République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10536-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (LGAF) (D 1 05)
Rapport de majorité de M. Claude Jeanneret (MCG)
Rapport de minorité de M. Pierre Weiss (L)

Premier débat

Le président. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Jeanneret.

M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter sur le rapport qui a été établi. Il est clair que, dans toute modification de loi votée pour éviter un endettement, il est toujours très délicat de prendre position. Nous avons joué, je crois, au niveau de la commission des finances, sur un certain effort qui a été consenti par le Conseil d'Etat en matière de gestion ces dernières années, parce que la seule chose que nous puissions véritablement vérifier, ce sont les dépenses et non les recettes. Nous savons que nous sommes arrivés dans une période un peu difficile, hasardeuse, et le Conseil d'Etat a calculé des recettes extrêmement... je dirais d'une manière un peu pessimiste. Cela fait qu'on a la présentation d'un budget déficitaire, et la modification de cette loi permet effectivement de l'accepter, momentanément en tout cas, et surtout d'indiquer que la réserve conjoncturelle est - comment dire ? - une manière de présenter les fonds propres au bilan, donc que, à la place d'avoir un capital, on a un capital et une réserve conjoncturelle. Cette dernière, jusqu'à ce jour, n'a pas fait l'objet de remarques de la part du Grand Conseil, donc on n'a pas refusé que le Conseil d'Etat la prévoie, et elle correspond quand même au souci de ce parlement de ne pas se retrouver dans la situation des anciennes législatures, où l'on est arrivé à 13 milliards de dettes. Ainsi, on limite la casse pouvant se produire à l'avenir, je pense que c'est une bonne solution.

Nous sommes dans une période transitoire, nous avons adopté de nouvelles normes, notamment IPSAS, qui modifient la formulation des investissements, et nous avons également modifié pas mal de choses dans la gestion et dans la présentation des comptes. Alors, il faut l'accepter, nous allons prévoir une nouvelle loi qui sera la LGAF, une loi sur la gestion des finances. Elle devrait être déposée en 2010, nous sommes donc à présent dans une période transitoire et, Messieurs, Mesdames, chers collègues députés, je pense qu'accepter cette modification de manière transitoire est une chose sage, surtout que le budget présente un déficit - soit ! - mais qui n'excède pas de beaucoup la réduction d'impôts prévue après les votations de cet automne sur la protection de la classe moyenne qui, jusqu'à présent, a toujours été le pauvre mouton que l'on tondait régulièrement. Pour une fois, on fait une loi qui protège ceux qui travaillent et paient beaucoup d'impôts. Et je pense que ce n'est pas le moment de refuser un budget qui présente, certes, un déficit élevé mais qui est, je pense... En fait, la seule chose sur laquelle nous, le parlement, avons un pouvoir, c'est sur les dépenses, et non pas vraiment sur l'équilibre, car les recettes sont, encore aujourd'hui, un peu aléatoires; on sait qu'elles seront très certainement plus importantes que celles qui avaient été prévues. Donc, nous avons accepté cette modification de la loi, pour cette période transitoire, je le précise bien ! Merci, Monsieur le président.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Monsieur le président, comme un certain nombre d'autres députés, je vous sais attaché aux valeurs et à leur respect. Or, précisément, le respect n'est pas une valeur à géométrie variable: il y a le respect des autres, le respect, par exemple, des genevois comme de nos amis français. Il y a donc aussi, par essence, le respect des mots: on ne peut pas dire «amis français» quand, en réalité, on rêve de les expulser. Et puis, il y a le respect des lois, qui vaut aussi bien pour l'esprit que pour la lettre de celles-ci. Nécessité ne doit pas faire loi; imprévoyance et parfois même une certaine légèreté ne doivent pas régner en maîtresses sur la législation et sur le dépôt de projets de lois, quels qu'en soient les auteurs et même si le Conseil d'Etat en est l'auteur !

Bref, en introduction, je voudrais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que les libéraux demandent... (Brouhaha.) Vous permettez ? (Le président agite la cloche.) ...que les libéraux demandent au Conseil d'Etat de la rigueur législative. N'est-ce pas, ce projet de loi, en réalité, c'est deux projets de lois en un: on nous en présente d'abord un, et puis, comme il a été manifestement rédigé dans la hâte, on nous en apporte un deuxième ! Et il faut le reconnaître - c'est en tout cas notre interprétation, le deuxième est pire que le premier ! Il est pire que le premier parce que trop peu de temps a été accordé à sa réflexion, à son élaboration.

Un respect des lois, un respect aussi de la volonté populaire ! Parce qu'il faut bien aussi savoir que ce projet de loi avait pour première explication, et peut-être pour première motivation - c'était certainement la bonne ! - de repousser l'application du frein aux dépenses, du frein à l'endettement qui avait été plébiscité par le peuple.

Et, autre valeur, outre la rigueur et le respect, eh bien, il s'agit, quand l'on veut gouverner un Etat, d'avoir le sens de l'effort. Et l'effort est-il trop grand quand on demande au Conseil d'Etat de déposer un budget qui respecte les lois et la législation ? Pour que le budget de 2010 respecte les lois et la législation, il suffirait qu'il soit modifié à raison de 1,5%: un petit montant de 110 millions, sur plus de 7 milliards, suffirait pour diminuer le déficit et le rendre conforme à la législation sans devoir passer par des projets de lois ad hoc, comme il y a des commissions ad hoc qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours supprimées.

Alors je vais vous dire les raisons de l'opposition des libéraux à ce projet de loi, vous dire aussi ce qu'il vise selon nous, et les arguments qui sont invoqués par les uns et autres. Ce projet de loi n'est pas bon et doit être refusé parce qu'il viole, dans sa version numéro un, le frein aux dépenses; parce qu'il nage en pleine ambiguïté, voire en pleine contradiction, dans sa version numéro deux; parce qu'il nage aussi en plein oubli de la LGAF - la loi sur la gestion de nos finances publiques; parce qu'il oublie que le plan financier quadriennal doit précéder la présentation du budget. On ne l'a toujours pas en commission des finances, peut-être l'aura-t-on l'an prochain pour cette année !

Notre but, c'est donc une rigueur qui ne soit pas seulement légale, mais qui s'étende aussi en matière de finances publiques, par exemple pour le budget 2010 dont je vous rappellerai qu'il se traduit par une augmentation de 2,8% des charges de personnel, soit 238 postes; vous voyez bien que le ninisme est mort et enterré, pour ne prendre que cet exemple !

Alors, qu'est-ce que c'est que ce projet de loi ? Ce projet de loi, c'est une histoire de glissements sémantiques - je vous renvoie à mon rapport de minorité - histoire qui aurait certainement plu à M. Devos, mais elle n'est certainement pas digne de notre ministre des finances, qui d'ailleurs a reconnu qu'il y avait un méli-mélo dans la rédaction de la première version. Ce projet de loi, c'est un exemple même de précipitation qui est, on le sait, mauvaise conseillère, qui a fait passer du principe de l'équilibre budgétaire à l'acceptation d'un déficit tant qu'il y avait une réserve conjoncturelle disponible. Or, nous savons que la réserve conjoncturelle, ce n'est qu'une fiction, et cela sera démontré si nécessaire.

La deuxième variante est encore plus inacceptable que la première. Pourquoi ? Si la première se contentait de violer la volonté populaire du frein à l'endettement, la deuxième variante, c'est un total irrespect envers la réalité des moyens publics: on dépense plus que ce que l'on a dans la poche, plus que son revenu, plus même que ce que l'on a en termes d'économies - c'est vrai que celles de l'Etat de Genève sont minces. Enfin, on renonce à tout effort en matière de gestion - on le dit dans l'exposé des motifs du projet de budget 2010, ne l'oubliez pas ! - cela est en bonne logique avec l'oubli du plan financier quadriennal.

Il y a d'ailleurs des arguments tout à fait mouvants du Conseil d'Etat à l'appui de son projet de loi. Le fait qu'il finit par invoquer une politique anticyclique; le fait de se cacher derrière des normes comptables - les normes IPSAS - pour modifier la loi alors que l'on ne s'était pas rendu compte, avant l'élaboration d'un budget trop déficitaire, que cette modification était nécessaire; le fait aussi de dauber - comme ça a été fait en commission - sur l'insistance que les libéraux mettaient au respect de la loi et au problème de l'équilibre budgétaire... Comme s'il était plus important de dépenser dans un Etat dont on sait qu'il redeviendra riche, notamment grâce à la baisse des impôts... (Commentaires.) ...mais dont on croit, en ce moment précis, que l'on peut ignorer les problèmes de déficit !

En revanche, trois bons arguments ont été utilisés pour s'opposer à ce projet de loi: d'abord, la réserve conjoncturelle doit être constatée en tant que résultat au moment des comptes, et non pas en tant qu'instrument budgétaire; ensuite, il ne faut en aucun cas repousser le moment de mettre en oeuvre les efforts pour freiner les dépenses et l'endettement; et puis aussi, ce projet de loi est, de l'aveu même du Conseil d'Etat, prématuré ! Ce dernier entend réviser globalement la LGAF, eh bien, que l'on attende ce moment de révision globale plutôt que de déposer un projet de loi à ce point prématuré, à ce point non préparé ! Et puis, d'autre part, il était aussi momentanément trop tardif, parce qu'il aurait fallu le déposer avant de se rendre compte que le budget n'était pas conforme à la loi.

Je conclurai, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, par cinq points ! (Exclamations.) D'abord, je l'ai dit, ce budget est prématuré. Il est inacceptable ! Et pourquoi ? Parce que ce projet de loi est l'exemple même de ce que nous ne voulions plus depuis le début de l'an 2000, à savoir la comptabilité créative qui avait été imposée à ce Grand Conseil par quelqu'un qui a été happé par d'autres fonctions fédérales. Seules des mesures préparant le retour à l'équilibre sont envisageables. Le budget doit donc être accompagné d'indications tangibles en ce sens, comme le veut précisément l'article 7, alinéa 3, de la LGAF, contrairement à ce que veut le Conseil d'Etat, qui a fait supprimer en commission l'alinéa prévoyant de dire, quand le budget est déficitaire: «Nous voulons retourner à l'équilibre et nous vous disons comment.» Cet oubli, à notre sens, est coupable. Raison pour laquelle, si le projet de loi devait être accepté dans la variante proposée par le Conseil d'Etat, les libéraux se demanderaient s'il convient véritablement d'accepter in fine le budget lorsqu'il viendra devant nous en décembre. Ou bien, ils se demanderont plutôt si le but de ce projet de loi n'est pas de les pousser à refuser le budget, parce que le Conseil d'Etat sait que les libéraux refusent l'absence de rigueur qui, quand il s'agit de faire voter un budget en période électorale, règne en maître. Voilà pourquoi les libéraux s'opposeront à ce projet de loi !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, et merci d'avoir limité vos conclusions à seulement cinq points... (Rires. Commentaires.) Bien, la parole est à M. Fabiano Forte.

M. Fabiano Forte (PDC). J'aimerais indiquer à ce parlement que le groupe démocrate-chrétien a déposé un amendement général remplaçant un premier amendement signé par mon collègue Guillaume Barazzone et moi-même. Vous avez donc trouvé sur vos tables un amendement général à l'article 1 (souligné) du projet de loi qui nous est soumis ce soir par le Conseil d'Etat. Notre groupe ne peut voter la loi telle qu'elle nous est proposée par notre gouvernement et suggère un amendement prévoyant une disposition transitoire. C'est-à-dire qu'on ne retouche pas à la loi actuelle, Monsieur le rapporteur de minorité, donc on ne retouche pas au principe du frein à l'endettement, on ne retouche pas au principe de rigueur. Nous y mettons une disposition transitoire, un article 72, alinéa 6 (nouveau). Cet article a cinq alinéas, on en rajoute un sixième, qui indique tout simplement: «Pour l'année 2010, en dérogation à l'article 7, alinéas 1 à 3, le budget de fonctionnement de l'Etat de Genève peut présenter un excédent de charges, à concurrence maximale de la réserve conjoncturelle disponible.» A un moment donné, on met des réserves, on met des garde-fous à notre gouvernement, puisque nous ne souhaitons pas - le groupe démocrate-chrétien ne souhaite pas - que la réserve conjoncturelle soit un oreiller de paresse du gouvernement. C'est pour ces raisons que nous fixons des limites dans un article transitoire. C'est le but de notre amendement, Monsieur le rapporteur de majorité... (Remarque.) «De minorité», pardon ! Excusez-moi, Monsieur Jeanneret, je vous fais un affront ! Donc, je disais: «fixer des limites dans un article transitoire», c'est le but de notre amendement, Monsieur le rapporteur de minorité. Mais j'espère que vous rejoindrez la majorité et que vous voterez notre amendement qui met les garde-fous nécessaires pour que la réserve conjoncturelle ne serve pas d'oreiller de paresse au gouvernement et qui permet de faire réfléchir ce dernier aux mesures d'économies nécessaires dans notre administration et notre Etat. C'est pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous invitons à voter notre amendement, qui limite l'utilisation de la réserve conjoncturelle aux comptes de l'exercice 2010 - nous parlons trop du budget: une réserve, au même titre qu'une provision dans une entreprise, s'utilise au moment du bouclement des comptes et non pas du budget.

M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, les discussions à la commission des finances ont été difficiles, s'agissant notamment de donner une définition exacte de la notion même de réserve conjoncturelle; cette définition est restée floue, ce qui n'a pas facilité les débats. Au-delà de cette question, l'idée d'utiliser l'hypothétique réserve conjoncturelle pour combler les déficits budgétaires est tout à fait discutable, en tout cas sur le long terme. Elle est d'autant plus discutable que le peuple et le Grand Conseil ont adopté le principe du frein à l'endettement il y a déjà quelque temps, raison pour laquelle le groupe radical soutiendra l'amendement proposé par M. Fabiano Forte et refusera le projet tel qu'il est sorti de la commission.

J'insiste sur le fait que cet amendement porte uniquement sur l'année 2010. Il permettra notamment d'atténuer les effets du projet de loi 10199 qui visait à réduire l'impôt sur les personnes physiques, baisse d'impôt qui, sur le long terme, doit bien sûr être profitable aux couples et aux classes moyennes. Les radicaux, donc, sont d'accord d'entrer en matière sur le principe de l'utilisation de cette réserve conjoncturelle pour le budget 2010, mais le budget 2010... (Remarque.) Pour les comptes ! Oui, pour les comptes, excusez-moi, Monsieur Forte ! ...pour les comptes, mais strictement par rapport à 2010, parce que, comme M. Weiss, les radicaux sont pour une rigueur absolue dans la gestion des finances publiques. Pour les radicaux, l'objectif stratégique est la réduction de la dette, nous voterons donc ce projet de loi modifié - si la majorité le veut bien - par l'amendement de M. Forte.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais remercier notre président d'avoir tout à l'heure soumis une phrase à notre réflexion: «Le sommeil de la raison engendre des monstres.» Eh bien, au département des finances, la raison devait être profondément endormie le jour où ce projet de loi, le jour où ce monstre est né des travaux de ce département ! On n'a pas idée, Mesdames et Messieurs, de proposer un projet de loi conjoncturel pour parler de réserve conjoncturelle !

Alors, pourquoi un projet de loi conjoncturel ? Parce que c'est l'année où il ne faut pas faire de faux pas, c'est l'année des élections: s'embarquer dans un projet délicat qui obligerait à prendre des décisions difficiles, c'est évidemment inconcevable, et il est absolument nécessaire pour le département des finances, par conséquent, de trouver l'astuce qui permette d'éviter un débat de ce genre. Ça, c'est normal ! Ce qui est étonnant, c'est qu'il se trouve une majorité en commission pour accepter un tel tour de passe-passe. Pourquoi un tour de passe-passe, Mesdames et Messieurs ? Parce que le frein aux dépenses, si nous acceptons ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission, n'existera tout simplement plus ! On veut tuer le frein aux dépenses avec ce projet de loi, preuve en est qu'on supprime la phrase la plus emblématique de l'article 7, à savoir celle selon laquelle le budget de l'Etat doit être équilibré. Et on le fait au nom de quoi ? Au nom de cette poudre de perlimpinpin qu'est la réserve conjoncturelle, à savoir une simple écriture comptable avec laquelle on fait croire aux gens que l'on épargne de l'argent alors que l'on est immensément endetté. Cela n'a tout simplement aucun sens ! On fait croire cela aux gens, à savoir le peuple, alors qu'ils ont précisément voulu ce frein aux dépenses ! Ils l'ont voulu en votant le mécanisme - vous vous en souvenez - permettant de choisir entre le plan de redressement et la hausse des impôts. Ils ont voulu ce mécanisme, alors que la gauche s'y était opposée, et le peuple a voulu aussi, en acceptant l'initiative libérale anti-dette, avoir un mécanisme qui rende plus difficile l'adoption de budgets déficitaires.

Alors, moi je m'amuse à voir le parti qui nous récite «le peuple !» à toutes les occasions dans ce parlement être le premier à dire aujourd'hui que le peuple n'a pas raison, qu'il faut supprimer le frein à l'endettement, et de le faire en prenant le rapport de majorité.

Mesdames et Messieurs, c'est au pied du mur que l'on reconnaît le maçon: c'est ce soir qu'on verra quels sont les groupes parlementaires qui attachent de l'importance à l'équilibre budgétaire; c'est ce soir qu'on verra quels sont les groupes parlementaires qui sont rigoureux et quels sont ceux qui sont prêts - pour faciliter les choses au ministre des finances - à passer par-dessus bord les principes qu'ils ont suivis jusqu'à présent.

Alors, que faut-il faire pour être efficace ? Mesdames et Messieurs, tout à l'heure, M. Forte a présenté sa disposition transitoire, ce n'est pas la panacée puisqu'elle admet finalement le principe de l'utilisation de la réserve conjoncturelle, mais, malgré tout, elle limite l'usage de celle-ci à une année en le disant clairement plutôt qu'en faisant des promesses à ce sujet. L'amendement général à l'article 1 (souligné) - qui est donc l'amendement général à la LGAF - présente, aux yeux des libéraux, l'avantage de circonscrire l'incendie et de dire très clairement que, pour le reste, le principe du frein à l'endettement, le principe du budget équilibré, demeure, et c'est cela qui est important. C'est la raison pour laquelle - au-delà d'un certain nombre d'amendements que les libéraux présenteront notamment par la bouche du rapporteur de minorité - nous entrerons en matière, avec le seul et unique objectif d'accepter l'amendement permettant de limiter à une année les effets de l'utilisation de la réserve conjoncturelle. (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). M. Jeanneret l'a dit tout à l'heure, le déficit du budget représente la baisse d'impôts qui a été votée par le peuple dernièrement et par ce parlement. M. Jeannerat - presque son homonyme - a repris cet avis et a reconnu qu'il fallait peut-être donner un petit coup de main au gouvernement. Alors voilà une première faille dans les grandes déclarations, «Oui, il y a une baisse d'impôts, ça va ramener plein d'argent à notre canton !» Et puis là, déjà pour 2010, même M. Jornot - qui fait des grandes théories, qui assure qu'il faut de la grande rigueur - dit tout à coup: «Ah, mais pour 2010, on pourrait faire une petite exception»... Un peu de cohérence, Messieurs ! Si vous voulez aller au bout de votre raisonnement, allez-y ! Et puis, cognez un petit peu plus fort que ces grandes déclarations qui se ramollissent au fil des discours !

C'est vrai que ces réserves étaient auparavant des provisions - il n'y a pas grand monde qui l'a dit ici - et que, pour une raison technique, l'introduction des normes IPSAS - que tout ce parlement a voulue et soutenue - on s'est retrouvé avec des provisions qui sont devenues des réserves. Elles interviennent donc après le résultat et posent aujourd'hui un problème dans l'établissement de ce budget. C'est vrai que pas grand monde a vu venir cela. Nous, opposés à la baisse d'impôts, nous sourions peut-être un peu aujourd'hui, mais nous soutenons pleinement ce projet de loi, qui non seulement crée la possibilité d'utiliser une réserve conjoncturelle, mais incite aussi le gouvernement à réaliser des bénéfices en période de haute conjoncture, pour pouvoir les utiliser à bon escient le jour où ça va moins bien, le jour où l'on propose - certains en tout cas - des baisses d'impôts ou que les banques s'écroulent et qu'il y a une grosse crise financière nous mettant face à de gros problèmes. Certains se félicitent de cette situation pour pouvoir taper sur l'Etat encore un peu plus et affaiblir un peu cet «ogre» qu'est l'Etat de Genève; nous, nous sommes opposés à cette façon de voir les choses.

Tout à l'heure, on parlait de période transitoire en 2010 juste pour ce projet de loi. Nous, nous pensons que non, ce n'est pas juste pour 2010; il faut que le gouvernement soit incité, et le parlement avec, à faire des bénéfices en période de haute conjoncture pour constituer des provisions. Mais oui ! C'était Mme Calmy-Rey qui avait constitué de petites réserves - les petites noisettes que l'écureuil se met de côté - et je crois que même les grandes entreprises procèdent ainsi: elles réinvestissent souvent en période de crise. L'Etat aussi, le gouvernement l'a montré dernièrement. On a fait beaucoup de bénéfices, et on réinvestit en période de crise de façon à créer une situation anticonjoncturelle.

J'aimerais quand même dire à M. Weiss, qui s'oppose fortement aussi à ce projet de loi, qu'on a vu dernièrement de grandes banques nous annoncer qu'elles allaient reporter leurs pertes sur les bénéfices actuels, de façon à ne pas payer d'impôts. C'est légal, cela figure dans la loi, les entreprises peuvent le faire. Mais pourquoi l'Etat ne pourrait pas, lui, transférer ses bénéfices pour les années où ça va mal, de façon à équilibrer ses comptes et à ne pas devoir sabrer dans les prestations indispensables pour la population ? Et vis-à-vis de cela, eh bien, on peut féliciter M. Jeanneret d'avoir été clairvoyant et d'avoir été d'accord d'accepter ce projet de loi, parce que peut-être que, là, il a vraiment pensé à la population.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis surpris, j'ai l'impression que cette période électorale fait que la vérité est de plus en plus compliquée à établir dans cette république. On va d'abord se mettre d'accord sur ce que ne dit pas ce projet de loi: il ne parle pas du frein au déficit. Le dire est un mensonge, vous savez tous que le frein au déficit ou aux dépenses s'actionne au moment des comptes ! Et nous sommes sur une procédure budgétaire.

Aujourd'hui, il faut se rappeler ce qu'est une réserve conjoncturelle. Dire qu'elle n'a pas de matérialité est aussi un mensonge ! La réserve conjoncturelle, c'est comme lorsque vous achetez une maison qui vaut 100: vous empruntez pour 80, et il vous reste, à vous, 20 - c'est votre capital, c'est ce que vous possédez. Vous travaillez, vous payez différents frais, et vous mettez 10 de côté. Ces 10, vous pouvez soit les garder en liquide, soit abaisser votre dette à 70. C'est ça, la réserve conjoncturelle ! C'est cette partie-là, que vous avez en plus, que vous pouvez décider d'affecter pour une période de difficultés. Et quand vous aurez des difficultés, soit vous dépenserez cette somme si vous l'avez mise de côté en argent liquide, soit vous réemprunterez les 10 qui manquent pour revenir à la situation antérieure.

Ne pas accepter qu'on ait une réserve conjoncturelle à l'Etat de Genève, cela signifie que vous voulez, en période de vaches grasses, pousser l'administration, le Conseil d'Etat, à dépenser l'entier du budget. Et le budget est une autorisation de dépenses ! Lorsque la situation est favorable, mon groupe et moi trouvons qu'il est sain de savoir faire des économies à ce moment-là pour mettre de l'argent de côté - il ne sert à rien de «faire tourner les camions pour terminer de cramer le fuel», parce qu'autrement on n'en aura plus l'année prochaine ou pour totalement utiliser le budget ! Or c'est ce que vous proposez: le gaspillage des deniers publics. Nous, ce que nous voulons, c'est qu'aujourd'hui la réserve conjoncturelle soit utilisée et qu'elle serve ! Donc cette réserve conjoncturelle est constituée en période de vaches grasses pour que, lors de difficultés, nous ayons de quoi mener une politique anticyclique et pour qu'elle puisse servir à quelque chose. Nous vous recommandons d'adopter ce projet de loi. Merci ! (Applaudissements.)

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'en commission, quand nous avons commencé à discuter, il est apparu que ce sujet était technique et nous nous sommes achoppés sur le problème du fonds conjoncturel. S'agissant de ce dernier, je suppose qu'il y aura autant de définitions que de partis réunis dans ce parlement, c'est quelque chose qui reste, malgré les explications de mon collègue Bavarel, relativement flou. Cela veut dire finalement que demain, si nous avons besoin d'argent et que nous devons utiliser le fonds conjoncturel, nous allons devoir emprunter ! Si nous allons devoir emprunter, nous allons devoir payer des intérêts; et si nous devons payer des intérêts et emprunter, ça signifie que nous allons alourdir la dette !

Donc, ce fonds conjoncturel pose un problème. On le brandit - surtout à gauche - parce que c'est bien utile et on le lie curieusement à la baisse d'impôts que nous avons votée il y a quelques semaines. Or, je tiens quand même à dire à la gauche que ses explications sont de plus en plus curieuses. J'en veux pour preuve celles de Mme Salerno - responsable des finances à la Ville de Genève - qui a indiqué qu'avec la baisse d'impôts le budget de la Ville de Genève allait éclater. Mme Salerno a même pris position publiquement, elle n'a pas inclus la baisse d'impôts dans la première version de son budget. La baisse d'impôts a été votée, et le budget revisité qu'elle nous propose est malgré tout dans les chiffres noirs, alors qu'au départ il était dans les chiffres rouges. Allez comprendre quelque chose à l'explication que nous a donnée cette magistrate socialiste !

Comme je vous le disais au départ, les discussions ont été techniques. Actuellement, elles se révèlent franchement politiques, elles sont d'ordre totalement budgétaire. Il va être difficile d'émettre des réserves, voire de s'opposer au budget, si nous acceptons ce projet de loi tel qu'il nous est proposé, tout simplement parce que le budget aura 145 millions de plus qu'il ne pourra inclure, puisqu'ils seront intégrés avec la réserve conjoncturelle.

A l'heure actuelle, l'UDC n'est pas du tout chaud pour voter ce projet de loi; en revanche, il est décidé à soutenir l'amendement du PDC, en se disant que c'est «le moins pire» qu'on va pouvoir faire. Nous attendons encore certains amendements du parti libéral, qu'on va examiner, et, pour l'instant en tout cas, nous réservons notre réponse.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, quand j'entends le député Jornot, je dois dire que j'hésite entre savoir si les partis qui ont soutenu la baisse d'impôts sont plus incompétents ou plus malhonnêtes... (Commentaires.) ...parce que, Mesdames et Messieurs les députés, le frein à l'endettement n'a pas été voté en même temps que la baisse d'impôts ! Et jusqu'à preuve du contraire, tant en commission fiscale que devant ce Grand Conseil, l'Entente n'a jamais fait état d'une éventuelle conséquence budgétaire de cette baisse d'impôts: tout allait très bien, Madame la Marquise, les recettes fiscales allaient exploser, et, bien entendu, l'Etat allait pouvoir maintenir son train de vie ! Evidemment, quand on veut vendre un projet de loi, on invente toute sorte d'arguments absolument pas fondés pour faire croire que la mariée est si jolie ! (Commentaires.) Alors, M. Hiler a, bien entendu, aussi soutenu cette baisse d'impôts; les Verts l'ont bien entendu aussi soutenue; et le MCG l'a aussi soutenue ! Lui qui se plaint ensuite de ce qu'on n'engage pas des Genevois et de ce qu'il y a beaucoup de chômage pour ces derniers, il soutient les baisses d'impôts ! Mais, résultat des courses, il y a aujourd'hui des partis responsables qui se rendent bien compte qu'à l'époque il aurait déjà fallu se poser la question de savoir ce qui allait se passer après cette baisse d'impôts. Mesdames et Messieurs les députés, on savait très bien qu'il allait arriver ce qui se produit aujourd'hui avec le budget 2010... Eh oui ! Cela se sait très bien, c'est connu, et c'est pour ça que nous avons demandé plus de temps pour ce projet de loi. Et vous n'avez pas accepté, parce que vous avez voulu faire du forcing avant les élections ! Alors, cette baisse d'impôts irresponsable, que vous avez acceptée, encouragée en utilisant des arguments partiels et fallacieux, a comme conséquence de causer ce déficit actuel que, bien entendu, M. Hiler espérait pouvoir faire passer en utilisant la fameuse réserve conjoncturelle, mais nous ne nous étions pas prononcés sur ce sujet !

Mesdames et Messieurs les députés, il faut être cohérent ! Nous socialistes étions contre cette baisse d'impôts, car, pour nous, le fait d'avoir accumulé des réserves représente surtout des prestations qui n'ont pas été données aux Genevoises et aux Genevois: ce sont des enseignants qui n'ont pas été engagés, ce sont des écoles dont les classes ont trop d'élèves et ce sont des prestations sociales qui ont été coupées ! La réserve conjoncturelle doit revenir aux Genevois ! Si l'on décide de baisser les impôts, à un certain moment il faut utiliser les réserves qui ont été créées, c'est bien la moindre des choses ! Sur le fond, la politique suicidaire des libéraux et de la droite - politique consistant à baisser les impôts pour pouvoir démanteler l'Etat - est inacceptable ! Nous vous invitons donc à soutenir la position du rapport de majorité.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je ne serai pas longue, car beaucoup de choses viennent d'être relevées. Or il y a un élément qui n'a pas été apporté jusqu'à maintenant, c'est la référence à l'introduction des normes IPSAS. Il est exact qu'il y aura, indépendamment du budget, toute une série de chamboulements devant être introduits dans les comptes de l'Etat et dans ceux des services, vu les nouvelles définitions des investissements et du fonctionnement, ainsi que des éléments tenus d'y figurer. La possibilité d'utiliser la réserve conjoncturelle pour pallier ou permettre une période de transition est importante, elle fait aussi partie du budget et doit être pensée dans ce sens-là.

C'est vrai qu'en tant que socialiste je pourrais être juste curieuse et observer comment se terminera le match entre tous ceux qui voulaient la baisse d'impôts. Soit il y a la possibilité d'une position dure, comme celle du parti libéral qui dit: «Moins il y a d'Etat, mieux c'est ! Introduisons donc tout de suite des coupes de prestations ou, en tout cas, un Etat rationalisé, et pas dans une année ou deux. Ne prévoyons pas de période de transition, allons-y !». Soit il y a la position d'autres partis, qui ont lourdement voulu cette baisse d'impôts et qui, maintenant, se disent tout d'un coup: «C'est vrai qu'on vient d'être élus et de promettre plein de choses, ce n'est pas facile de couper dans les prestations.» Parce que ça signifie ceci: si l'on n'accepte pas d'activer cette réserve, on va devoir choisir ! Et j'aimerais bien qu'on puisse refaire un tour de parole, afin de savoir qui coupe quoi pour arriver à 145 millions ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je donnerai la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat en dernier, donc je passe la parole à M. Forte.

M. Fabiano Forte (PDC). On a parlé de la baisse d'impôts. Certes, ce parlement a accepté une baisse d'impôts, mais j'aimerais rappeler au groupe socialiste qu'elle a été votée par le peuple. A plus de 70% ! Je vous demanderai donc tout simplement de respecter celles et ceux qui ont décidé pour eux une baisse d'impôts.

Pour notre collègue le rapporteur de minorité - et je reviens à mon amendement général - je relève que le groupe démocrate-chrétien propose d'intégrer dans les dispositions transitoires un article nouveau qui ne change rien à la loi actuelle. Nous rejetons complètement le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat et proposons un nouvel amendement qui n'enlève rien à la loi actuelle, qui n'enlève rien au frein au déficit, puisque nous ne modifions en rien l'article 7, alinéa 3, qui prévoit que, lorsque l'exercice est déficitaire, le gouvernement doit présenter au parlement les mesures nécessaires pour revenir à l'équilibre. Nous ne changeons en rien la rigueur budgétaire, nous disons que nous voulons limiter l'exercice proposé par le gouvernement à l'année 2010, et pas plus loin, puisque M. le ministre des finances nous a annoncé une refonte de la LGAF. Pour celles et ceux qui nous écoutent, la LGAF, c'est la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. Donc, vos craintes sont, je puis dire, dissipées, puisque nous ne changeons en rien le frein au déficit.

Il a été dit ici et là qu'il fallait accepter ce projet de loi. Mesdames et Messieurs, si ce parlement accepte ce projet de loi tel qu'il est présenté par le gouvernement, nous donnons un blanc-seing à ce dernier et allons à l'encontre de la volonté populaire qui a souhaité le frein au déficit ! Puisque le frein au déficit a été voté par le peuple, si nous adoptons ce projet de loi tel qu'il est, nous allons à l'encontre de la volonté populaire ! C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter l'amendement déposé par le groupe démocrate-chrétien, qui respecte la volonté populaire et qui fera que ce gouvernement viendra, dans moins d'un an, avec des propositions concrètes d'économies pour rendre cet Etat efficace - il l'est déjà - mais encore plus efficace et encore plus efficient.

M. Ivan Slatkine (L). Les lois sont faites pour être respectées, le gouvernement doit montrer l'exemple. Et l'on doit dire qu'aujourd'hui, avec le budget 2010, on peut être étonné puisqu'il vient déposer un projet de budget illégal. Pour sortir de cette situation, qu'est-ce qu'il fait ? Il vient modifier la loi. Il y a quelque chose d'étonnant: il vient modifier la loi, il vient contrer la volonté populaire, volonté populaire qui s'est exprimée pour un frein aux dépenses et pour une baisse d'impôts ! Aujourd'hui, la mission du gouvernement consiste à rentrer dans le cadre de la loi, et il se doit de nous présenter un budget légal. S'il n'y arrive pas, il doit mettre en place des mécanismes, de telle sorte qu'il démontre à cette assemblée qu'il se dirige vers la légalité.

Quand M. Bavarel nous dit que le frein aux dépenses s'applique aux comptes, c'est tout à fait exact. Mais alors, quel est le sens du budget, Monsieur Bavarel ? Le budget, c'est l'acte parlementaire qui, par définition, va nous orienter pour savoir quels seront les comptes. En vous entendant, on prend bien conscience - et on l'a vécu ces quatre dernières années grâce à une conjoncture économique exceptionnelle - que, finalement, le budget c'est plus une grande discussion où l'on minimise les rentrées et maximise les dépenses. Depuis quatre ans, on a pu constater que les résultats dépassaient en centaines de millions les budgets qu'on avait discutés ici. Nous, les libéraux, ce qu'on demande, c'est le respect de la loi. On demande que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités, vienne avec une proposition de budget qui respecte la loi, et puis, si tel n'est pas le cas, qu'il nous dise quelles mesures il compte entreprendre pour revenir dans le cadre de la légalité. C'est aussi simple que cela ! Et venir aujourd'hui avec un projet pour modifier la loi de façon à rendre son budget légal, c'est quelque peu étonnant.

Monsieur Bavarel, vous savez très bien que la réserve conjoncturelle, ce n'est strictement rien. Ce n'est pas une tirelire dans laquelle on a mis de l'argent, c'est simplement des bénéfices qu'on a affectés à ce qu'on appelle «réserve conjoncturelle», mais ce sont des fonds propres. Et l'on sait très bien aussi que le budget équilibré grâce à la réserve conjoncturelle ne va pas empêcher la dette d'augmenter. La réalité, elle est là ! Cette réserve conjoncturelle n'existe pas, et le plus amusant c'est qu'à la commission de contrôle de gestion, quand nous avions discuté de l'introduction des normes IPSAS, c'est le département des finances qui était venu avec un amendement pour supprimer la réserve conjoncturelle ! Et c'est une majorité des députés qui a décidé de la garder avec une petite modification, mais le gouvernement, l'administration, nous avait conseillé de la supprimer ! Et aujourd'hui, on utilise cet artifice pour contourner la volonté populaire ! Mesdames et Messieurs, comprenez que nous ne pouvons que soutenir le rapport de minorité ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. M. Deneys et... (Remarque.) Monsieur Forte... Non, c'est M. Deneys d'abord, vous avez déjà parlé trois fois, Monsieur Forte. (Rire. Brouhaha.)

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président, peut-être que je vais le faire parler une quatrième fois... Monsieur Forte, est-ce que vous pourriez être honnête, une fois, politiquement, dans votre vie de démocrate-chrétien ? (Commentaires. Exclamations. Le président agite la cloche.) Monsieur Forte, je vous pose la question... Avez-vous, lors de la campagne sur la baisse d'impôts, une fois, au PDC, annoncé que peut-être des prestations seraient supprimées ou que des coupes seraient faites dans le social ou ailleurs ? (Brouhaha.) Avez-vous annoncé - ne serait-ce qu'une fois ! - que c'était une conséquence éventuelle de cette baisse d'impôts ? Je ne m'en souviens pas, je vous laisse y répondre tout à l'heure.

Le président. Monsieur Deneys, adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. Tout à fait, Monsieur le président. Alors, comme vous êtes aussi démocrate-chrétien, je peux aussi vous poser la question... (Rires.) La question, c'est exactement ça, Monsieur le président: j'aimerais bien savoir quand, dans ce parlement, un jour, on a dit que cette baisse d'impôts serait peut-être accompagnée de baisses de prestations.

Aujourd'hui, si l'on veut respecter le message qui était sous-entendu de votre côté, Mesdames et Messieurs les députés de la droite et du MCG, si l'on veut respecter ce qui était sous-entendu au moment de cette baisse d'impôts, il faut simplement affecter la réserve conjoncturelle au déficit ! Il s'agit simplement là du respect, justement, de la volonté populaire.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il faut arrêter de nous raconter n'importe quoi, il faut arrêter de démanteler l'Etat ! Quand on est irresponsable en votant une baisse d'impôts dont on connaît les conséquences, on change aussi les lois, Monsieur Slatkine ! Et c'est pour cela que changer les lois fait partie du travail d'un parlement: pour s'adapter à la réalité ! (Commentaires.)

M. Fabiano Forte (PDC). Merci, Monsieur le président. Effectivement, j'ai parlé trois fois, mais dans «parlement», il y a «parlamentare», il y a «parlementer» et il y a «parler». Quant à M. Deneys, dois-je lui répondre ? (Un instant s'écoule.)

Une voix. Non !

M. Fabiano Forte. «Non» ! Je ne vous répondrai pas. (Rire.) Le peuple a tranché, le peuple a décidé, le peuple a lu la documentation qu'il a reçue, et le peuple, en bonne intelligence, a voté ! Maintenant, si vous prenez les gens pour des imbéciles, c'est votre problème, moi je retiens que le peuple est intelligent.

J'aimerais juste apporter des précisions par rapport aux amendements, puisqu'il y a visiblement de la confusion. Il y a eu un premier amendement assez long qui a été déposé par mon collègue Barazzone et moi-même, c'est celui-ci qui est retiré - je le dis à l'attention de mes collègues députés - et qui est remplacé par un amendement tenant en deux lignes à l'article 72, alinéa 6 (nouveau). C'est sur cet amendement que je demande qu'on puisse voter. C'était simplement pour clarifier la situation. Merci, Monsieur le président !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vois qu'à la tribune Mme Bartl, M. Zaugg et M. Stalder, anciens députés, nous ont rejoints. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. La parole est maintenant aux... (Remarque.) Non, M. Stauffer ayant demandé la parole, je la lui donne avant de la passer aux rapporteurs.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme vous le voyez, c'est la première fois que je prends la parole. Et pas la troisième, comme quoi tout arrive dans ce parlement ! Je voulais simplement dire, et vous transmettrez à notre collègue Fabiano Forte, que ce n'est pas prendre le peuple pour des imbéciles. En revanche, ce qu'il fait, c'est prendre les citoyens pour ce qu'ils ne sont pas - et je ne me permettrai pas d'en prononcer le terme.

Nous avons été en faveur de la baisse des impôts, mais évidemment à la condition d'accepter le budget, parce qu'il y avait les réserves conjoncturelles. Et là, pour une fois, je rejoins - et je le redis: vous voyez, comme quoi tout arrive finalement dans ce parlement ! - donc, je rejoins mon collègue Roger Deneys. Parce que c'est une cohérence dans la politique que nous avons voulue, et c'est le respect de la volonté populaire. Donc tout va bien ! Il faut accepter ce budget et refuser l'amendement PDC. La population et les citoyens ne pourront que vous en remercier, car, somme toute, nous avons baissé les impôts pour cette classe moyenne qui a beaucoup trop payé.

Mesdames - ou Madame, car il ne vous en reste plus qu'une - et Messieurs du PDC, laissez-moi juste vous dire que lorsque vous prenez - vous ! - les citoyens pour ce qu'ils ne sont pas, c'est quand vous vous opposez dans ce parlement à une augmentation de 20 F des allocations familiales ! En effet, votre fonds de commerce, c'est les familles, et vous les avez trahies par deux fois il y a quelques mois de cela ! J'ai terminé, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous pouvons enfin passer la parole aux rapporteurs: je la donne au rapporteur de minorité, M. Weiss.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord - en défense du groupe démocrate-chrétien et en remerciement au président de ce parti - dire, au contraire, combien il a bien fait de rappeler que la baisse des impôts a été plébiscitée par le peuple. Elle a été plébiscitée par le peuple parce que lui savait très bien ce qu'il faisait, comme ceux qui, ici, l'ont voulue ! Et certains s'en sont déjà mordu les doigts, ils s'en mordront peut-être encore plus les doigts dimanche prochain.

Je suis désolé - et à la fois... enfin, un petit peu moins que j'aurais pu l'être - de voir que notre ministre des finances, cette fois-ci, propose un texte qui a pour but, au fond, de ne pas respecter la législation. En 2006, on avait inventé le quatrième débat pour l'acceptation du budget, vous vous en rappelez certainement. Au moins, cette fois-ci, au lieu de faire, après l'acceptation du budget, un petit truc, on fait un gros truc avant l'acceptation du budget ! C'est un progrès, et, de ce point de vue là, j'en sais gré au Conseil d'Etat dans son ensemble, mais vous comprenez bien que mon compliment est un peu jaune... Il est un peu jaune parce que je regrette qu'il n'y ait pas d'avantage de respect des lois ! En revanche, je ne suis pas du tout étonné par l'incohérence du MCG ! Le MCG qui ne respecte pas la volonté populaire, qui nous montre que, ce soir, sa place est bien à gauche - comme certains l'auraient souhaité dans ce parlement. Elle est bien à gauche, et l'allié naturel du MCG c'est effectivement M. Deneys et ses collègues. Après tout, à chacun les alliés que l'on préfère ! (Brouhaha.)

D'ailleurs, M. Charbonnier lui-même fait preuve de peu de cohérence lorsqu'il nous dit qu'il y a un rapport entre la baisse des impôts et le problème posé par ce projet de loi. Ce dernier pose un problème non pas à hauteur du déficit - qui est d'environ 330 millions, soit le montant de la baisse des impôts pour l'an prochain - mais à hauteur de 110 millions ! C'est très différent, ce n'est pas la même chose ! Je crois que M. Charbonnier a mal suivi, de ce point de vue-là, les discussions en commission.

A M. Bavarel je dirai que l'exposé des motifs du projet de loi déposé le 2 septembre indique très clairement: «Tant que la réserve conjoncturelle est disponible, les mécanismes de retour à l'équilibre...» - c'est-à-dire ce que veut le frein aux dépenses et au déficit - «...prévus par la suite de l'article 7 n'ont pas à être enclenchés.» On se rend donc bien compte du trucage du premier exposé des motifs ! Et, d'ailleurs, on s'en rend tellement compte que le conseiller d'Etat l'a reconnu, il a dit que cet exposé des motifs et le projet de loi qui l'accompagnait, c'était un méli-mélo, pour ne pas dire que c'était de la mélasse ! Et puis, je suis un peu amusé lorsque je l'entends dire que l'absence de réserve conjoncturelle, si elle était imposée ce soir, signifierait en réalité une incitation à augmenter les dépenses, notamment en fin d'année, lorsqu'il existe des crédits. Croyez-vous une seconde, Monsieur Bavarel - Monsieur le président, à l'intention de M. Bavarel - qu'il y ait à l'Etat des fonctionnaires et des chefs de département qui soient à ce point peu responsables des deniers publics pour augmenter volontairement les dépenses parce qu'il n'y aurait pas de réserve conjoncturelle ? Moi je ne le crois pas, je crois justement à d'avantage de rigueur, je crois à la nécessité d'éviter des oreillers de paresse, et la réserve conjoncturelle, dans son caractère fictif, en est un.

Et puis j'aimerais quand même dire une chose, cette fois-ci à l'égard de ceux qui habitent en Ville de Genève. On a cité tout à l'heure Mme Salerna, et citant Mme Salern... (Commentaires. Brouhaha.) Pardon, Salerno ! Et citant Mme Salerno, on a dit combien elle présentait maintenant un budget qui ne serait plus déficitaire. Et tout à coup disparaît de son discours le fait que la baisse des impôts pourrait entraîner une baisse des prestations. Non ! Il y a eu l'acceptation de la LIPP, de 300 millions qui entrent dans les poches ou, plus exactement, qui ne quittent plus les poches des contribuables; il y a la Ville de Genève qui se permet tout à coup de faire un budget bénéficiaire, et puis il y a Mme Salern... ...no qui nous dit que, de toute façon, la LIPP nouvelle n'a aucune incidence sur les prestations fournies par la Ville à tous ceux qui en ont besoin. Alors, vous voyez l'incohérence ! L'incohérence, elle est au MCG; l'incohérence, elle est dans l'administration à majorité de gauche de la Ville de Genève; l'incohérence, elle est dans la majorité de gauche du Conseil d'Etat qui nous propose de ne pas respecter la loi, qui nous propose d'avoir un budget excessivement déficitaire alors qu'il serait facile de trouver 1,5%... (Exclamations. Huées) ...oui, 1,5% de réduction des dépenses - 110 millions, c'est presque la marge d'erreur ! On voit qu'aujourd'hui la volonté politique manque pour cet effort ! C'est ce que les libéraux voudraient, c'est ce que, je crois, ils réussiront à obtenir, notamment grâce à l'amendement PDC pour lequel il est nécessaire d'entrer non seulement en matière, mais qu'il est nécessaire d'accepter comme condition faisant partie de la réflexion sur ce projet de loi, mais peut-être pas comme condition suffisante pour que les libéraux s'y rallient ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est au rapporteur de majorité, M. Jeanneret.

M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur de majorité. Eh bien, je félicite mon collègue Weiss pour son excellent numéro. Je dois dire que j'étais content qu'il allège, j'avais peur qu'on doive appeler l'ambulance pour une attaque d'apoplexie...

M. Pierre Weiss. Monsieur le président, je n'ai pas fait d'attaque personnelle contre le rapporteur de majorité ! Il commence tout de suite ! (Exclamations. Rire de M. Jeanneret.)

M. Claude Jeanneret. Mais il y en aura d'autres, mon cher !

Le président. On laisse M. Jeanneret s'exprimer, on verra après, on a pris note.

M. Pierre Weiss. On verra après, aux voix ! Aux voix !

M. Claude Jeanneret. C'est cela même, surtout aux voix.

M. Pierre Weiss. C'est vous qui serez dans la minorité !

M. Claude Jeanneret. Mais mon cher, et alors ? (Exclamations.) Ce n'est pas vous qui votez. (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît, on revient au coeur du sujet ! (Exclamations.) Monsieur Jeanneret, s'il vous plaît...

M. Claude Jeanneret. On va revenir aux choses sérieuses, parce que ce petit monsieur ne sait pas parler. On va simplement expliquer une chose - et il ne faut pas dire que le MCG n'est pas respectueux de la volonté populaire: premièrement, le MCG a respecté la votation populaire concernant la diminution d'impôts; deuxièmement, le MCG respecte la volonté populaire de ne pas aller à l'endettement massif que l'Etat a connu. Et quand M. Jornot vient nous parler de non-respect de la loi et qu'il est membre d'un des partis qui a contribué à conduire Genève à un endettement de 13 milliards, alors là, il me fait sourire ! Parce que quand on a causé des énormités de ce genre et qu'on ose venir, maintenant, critiquer la manière actuelle de gérer - alors que le gouvernement de la dernière législature a diminué de plus de 1,5 milliard l'endettement de la république - je crois que, là, il y a des leçons à prendre et qui ne sont pas à donner ! Maintenant, je comprends que, quand on juge le maçon au pied du mur et pas en haut, on puisse se tromper, Monsieur Jornot.

Pour en revenir à notre histoire, ce n'est pas du tout le manque de rigueur qui fait que le MCG accepte ce budget. Le budget est une autorisation d'action. Bien ! Il est légèrement déficitaire, d'accord ! Ce qui n'est pas prouvé jusqu'au bout. La réserve n'est pas là pour couvrir un budget, mais un résultat ! Le budget, c'est une autorisation d'action.

S'agissant de l'amendement de nos collègues PDC, comme à l'accoutumée, ils sont quand même les champions des motions et des amendements qui ne servent à rien. De toute façon, nous avons dans la loi quelque chose qui protège le peuple du surendettement: dans le cas - dans le cas ! - où les comptes de l'Etat seraient déficitaires pendant deux exercices, le Conseil d'Etat devrait alors proposer des mesures - d'accord ? Donc on ne peut pas dépasser deux ans, d'une part, et, d'autre part, on ne peut pas dépasser le montant de la réserve conjoncturelle. Je suis d'accord que la réserve conjoncturelle est quelque chose de fictif, mais c'est une limite qui est fixée ! Et lorsqu'on fixe des limites, on n'arrive pas à 13 milliards ! Alors, si tous les donneurs de leçons d'aujourd'hui avaient mis les 700 000 F de réserve conjoncturelle il y a quinze ans, on ne serait pas à 13 milliards de dettes aujourd'hui. Il faut donc quand même appréhender les choses telles qu'elles sont !

Nous avons maintenant des dispositions qui permettent de maîtriser les conséquences des concours de circonstances - il y a les impôts mais pas seulement, il y a aussi la conjoncture - qui font qu'un budget peut être déficitaire une année; on a une réserve conjoncturelle pour cela, on a une limitation à deux ans de déficit. Nous sommes là pour protéger les intérêts du peuple, nous respectons la volonté populaire, nous respectons le fait que nous ne devons pas endetter l'Etat d'une manière catastrophique. On a limité cet endettement à 700 millions de réserve conjoncturelle que l'on n'a pas empêchée et que l'on n'a pas refusée au niveau du parlement, mon cher collègue ! Nous avons accepté ces limites, alors jouons dans le cadre de celles-ci, soyons honnêtes, une fois, et pas toujours tricheurs en cherchant des petites lois ou en faisant des amendements - passez-moi le terme, mon cher - ridicules et qui ne servent à rien du tout. Et puis, de toute façon, nous sommes protégés par la loi. Donc, je reviens à une chose: le MCG maintient sa proposition d'accepter le PL 10536 tel qu'il est. Merci, je ne suis pas à l'apoplexie... (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité, la parole est à M. le conseiller d'Etat Hiler.

M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Merci, merci, c'était... intéressant ! (Rires.) Alors, commençons peut-être par remettre quelques faits en place. Vous avez souhaité, Mesdames et Messieurs, que nos comptes soient présentés aux normes IPSAS, c'est le cas depuis 2008. Ceci, ce sont nos états financiers 2008, ils comportent un bilan indiquant clairement que nous avons 2,6 milliards de fonds propres, dont 744 millions sont alloués à la réserve conjoncturelle que vous avez créée par vos votes successifs. Bon, maintenant, vous ne reconnaissez pas vos enfants, ce que vous avez créé vous-mêmes, vous dites que ça n'existe pas. Mais non ! Qu'est-ce que veut dire cet état financier ? Cela signifie effectivement que si l'on ajoute ce que nous possédons, et notamment nos immeubles, quoiqu'estimés à des valeurs extrêmement conservatrices, puisque n'étant pas des immeubles de rapport mais des immeubles destinés à la délivrance de prestations publiques - dans les normes IPSAS, on différencie la valorisation de ces deux types d'immeubles - nous avons un patrimoine... Nous avons plus de fortune que de dettes, voilà ce que ça veut dire. Cela ne signifie pas que j'en sois satisfait, parce que notre patrimoine immobilier reste avec une «hypothèque» trop grande - pour que chacun comprenne.

Mais ce qui semble être reproché, c'est qu'au fond on ne peut pas identifier cette réserve conjoncturelle, on ne peut pas la regarder. Mais alors, là, je vous résous ce problème: envoyez une motion, c'est extrêmement bête - mais ça ne sera pas la première motion bête - et je vous résous le problème ! On peut parfaitement, en ayant un bilan qui aura le même total et qui montrera la même fortune, mettre dans un compte 744 millions. Mais j'ai mieux à vous proposer, Monsieur Weiss: on peut acheter des lingots - des lingots... - et on peut même les exposer pour que vous vous convainquiez qu'ils existent ! (Remarque de M. Pierre Weiss.) Mais j'ai encore mieux, pour vous et le doyen, parce que je vous imagine assez là-dedans: on pourrait faire... Vous vous rappelez Oncle Picsou, quand on était jeunes ? (Brouhaha.) Eh bien, Oncle Picsou avait un immense coffre et se baignait dans les pièces d'or ! (Commentaires.) Et je vous vois, vous et le doyen de notre assemblée, vous baigner... (Rires. Rire de l'orateur.) ...dans les Vrenelis ! Ceci me réjouit ! Vraiment, me réjouit ! Et je trouve que ce débat, juste pour m'avoir fait monter cette idée, valait la peine d'être entendu.

Donc, la réserve conjoncturelle, Mesdames et Messieurs, elle existe, et Monsieur l'a dit très correctement: elle indique ce que nous sommes prêts à sacrifier de nos fonds propres pour les périodes de crise. En effet, c'est cela que nous ne pouvons pas maintenir: le niveau des recettes quand nous sommes en période de crise.

Le Conseil d'Etat l'a dit et redit: on ne peut améliorer la situation de la dette qu'en période de haute conjoncture; au moment où tout le monde vous pousse à la dépense, il faut garder une certaine modération. C'est ce que nous avons fait: c'est, encore au 30 octobre, 2 milliards de dettes de moins qu'il n'y en avait - une dette qui, d'ailleurs, monte moins, puisqu'elle remonte toujours, que ce qui avait été annoncé sur le deuxième semestre. Et donc, c'est bien ce qui a été indiqué au peuple par votre serviteur à plusieurs reprises: il y aura des déficits ou, plutôt, un déficit - ça c'est plus probable - mais il peut être couvert par une réserve conjoncturelle, de sorte qu'il n'est pas la peine de reporter la baisse d'impôts en 2012. Pourquoi ? Parce qu'elle peut être utilisée comme moyen de politique conjoncturelle. Ce n'est pas nous qui fixons les taux d'intérêts, c'est la Confédération qui s'occupe de ça, nous, ce que nous pouvons faire, c'est des investissements et remettre du pouvoir d'achat en circulation.

Si vous refusez d'entrer dans la démarche de ce projet de loi, ça signifie que vous revenez en arrière par rapport à tout ce que vous avez voté en termes de politique anticyclique: la Fondation d'aide aux entreprises, l'augmentation du budget, les dépassements de crédits demandés pour soutenir le bâtiment dans le domaine des économies d'énergies, mais aussi, simplement, des rénovations. Or, si l'argent a été non dépensé avant que la crise vienne, on est dans le cas d'une fourmi et non d'une cigale - n'est-ce pas ? - et on peut donc utiliser la réserve pour passer.

Alors, où est le problème ? C'est là où je pense qu'il faut faire attention, et c'est pour ça que les dispositifs de base ne sont pas touchés: c'est fait pour une mauvaise conjoncture, pas pour une bonne. Ça ne peut donc pas être un moyen d'aller jusqu'en 2015 avec des déficits au motif qu'on aurait 744 millions, c'est fait pour la conjoncture.

Ceci étant dit, on n'a pas touché aux mécanismes de frein à l'endettement, de frein au déficit - ça, je le dis clairement. Ceci consiste simplement à dire qu'au bout d'un certain nombre d'exercices comptables déficitaires - pour le moment, on est à zéro, à la fin 2009, on sera toujours à zéro - deux exactement, il faut aller devant le peuple. En tout cas, le Conseil d'Etat propose, et le parlement voit, en fonction de l'année suivante, s'il va le faire ou pas.

Je rappelle que la loi telle qu'elle existait portait sur quatre ans, je vous rappelle aussi que c'est moi qui ai proposé deux ans comme contreprojet indirect à l'initiative anti-dette; cela, ça reste ! Et effectivement, vous avez raison, il y a eu une erreur dans l'exposé des motifs - pas dans la loi - qui a fait qu'à votre demande - à votre demande, Monsieur Weiss ! - j'ai redéposé quelque chose tout en vous disant qu'à la fin il faudrait voter le premier pour des questions de délais. La loi, par contre, je l'ai modifiée en fonction de la discussion que nous avons eue à la commission des finances, preuve en est que ça a été voté à l'unanimité moins votre voix, Monsieur Weiss. Vous avez convaincu, parce que c'est les élections, un certain nombre de gens, mais enfin...

L'enjeu de ce débat, Monsieur Weiss, est clair, et je crois que tous les gens vont le comprendre: on peut être dans une politique de mieux d'Etat, de bonne gestion. Et comme on sait que les dépenses de l'Etat sont plutôt stables, avec une légère pente ascendante, et, de l'autre côté, que les recettes, dans le monde où nous vivons, montent et descendent au vu de ce qui s'y passe - pas de ce qui se passe en Suisse - eh bien, il faut essayer d'éviter ces à-coups parce que nous avons des projets qu'on ne peut pas reporter. Oui, évidemment, on peut continuer à construire Curabilis, la prison, et ne pas la remplir; on peut ne pas engager de nouveaux effectifs policiers, on peut remettre en question tout le projet Justice 2011; on peut laisser des EMS vides, maintenant qu'on les a construits, en n'engageant pas le personnel... Jusque-là, ça va, je reconnais la politique du moins d'Etat - elle se situe ici - et je comprends ceux qui la défendent. J'aimerais, de temps en temps, qu'ils nous expliquent comment c'est concrètement le moins d'Etat, mais je pense qu'ils n'ont pas envie de le faire parce que ce n'est pas très attrayant pour la population, et surtout pas maintenant, à quelques jours des élections. Mais de toute façon, ça signifie ce que vous voulez: couper des prestations.

Une majorité de ce parlement dit autre chose, elle dit qu'effectivement - et c'est ce que vous avez fait en adoptant tout ce qui a été proposé par le Conseil d'Etat - on a les moyens d'une politique anticyclique, parce qu'on a fait attention quand on avait une bulle économique avec des résultats invraisemblables qui ne pouvaient pas durer - c'est les 786 millions de 2007.

Alors, c'est vrai - vous avez noté un progrès - la dernière fois, j'ai proposé aussi un budget illégal avant de le corriger avec des recettes fiscales. Vous vous rappelez ? C'était le budget 2007, soit les comptes à 786 millions de résultat. Oui, il est vrai que la manière dont nous faisons les choses implique qu'à partir du moment où il a été décidé que - et ce n'est pas moi qui l'ai décidé - dans les comptes, on aurait des estimations de l'impôt, on est forcé de les faire de façon conservatrice, extrêmement prudente. Et l'impact inévitable de cela, c'est que les années suivantes, on a des correctifs sur les exercices antérieurs, qui font que les comptes ne ressemblent pas au budget. On peut changer tout le système: vous allez voir les communes venir avec des fourches, parce qu'elles seront concernées. En effet, cela revient à perde une partie d'une année de taxation. Ce système est en place, ce n'est pas la réforme la plus urgente, mais on doit considérer que cela existe - et en 2009, on est déjà à 310 millions de correctifs sur les exercices antérieurs. Comme la méthode d'évaluation ne sera changée que pour 2009, des correctifs continueront à tomber, on n'est donc même pas sûr qu'il y ait un déficit, et je ne suis même pas sûr que si déficit il doit y avoir, ça ne soit pas plutôt en 2011, pour diverses raisons avec lesquelles je ne vais pas vous embêter.

Je rappelle d'autre part - et je veux rassurer tout le monde - que, de toute façon, il y avait un autre moyen que de passer par vous pour résoudre ce problème. En effet, où est le dernier problème, soulevé par personne ? C'est qu'à l'époque de l'adoption de la loi qui dit que le budget ne peut pas avoir un déficit plus grand que les amortissements plus les variations de provisions, la situation était différente qu'avec IPSAS. Pourquoi ? Parce que IPSAS a introduit un certain nombre d'écritures comptables non monétaires, dont 98 millions de subventions non monétaires à l'Hôpital et à l'Université pour les aider à payer un loyer; celui-ci est effectivement comptabilisé mais au compte d'investissement. Cela signifie que l'effort supplémentaire demandé - pour du sable, alors là c'est du sable, c'est des écritures comptables - est de 98 millions au compte de fonctionnement. Cette loi - qui est d'ailleurs une loi du département des finances de l'époque, qui n'est pas une loi liée aux projets adoptés par le peuple - est donc clairement désuète.

Alors, on peut renoncer à l'allocation financement, ça va aussi, cela relève des dérogations aux normes IPSAS, ça ne pose aucun problème; mais c'est bien ce que j'ai voulu éviter. Les choses sont à présent clairement sur la table. Première étape: vous décidez si vous voulez utiliser cette réserve conjoncturelle ou pas. Si vous dites que vous voulez l'utiliser uniquement pour 2010, c'est bizarre, c'est pour cela - et je m'en expliquerai après - que je ne suis pas favorable à l'amendement proposé par les démocrates-chrétiens. Deuxième question qui vous sera posée dans la révision totale: comment vous situez-vous par rapport à une réserve conjoncturelle et les deux années tolérées ? Est-ce qu'on évalue le compte après épuisement de la réserve ou avant ? Pour le moment, on n'a rien touché à cela parce que c'est un débat profond qui exige des dizaines d'heures de séance. Mais aujourd'hui vous choisissez, philosophiquement et politiquement, entre la capacité d'avoir un Etat stable - ce qui veut dire qu'on économise pendant les périodes de haute conjoncture pour avoir du mou quand l'économie va moins bien et que ses bénéfices baissent, et donc que l'on a moins de recettes fiscales - et la perspective de le condamner à des ennuis permanents et incessants parce que vous ne prenez pas en compte le fait que les dépenses de l'Etat sont stables alors que les recettes fiscales se modifient par essence de 500 à 600 millions en fonction de la conjoncture.

Pour terminer, le Conseil d'Etat vous invite à adopter ce projet de loi. Il estime effectivement que l'effort a été fourni et qu'il faut maintenant pouvoir se servir de la cassette. Pour l'heure, nous n'avons aucun exercice déficitaire, 2009 ne sera pas déficitaire bien que ce soit la pire année depuis 1975, et, en conséquence, il nous faut aujourd'hui prendre une décision qui permette de travailler. Je vous invite donc à accepter le projet du Conseil d'Etat tel qu'il est. Et, après l'intervention de M. Forte sur l'amendement général, je vous expliquerai quand même pourquoi je souhaiterais - bien qu'à la limite, au niveau concret, ça ne change pas grand-chose - que nous ayons déjà une décision de principe et qu'on adopte le projet de loi du Conseil d'Etat tel qu'il est.

Enfin, je le dis et le redis à l'attention de nos amis socialistes: il a toujours été extrêmement clair, dans la défense du projet de loi par le Conseil d'Etat, que nous utiliserions la réserve conjoncturelle et que nous nous engagions à ce qu'il n'y ait pas plus de deux années de déficit. Pour le moment, ce que j'ai en main me montre que c'est possible, mais vous savez tous très exactement, et les entreprises les premières, que les pronostics sur 2010 sont bien difficiles, et que c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle on a encore besoin de voter ce projet de loi: trop d'entreprises, dans les dernières estimations fiscales, n'ont pas fait de pronostic. Merci de votre attention ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi,

Mis aux voix, le projet de loi 10536 est adopté en premier débat par 96 oui (unanimité des votants).

Le président. C'est parfait. L'entrée en matière est acceptée par 96 oui, c'est un vrai triomphe !

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1 souligné, nous sommes saisis d'un amendement général du PDC pour un article 72, alinéa 6 (nouveau). (Commentaires.) Monsieur Hiler, je vous donne la parole.

M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Je souhaite d'abord dire que cet amendement crée exactement la même situation que le projet de loi voté en commission, sauf qu'il la réduit à l'exercice 2010. Je souhaite aussi relever que le PDC a eu la correction de discuter avec le département - de sorte que nous n'ayons pas un bug légal - que nous avons même intégré la chancellerie dans ces discussions, de sorte que, quoi que vous votiez, ça ait une valeur, car il faut respecter les lois - n'est-ce pas ? En tout cas, il ne faudrait pas aboutir à des lois qui soient mal faites.

Sur le reste, Mesdames et Messieurs, je n'arrive tout de même pas à comprendre... J'arrive à comprendre l'intention, vous ne voulez pas que le Conseil d'Etat se dise: «Bah ! de toute façon, en 2012, ça va de nouveau surperformer, donc on ne fait rien en attendant.» Je comprends cela et, d'ailleurs, je vous dirais que nous l'avons fait, puisque l'augmentation des charges globales est de plus 0,4 - hors fondation, de 1,4 - malgré le poids assez considérable des EMS et des prisons dans ce budget.

Ce que je veux surtout vous dire, Mesdames et Messieurs - et le Conseil d'Etat vous invite à garder le projet tel qu'il l'a déposé - c'est que, quelle que soit la solution retenue, les uns et les autres devront se retrouver sur le projet qui sera issu du vote sur l'amendement. Finalement, les deux solutions devraient normalement avoir la même conséquence puisque, effectivement, le Conseil d'Etat proposera un projet de loi sur la LGAF. Le seul bémol que je mets à cette promesse, c'est qu'il y a encore une élection dans dix jours. Mais s'il se trouvait qu'un certain nombre de membres du Conseil d'Etat étaient encore là, nous tiendrions, à l'évidence, cette promesse.

Le président. Nous vous remercions de ces précisions, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais soumettre l'amendement général du PDC. Sous l'article 1 souligné, il s'agit d'ajouter un alinéa 6 (nouveau) à l'article 72: «Pour l'année 2010, en dérogation à l'article 7, alinéas 1 à 3, le budget de fonctionnement de l'Etat de Genève peut présenter un excédent de charges, à concurrence maximale de la réserve conjoncturelle disponible.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 46 oui.

Le président. Toujours à l'article 1 souligné - intitulé «Modifications» - nous sommes saisis d'un amendement libéral à l'article 7, alinéa 1. Après la première phrase, «Le budget de fonctionnement de l'Etat de Genève peut présenter un excédent de charges, à concurrence maximale de la réserve conjoncturelle disponible», la deuxième phrase est celle-ci: «Il doit être équilibré.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 7, al. 1 (nouvelle teneur), est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement libéral. Le voici: «Article 7, alinéa 2 (nouveau): Lorsque le budget de fonctionnement de l'Etat de Genève prévoit un excédent de charges, le Conseil d'Etat doit soumettre au Grand Conseil les mesures assurant le retour à l'équilibre pour l'exercice suivant.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 34 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 7, al. 2 et 3 (abrogés, les al. 4 et 5 anciens devenant les al. 2 et 3), est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté par 66 oui contre 25 non.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Troisième débat

Le président. En troisième débat, nous sommes saisis d'un amendement proposé par MM. Weiss et Slatkine à l'article 67A LGAF. Il s'agit d'abroger cette disposition. Je vais vous faire voter en troisième débat... (Commentaires.) Eh bien, c'est tout ce qu'il y a ! Je vous lis cet amendement: «LGAF Art. 1 (souligné) Art. 67A: abrogé» ! (Rires. Exclamations.) Je vais donc vous soumettre cet amendement. (Commentaires. Quelques instants s'écoulent.) C'est l'amendement qui est proposé par le parti libéral. Il n'y a rien d'autre, il faut le voter tel quel. Celles et ceux qui acceptent cet amendement sont priés... (Remarque.) Madame Schneider Hausser, je vous donne la parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Si cela vous rend service, j'ai l'article sous les yeux. «Article 67A. Amortissements particuliers. Il peut être créé une réserve conjoncturelle. L'attribution à la réserve ou l'utilisation de la réserve se fait après détermination du résultat et doit faire l'objet d'une loi.» (Commentaires.)

Le président. Merci, Madame la députée. Formellement, il n'était pas nécessaire de lire cette disposition pour le vote, mais nous vous sommes reconnaissants de l'avoir présentée. Monsieur Weiss ?

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je voulais juste préciser que c'était un test de lecture et que l'amendement à l'article 67A était annoncé dans le rapport de minorité. Je vois que les rapports servent à beaucoup de choses, mais pas nécessairement à être lus.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous nous prononçons sur cet amendement: à l'article 1 souligné, il consiste à abroger l'article 67A de la LGAF.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 19 oui et 10 abstentions.

Le président. A l'article 2 souligné, nous sommes saisis d'un nouvel amendement du parti libéral...

M. Pierre Weiss. Amendement qui tombe !

Le président. «Qui tombe», c'est-à-dire qu'il est retiré. Mesdames et Messieurs les députés, puisque les amendements ont été rejetés, je vais vous faire voter ce projet de loi en troisième débat.

La loi 10536 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10536 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 26 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10536

Le président. Nous sommes à la dernière urgence de la soirée: point 44 de l'ordre du jour, motion 1887.