République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 11292-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2014 (LBu-2014) (D 3 70)

Suite du deuxième débat

Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)

J - MOBILITE

Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos travaux sur le budget. Nous en sommes à la politique publique J «Mobilité», qui contient les programmes J01 «Transports et mobilité» ainsi que J02 «Infrastructures routières et de transports publics». La parole n'étant pas demandée, je vous soumets cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique J «Mobilité» est adoptée par 44 oui et 5 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

K - SANTE

Le président. Nous arrivons à la politique publique K «Santé», avec les programmes K01 «Réseau de soins»... (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence ! ...K02 «Régulation sanitaire» et K03 «Sécurité sanitaire, promotion de la santé et prévention». Je soumets au vote l'entier de cette politique publique. (Remarque.) Nous sommes en procédure de vote, je ne peux pas vous donner la parole.

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 51 oui et 5 abstentions.

L - ECONOMIE

Le président. Nous en sommes à la politique publique L «Economie». Le premier programme est le L01 «Développement et soutien à l'économie». La parole est à Mme la députée Magali Orsini.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Ensemble à Gauche ne proposera pas d'amendement et se contentera de faire une déclaration générale. Ce projet de budget s'inscrit, selon le Conseil d'Etat, dans l'idée de faire de Genève une région toujours plus innovante, dynamique et durable. La création d'entreprises et le développement de nouvelles idées... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...doivent impérativement être encouragés. Nous nous contenterons à ce stade de commenter les principaux secteurs cités dans ce projet. Ensemble à Gauche n'a évidemment rien contre l'esprit d'entreprise et peut se réjouir a priori de l'activité de l'incubateur cleantech ou de l'installation du centre de recherche sur le cerveau au Campus Biotech. Nous sommes attentifs aux conditions de création et de survie des PME qui font le tissu économique de base de notre canton. Nous sommes également... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Florey, s'il vous plaît ! Poursuivez, Madame.

Mme Magali Orsini. Nous sommes également très préoccupés par la généralisation d'une économie tournée exclusivement vers une clientèle internationale et fortunée. Il n'en est pas de même des conditions-cadres destinées encore plus aux sociétés oeuvrant dans l'opaque secteur du négoce, dont les agissements à travers la planète font souvent l'objet de rapports peu élogieux. Ensemble à Gauche reviendra bien entendu sur les propositions du Conseil d'Etat en matière d'impôt sur les sociétés de capitaux et ne saurait accepter la perte fiscale de l'ordre de 1 milliard programmée par l'application d'un taux de 13% sur les bénéfices de sociétés qui ont pu jusqu'à présent sans aucun problème assumer un taux de 22,5%. Des nouvelles fraîches nous sont arrivées ce matin de la Confédération et nous prendrons le temps de les analyser. Concernant le secteur Praille-Acacias-Vernets qui est également cité dans cet exposé des motifs, le principe arrêté par un accord en 2010 était la mixité des activités en parallèle avec la mixité socio-économique du logement, soit la construction de deux tiers de logements d'utilité publique. Nous regrettons que ce dernier volet ait été récemment remis en cause par le Conseil d'Etat, faisant chanceler le projet entier. Ensemble à Gauche continuera de défendre le principe d'un salaire minimal mensuel de 4000 F. Une récente étude de l'Université de Genève a montré que 10% des personnes qui travaillent ne pouvaient vivre de leur salaire. La théorie libérale qui justifie les profits de l'entrepreneur par le risque qu'il prend ne doit pas supposer qu'il paie ses salariés de manière indécente. (Brouhaha.) Enfin, nous avons pris acte de la volonté du Conseil d'Etat de lutter contre le dumping salarial et persistons dans notre demande d'inspecteurs supplémentaires. Pas d'amendement donc, mais nous souhaitons évidemment que dans le prochain budget, en 2015, il soit tenu compte de ces considérations.

M. Romain de Sainte Marie (S). Il s'agit aussi simplement d'une remarque, nous ne déposerons pas d'amendement. Concernant la politique publique L03 «Régulation du commerce», de même que j'ai attiré votre attention hier sur le nombre insuffisant d'inspecteurs du marché du travail à l'OCIRT, je relèverai le nombre insuffisant d'inspecteurs du service du commerce. Malheureusement, le magistrat chargé de ce service n'est pas présent aujourd'hui. Je poserai à M. Hodgers la question du nombre exact d'inspecteurs au service du commerce. (M. Hodgers indique qu'il ne peut fournir ce renseignement.) Tant pis, Monsieur Hodgers, ce sera donc pour une prochaine fois ! (Rires.) Il me semble que, d'après ce qu'avait dit M. Unger, il y a huit inspecteurs. Je vois un député m'indiquer qu'il y en a neuf... Qui dit mieux ? En tout cas huit, neuf ou même dix, le chiffre est largement insuffisant pour 3500 établissements, je crois; pour approximativement 16 000 employés dans ce domaine-là, vous pensez, huit, neuf ou dix inspecteurs du service du commerce, c'est bien insuffisant. Nous sommes actuellement en train de retoucher en commission la loi sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement, la LRDBH, cette loi-cadre qui donne des règles à suivre dans ce type d'établissements, notamment concernant les conditions de travail. Ce qui sortira de la commission doit être respecté par la suite, de même que toute loi; simplement, l'ancien Conseil d'Etat nous a fait un aveu d'impuissance de par l'insuffisance des moyens alloués au service du commerce et le non-respect de cette loi, et il est donc maintenant plus qu'indispensable - Monsieur le président, vous transmettrez au conseiller d'Etat chargé du service du commerce, absent aujourd'hui - de mettre les moyens à disposition l'année prochaine. Si tel n'est pas le cas, le groupe socialiste proposera un amendement pour donner les moyens d'appliquer la LRDBH.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Michel Bugnion.

Une voix. C'est une erreur !

Le président. La parole est donc à M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (PLR). Merci, Monsieur le président. J'ai écouté Mme Orsini avec beaucoup d'intérêt, comme toujours, et j'ai entendu son plaidoyer contre une économie genevoise destinée à une clientèle aisée, fortunée. L'Histoire est assez singulière: l'industrie horlogère vient de publier des chiffres absolument records pour l'exportation; il s'agit surtout de montres de luxe, comme cela se faisait déjà au XVIIIe siècle - c'est une tradition genevoise que Mme Orsini semble ignorer - et cette exportation émane de fleurons de l'industrie genevoise. Il me semblait qu'A gauche toute, l'Alliance de gauche ou l'extrême gauche, quel que soit son nom, s'intéresse au monde des ouvriers. A Genève, nous avons la chance extraordinaire d'avoir les ouvriers les mieux qualifiés au monde dans le domaine de l'horlogerie, et je suis absolument scandalisé que vous les attaquiez, que vous attaquiez ces personnes qui font un travail remarquable et permettent ainsi à notre économie d'exportation d'être florissante. Premier point.

Deuxième point: comme je l'ai fait dans mon discours introductif d'hier, je salue la volonté ferme du Conseil d'Etat genevois de mener à bien la réforme de l'imposition des entreprises, car c'est par ce biais seulement que nous arriverons à préserver ici les dizaines de milliers d'emplois générés par les multinationales que Mme Orsini, avec d'autres, veut chasser du territoire.

Mais le plus intéressant, c'est évidemment la remarque du président du parti socialiste, M. de Sainte Marie, au sujet de l'inspection du travail. Nous avons eu une audition assez édifiante à la commission de l'économie lundi dernier, où nous avons pu recevoir une espèce de groupuscule représentant des établissements autogérés, dont l'Usine, et nous avons vu que ces gens ne respectaient ni les minima salariaux, ni les conventions de travail. Je pense que l'OCIRT doit d'urgence aller contrôler ces domaines. On a même vu une offre d'emploi à mi-temps dans une de ces structures autogérées à 2000 F par mois avec la demande, je vous le précise, de 25% de plus en bénévolat. Si ce n'est pas là du dumping salarial contraire aux conventions collectives, je veux qu'on me donne d'autres exemples. Je pense que l'OCIRT doit avoir des inspecteurs aussi pour ce milieu-là qui ne doit pas être une zone de non-droit. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Bernhard Riedweg (UDC). La place financière genevoise se transforme suite à la remise en cause du secret bancaire - entraide administrative, échange automatique d'informations, renforcement du dispositif contre le blanchiment d'argent, nouvelles exigences en matière de fonds propres - et à la législation visant à réduire les risques systémiques liés aux grandes banques suisses. La place financière devrait entrer dans une longue phase de consolidation après avoir été l'un des plus puissants moteurs de la croissance du canton. Autres dangers: le cours du franc suisse, les taux d'intérêt, l'implantation de multinationales en régression en raison du taux d'imposition qui devrait être révisé à 13%. En 2007, la place financière contribuait directement à 25% de la valeur ajoutée du canton alors qu'en 2012, elle ne représente plus que 17%. Il y a là un danger. Un autre danger qui pointe à l'horizon: l'offre de bureaux devient abondante à Genève. En trois mois, 62 000 m2 de locaux supplémentaires sont à disposition dans le canton: 232 000 m2 de bureaux étaient disponibles en septembre 2013 contre 170 000 m2 au mois de juin 2013. Il y a là un signe indiquant qu'on doit faire attention. Enfin, en cas de crise économique, la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat serait étroite: les charges contraintes et mécaniques sur lesquelles ni le gouvernement ni le parlement n'ont de prise, à moins de réduire les prestations sociales - mesure dont la faisabilité politique n'est pas assurée - augmenteront de 273 millions au cours des quatre prochaines années. Je vous remercie de votre attention.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à remercier M. Cuendet pour ses propos que nous faisons nôtres: si l'OCIRT doit contrôler les entreprises à Genève, elle doit aussi contrôler les établissements... (L'orateur marque une pause.)

M. Renaud Gautier. Alternatifs.

M. Pascal Spuhler. ...alternatifs, qui parfois se croient un peu tout permis à ce niveau-là. Concernant la question de M. Romain de Sainte Marie, je peux lui confirmer qu'il s'agit bien de huit inspecteurs et d'un chef, ce qui fait neuf au total; et, effectivement, ils sont en sous-effectif pour contrôler non seulement les établissements publics, mais également ces fameux dépanneurs qui pullulent aujourd'hui et pourrissent un peu la vie des citoyens qui veulent dormir le soir, puisqu'ils sont ouverts toute la nuit et que nombre d'individus traînent autour de ces dépanneurs à boire des bières et d'autres choses. Je pense qu'il faudrait en effet pouvoir faire un effort à ce propos, pour que l'OCIRT et le service du commerce puissent effectuer leur travail de contrôle et sévissent en cas de besoin. Sur ces points-là, nous soutiendrons les demandes futures d'augmentation non seulement du personnel de contrôle à l'OCIRT mais également pour le service du commerce, le Scom. Quant à la fiscalité des entreprises, je vous laisse transmettre à Mme Orsini, qui a l'air de s'offusquer sur ce taux que nous aimerions tous voir arriver à 13% pour que l'économie genevoise bénéficie peut-être d'un nouveau souffle. Au Mouvement Citoyens Genevois, nous soutenons le taux de 13% pour les entreprises. (Quelques applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que l'OCIRT manque d'inspecteurs et qu'il doit y avoir un service renforcé. Le Conseil d'Etat nous l'a promis, je crois qu'un certain nombre de projets ont été renvoyés à la commission de l'économie, si je ne fais erreur. D'ailleurs, pas plus tard que ce dimanche, M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet s'est exprimé dans «Le Matin» et a été très clair sur ce sujet. (Brouhaha.) Nous attendons donc des actes par rapport à cette problématique. Si un certain nombre d'entreprises doivent être contrôlées parce qu'elles trichent, il n'y a pas de droit divin: aussi bien les entreprises... j'allais dire normales, que les lieux alternatifs doivent respecter ces dispositions et il ne doit pas y avoir de pré carré ni dans un sens dans l'autre. J'appelle de mes voeux à plus de contrôle pour plus de justice pour tous.

Une voix. Bravo !

Une voix. Très bien !

Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais juste répondre à M. Cuendet pour lui préciser, bien entendu, que ce ne sont en tout cas pas les travailleurs, quel que soit leur secteur, qui feraient l'objet de notre désapprobation. Simplement, vous savez très bien que cette économie du luxe est complètement volatile, artificielle, et si nous avions le choix, nous préférerions voir notre jeunesse formée aux sciences de la vie, à la recherche en matière de cerveau... (Remarques.) ...plutôt qu'à la spéculation des matières premières.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie. (Exclamations.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. M. Cuendet attaque, la gauche répond, naturellement. J'aimerais simplement lui dire qu'en effet, il existe certaines associations à but culturel, non lucratif... (Exclamations. Rires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. ...qui reposent sur le bénévolat... (Exclamations.) ...peut-être un terme méconnu de la droite... (Exclamations. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. ...et ce n'est pas dans ces milieux-là que l'on connaît des salaires abusifs, mais bien dans les vôtres ! Merci, Monsieur Cuendet. Peut-être pourrez-vous, Monsieur le président, préciser à M. Sormanni - dont j'apprécie les propos - qu'il s'agit bien du service du commerce et non de l'OCIRT. Vous avez évoqué M. Maudet dont nous avons pu découvrir dans les colonnes d'un journal dominical le plan d'action pour la sécurité économique. J'attends ses actes davantage que des articles, mais peut-être que son premier acte est déjà manqué de par son absence aujourd'hui. (Remarques.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence, Mesdames et Messieurs ! La parole est à M. Eric Leyvraz.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste une petite remarque. On parle de ce qui est volatil dans l'industrie du luxe. Patek Philippe existe depuis 180 ans, Vacheron Constantin depuis 250 ans. J'aime beaucoup ce genre de volatilité ! (Rires.)

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur. Je m'adresse surtout aux députés qui sont assis en face de moi, c'est-à-dire à la gauche et à l'extrême gauche du parlement. Si vous aviez pris la peine de lire mon rapport à la page 6, vous y auriez vu que je parle des enjeux futurs et notamment de la fiscalité à 13%. Que vous ne puissiez pas concevoir que pour défendre les ouvriers - ceux que vous prétendez pourtant défendre - il faille des commandes et donc une économie forte, je peux le comprendre. Mais la réalité est têtue: s'il n'y a pas de commandes et pas de développement économique, les ouvriers n'ont pas de travail. Effectivement, cela pourrait gonfler vos rangs - tout le monde hurlerait parce que plus personne n'aurait de travail et de salaire, tout le monde serait à l'aide sociale - mais ce n'est pas ainsi qu'on fait avancer un canton.

Ce qui est important en revanche, outre les boutades, pour le gouvernement fraîchement élu, c'est de bien prendre conscience de ce qui est écrit dans le rapport de majorité de la commission des finances. Les enjeux durant les années qui viennent et les quatre ans et demi de la législature sont primordiaux pour le canton de Genève. J'aimerais ici rappeler que les multinationales tellement décriées par la gauche rapportent à l'heure actuelle 1 milliard de revenus à Genève et génèrent 27 000 emplois indirects. Vous qui prétendez défendre les PME, vous ne pouvez pas vous payer le luxe - mais je sais que le luxe, vous ne l'aimez pas - de détruire la fiscalité mise en place avec efficience dans le canton de Genève, faute de quoi vous n'aurez plus rien à dépenser dans le social. Alors si c'est l'austérité que vous voulez dans les plans sociaux de Genève, continuez - et je l'ai déjà dit dans cet hémicycle - à persécuter l'argent du riche, mais rappelez-vous que vous finirez par voler celui du pauvre.

M. Roger Deneys (S). J'aimerais simplement dire que les propos en question ne sont pas ceux de la commission des finances... (Remarque.) ...mais ceux d'un parti politique et n'ont pas fait l'objet d'un vote quelconque en commission des finances. Je pense donc que ces propos n'ont rien à faire dans la bouche du rapporteur de la commission.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur. Je conçois qu'il y ait une minorité dans cette commission des finances, je me suis donc exprimé au nom de la majorité; et si vous voulez demander un vote sur mes propos, vous pouvez, j'en prends le risque, Monsieur le député. A jouer les kamikazes, vous n'aurez plus rien à dépenser, je maintiens mes propos. (Remarque.)

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît ! Nous continuons dans la politique publique L «Economie», qui contient ensuite les programmes L02 «Mise à disposition et exploitation d'infrastructures économiques» et L03 «Régulation du commerce». Je passe la parole à M. le Conseil d'Etat Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de suppléer une nouvelle fois mon collègue Pierre Maudet. Certains d'entre vous, en dehors de cette enceinte, se sont demandé pourquoi le Conseil d'Etat avait joint l'économie à la sécurité. Ce n'est pas anodin, c'est un choix politique qui dénote une volonté de ce nouveau gouvernement de faire montre d'une présence plus forte en matière de régulation de certaines activités économiques: quand je dis «régulation», je parle de contrôle, et il n'est pas absurde que le département de la sécurité, celui qui garantit les libertés publiques et individuelles, s'attache également, avec les services de l'Etat qui ont trait à l'économie, à exercer un contrôle accru - je pense notamment au service du commerce, qui doit en effet avoir une politique plus offensive sur le terrain, et à l'OCIRT, qui doit faire des contrôles avec des moyens accrus. Mesdames et Messieurs, notre gouvernement l'a dit récemment, il soutient l'ouverture et estime que les négociations bilatérales sont une condition fondamentale à la prospérité de notre canton. Mais cette ouverture ne doit pas rimer avec abus, ne doit pas permettre à certaines personnes peu scrupuleuses d'en profiter pour mener des politiques économiques, sociales ou salariales qui ne sont pas dignes de ce que nous attendons d'une économie stable et prospère comme la nôtre. Par conséquent, le Conseil d'Etat s'engagera tant sur la campagne liée à l'ouverture et au maintien de nos accords bilatéraux que sur des politiques de contrôle pour que cette ouverture, je le répète, ne rime pas avec abus, et que chacun et chacune puisse trouver son compte dans l'économie genevoise sans se faire exploiter. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter cette politique publique. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la politique publique L «Economie».

Mise aux voix, la politique publique L «Economie» est adoptée par 67 oui contre 2 non et 16 abstentions.

M - FINANCE ET IMPOTS

Le président. Nous passons à la politique publique M «Finance et impôts». Le premier programme est le M01 «Impôts, taxes et droits». Madame Orsini, vous avez la parole.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. A nouveau, une simple déclaration. On a beaucoup parlé hier de sincérité en matière de budget des dépenses, en oubliant toutes les approximations qui caractérisent celui des recettes. Or, c'est bien le budget des recettes qui détermine celui des dépenses, si l'on s'attache, comme j'ai cru le comprendre, à la sacro-sainte règle de l'équilibre budgétaire. Au cours des dix dernières années, des cadeaux importants ont été faits aux plus riches de ce canton, aussi bien en ce qui concerne les personnes physiques que les personnes morales, cadeaux que nous évaluons à 1 milliard de francs suisses par an en tout cas. Pour ne citer que les principaux: en 1999, baisse de 12% de l'impôt sur le revenu des personnes physiques présenté comme un cadeau aux familles, en fait un cadeau aux plus riches, comme tout taux fixe. Coût: 400 000 F par an. Il sera indispensable de revenir partiellement sur cette baisse. En 2004, suppression des droits de succession en ligne directe même pour les plus fortunés: des scenarii avaient été présentés avec des plafonds variant de 1,5 à 5 millions, l'Entente et l'UDC les ont écartés. En 2009, instauration d'un bouclier fiscal qui plafonne les impôts cantonaux et communaux sur la fortune et le revenu à 60% du revenu net imposable. Ce geste a coûté 410 nouveaux millions d'impôts par an et n'a profité qu'à des gens très riches, en particulier aux banquiers privés qui faisaient alors une déclaration de personnes physiques. Ils se sont depuis lors transformés en personnes morales, sans doute pour profiter de la nouvelle baisse de 10% promise sur le bénéfice des sociétés de capitaux. En ce qui concerne ces dernières, n'oublions pas les conséquences de la deuxième réforme de la fiscalité des entreprises, fallacieusement présentée comme une aide aux PME alors qu'il ne s'agissait que d'un cadeau aux plus gros actionnaires des sociétés de capitaux. On comprendra dès lors qu'Ensemble à Gauche soit radicalement opposé à une nouvelle baisse aussi énorme que celle qui nous est proposée pour le bénéfice des personnes morales. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Bernhard Riedweg. (Exclamations.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Oui, il y aura quelques chiffres.

Des voix. Ah !

M. Bernhard Riedweg. C'est une des seules politiques publiques qui gagnent de l'argent...

Une voix. Ah !

M. Bernhard Riedweg. J'espère que vous vous en êtes rendu compte. Si l'on regarde les revenus fiscaux des comptes 2010, ils étaient à 6,54 milliards alors que, dans le budget 2014, ils ne sont plus qu'à 6,457 milliards: il y a une baisse des revenus fiscaux de 83 millions. En 2012, les dépenses dans cette politique publique par habitant étaient de 2300 F à Genève, alors qu'en moyenne, en Suisse, celles-ci sont de 450 F selon l'OCSTAT. La projection des augmentations des recettes fiscales est de 185 millions dans le budget 2014 par rapport au budget 2013. Les personnes physiques y contribuent pour 114 millions, cette progression est de 57 millions pour les personnes morales. Les impôts immobiliers augmentent de 14 millions et les droits de succession reculent, eux, de 9 millions. Le canton de Lucerne - ce n'est pas marqué dans le budget - a introduit le frein à l'endettement, c'est le canton qui est le meilleur dans la gestion financière des impôts. Le Valais, Neuchâtel et le Jura vont baisser les impôts pour les personnes privées en 2013 afin d'enrayer l'exode des contribuables - environ 500 par année depuis dix ans qui fuient l'enfer fiscal neuchâtelois. Le Grand Conseil - c'est-à-dire nous - a accepté des baisses d'impôts qui profiteront à la classe moyenne et aux familles, soit 75% des contribuables. En 2013 comme en 2012, c'est à Genève que la charge fiscale a été la plus élevée: elle s'élève en moyenne à 35% des revenus. Tous les cantons romands sont au-dessus de la moyenne suisse en ce qui concerne les salaires. Comme effet pervers, il y a l'augmentation des loyers, des routes saturées, le manque de place pour les entreprises et des primes maladie qui prennent l'ascenseur. En période d'inflation nulle, ce que nous vivons maintenant, la dette reste un boulet: les intérêts que paie l'Etat de Genève sont de 241 millions par année contre 26 millions à Lausanne. Une hausse d'impôts affecte 240 000 contribuables mais pas les 12 000 bienheureux qui n'ont pas de revenu imposable. La diminution des prestations sociales de l'Etat n'affecte que les bénéficiaires de ces prestations qui sont bien moins nombreux que les 240 000 contribuables dont je viens de parler.

Le taux d'endettement du canton de Genève par rapport à son produit intérieur brut est de 26,4%. Toutefois, il faut tenir compte de la part de la dette qu'a Genève envers la Confédération: la Confédération a une dette et celle-ci est aussi imputable à Genève. Ce taux augmenterait à 52% du produit intérieur brut. Je vous rappelle que Maastricht accorde 60% d'endettement par rapport au produit intérieur brut: nous sommes en train de nous approcher dangereusement de cette limite. (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Deneys !

M. Bernhard Riedweg. Genève a l'impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse avec 1% et il est parmi les plus élevés en Europe. Maintenant, on a souvent... Je m'adresse à M. Dal Busco qui est plus d'une fois venu avec ses chiffres, et c'est quand même relativement important parce qu'ils reviennent souvent dans cet hémicycle. 23 000 contribuables, soit 9,1%, ne déclarent aucun revenu imposable. 186 000 contribuables, soit 73%, déclarent un revenu entre 1 F et 100 000 F et paient 30,5% des impôts sur le revenu. Mais ce sont les suivants qui sont importants pour la gauche: 44 000 contribuables, soit 17%, déclarent un revenu imposable au-dessus de 100 000 F et paient 70% des impôts sur le revenu. Il ne faudrait surtout pas gâcher la vie de ces gens-là. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (PLR). Cette après-midi, c'est un plaisir, j'ai pour la deuxième fois l'occasion de répondre à Mme Orsini, et j'en suis tout...

Une voix. Emoustillé !

M. Edouard Cuendet. Non, ému. Mme Orsini, par son programme - soyons clairs - veut ruiner le canton de Genève, je crois qu'il n'y a pas d'autre mot. Elle nous promet une fiscalité infernale tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.

Je résume: elle veut évidemment supprimer le forfait fiscal, or il rapporte à Genève bon an mal an environ 150 millions d'impôts par année... (Brouhaha.) ...soit ce qu'il faut verser pour sauver les caisses de pension de la fonction publique puisque c'est à peu près le même montant. Je rappellerai qu'en Suisse, il y a environ 5500 forfaitaires, à Genève il y en a à peu près 700; à Londres, il y a plus de 100 000 résidents non domiciliés qui bénéficient d'un régime plus ou moins semblable. Vous imaginez bien que ces personnes ne vont pas rester béatement à Genève pour se faire tondre comme des moutons. Ensuite, Mme Orsini veut aussi supprimer le bouclier fiscal et n'a aucun complexe à ce que certains contribuables soient tenus de payer plus de 100% d'impôts sur leur revenu: cela ne lui pose aucun problème. Elle veut augmenter la fiscalité des familles - celles-ci apprécieront, alors même qu'elles ont voté en pleine connaissance de cause une diminution majoritairement bienvenue. Ensuite, Mme Orsini veut aussi introduire un impôt sur les successions au niveau fédéral; j'imagine qu'elle va soutenir l'initiative fédérale. Je rappelle quand même que cette initiative sur les successions prévoit une ponction de 20% à partir d'un patrimoine de 2 millions de francs. Cela sera la mort des PME suisses. A ce sujet, je fais référence à un sondage qui vient d'être publié par l'association KMU Next qui s'occupe de la succession des PME: 80% des PME considérées ont clairement indiqué qu'elles ne seraient pas en mesure de payer l'impôt sur les successions par leurs fonds propres et qu'elles n'auraient plus de liquidités pour le faire. Les partis qui prétendent soutenir les PME veulent donc les ruiner à travers un impôt sur les successions. Pour faire bonne mesure, Mme Orsini veut aussi chasser les multinationales, comme je l'ai dit, en refusant la réforme de l'imposition des personnes morales: on a vu que des endroits comme Londres ou Singapour viennent faire de la prospection active à Genève pour délocaliser des entreprises en leur offrant par exemple jusqu'à un taux de 5% environ.

Mais si l'on met ce programme à exécution, si par malheur ces propositions irresponsables venaient à être appliquées - et j'espère que la politique, ou plutôt la population genevoise, est assez raisonnable pour les rejeter - qui paiera, mais qui paiera les fonctionnaires que vous défendez toute la journée, qui paiera les prestations sociales dont vous nous rebattez les oreilles à longueur de temps ? Il n'y aura plus personne pour payer ces montants et nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer.

Le bonheur fiscal, selon Mme Orsini, ressemble furieusement à un système fiscal que nous connaissons parce qu'il est assez proche du nôtre géographiquement, quoique pas philosophiquement, c'est le système français. Or on a vu l'hémorragie monstrueuse qui a touché notre voisin: l'Hexagone s'est vidé de ses contribuables, l'Hexagone s'est vidé de ses entreprises. Si c'est cela que nous voulons, suivons le magnifique projet fiscal de Mme Orsini et de son groupe ! (Rires. Applaudissements.)

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Au nom du parti démocrate-chrétien, j'aimerais tout de même m'opposer aux contre-vérités avancées par Ensemble à Gauche: permettez-moi de dire qu'il est vraiment faux d'annoncer que ce ne sont que les riches qui ont profité de la baisse d'impôts. D'abord c'est le peuple qui a voté, or pour vous aussi le peuple a toujours raison. Je suis particulièrement bien placée pour vous dire que ce sont les familles moyennes et modestes qui en ont parfaitement bénéficié. Certaines des familles que nous devons considérer comme risquant de basculer dans la catégorie des «working poors» ont pu rester à un niveau d'imposition tout à fait supportable grâce à ces baisses d'impôts. Celles-ci ont été extrêmement bénéfiques pour leur niveau de vie, et j'espère vraiment que si nous devons remettre sur le métier ce type d'ouvrage, nous aurons encore affaire à d'autres baisses d'impôts. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Je crois que la fiscalité est un enjeu particulièrement important. Il s'agit là d'un équilibre aussi bien pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Dans le cadre de cet équilibre, il s'agit de préserver les emplois, voire d'en créer. Nous sommes maintenant face à des négociations avec l'Union européenne et au devoir de mettre en place un taux unique pour les personnes morales, les entreprises donc. J'entendais M. Cuendet parler de ruiner l'Etat de Genève: aujourd'hui, malheureusement, la proposition faite par le Conseil d'Etat tend à ruiner Genève, sans qu'on prenne les responsabilités qui vont avec. Même si cette proposition d'un taux unique à 13% pour les entreprises apporte un ballon d'air aux PME - et je salue enfin un taux unique, et enfin un peu de justice en termes de fiscalité et d'équité - elle entraîne cependant une perte fiscale de plus de 450 millions de francs. Comment éviter cela ? Par une démarche du Conseil d'Etat auprès de Berne afin d'assurer la prise en charge par la Confédération de certaines infrastructures. C'est là une possibilité. Mais une autre possibilité est de renoncer à ces 13% et de revoir un taux unique - je ne parle pas forcément d'un taux à 17% - de négocier avec les entreprises pour assurer un équilibre.

Nous sommes ici aujourd'hui pour assurer un équilibre budgétaire, la fiscalité est un équilibre. Nous devons l'assurer avec un taux suffisamment attractif, c'est vrai, pour préserver les emplois, mais qui assure également la qualité de vie pour les Genevoises et les Genevois par la redistribution de l'imposition. Aujourd'hui, le taux proposé à 13% ne remplit pas ces conditions, puisqu'il ruine le canton de Genève. J'invite donc le Conseil d'Etat - et vous connaissez la position des socialistes sur le sujet - à revoir ce taux unique, à revoir sa proposition et sa copie et à présenter un taux qui permette aussi bien aux entreprises qu'aux Genevoises et aux Genevois de pouvoir vivre correctement.

Une collègue m'a invité à aller voir le téléjournal de dimanche passé - je vous conseille de faire de même. Je terminerai par là, même si je ne le citerai pas exactement: le directeur de Von Roll à Saint-Gall a lui-même engagé à arrêter de brader la fiscalité en Suisse. Il en va également du fait d'attirer des entreprises en Suisse et à Genève. Ne bradons pas la fiscalité, avec pour résultat des infrastructures qui ne tiennent pas la route. Aujourd'hui, faisons attention à cela, ne vivons pas dans un canton à deux vitesses, ayons une fiscalité équilibrée ! (Applaudissements.)

Mme Magali Orsini (EAG). Une brève réponse concernant quelques points évoqués. Pour ce qui concerne les droits de succession, par exemple: comme vous le savez, il s'agit d'une initiative du parti évangélique au niveau fédéral. Je n'ai qu'un regret: c'est que ce ne soit pas une initiative de la gauche ! Quel que soit le parti qui l'a lancée, quand une initiative est bonne, elle mérite d'être soutenue. Je pense en effet qu'une fortune de 1,5 à 2 millions - d'ailleurs il me semble qu'il s'agit plutôt de 2 millions - exclut des droits de succession tout ce qui est maison de famille, petite entreprise, etc. Je crois aussi, si mes souvenirs sont exacts, que l'initiative introduit une dérogation pour la transmission des PME: il ne s'agit donc absolument pas de s'attaquer une fois de plus à la classe moyenne, mais tout de même de prélever des droits de succession, ce qui me paraît le minimum de moralité publique; parce que, s'il y a bien une chose qui est injuste dans l'existence, c'est d'être simplement héritier et de prendre ses privilèges pour des mérites. Je pense donc que, si un sujet est défendable, c'est bien le principe d'imposer des droits de succession.

Quant au fait que la France se serait vidée de tous ses contribuables, une récente étude que vous avez certainement lue comme moi dit que les milliardaires français ont encore vu leur fortune s'accroître de 15% au cours des dix dernières années. On reste donc témoin du fait que ces cadeaux faits par un gouvernement de droite, la France les paie encore maintenant. Je ne vais pas passer en revue tous les pays européens, mais il est clair que c'est là en gros l'origine de la dette.

En ce qui concerne un certain nombre de contribuables genevois que j'ai cités, comme les banquiers privés, je ne pense pas qu'ils soient prêts à quitter le territoire du jour au lendemain, depuis le temps qu'ils sont installés ici pour de simples motifs de fiscalité. Nous demandons simplement la suppression de cadeaux tout à fait arbitraires offerts au cours des dix dernières années à des personnes qui pouvaient parfaitement payer leurs impôts sans aucun préjudice.

Enfin, je réponds à Mme von Arx que, par définition, un taux unique favorise les plus riches. Je veux bien que les familles aient bénéficié de quelques cacahuètes, mais vous devez bien comprendre que quand on fait un cadeau à un taux fixe ce sont forcément les plus riches qui en profitent, et c'est cela que nous voulons dire. Vous avez l'impression que des familles ont bénéficié de quelques rabais de quelques dizaines de milliers de francs, mais pendant ce temps les plus fortunés ont eu des rabais de centaines et de millions de francs. C'est cela que je voulais dire. Je crois que ce sera tout pour le moment. (Quelques applaudissements.)

M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. J'ai eu une grande surprise, si j'ai bien compris les dernières interventions du PLR: on parlait d'une fiscalité totalement insupportable. C'était ce mot-là, ou «intolérable». Selon ces paroles, on ne peut plus vivre avec cette fiscalité. En entendant cela, j'ai tout de même l'impression qu'on ignore une certaine réalité: dites-moi si je me trompe mais, sauf erreur, la Suisse est sur la liste grise internationale des paradis fiscaux. (Protestations.) Ecoutez, c'est une réalité ! Elle peut vous gêner, vous pouvez la nier, mais la Suisse est considérée comme un paradis fiscal par la plupart des pays... (Protestations.)

Une voix. Mais non !

M. Michel Ducommun. Ils se trompent ?

Une voix. Mais oui !

M. Michel Ducommun. Je m'excuse, c'est l'OCDE qui le décide, ce n'est pas moi ! (Commentaires.) Alors dites à l'OCDE qu'elle se trompe ! Mais lorsque cette organisation sort ce genre de décision, qui a son importance, vous ne l'aimez pas parce qu'elle vous déplaît, mais elle est là, c'est une réalité. Ça vous arrange de fermer les yeux là-dessus, mais pour prendre des décisions sages, fermer les yeux sur des réalités n'est jamais la meilleure manière d'avancer.

D'autre part - je vais un peu élargir le propos - je pense qu'un certain sens historique est parfois utile pour comprendre la réalité. Et celui-ci me fait remonter aux Trente Glorieuses qui ont suivi la dernière guerre, pendant lesquelles le chômage était relativement bas d'une manière générale, et pas seulement à Genève. Pour répondre à ceux qui ne font que parler du chômage et des moyens d'y remédier: après les Trente Glorieuses, une politique majoritaire a été développée dans le monde avancé, en Suisse mais aussi en France, mais aussi aux Etats-Unis, une politique différente qui avait fondamentalement pour objectif, en fait, de sauver les profits capitalistes - il faut dire le nom - et le résultat de cette modification politique a affecté trois niveaux. Premièrement, augmentation du chômage dans des proportions extrêmement fortes, et ceci partout dans les pays avancés. Je reconnais que de ce point de vue là, la Suisse a été plutôt privilégiée, mais cette augmentation du chômage a été le résultat général du changement de politique appliqué, qu'on a nommé le néolibéralisme, dont la droite est ici l'éminente représentante.

Deuxième résultat après le chômage: une diminution très forte et générale des impôts. Le taux marginal, c'est-à-dire le taux appliqué à la partie supérieure des impôts - puisqu'il y a toujours des tranches d'impôts - ou encore le pourcentage d'impôts sur la tranche supérieure des revenus ou des fortunes, se situait en Angleterre, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, aux environs des années 50 et 60, entre 80% et 90%. Il y avait 80% ou 90% d'impôts taxés sur la tranche supérieure. Aujourd'hui, il se situe entre 40% et 50% - il a été divisé par deux ! C'est le deuxième résultat de cette nouvelle politique. (Brouhaha.)

Troisième résultat: l'augmentation des inégalités. Si vous regardez la production et la répartition des richesses créées chaque année, mesurées par le PIB, même si c'est une mauvaise mesure, cette distribution des richesses a vu un décalage, un transfert relativement fort - 10% à 15% - en direction des plus riches au détriment des plus pauvres. Voilà les trois résultats du changement de politique que vous voulez poursuivre et que nous combattons. (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Droin, président

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, comme je l'ai déjà dit, je suis très content que nous passions un petit moment à parler des revenus après avoir parlé des dépenses. Il est important, à mon avis, que ce parlement se penche sur son livre des recettes. On a pour l'année 2014 environ 7 milliards de recettes. De ces 7 milliards, environ 4 milliards viennent des personnes physiques, 1,3 milliard des entreprises, 400 et quelques millions nous sont versés par Berne sur la part de l'impôt fédéral qui nous revient, 450 millions - je l'ai déjà dit tout à l'heure - viennent simplement des impôts sur les opérations immobilières; s'y ajoutent deux fois 100 millions sur les successions et sur un autre poste. Avec 6,9 milliards, Mesdames et Messieurs, pour une communauté d'à peine 500 000 personnes, je pense que nous vivons dans l'endroit du monde où les recettes par habitant sont les plus importantes. J'imagine peut-être une exception à Monaco, mais je pense qu'aucun d'entre nous n'a envie que Genève devienne Monaco... (Commentaires.) ...parce que ce n'est pas un destin qui nous intéresse. Par rapport aux endroits comparables, Mesdames et Messieurs, Genève est celui au monde où la manne fiscale qui revient à l'Etat pour exercer ses tâches nombreuses et nobles est la plus importante par personne. Toutes les invectives, tous les cris sur les baisses d'impôts, sur les réductions et les cadeaux n'y changeront rien, tout simplement parce que cette fiscalité a augmenté de manière régulière ces dernières années avec la prospérité genevoise, même si c'est un peu vite dit, certes, que de parler d'une augmentation régulière: effectivement, pendant la crise en 2008-2009, la fiscalité a baissé, comme le produit cantonal brut a baissé. Mais, en gros, la fiscalité et la part de l'Etat à Genève restent assez stables, autour de 22%.

Nous avons devant nous une échéance extrêmement importante, M. de Sainte Marie en a parlé: celle de la fiscalité des entreprises. M. de Sainte Marie nous affirme que le Conseil d'Etat doit prendre son bâton de pèlerin pour essayer de négocier un taux à 14%, 15% ou 16%. C'est vite dit. Je crois que M. Hiler avait fait ce travail. S'il a proposé 13%, c'est qu'il a fait la part des choses. En quoi consiste cette part des choses ? C'est là que le raisonnement sur les cadeaux fiscaux se révèle généralement comme un raisonnement très court. C'est toujours la même chose: on se place en 2013-2014, on prend note des réductions concédées en 2010, en 2009 ou en 2005, et l'on dit que si toutes choses étaient égales par ailleurs, si la prospérité avait été atteinte malgré le maintien des impôts, alors nous aurions perdu 450 millions. Mais ce raisonnement est faux ! La baisse des impôts elle-même crée de la richesse et c'est cette richesse qu'on taxe et qui donne les impôts finaux; ce n'est pas la seule source de richesse, mais c'en est une. Cela vaut encore plus pour les entreprises, Monsieur de Sainte Marie: si vous baissez l'impôt des PME de 24% à 13%... Je vous ferai juste remarquer que la personne qui s'est exprimée au journal de 19h30 se trouve dans un canton - celui de Lucerne - où les impôts sont déjà en dessous de 13%. Donc si vous voulez prendre cet exemple, volontiers, mais considérons les choses directement au niveau lucernois, soit 12,7%. Mais ce n'est pas le sujet.

Si vous baissez les impôts des entreprises à 13%, immédiatement, de l'argent va revenir dans l'économie. Votre voisin de derrière a fait hier une remarque pertinente par rapport à l'annuité des fonctionnaires - c'était peut-être le seul argument effectif et positif en sa faveur: l'octroi de cette annuité injecte de l'argent dans l'économie parce que les fonctionnaires dépensent, parce que les fonctionnaires paient des impôts. Même phénomène avec les entreprises: si vous baissez les impôts des petites entreprises... La plupart des entreprises genevoises s'estiment très heureuses quand elles gagnent 100 000 F, 200 000 F, 300 000 F. Au lieu de se voir taxées à 24% et de payer 24 000 F, elles paieront 13 000 F, ou le double, ou le triple. Mais ce ne sont pas des millionnaires ! A la fin de l'année, si elles disposent de 600 000 F, c'est déjà qu'elles bénéficient d'une situation extrêmement privilégiée. On parle donc de dizaines de milliers de francs qui seront injectés dans quoi ? Ils n'iront pas dans la poche de l'actionnaire ! La plupart du temps, ils serviront soit à investir, soit à engager une nouvelle personne. Et c'est exactement ce que nous voulons ! Alors plutôt que de se dire qu'il faut aller à Berne ou envoyer Serge Dal Busco auprès des multinationales, des entreprises qui bénéficient aujourd'hui de taux à 11%, pour leur demander non pas d'accepter 13% - ce qui ne sera déjà pas facile - mais 14% ou 15%, il faut plutôt avoir un discours assez ferme avec la Confédération, en effet, pour qu'elle amène sa part, parce qu'il est évident qu'elle fait partie de la problématique - pas du problème, mais de la problématique. Et il faut avoir confiance en notre économie: jusqu'à maintenant, elle a toujours très bien résisté. Ce «choc» fiscal pour les PME sera très bienvenu parce que, dans cette enceinte, je crois, tout le monde s'accorde à dire qu'elles forment la partie de l'économie la plus fragilisée et celle qu'il faut défendre.

Sujet extrêmement intéressant donc, sur lequel nous aurons à débattre en commission fiscale et ici même en plénière, certainement, mais je pense qu'il ne faut pas prendre cela par le mauvais bout. C'est plutôt, à mon avis, une très bonne opportunité, une opportunité de nature à renforcer notre économie, une opportunité qu'évidemment le PLR soutiendra. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (PLR). Je ne vais pas compléter ce qu'a admirablement dit mon camarade de jeu, mais je voudrais juste proposer à M. de Sainte Marie de terminer son raisonnement. Il nous a fait la moitié du raisonnement en expliquant toutes les horreurs d'une fiscalité injuste. Je ferai deux remarques à ce propos. La fiscalité, Monsieur de Sainte Marie, devrait s'adresser à tout le monde. Il y a à Genève 21 000 contribuables qui ne paient pas d'impôts. (Remarque.) C'est le taux le plus élevé de Suisse...

Une voix. C'est faux.

M. Renaud Gautier. ...et ces 21 000 personnes, d'une manière générale, profitent aussi des 8 milliards du budget de l'Etat. Deuxième remarque: vous plaidez pour que Genève fasse cavalier seul par rapport à la Confédération, soit, mais terminez votre raisonnement ! Quel sera l'impact de la mesure que vous préconisez à Genève ? Il faut avoir le courage de dire que vous êtes prêt à tenter le coup de poker d'une dramatique réduction du nombre des entreprises à Genève. A ce moment-là, je vous poserai la question de savoir comment nous paierons l'engagement que nous avons pris l'année dernière d'alimenter durant quarante ans la caisse de retraite des fonctionnaires. Parce que quand vous n'aurez plus assez de recettes fiscales, vous devrez vous demander comment l'Etat remplira les obligations qu'il a prises. Sur la première moitié de votre raisonnement: entendu, c'est votre point de vue, mais terminez-le !

Le président. Merci, Monsieur le député. Il est 16h45, nous allons faire une pause. Je convoque le Bureau et les chefs de groupe à la salle Nicolas-Bogueret. Nous reprendrons à 17h05.

Septième partie des débats sur le budget 2014 (fin du 2e débat et 3e débat): Session 03 (décembre 2013) - Séance 17 du 20.12.2013