne s'approprient pas le domaine public pour en faire ce qu'elles veulent, et qu'elles ne l'accaparent pas au point d'en chasser des gens qui, comme vous et moi, souhaitent simplement pouvoir marcher en ville sans avoir à changer de trottoir ou à contourner le carrefour de Rive afin de ne pas le traverser - pour prendre ce seul exemple. Ces gens qui considèrent qu'une école est un endroit où l'on va croiser des bambins, et non un lieu que l'on devra contourner pour éviter de tomber sur le dernier botellón qui s'y déroule; des gens qui considèrent que les parcs publics ne sont pas des lieux de rassemblement de personnes qui s'y adonnent à toutes sortes d'activités plus ou moins légales, mais que ce sont tout simplement des parcs publics; des gens qui considèrent encore que, lorsqu'il y a trafic de stupéfiants, il y a un vendeur, mais aussi un acheteur. Et M. Moutinot ne me contredira pas, lui qui, l'an dernier, a lui-même annoncé une stratégie visant aussi à s'occuper des consommateurs, parce qu'il est assez inimaginable que notre ville soit un grand marché régional de stupéfiants dans lequel on peut venir s'approvisionner sans craindre les moindres représailles.

Sur ce point-là, d'ailleurs, j'aimerais dire à Mme Bolay qu'il est hors de question de remettre en cause la politique des quatre piliers, comme il est hors de question, par ce projet de loi, d'empêcher les acteurs de ce domaine de faire leur travail, qui est admirable. Il s'agit simplement d'empêcher que la consommation récréative de stupéfiants trouve dans notre canton un accueil enthousiaste et à bras ouverts.

On a cité à plusieurs reprises l'expérience bernoise. Eh oui, l'expérience bernoise est parfaitement réussie ! Les forces de police et les autorités politiques sont satisfaites de disposer de ce moyen, et elles nous l'ont dit. Et cela a entraîné une série de votes, Mme Fontanet en a parlé tout à l'heure. A Zurich, on a dit oui à ces mesures à 75%. A Lucerne, le week-end dernier, il y a eu 78% de oui, avec préavis favorable du parti socialiste local. A Bâle-Ville, on a dénombré 79% de oui. Pourquoi ces scores extrêmement importants ? Tout simplement parce que chacun se rend compte que cet instrument est nécessaire. Et c'est la raison pour laquelle les cantons, les uns après les autres, l'acceptent.

Ce projet de loi est-il répressif, Mesdames et Messieurs les députés ? A peine. A peine ! Puisqu'il s'agit simplement d'empêcher l'accès à une zone limitée pendant une période réduite de vingt-quatre heures, laquelle peut être prolongée lorsqu'il y a, par exemple, récidive. Tous les moyens de droit sont garantis. Les possibilités de recours sont même rappelées dans la loi. Grâce à des amendements du parti démocrate-chrétien adoptés en commission, on s'est assuré que toutes les personnes qui appliqueraient ces mesures seraient sujettes à un contrôle permettant aux gens de se plaindre de leur activité. On s'est en outre assuré que seuls des officiers de police puissent prononcer les mesures écrites d'éloignement. Nous avons donc, au final, un projet qui est extrêmement peu répressif.

J'ai été stupéfait par les rapports de minorité. Pas tellement par celui de Mme Pürro, parce que je n'ai tout simplement pas compris ce qu'elle avait envie de nous dire, si ce n'est qu'elle est contre ce projet de loi. Elle nous explique ce soir que, en effet, il s'agit d'empêcher que les gens se déplacent d'un endroit à l'autre. Mais précisément, il ne s'agit pas des mesures de droit fédéral qui visent à lutter contre les trafics de stupéfiants et qui portent systématiquement sur les mêmes zones. Il est question ici de pouvoir faire du travail fin, par exemple à proximité de parcs publics ou d'écoles, dans des cas particuliers, et sans avoir une vision schématique.

Quant à Mme Captyn, j'aimerais lui dire que j'ai été, au contraire, très heureux de lire son rapport. En effet, quand je lis: «Nous ne vivons apparemment pas dans la même réalité, car ce projet de loi se base sur un besoin de sécurité [...] que nous ne partageons pas», je suis content de voir que, effectivement, nous avons des adversaires dans ce parlement qui ne partagent le besoin de sécurité ni de la majorité ni de la population. C'est bon à savoir ! Mais que jamais - jamais ! - les Verts ne viennent prétendre qu'ils s'intéressent à la sécurité de la population genevoise. Nous, nous sommes du côté des citoyens de ce canton, qui désirent pouvoir être libres et responsables sur leur territoire, et qui souhaitent par conséquent que, avec nous, vous votiez ce soir ce projet de loi.

Une voix. Bravo Olivier ! (Applaudissements.)

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC a toujours été très attachée aux problèmes sécuritaires. Or nous constatons que, malgré l'adoption de nombreuses lois, venant tant de nos rangs que d'autres rangs voisins et amis, la loi est malheureusement toujours bafouée aujourd'hui. Il vous suffit de vous rendre dans les Rues-Basses le matin, entre Rive et la Cité, pour voir le nombre de mendiants qui quémandent déjà à 8h, avec leur petit gobelet et leur canne. On remarque ainsi que, malheureusement, plus on vote de lois, moins le pouvoir exécutif les fait appliquer. On peut donc s'interroger sur la nécessité de continuer à en voter, sachant que l'Etat fait fi de toutes ces lois que nous adoptons au gré des mois qui passent et ce, malgré les attentes de nos concitoyens.

La nouvelle loi que l'on nous propose aujourd'hui concerne des mesures d'éloignement, lesquelles sont tout à fait nécessaires - et je vous dirai que je suis bien placé pour en parler, car j'ai critiqué certains aspects de cette loi. Il faut peut-être admettre que, avec une pléthore de lois, on finira tout de même par en accepter quelques-unes, et surtout par les faire appliquer. En effet, le problème - et je me tourne vers M. le conseiller d'Etat Moutinot - est que, aujourd'hui, lorsqu'on dépose une interpellation urgente pour dire qu'il existe des mendiants dans les rues et qu'il y a des agressions dans le parking de Cornavin - certains d'entre vous ont malheureusement déjà dû en subir - ainsi que dans celui qui se trouve près de la place du Molard, on nous répond que les services compétents font leur travail... Mais ce n'est pas vrai, Mesdames et Messieurs les députés, le travail n'est jamais fait ! J'ai croisé hier deux patrouilles de police l'une à côté de l'autre. Il y avait dix mendiants, mais les conducteurs des deux voitures de police discutaient gentiment au feu rouge et rien ne se faisait. Par conséquent, on dépose des projets de lois de plus en plus sévères pour avoir enfin la liberté de se déplacer simplement en ville sans être agressé, mais malheureusement rien ne se fait.

J'étais un peu sceptique à l'égard de ce projet de loi d'éloignement, parce qu'il était malheureusement trop général - Mme la rapporteure de majorité me regarde et sait très bien ce que j'en pense - dans la mesure où il prévoyait d'une manière indistincte l'éloignement de rassemblements sur la voie publique. Effectivement, comme l'a dit mon collègue Jornot, la voie publique appartient à tout le monde, et non pas seulement à des groupements de trafiquants de drogue, des marchands de mort, ou à d'autres manifestants encapuchonnés munis de cutters ou de couteaux venant de banlieues proches de Genève. Toutes ces bandes doivent être dissoutes et laisser le passage, ou en tout cas le libre accès, aux quais, à la place du Molard et à Rive.

Je vois Mme Captyn bouger la tête. J'aimerais qu'elle sache que ce ne sont pas des lois anti-jeunes. Je dois dire que mes fils - j'en ai deux - ont été agressés chacun trois fois. Et je dois reconnaître que chaque citoyen - et d'abord les jeunes, qui rentrent tard le soir - a le droit de circuler à 2h du matin à Genève sans courir le risque d'être menacé, voire purement et simplement dépouillé.

Ce projet de loi, après y avoir réfléchi, me semble parfaitement bon, dans le sens où, dans un respect de la proportionnalité et de la subsidiarité, ces mesures d'éloignement sont en fait très relatives, puisque la loi prévoit un éloignement de vingt-quatre heures. Au départ, j'étais un peu négatif quant à ces mesures; je me disais que cela donnait un trop grand pouvoir à la police, avec la possibilité d'arrêter de manière indéterminée des groupements sur la voie publique. Mais, tout compte fait, je m'aperçois que, quand bien même il pourrait y avoir des problèmes de proportionnalité, ces mesures ne sont prises que pour vingt-quatre heures. Faut-il encore qu'elles soient prises, d'ailleurs ! Lorsqu'on voit le manque de diligence concernant la loi sur la mendicité... En effet, cette loi n'étant pas respectée, on peut se demander comment celle-ci le serait mieux.

Cependant, pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande de voter ce texte. Cela ne fera qu'une loi de plus à faire respecter, et je souhaite de tout mon coeur pour nos concitoyens que les services compétents veillent à son respect. Du reste, vous savez qu'un autre projet de loi permettra de joindre les ASM à certains corps de police. J'ose espérer que, avec ces réunions de policiers municipaux et cantonaux, on puisse enfin se promener le soir sur les quais et à la place du Molard. En conclusion, je vous demanderai d'approuver ce projet de loi tel qu'il est.

M. Alberto Velasco (S). A vous écouter, Monsieur Wasmer, on dirait qu'on ne peut pas se déplacer dans les rues de Genève aujourd'hui. En effet, je vous ai entendu dire que, à partir d'un certain moment, on ne peut plus circuler, que les rues sont encombrées et qu'il y a un danger... Personnellement, je vous garantis que, dans mon quartier - qui est un quartier populaire - je circule à toutes les heures et je n'ai jamais été attaqué, je n'ai jamais eu de problème. Je ne sais pas où vous habitez, mais je crois que c'est du côté de Champel... (Remarque.) Voilà, du côté de Champel.

Je pense, chers collègues, que ce sont plutôt les libertés qui renforcent la démocratie. Ce n'est pas le contraire. Quand on commence à limiter les libertés comme vous le faites, c'est là que l'insécurité s'installe. (Commentaires.) Exactement ! Et pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Vous n'avez évoqué que le problème de la drogue. Mais les gens qui ont concocté ce projet de loi l'ont fait très intelligemment, et il ne s'agit pas seulement de drogue ! Je vous cite l'alinéa b) de l'article 22A: «elle-même ou un rassemblement de personnes auquel elle participe importune sérieusement des tiers ou empêche sans motif l'usage normal du domaine public.» Tout est donc compris ! Vous me direz: «Non, mais cela ne concerne pas les manifestations.» Excusez-moi, mais c'est une attaque concrète à la liberté de manifester ! Sous couvert de protéger les citoyens, vous vous attaquez à un principe fondamental de la démocratie: pouvoir manifester son opinion dans le domaine public. Oui, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi sous-tend cela. (Commentaires.) Exactement, vous pouvez me dire le contraire ! Ainsi, avec ce projet de loi, vous vous attaquez à la démocratie... évidemment, sous couvert de la drogue.

Alors prenons cette question-là. Je suis allé à Champ-Dollon, comme vous, Monsieur Stauffer. (Exclamations.) Mais pas dans les mêmes conditions ! Moi, j'y suis allé comme visiteur... (Rires. Commentaires.) Vous aussi, d'ailleurs, avec moi. J'ai interrogé des personnes qui finissaient leur peine et, étonnamment, elles avaient l'angoisse de sortir. Quand je leur ai demandé: «Mais pourquoi avez-vous l'angoisse de sortir ? C'est bien de retrouver la liberté !», elles m'ont répondu: «Oui, Monsieur ! Le problème est que je sors mais que je n'ai pas de travail. Et, sans travail, au bout d'un moment, je vais retomber dans la délinquance.» Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le problème: aujourd'hui, on vit une époque très difficile, et qui va l'être encore bien plus. Ce sera encore plus difficile ! Ainsi, lorsqu'on n'arrive pas à insérer les citoyens et les citoyennes, ou les habitants de notre canton, grâce à une activité digne de ce nom, ils font n'importe quoi pour s'en sortir. Et, malheureusement, ils commettent des actes répréhensibles et se retrouvent alors là où vous savez. Les uns volent, les autres s'adonnent à la drogue, c'est vrai.

Vous savez, vous pouvez jour après jour éloigner les personnes, mais elles reviendront ! Tant qu'elles ne seront pas insérées dans la société, tant qu'elles n'auront pas de travail, tant qu'elles n'auront pas une vie digne, tant que la société ne pourra pas leur offrir une telle vie, elles recommenceront. Et qu'est-ce que vous ferez ? On construira une nouvelle prison de cinq cents places, comme on va bientôt le faire ? On augmentera toujours et toujours le nombre de policiers, et ainsi de suite ? C'est cela, votre solution ? Et, en plus, vous concoctez des projets, comme celui-ci, qui sont inapplicables ! En effet, même la police le dit: «Oui, c'est un instrument, mais il est peu applicable.»

En commission, j'ai tout de même posé la question suivante: supposons qu'une personne habitant dans un quartier soit interpellée par la police pour x raison et que celle-ci l'en éloigne. Cette personne - cet adolescent - ne pourra plus rentrer chez elle ou chez ses parents pendant une semaine ?! Mais c'est quoi, cette histoire ? Alors où va-t-elle aller ? C'est une question qui s'est posée en commission et à laquelle, Mesdames et Messieurs, vous n'avez pas répondu !

Une voix. Si !

M. Alberto Velasco. Non, on n'a pas répondu à cette question... (Remarque.) Et voilà. Donc oui, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est totalement liberticide. C'est une limitation de nos libertés, que vous le vouliez ou non. C'est une limitation de la liberté des citoyens et des citoyennes. Et ce n'est pas le premier projet de ce genre que vous déposez. Ce n'est pas le premier dont on discute à la commission judiciaire ! Il y en a encore deux qui sont en train d'être traités. Effectivement, on est à une époque où il faut déposer des projets de lois pour des raisons populistes et non pas pour amener des solutions à notre situation économique. C'est difficile, j'en conviens ! Je conviens qu'il est plus ardu de proposer des projets de lois visant à apporter des solutions à notre société que des projets qui limitent les libertés.

Je finirai par là, Mesdames et Messieurs les députés. L'Histoire nous enseigne quelque chose d'incroyable. A chaque crise économique grave à laquelle notre continent a succombé, dans des situations que l'on ne veut pas se remémorer - relisez un peu l'Histoire, Mesdames et Messieurs - les libertés démocratiques ont commencé peu à peu à être «coupées» en petits morceaux. On ne s'en rendait pas compte: c'était au nom de la protection des citoyens. Regardez ce qui s'est passé en 36, Mesdames et Messieurs, souvenez-vous de ce qui s'est produit en Allemagne et dans d'autres pays ! Vous verrez comment les choses ont commencé. Petit à petit, au nom de la sécurité du citoyen, les gens se sont réveillés un beau jour et n'avaient plus de liberté. Voilà ce qui arrive avec de tels projets de lois.

Une voix. Bravo Alberto !

M. Eric Stauffer (MCG). J'aimerais vous faire partager une expérience que j'ai faite en accord avec M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot: lorsqu'il y a eu le point culminant du problème de la drogue aux Eaux-Vives, le MCG a véritablement pris cette problématique à bras-le-corps... (Brouhaha.) ... et nous sommes allés voir comment cela se passait. Le chef de la brigade anti-drogue - la task force, comme on l'appelle - M. Cartier, homme d'exception s'il en est, m'a invité à venir passer une nuit en opération avec eux, dans notre cité de Calvin, pour voir le travail accompli par les forces de l'ordre. C'est ainsi que, en accord avec M. le conseiller d'Etat, votre serviteur s'est équipé et est parti en opération... (Commentaires. Rires.) ...avec les inspecteurs de la sûreté. Laissez-moi vous dire que, malgré le fait que je suis né à Genève, que j'ai grandi à Genève et que j'y ai vécu quasiment toute ma vie, cette nuit-là, j'ai réussi à être choqué par ce que j'ai vu et constaté dans notre ville. En une nuit, nous avons procédé à onze arrestations de dealers...

Des voix. Bravo ! Bravo ! (Applaudissements. Commentaires. Rires.)

M. Eric Stauffer. Dix d'entre eux étaient des réfugiés politiques - ou pseudo-réfugiés politiques... (Commentaires.) C'est la réalité ! - et un était français. (Exclamations.) J'aimerais vous dire, puisque nous avons entendu un peu tout et n'importe quoi d'une certaine gauche, qu'il est nécessaire pour ces policiers de prendre quelques risques face à ces dealers de drogue. En effet, ils ont compris le système: les dealers ont des boulettes qu'ils avalent car, ce faisant, il n'y a pas de flagrant délit, parce qu'ils n'ont plus de stupéfiants sur eux. J'ai vu la manière dont cela se passe, j'ai vu l'un de ces dealers de drogue vomir une dizaine de boulettes de cocaïne... (Exclamations.) ...sur le trottoir, au centre-ville de Genève.

Laissez-moi vous dire les conséquences de l'arrestation de ces gens. Huit d'entre eux sont ressortis après quatre jours, dont la moitié a été arrêtée la semaine suivante au même endroit, faisant le même commerce. Parce qu'ils avaient des quantités un peu plus importantes, trois d'entre eux ont été incarcérés à Champ-Dollon - certains y sont restés un peu plus longtemps - et le dernier a été remis à un autre canton, puisqu'il n'avait rien à faire sur le territoire genevois, son papier de réfugié politique étant du canton de Berne.

Finalement, Mesdames et Messieurs, ce que vous nous proposez, c'est de ne pas établir de zones d'exclusion, c'est de ne rien faire, parce que vous dites que la solution n'est pas bonne. Mais je n'ai pas vu beaucoup de projets de lois des socialistes visant à apporter des solutions ! Par contre, pour les critiques, vous êtes champions du monde: «Ce n'est pas bien, il faut prendre le problème de fond, vous comprenez. Ces gens, il faut les soigner...» Bien sûr que les toxicomanes, il faut les soigner ! Mais ce projet de loi ne dit pas qu'il ne faut pas les soigner; il indique seulement que l'on veut endiguer le trafic de drogue à Genève. Et pour endiguer ce trafic, on met en place une mesure.

Vous trouvez ce projet de loi un peu dur ou inutile...

Une voix. Liberticide !

M. Eric Stauffer. ...liberticide, si vous voulez, Monsieur le député socialiste Velasco ! Alors laissez-moi vous dire ceci: ce n'est qu'une entrée par rapport au train de mesures que vous proposera très prochainement le Mouvement Citoyens Genevois. (Exclamations.) Eh oui ! Et dans cette année électorale, nous solliciterons énormément la population pour vous mettre face à vos responsabilités, vous qui avez autorisé les mendiants à rester à Genève avec une espèce de complaisance qui, très franchement, embête - pour rester poli - l'ensemble des citoyens genevois. Laissez-moi tout de même vous dire que, l'année passée, la police a dressé 2700 contraventions contre les mendiants. Cela répond à je ne sais plus quel orateur, qui disait: «Mais ils ne font rien.» C'est absolument faux ! Seulement, c'est beaucoup de travail administratif. Et vu que les mendiants n'ont pas de domicile - en Suisse, bien sûr, car en Roumanie ils vivent certainement dans un terrain vague quelconque... (Exclamations.) - c'est évidemment très difficile. (Remarque.) Oui, mais le problème est que, en défendant ces mendiants roumains, vous défendez des réseaux mafieux ! En effet, ce ne sont pas de vrais mendiants qui viennent parce qu'ils doivent manger. Chaque soir, des espèces de... on pourrait presque les comparer à des proxénètes, viennent collecter les sommes récoltées par ces mendiants... (Exclamations.) Ces derniers exploitent donc les mendiants, très souvent contre leur gré. Alors il faut savoir de quoi vous parlez ! La police, qui a dressé ces 2700 procès-verbaux de contravention, a aussi fourni un travail conséquent. Cette information est publique: elle est dans la «Tribune de Genève». Donc, ici, on ne trahit aucun secret.

Je terminerai par un tout petit bémol concernant les libéraux et l'UDC. (Protestations.) Vous êtes ce soir en train de nous dire qu'il nous faut une police performante et motivée pour justement endiguer ces zones d'insécurité, et là-dessus nous sommes d'accord. (Remarque.) En revanche, j'aimerais vous dire que, la prochaine fois qu'il faudra payer les heures supplémentaires de ces mêmes policiers ou leur attribuer des primes, eh bien j'espère que vous voterez oui et que vous ne vous montrerez pas pingres comme vous en êtes capables certaines fois. (Commentaires.)

En conclusion, nous soutiendrons évidemment ce projet de loi libéral sans aucune restriction.

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mmes et MM. Curzon Price, Losio, Deneys, Borgeaud, Ducrot, Fontanet, Pürro, Broggini, les rapporteurs, s'ils le désirent, et le Conseil d'Etat. Je passe la parole à Mme Curzon Price.

Mme Victoria Curzon Price (L). On nous a dit tout à l'heure qu'il fallait prendre le mal à la racine. Dans un monde idéal, c'est effectivement ce qu'il faudrait faire. Le malheur est que le mal vient d'ailleurs; il ne vient pas de Genève même. Notre canton doit donc faire ce qu'il peut dans un monde imparfait. Le canton de Genève - qui compte approximativement 500 000 habitants - est entouré d'une Europe de 450 millions d'habitants: cela fait un millième. Il ne peut pas s'isoler de ce monde-là, donc il subit les influences, non seulement du reste de l'Europe, mais du monde entier. Tout ce qu'il peut dans ce monde, c'est essayer de faire respecter ses propres lois.

Est-ce que ce projet de loi est liberticide ? Non, parce qu'un Etat qui ne garantit pas la sécurité de ses citoyens est lui-même liberticide ! On a besoin de l'Etat expressément pour cette fonction. Aussi, j'estime que ce projet de loi va un peu dans la direction de faire respecter la loi existante. C'est ce dont Genève est capable ! Il ne peut pas atteindre la perfection, c'est-à-dire enrayer le problème de la drogue et de la mendicité - problèmes qui nous viennent de l'extérieur - mais il peut et doit essayer de faire respecter ses propres lois à l'intérieur de ses propres frontières. En conclusion, je pense qu'il faut voter cette loi.

M. Pierre Losio (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le préopinant du MCG, avec la modération qui le caractérise, s'en est pris tout à l'heure aux «rapportrices» de minorité et aux partis qu'elles représentent. Pour ma part - et pour notre groupe - nous souscrivons aux propos des deux «rapportateuses»... (Rires.) ...qui se sont exprimées précédemment.

Quant aux attaques portées contre ces deux partis, qui ont une longue tradition démocratique et défendent les institutions et la constitution, on pourrait s'offusquer d'entendre dire - c'est ce que j'ai entendu ! - que ces derniers prônent le crime et encouragent la délinquance. Et l'on a cité un exemple tragique: le drame qui s'est déroulé il y a quelques jours à la Servette. On pourrait s'offusquer d'entendre cela, mais ce n'est pas le cas de notre parti, car nous n'attribuons à des propos de politiciens de kermesse que l'importance qu'il convient de leur apporter.

En revanche, quand j'entends que le MCG prend le problème à bras-le-corps, alors là je commence à me méfier sérieusement de la qualité de l'étreinte... (Rires.) Deuxièmement, lorsque j'apprends que nous - nous ! - avons procédé à onze arrestations, je demande impérativement à M. le conseiller d'Etat de mettre bon ordre dans cette situation, de bien vouloir reprendre, lui, la force armée de l'Etat, et de ne point la laisser entre les mains d'un politicien de kermesse. (Rires.)

Plus sérieusement, sur le fond, ce qui me frappe dans ce débat, c'est la conviction avec laquelle ce projet de loi est défendu, c'est ce côté incantatoire: en fait, on n'accorde à ce projet de loi que la valeur symbolique qu'il comporte. En effet, vous savez très bien que les mesures proposées sont sans effet. On l'a déjà mesuré dans l'histoire de la task force à la gare Cornavin. J'habite aux Pâquis, et je me suis bien rendu compte que, une fois que la task force a été installée et que l'on a chassé ces rassemblements, les gens sont allés un peu plus loin, ils se sont rapprochés de la rue de Fribourg, par exemple. On n'a donc fait que déplacer le problème. Par conséquent, la seule qualité de ce projet de loi est qu'il comporte une valeur symbolique et qu'il fait croire à la population que des partis s'occupent effectivement du problème de la sécurité: «Et vous allez voir ce que vous allez voir, avec cette loi, tout va changer !» Mais cela ne changera strictement rien ! Et je suppose que tout à l'heure M. le conseiller d'Etat se fera fort de l'expliquer beaucoup mieux que je ne le pourrais, puisque c'est lui qui dirige la force armée de l'Etat - et j'entends bien qu'il continue, au nom des valeurs républicaines qui nous animent.

Donc la seule valeur incantatoire de ce projet de loi peut faire croire ce soir à la population que la sécurité va s'améliorer avec un tel projet, alors que l'on sera simplement dans le cas du carrousel. On va faire un petit tour de carrousel et déplacer les gens: ils étaient assis sur l'éléphant... (Rires.) ...on va maintenant les asseoir sur le char à roues, puis on passera dans le biplan Blériot et on n'aura fait que déplacer le problème.

Je souhaiterais dire une dernière chose. Tout à l'heure, nous allons voter - ou aborder le débat - sur un autre projet de loi: celui qui concerne les agents de sécurité municipaux. Or cette disposition - que ce parlement s'apprête peut-être à voter - figure dans le prochain projet de loi. Cela signifie que l'on va transférer aux agents de sécurité municipaux une compétence de police, puisqu'ils auront la possibilité, si ce projet de loi est accepté, de prendre eux-mêmes les dispositions pour que ces mesures d'éloignement soient appliquées. Alors je me réjouis d'entendre le groupe qui aspire fortement à soutenir la police genevoise; je me réjouis de voir comment il va réagir lorsqu'on va attribuer des compétences de police aux agents de sécurité municipaux et que ces corps d'agents municipaux vont peut-être s'appeler «police». C'est alors que vous allez de nouveau entendre le «conducator gominé» se lever et dire: «C'est un véritable scandale, il y a deux métiers différents !» Et, pour une fois, il aura raison: agents de police ou gendarmes, ce n'est pas agents de sécurité municipaux ! Et là, je me réjouis de voir la position que son groupe adoptera lorsqu'il s'agira de donner le titre de «police municipale» aux agents de sécurité municipaux. Oui, je me réjouis d'entendre la position que va adopter ce parti !

Pour nous, ce projet de loi a donc une valeur incantatoire, faisant croire illusoirement à la population que l'on va appliquer une mesure, qui le sera certes, mais qui ne fera que déplacer le carrousel d'un quart de tour. C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne tenais pas particulièrement à intervenir dans ce débat mais, après avoir entendu les propos tenus tout à l'heure pour défendre ce projet de loi, je ne peux m'empêcher de prendre la parole.

Comme l'a dit M. Losio, il y a d'une part ce côté incantatoire, qui est particulièrement étonnant, voire choquant et, d'autre part, le contenu de la disposition, qui vise à mettre dans le même panier ceux qui font partie d'un rassemblement de nature à menacer l'ordre et la sécurité publics et le botellón, que vous avez évoqué, Monsieur Jornot. Pourtant, je ne suis pas certain que vous ne connaissiez pas des enfants de libéraux qui y participent à l'occasion, voire qui en organisent ! Ainsi, cela touche à mon avis toutes les couches de la population, et ces pratiques ne doivent pas être mises dans le même paquet que la mendicité et la violence, dont on a parlé tout à l'heure.

C'est un véritable problème de garantir la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens - les socialistes y sont très sensibles. Et, bien entendu, il ne s'agit pas simplement de dire: «Oui, j'éloigne le problème, je déplace ces gens un peu plus loin et tout ira très bien dans le meilleur des mondes. Tout va très bien, Madame la Marquise !», mais de se demander si cela a un sens.

Par ailleurs, je suis assez étonné que vous n'ayez pas compris le rapport de Mme Pürro; elle relève pourtant un élément qui devrait vous toucher au niveau du vécu, comme libéral. En effet, on a l'impression que ce projet de loi, c'est en fait moins de liberté et plus d'inefficacité. On restreint l'accès à certaines zones en disant: «Vous allez ailleurs.» Mais on ne précise pas ce que l'on fait de ces personnes ! On dit simplement: «Ne revenez pas dans tel quartier, dans telle zone, dans tel lieu...» On n'explique donc pas du tout ce que l'on en fait ! On prononce des phrases du genre: «Tu vas ailleurs, tu feras ce que tu veux à un autre endroit. Tu peux aller à Onex, à Lancy, etc.» Mais on ne dit rien de plus ! Alors comment voulez-vous garantir la sécurité publique par un simple déplacement ? Certes, une mesure de fermeture d'un lieu qui serait une scène ouverte de la drogue ou d'un endroit qui s'avère particulièrement dangereux, parce que des personnes qui ne devraient pas y être s'y trouvent trop fréquemment, c'est autre chose: c'est une mesure spécifique contre des personnes dangereuses. Mais ce n'est pas une mesure générale contre ce que vous évoquez.

En fait, c'est là où je voulais en venir. Je cite l'alinéa d) de l'article 22A: «elle participe à des transactions portant sur des biens dont le commerce est prohibé, notamment des stupéfiants.» D'abord, j'aimerais dire que l'on peut être trafiquant de tout ce que l'on veut ou être marchand de drogue et porter une cravate, un joli costume, être très bien élevé et habiter à Champel comme l'un ou l'autre d'entre nous; cela ne pose aucun problème de dire bonjour à la dame dans le bus et dans l'ascenseur. Pourtant, on est trafiquant de drogue et l'on fait des transactions pour quelques millions ! Ainsi, ce n'est pas la nature du commerce ou de la transaction qui pose problème. Ce qui est problématique, c'est bien entendu le fait que certaines personnes sont capables de commettre des actes violents à l'encontre des concitoyennes et des concitoyens qui sont autour de nous. C'est cela que nous ne voulons pas ! Mais ce n'est pas le principe général. Ce n'est pas stigmatiser les mendiants, parce que je ne vois pas aujourd'hui quel mendiant a commis un acte de violence à Genève. Ils dérangent peut-être certaines personnes mais, je suis désolé, il n'y a pas de violence de la part de ces mendiants. Quant aux trafiquants de drogue, il s'agit de certaines personnes dans certaines zones avec certains comportements: voilà qui n'est pas acceptable ! Et cela, il faut le combattre. Mais donner un principe général sous cette forme est complètement illusoire.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais terminer en disant qu'il me semble que de nouveaux délinquants se promènent aujourd'hui souvent dans le quartier des banques. Ce sont des personnes venant des Etats-Unis, qui transportent des valises d'Américains qui veulent soustraire de l'argent au fisc américain. Alors, est-ce que l'on va interdire dans le quartier des banques ces banquiers avec leurs valises ? Je me réjouis que l'on applique cette mesure ! (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Premièrement, j'aimerais que l'on fasse preuve d'un peu plus de respect dans ce parlement, parce que je n'accepte absolument pas que l'on s'en prenne aux gendarmes. (Exclamations.) En effet, un député a dit qu'il avait vu deux patrouilles sur la route qui ne faisaient rien. Je tiens donc à dire à ce député que les gendarmes font un métier que lui n'est pas capable de faire, et qu'il doit être bien content que l'on ait des gendarmes à Genève.

Deuxièmement, la drogue ne concerne malheureusement pas que Genève, mais le monde entier. Comme on vous l'a déjà dit, elle rapporte des milliards. En outre, il y aura toujours des morts et du sang à cause de la drogue, et ce n'est pas demain que l'on va réussir à l'éradiquer totalement.

Troisièmement, il faut encore souligner qu'il n'y a pas que la drogue à Genève. Il y a aussi les violences conjugales, les viols, les coups, les agressions - verbales et physiques - et tout ce qui s'y rapporte. Voilà aussi des problèmes qu'il faut réellement régler.

Maintenant, je pense que l'on a assez parlé. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, mieux vaut ne pas réfléchir du tout que pas assez. Ce projet de loi est déjà une piste. En effet, les gendarmes demandent qu'on les soutienne, et la population le souhaite également. En outre, cela devient franchement lassant d'entendre toujours les mêmes ritournelles qui se répètent pour ne rien dire. J'aimerais donc que l'on vote ce projet de loi et que l'on entende - pas seulement que l'on écoute - les plaintes que les gens formulent depuis des années à Genève.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je ne sombrerai pas dans le populisme «staufférien» par rapport aux propos tenus, notamment ceux de M. Velasco selon lesquels ce projet de loi serait une atteinte aux libertés individuelles, au droit et à la liberté de manifester, etc. Je crois que, dans cette république, le Conseil d'Etat - tout comme la police - a suffisamment donné de gages quant à l'évolution des manifestations publiques.

Mais revenons au projet de loi lui-même, Mesdames et Messieurs les députés. L'article 22A (nouveau) dit ceci: «La police peut éloigner - peut éloigner ! - une personne d'un lieu ou d'un périmètre déterminé, si: a) elle-même ou un rassemblement de personnes auquel elle participe menace l'ordre ou la sécurité publics;» Cela paraît clair ! Il y a un certain nombre de faits pour lesquels la police doit intervenir. L'alinéa b) énonce ensuite: «elle-même ou un rassemblement de personnes auquel elle participe importune sérieusement des tiers ou empêche sans motif l'usage normal du domaine public;» Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que dit ce projet de loi.

En ce qui concerne l'article 22B «Décision», je tiens à remercier M. Jornot d'avoir souligné les propositions du parti démocrate-chrétien visant à garantir la liberté publique. Pourquoi ? Parce que, lorsqu'une décision est prononcée, elle ne l'est pas par n'importe qui: elle doit être prononcée - et c'est une volonté du parti démocrate-chrétien - par un officier de police ! Donc, entre les notifications verbale et écrite, un crescendo est véritablement respecté, de manière justement à garantir les libertés publiques. Alors que ceux qui font de l'angélisme ce soir ne viennent pas nous dire que ce projet de loi est liberticide ! Ce sont des contrevérités. Il s'agit simplement pour tout un chacun de pouvoir déambuler calmement et simplement dans les rues, comme il le désire, sans troubler gravement l'ordre public.

M. Roberto Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lors de récentes votations fédérales, la droite - tout du moins une très grande majorité, car je crois que certains radicaux n'étaient pas favorables à la position de la droite - a refusé la libéralisation des drogues douces. Cette libéralisation aurait pourtant certainement empêché la criminalisation actuelle sur ce marché et, précisément, ces scènes ouvertes de la drogue. En effet, aujourd'hui, nous ne pouvons pas contrôler ce marché. Nous savons très bien que, quoi que nous fassions, nous aurons toujours un certain nombre de toxicomanes dans notre société, que l'on autorise ou non la drogue.

Actuellement, ce marché est donc hors contrôle. Preuve en est que nous essayons de créer une loi cantonale, alors que la loi fédérale datant de 1959 - la loi fédérale sur les stupéfiants, LFS, modifiée en 1975 par les Chambres fédérales et appelée actuellement LStup - n'est tout simplement pas applicable aux niveaux national et local, parce qu'elle ne correspond pas aux buts qui doivent être poursuivis, aux buts sanitaires. Et en laissant la criminalisation, l'on se trouve toujours avec ces scènes ouvertes de la drogue. Nous avons très bien vu les conséquences de la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis: cela a donné lieu à la création de mafias et de réseaux, que malheureusement nous connaissons - dans une autre proportion - également à Genève. En effet, nous savons pertinemment que ces réseaux existent, mais nous ne pouvons que le déplorer.

Cette nouvelle loi que vous nous proposez de voter ce soir, vous le savez certainement, ne sera pas applicable, car la police n'a pas les moyens. Il faudrait au contraire, plutôt que de créer de nouvelles lois qui seront inapplicables, essayer de résoudre le problème à la base. Or quelle est la base de ce problème ? C'est certainement le désoeuvrement et un manque d'espace pour une partie de la jeunesse, et vous connaissez mon souci à ce sujet. J'ai été président du Conseil municipal de la Ville de Genève - dont on a beaucoup parlé ce soir, parce que c'est sur son territoire que se concentre la majorité de ces problèmes - j'ai été en outre l'un des fondateurs de l'Usine, et j'ai toujours été extrêmement attentif à cette problématique; j'ai eu des contacts autant avec les îlotiers de la gendarmerie genevoise qu'avec les travailleurs sociaux de la place. Nous savons, car nous l'avons identifié, ce que nous souhaitons et ce que nous devons proposer dans ce parlement: des espaces dévolus à la jeunesse, des espaces de liberté, de création, de responsabilisation... C'est du travail que nous devons essayer de lui apporter, non pas des lois qui seront inapplicables.

Or, malheureusement, par une politique de ce Conseil, nous avons dernièrement assisté à la disparition de très nombreux espaces de liberté: de simples bistrots, qui sont malheureusement rachetés pour le commerce et l'argent, et des espaces de liberté comme Artamis ou différents squats, où les gens pouvaient se responsabiliser et qui, justement, limitaient considérablement le fait de trouver une partie de la population à la rue.

On a comparé ce soir notre situation avec celle de Zurich et Berne. Je vous rappelle simplement que, à Zurich et à Berne, il y a eu dans les années quatre-vingt des émeutes suite à la fermeture des centres autonomes et, suite à ces émeutes, des scènes de la drogue se sont développées de manière effroyable - je songe par exemple au Letten à Zurich. Or nous n'avons pas connu cela à Genève, car nos autorités, notamment de droite - je pense en particulier à l'ancien président de la commission fédérale de la jeunesse, M. Guy-Olivier Segond, qui a également été conseiller administratif, maire de Genève, conseiller d'Etat et président du Conseil d'Etat - ont trouvé des solutions beaucoup plus pragmatiques pour éviter cette confrontation entre différentes catégories de la population. Je pense que nous devrions nous diriger dans ce sens-là, et non pas adopter une loi qui sera inapplicable.

Enfin, je voudrais conclure par une image que j'avais trouvée dans le journal de l'ISPA - l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies - alors que j'étais encore un jeune étudiant. J'avais lu que plus l'on restreint le territoire des éléphants en Afrique, plus ils ont tendance à manger des fruits fermentés, et plus ils ont tendance à se droguer. Alors ouvrons des espaces à la jeunesse plutôt que de la laisser dans la rue, parce qu'elle n'a pas d'autre endroit où se retrouver. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. On avait prévu d'inverser, Monsieur le président, si c'est possible...

Le président. Mais cela fait des mois que l'on fait ainsi ! Nous commençons par le rapport de majorité et finissons par les minorités afin d'apporter la plus grande égalité possible, chère Madame.

Mme Nathalie Fontanet. Très bien, pas de problème, Monsieur le président.

Si l'on reprend les positions de la gauche de ce parlement, finalement, notre projet de loi ne changera rien, parce que de toute façon on ne peut rien faire. A gauche, on est évidemment très concerné, mais on ne peut rien faire, parce que ce qui se passe n'est pas grave du tout, qu'on n'y changera rien et que, de toute façon, la droite ne veut pas voter pour plus de policiers.

Mesdames et Messieurs de la gauche, la majorité de la commission judiciaire est enchantée de vos propos, mais ils sont maigres ! Ce projet de loi est un moyen complémentaire. Il ne s'agit peut-être pas de la panacée, il ne va pas forcément résoudre l'ensemble des problèmes, mais il vient en appui à la police pour permettre de régler des problèmes qui existent. En effet, ces derniers ne sont pas une vue de l'esprit de certains habitants de Champel - comme d'aucuns semblent le penser - ni des bourgeois, mais peuvent au contraire concerner chaque habitant de la ville ou du canton, qu'il soit vieux ou jeune, pauvre ou riche. Eh oui, Mesdames et Messieurs ! Nombreux sont aujourd'hui les habitants du canton qui n'osent plus accéder à certains endroits, que ce soient nos quais, certains de nos quartiers ou nos rues. Alors vous pouvez vous contorsionner en faisant des «oh !» mais, Madame la députée socialiste, il faudrait peut-être que vous vous promeniez de temps en temps avec des personnes âgées et que vous voyiez quelles sont leurs réactions à ce qui se passe aujourd'hui dans notre ville !

Ce projet de loi n'est pas non plus un projet anti-jeunes. En effet, contrairement à la loi sur les étrangers, qui ne s'applique qu'aux requérants d'asile et aux personnes sans titre de séjour, ces mesures peuvent s'appliquer à chacun d'entre nous: aux vieux qui se réuniraient en menaçant les jeunes - pourquoi pas ? Cela existe peut-être ! - ou aux jeunes, qui inquiètent les enfants et les personnes âgées.

Ensuite, Mesdames et Messieurs, j'aimerais revenir sur les allégations concernant la prétendue inapplicabilité de ce projet et le fait qu'il serait sans effet. Je vais vous lire le courrier que nous avons reçu du commandant de la police de Berne. Il a tout de même une certaine expérience de l'application de ces mesures et ne semble pas partager l'opinion de ceux qui n'en ont aucune en la matière. Voici un extrait de son courrier: «Avec l'article 29 lit. b LPol, la police dispose d'un instrument significatif pour accomplir sa mission. L'article revêt une grande importance dans le travail policier au quotidien. Lorsque la police constate par exemple qu'un groupe de personnes nuit à la sécurité et à l'ordre publics, il est capital qu'elle puisse interdire certains accès à des membres de ce groupe sans qu'il faille démontrer un délit concret.» Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qu'estime aujourd'hui la police du canton de Berne, voilà quelle est l'utilité de ce projet.

Enfin, s'agissant des propos de mauvaise foi concernant le but de ce projet, qui empêcherait certains de rentrer chez eux, d'autres de rendre visite à leurs grands-parents et d'autres encore d'aller tout simplement travailler, eh bien, Mesdames et Messieurs, vous doutez là du pouvoir du Tribunal fédéral. En effet, il y a un principe en droit qui est celui de la proportionnalité, et en aucun cas le projet qui vous est présenté ce soir ne pourrait interdire à ces personnes-là de rentrer chez elles ou de se rendre à leur lieu de travail.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la commission a estimé que ce projet de loi était un bon projet, qu'il était parfaitement applicable et qu'il serait un moyen complémentaire d'assurer l'action de la police, qui vise à maintenir l'ordre public dans notre canton. Par conséquent, la majorité de la commission vous demande d'adopter ce projet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de première minorité. A ceux qui disent que nous donnons dans l'angélisme, que nous ne reconnaissons pas les problèmes et que nous sommes irresponsables, j'aimerais dire que, en ce qui nous concerne, nous ne croyons pas que la mesure proposée ce soir - qui est une mesure simpliste ayant démontré son inefficacité - puisse arriver à bout des problèmes, que nous reconnaissons du reste volontiers. On nous a dit: «Mais vous n'avez rien à nous proposer !», alors je vais prendre quelques instants pour vous indiquer ce que nous souhaiterions faire pour contribuer à améliorer la sécurité dans notre cité.

Tout d'abord, il convient d'agir en amont, c'est important. On a parlé de la politique des quatre piliers, dont fait partie la répression. Il existe trois autres piliers, que je vous cite: la prévention, la réduction des risques, la thérapie et la réinsertion. Il faut davantage de ressources pour l'ensemble des quatre piliers, et pas uniquement pour le pilier répressif.

Au cours du débat, certains ont fait référence à la population mendiante. Pour ma part, je ne crois pas que l'interdiction de la mendicité ait produit beaucoup d'effets. En réalité, c'est dans les pays d'où viennent les gens que nous avons des efforts à faire parce que, s'ils arrivent chez nous, ce n'est pas sans raison, mais bien parce qu'ils ne parviennent plus à vivre dans leur pays. Et je crois que, en tant qu'habitants d'un Etat riche, nous avons à agir aussi dans les pays d'origine des populations mendiantes. Mais là encore, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes bien seuls lorsqu'il s'agit de voter les budgets de l'aide au développement.

Au niveau de la police, je crois qu'il convient de donner plus de moyens à la gendarmerie et d'engager davantage de gendarmes. Là aussi, on l'a rappelé tout à l'heure dans le débat, on attend que vous nous souteniez lors du vote des budgets. Il faut également ouvrir les postes de quartier, et non pas, comme vous l'avez fait, les fermer. Je crois que la population le reconnaît: c'était une bêtise de fermer les postes de police dans certaines communes et certains quartiers, parce qu'ils contribuent aussi à améliorer la sécurité et le sentiment de sécurité dans les quartiers.

De plus, il s'agit de développer l'îlotage. En effet, l'îlotage, contrairement à ce que vous pensiez lorsque vous avez diminué les ressources affectées à cette fonction de la gendarmerie, est un service important: il permet d'assurer, durant la journée et le soir, la sécurité dans les quartiers, dans la proximité.

Enfin, il y a l'aménagement; personne n'en a parlé, Mesdames et Messieurs, mais là aussi, au moment de voter les budgets, vous êtes absents. Pourtant, au niveau de l'aménagement de notre cité, des mesures sont à envisager. Je pense à une seule d'entre elles: l'éclairage public, car on sait que l'insécurité est parfois liée à l'absence ou au manque d'éclairage dans les rues.

Voilà certaines mesures, mais il en existe d'autres. Je voulais seulement dire à tous ceux qui n'ont cessé durant tout le débat de dénoncer notre irresponsabilité que le problème existe - nous en sommes conscients - mais que, je le répète, la mesure que vous nous proposez avec ce projet de loi est simpliste et ne permettra pas de régler le problème.

Je terminerai - si vous m'autorisez, Monsieur le président - en vous parlant de l'application de la loi. Les dispositions que vous allez voter, qui sont vagues et floues, nous inquiètent dans leur application. A titre d'exemple, on ne comprend pas aujourd'hui comment vous pouvez imaginer demander aux agents d'agir en cas de rassemblement sans craindre les dérives et les applications excessives ou arbitraires. Les personnes que nous avons auditionnées, le responsable de la gendarmerie et l'auteur du courrier dont vous avez lu un extrait font mention de cette difficulté ! Or votre projet ne nous indique aucune piste sur son application. Comment assurer en plus à la police genevoise, déjà débordée - et je ne vous parle pas des heures supplémentaires qui s'accumulent - les moyens suffisants pour appliquer de nouvelles mesures comme celles que vous nous proposez ce soir ? Et enfin, comment permettre l'accès des toxicomanes à leur traitement en cas d'interdiction de zone ? En effet, on l'a dit et redit: on ne fait que déplacer le problème, alors on devra aussi déplacer les services qui s'occupent de ces problèmes.

Pour conclure, c'est un mauvais projet de loi, une mauvaise mesure, et son application engendrera des questions et des problèmes inutiles. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous propose de refuser ce projet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, «Circulez, il n'y a rien à voir !» est un acte courant dans la police de rue. Il est normal que la police puisse dire à des citoyens de bouger, de ne pas s'attrouper, de ne pas rester là et d'aller voir ailleurs. Cela se fait tous les jours, et c'est fort bien. Ce que nous propose en réalité ce projet de loi, c'est une codification de ce bon principe que l'on voit non seulement dans les films de série B, mais aussi dans la pratique.

C'est là que le bât blesse. En effet, Madame la rapporteuse de majorité, vous avez souligné que ce n'était pas une dérive, comme l'avait dit la rapporteuse de minorité, mais une tendance. Pour ma part, je ne sais pas si c'est une tendance ou une dérive, mais on observe que, de plus en plus souvent, votre parlement - comme d'autres parlements de Suisse - adopte des lois qui interdisent. Et vous avez tous d'excellentes raisons d'interdire ! On interdit la fumée, les chiens - enfin, les gros - les mendiants, maintenant les rassemblements, les manifestations, les spectacles d'humoristes, les affiches... Faites attention, Mesdames et Messieurs les députés, on va visiblement trop loin dans ce cadre-là ! Si vous faites la liste des projets restreignant les libertés de ces dernières années, qui n'ont au demeurant pas apporté de progrès spectaculaires en matière de sécurité, à ce que je sache, on a un moins en termes de libertés, mais on n'a malheureusement pas de plus quant à la sécurité.

Il est faux de dire que nous n'avons rien fait, Monsieur le député Wasmer. S'agissant de la mendicité, je vous rappellerai que l'on a effectivement procédé à plus de 3000 contrôles jusqu'au 31 décembre et que la dernière mendiante que nous avons retrouvée avait été déclarée en contravention 27 fois pour un montant total de 3540 francs, mais que cela ne l'avait apparemment pas empêchée de rester. C'est la preuve que la répression de la mendicité, version pénale, n'est pas forcément la meilleure méthode. (Remarque.) On l'a renvoyée, oui, c'est ce que l'on a fait !

Vous avez dit, Monsieur le député Ducrot, qu'il convenait par ce projet de loi de lutter contre les rassemblements de trafiquants de drogue. Alors, attention: si l'on parle de trafiquants de drogue ou de coups de couteau, comme l'a fait M. le député Stauffer, on est dans le domaine du pénal ! Purement et simplement ! Les trafiquants de drogue doivent être à Champ-Dollon ou à Champ-Dollon bis; il en va de même pour ceux qui se livrent à des agressions ou à des infractions de ce degré de gravité. Mais, en réalité, ce n'est pas ce que dit ce projet de loi ! Ce projet de loi indique simplement que l'on peut éloigner des personnes, comme l'a rappelé M. Jornot avec précision, dans un domaine infra-infractionnel, c'est-à-dire juste en dessous du pénal ! Et c'est là que l'on entre dans cette zone grise particulièrement détestable, parce qu'elle peut s'appliquer à n'importe qui.

Il est vrai que, fort heureusement, la police genevoise est formée de collaboratrices et collaborateurs compétents, qui connaissent le sens du principe de proportionnalité. Je n'ai, à vrai dire, aucun doute pour les prochaines années. Mais on sait aussi - et M. Velasco nous l'a rappelé - que des lois, au demeurant anodines, ont été utilisées par la suite, quand les temps allaient plus mal, par d'autres régimes, d'une autre manière. (Brouhaha.)

Par ailleurs, je suis surpris que vous vouliez faire figurer dans une loi une procédure aussi compliquée pour dire une chose aussi simple. Car, franchement, devoir rendre des décisions écrites, soumises à recours, pour des actes qui ne relèvent pas de la délinquance, avec les recours que cela va engendrer... Je trouve que là, à une époque où chacun s'accorde à dire qu'il faut simplifier les procédures, on ne va pas tout à fait dans le bon sens !

Pour finir, j'aimerais rassurer M. Losio: je crois être encore en charge de la police. M. Stauffer n'a bénéficié - comme d'autres élus de cette enceinte, ou du Conseil municipal d'ailleurs - que de mon autorisation d'assister pendant une nuit au travail d'une unité de police. Je ne me souviens pas qu'il ait reçu un brevet de police ad interim pour cette circonstance ! (Rires.) Par conséquent, ces arrestations ne peuvent lui être attribuées. En revanche, grâce à ce qu'il nous a indiqué, l'on constate que la police - contrairement à ce que l'on dit parfois - travaille bien, puisqu'avec peu d'effectifs, en une nuit et sans l'aide de M. Stauffer, elle a arrêté onze personnes.

Mesdames et Messieurs les députés, cette loi n'est pas destinée à lutter contre le crime ! Elle est destinée, d'après ce que disent les auteurs eux-mêmes, à essayer d'éviter quelques rassemblements désagréables. Ainsi, elle est au mieux un placebo, au pire un risque pour les libertés, et je vous invite à la rejeter. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mis aux voix, le projet de loi 10121 est adopté en premier débat par 54 oui contre 30 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Monsieur Velasco, vous avez la parole.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, j'aimerais déposer un amendement visant à abroger l'article 22A pour la raison suivante. Mes collègues parlent de rassemblement mais, en réalité, ils n'ont pas défini à partir de combien de citoyens - deux, trois, quatre, etc. - on considère qu'il y a rassemblement. Si je vous dis cela, Monsieur le président, c'est parce que j'ai connu un pays - qui m'est très cher de par mon origine - où trois citoyens constituaient déjà un rassemblement. Par conséquent, c'est un projet de dictature, chers collègues, je le souligne pour ceux qui en disent du bien. Oui, de dictature ! Je vois, Monsieur le président, que certains ici approuvent ce projet et que, d'après ce que j'ai pu entendre, cette mesure leur plaît. Mais je n'ai pas l'impression qu'ils aient vécu dans un pays comme cela, où, en se levant le matin, on avait peur de ne pas pouvoir rentrer chez soi le soir, et où l'on craignait que les autres écoutent ce que l'on disait.

Par conséquent, cette loi me gêne terriblement, Monsieur le président. Mes collègues devraient préciser à partir de combien de personnes on considère qu'il s'agit d'un rassemblement - si c'est à partir de dix, quinze, cent citoyens... ou de trois. Auquel cas, Monsieur le président, je demande l'abrogation de cet article 22A. (Commentaires.) Mais je l'ai dit: il est question d'abroger l'article... Vous voulez qu'on l'écrive ? Eh bien, attendez, Monsieur le président... (Brouhaha.) Alors je demande une suspension de séance, Monsieur le président, afin que je puisse... (Protestations.) Comme vous voulez, il n'y a pas de problème, chers collègues ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur le député, vous pouvez déposer un amendement.

M. Alberto Velasco. Je l'ai fait, mais mes collègues veulent que je le mette par écrit ! (Commentaires.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes obligés de réagir à ce qui vient d'être dit. Monsieur le député Velasco, vous savez que j'ai une certaine amitié pour vous... (Exclamations. Brouhaha.) ...mais je ne peux pas vous laisser dire cela et comparer la Ville de Genève au régime fasciste de Franco en Espagne. C'est indigne de la fonction que vous occupez ici, Monsieur le député. Vous ne pouvez pas faire de tels parallèles...

Le président. Adressez-vous au président, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Alors vous lui transmettrez, Monsieur le président !

Vous êtes en train d'insulter la police genevoise, qui ne serait pas capable de discerner un groupe de citoyens se promenant dans un parc d'un rassemblement de dealers de drogue, source d'insécurité à Genève. Ce n'est pas normal ! Ce n'est pas digne de vous, mon cher collègue ! Je tenais à vous le dire. Et, évidemment, le MCG s'opposera à l'amendement demandant l'abrogation de l'article 22A. (Remarque.)

M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement déposé par M. Velasco s'inscrit dans la logique de ce qu'il nous a dit tout à l'heure. Ce dernier considère que cette loi est liberticide, et vous propose donc de supprimer l'article qui en fait l'essentiel. Si seule la problématique du rassemblement l'intéressait, il n'aurait proposé que l'amendement de la lettre a) ou b). Ainsi, s'il demande l'abrogation de toute cette disposition, c'est parce qu'elle est l'articulation même de ce texte.

M. Velasco sait bien que c'est une bataille perdue. Sur les bancs libéraux, nous sommes attentifs aux libertés. Nous n'avons pas attendu que le MCG vienne ici nous expliquer qu'il empoigne à bras-le-corps les problèmes d'insécurité. Le texte qui vous est proposé est un projet de deux députés libéraux, parce que nous nous rendons bien compte que la question de la sécurité n'est pas seulement celle du crime. Elle est celle des désagréments insupportables qui se développent de plus en plus sur le territoire de notre république, créant dans la population un sentiment d'insécurité qui, lui, est une menace pour les libertés.

Mesdames et Messieurs les députés - et M. le conseiller d'Etat Moutinot le sait bien - c'est parce que nous avons banalisé ces incidents, parce que nous avons considéré que ces incivilités n'étaient pas graves, qu'elles étaient simplement importunes et qu'il fallait les accepter telles quelles, que nous sommes arrivés là où nous en sommes aujourd'hui, c'est-à-dire à un degré d'irritation peut-être démesuré, mais qui traduit l'insuffisance de notre conduite des affaires de l'Etat. Si nous avions été plus attentifs à ces questions, si nous avions réagi plus tôt, nous n'aurions peut-être pas eu besoin aujourd'hui de sévir contre des comportements qui auraient tout simplement disparu.

Nous n'avons pas à tolérer des rassemblements qui ne sont pas des rassemblements citoyens, mais qui menacent l'ordre ou la sécurité publics. Voilà ce que le texte vous propose. Nous n'avons pas à accepter des rassemblements par lesquels des citoyens qui se promènent sont importunés sérieusement ou empêchés de faire usage du domaine public. Et je ne vois pas au nom de quoi, Monsieur le député, vous estimez que nous, citoyens normaux qui circulons normalement dans une république normale, nous devrions permettre que des comportements qui, eux, ne sont pas normaux, soient tolérés ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Permettez, Monsieur le président, que je m'adresse à mon collègue Michel Halpérin. (Brouhaha.) Vous avez utilisé l'expression «peut-être démesuré», et je dois dire que cela vous honore. Cela vous honore, parce que vous connaissez effectivement la dangerosité de tels projets de lois. Je vous sais un libéral éclairé, au sens des libéraux éclairés comme vous l'entendez. Je comprends la portée de vos termes, et cela vous honore. Je suis d'accord avec vous sur le fait que, effectivement, lorsqu'il y a des attitudes répréhensibles dans le domaine public, il faut les réprimer... Mais dans le cadre républicain ! Voilà ce que j'aimerais dire.

Monsieur le président, j'aimerais revenir sur les propos que M. Stauffer m'a prêtés. J'ai beaucoup de respect pour cette république qui m'a permis de siéger ici, dans ce Grand Conseil. Je le répète, Monsieur le président, j'ai beaucoup de respect pour cette petite république, parce que le pays auquel je faisais référence ne m'a pas permis d'exercer le moindre droit politique ! Ce fut cette république qui m'accueillit, cette république qui me forma et cette république qui me permit de siéger ici. Et loin de moi - loin de moi ! - l'idée de comparer Genève à ce pays. Au contraire, ce que je tenais à dire à mes collègues, c'est que de tels projets peuvent conduire un jour à ce que je n'aurais jamais dû vivre. En effet, si mon pays d'origine n'avait pas été ce qu'il était, peut-être que je n'aurais pas été député ici; peut-être l'aurais-je été chez moi. C'est parce que ce pays était comme il était que j'ai dû émigrer. C'est parce qu'il y a eu des lois comme celle-ci, Monsieur le président. Voilà ce que je voulais dire. Mais loin de moi, Mesdames et Messieurs les députés, l'idée de comparer notre république, pour laquelle j'ai un très grand respect - je le répète - à ce que fut l'Espagne franquiste. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avions bien compris.

A l'article 22A, nous sommes donc saisis d'un amendement, qui demande l'abrogation de cet article.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 27 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 22A (nouveau) est adopté.

Le président. Nous sommes à l'article 22B... (Remarque.) Monsieur Catelain, vous avez demandé la parole ? Non ? Oui ? (Remarque.) D'accord, mais soyez clair, s'il vous plaît. (Commentaires. Rires.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Excusez-moi, Monsieur le président, j'avais compris «22AB» et non pas «22B» !

Dans ce débat contradictoire entre la gauche et la droite, je crois que, finalement, on trouve de la vérité un peu partout. Autant certains peuvent reprocher au département de ne pas appliquer intégralement les lois votées par ce Grand Conseil, autant les propos tenus par M. Moutinot sont corrects, à savoir que ce projet de loi vise bien des infractions infra-pénales. On risque peut-être de reproduire une pratique que l'on a reprochée il y a quelques années à la police genevoise: lorsque quelqu'un ne nous plaisait pas, on l'amenait dans les bois de Versoix, et il devait se débrouiller pour regagner Genève; mais le gendarme en question s'était fait brosser par le tribunal pour abus de droit, n'est-ce pas ?

L'article 22B pose un autre problème qui concerne l'application et la crédibilité de ce projet de loi, même si j'en partage le but et l'essence. Lorsque ce Grand Conseil a voté la révision de la loi sur la police, sauf erreur en 1983, il y a eu un recours au Tribunal fédéral, notamment par rapport à l'article 17 concernant le contrôle d'identité. Cet arrêté du Tribunal fédéral a toujours force de loi et prévoit que, pour effectuer un contrôle d'identité à Genève - et en Suisse en général - il faut que la personne soit dans une zone où un délit a été commis ou qu'elle corresponde au signalement d'un individu qui a commis un délit. Aussi, sur cette base-là, je ne vois pas comment l'autorité pourra faire appliquer la mesure d'éloignement, puisqu'il faudrait soit être très physionomiste, soit procéder à des contrôles d'identité. Or l'on sait pertinemment que, à Genève, on ne procède pas, ou très peu, à des contrôles d'identité. D'ailleurs, si vous observez les statistiques au niveau de la prise d'empreintes, vous verrez très bien qu'il n'y a pas de contrôle, ou très peu, précisément parce que l'on applique cet arrêté du Tribunal fédéral qui veut que l'on procède à un contrôle d'identité si une infraction a été commise dans le périmètre concerné.

Dans les faits, on sait aussi que seuls 50% des arrestations sont réalisés par la task force drogue, à savoir par une partie très marginale de la police genevoise. Cela signifie que l'article 22B serait appliqué principalement par la task force drogue qui, elle, procède à ces contrôles lorsqu'elle constate des infractions. Mais, sans infraction, il n'y a pas de contrôle; et, sans contrôle, on ne peut pas déterminer si la personne a fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

Le problème de fond se situe - cela a été dit - au niveau de l'application judiciaire. J'ai l'occasion maintenant de comparer ce qui se fait dans le Valais et à Genève. Or j'ai l'impression que M. Zappelli est un enfant de choeur, car les peines, notamment pour les oppositions d'actes d'autorité, sont nettement plus dures en Valais qu'à Genève. La responsable du service de la population à Sion est intransigeante et exécute systématiquement les renvois, ce qui n'est pas le cas à Genève. On pourra toujours maintenir une mesure d'éloignement, mais si celle-ci ne s'accompagne pas d'un contrôle d'identité et se limite à une simple décision verbale, on ne va même pas identifier les autres infractions, on ne va même pas essayer de savoir si cette personne est recherchée pour avoir commis une infraction par le passé.

Par conséquent, il serait assez judicieux de maintenir des décisions écrites, qui obligeraient à procéder à des contrôles d'identité. Mais, dans les faits, ce ne sera pas possible, parce que ce projet de loi vise effectivement les infractions infra-pénales. En conclusion, je m'abstiendrai sur la formulation telle qu'elle est de l'article 22B.

Le président. Vous ne demandez donc aucune modification ?! C'est, à 22h15, très intéressant ! Merci, Monsieur le député. (Rires.)

Mis aux voix, l'article 22B (nouveau) est adopté, de même que l'article 22C (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

La loi 10121 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10121 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 29 non et 1 abstention.

Loi 10121

PL 10178-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les agents de sécurité municipaux, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes (F 1 07)
Rapport de majorité de M. Frédéric Hohl (R)
Rapport de minorité de Mme Véronique Pürro (S)

Premier débat

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais tout d'abord adresser mes remerciements aux commissaires, à l'administration et aux personnes auditionnées, qui ont tous contribué à la qualité des débats que nous avons eus durant les huit séances de commission.

Je commence par un petit historique. Suite aux Assises de la sécurité tenues en février 2007 est ressortie notamment la nécessité de modifier la loi sur les ASM. Ainsi, le Conseil d'Etat a ouvert une large procédure de consultation sur les ASM avec, entre autres, l'Association des communes genevoises, le Pouvoir judiciaire, les partis politiques, l'Association des ASM, les syndicats et le personnel de la Ville.

De quoi s'agit-il ? Mesdames et Messieurs, ce projet a principalement pour but de modifier, de clarifier, de renforcer et surtout de valoriser les missions des ASM, d'aménager un cadre pour une collaboration avec la police cantonale et de coordonner sur le terrain l'activité des ASM tout en préservant bien évidemment le pouvoir des communes.

En commission, nos débats ont surtout porté sur huit points: la priorité des missions, l'exécution des mandats de conduite en matière de poursuites et faillites, la répartition des produits des amendes d'ordre entre les communes et l'Etat, les mesures d'éloignement orales, le changement de nom d'«agent de sécurité municipal» en «agent de la police municipale», l'adéquation des moyens de défense, la possibilité de faire appel, avec l'accord de l'Etat, à des sociétés de surveillance privées, notamment pour des missions temporaires liées au contrôle de stationnement et, enfin, le port d'un numéro de matricule.

J'aimerais insister sur les quatre sujets principaux dont nous avons un peu plus longuement débattu. Le premier concerne les mandats de conduite, que vous retrouvez à la page 20, dans l'article 5 «Missions». Il s'agit d'un problème d'inégalité entre les communes qui disposent d'agents et celles qui n'en disposent pas. Nous l'avons senti, le travail demandé par l'exécution des mandats de conduite constitue une préoccupation importante pour les communes. Je vous rappelle que seules dix-sept communes sur quarante-cinq disposent d'ASM. Le département des institutions nous a donné des explications et quelques pistes. La plupart des personnes visées par les mandats de conduite sont simplement négligentes. En réalité, la police téléphone à la personne concernée, et ne doit que rarement se rendre à son domicile. Il n'y a donc pratiquement pas de problème de sécurité; c'est davantage un travail de logistique et donc, bien évidemment, dans les grandes communes, il y a plus de travail. Pour limiter les mandats de conduite, on a également abordé en commission la possibilité d'éventuelles publications des personnes concernées. Au final, sur la question des mandats de conduite, la commission a largement accepté l'amendement par 11 oui contre 1 non et 1 abstention.

Le deuxième point concerne la répartition du produit des amendes d'ordre dont il est question à l'article 17, page 33. A partir de 5 millions, la répartition est différente: 25% pour les communes, 75% pour l'Etat. Je dois vous dire que, aujourd'hui, cet article n'est plus réellement d'actualité. Le département des institutions a écrit et a informé la Ville de Genève, qui est tout compte fait la seule commune à être touchée par cette mesure, en raison de ce seuil de 5 millions. Et le département des institutions a indiqué que, à partir de la fin de cette année, c'est la Fondation des parkings qui se chargerait de cette mission. Sur cette question, je vous rappelle qu'il y a eu 9 oui contre 2 non et 3 abstentions, comme vous pouvez le lire dans le rapport à la page 33.

Le troisième point est relatif aux mesures d'éloignement, on en a parlé tout à l'heure. Je vous rappelle - mais vous l'avez lu également - que ce sont des mesures d'éloignement uniquement orales. Je vous donne un exemple: si un ASM se trouve dans un parc à l'heure de la fermeture, il a la possibilité de dire: «Monsieur, le parc va fermer; je vous invite à sortir.» Voilà ce que nous appelons une mesure orale, sans obligation d'appeler la police pour cette opération. Ces mesures d'éloignement ont été acceptées par 7 oui contre 5 non et 1 abstention.

Je terminerai, Mesdames et Messieurs, par le changement de l'appellation «agents de sécurité municipaux» - ASM - en «agents de la police municipale». Cela figure en page 17 du rapport. Il faut savoir qu'il s'agit d'une demande claire des ASM, pour une véritable reconnaissance de leur travail. Ce n'est pas spécialement une demande des communes, nos auditions l'ont fait clairement ressortir. Je dois dire que, notamment en Ville de Genève, pour la population étrangère, les touristes et les visiteurs qui ne parlent pas forcément français, «ASM» est un peu confus; cette appellation n'est pas extrêmement transparente. En revanche, le terme de «police», lorsqu'il est bien utilisé, est plus clair: les personnes qui portent un uniforme évoquent pour tous la sécurité. C'est une simplification que nous avons trouvée nécessaire, en tout cas la majorité de la commission. Nous avons bien évidemment travaillé avec la police cantonale pour éviter toute confusion avec le terme de «policier», qui doit être utilisé de manière bien spécifique. Pour ce vote, il y a eu 7 oui, 6 non et 1 abstention.

Je m'arrêterai là et me permettrai de revenir en cours de débat. Je vous rappelle seulement que le vote d'ensemble de ce projet de loi fut le suivant: 9 oui contre 2 non et 3 abstentions. Et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire comme la majorité, c'est-à-dire à accepter ce projet de loi.

Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, est très important. Comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, M. Hohl, il vise à clarifier les missions des agents de sécurité municipaux, à valoriser le travail important que ces collaborateurs fournissent dans les communes qui les emploient et à ménager la collaboration avec la police cantonale. C'est un projet issu d'une vaste procédure de concertation, où tous les acteurs - et ils sont nombreux dans le domaine - ont pu dire ce qu'ils souhaitaient et être associés au projet. Le résultat, le projet que nous a présenté le Conseil d'Etat, est donc le fruit de ce dialogue entre - une fois encore - tous les acteurs concernés, à savoir bien sûr les agents municipaux, mais aussi les organisations qui les représentent, la police, les communes - celles qui ont des agents et celles qui n'en ont pas - l'Etat et tous les autres acteurs du dispositif.

Pourquoi donc avoir déposé un rapport de minorité alors que, comme l'a rappelé M. Hohl, nous avons - en tout cas les socialistes - accepté certains changements introduits dans le courant de la discussion et des travaux de la commission judiciaire ? J'ai déposé un rapport de minorité parce que, à la fin des travaux, comme nous avions passablement modifié le projet de départ, il nous paraissait important et nécessaire d'entendre à nouveau en tout cas l'un des acteurs - le principal pour nous - c'est-à-dire l'ACG, l'Association des communes genevoises, pour qu'elle nous dise ce qu'elle pensait des modifications que nous avions apportées en cours de route. Nous souhaitions également - et cela nous paraissait aussi une évidence - entendre à nouveau le chef du département, pour qu'il nous indique à son tour ce qu'il pensait des différents amendements et modifications apportés durant les travaux de la commission.

Malheureusement, la majorité de cette commission ne nous a pas écoutés et a souhaité adopter au pas de charge ce projet de loi. C'est donc pour manifester notre désaccord avec cette méthode que nous avons déposé ce rapport de minorité et refusé le projet. Et ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très contente d'avoir refusé ce projet de loi parce que, comme vous allez le voir dans le cadre du débat qui va suivre, nous allons discuter et probablement accepter certains amendements. Par conséquent, au final, nous tiendrons compte de tout ce qui aura pu être dit par ces acteurs que vous n'avez pas souhaité entendre en commission.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est furieux - je le dirai de cette manière - du manque d'honnêteté de la commission qui a traité ce projet de loi. En effet, le rapport sur le projet de loi du Conseil d'Etat a été déposé le 26 décembre 2008, or le Mouvement Citoyens Genevois avait déposé le 6 janvier 2006 le projet de loi 9756, dont une grande partie figure dans le projet du Conseil d'Etat rédigé deux ans plus tard. (Brouhaha.) Le commissaire représentant le MCG au sein de cette commission a réitéré à de nombreuses reprises sa demande de traiter ces projets de lois ensemble - vu que le MCG avait déposé un projet de loi en partie similaire non pas un mois, mais deux ans auparavant ! - mais elle a été refusée ! Car figurez-vous que ce parlement fonctionne ainsi: lorsqu'un parti a une bonne idée - surtout s'il s'appelle le Mouvement Citoyens Genevois - on congèle ses projets de lois en commission en les laissant sous la pile. Systématiquement, tous les projets qui viennent par la suite sont traités, mais ceux du MCG restent sous la pile. Ce qui veut dire que, lorsque ce projet de loi arrivera en plénière - pas avant deux ou trois législatures, je pense, peut-être en 2018... (Remarque.) ...ou 2019, très bien, vous voyez, je n'étais pas loin ! - on dira alors: «Mais ce projet de loi n'a plus d'essence, puisque tout a déjà été réglé il y a des années...» Ces procédés, Mesdames et Messieurs les députés, sont malhonnêtes.

Laissez-moi vous dire que, dans le projet de loi du MCG datant de 2006, nous avions par exemple imaginé une petite révolution dans le traitement financier des amendes d'ordre - vous savez, celles qui sont très chères aux citoyens et à tous ces gens qui, en se parquant cinq minutes pour aller chercher une baguette de pain ou un paquet de cigarettes, trouvent à leur retour une amende de 120 F sur le pare-brise, ainsi que les remerciements de celui qui l'a mise. Pour éviter ce dérapage financier - parce que, en réalité, on en était là: les communes avaient bien compris que, plus elles engageaient de verbalisateurs, plus elles pourraient renflouer les caisses communales sur le dos de nos concitoyens - le MCG avait imaginé en 2006 déjà que 50% au minimum des produits financiers de toutes les amendes d'ordre infligées par les agents de sécurité municipaux et/ou agents municipaux seraient reversés à l'Etat.

Or, deux ans plus tard, le Conseil d'Etat, ou plutôt la commission qui amende ses articles, dit: «Lorsque le produit des amendes d'ordre encaissées par une commune dépasse 5 millions de francs sur une année civile, le surplus est partagé avec l'Etat, à concurrence de 75% pour celui-ci et de 25% pour la commune.» Vous y verrez une certaine similitude ! Nous, nous avions une petite variante. Vous savez qu'une amende d'ordre a une durée de vie de trente jours: si elle n'est pas payée, elle est convertie en contravention. Nous proposions alors que, durant les trente premiers jours de vie de l'amende d'ordre, 50% des produits financiers aillent à l'Etat et 50% aux communes. Cela aurait certainement calmé les quelques grands argentiers dans certaines communes, qui voyaient là - notamment en Ville de Genève - une vache à lait qui s'appelle le citoyen automobiliste, qu'il faut tondre de tous les côtés en lui vendant des macarons pour aller se parquer en bas de chez lui. Pourtant, on sait très bien que la Fondation des parkings vend des macarons pour 27 millions de francs, alors qu'elle ne dispose de places de parc que pour 8 millions. N'importe quelle entreprise qui vendrait plus que ce qu'elle a en stock serait condamnée pour escroquerie, mais évidemment, là, c'est l'Etat; c'est différent, bien entendu. Voilà donc ce que nous avions prévu.

Il va de soi que ce projet de loi sera soutenu par le Mouvement Citoyens Genevois, puisqu'il va dans le sens de celui que nous avions déposé en 2006. Nous voulions seulement souligner ce manque d'honnêteté de la commission, qui n'a pas jugé bon de joindre ces projets et de les traiter en même temps en séance plénière. Nous attendrons l'issue du vote pour voir quel sera le sort que nous réserverons au projet de loi MCG, puisque nous avons repris tous les articles figurant dans le projet de loi du Mouvement Citoyens Genevois pour en faire des amendements. Nous ne manquerons pas de vous les présenter au fur et à mesure de ce débat, lequel promet d'ores et déjà d'être assez long, puisque j'ai ici quelques amendements que nous avons déposés.

Ce qui est très important, c'est que, dans l'esprit du projet de loi MCG, nous voulions carrément éliminer la compétence donnée à la Fondation des parkings, puisque ses employés sont très mauvais pour infliger des amendes: dans la plupart des cas, ils ne font preuve d'aucun discernement. Ce n'était pas tolérable, et nous l'avions dit lors de notre campagne électorale en 2005. Il nous aura fallu attendre trois ans pour qu'un projet de loi similaire arrive au parlement, bien que celui du MCG ait été déposé au tout début 2006 - le 6 janvier - comme je vous l'ai dit. Mais enfin, ce sont les aléas dont je vous ai parlé...

Nous nous permettrons donc, Monsieur le président, de revenir sur ces amendements en temps et en heure, au fur et à mesure que le débat avancera.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). En préambule, j'aimerais réagir aux contrevérités de M. Stauffer, car il fait un affront aux communes genevoises, au Conseil d'Etat et à l'Association des agents municipaux, qui se sont concertés suite aux Assises de la sécurité - comme l'a dit le rapporteur de majorité - pour discuter ensemble, dans un certain compromis, de la possibilité de déposer le projet de loi qui vous est proposé ce soir. Alors, vos contrevérités, c'est du populisme absolument inacceptable, Monsieur Stauffer...

Le président. Veuillez vous adresser au président ! Merci.

M. Jean-Claude Ducrot. En premier lieu, j'aimerais citer l'article 125A de la constitution, qui dit ceci: «La police est exercée dans tout le canton par un seul corps de police placé sous la haute surveillance du Conseil d'Etat. [...] La loi peut [...] déléguer au personnel qualifié des communes des pouvoirs de police limités.» Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que dit en substance notre charte fondamentale. Et ce projet de loi, issu de la concertation entre les magistrats communaux, l'association et le Conseil d'Etat, répond bien évidemment aux attentes des communes et du Conseil d'Etat.

Cependant, il faut bien admettre, Mesdames et Messieurs - et là je tiens à rendre hommage à mes collègues magistrats ou anciens magistrats des communes, qui ont gardé cette sensibilité communale - que des craintes ont été exprimées au sujet de certaines propositions qui ont été acceptées en commission mais qui n'ont pas été favorablement accueillies, notamment par l'Association des communes genevoises. Et il est important de faire valoir cette sensibilité communale, au nom de mon parti et d'autres signataires députés - plus particulièrement magistrats communaux ou anciens magistrats communaux.

Cela étant, ce projet de loi donne un éclairage, un souffle nouveau, une base légale extrêmement intéressante pour les communes genevoises; il valorise le travail de nos agents municipaux, qui sont, comme le dit la constitution, le «personnel qualifié des communes» genevoises. Mesdames et Messieurs, avec ce projet de loi, dans le cadre de la collaboration avec la police cantonale, ils seront les yeux de cette dernière, puisqu'ils vont faire un travail de proximité, là où il y a des frictions et des problèmes, sur leur terrain, dans leur rayon d'action, dans leur région et dans leur intercommunalité. Et c'est un plus en matière de sécurité publique.

Les moyens de défense, Mesdames et Messieurs, constituent l'un des points importants qui ont été discutés. Le Conseil d'Etat a promis qu'il allait doter nos agents municipaux de moyens adéquats de défense - indépendamment du fait de garder ce qui est important dans cette loi, à savoir qu'ils ne soient pas armés. Il faut qu'ils soient, comme en Angleterre, nos «bobbies», qu'ils soient visibles sur la voie publique et qu'ils agissent préventivement. C'est encore un plus de la loi.

En matière de collaboration, le Conseil d'Etat peut, en accord avec les communes et dans des cas urgents, faire appel directement aux agents de sécurité municipaux. Cela aussi - il convient de le souligner - s'inscrit dans le cadre de la collaboration.

Cependant, pour les magistrats communaux sont apparues un certain nombre de craintes relatives aux mandats de conduite, et j'y reviendrai tout à l'heure lors du traitement des amendements. De même, au niveau des missions, il y a eu des craintes quant à la lutte contre le bruit. Et là, j'entends que cela figure dans le Mémorial - j'ai beaucoup hésité à présenter au nom de mon groupe un amendement, mais je crois qu'il faut faire confiance à l'esprit de la loi et à ce qui sera consigné dans le Mémorial du Grand Conseil - il s'agit de faire en sorte que cette lutte s'exerce essentiellement contre le bruit du voisinage. Et si des communes, dans leur souci d'autonomie, se rendent compte qu'elles doivent disposer de moyens, libre à elles, sous leur responsabilité, d'utiliser ces moyens en accord avec le Conseil d'Etat. Mais il est important que l'autonomie des communes soit préservée.

En ce qui concerne les services jour et nuit, beaucoup de magistrats communaux ont eu des craintes et ont sauté en l'air en voyant que les agents municipaux devraient travailler jour et nuit et, le matin, faire de la proximité. Cela ne paraissait pas cohérent, et c'était contre-productif dans des communes de deux à trois mille habitants, qui sont prêtes à engager des agents municipaux qu'elles ne peuvent cependant pas faire travailler jour et nuit. Encore une fois, il est important de dire qu'il appartiendra au Conseil administratif, au maire ou au conseiller administratif délégué de faire en sorte d'engager les agents municipaux de manière appropriée, soit en fonction des nécessités communales et des moments de la journée, de la nuit ou de l'année. Il ne s'agit pas - il est important de le souligner - de les engager vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais bien selon les nécessités qui se feront jour, car les magistrats communaux connaissent leur terrain et, avec le concours de leurs agents, ils sauront où agir.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut saluer ce projet de loi. Il n'est pas le fruit du MCG ! Il est...

Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !

M. Jean-Claude Ducrot. Il est le fruit de la concertation entre le Conseil d'Etat, l'Association des communes genevoises et l'Association des agents municipaux. C'est pour cela que le groupe démocrate-chrétien vous invite, Mesdames et Messieurs, sous réserve des amendements qui seront proposés tout à l'heure, à voter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste. Sont encore inscrits: Mme Bolay et MM. Jornot, Bavarel, Golay, Wasmer, Odier, Losio, les rapporteurs, s'ils le désirent, et le Conseil d'Etat. Je vous propose que nous terminions les discussions du premier débat, que nous votions la prise en considération de ce projet de loi et, comme il y a énormément d'amendements, que nous commencions le deuxième débat demain à 17h. La parole est à Mme Bolay.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, le premier regret du parti socialiste - qui en a plusieurs - est le suivant: lorsque nous avons voté certains amendements au projet de loi initial, nous avons demandé à entendre les principaux intéressés, soit le président du Conseil d'Etat chargé du département et les communes genevoises, mais la majorité de la commission nous l'a refusé. C'est un regret, encore et toujours, parce que nous, députés, croyons tout savoir et tout connaître, mais ce n'est pas le cas ! Nous ne connaissons pas tout ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs, il faut parfois écouter ceux qui sont sur le terrain, ceux qui ont les connaissances et qui peuvent nous dire mieux que nous-mêmes ce qui est bien pour eux et ce qui ne l'est pas.

J'ai beaucoup aimé le séminaire auquel nous avons participé sur les Assises de la sécurité. En effet, nous avons eu un débat, une discussion approfondie concernant les ASM. Au passage, j'adresse mes salutations au président de l'association, qui nous écoute à la tribune - j'espère qu'il ne sera pas trop déçu à l'issue de ce débat ! J'aimerais saluer le travail immense que ces gens-là accomplissent dans les communes et, je le répète, il faudrait de temps en temps que l'on écoute les professionnels, qui ont des choses à nous dire.

A titre personnel, je regrette aussi - mais on ne va pas résoudre cette question maintenant - que, sur quarante-cinq communes, seules vingt-cinq ont mis en place des ASM. Ainsi, des communes comme Troinex, Vandoeuvres ou Puplinge ne disposent pas du tout d'ASM, alors que ce sont des communes riches ! Elles devraient en tout cas travailler en intercommunauté avec d'autres communes et faire en sorte que ce ne soit pas la police genevoise qui accomplisse ce travail.

J'aimerais également souligner que, dans son rapport de minorité, ma collègue dit - à juste titre - que nous, socialistes, n'avons pas accepté les mesures d'éloignement. Nous ne les avons pas acceptées, parce que cela modifie considérablement la profession des ASM. En effet, aujourd'hui, que fait-on ? De plus en plus, on dit: «Voilà un travail que la police ne peut plus accomplir, car elle n'a pas les moyens.» On l'a rappelé tout à l'heure: on manque de moyens et d'effectifs à la gendarmerie. Alors que fait-on ? On demande aux ASM d'accomplir ces tâches. C'est très bien, mais on ne donne pas aux ASM les moyens de faire leur travail correctement ! En effet, aujourd'hui - encore et toujours ! - ils n'ont pas les moyens, le bâton tactile ou le bâton tonfa - je les confonds toujours, parce que je n'en ai encore jamais vu la couleur, c'est dire ! J'estime pourtant que, puisqu'on leur donne de plus en plus de responsabilités, il faut de même penser que ces personnes doivent aussi être armées précisément pour les responsabilités qu'on leur confie.

Mesdames et Messieurs, je m'arrête là, parce que j'interviendrai à nouveau plus tard, notamment sur les mandats de conduite, au sujet desquels - vous l'avez vu - le parti socialiste reviendra sur les nouvelles prérogatives ou responsabilités que l'on veut donner aux ASM. En effet, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose. Les communes nous ont dit que, si elles devaient assumer ce travail - aujourd'hui, je vous le rappelle, il faut quatre gendarmes à plein temps pour s'occuper des mandats de conduite - il faudrait que beaucoup d'entre elles, notamment les grandes communes, puissent procéder à davantage d'engagements - et pas seulement, parce que d'autres problèmes vont se poser aux ASM.

Je ne parlerai pas du terme «police» parce que, à titre personnel, j'y suis favorable, mais mon parti ne l'est pas. Je vais donc suivre l'avis de mon groupe, ce que je regrette d'ailleurs. Mais je reviendrai sur ces différents amendements demain, Monsieur le président, puisque vous avez annoncé que c'est à ce moment-là que nous entamerons le deuxième débat.

En conclusion, mon regret est que l'on n'ait pas entendu les communes, et que l'on n'écoute pas davantage les professionnels, ceux qui sont sur le terrain et qui ont à nous apprendre encore beaucoup, à nous, simples et humbles députés.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs, chers collègues, lors de la procédure de consultation qui a précédé le dépôt du projet de loi, les libéraux ont fait part d'un sentiment mitigé. Ils reconnaissaient certes la présence dans ce projet d'éléments tout à fait favorables, s'agissant notamment de revaloriser la profession d'ASM, mais ils regrettaient que l'on n'ait pas profité de ce projet de loi pour mettre en place un véritable concept cantonal de sécurité, dans lequel on partagerait réellement les tâches entre le niveau cantonal et le niveau communal. Dans le fond, on a maintenu le système de la mosaïque tel qu'il existe aujourd'hui, avec des cumuls de compétences dans un certain nombre de domaines, mais sans que l'on puisse vraiment parler d'un partage ni d'une façon de décharger la gendarmerie, notamment, dont on sait la charge, voire la surcharge de travail.

Cela étant, je l'ai dit, nous avons donc reconnu un certain nombre de progrès, lesquels ont été confirmés lors du dépôt du projet de loi. Ils ont déjà été évoqués tout à l'heure: il s'agit de la possibilité de donner à ces agents des moyens de défense personnelle et de l'amélioration de la collaboration entre la police et les corps communaux.

En commission, d'autres améliorations ont été apportées et ont contribué à renforcer l'efficacité de ce projet de loi. Il y a d'abord une meilleure définition des missions, une hiérarchisation plus précise des missions dévolues aux corps d'ASM. C'est un amendement libéral qui a fait en sorte que la police de proximité soit la mission première et que les autres missions, finalement, interviennent en second rang.

Deuxième amélioration apportée en commission: la mission de jour et de nuit. Il ne s'agissait pas de dire que les ASM travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que tous les postes sont accessibles et ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous voulions simplement indiquer, notamment aux grandes communes, qui ont d'importants corps d'ASM, que l'insécurité ne prend pas fin à 21h59 et que des besoins peuvent se présenter à d'autres heures. C'était une façon de donner un signe et de montrer que, là où des besoins nocturnes de sécurité se font sentir, les communes qui le peuvent - j'insiste là-dessus, notamment à l'attention de M. Ducrot - doivent faire plus.

Troisième amélioration: l'inclusion de la petite mesure d'éloignement. Non pas toutes celles que nous avons votées tout à l'heure dans le projet de loi précédent, mais uniquement la mesure orale. Elle s'impose comme une évidence dans une loi où l'on a déjà donné aux agents de sécurité municipaux la faculté de faire des contrôles d'identité et de conduire les personnes en question au poste aux fins d'exécuter le contrôle, puis la possibilité, dans ce projet-là, de procéder à une fouille de sécurité. Que l'on ne puisse pas, ensuite, simplement donner instruction à une personne de quitter un endroit déterminé serait simplement aberrant.

La quatrième amélioration, enfin, c'est la dénomination de «police», qui est simplement une façon de prendre acte du fait que, lorsque l'on donne des compétences de police à un corps, il faut finalement reconnaître que ce corps est une police ! Je regrette certaines réactions, de la part notamment des syndicats de police, qui se considèrent comme dépossédés d'une appellation d'origine contrôlée qu'ils seraient seuls à pouvoir détenir. Ce n'est pas juste, ce n'est pas de cela qu'il s'agit: il n'est pas question de prétendre que les ASM deviendraient des policiers. D'ailleurs, ce n'est même pas le terme que la loi leur donne, puisqu'ils n'ont pas l'obligation d'avoir le brevet de policier. Mais le fait d'admettre ce corps comme étant une police municipale est simplement la reconnaissance du travail effectué, sans compter les aspects de lisibilité et de communication qui ont été soulignés par le rapporteur de majorité.

Ces améliorations font donc que l'on a en définitive un bon projet de loi. Les libéraux, comme presque la totalité de la commission, ont accepté de suivre le Conseil d'Etat dans l'idée qu'il fallait donner la compétence et la mission d'exécuter les mandats de conduite de l'office des poursuites aux ASM. J'insiste sur le fait - parce que j'ai tout entendu à ce sujet - que c'est bien le projet du Conseil d'Etat qui prévoyait cette compétence et qu'il ne s'agit pas d'une lubie des commissaires, qui l'auraient ajoutée au cours des travaux. La suite a démontré que cette clause n'a pas été préparée et négociée de manière suffisamment fine avec les communes, que certaines d'entre elles ont pu avoir le sentiment qu'il s'agissait d'un transfert de charges et que, de surcroît, il est vrai, compte tenu de la lourdeur et de l'importance de la charge, le fait de n'avoir prévu ni les conditions qui permettent d'imposer cela à une commune, ni la rémunération des communes qui exécuteraient ces mandats de conduite, aurait pu conduire à des situations d'inégalité de traitement. C'est la raison pour laquelle les libéraux, ce soir ou demain, ne se battront pas pour le maintien de cette compétence.

J'aimerais terminer en disant deux mots de la position de la minorité, qui doit être un peu inconfortable. En effet, Mme Pürro nous disait tout à l'heure que le projet avait été dénaturé en commission; l'ennui est que, sur l'essentiel des points qui sont aujourd'hui remis en question par la minorité, le groupe socialiste est dans le camp des votants ! Aussi bien sur l'appellation «police» que sur les mandats de conduite, ou même sur le partage des amendes avec la Ville de Genève.

Enfin, étant l'un de ceux qui sont considérés par M. Stauffer comme les malhonnêtes de la commission, j'aimerais dire au MCG que, contrairement à ce qui a été affirmé, son petit projet de loi évoqué tout à l'heure a été traité en même temps que le projet du Conseil d'Etat, en même temps d'ailleurs que deux projets de lois libéraux. Il doit donc y avoir une très mauvaise communication entre le commissaire à la commission judiciaire - et chef de groupe - et son président, une sorte de mésentente à cause de laquelle ils ne parviennent pas à comprendre ce qu'ils se disent l'un à l'autre. En effet, si vous l'aviez clairement expliqué, vous auriez pu dire à M. Stauffer que c'est uniquement parce que vos propositions n'étaient pas intéressantes qu'elles n'ont pas été retenues.

En conclusion, je vous propose, Mesdames et Messieurs, d'entrer en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs, j'aimerais simplement revenir sur deux ou trois points qui m'ont amusé lors de ce débat. J'avais cru comprendre, après bientôt quatre ans de cette législature, le programme de certains partis dans cet hémicycle: la suppression des impôts et, parallèlement, la hausse du salaire de tous les fonctionnaires. C'était la première incohérence. Aujourd'hui, on en découvre une deuxième: nous avons fixé des règles, des lois, et l'on reproche aux autorités, à la police et aux polices municipales de les appliquer. Alors je vous suggère à tous de faire une expérience. On pourrait passer quinze jours en ville avec ma bagnole et proposer une mesure assez simple: on mettrait tous les feux au clignotant orange, on pourrait se garer en triple ou en quadruple file, il n'y aurait plus de zones bleues, etc., et nous serions dans un monde merveilleux !

Pourquoi dites-vous tout le temps que les automobilistes sont les vaches à lait de la république ? Ce n'est pas le cas ! On vous dit: «Pour que d'autres personnes puissent utiliser la zone bleue, vous avez un temps limite durant lequel vous pouvez vous garer. Puis vous partez pour que quelqu'un d'autre puisse utiliser votre place. Cependant, si vous avez un macaron, parce que vous habitez le quartier, vous pouvez rester.»

Quelle est cette haine contre les gens qui nous aident simplement à avoir des règles communes qui soient viables ? Ce n'est pas scandaleux que de demander aux gens de respecter les règles ! Nous constituons un parlement: nous sommes là pour changer la règle si elle ne va pas. Alors, si elle ne convient pas, nous décidons que la vitesse est limitée à 240 km/h en ville - ce sera sympa pour les enfants qui vont à l'école - que le temps de parcage est illimité partout et que, si possible, on empile les bagnoles et on les met en triple file sur les voies de bus et ailleurs ! C'est cela, votre projet politique ?!

Soyons sérieux. Les ASM effectuent un boulot nécessaire: faire respecter les règles que nous avons nous-mêmes fixées. Donc je ne peux pas entendre et je ne comprends pas que l'on soit en train de dire: «C'est scandaleux que l'on fasse respecter les règles !» C'est le discours que j'ai entendu, je suis désolé. Il me consterne ou il m'amuse - à ce niveau-là, je ne sais pas où on en est. Néanmoins, je trouve quelque peu grotesque que, dans cette assemblée, on arrive à dire que c'est scandaleux que les gens fassent appliquer la loi ! (Applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens d'emblée à préciser que j'ai soutenu ce projet de loi à la commission judiciaire. Néanmoins, je désire formuler quelques remarques par rapport aux différents amendements déposés lors de cette étude.

Tout d'abord, on avait le choix: cela pouvait être le projet initial du Conseil d'Etat, qui paraissait modéré, mais apportait beaucoup de solutions, puisqu'il faut savoir que, aujourd'hui, les ASM ne peuvent pas intervenir dans bien des domaines, notamment la propreté et la salubrité. Des règlements d'application existent certes, mais les bases légales manquent pour qu'ils puissent intervenir complètement. Ce projet de loi amène donc ces bases légales à leurs interventions et, de ce point de vue, je m'en félicite.

Puisque l'essentiel est de donner de nouvelles compétences aux ASM, il s'agit aussi de décharger la police cantonale de certains besoins et de certaines charges. Là-dessus, ce projet de loi est incontestable. Pourtant, on a voulu l'amender, et il y a un point que je regrette. On a certes décidé en commission de modifier l'appellation d'«agents de sécurité municipaux» en «agents de la police municipale», mais le public et les téléspectateurs doivent savoir que l'on a voté cette appellation à la toute fin de l'étude de ce projet de loi. Il en résulte que l'on a été alors un peu pris de court. Je pense pour ma part que, avec l'appellation de «police municipale», il fallait donner à ces agents beaucoup plus de compétences. En effet, ils auront dans le dos - puisqu'elle figurera sur leur uniforme - l'appellation «police municipale», mais ils n'auront pas les compétences des véritables polices municipales telles qu'on les connaît à Lausanne ou dans d'autres cantons suisses, lesquelles sont armées et peuvent prétendre à assurer une véritable sécurité. Aujourd'hui, on a un peu bafoué ce côté-là. Par conséquent, j'aurais été favorable au fait d'amender en commission ce projet de loi, mais alors en le poussant beaucoup plus loin et en donnant des compétences qui déchargent totalement la gendarmerie, voire la police judiciaire dans certains cas.

Aujourd'hui, on se retrouve avec une police municipale qui, dans la rue, ne pourra visiblement pas intervenir dans tous les domaines, notamment celui des stupéfiants. Et cet uniforme, cette appellation, va apporter une certaine confusion avec la police cantonale, ce qui est regrettable. Imaginez-vous un agent de la police municipale qui, voyant quelqu'un dealer sur les quais, ne pourra pas intervenir directement. Que pensera le touriste, qui ne connaît pas du tout nos tenues au niveau cantonal, en voyant des policiers passer à côté sans pouvoir intervenir ? Je pense que l'on n'a pas poussé suffisamment loin ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit.

Il faut notamment savoir que les polices municipales, même en France, sont armées. Ici, ce ne sera pas le cas. Les bandits en France ne feront pas la distinction entre un agent municipal - ou une police municipale - et la police municipale française, dont ils savent qu'elle est en tout cas armée. Par conséquent, il existera aussi un risque non négligeable pour les collaborateurs des communes et de la Ville de Genève.

En outre, il y a le fait qu'une police doit pouvoir être appelée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas.

Tous ces problèmes n'ont donc pas vraiment été étudiés, et on peut le regretter. Je pense que je vais soutenir ce projet de loi, mais qu'il faudra mener une véritable réflexion par rapport à la police municipale, à ce terme, et pousser plus loin aussi au niveau de la formation. En effet, à l'heure actuelle, les ASM des communes ont trois mois de formation alors que, pour la Ville de Genève, celle-ci dure une année. Je pense qu'il faut équilibrer le tout et faire en sorte que les collaborateurs de ces communes aient la possibilité d'obtenir le brevet, afin qu'ils puissent se prétendre policiers comme les autres. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, et l'on bafoue donc un peu le brevet de policier, ce qui est aussi regrettable.

Nous voulons aujourd'hui - et c'est la volonté de tous - que les ASM assurent la sécurité. Par conséquent, il convient de leur en donner les moyens. On peut aussi aller plus loin et leur accorder des compétences en matière de circulation globale car, aujourd'hui, ils ne peuvent toujours pas intervenir dans 50% des infractions de la circulation; c'est regrettable ! Je le répète: si l'on veut vraiment décharger la police cantonale, il faut aller plus loin.

Par ailleurs, on peut regretter que l'appellation ait été décidée tout à la fin de l'étude de ce projet. Et, personnellement, je m'étais opposé à cette dénomination pour le motif que je viens de citer.

En conclusion, il faut à mon avis aller plus loin. Ce projet de loi aurait dû revenir en commission, surtout au vu de la contestation de l'Association des communes genevoises. En effet, les «Infos ACG» - vous ne les avez pas reçues, mais moi oui - contestent en tout cas cinq ou six amendements que nous avons décidés en commission. Il aurait donc fallu revoir cela, réétudier les choses, et peut-être supprimer les mandats d'amener ou d'autres dispositions que l'on a adoptées en cours de route un peu à l'emporte-pièce et selon les états d'âme. Je le dis simplement: donnons plus de compétences à la police municipale, pour véritablement décharger la police cantonale.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, mes cheveux se dressent sur ma tête lorsque j'écoute les déclarations des représentants du MCG: l'un s'attribue le projet de loi, l'autre le démonte alors qu'il n'a jamais formulé la moindre remarque en commission. (Remarque.) Monsieur Golay, vous n'avez jamais fait le moindre commentaire en commission ! Et, comme l'a rappelé M. Jornot, le projet du MCG n'a pas été oublié ! Ce dernier n'intéressait simplement personne, alors que celui du Conseil d'Etat était bon à plus d'un titre.

Comme je vous le disais tout à l'heure lorsque notre parlement a voté le projet de loi sur l'éloignement, les effectifs manquent aujourd'hui en police judiciaire et en gendarmerie. Si les propositions faites par plusieurs groupes ici présents n'ont malheureusement pas été acceptées à ce jour, l'apport d'un complément de police municipale pourra au moins régler certains problèmes - modestes, il est vrai - et fournira tout de même une plus-value à la sécurité genevoise.

Cela étant, nous avons entendu en commission - comme l'ont rappelé les rapporteurs - le commandant de la gendarmerie, le commandant des ASM et le président de l'Association des communes genevoises. Toutes ces personnes nous ont donné leur avis et nous ont malheureusement fait part de leurs inquiétudes par rapport à ces tâches que l'on pourrait donner aux agents municipaux, lesquels n'ont ni la formation, ni les moyens d'assumer un travail de police classique puisque, vous le savez, il faut accomplir une école relativement longue pour devenir gendarme, voire inspecteur de police judiciaire.

Cela dit, attribuer ces fonctions aux agents municipaux permettra de décharger la gendarmerie et la police, dans la mesure où certaines tâches, qui vous sont rappelées à l'article 5 de cette nouvelle loi - soit le contrôle de l'usage accru du domaine public, la lutte contre le bruit, le contrôle en matière de circulation routière, la prévention et la répression en matière de propreté et notamment d'affichage sauvage et, surtout, l'exécution des mandats de conduite en matière de poursuites - sont des missions qui n'existent pas aujourd'hui et que l'on donnera aux agents municipaux, lesquels, comme beaucoup d'entre vous l'ont rappelé jusqu'à présent, ne seront pas plus armés - du moins pas plus que les policiers. Ils disposeront peut-être d'un spray au poivre pour se défendre, éventuellement d'un bâton, mais ils n'auront pas de moyens de défense traditionnels.

Aujourd'hui, l'UDC est bien obligée d'admettre que, même si ce projet de loi n'est pas parfait pour les raisons qui ont été énoncées tout à l'heure, c'est un moyen qui permettra tout de même de régler certaines tâches minimales de police. Et, contrairement à ce que j'ai entendu dire précédemment - on a critiqué le fait que l'on attribue certaines tâches à des communes - les grandes communes que sont par exemple la Ville de Genève, Meyrin, Onex ou Vernier permettront d'apporter des agents municipaux pour qu'ils accomplissent une tâche; même si ce n'est pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce sera du moins d'une manière régulière, spontanée et surtout prolongée par rapport à ce qui se passe actuellement. Ainsi, pour ces raisons déjà, l'UDC vous recommandera d'approuver ce projet de loi.

Le deuxième problème dont on a longuement débattu concerne l'appellation de cette police. Aujourd'hui, vous savez que nous avons deux sortes d'agents municipaux: les agents municipaux et les agents de sécurité municipaux, qui portent un costume gris avec des lettres jaunes. Or ce genre de personnages et d'habits ne sont pas reconnaissables, sauf pour les Genevois et les habitués de la Ville de Genève. Pour les étrangers - et même pour les gens venant d'autres cantons - ils ne représentent, au mieux, pas plus que des agents de sécurité. La commission - dans sa très grande majorité, je crois - a donc rappelé que le mot «police» donnerait une plus grande autorité, tout en précisant qu'il s'agit d'une police municipale, de façon qu'il n'y ait pas de confusion avec les policiers traditionnels.

Mesdames et Messieurs les députés, nous n'aurons pas des policiers complémentaires, je le reconnais, mais nous aurons néanmoins des gens ayant peut-être un pouvoir dissuasif grâce à leur présence prolongée dans la rue, ainsi qu'au port d'un uniforme et d'un logo qui les montreront comme les défenseurs de la sécurité et de l'ordre publics. Et même si certaines tâches sont discutables aujourd'hui, nous vous proposons de voter ce projet de loi et de ne pas le renvoyer en commission, comme certains y songent déjà.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Golay, il a juste été question d'un député MCG qui ne serait pas intervenu ! On ne peut pas savoir de qui il s'agit, alors ne prenez pas tout le temps la parole... (Remarque.) Si vous ne réagissez pas, personne ne saura de qui il est question ! La parole est à M. Odier.

M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est extrêmement important, nous le disons tous. Et pourtant, ce n'est qu'un tout petit pas vers une simple clarification de l'organisation des forces de l'ordre à Genève. Il nous a été présenté comme un projet élaboré et un accord... (Brouhaha.) On va peut-être attendre que le Bureau soit attentif ! Monsieur le président... (Commentaires.)

Une voix. Mais que fait la police ?!

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Veuillez continuer.

M. Jean-Marc Odier. Je vous remercie, Monsieur le président; je suis navré que vous soyez perturbé par M. Golay. Monsieur Golay, vous aurez certainement l'occasion de vous exprimer encore demain ! (Remarque.)

Je disais simplement que ce projet nous a été présenté comme un accord entre les communes, les agents municipaux et ce que le département - ou le Conseil d'Etat - a pu proposer. Un accord fragile, qu'il ne fallait surtout pas modifier. Mais les travaux de la commission n'ont pas du tout chamboulé ce projet de loi ! Il y a juste eu quelques petites modifications.

Que faut-il retenir de ce projet ? Quel est en réalité le mécanisme que nous soutenons totalement ? C'est un projet de loi qui va permettre, d'un côté, de soulager la police cantonale de certaines réquisitions. En effet, la police cantonale croule sous les réquisitions, elle n'arrive pas à assumer l'ensemble de ces dernières, et elle est en nombre tout à fait insuffisant par rapport au bassin de la population. D'un autre côté, ce texte va permettre aux communes de déployer un peu plus de personnes sur leur territoire pour avoir une police de proximité et de prévention. Donc on soulage d'une part la police cantonale, et l'on déploie d'autre part plus de monde sur les communes. Nous pensons que c'est totalement cohérent, et c'est ce mécanisme que nous soutiendrons par le biais de ce projet de loi.

Il y a aussi une nouveauté, qui a effectivement été introduite au cours des travaux de commission: le projet de loi demande que cette police de proximité soit présente de jour comme de nuit. Il nous paraît en effet tout à fait cohérent d'avoir un peu plus de monde à d'autres moments qu'aux heures de bureau puisque, nous le savons, un certain nombre des missions qui seront attribuées à ces agents de police municipale s'effectuent dans la soirée - pas forcément au petit matin, mais en tout cas dans la soirée.

Nous pensons que c'est un premier pas, qui permet de clarifier les attributions des différentes polices à Genève, ou du moins des différentes forces de l'ordre. Et ce ne sera que pour le bien de tout le monde.

Alors pourquoi n'avons-nous pas entendu, après les travaux de commission, les communes ? Parce que, comme je l'ai dit au début de mon intervention, ce projet a été élaboré en concertation avec les communes et le corps des agents municipaux et qu'il a été proposé par le Conseil d'Etat. Or, Mesdames et Messieurs les députés, le canton, le Grand Conseil, doit donner son point de vue. Ce n'est pas seulement un accord qui nous est proposé et que nous devons simplement adopter ! Nous avons également notre vision de la force de l'ordre, et cette dernière ne peut pas forcément correspondre à tous les souhaits des différents protagonistes. C'est pour cela que nous n'avons pas entendu les communes. De plus, les agents de sécurité municipaux auraient certainement également demandé une autre audition, et nous aurions encore continué à travailler pour n'arriver à rien de plus que ce que nous allons voter ce soir. Voilà pourquoi le groupe radical soutiendra ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission.

Une voix. Très bien !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Losio. (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer.)

Une voix. Vous n'avez pas la parole ! (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer.)

Le président. Monsieur Stauffer, vous vous taisez ! (Commentaires. Brouhaha.) La parole... (Commentaires.) ...est à M. le conseiller d'Etat Moutinot... (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer. Commentaires. Brouhaha.) Alors nous allons voter une motion d'ordre ! M. Stauffer demande que M. Golay puisse avoir la parole, car il a soi-disant été mis en cause. Je rappelle qu'il faut les deux tiers de l'assemblée.

Mise aux voix, la motion d'ordre (accorder la parole à M. Roger Golay) est rejetée par 45 non contre 8 oui et 9 abstentions.

Le président. La démocratie a parlé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Moutinot... (Brouhaha.) J'ai oublié M. Losio, excusez-moi ! (Remarque.) Votre nom s'est effacé de la liste, je suis désolé. Je vous passe la parole.

M. Pierre Losio (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voudrais tout de suite rassurer mon collègue fort assidu en commission, M. Golay: demain, je lui dirai nommément quelque chose de désagréable. Ainsi, il pourra s'exprimer !

Le projet de loi que nous traitons aujourd'hui a effectivement été le fruit d'un travail minutieux entre les communes et le Conseil d'Etat pour arriver à une solution. Ce n'est pas seulement ce projet de loi qui est important, c'est aussi toute une démarche du Conseil d'Etat en accord avec les communes afin d'avancer dans une meilleure répartition des compétences et des tâches. On pensait y être arrivé avec les sapeurs-pompiers mais, malheureusement, on a échoué, parce qu'une collection de casquettes était à la tribune et qu'une certaine partie de ce parlement s'est lamentablement déballonnée. On reviendra !

Un autre projet est en ce moment à l'étude à la commission des affaires régionales, internationales et... galactiques. Il concerne la péréquation intercommunale. De nouveau, un vrai travail a été réalisé en accord avec les communes et le Conseil d'Etat et, là, nous pensons que nous allons aboutir.

Ce soir, c'est également une avancée dans le travail initié dans la difficulté au début de cette législature, qui trouve quelques concrétisations en cette fin de législature. Nous saluons cette avancée, mais nous devons également signaler que, en l'état, ce projet de loi n'est pas acceptable. En effet, sur certains points - et nous l'avons mentionné lors de la procédure de consultation - il y a des éléments auxquels nous ne pouvons pas souscrire. Mais nous savons que nombre d'amendements ont été déposés, et nous espérons que, à la fin des débats, nous pourrons arriver à une solution de sorte que ce projet de loi soit adopté. En tout cas, nous ne ferons rien pour le faire capoter.

Lors de la procédure de consultation, nous avons fait savoir que nous étions opposés, dans l'article détaillant les missions, à la question des mandats de conduite pour l'office des poursuites. En effet, il nous semble que cela donne une image négative des agents de sécurité municipaux et que leur principale tâche n'est pas celle-là ! Il s'agit plutôt pour eux d'avoir une image et une présence positives dans le quartier, de faire de l'îlotage et d'avoir un contact avec les commerçants et les habitants. Nous souhaitons donc que cette mission soit supprimée dans la loi.

En ce qui concerne les compétences environnementales, nous avons proposé un amendement concernant l'enlèvement des véhicules, mais il a été refusé. Nous en prenons acte et verrons ce que nous ferons en deuxième débat.

D'autre part, certains éléments n'ont pas été «tripotés» par la commission, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. Ces éléments existaient déjà dans la loi ! Mais certains points ont été subtilement modifiés, notamment l'article 17, concernant les amendes. On a subrepticement ajouté un alinéa 2, qui contient une mesure imposée aux communes, entre autres à la Ville de Genève, que nous considérons comme confiscatoire. (Remarque de M. Jean-Michel Gros.) Il n'y avait pas d'alinéa 2, mon cher collègue Gros, dans la loi originale ! Je viens de la consulter. Et, aujourd'hui, on introduit une disposition dans laquelle on décide de prendre un pourcentage à partir d'un certain plafond, ce qui n'existait pas dans la loi initiale. En ce qui concerne l'autonomie des communes, nous ne pouvons pas l'accepter, aussi déposerons-nous un amendement dans ce sens.

Enfin, nous ne pouvons pas non plus tolérer que figure dans la loi l'introduction des mesures d'éloignement, sur laquelle nous avons eu l'occasion de nous exprimer précédemment.

Mesdames et Messieurs les députés, le travail d'agent de sécurité municipal et celui de policier ou de gendarme sont deux métiers strictement différents. Ils sont différents dans ce qu'ils représentent, dans l'iconographie intérieure de chacun de nos citoyens, et nous devons bien marquer cette différence. En ce qui concerne l'appellation elle-même, à force de donner des compétences de police aux agents de sécurité municipaux, on dérive tranquillement, mécaniquement, vers ce qui sera une police municipale ! C'est forcé, la démarche va de soi; on accorde plus de responsabilités, on ajoute des compétences de police, notamment les mesures d'éloignement... Eh bien nous, nous ne sommes pas favorables à cela !

S'agissant de la dénomination, nous savons que les agents de sécurité municipaux tiennent à cette appellation de «police», alors que la police, elle, y est opposée. Il y a en effet une problématique de formation, de brevet. Au sujet de cette appellation, notre religion n'est pas arrêtée; il ne s'agit pas pour nous de refuser de froisser quelques susceptibilités, mais nous serons heureux de suivre les discussions du deuxième débat, lorsque les amendements seront déposés.

En conclusion, notre groupe ne fera rien pour faire capoter ce projet de loi, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur Losio. Excusez-moi de vous avoir oublié tout à l'heure ! Monsieur le conseiller d'Etat Moutinot, c'est à vous.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord remercier celles et ceux d'entre vous qui ont collaboré à l'élaboration de ce projet de loi. Mes remerciements vont aussi à l'Association des communes et aux magistrats, en particulier M. Pierre Maudet, conseiller administratif de la Ville de Genève, avec lequel le travail a été intense. Je remercie également les associations professionnelles, des ASM et de la police, qui ont également participé. Je dois dire que cette volonté de participation a peut-être ceci d'extraordinaire: aujourd'hui, nous sommes encore saisis d'un nombre considérable d'amendements, tant le sujet passionne et tant chacun aimerait arriver à faire prévaloir son point de vue dans telle ou telle matière. Il est bon dès lors que votre Grand Conseil prenne les décisions qu'il voudra.

En ce qui me concerne, ce projet de loi obéit fondamentalement à cinq éléments. Et sur ces cinq éléments, il n'y a fort heureusement pas de divergence ! Le premier consiste à valoriser la profession d'ASM et, heureusement, nous sommes tous d'accord sur ce point. Le deuxième consiste à fixer les missions et, là aussi, nous sommes d'accord, à une mission près - vous en débattrez et l'accepterez ou non - celle des mandats de conduite. En troisième lieu, il s'agit d'étendre les compétences des ASM, ce que personne ne conteste non plus. En quatrième lieu, il est question de prévoir des engagements communs, de différente nature selon qu'ils sont mixtes ou qu'ils se font à la demande du canton. Là aussi, cette collaboration heureuse doit être véritablement formalisée - nous avons un peu anticipé avec la Ville dans certains domaines, avec Bernex dans d'autres, et avec Thônex également - mais ce n'est contesté par personne, ce dont je me réjouis. Enfin - et c'est peut-être l'élément le plus important - le projet de loi donne une base légale qui permet aux ASM et à la police d'échanger leurs informations. Grâce à cela, on a un socle solide de collaboration sérieuse, en faveur d'une meilleure sécurité pour la population genevoise, entre les ASM et la police cantonale.

Certes, il y a plusieurs amendements, dont on parlera tranquillement demain. Certains - je le dis franchement - ne changent pas grand-chose au fond de la loi, et d'autres ont un peu plus d'importance. Mais, en toute hypothèse, aucun de ces amendements, quel que soit le sort que vous leur réservez, ne met en cause ce coeur-là, qui est le travail que nous avons voulu tous ensemble.

Mis aux voix, le projet de loi 10178 est adopté en premier débat par 65 oui et 1 abstention.

Suite du débat: Session 05 (février 2009) - Séance 25 du 20.02.2009

Le président. Je vous demande encore trente secondes d'attention, s'il vous plaît ! Demain, nous commençons nos travaux à 14h30. De 14h30 à 16h, nous traiterons les extraits. Ensuite, notre séance de 16h à 19h se décomposera de la manière suivante: de 16h à 17h, en accord avec vos chefs de groupe, nous aborderons le point 19 et différentes motions. Et à partir de 17h, nous recommencerons l'étude de ce projet de loi 10178, en passant au deuxième débat. Je vous souhaite à toutes et à tous une bonne nuit ! A demain !

La séance est levée à 23h15.