République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 11292-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2014 (LBu-2014) (D 3 70)

Suite du deuxième débat

Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)

H - SECURITE ET POPULATION

Le président. Nous poursuivons nos travaux et attaquons la politique publique H «Sécurité et population». Nous passons au programme H01 «Population, droit de cité et migration». La parole est demandée par M. le député Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (PLR). Monsieur le président, je m'étais inscrit pour ne pas rater l'occasion de prendre la parole sur la politique H08. Merci de me la redonner à ce moment-là.

Le président. Je vous laisse le soin de demander à nouveau la parole au bon moment, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Je vous remercie, j'espère être suffisamment réveillé, Monsieur le président.

Le président. Cette politique publique comprend ensuite les programmes H02 «Sécurité publique», H03 «Sécurité civile», H04 «Armée et obligation de servir», H05 «Admission à la circulation routière et à la navigation», H06 «Exécution des poursuites et faillites», H07 «Privation de liberté et mesures d'encadrement». Pour ce dernier programme, nous avons un amendement du Conseil d'Etat de +1,6 million sur la nature 31 - charges de biens et services et autres charges d'exploitation. La parole est à M. le député Christian Zaugg.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, je vous remercie. Mon intervention a une portée générale. Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant du budget de fonctionnement de la politique publique relative à la privation de liberté et aux mesures d'encadrement figurant à la page 219, et pour les investissements à la page 59, le groupe Ensemble à Gauche tient à faire la déclaration suivante.

Il est bien clair que l'établissement de Champ-Dollon, qui compte aujourd'hui 878 détenus pour 376 places, est surpeuplé. Et je rappelle que la commission nationale de prévention de la torture a lancé au début de l'année 2013 un appel aux autorités genevoises afin de dénoncer un problème de promiscuité et des délais d'attente excessifs pour l'accès aux soins. Dans ce contexte particulier, la commission des visiteurs officiels dont je fais partie a visité la prison de Champ-Dollon il y a deux semaines. Je relève à cet égard que même si la direction et le personnel font tout - et je tiens à le souligner, tout - pour arrondir les angles en permettant notamment aux détenus d'une cellule de choisir le troisième locataire parmi leurs amis - un invité qui bénéficie d'un lit pliable fixé au mur - le problème de la surpopulation dans cet établissement destiné à la détention préventive reste patent. Preuve en est le regrettable incident, parmi d'autres, qui s'est produit dans la cuisine et, comme chacun s'en souvient, s'est assez mal terminé. Dans ce sens, on ne peut que souhaiter la réalisation de La Brenaz pour la détention administrative, de Curabilis pour les mesures et l'internement psychiatriques, des Dardelles-Pré-Marquis pour l'exécution des peines, sans parler d'une probable extension de la Clairière pour les mineurs.

Nous voterons les crédits qui nous seront présentés, mais cela ne nous interdit pas de réfléchir et de risquer devant vous un nouveau paradigme: et si nous nous trompions, pris dans une fuite en avant vers un tout-carcéral ? Et si la vraie solution ne résidait pas dans la construction massive d'établissements pénitentiaires, mais se situait plutôt en amont, je veux parler d'un changement dans le fonctionnement de notre justice ? Il est tout de même assez curieux que près de mille personnes soient incarcérées dans nos établissements pénitentiaires à titre préventif: nous avons l'impression qu'une partie du problème est à chercher dans la rigueur excessive qui prévaut dans l'application de la loi pénale. (Brouhaha.) Bien sûr, nous ne demandons pas au ministère public de ne pas placer en détention préventive des individus dangereux, mais nous posons la question de la raison de la présence à Champ-Dollon de détenus condamnés à des peines d'arrêt ou d'emprisonnement de trois mois au plus, qui ne présentent pas de risque de récidive, notamment des femmes qui pourraient, en portant un bracelet électronique, bénéficier d'un simple arrêt domiciliaire. Oui, nous savons bien que le code pénal ne le permet pas encore tout à fait, mais je rappelle que le Conseil fédéral a permis le port du bracelet électronique aux cantons de Berne, de Vaud, du Tessin, de Soleure, des deux Bâle et de Genève pour des peines de courte durée et à la fin de peines de longue durée, dans le cadre d'une période d'essai, jusqu'en 2015. Monsieur Maudet...

Une voix. Absent !

M. Christian Zaugg. ...nous a dit hier que Genève était à la pointe en ce qui concerne le nombre de personnes portant un bracelet électronique. (Brouhaha.) Certes, mais voilà une solution qui permettrait selon nous, si elle était étendue, de réduire très sensiblement la population carcérale, voire de diminuer nos investissements, et nous invitons le Conseil d'Etat à y réfléchir très sérieusement. A ce sujet, la Suède, à partir d'un modèle qui instaure un parcours bien pensé du prisonnier, conduit une politique volontariste de diminution du nombre de détenus...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Christian Zaugg. J'ai tout de suite fini. ...qui les mène progressivement vers la liberté et vers des prisons de plus en plus ouvertes connaissant des régimes de semi-liberté. Cette politique, qui a permis de réduire la population carcérale de 6% dans un contexte où la criminalité est toutefois en voie d'augmentation, comporte des effets positifs en termes de suivi et de réinsertion; elle devrait nous intéresser et nous interpeller. C'est la raison pour laquelle nous nous posons cette question qui certes va à l'encontre du tout-carcéral bien à la mode aujourd'hui: et si nous nous trompions, et si la solution se trouvait ailleurs ? Je vous laisse y réfléchir, merci de m'avoir écouté.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Il est vrai que la situation carcérale à Champ-Dollon, et en particulier la surpopulation, est alarmante: je crois que nous partageons tous ce constat au sein de ce parlement. Pour remédier à cette surpopulation, le département nous propose la construction d'une nouvelle prison que nous venons de voter il y a peu. Comme vous le savez, les Verts auraient pu soutenir ce projet s'il ne s'était agi à terme de transformer cette prison en espace de détention administrative, idée que nous ne pouvons pas appuyer. En effet, nous sommes d'avis que la détention administrative, et ce fameux «hub de détention administrative» que l'on veut créer à Genève, nuit fortement à l'image de notre canton, de la Genève internationale, de la Genève humanitaire. Et lorsque nous lisons qu'on peut prévoir des cellules familiales pour la détention administrative, nous sommes extrêmement inquiets et nous tenions à le souligner encore.

Pour lutter contre la surpopulation carcérale, il faut aussi peut-être éviter d'emprisonner des gens qui n'ont rien à faire en prison. Les Verts ne peuvent pas accepter et soutenir que des personnes soient incarcérées au seul motif d'une infraction à la loi sur les étrangers. S'ils n'ont pas commis d'autre délit, nous estimons que, dans la situation que connaît actuellement Genève, nous ne pouvons incarcérer des gens sous le seul motif que ce sont des sans-papiers, et nous tenons à le répéter ici.

Les Verts sont aussi préoccupés par la boulimie pénitentiaire qui s'est emparée du département. En effet, comment justifier que Genève, le plus petit territoire romand, doive construire toutes les prisons de Suisse romande ? Je me rappelle que, lorsque M. Maudet a été élu, il y a environ dix-huit mois, il nous a dit qu'il allait étudier la possibilité de travailler davantage avec le concordat romand pour voir si nous ne pouvions pas construire des prisons ailleurs qu'à Genève, par exemple dans le canton du Jura. Nous ne comprenons pas d'abord pourquoi Genève devrait sacrifier toutes ses zones agricoles pour la construction de prisons... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ce qui pourra empêcher à terme la construction de logements; nous ne comprenons pas non plus pourquoi Genève devrait faire tous ces efforts d'investissements alors que nous savons pertinemment d'une part que le coût de fonctionnement des prisons est beaucoup plus élevé à Genève que dans d'autres cantons et d'autre part que le coût de construction y est également beaucoup plus élevé. Avec cette politique-là, nous grevons la politique d'investissement et nous mettons en concurrence des investissements qui ne devraient pas l'être. Par exemple: pour une prison, combien d'écoles ne vont pas pouvoir être rénovées, ne vont pas pouvoir être construites ? Les Verts sont extrêmement préoccupés. Nous vous appelons donc à revoir cette politique carcérale et à travailler de manière beaucoup plus efficace avec le concordat romand pour éviter des surcoûts à notre population. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Nous sommes tous d'accord, je pense qu'on va le répéter en boucle: tout le monde est préoccupé par l'état des prisons à Genève, des solutions doivent y être apportées. Mais je rebondirai sur ce qu'a dit Mme Forster Carbonnier: à mon avis, l'urgence de la situation ne doit pas nous empêcher d'avoir une réflexion à moyen et à long terme sur ce qu'on veut en matière de construction de prisons. Il est urgent - et je demande au Conseil d'Etat de nous donner une réponse ou un début de réponse aujourd'hui - de repenser la politique carcérale aux niveaux de la Suisse romande et de la Suisse entière; il est urgent de la repenser différemment. Nous voterons bien sûr les crédits qui nous sont demandés; nous voterons sans en discuter l'amendement du Conseil d'Etat concernant la construction et la sécurité de La Brenaz, mais nous demandons également qu'une réflexion soit menée: on ne peut pas voter des crédits la tête dans le sac, il faut absolument mener une réflexion globale. Je rappelle ici que Genève a accepté de construire Curabilis, une prison importante parce qu'elle va accueillir des gens qui ont besoin de soins médicaux. Cette prison sera très difficile à gérer, puisque plusieurs départements vont y intervenir - on a vu le problème qu'il y a eu avec la Pâquerette; de plus, on accepte de construire une prison et de se faire payer par les autres cantons à des prix défiant toute concurrence, c'est-à-dire que les autres cantons enverront des prisonniers à Curabilis et ne supporteront pas les coûts que représente Curabilis. Genève ne peut pas payer pour les autres cantons, je vous demande une réflexion globale. Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). En 2013, la criminalité est en baisse à Genève: le nombre de cambriolages dans les villas et les appartements chute de 20% par rapport à 2012; -23% pour les vols à l'astuce, -24% pour les vols à la tire, -11% pour les agressions et les brigandages: la politique criminelle mise en place par le conseiller d'Etat Maudet et M. Jornot commence à porter ses fruits. On notera qu'en 2012, le Conseil d'Etat s'est donné pour objectif d'intensifier durablement la lutte contre l'insécurité à Genève. Conjointement avec le ministère public, le Conseil d'Etat a signé une convention portant sur la définition d'une politique criminelle commune. C'est une démarche sans précédent à Genève qui doit permettre la cohérence concrète entre l'action policière de terrain et le suivi juridictionnel.

Je voudrais maintenant vous parler d'un certain confort dans la prison de Champ-Dollon. Cela concerne l'affaire Adeline: je ne vais pas refaire l'historique, mais il y a tout de même quelque chose à en dire. Les sorties des détenus sont discutées en groupe, le condamné formule ses voeux puis le groupe élabore le contenu de chaque sortie. Ce sont des criminels, ne l'oublions pas. La sociothérapeute et le détenu devaient se rendre le 12 septembre 2013 à 11h... (Protestations.) ...dans un manège à Bellevue spécialisé dans la psychomotricité avec chevaux, situé à 40 km de Champ-Dollon. Il faut savoir qu'il y a trois manèges proches de Champ-Dollon, à moins de 2 km par la route, et une parcelle de l'un d'eux touche cette prison. Ensuite, Fabrice A. a pu commander par internet un cure-sabot... (Brouhaha.) ...comme s'il n'y en avait pas dans le manège à Bellevue. L'activité équestre devait durer jusqu'à midi trente, et ensuite il y aurait eu un repas organisé chez Lipp. Mesdames et Messieurs, si ce n'est pas du confort, cela, à moi la peur ! Il y a toute une faune de métiers dans la prison... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! (Protestations.)

M. Bernhard Riedweg. Sociothérapeutes, gardiens, surveillants, escorte policière, psychiatres, juristes, avocats, magistrats, criminologues: il est clair qu'il y a des économies à faire dans cette politique publique. La prise en charge de chaque détenu-patient à Curabilis reviendra au canton de Genève entre 1200 F et 1400 F par jour selon les estimations. Dans le cadre du concordat latin, chaque canton romand plaçant un détenu à Curabilis verserait entre 600 F et 800 F par jour à notre canton. La différence est payée par le canton de Genève. Il semble que Genève veuille se profiler comme canton spécialisé dans le secteur de la prison, comme elle le fait pour l'horlogerie, la bijouterie, la parfumerie, le négoce international et la banque.

Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été assez choquée de ce que j'ai entendu précédemment: on condamnerait trop à des peines de détention à Genève. Je vous rappelle que, tout au contraire, le nouveau code fédéral de procédure pénale a pour résultat des jours-amende en quantité et donc une diminution du nombre de personnes incarcérées. L'autre chose qui m'a aussi surprise, c'est qu'on confonde l'internement administratif avec la détention. Le premier est appliqué - fort peu chez nous malheureusement - soit aux personnes qui demandent l'asile, soit aux clandestins: ces personnes ne veulent pas révéler d'où elles viennent, et je vous dis pour ma part qu'il est tout naturel de mettre en position de prendre le départ des personnes qui ne veulent justement pas dire dans quel pays elles doivent être renvoyées. Sachez que dès l'instant où elles le déclarent, elles peuvent repartir. Cette détention administrative résulte donc finalement d'un choix de ces personnes et non d'une prétendue méchanceté de notre Etat. Enfin, je voudrais dire qu'il y a effectivement des problèmes à Champ-Dollon, et je pense que le député Gautier le sait bien mieux que moi; malheureusement je ne connais pas les détails, je n'ai eu que quelques clients qui ont été détenus et qui ont parlé d'une grande insuffisance au niveau de la sécurité ou des soins médicaux - si quelqu'un est malade la nuit, on peut sonner et appeler aussi longtemps qu'on veut, il y a très rarement quelqu'un qui vient voir ce qui se passe dans une cellule où il y a en général entre six et huit détenus, voire plus d'après ce que j'ai entendu.

M. Michel Ducret (PLR). Eh bien, après le bal des faux derches sur le logement, on aura maintenant le bal des mal informés sur la situation de la détention à Genève ! J'aimerais tout de même rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que les problèmes de surpopulation carcérale proviennent d'un fait essentiel: lorsque la prison de Champ-Dollon a été construite, Genève était au milieu d'une agglomération dont la population se montait au maximum à 500 000 habitants. Aujourd'hui, nous nous trouvons au centre d'une agglomération de 800 000 habitants, et il faut voir ce nombre comme un minimum en raison de l'extrême augmentation de la mobilité durant toutes ces années. De par cette mobilité accrue, l'attractivité connue de Genève, qui a une réputation d'endroit riche, amène aussi beaucoup plus de criminalité. C'est une réalité incontestable qui fait qu'on doit simplement mettre les capacités pénitentiaires aux justes proportions de la population résidente et de l'attractivité de notre ville, et cela hors détention administrative qui n'a rien à voir ici: je rappellerai juste pour la bonne bouche que Genève n'a pratiquement jamais mis en détention administrative des gens qui n'ont pas de passé criminel.

Après le constat de cet immense retard pris dans les capacités pénitentiaires du canton, j'aimerais ajouter deux ou trois remarques sur d'autres contrevérités. D'abord, il est archi-faux de dire que Champ-Dollon est un endroit hyper-confortable. Allez y faire un petit séjour, ne serait-ce qu'un passage, vous verrez que c'est loin d'être le cas. Ensuite, un élément est inacceptable: je rappelle que l'affaire qui a été rappelée tout à l'heure par M. le député Riedweg n'a rien à voir avec Champ-Dollon; la Pâquerette ne dépend pas de Champ-Dollon, sinon de par le lieu où cet établissement est provisoirement installé. La Pâquerette ne dépend absolument pas de Champ-Dollon, elle dépend - ou en tout cas dépendait - du domaine médical. S'il vous plaît, ne répandez pas des contrevérités qui désinforment la population par rapport à la réalité. (Brouhaha.)

Enfin, j'aimerais revenir sur les affirmations de M. le député Christian Zaugg tout à l'heure à propos du bracelet électronique: excusez-moi, mais il a donné lui-même la réponse à la problématique dans son intervention en parlant de bracelet électronique pour des arrêts domiciliaires. Mais oui ! C'est une très bonne idée ! Mais le gros problème, Mesdames et Messieurs, c'est que pour faire l'objet d'un arrêt domiciliaire, il faut avoir un domicile, et un domicile dans notre canton; et c'est là que la chatte a mal aux pieds: plus de 80% des personnes incarcérées à Champ-Dollon, Mesdames et Messieurs, n'ont simplement aucun domicile dans notre canton ni même en Suisse ! C'est une réalité et cela rend extrêmement problématique l'application d'une détention avec bracelet électronique qui soulagerait de manière sensible nos établissements. C'est là aussi une contrevérité: on a eu cet espoir un moment, c'est vrai, mais on se rend compte que ce n'est guère possible de gérer cela à satisfaction.

M. Marc Falquet (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vais un peu répéter ce qu'ont dit les gens qui connaissent la situation... (Protestations.) Je ne vais pas répéter, mais je voulais quand même dire que s'il y avait une criminalité suisse, nous serions d'accord avec ce que dit M. Zaugg. Mais comme la criminalité est majoritairement étrangère - 93% des détenus à Champ-Dollon sont étrangers, dont 75% en situation irrégulière - on ne peut pas pratiquer la liberté pour ces gens qui évidemment, si on les laisse en liberté, vont continuer à commettre des délits. En ce qui concerne la détention administrative, c'est justement parce qu'on ne l'applique pas que tous ces gens en situation irrégulière sont sur notre canton. Il faut donc arrêter de dire ce que les Verts affirment, qui est totalement faux: on ne met pas en détention des gens qui n'ont pas commis de délit. (Brouhaha.) Tous les gens qui sont en détention administrative ont des dossiers épais, ont agressé des dizaines de personnes par année, et c'est parce qu'ils sont en situation irrégulière qu'on les met en détention, pour qu'ils donnent leur véritable identité afin qu'on puisse les refouler - c'est uniquement pour ça. On ne va pas mettre des femmes de ménage au noir en détention administrative ! Il faut arrêter ces fables. Ce qui porte préjudice et nuit à Genève et à la Genève internationale, ce n'est pas la détention administrative, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) ...mais la criminalité dont sont victimes les organisations internationales, les diplomates qui fuient Genève à cause de l'insécurité. Il faut donc arrêter: les gens qui doivent être en détention administrative le sont pour être refoulés, pour qu'ils donnent leur véritable identité; ce sont des tricheurs et des criminels qu'il faut refouler et à qui il faut si possible faire purger leur peine dans leur pays, une option que le Conseil d'Etat étudie en ce moment. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune une classe d'élèves de 16-17 ans de l'école cantonale Alpenquai à Lucerne... (Exclamations. Applaudissements.) ...accompagnés de deux enseignants de cours d'histoire et d'éducation civique et d'économie, M. Jürg Stadelmann et Mme Kerstin Herbst Frank. La parole est à M. le député Spuhler.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le problème de la sécurité aujourd'hui à Genève n'est pas un vain mot: on a effectivement atteint des quotas tout simplement insupportables pour la population. Genève est devenu, on peut bien le dire, le supermarché du crime, avec des criminels provenant principalement de France voisine - Lyon, Grenoble ou autre - et malheureusement nous devons en assumer les conséquences, assumer les conséquences et prendre des mesures, soit augmenter le nombre de places de prisons - cela a déjà été dit - mais aussi, pour tous ceux qui viennent faire ici du trafic de drogue ou autres commerces illicites, appliquer la détention administrative. Et je pense que là, réellement, nous devons tout mettre en oeuvre pour qu'une prison réservée à la détention administrative soit mise en place le plus rapidement possible, comme à Zurich, par exemple, où cette prison se trouve dans l'aéroport: les criminels y sont incarcérés dix-huit mois au minimum afin qu'ils réfléchissent à leur provenance pour pouvoir y retourner le plus rapidement possible, du moins je l'espère.

On a parlé du bracelet électronique: un tel bracelet, cela a été dit, est efficace si l'on est à domicile, si l'on a une résidence. Sans domicile, sans résidence, sans téléphone pour qu'il y ait justement un contact avec le bracelet électronique, celui-ci ne sert à rien; et comme la plupart des criminels dans nos prisons aujourd'hui - on entend les chiffres de 90%, de plus de 90% même - ne sont pas résidents à Genève, le bracelet électronique est bien inutile.

La sécurité coûte cher, c'est vrai: police, technique, caméras et tout ce qu'on veut, prisons, évidemment. Mais ne pensez-vous pas que le coût social, l'impact social pour des victimes de criminels n'est pas plus cher ? Ne pensez-vous pas que l'impact sur l'économie n'est pas plus grand ? A mon avis, il faut peut-être y réfléchir, et une bonne prévention, justement, serait une bonne économie pour notre budget.

On a souvent parlé ici de police de proximité: je crois que c'est effectivement quelque chose à développer. Le magistrat, Monsieur Maudet, a déjà entrepris plusieurs démarches à ce niveau, mais il nous reste de grands travaux, et pour atteindre le but d'une police municipale proche de la population, réellement efficace auprès de nos commerçants et de nos concitoyens, pour que ces agents aient vraiment une fonction de policiers, il faut absolument qu'on arrive à ce qu'ils doivent être titulaires du brevet fédéral de policier; parce que la police de proximité, ce ne sont pas des agents de sécurité spécialisés ou des gardes champêtres qu'on a nommés policiers, mais bien une police ayant une tâche de police, en l'occurrence une tâche de prévention afin de rassurer la population. La police de proximité doit être une vraie police.

Pour terminer, je dirai simplement que, même si plusieurs démarches sont aujourd'hui entreprises, il y a encore de grands travaux à faire. Le budget représente la volonté de ce parlement, mais il va falloir encore un effort: un effort pour notre population, pour la sécurité de notre population, parce que tant qu'il y aura des dealers dans les rues auprès de nos écoles, nous ne pourrons pas accepter la situation. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous me permettrez de revenir en quelques mots sur l'objet qui a donné lieu à ce débat, c'est-à-dire la politique publique H07. J'avais préparé mon propos, mais j'aimerais vous dire qu'à écouter tous les bancs, on s'aperçoit que chacun a la même perception du problème mais que les solutions diffèrent. Oui, Monsieur Zaugg, des solutions se trouvent ailleurs, j'en suis persuadé; simplement, nous en avons d'autres que les vôtres. Oui, des gens n'ont rien à faire dans nos prisons: comment s'en préserver ? Et oui - je crois que c'est une préopinante Verte qui l'a dit - je ne pense pas que la bonne solution soit de faire de Genève un «hub carcéral»; à l'UDC, nous en sommes persuadés. J'aimerais simplement vous dire ceci: on a cité des chiffres, je vous invite à lire le rapport d'activités de Champ-Dollon pour 2012 à la page 12, vous verrez que, selon le statut de séjour des gens incarcérés, vous avez 71,4% d'étrangers résidant hors de Suisse. Cela veut simplement dire, Mesdames et Messieurs, que, contrairement à ce que vient de prétendre un préopinant PLR, l'augmentation de la population n'est pas en lien direct avec l'augmentation du nombre de prisonniers. Il faut y voir - et vous permettrez à l'Union démocratique du centre de le dire - un effet pervers des accords de Schengen. Oui, ces gens n'ont rien à faire dans nos prisons, parce qu'on les laisse passer, parce qu'on les laisse venir, et que la situation, pour un petit nombre, leur permet de s'établir. Et enfin, pour ne pas prendre tout votre temps, concernant le troisième point que j'ai mentionné, pour lequel l'UDC se battra au cours de cette législature, non, un «hub carcéral» à Genève n'est pas pour nous la solution: les terrains sont trop chers, nous n'arrivons déjà pas à construire pour nos habitants et on est en train de faire des efforts surhumains prétendument pour des questions de droits de l'homme et autres. Alors j'accepte ces efforts: oui, ce qui se passe à Champ-Dollon n'est pas acceptable. Mais il y a d'autres possibilités - et ainsi les droits de l'homme seront respectés - comme agrandir les établissements pénitentiaires de la plaine de l'Orbe ou construire davantage dans le Jura où il y a plus de soleil qu'à Genève, où l'air est meilleur, mais où évidemment, il n'y aurait peut-être pas toutes les commodités et facilités à proximité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans ces directions qu'il faudra surtout se battre. Je ne terminerai pas cette intervention sans rejoindre le préopinant de mon parti, Bernhard Riedweg: oui, l'UDC vous a parlé des points qui la préoccupent et qui ne vont pas dans la politique carcérale, mais nous remercions le conseiller d'Etat et le procureur général des efforts qu'ils ont faits et qui sont maintenant chiffrables pour augmenter la sécurité sur notre territoire. Le problème est de savoir ce qu'on fait des gens qu'on arrête. Je vous remercie.

M. Frédéric Hohl (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR votera l'amendement de 1,6 million pour La Brenaz, et nous souhaitons également remercier le gouvernement d'avoir écouté le peuple et une majorité de ce Grand Conseil: depuis des années, nous réclamons plus de places de prison, plus de places de détention et plus de places de détention administrative. Je ne vais pas revenir sur le bracelet électronique - on a bien compris que c'est un problème de logement - et je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à voter cet amendement ainsi que cette politique publique. Merci.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, la détention est l'un des meilleurs miroirs qui soient de la société dans laquelle on vit. Je ne saurais trop vous recommander la lecture d'un célèbre livre, «Surveiller et punir», qui pose très bien le problème. Venir faire ici de l'angélisme ou dire des contrevérités nuit à ce que chacun d'entre nous souhaite. Premièrement, je trouve assez plaisante l'idée qui consiste à dire que dans le fond, comme ce sont des vilains, des condamnés, on va les mettre ailleurs. Je sais bien que les Verts sont contre l'exportation des déchets ou l'importation des déchets napolitains... (Exclamations.) ...mais alors là, franchement, quelle image est-ce qu'on donne ? On ne peut pas construire chez nous des prisons, on va donc les construire ailleurs, dans d'autres pays ou ailleurs en Suisse. M. le conseiller d'Etat, actuellement à Berne, vous aurait probablement répondu qu'il a effectivement eu des contacts avec les Jurassiens pour leur suggérer qu'il allait construire là-bas ou agrandir l'une des prisons de ce canton: les Jurassiens, qui sont des gens polis, ont remercié pour la proposition, mais ont indiqué qu'en ce qui les concernait, ils s'occupaient eux-mêmes de leurs problèmes.

Ensuite, le problème de Curabilis: Mesdames et Messieurs, cela fait cinquante ans que le canton de Genève s'est engagé à construire un lieu de traitement pour les fous dangereux ou les dangereux fous ! Venir dire maintenant qu'on recueille tous ceux dont on ne veut pas ailleurs, c'est tout simplement une erreur. Dans le cadre des concordats qui existent et lient la plupart des cantons romands, voire le Tessin, il a été prévu de tout temps que Genève s'occuperait de celles et ceux qui vont subir des mesures et devront être dans des conditions de détention bien particulières, et aussi extrêmement chères. Le seul point sur lequel je peux rejoindre la plupart des intervenants est celui-ci: c'est vrai qu'il existe une espèce de supercherie intellectuelle consistant à déterminer des prix de pension pour les personnes privées de liberté, adultes ou mineures, et ces prix ne correspondent pas à la réalité. En 2015, ces prix seront rediscutés dans le cadre des concordats romands, et je n'ai eu de cesse de dire depuis de nombreuses années qu'il fallait indiquer le coût de la détention. Après, c'est une décision politique de savoir quel est son prix. Mais actuellement, il est vrai, nous sommes dans une espèce de gageure qui consiste à supposer que 260 F suffisent pour garder un mineur à la Montagne de Diesse, c'est faux ! Mais cela, au fond, tout le monde le sait, et les Genevois paient peu, exactement comme les autres cantons paient peu lorsque quelqu'un est détenu à Genève.

Troisième point: je regrette infiniment, Monsieur Riedweg, que vous ayez évoqué ce cas particulier de la Pâquerette, et ce d'autant plus que manifestement vous ne connaissez pas le dossier: la Pâquerette, ce n'est pas Champ-Dollon, on l'a dit tout à l'heure. Et quant à parler de confort à Champ-Dollon, je vous invite à remplacer l'un de vos collègues de la commission des visiteurs officiels - cela aurait été particulièrement instructif pour vous lors de notre dernière visite - et je vous assure que je vous ferai rentrer ces mots dans la gorge. C'est un scandale, ce n'est pas correct de venir dire ici que les conditions de détention y sont confortables parce qu'il y a des avocats - il n'y en a en fait pas, à part ceux qui viennent visiter les détenus - parce qu'il y a des infirmiers - c'est normal, les détenus peuvent être malades comme vous et moi - ou parce qu'il y a des assistants sociaux - les prisonniers ont en effet droit à un accompagnement social. Mais dire ici qu'il y a du confort à Champ-Dollon, c'est affirmer une contrevérité ! Et c'est d'autant plus scandaleux que celles et ceux qui s'occupent des détenus doivent avoir toute notre reconnaissance pour la manière dont ils travaillent, dans des conditions chaque jour plus difficiles et qui sont effectivement complexes: quand vous avez 800 personnes dans un lieu prévu pour 250, la moindre petite étincelle peut très vite tourner au drame. Alors plutôt que de parler de confort, je crois qu'il faudrait plutôt remercier celles et ceux qui s'occupent des personnes privées de liberté.

Sur le problème des étrangers, je veux bien de l'angélisme. Mais il y a effectivement à Genève une population qui de fait ou de droit n'est pas autorisée à y résider. Alors de deux solutions l'une: ou bien l'on dit que cela ne fait rien, mais je ne suis pas sûr que la population genevoise soit d'accord avec cela; ou bien l'on applique le droit, qui consiste à dire: «Madame, Monsieur, vous êtes ici sans papiers, il serait de bon ton que vous retourniez chez vous.» Mais on ne peut pas avoir l'un et l'autre, c'est l'un ou l'autre ! Et si l'on décide d'appliquer le droit, à savoir que celles et ceux...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Renaud Gautier. Si l'on décide d'appliquer le droit - virgule - et que l'on décide en effet que celles et ceux qui sont ici n'ont pas à y rester, alors il faut être cohérent jusqu'au bout. Mais on ne peut pas en même temps s'opposer à cela et trouver qu'effectivement il y a ici trop de personnes sans statut.

Mesdames et Messieurs, je le répète, la détention est un problème douloureux, compliqué, révélateur de notre société. Pour terminer, je vous engage à envisager les différences apparues ces dix dernières années dans les rapports que notre société entretient avec celles et ceux qui sont privés de liberté, et vous verrez que cette forme de radicalisation ou d'ostracisme n'augure pas de jours particulièrement roses dans ce domaine.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de questions et de scepticisme persistent sur l'attribution du chantier de La Brenaz à une entreprise générale, nous avons ici la première tuile de ce dossier, et l'amendement proposé en est bien l'illustration. A propos de l'amendement, de même que le parti socialiste s'était opposé à la prison administrative à un niveau tel que proposé pour La Brenaz, il refusera cet amendement. J'aimerais dire, cependant, concernant la détention à Genève, que bien sûr on va construire des prisons, bien sûr on voit ce qui se passe, mais c'est tout de même une vue à court terme, c'est une vue un peu au jour le jour. Car penser que l'incarcération va régler tous les problèmes de sécurité et de criminalité est un leurre. Présenter la prison comme «la» solution, c'est occulter que les moyens doivent surtout être attribués en amont de l'incarcération; et je regrette que dans les débats que nous avons eus sur la construction de la prison on n'ait jamais dit que la prison est un outil pour punir un délit, mais que c'est aussi - ou que cela devrait aussi être - un moyen pour des personnes de pouvoir se réinsérer à leur sortie. Nous avons cependant un problème: Genève accepte à bras ouverts - et l'on sait bien pourquoi - toutes les multinationales; par contre, quand il s'agit de s'occuper aussi des conséquences des mouvements de mondialisation - c'est-à-dire de la précarisation, de l'immigration de populations peut-être non formées ou qui viennent peut-être ici pour survivre et essayer de vivre mieux, comme d'ailleurs dans toutes les migrations - alors la seule solution qu'on a, que ce soit à Genève ou à la Confédération, c'est l'incarcération et le renvoi théorique, parce qu'on se met simplement devant un mur, on met juste les personnes devant un mur, en sachant que les problèmes ne sont pas réglés non plus à ce niveau-là. On va donc construire des prisons, on va mettre des gens, des humains dans des prisons, tout en sachant qu'on les met non seulement en prison entre des murs, mais qu'ensuite on va simplement les placer devant le mur. Et là, je pense que nous avons vraiment, en tant que parlement, en tant que gouvernement, des réflexions à avoir qui dépassent les murs d'une prison; la prochaine législature sera peut-être l'occasion d'y réfléchir. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.) Oui, je reviens ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais affiner un peu mon intervention, car j'étais un peu pressé par le temps, et commencer par dire que la peine maximale, pour un condamné, c'est la privation de liberté. Cela pour répondre à l'intervention de M. Riedweg. Je précise aussi, puisque je me suis rendu à Champ-Dollon, que je suis entièrement d'accord avec... (Rires.) Je suis allé visiter Champ-Dollon avec la commission des visiteurs officiels et je confirme que, franchement, les conditions d'incarcération, à trois dans une cellule petite, ne sont pas extraordinaires et il faut aller le voir pour le croire.

J'en viens à des problèmes très factuels; ensuite, je parlerai des problèmes plus généraux. Franchement, l'intervention de M. Spuhler - vous transmettrez, Monsieur le président - concernant les délinquants, les braquages... Est-ce qu'on arrête beaucoup de délinquants des banlieues de certaines villes d'un pays qui est proche de chez nous ? Non, et vous le savez bien. En ce qui concerne ce que M. Spuhler a dit de la police municipale: non, nous, Ensemble à Gauche, nous sommes pour une police de proximité et donc pas pour une police municipale armée - il ne l'a pas dit, mais nous le disons. Bien. (Brouhaha.)

Maintenant, en ce qui concerne le problème de la détention... Oh ! Je sens qu'on va m'assassiner... (Commentaires.) ...mais je tiens à dire que la détention administrative pose problème. Franchement, de qui parle-t-on ? De gens bousculés par la vie, vivant généralement dans des conditions économiques épouvantables, de ces naufragés qui traversent la Méditerranée pour arriver à Lampedusa ou même plus loin et qui finalement aboutissent en Europe et à Genève, pour se retrouver où ? Quel est l'avenir qu'on leur propose ? La Brenaz, en détention administrative. Et je ne vous parle pas de la rétention administrative à Cointrin, qu'il vaut franchement la peine d'aller voir: des gens que l'on envoie dans les avions attachés sur des chaises, et il arrive parfois d'ailleurs que des pilotes refusent de les prendre... Non, il n'y a pas de quoi s'en vanter. La détention administrative, ce n'est pas bien joli, et cela ne fait pas honneur à Genève. (Brouhaha.)

Concernant Curabilis, j'aimerais dire la chose suivante: nous avons également un problème à ce propos. Bien sûr, on a une certaine idée de Curabilis et du fait qu'on envisage d'y placer des gens qu'on ne peut plus soigner ailleurs, mais, franchement, est-ce vraiment la place de personnes qui sont au bénéfice d'un internement psychiatrique ? Et même si ce n'est pas tout à fait cela, mais nous nous trouvons bien dans le périmètre de Champ-Dollon, ne serait-ce pas à la médecine, la psychiatrie, les HUG, Belle-Idée, etc., de s'en occuper sous la forme qui convient ? Et j'ajoute qu'à Curabilis on va trouver des personnes, qui font l'objet de mesures, dont certaines n'auraient été condamnées qu'à dix, quinze, vingt mois, mais qui vont y rester beaucoup plus longtemps, parce que la justice juge qu'on ne peut plus les laisser sortir. Cela nous pose également un problème.

Et pour terminer, je parlerai des mineurs. J'ai été enseignant pendant de nombreuses années et même directeur d'une institution pour enfants dits à problèmes. La perspective qui nous est proposée... M. Maudet n'est pas là pour nous parler de la Clairière - puisqu'il est question de l'agrandir - mais franchement, il y a de quoi se montrer très réservé quant à cette institution qui voit le jour dans le canton de Vaud, à Palézieux, où l'on va enfermer, même si c'est prétendument pour les soigner, des mineurs.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Christian Zaugg. Non, vous l'avez compris, il y a des aspects dans la détention qui ne passent pas, à Ensemble à Gauche ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller. (Remarque.) Elle renonce. La parole est à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la politique publique de sécurité dans toutes ses dimensions - de la question de la police à celle de la prison - pose aujourd'hui un véritable problème avec le nouveau Conseil d'Etat: on peut partager le souci exprimé par celui-ci, et en fait par l'ensemble de ce Grand Conseil, d'avoir de meilleurs résultats en termes de sécurité publique; et je pense que les moyens accordés année après année pour engager de nouveaux policiers sont là pour le confirmer, d'autant plus qu'en réalité on a souvent pu constater que le recrutement n'était ma foi pas si simple, et que promettre l'engagement de quarante nouveaux policiers était une chose, mais que si l'on comptait ceux qui partaient à la retraite, il n'était pas certain au final qu'on ait plus de policiers dans la rue.

Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, il est extrêmement important de s'assurer d'abord que le premier maillon de la chaîne de la sécurité publique soit assuré par des policiers sur le terrain; je crois que c'est là quelque chose que nous défendons. Dans le projet de budget 2014, à la page 465 qui mentionne l'évolution du nombre de postes par politique publique, quelle n'a pas été notre surprise de constater que le nombre de postes de policiers est en baisse de 2,3 équivalents temps plein ! Et voilà la proposition du Conseil d'Etat pour 2014 concernant les effectifs de policiers ! Alors, certes, on nous dit qu'on engage du personnel administratif... C'est très bien, on va les mettre derrière des caméras de vidéosurveillance - peut-être que cela remplacera Léman Bleu à terme au sein de ce Grand Conseil - mais, en attendant, cela ne nous donne pas l'impression de remplir la mission essentielle qui est de mettre des policiers sur le terrain.

L'autre problème est la dimension budgétaire de cet exercice: on a en matière de prisons, ma foi, une sorte de surenchère dans la volonté de construire de nouveaux équipements, peut-être parce que le conseiller d'Etat en exercice est un admirateur de Nicolas Sarkozy en France et qu'il envisage de mener la même politique de déclarations intempestives, la même politique de privatisation de la sécurité avec des partenariats public-privé. (Commentaires.) Eh bien, cela nous inquiète, nous, socialistes. Et je ne dis pas cela par hasard, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'aujourd'hui, on voit bien ce qui se passe: on tombe avec cette politique publique dans une vision mécaniste, ce que nous, socialistes, dénonçons, parce que nous sommes pour de véritables choix politiques. Et pourquoi dis-je que c'est une vision mécaniste de la politique ? Parce que la proposition de nouvelle loi sur la police, le PL 11228, à l'article 17, introduit une dimension assez particulière: «Les effectifs cumulés des policiers et des assistants de sécurité publique» doivent correspondre à «42 postes pour 10 000 habitants». Et c'est bien pour cela que je dis que c'est mécaniste: on prévoit que, si la population augmente, le nombre de policiers doit aussi augmenter. Je propose qu'on aille jusqu'au bout de cette logique: le Conseil d'Etat peut rester tout seul dans cette salle, on peut supprimer le Grand Conseil ! Parce qu'en même temps on a des lois d'équilibre budgétaire, et en réalité on peut appliquer cette mécanique à tout: le nombre d'enseignants par rapport au nombre d'habitants, le nombre d'éducateurs au SPMi, le nombre d'éducateurs partout, le nombre de gardiens de prison, le nombre de médecins à l'hôpital... L'ensemble de la société peut être régulé par des normes par 10 000 habitants, etc. - et on peut y ajouter un frein à l'endettement. Résultat des courses, on n'y arrivera jamais, et si l'on ne fait cela que pour cette politique publique de la sécurité, on va par la même occasion diminuer les budgets pour les autres politiques, parce qu'on a un jeu à sommes fixes, et ici on dit déjà qu'on va augmenter le nombre de policiers, mais pas qu'on augmente le nombre d'enseignants, ni le salaire des EdS, ni le nombre d'infirmières quand la population augmente; on dit simplement qu'on augmente le nombre de policiers. Et cela, nous, socialistes, nous ne pouvons pas l'accepter. Nous sommes pour des policiers sur le terrain...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. ...mais nous pensons aussi que, si les politiques prennent leurs responsabilités, la sécurité va s'améliorer et donc, au final, que le nombre de policiers doit diminuer, parce que l'espace public sera plus sûr. (Commentaires.) C'est un pari, nous pensons y arriver, et ce n'est pas avec ces choix politiques du Conseil d'Etat que nous y arriverons. (Applaudissements.)

M. Jean Sanchez (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, sans sécurité, il n'y aura pas de prospérité. Si la facture est lourde aujourd'hui, c'est que ce sujet a hiberné une vingtaine d'années, puisque les effectifs policiers ne sont pas extraordinaires à Genève: on a un policier pour 380 habitants ici, alors qu'il y en a un pour 200 à Bâle et un pour 70 à Monaco. Les récentes conférences internationales - qui n'existent pas à Bâle - enlèvent toujours des centaines de policiers du socle sécuritaire: je ne crois donc pas qu'on puisse dire qu'on est confortable par rapport aux effectifs policiers. (Brouhaha.)

Si la criminalité est en baisse cette année, c'est non seulement grâce au travail de la police, de sa brigade anti-criminalité, mais c'est aussi un effet induit du code de procédure pénale qui, l'année passée, offrait un sursis au premier délit - d'ailleurs, lorsque les avocats devaient l'expliquer à leurs clients notamment lyonnais qui, eux, ne traversent pas la Méditerranée mais le Rhône, ils n'y croyaient même pas. Alors en l'occurrence, le cumul des délits fait que ces gens-là, un noyau avec une certaine capacité de nuisance, ont pris de la prison ferme - heureusement, car c'est dissuasif pour eux.

Maintenant, une petite rectification sur la Pâquerette: suite à son dysfonctionnement, cet établissement a été mis sous la subordination directe de Champ-Dollon. Je crois qu'on a beaucoup parlé des détenus, mais peu du personnel et de la direction de Champ-Dollon qui effectuent un travail fantastique: ils travaillent aussi pour la réinsertion de ces détenus, avec un encadrement humain et un contact quotidien.

Pour terminer, je pense que le ratio et la facture qui nous occupent aujourd'hui sont juste une conséquence, comme je l'ai dit au début, d'une hibernation pendant des dizaines d'années. Il est maintenant temps de rétablir l'équilibre et de voter ce budget. Merci.

M. Christian Frey (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste revenir brièvement sur trois points. D'abord, la solution par rapport au problème de la sécurité n'est pas dans le tout-sécuritaire, le tout-répressif, le tout-carcéral; la prévention est extrêmement importante. Je suis très content qu'hier soir, après des discussions peut-être inutiles, nous ayons accepté l'amendement qui consiste à renforcer le SPMi. Les jeunes pris en charge correctement et suffisamment longtemps par les collaborateurs du SPMi ne vont pas commettre de délits, dans une certaine mesure, ne vont pas remplir des prisons, et surtout pas la Clairière. La solution est donc là: il ne s'agit pas de favoriser une solution ou une autre au détriment de l'une ou de l'autre.

Ensuite, il me semble qu'il y a une certaine contradiction à parler avec une certaine fierté du grand Genève - je pense notamment au discours de Saint-Pierre: le grand Genève, ce ne sont pas nos frontières étroites où tout problème est à chercher de l'autre côté de la frontière et particulièrement dans ce qui constitue d'ailleurs le grand Genève, je pense à Annemasse, à Annecy, etc. Effectivement, si le canton veut promouvoir le grand Genève, il doit aussi assumer dans une certaine mesure, et bien sûr en collaboration, les responsabilités qui lui incombent face aux dimensions de ce bassin de population.

Enfin, par rapport à la Clairière - je l'ai déjà mentionné - je pense que le député Zaugg nous a dit quelque chose qui devrait être important pour la prochaine législature: nous devons nous demander si le modèle dans lequel nous sommes, avec l'importance donnée au thème de la sécurité, le tout-répressif, représente vraiment la seule solution possible. Est-ce qu'il y en a d'autres ? Pouvons-nous entremêler, faire collaborer une large part de prévention - qui suppose bien sûr des fonds - avec le renforcement des places d'incarcération ou du nombre de policiers dans les rues ? Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais rebondir sur ce qu'a dit précédemment Mme Schneider Hausser à propos du droit pénal et de son application. Je voudrais préciser à cette assemblée que les réflexions sur ce sujet sont loin de dater d'aujourd'hui, dès lors que les Romains pratiquaient déjà la réflexion à ce propos: je vous rappelle des locutions que chacun connaît, «nulla poena sine lege», «in dubio pro reo», qui sont quasi dans le vocabulaire courant, en tout cas de tous les juristes. Beaucoup plus récemment, au XVIIIe siècle, un homme de lettres milanais, Cesare Beccaria, a posé les bases du droit pénal sur lequel nous nous basons aujourd'hui. Il a publié un ouvrage qui a constitué une référence pendant très longtemps, «Des délits et des peines». Il a aussi été le premier à remettre en question la peine de mort, et c'est toujours à cette base que l'on a recours lorsqu'on a besoin d'argumenter sur ce sujet.

Aujourd'hui, il est bien clair que nous avons les mêmes conclusions que lui, à savoir que c'est l'éducation et la prévention qui peuvent aboutir à ce qu'il y ait moins de délits et, par conséquent, moins de condamnations. Cependant, comme on l'a vu, nous n'avons apparemment que plus ou moins 30% de nationaux dans nos prisons. Alors c'est une goutte d'eau dans la mer que de vouloir éduquer et prévenir tous ces gens-là. Et s'agissant de la détention suite à une condamnation lorsque les personnes ont des problèmes psychiques graves, eh bien je voudrais rappeler que ce sont les plus faibles dans notre société qui doivent être protégés des prédateurs, et non pas les prédateurs qui doivent être protégés au nom des droits humains. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Carlos Medeiros (MCG). Monsieur le président, chers collègues, après avoir écouté un peu... (Remarque.) Ah, pardon ! C'est Eric Stauffer. Chers collègues, après avoir entendu un peu tout et n'importe quoi... (Commentaires.) ...et surtout n'importe quoi de la part des bancs d'en face, je tiens à revenir sur deux ou trois points. On nous parle d'une police de proximité, mais on ne veut pas vraiment donner de moyens aux policiers municipaux, alors que tout ce qu'ils demandent finalement, c'est un brevet qui vienne confirmer leur expérience sur le terrain; ils veulent en quelque sorte une reconnaissance professionnelle. Après, on nous parle de la politique de détention, du tout-sécuritaire pour le canton de Genève, on demande si la répression est la réponse à donner, etc. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, malheureusement, le problème, ce n'est pas l'honnête citoyen, la victime quotidienne des pickpockets, la mémé qui prend deux baffes et à qui on pique vingt francs, etc.; le problème, c'est la racaille qu'on a aujourd'hui, la racaille qui vient de l'autre côté de la douane, qui vient de la banlieue lyonnaise ! (Commentaires.) Il ne faut pas avoir peur d'appeler un chat un chat ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Carlos Medeiros. Donc les bancs d'en face, les Bisounours - vous transmettrez... (Rires.) ...ce que je vous explique, c'est que vous êtes soi-disant censés défendre les faibles, les travailleurs, les plus pauvres. Je tiens à vous dire par des exemples concrets que c'est ceux-là qui paient le prix de cette petite criminalité. Car finalement, ceux que vous critiquez tout le temps, qui habitent dans les zones villas, etc., sont bien protégés: ils sont reliés à des centrales de sécurité, ils ont des accords avec la sécurité privée. Eux sont barricadés chez eux, ils n'ont pas de problèmes, mais c'est exactement le petit peuple, comme on dit, ceux qui n'ont pas les moyens de se protéger, qui paient le prix, pas forcément de la grande criminalité, attaques contre des banques ou autres choses similaires; non, de la petite criminalité qui nous pourrit la vie de tous les jours, à la sortie de la Migros ou de n'importe où. Je connais des gens d'un certain âge qui avaient pour seul plaisir de sortir de chez eux pour aller faire leurs courses; aujourd'hui, ils sont barricadés chez eux parce qu'ils ont peur. Ce sont les assistants sociaux qui me le disent, pas eux. Ça veut dire qu'ils ne profitent plus du lien social qu'ils avaient, du peu de liens sociaux qui leur restait, parce que la logique de certains ici, c'est plutôt de protéger les criminels - les petits criminels et les jeunes délinquants - que la victime. Mais pensons-y, aux victimes qui n'ont rien demandé, qui travaillent, qui paient leurs impôts: elles méritent aussi d'être défendues !

Ne me parlez pas d'une situation de tout-répressif. Non ! Je pense même que le problème à Genève, c'est qu'on a oublié la répression pendant des années. Aujourd'hui, on revient avec des propositions comme des caméras aux Pâquis - cela en a hérissé certains, mais elles font partie d'un dispositif de protection de la population genevoise. Celle-ci le demande: vous voyez les blogs, les lettres de lecteurs dans les journaux, elle le demande ! Ce n'est pas un rêve, ce n'est pas un faux problème de sécurité, c'est une réalité du terrain.

Je tiens à remercier M. Gautier pour ses propos - vous transmettrez - car j'ai aussi fait partie des visiteurs: on a vu que la prison est loin d'être le Club Med. Et à la limite - je tiens quand même à le dire - je m'en fous si les gars ne sont pas bien là-bas, ils n'avaient qu'à ne pas commettre de délits; mais le problème, c'est que, s'il y a de mauvaises conditions de détention, cela se reflétera sur le travail des gardiens, c'est clair et net. Ils nous le disent eux-mêmes. Je vous donne un exemple que nous a expliqué le gardien chef. La veille de notre visite, il avait passé toute la journée à déplacer sept détenus à l'intérieur de la prison. Sept détenus ! Et pourquoi ? Parce que les prisonniers choisissent le troisième occupant des cellules prévues pour un...

Le président. Encore trente secondes, Monsieur.

M. Carlos Medeiros. ...maintenant ils sont deux, et tout à coup ils doivent recevoir un troisième. Les gardiens demandent donc aux deux détenus qui sont déjà sur place de choisir le troisième pour qu'il y ait une bonne cohabitation. Résultat des courses: le monsieur a perdu une journée entière pour déplacer sept détenus. Comme nous étions tous étonnés, il nous a expliqué qu'on devait procéder ainsi, sans quoi la prison exploserait. Voilà le problème. Donc...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Carlos Medeiros. ...de bonnes conditions pour les détenus, pas forcément pour améliorer leur détention, mais pour garantir de bonnes conditions aux gardiens. Merci. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). En parlant tout à l'heure du confort à la prison de Champ-Dollon, je pensais aux loisirs des détenus meurtriers. Je suis d'accord avec mes préopinants qui affirment que la prison de Champ-Dollon est invivable, je l'ai aussi visitée dans le cadre de mes activités au Conseil municipal de Puplinge. Cet inconfort devrait dissuader les malfrats de commettre des crimes dans notre canton. Merci, Monsieur le président.

Mme Maria Casares (S), députée suppléante. D'abord, je voulais répondre aux invectives du député des bancs d'en face, mais je ne vais pas leur faire ce plaisir et parlerai de sécurité publique. Pour le parti socialiste, ce thème est un axe central: nous pensons que nous en avons besoin et que nous devons lui donner des moyens, mais pas n'importe lesquels. Pour nous, la police de proximité est indispensable, c'est un pilier et c'est au travers d'elle que nous désirons donner des moyens à la sécurité publique. C'est dans la rue que les policiers doivent être, pas dans les voitures. Tout à l'heure, un député disait que des personnes âgées ne veulent plus sortir parce que, à la sortie de la Migros ou de la Coop, des malfrats voudraient les détrousser. (Brouhaha.) Je ne sais pas dans quelle ville ou canton habite cette personne, mais en tout cas, à Genève, ce n'est pas forcément partout ainsi. Notre volonté, c'est qu'il y ait des policiers dans la rue, à pied, même s'il faut qu'ils soient quatre pour assurer la sécurité de la population, le parti socialiste est d'accord de donner ces moyens-là et ne veut pas qu'ils soient dans les voitures ou les bureaux. Nous sommes aussi d'accord pour que les policiers municipaux aient un brevet, mais, Monsieur le président, j'aimerais aussi qu'on questionne la police municipale: parmi les collaborateurs et les collaboratrices de cette police, tous ne veulent pas être armés. Je crois qu'il faut les entendre, il faut accepter ce qu'ils ont à dire, parce qu'ils ont une expérience dont nous devons tenir compte pour ne pas faire n'importe quoi.

Mon deuxième point concerne la prévention. Je pense qu'on a un peu élaboré... Quelques députés en ont parlé. Ce qui m'intéresse, de même que le parti socialiste en tout cas, c'est de connaître la politique de prévention du magistrat, puisque c'est lui qui va l'appliquer. Bien sûr que le Grand Conseil est aussi maître de lui imposer des lignes directrices en la matière; moi, j'aimerais la politique de prévention du magistrat, qu'il ne parle pas simplement d'incarcération, de construction de prisons, qu'il ne dise pas simplement que tout va aller bien avec ce genre de politique. J'aimerais connaître précisément sa politique de prévention car, jusqu'à présent, nous ne l'avons pas eue.

Enfin, Monsieur le président, je terminerai par la détention administrative que je connais relativement bien, n'est-ce pas ! J'aimerais justement que nous puissions mener une analyse sur cette politique-là, car actuellement, c'est vrai, on pratique des renvois. Sont-ils vraiment utiles ? J'aimerais qu'on puisse se poser des questions sur la détention administrative, car il ne suffit pas d'incarcérer les gens et de gonfler... On va nous parler des 160 places de La Brenaz... D'abord, j'aimerais savoir si l'on va les remplir par des personnes en détention administrative; ensuite, est-ce bien utile aussi en termes de coûts de mettre tous ces gens en détention administrative, puisque cela revient très cher au canton de Genève ? Merci, Monsieur le président.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). J'ai été très intéressée par l'introduction qu'a faite notre collègue M. Zaugg, parce que je trouve qu'il nous a posé de très bonnes questions. Cela ne veut pas dire que nous approuvons l'ensemble de la manière d'agir ou des actions qu'il propose, mais au moins on peut se mettre d'accord intellectuellement sur les problématiques ainsi posées, et il nous oblige à une réflexion. Il était en train de remettre en question ce qu'on appelle le tout-sécuritaire, concept dans lequel on met parfois un peu tout. Cela vaudrait la peine, à un moment donné, dans les diverses commissions... Je parle aussi pour le ministre de la sécurité qui malheureusement n'est pas là aujourd'hui, mais à Berne: vous lui transmettrez que ce serait vraiment très utile à mon avis qu'il prenne aussi cette problématique sous un autre angle.

Par rapport à ce qui a été dit sur la prévention, je crois que des efforts considérables sont faits par la police aujourd'hui, qui est véritablement auprès de la population; car finalement, ce que veut la population, c'est se sentir en sécurité. Cette sécurité a bien sûr un coût, mais c'est le coût d'une présence, et nous sommes favorables à ce qu'on puisse l'augmenter dans les quartiers, pas seulement avec de la vidéosurveillance, mais par un rapport humain, relationnel, parce que alors les petites grand-mères dont on parle, les enfants et autres peuvent s'adresser à quelqu'un qui représente l'autorité.

Par rapport aux prisons, je pense que nous devons faire attention au tout-sécuritaire et veiller à ce que finalement les zones d'enfermement ne deviennent pas toxiques pour tout le monde. Il y a un certain niveau de toxicité pour le personnel, parce que le stress vécu à l'intérieur des prisons est déjà fondamentalement toujours présent. Quoi qu'il en soit, même dans de très bonnes conditions, une prison n'est jamais un Club Med, parce que quand quelqu'un est privé de liberté, c'est déjà l'enfer; à tort ou à raison, quoi qu'ait fait la personne, c'est l'enfer. Cela veut donc dire que l'ensemble des 800 personnes de Champ-Dollon, par exemple, représentent 800 enfers. Et c'est là que ça devient véritablement toxique, si l'on ne met pas à disposition un minimum de conditions logistiques. Une prison doit avoir un projet éducatif et social. Les gens qui sortent d'une prison - on voit dans des pays en voie de développement ce qu'ils arrivent à faire, c'est quelquefois remarquable... Il y a des gens qui doivent se former en prison, qui doivent être éduqués, alphabétisés, j'en passe et des meilleures. (Brouhaha.) Mais pour cela, il faut une certaine disponibilité, il faut un projet. Or j'ai véritablement l'impression qu'à Genève, on trouve une solution à tous les problèmes de migration et d'insécurité en mettant énormément de gens en prison, que ces lieux deviennent toxiques pour tout le monde et qu'aujourd'hui on ne sait plus comment s'en sortir. Alors on construit ailleurs et on construira encore ailleurs: on agrandira la Clairière et on fera encore autre chose. Je ne pense pas qu'il y ait une solution unique. Il devrait y avoir une multiplicité de solutions, mais actuellement ce n'est pas ce que nous envisageons, et je trouve cela fort dommage. Au moment où nous parlons du budget, il faut donc revenir à ces questions fondamentales: redéfinir la notion même d'enfermement, pourquoi on enferme, et dans quelle direction on veut aller pour faire quoi. Quant au fait que 97% de la population incarcérée est étrangère...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. C'est clair qu'on ne pourra pas les surveiller avec un bracelet, etc. Mais on va aussi reposer la question des accords avec les pays d'où proviennent ces populations, et c'est à un niveau fédéral que ça se discute: je crois savoir que Mme Sommaruga va travailler d'arrache-pied à résoudre cette problématique. (Applaudissements.)

Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Albert Rodrik. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement rappeler que la prison administrative est une procédure et une démarche arbitraires. Les personnes en détention administrative - et nous l'avions établi ici, lors de la première session de cette législature - ne sont pas des délinquants pénaux: M. Golay lui-même l'avait admis, ce sont des insoumis, des gens qui ne peuvent pas, ne veulent pas rentrer chez eux parce qu'ils ne peuvent pas vivre ou survivre dans leur pays dont par ailleurs l'économie a été spoliée par les intérêts occidentaux et notamment par les multinationales... (Exclamations.) ...qui soutiennent les gouvernements, qui font qu'ils ne peuvent pas y survivre. (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Jocelyne Haller. Cela étant dit, les prisons sont pleines, elles débordent, nous n'arrêtons pas d'en parler. Et pourtant, M. Medeiros nous disait tout à l'heure que nous avions oublié la répression. Dont acte ! Il y a un problème de sécurité, effectivement, alors il faut l'empoigner correctement, travailler sur la prévention, les causes, les violences sociales qui conduisent à ce type de situation. M. Medeiros hypertrophie les problèmes réels de sécurité. A l'entendre, on pourrait croire que toute la population est confinée chez elle, qu'elle n'ose plus sortir: c'est faux. Tenir de tels propos est purement démagogique. Pour lui, la criminalité vient d'ailleurs. Et c'est pour lui encore l'occasion de développer ses thèses favorites, anti-frontalières. Alors pour lui, l'enfer, c'est les autres. Non, l'enfer, c'est ceux qui rejettent toujours les autres. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'imagine que je n'ai pas été assez clair tout à l'heure, nous allons donc faire un peu d'explication de texte. Premièrement, il n'y a pas de détention administrative; il y a de la rétention administrative, ce n'est pas la même chose. Deuxièmement, s'il est tout à fait vrai, comme l'a dit Mme Haller, que ceux qui sont en rétention administrative ne sont pas des délinquants, cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas pu l'être, mais simplement qu'ils ne le sont en effet plus. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Poursuivez, Monsieur le député.

M. Renaud Gautier. Troisièmement, on peut entendre la proposition de former des détenus si l'on parle de prisonniers en exécution de peine. Or, je rappelle que la prison de Champ-Dollon est préventive, c'est-à-dire une prison avant jugement; l'un des problèmes de la prison préventive de Champ-Dollon est qu'il s'y trouve trop de personnes condamnées mais que l'on ne peut pas, par manque de place, renvoyer dans des pénitenciers, des lieux d'exécution de peine. Il est totalement illusoire de penser - et il serait même faux de faire croire ici - qu'une prison préventive peut participer à la formation, de quelque nature qu'elle soit, de celles et ceux qui sont à l'intérieur. Elle peut occuper les gens; elle le fait du mieux qu'elle peut étant donné une surpopulation crasse et manifeste - elle a même dû fermer un certain nombre d'ateliers pour des raisons de sécurité; mais partir de l'idée que l'on va former des gens à Champ-Dollon est faux et illusoire.

Quatrièmement, on peut effectivement parler de la sécurité à propos de la police de proximité ou autre: Mesdames et Messieurs, ce sont les tribunaux qui prononcent des peines exécutées dans les prisons. Ce n'est pas ce parlement qui prononce les peines, donc si vous avez objectivement un problème avec le nombre de personnes condamnées, adressez-vous à M. le procureur général ou, mieux encore, à l'Assemblée fédérale pour qu'elle change les lois. En l'occurrence, à Genève, on ne fait que gérer une situation imposée par le droit au sens de la justice ou par le droit fédéral, mais il n'y a pas de marge de manoeuvre dans le canton pour le discours un peu utopique qu'on a entendu jusqu'à maintenant.

Oui, in fine, il est mieux que celles et ceux qui séjournent illégalement à Genève se trouvent confinés dans des endroits avant d'être raccompagnés chez eux, plutôt qu'on ne les remette à la rue. Pour celles et ceux d'entre vous qui en doutent, je vous suggère la lecture des commentaires en ligne de la «Tribune de Genève», et vous verrez ce que pense objectivement la population de celles et ceux qui sont ici sans permis de résidence.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme je ne peux pas prendre la parole en tant que rapporteur pour dire ce que je vais vous dire dans quelques secondes, eh bien je la prends comme député, voilà ! D'abord, Monsieur le président, nous sommes vraiment furieux au groupe MCG, parce qu'une des préopinantes s'est permis quelques réflexions et a formulé des interrogations à l'endroit du département pour savoir combien coûtent les renvois des détenus qui se trouvent en rétention administrative. Or, cette députée est employée de l'établissement de Frambois, et je trouve parfaitement déplacé de sa part de venir questionner le département à ce propos. Je lui répondrai - vous transmettrez, Monsieur le président, elle se reconnaîtra - que le fait de renvoyer ces multirécidivistes pour la plupart dans leur pays d'origine coûte bien moins cher à la collectivité, puisque ici ils sont nourris, logés, soignés - frais dentaires compris - et qu'on leur donne aussi un peu d'argent de poche, car finalement, à ne rien faire durant la journée, ils seraient tentés de dealer. Evidemment, cela coûte moins cher de les renvoyer dans leur pays. Nous trouvons cette remarque parfaitement déplacée, mais nous pardonnerons à notre préopinante parce qu'elle est nouvelle députée; vous permettrez toutefois cette remarque. (Brouhaha.)

Ensuite, le groupe des Verts, bien sûr, est contre la détention administrative. Mais alors, je vous invite à faire de la publicité à outrance et à dire dans tous les pays en voie de développement qu'ici on ne renvoie plus personne; on va leur donner un toit, un logement, une assurance-maladie, de l'argent de poche... Vous faites venir tout le monde ici en vertu du sacro-saint sens du partage et on verra comment vous bouclerez les budgets en fin d'année et comment vous allez rendre des comptes à vos électeurs qui vous ont portés à la fonction que vous occupez ! Je crois effectivement que le problème ne pourra pas être réglé à Genève, mais qu'il doit l'être au niveau de la Suisse et surtout de l'Europe, qui doit investir massivement dans les pays exportateurs de ces pauvres gens - parce que ce sont de pauvres gens avant tout - pour que leur niveau de vie soit suffisant et qu'ils ne croient pas qu'en Europe et en Suisse, il y a un Eldorado qu'ils n'y trouveront pas quoi qu'il en soit. C'est là le vrai enjeu, mais ce n'est en tout cas pas dans ce parlement qu'on va résoudre ce problème.

Ce qu'on doit faire ici - et je vais contrer M. Gautier qui dit que nous sommes juste là pour appliquer les lois fédérales: c'est vrai, sur cela il a raison, mais quand il dit que nous n'avons pas de marge de manoeuvre, c'est faux ! Voyez l'établissement de Frambois, Mesdames et Messieurs. Eh bien, Mme Rochat à l'époque venait nous dire qu'elle avait doublé le nombre de places de rétention administrative: c'est vrai, il y en avait vingt, elle en a créé quarante; on est dans le concordat latin, on avait donc deux détenus genevois et on en a quatre maintenant; en effet, en termes de pourcentage, elle a doublé les choses... Mais on se moque du monde ! Il y a aujourd'hui à Genève environ 450 individus expulsables et en procédure d'expulsion qui ont jeté leur passeport, on ne sait donc pas où les renvoyer. Un Tunisien prétendra qu'il vient de Casablanca; évidemment, il sera incapable de dire dans quelle école il est allé, dans quel quartier il a grandi, et les consulats ne reconnaissent pas tous ces gens. Quelle en sera la conséquence ? Eh bien on les remet sur le trottoir étant donné qu'il n'y a pas de place à Frambois. Ces gens sont bien mieux dans la rue à dealer que chez eux où ils n'arrivent pas à vivre en raison de la situation économique ! Et c'est tout le problème ! Si maintenant on appliquait simplement la loi - ça nous changerait, pour une fois, à Genève ! - on aurait de la rétention administrative: une heure de sortie par jour, conditions légales, conformes aux droits de l'homme mais austères, et vous verrez que le taux de souvenirs qui reviendraient remonterait en flèche et qu'il y aurait beaucoup plus de personnes qui se rappelleraient d'où elles viennent et où elles ont fait l'école. Et l'on aurait alors des départs volontaires payés par la Confédération. Là, on ferait une politique efficace.

Maintenant je dois aussi vous dire, Monsieur le président - et c'est un fait, n'y voyez donc aucun propos déplacé...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Eric Stauffer. Nous avons récemment essayé d'acheter de la drogue dans les rues de Genève. Nous sommes allés aux Pâquis avec un groupe de membres du MCG. (Commentaires.) En moins de dix minutes, nous avons pu acheter deux boulettes de cocaïne... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...et croyez-moi sur parole, ce n'est pas un bon Vaudois, mais bel et bien un Africain qui vendait de la drogue, et un dealer. (Commentaires.)

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Eric Stauffer. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.)

Le président. C'est terminé !

M. Eric Stauffer. ...90% des gens à Champ-Dollon sont des étrangers, 10% sont des Suisses: ça veut dire que le pilier de la prévention fonctionne bien en Suisse, mais on ne peut pas aller faire de la prévention dans le Maghreb.

Le président. C'est terminé, Monsieur le député, merci. (Applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je vais dire est très court, mais il y a des choses que je ne peux pas laisser passer de la part de M. Stauffer: tout d'abord, que ce soit bien clair et bien dit, l'émolument, le fameux argent que l'on donne, ce n'est pas de l'argent que l'on donne mais de l'argent gagné; les détenus reçoivent sauf erreur, je cite de mémoire, une somme d'environ vingt francs par jour pour du travail. Ne confondons donc pas ! Et puis, mettre tous les détenus, toutes les personnes qui font l'objet de rétention administrative dans le même panier, non ! Comme si tous vendaient de la drogue ! Mais je vous en prie ! J'ai connu dans mon école, par exemple, une famille péruvienne qui a dû partir au pas de charge avec ses enfants, alors que la maman faisait des ménages ! Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, s'il vous plaît, merci ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances, suite à ses travaux sur cette politique publique, vous invite à la voter telle qu'issue de ces mêmes travaux. Nous pouvons regretter cependant que le conseiller d'Etat Pierre Maudet, chargé du département de la sécurité, n'ait pas daigné nous faire l'honneur de sa présence... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Eric Stauffer. ...et délègue cette tâche à M. Antonio Hodgers qui est son représentant. Nous ne pouvons que regretter ce manque de considération envers le parlement. Merci.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de suppléer - et non pas de représenter - M. Maudet dans ce débat, étant donné que j'ai la chance d'être son suppléant dans sa charge départementale. Lui-même se trouve actuellement à la conférence des directeurs de police à Berne, et vous conviendrez avec moi que sa participation est fondamentale pour la défense des intérêts du canton de Genève et pour une bonne coordination en matière de politique sécuritaire, car la criminalité, elle, ne connaît pas de frontières, ni cantonales, ni nationales, et dès lors la collaboration avec les cantons confédérés est primordiale pour nous; c'est pourquoi je vous prie d'excuser son absence.

Le Conseil d'Etat l'a dit de manière très claire par la voix de son président à Saint-Pierre: il entend être à la hauteur des attentes de la population en matière de sécurité et poursuivre avec acharnement la lutte contre la criminalité en bonne collaboration avec le ministère public. Sur ce dossier, comme sur celui que j'ai eu l'opportunité d'évoquer avec vous précédemment, Genève a pris du retard: nous avons du retard en matière d'infrastructures pénitentiaires, en matière d'hommes et de femmes sur le terrain pour assumer la sécurité. Notre agglomération ne se limite pas à Genève: notre république est au coeur d'une agglomération de 800 000 habitants, elle est aussi un lieu de passage, un lieu de brassage, et cela démontre la nécessité claire - et acceptée par tous, si je l'ai bien compris - de renforcer tant les effectifs de police sur le terrain que les infrastructures pénitentiaires. Il faut rattraper notre retard, et c'est pourquoi le Conseil d'Etat, avec vous - puisque les votes ont déjà été faits - s'engage à ouvrir trois établissements pénitentiaires durant cette législature. Cette politique doit fonder votre soutien à ce budget, avec un amendement supplémentaire qui vous a été présenté par le Conseil d'Etat et qui vous demande d'accepter 1,6 million de plus pour le projet de La Brenaz: cet argent était prévu comme budget d'investissement, mais les normes IPSAS ne nous permettent pas de l'activer et nous devons par conséquent le glisser en budget de fonctionnement.

Pour finir, j'ai entendu beaucoup de propositions intéressantes en matière de réflexions à mener sur les objectifs - pourquoi est-ce qu'on enferme les gens ? - les projets éducatifs, le concordat romand, le bracelet électronique. Tout cela, je le transmettrai bien évidemment au titulaire du département. On l'a dit, une des difficultés et des particularités de la situation genevoise est qu'une grande majorité des détenus, le 80%, relève d'une criminalité exogène et non simplement étrangère. En effet, il ne s'agit pas des étrangers par opposition aux Suisses - 40% de la population genevoise est étrangère - mais bien d'une criminalité exogène par opposition à une criminalité indigène, à savoir des gens qui n'ont pas d'attaches dans notre canton, qui y viennent pour commettre des méfaits. C'est vrai que la caractéristique même de cette population-là, exogène et non pas étrangère, est un défi supplémentaire puisque, en ce qui concerne les bracelets, les projets de rééducation, cela limite notre marge de manoeuvre, sans l'exclure complètement.

Au vu de ces explications, Mesdames et Messieurs, je vous prie d'accepter la politique H et le projet d'amendement qui vous est soumis par le Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Weiss, je vous passerai la parole plus tard, nous allons d'abord voter l'amendement. Nous sommes donc saisis d'un amendement du Conseil d'Etat de +1,6 million sur la nature 31 - charges de biens et services et autres charges d'exploitation.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 24 non et 9 abstentions.

Le président. Nous passons au programme H08 «Droits humains». Je donne la parole à M. Weiss.

M. Pierre Weiss (PLR). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, je ne demande pas de sous-titres en français pour la partie en latin de mon intervention. Je vais donc faire un plaidoyer pour un «alter-budget», et c'est mon côté «Weiss Bloc» qui va s'exprimer; un «alter-budget» concernant l'aide au développement, les droits de l'homme et la neutralité politique des associations bénéficiant de contrats de subventions, en rappelant tout d'abord que selon le cardinal de Retz - vous me pardonnerez cette référence ecclésiastique, et catholique qui plus est, dans cette salle - la politique, c'est l'art de choisir entre différents inconvénients, inconvénients qui se traduisent par le mot dépense, «en castellano, poñón».

M. Gabriel Barrillier. Pognon !

M. Pierre Weiss. Je commencerai par des faits, et ensuite j'aurai des propositions. Il y aura une question sur les faits et trois questions sur les propositions que je poserai au Conseil d'Etat. Quelques chiffres: les droits de l'homme, c'est 25 millions de notre budget, c'est-à-dire 0,31%; l'aide au développement stricto sensu - au sens strict - c'est 17,3 millions, 0,22%; la Fédération genevoise de coopération, que vous connaissez, je crois, de loin, c'est 3 millions, soit 0,04%. Si nous appliquions l'excellente loi du PDC, nous dépenserions 55 millions, c'est-à-dire, par rapport à l'aide au développement, 36 millions de plus, ou par rapport aux droits de l'homme, 30 millions de plus. Cela signifie que nous aurions dû refuser hier les 18 millions pour la demi-annuité des fonctionnaires et que nous pourrions aujourd'hui l'appliquer pour la politique d'aide au développement. Vous voyez les choix que nous avons faits, nous préférons distribuer ici plutôt qu'aider dans le reste du monde. Qu'aurait-on pu faire avec cet argent ? Eh bien, je vais vous présenter mon «alter-budget» et j'aimerais que le Conseil d'Etat me réponde sur cette proposition que je résume par le terme: «pro fundo Galilei, aequalitatis atque neutralitatis».

M. Gabriel Barrillier. Amen !

M. Pierre Weiss. En ce qui concerne d'abord mes propositions pour le «fundus Galilei», le «fundus» révolutionnaire, il s'agirait d'affecter le principal des 36 millions, pour parler comme Molière, à un fonds d'investissement capitaliste en Afrique pour reprendre les propositions de Kofi Annan lors de la leçon introductive à l'IHEID - Monsieur Bläsi, je vous invite à assister aux conférences suivantes qui justement s'inscrivent dans la ligne de M. Kofi Annan - et qui consisterait à investir l'essentiel en République d'Afrique du Sud en hommage à Mandela, à de Klerk et à la société De Beers et une partie subsidiaire en République centrafricaine, sans oublier au passage le secteur hôtelier en Namibie. Voilà qui permettrait de considérer que cette dépense est en fait un investissement et non pas du fonctionnement. (Brouhaha.) Et voici ma première question: j'aimerais savoir, Monsieur le conseiller d'Etat, si vous avez participé à cette conférence de Kofi Annan et si vous entendez participer à son cycle sur l'Afrique qui vous permettrait de vous développer dans le sens de cette nouvelle politique d'investissement.

Deuxième question concernant la partie «aequalitas» de mes propositions: affecter une partie des subventions à un doublement de ce qui est versé aux associations féminines. 88 000 F sont versés pour les associations féminines, je propose de passer à, disons, 200 000 F. Cela permettrait de distinguer dans les écoles et peut-être même dans ce Grand Conseil entre les femmes et les animaux... (Commentaires.) ...entre les ministres et les guenons, comme cela a été fait par certains... (Remarque.) Madame, vous avez oublié qui l'a fait... Si l'on était en Italie, je dirais entre les ministres et les orangs-outans. Ça, c'est la deuxième proposition; que pensez-vous donc de ma proposition de protection des animaux et de leur dignité ? (Brouhaha.)

Troisième partie: «neutralitas». Ne pas affecter l'argent public à de la propagande politique...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Pierre Weiss. ...quand il est versé à des associations politiques. Que va faire le Conseil d'Etat - et c'est ma troisième question subsidiaire - de l'avis de droit du professeur Grisel et notamment de sa conclusion 4 ? C'est un avis de droit qui a été distribué à la commission des finances. Pourquoi ne pas doubler la subvention au CICR, qui est de 4,5 millions, dans cette cent cinquantième année de la première convention dont nous voyons tous les jours la représentation à la salle de l'Alabama ? Bref...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. ...je conclus par une phrase, Monsieur le président: au lieu d'aider les aidants, aidons les Africains, au lieu d'aider seulement les humains, aidons aussi les animaux, au lieu d'aider la MJC, aidons le CICR. Je vous remercie. (Quelqu'un imite le cri du singe. Rires.)

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous informer - peut-être cela a-t-il échappé à votre sagacité lors du débat d'hier sur la composition des départements - que les droits humains et la solidarité internationale sont rattachés au département présidentiel. (Commentaires.) Si la question s'adressait à M. Hodgers, suppléant de M. Maudet, quant à savoir s'il allait à cette séance... (L'orateur hésite.)

Une voix. A l'IUHEID.

M. François Longchamp. Voilà, eh bien je vous laisse lui poser la question ultérieurement en privé. En ce qui me concerne, la réponse est non, mais je ne manquerai pas d'évaluer de manière plus précise l'ampleur et l'intérêt de cette réunion, afin de juger si dans le cadre des agendas qui sont les miens, il faut y déléguer peut-être le président, peut-être l'ensemble du Conseil d'Etat, eu égard à l'importance de cette conférence. Mes cours de latin n'ayant pas duré plus de trois ans, je vous propose de ne pas vous répondre autrement que dans la langue qui est d'usage dans notre contrée, le français... (Rires.) ...pour vous dire que pour le reste, je vous invite, Monsieur le député, à déposer des amendements en bonne et due forme qui permettront de clarifier l'enjeu qui est le vôtre afin d'avoir une véritable synthèse entre la solidarité internationale, l'égalité hommes-femmes, la zoologie... (Rires.) ...si j'ai bien compris, même s'il n'y avait pas de liens très étroits entre tout cela; le Conseil d'Etat les examinera avec la plus formelle attention et vous rendra réponse. (Remarque.) Pardon ?

M. Pierre Weiss. Et la neutralité politique des associations bénéficiant de contrats de subventions.

Le président. Monsieur Weiss, s'il vous plaît !

M. François Longchamp. Et la neutralité politique qui est à la zoologie ce que l'égalité hommes-femmes est à la solidarité internationale. (Rires. Applaudissements.)

Le président. Nous sommes au bout de cette politique publique H «Sécurité et population». Je la soumets aux voix.

Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» ainsi amendée est adoptée par 45 oui et 28 abstentions.

I - JUSTICE

Le président. Nous abordons la politique publique I «Justice», qui comprend le seul programme 01 «Pouvoir judiciaire». La parole n'étant pas demandée, je soumets au vote cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique I «Justice» est adoptée par 52 oui et 23 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes attendus dans la cour pour la traditionnelle soupe de l'Escalade offerte par les maraîchers genevois que nous remercions. Je vous retrouve à 14h.

Sixième partie des débats sur le budget 2014 (suite du 2e débat): Session 03 (décembre 2013) - Séance 16 du 20.12.2013