République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.

Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Robert Cramer, David Hiler et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Christophe Aumeunier, Gabriel Barrillier, Caroline Bartl, Christophe Berdat, Marcel Borloz, Christian Brunier, Beatriz de Candolle, Elisabeth Chatelain, Gabrielle Falquet, Michel Halpérin, André Reymond, Patrick Saudan, Françoise Schenk-Gottret, François Thion, Francis Walpen et Ariane Wisard-Blum, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

E 1503
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant Mme KAST Carole-Anne, députée démissionnaire

La présidente. M. Pablo Garcia est assermenté. (Applaudissements.)

E 1506
Nomination d'un membre titulaire de la commission de réexamen en matière de naturalisation en remplacement de Mme KAST Carole-Anne, députée démissionnaire

La présidente. Le groupe socialiste a désigné Mme Lydia Schneider Hausser. M. Pablo Garcia est quant à lui choisi pour la remplacer en qualité de membre suppléant.

M 1737
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch-Aellen, Mario Cavaleri, François Gillet, Guy Mettan, Véronique Schmied, Luc Barthassat, Michel Forni, Pascal Pétroz, Guillaume Barazzone, Jacques Baudit, Jean-Claude Ducrot : Dignité ! pour donner la possibilité aux personnes frappées de NEM (Non Entrée en Matière) d'exercer une activité d'intérêt général

Débat

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette proposition de motion démocrate-chrétienne a pour but d'étudier la possibilité, pour les personnes frappées de non-entrée en matière et dont le renvoi est inenvisageable ou impossible à moyen terme, d'exercer un travail d'utilité publique, dans la mesure où c'est une question de dignité et de sécurité.

Une question de dignité, parce qu'il est normal et digne de vouloir travailler - ou du moins d'avoir une occupation utile, même si l'on est frappé de non-entrée en matière sans échéance - et parce qu'il est aussi normal et digne de vouloir occuper son temps à autre chose que de jouer au ping-pong ou de regarder la télévision et, ainsi, éviter de se retrouver dans une totale inactivité. En outre, lorsqu'on a vingt, trente ou quarante ans, il est normal et digne de vouloir restituer, par une occupation d'utilité publique, l'aide que l'on reçoit.

C'est aussi une question de sécurité. Nous touchons là à ce que nous estimons, nous, démocrates-chrétiens, être le comble de l'hypocrisie: interdire à ces personnes toute activité d'utilité publique et les laisser devenir des proies faciles pour les trafiquants qui peuvent les exploiter à l'infini - d'autant plus que certains ne pourront pas être renvoyés avant de nombreux mois voire des années - et cela, malgré les lois indignes qui ont été votées le 24 septembre 2006.

Alors nous demandons que cette hypocrisie cesse; nous revendiquons le droit à la dignité et c'est pourquoi les démocrates-chrétiens vous recommandent de faire bon accueil à cette proposition de motion et de la renvoyer à la commission des affaires sociales.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, si le «nem» est un plat vietnamien qui était destiné à satisfaire l'empereur de l'époque, en Suisse, c'est la résultante d'une mesure administrative frappant les requérants d'asile clairement identifiés comme indésirables, et visant à les renvoyer dans leur lieu d'origine. Sont considérés comme tels les candidats ayant séjourné illégalement en Suisse, ceux qui ont dissimulé leur identité voire violé l'obligation de collaborer, ou encore les sujets présentant une réelle absence de motif d'asile.

Le Mouvement Citoyens Genevois tient à rappeler que cette loi de non-entrée en matière sur l'asile, votée en novembre 2003, mais non appliquée, ne touche qu'une minime partie des personnes reconnues comme indésirables dans le pays. Les arrangements qui sont offerts par la Confédération, notamment sous forme d'aide d'urgence, sont actuellement largement suffisants et le Mouvement Citoyens Genevois ne soutient donc pas cette proposition de motion faussement caritative, qui voudrait offrir de surcroît la possibilité à un individu dont la présence n'est pas souhaitée d'exercer une activité rémunérée ou de suivre - le terme est encore plus charmant - «des programmes d'occupation». Non ! Notre société ne veut pas que ces éléments indésirables stagnent sous n'importe quel prétexte plus longtemps dans ce pays.

En résumé, le Mouvement Citoyens Genevois renvoie ce texte dans son pays d'origine, la corbeille à papier.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Avant de parler de la proposition de Mme von Arx-Vernon, je ne peux m'empêcher de répondre à M. Rappaz qu'en Suisse on ne parle pas de NEM, mais de personnes qui sont en situation de non-entrée en matière. D'ailleurs, lorsque nous avions discuté de la modification de la loi sur l'assistance publique concernant l'aide d'urgence à offrir à ces personnes, j'avais rappelé qu'il ne s'agissait pas de NEM mais de nos frères en humanité et je souhaiterais donc, Monsieur le député, que vous ayez aussi cette décence.

Cela dit, j'aimerais revenir sur le fond de cette proposition de motion. Elle pose certes des questions intéressantes mais, pour le groupe socialiste, elle ne va pas tout à fait assez loin. En effet, si vous en regardez la date, elle a été déposée le 23 janvier 2007; et le lendemain, le Conseil d'Etat publiait le règlement d'application de la modification de la loi sur l'assistance publique - donc sur l'aide d'urgence - que nous avions votée quelque temps auparavant. Il serait donc intéressant d'examiner ce règlement qui répond, bien que très - trop - timidement, déjà partiellement à ce que souhaitent les motionnaires, en permettant des activités d'intérêt général pour ces personnes-là.

En revanche, ce qui me semble essentiel - raison pour laquelle le groupe socialiste vous propose deux amendements, qui sont des rajouts aux invites de ce texte - c'est la durée de cette aide, dont nous avons beaucoup discuté devant ce parlement lors du débat sur l'aide d'urgence. Est-ce que ces personnes vont recevoir pendant une durée indéterminée une aide en nature ? Ou, à un moment donné, ne va-t-on pas devoir, pour répondre au souci de dignité humaine exprimé par Mme von Arx-Vernon, passer à de l'aide en nature ?

Selon le fameux règlement adopté par le Conseil d'Etat le 24 janvier, cette aide en nature doit durer au moins douze mois. Cela m'avait amenée, dans les jours qui ont suivi l'adoption de ce règlement, à déposer une interpellation urgente écrite pour dire que, à mon sens, nous n'avions jamais compris au parlement, du moins de manière unanime, en quoi une durée de douze mois pour l'aide en nature - simplement avec des plateaux repas ou des sandwichs - était conforme au respect de la dignité humaine. C'est pourquoi il me semblerait intéressant d'aller un peu plus loin et de compléter ce texte avec deux invites.

D'abord, pour faire un bilan, un rapport détaillé de la situation. Que sait-on de ces personnes ? Combien sont-elles à Genève ? D'où viennent-elles ? Vous savez d'ailleurs que c'est la Confédération qui nous les envoie... Combien d'entre elles passent dans la clandestinité ? Il y a de nombreuses questions importantes et je pense qu'on aurait tout intérêt à avoir une vue d'ensemble de la situation.

Le deuxième élément, c'est que, suite à mon interpellation urgente écrite, le Conseil d'Etat a répondu que, après six mois d'application de la loi, il demanderait à l'Hospice général de tirer un bilan, notamment en regard de la durée de l'aide en nature.

Nous sommes aujourd'hui au terme de ces six mois et c'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas renvoyer cette proposition de motion en commission des affaires sociales - c'est inutile pour l'instant - mais au Conseil d'Etat, avec ces amendements, et une fois que celui-ci aura rendu son rapport, nous évaluerons s'il est nécessaire de prolonger le travail en commission.

Mme Christiane Favre (L). Cette proposition de motion risque de poser plusieurs problèmes.

D'abord, d'un point de vue légal. En effet, si ce qu'elle propose ne semble pas totalement illégal, ses invites sont contraires à l'esprit de la loi.

Ensuite, au niveau de la justice, puisque, si elle devait être votée, elle conduirait à une inégalité de traitement envers les requérants d'asile déboutés à qui l'on ne proposera sans doute pas de tels avantages.

Et enfin, elle risque de poser des problèmes humains, puisqu'elle pourrait implicitement donner - c'est un risque qu'il faut prendre au sérieux - de faux espoirs à des personnes déjà fragilisées par un avenir incertain et difficile.

Il ne nous paraît ni juste ni souhaitable de discuter sur le siège d'un sujet aussi sensible humainement et ambigu légalement. Nous avons besoin d'éclaircissements pour faire preuve de sagesse et c'est pourquoi nous soutenons le renvoi de ce texte à la commission des affaires sociales.

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition, qui est certes sympathique, humaine et bien pensante a le défaut - pour nous rédhibitoire - de délivrer un message biaisé pouvant susciter de faux espoirs chez les personnes frappées de non-entrée en matière. Son acceptation serait aussi un signe négatif pour tous ceux qui séjournent légalement en Suisse et pour tous les Suisses eux-mêmes qui n'ont pas d'occupation ou de travail.

Si notre collectivité choisissait de fournir des efforts supplémentaires, elle se devrait de les faire en priorité pour ceux qui ont le droit d'être ici et de bénéficier de ces efforts publics.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical refusera l'entrée en matière de ce texte, avec ou sans amendement.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts vous rappellent simplement que les personnes vivant ici - et qui ont le droit d'y être - peuvent bénéficier des prestations de l'Hospice général, si elles sont dans une situation critique.

Les lois sur l'asile qui ont été soumises au vote et que le peuple suisse a acceptées - nous l'avions dit lors de la campagne - posent une série de problèmes graves pour les personnes qui ne peuvent pas quitter la Suisse mais qui n'ont pas le droit d'y rester - c'est paradoxal, nous le savons. Ces lois ont simplement prévu que les personnes disparaissent dans la clandestinité, ce qui est une situation criminogène, dans la mesure où ces gens doivent continuer à manger. C'est pourquoi nous saluons la proposition du PDC. Cependant, on est toujours en dessous du minimum, en deçà des normes de l'Hospice général.

Par ailleurs, j'approuve ce qui a été dit sur les bancs du parti libéral, car tout le problème des personnes déboutées du droit d'asile va se poser d'ici janvier, où nous allons nous retrouver avec non seulement les personnes frappées de non-entrée en matière, mais aussi précisément avec celles qui auront été déboutées du droit d'asile et qui n'auront, non plus, ni le droit de rester ni la possibilité de partir. Je vous rappelle que certaines personnes sont ressortissantes de pays qui ne les reconnaissent pas et qui ne veulent pas les récupérer. Or vous ne pouvez pas les ramener à la frontière puis les expulser en France, en Italie ou en Allemagne, car ces nations ne les souhaitent pas non plus, et vous n'avez pas non plus la possibilité de renvoyer quelqu'un dans un pays dont il n'est pas ressortissant et qui ne le reconnaît pas.

Vous vous retrouvez donc avec une sorte d'insécurité du droit, avec des personnes qui n'ont ni le droit de rester, ni le droit de partir, ni le droit de travailler: c'est une situation un peu kafkaïenne, où on leur demande simplement de disparaître.

Ce problème est donc très complexe et nous vous invitons à renvoyer ce texte en commission des affaires sociales.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je rappelle que le parti démocrate-chrétien a soutenu à Berne la révision de la loi sur l'asile - à l'exception de certains députés romands, entre autres - et que l'aide d'urgence est clairement délimitée. L'article 80, alinéa 1, de la modification du 16 décembre 2005 à la loi sur l'asile stipule: «L'aide sociale ou l'aide d'urgence est fournie aux personnes qui séjournent en Suisse en vertu de la présente loi par le canton auquel elles ont été attribuées...». Puis, à l'article 82, on lit, à l'alinéa 1: «L'octroi de l'aide sociale et de l'aide d'urgence est régi par le droit cantonal. Les personnes frappées d'une décision de renvoi exécutoire auxquelles un délai de départ a été imparti peuvent être exclues du régime d'aide sociale.» Et à l'alinéa 2: «Lorsque l'autorité sursoit à l'exécution du renvoi pour la durée d'une procédure ouverte par une voie de droit extraordinaire, les requérants d'asile déboutés reçoivent, sur demande, l'aide d'urgence.»

De plus, l'article 83a, sur l'octroi de l'aide d'urgence, prévoit ceci: «La personne concernée doit collaborer à l'exécution de la décision de renvoi exécutoire...». Il y a donc une relation entre aide d'urgence et collaboration. Mais nous ne sommes ici pas du tout dans le même cas.

La mise en oeuvre de cette loi est aujourd'hui couronnée de succès, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont notamment les assistants sociaux du canton de Vaud. La Radio Suisse Romande a récemment fait un reportage sur les non-entrées en matière; lorsqu'elle s'est présentée auprès de la Fondation d'accueil des requérants d'asile - FAREAS - les assistants sociaux ont effectivement dû reconnaître qu'il y avait beaucoup moins de personnes dont ils devaient s'occuper et que les gens avaient quitté le canton sans qu'on connaisse leur destination. D'ailleurs, les motionnaires nous indiquent que 70% des personnes frappées de non-entrée en matière à Genève n'ont pas laissé de trace. C'est donc qu'elles ont admis qu'elles n'avaient pas d'avenir en Suisse et que, de ce fait, il n'y avait plus de nécessité de faire appel à l'aide d'urgence ou de demander une occupation temporaire.

Les grandes villes et leurs dispositifs sociaux sont des aimants pour différentes catégories de citoyens, et les personnes frappées de non-entrée en matière en constituent une; il serait donc contre-productif d'accroître l'attractivité de notre canton et d'exacerber les tensions au sein de la population alors que la révision de la loi sur l'asile est parvenue à les maintenir à un niveau acceptable.

Si l'aide d'urgence, qui permet de respecter l'article 12 de la Constitution, à savoir la dignité humaine, pousse parfois, selon les motionnaires, à la clandestinité et à la délinquance, il conviendrait alors que le groupe démocrate-chrétien propose une réelle alternative. L'UDC en voit au moins une, c'est de conditionner l'aide au développement à la négociation d'accords de réadmission.

Pour ces motifs, nous nous opposerons au renvoi de ce texte au Conseil d'Etat et soutiendrons timidement le renvoi à la commission des affaires sociales.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Cette proposition de motion part d'un bon sentiment, en tout cas sur le plan humain, et je soutiendrai donc son renvoi à la commission des affaires sociales.

Mais j'aimerais dire certaines choses. Donner du travail à des personnes frappées de non-entrée en matière, c'est certes louable, mais j'aurais préféré qu'on en offre à nos jeunes, à ceux qui sont malheureusement en rupture, qui sombrent dans la délinquance. Au lieu de les mettre en prison ou de les laisser dans la rue, pourquoi ne pas les faire travailler, les faire nettoyer ce qui est dégradé ? Cela leur permettrait peut-être d'avoir un meilleur apprentissage de la vie.

On dit toujours que, pour pouvoir aider les autres, il faut pouvoir s'aider soi-même... Je constate que malheureusement, en Suisse, notamment à Genève, il y a des personnes qui, peut-être par honte, n'osent pas aller demander l'aide sociale et sont à la rue. Quand j'entends dire que les gens qui vivent ici ont droit à l'Hospice général, je ne trouve pas cela très cohérent avec ce que nous avons décidé hier soir. Il me semble que le projet de loi modifiant la loi sur le chômage a été voté parce qu'on souhaitait remettre les gens au travail et non pas en faire des assistés ! Pour exemple, je vous au rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1480 contre l'interdiction de travailler de certains demandeurs d'asile déboutés et à la pétition 1492 concernant la politique d'asile, vous y trouverez des réponses tout à fait claires. Je lis dans la pétition 1492 qu'il faut arrêter de produire des clandestins, des délinquants et des assistés... Mais nous en fabriquons ! Et ce sont même des personnes qui ont le droit de vivre dans notre pays, elles n'ont pas besoin d'être frappées de non-entrée en matière !

Pour toutes ces raisons, des réponses doivent être données. Il y a effectivement de gros risques et je souhaite qu'ils soient largement pris en compte. C'est pourquoi je soutiendrai le renvoi de ce texte en commission des affaires sociales.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). J'aimerais juste ajouter quelques précisions. Quand l'UDC dit que l'aide au développement peut être conditionnée à la négociation d'accords de réadmission, c'était un projet de Ruth Metzler. Et, si L'UDC avait soutenu cette dernière, ce projet serait peut-être appliqué aujourd'hui.

Je voulais revenir sur cette proposition de motion qui est en fait extrêmement pragmatique - et qui n'est ni angélique ni complaisante ! - et reparler aussi des notions d'«indésirable» et de «faux espoirs»... Mais c'est là que se situe l'hypocrisie ! Parce qu'on ne peut pas faire semblant ! Ceux qui ne veulent pas voir ces gens ou considérer qu'ils vivent encore chez nous sont les mêmes qui les dénoncent lorsqu'ils deviennent délinquants ! On a certes raison de signaler ce type d'agissements et de ne pas tolérer la délinquance, mais il se trouve que ces comportements sont bien souvent la conséquence de l'inactivité qu'on leur impose.

Concernant la population, lorsqu'on parle à Monsieur et Madame Tout le Monde de ce genre de proposition de motion, eh bien, c'est le bon sens, Madame la présidente, ils comprennent très bien que ces personnes soient obligées de rester encore quelque temps. A moins, évidemment, que les gens se réfugient dans la clandestinité et qu'on fasse comme si on ne les voyait pas ! Or nous, nous refusons de faire semblant.

C'est pour cette raison que nous accepterons les amendements socialistes et que nous réaffirmons notre souhait de renvoyer cet objet à la commission des affaires sociales, où ces textes seront étudiés.

Permettez-moi encore de dire qu'il ne faut surtout pas opposer les jeunes, les chômeurs et ceux qui sont frappés de non-entrée en matière. Ces catégories de personnes vivent toutes des situations très douloureuses, mais on ne doit en aucun cas les dresser les unes contre les autres.

La présidente. La parole est à M. Renaud Gautier, à qui il reste deux minutes et neuf secondes.

M. Renaud Gautier (L). Ce sera largement suffisant !

Une première remarque: le langage que nous utilisons n'est jamais innocent. Nous traitons de personnes frappées de non-entrée en matière et chacun des intervenants a parlé de renvoi ou de non-renvoi en commission. C'est par analogie le défi qui nous est proposé.

Deuxièmement, je crois que c'est dans le Cid, sauf erreur, qu'on trouve la phrase suivante: «Le coeur a ses raisons que la raison ignore.» Si cette proposition est frappée au coin du bon sentiment, elle n'est pas forcément illégale; mais elle est en tout cas contraire à ce que la majorité des Suisses a voté l'année dernière. Ce parlement est partagé entre ceux qui étaient favorables et ceux qui ne l'étaient pas - je crois que chacun connaît ma position - mais on ne peut pas, non plus, toujours partir du principe que la majorité de la population se prononce favorablement et, ensuite, essayer de trouver le moyen de ne pas appliquer le sens de ce qui a été voté.

En ce qui me concerne, je suis favorable au fait que l'on pousse le raisonnement jusqu'au bout. Nous avons adopté des lois qui sont contraignantes et qui ne sont pas celles que j'aurais voulues, mais je trouve regrettable qu'on essaie maintenant de trouver des «solutions», alors que la majorité des Suisses n'en veut pas.

Je le répète, ce n'est certainement pas illégal, mais c'est en tout cas aller à l'encontre de ce que la plupart d'entre nous veulent. Nous devons aussi y réfléchir, pour ne pas que nous soyons toujours, à Genève, dans des situations de Genfereien qui, à terme, nous portent tort, même si, je le redis, le coeur a ses raisons que la raison ignore.

La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute et vingt-six secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Quelle précision, Madame la présidente !

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG, pour être parfaitement clair, s'opposera au renvoi en commission de cette proposition de motion ainsi qu'au texte en lui-même.

Je crois qu'il nous faut arrêter d'être hypocrites. La Suisse, comme tout le monde le sait - et nous sommes les premiers à le prôner au Mouvement Citoyens Genevois - est une terre d'accueil. Mais pour les gens qui sont respectueux des lois du pays dans lequel ils veulent venir ! Et pour ceux qui jettent leur passeport et sont des réfugiés économiques - ce qui est triste, j'en conviens ! - mais non politiques, la Suisse a des règles, et ces doivent être respectées.

Je suis scandalisé que, dans ce parlement, des partis puissent essayer de trouver des dérivatifs pour contourner la loi et la volonté populaire. Je vous rappelle que c'est le peuple qui nous a placés là où nous sommes et que c'est donc notre devoir de protéger les résidents de ce pays.

Laissez-moi encore vous dire quelque chose. Comme vous le savez - et je pense que c'est le cas de plusieurs députés dans cette enceinte - je ne suis pas double national mais triple national: j'ai le passeport suisse, italien et mauricien. Eh bien, à l'île Maurice, quand des étrangers viennent sans autorisation, ils sont expulsés manu militari. Voilà une politique de cohésion qui est claire et qui n'est pas hypocrite... (Exclamations. Remarques.)

Et partant de ce principe-là, je vous invite à refuser le renvoi en commission de cette proposition de motion et le texte lui-même, qui n'est pas légal.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'aimerais relever quelques éléments tout simples.

Dans cette matière, il y a pour l'essentiel du droit fédéral que nous devons accepter, quoi que nous puissions en penser, et donc appliquer. Il en résulte qu'un certain nombre de gens sont frappés de décisions de renvoi et que ces dernières doivent être exécutées.

Or il se trouve que certaines de ces décisions sont inexécutables. Pour la bonne et simple raison qu'aucune compagnie aérienne ni aucun pays n'acceptent quelqu'un s'il n'a pas un papier d'identité. Il importe donc de faire en sorte, au niveau de la Berne fédérale, que cette situation inadmissible ne perdure pas. C'est l'un de nos gros problèmes.

A partir de là, nous avons un certain nombre de personnes qui ne devraient pas être là mais qui le sont. On peut voir la chose sous l'angle de la dignité, et c'est éminemment respectable de dire que de laisser en quelque sorte goger ces personnes n'est pas une façon acceptable de les traiter. Mais moi j'ai encore un autre souci, beaucoup plus important: celui de la sécurité. Parce que, Monsieur Catelain, quand vous dites qu'il n'y a plus personne dans les centres sociaux depuis l'application de ce système, c'est vrai, mais on sait aussi par la police que ces gens ne sont pas là où ils devraient être et qu'ils n'ont pas les activités qu'ils devraient avoir. Donc, nous ne pouvons pas dire ici que nous voulons de la sécurité et, à la fois, créer une catégorie de personnes dont la seule occupation est précisément non pas de faire des incivilités, mais d'être carrément dans la délinquance.

Alors, nous devons impérativement réfléchir à cette question, c'est l'un des facteurs vraiment graves - graves ! - de l'insécurité. Mme von Arx-Vernon ne demande pas de ne pas appliquer le droit fédéral, elle souhaite simplement qu'on étudie ce qu'on pourrait faire. C'est vraiment le moment d'agir pour éviter que ce très petit nombre de personnes - qui ne devraient pas être là mais qui le sont quand même - continuent à nous pourrir la vie. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1737 à la commission des affaires sociales est adopté par 44 oui contre 14 non et 8 abstentions.

M 1747
Proposition de motion de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Christian Brunier, Alain Charbonnier, Anne Emery-Torracinta, Lydia Schneider Hausser pour une plus grande participation des femmes à la vie politique

Débat

La présidente. Cette proposition de motion est aussi en catégorie de débat II, soit trois minutes de parole par groupe.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion avait en fait été déposée quelques jours avant le 8 mars, journée internationale des femmes, et a failli être discutée le 14 juin. Aujourd'hui, nous sommes le 29, donc deux semaines après cette date importante qui commémore le jour où le peuple suisse a accepté en 1981 l'article constitutionnel sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Beaucoup de symboles pour une proposition de motion qui finalement demande deux ou trois choses assez basiques.

Nous avons rédigé ce texte suite à une étude récente qui a démontré que les femmes se désintéressent de la politique et que, notamment, elles ne votent pas autant qu'il y a dix ans et moins que les hommes. Par conséquent, l'écart entre la participation politique des femmes et des hommes est en train de s'accentuer.

Il y a plusieurs raisons à cela, que nous exposons dans la proposition de motion, mais je voulais quand même en rappeler deux: l'une d'elles est que les jeunes filles souffrent malheureusement d'une insuffisance de modèles féminins qui s'engagent en politique et l'autre, aspect important, c'est le rôle des médias qui ne valorisent pas autant les femmes que les hommes, et qui souvent même les ignorent complètement. On le voit par exemple dans certaines émissions de radio régulières où nous n'entendons souvent que des messieurs et où l'on note une grande disproportion entre le nombre d'hommes et de femmes.

Mais nous pensons également que les femmes doivent elles aussi apprendre à s'affirmer en politique. Je salue à cette occasion l'initiative que le Service pour la promotion de l'égalité a prise en organisant, il y a peu de temps, une formation pour les nouvelles élues au niveau municipal.

Le corollaire de tout cela, c'est que non seulement les femmes ne s'expriment pas assez en politique, mais qu'en plus leur représentation est insuffisante. Je rappelle qu'au Conseil national il y a 25% de femmes; au Conseil des Etat, 24%; et au Grand Conseil, nous sommes 31%. Nous venons d'ailleurs d'accueillir deux hommes qui remplacent deux femmes. Nous faisons donc encore partie des pays dont la démocratie est inachevée, et cela, c'est l'Union interparlementaire qui le dit.

C'est dans ce contexte que nous avons rédigé les invites, tout à fait simples, de ce texte, dont la première est de lancer une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique. En réalité, nous l'avions fait au début de l'année en perspective des élections fédérales; c'est un peu tard, maintenant, en juin, quoiqu'il ne soit jamais trop tard pour bien faire ! La deuxième invite vise à inciter le Conseil d'Etat à s'engager un peu plus dans ce domaine en promouvant l'éducation citoyenne sur les questions de genre.

Les signataires espèrent fermement que ce Grand Conseil accueillera favorablement ce texte.

Mme Mathilde Captyn (Ve). A la lecture de cette proposition de motion qui demande une plus grande participation des femmes à la vie politique, j'ai eu, en ce qui me concerne, l'impression de parcourir un texte datant des années cinquante. Puis, je me suis souvenue que les femmes n'ont le droit de vote et d'éligibilité à Genève que depuis quarante-six ans, ce n'est donc pas le texte qui a du retard mais plutôt la gauche qui a de l'avance !

Effectivement, la participation des femmes à la vie politique est toujours problématique, en ce sens qu'elle reste largement inférieure à celle des hommes, comme l'indiquent les chiffres de cette proposition de motion.

Concernant le lancement d'une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique, bien des actions sont d'ores et déjà en marche. Le Service pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes de l'Etat de Genève a agi de manière ciblée et propose annuellement des formations et du réseautage aux élues de ce canton, comme l'a dit Mme Fehlmann Rielle, et c'est un grand succès, au vu de leur participation, justement.

Par ailleurs, le Centre de liaison des associations féminines organise aussi de nombreuses manifestations qui visent à une plus grande intégration des femmes dans la vie politique. Une campagne de communication en vue des élections fédérales d'octobre aurait du sens et nous ne pouvons que soutenir cette proposition.

S'agissant maintenant de la promotion d'une éducation citoyenne sur les questions de genre, c'est un plus vaste problème encore. La participation politique dans son ensemble n'est que trop faible en Suisse, et spécialement à Genève; il s'agit donc là de s'insurger contre le manque d'éducation citoyenne à l'école, surtout dans une ville riche de 40% d'étrangers, et je ne sais pas trop ce que le Conseil d'Etat attend pour aller de l'avant concernant la place indispensable que doit avoir la politique dans notre société.

Nous soutenons donc pleinement ce texte, avec une impatience certaine quant à la réalisation de ses propositions, et vous engageons à voter pour son renvoi direct au Conseil d'Etat pour qu'il puisse agir rapidement.

Mme Fabienne Gautier (L). La lecture de cette proposition de motion me rappelle étrangement le projet de loi 9801 traité durant cette législature et dont notre assemblée avait refusé l'entrée en matière. Ce projet de loi demandait une représentation équitable des sexes sur les listes électorales, souvenez-vous, Mesdames et Messieurs les députés.

Cette proposition de motion vise une plus grande participation des femmes en politique. Est-il bon de rappeler ici que celles-ci n'ont besoin ni de loi ni de motion pour les inciter à s'intéresser à la vie politique ? Elles l'ont fait savoir à votre assemblée, précisant de surcroît que tous les partis enrichissaient leurs listes électorales de présences féminines toujours plus nombreuses. J'en veux pour preuve le résultat de nos dernières élections municipales en Ville de Genève, qui, à lui seul, est bien le reflet des propos que je tiens: 45 femmes élues, soit bien plus de 56%. Chez les libéraux, je vous le rappelle, ce sont bien 6 femmes sur 11 sièges obtenus qui vont représenter notre parti durant cette prochaine législature. A en croire ces résultats, ce sont bientôt les hommes qui déposeront à leur tour des projets de lois ou des propositions de motions, car les femmes seront toujours plus nombreuses dans la vie politique et qu'ils trouveront que le résultat n'est plus équitable.

Par ailleurs, les invites de ce texte me poussent à dire - pardonnez-moi de m'exprimer ainsi - que les signataires ignorent totalement l'excellent travail effectué en la matière par le Service pour la promotion de l'égalité dirigé par Mme Fabienne Bugnon, comme cela a été dit tant par Mme Fehlmann-Rielle que par Mme Captyn. J'en veux pour preuve les séminaires d'initiation à la politique essentiellement réservés aux femmes que ce service vient de mettre sur pied et qui ont eu un tel succès de participation qu'il envisage d'en organiser d'autres. Et ces séminaires répondent tout à fait aux invites de cette proposition de motion.

Mesdames et Messieurs les motionnaires, ce Service ne dépend-il pas de l'Etat pour que vous ressentiez le besoin d'en rajouter des couches telles des mille-feuilles ?

Quant à dire que certaines spécificités politiques comme l'éducation sont plus souvent attribuées aux femmes et l'agriculture aux hommes, c'est bien méconnaître la gent féminine qui a depuis longtemps fait ses preuves dans moult domaines professionnels. Et ce n'est pas Mme Patricia Läser, notre éminente collègue, qui me contredira !

Pour ce qui est des médias, l'auditeur ou le téléspectateur fera son choix. Celui qui est intéressé par les sujets politiques saura, à n'en point douter, faire la différence quant à la qualité de l'émission. D'autre part, les femmes politiques ne sont pas sous-représentées dans les médias, elles sont tout autant sollicitées que la gent masculine.

Le groupe libéral refusera donc d'entrer en matière et vous encourage à le suivre dans sa position. Il estime à juste titre que le Service pour la promotion de l'égalité répond déjà aux invites de ce texte.

M. Eric Stauffer (MCG). Pas vous, les socialistes ! C'est une proposition de motion électoraliste, vous enfoncez des portes ouvertes ! (Chahut.) Ne savez-vous pas qu'il existe au sein de l'Etat le Service pour la promotion de l'égalité hommes-femmes ? C'est déjà institutionnalisé ! Et figurez-vous que dans cette commission extraparlementaire seuls deux hommes siègent, sur à peu près vingt-cinq membres - M. le conseiller d'Etat me corrigera lorsque ce sera son tour de parler - puisque nous sommes les deux seuls représentants de la gent masculine au sein de la commission d'égalité hommes-femmes !

Donc, ce que vous demandez dans vos invites, lancer une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique... Mais c'est déjà fait ! Toutes les citoyennes de ce canton ont reçu avant les élections une petite brochure faite par ce Service pour la promotion de l'égalité, qui expliquait comment voter, s'intéresser à la politique et tout ce qui va avec. Alors, je ne comprends pas ! Etait-ce dû au fait, vu la date, que votre collègue, Mme Salerno, était candidate au Conseil administratif de la Ville de Genève ? C'est possible ! Mais alors, vous devenez aussi populistes que certains partis de cet hémicycle ! (Brouhaha.) Puisque vous enfoncez des portes ouvertes !

De plus, Mesdames les députées, comme l'a dit Fabienne Gautier, nous avons traité pendant cette législature le projet de loi 9801. Et là, vous y étiez allées très fort: vous vouliez imposer par la loi un quota minimum de femmes. (Remarques.) Mais je crie au scandale ! Où est la démocratie, Mesdames et Messieurs ?! Le libre choix ? Et pensez-vous que les cours d'instruction civique, notamment à l'école primaire, ne seraient pas utiles et équitables entre les garçons et les filles ? Vous avez supprimé ces cours et ceux sur l'histoire de la Suisse ! Les élèves d'aujourd'hui ne savent plus comment s'est fait notre canton, notre pays, etc. ! En tout cas, moi je me souviens que, lorsque j'étais à l'école, ces cours d'éducation civique étaient très importants...

La présidente. Sur la proposition de motion, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Ecoutez, Madame la présidente, si c'est s'écarter du sujet de la motion que de parler de l'éducation civique, je ne m'appelle plus Eric Stauffer ! (Exlamations. Rires.)

Bref ! Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser purement et simplement cette proposition de motion, sans la renvoyer dans aucune commission. Vous avez enfoncé une porte ouverte: ce que vous demandez existe déjà. Je pense que M. le conseiller d'Etat le confirmera dans quelques minutes.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais quand même vous rappeler que la présidente de notre Confédération n'est autre que Mme Micheline Calmy-Rey. Jusqu'à preuve du contraire, c'est une femme ! Et il y en a d'autres qui sont à la tête de leur pays... La reine d'Angleterre, par exemple ! (Rires. Brouhaha.) C'est une femme ! (Chahut.) J'aimerais poursuivre, Madame la présidente !

La présidente. Oui, Madame la députée. La journée a été longue et vos propos, apparemment, font rire.

Mme Sandra Borgeaud. C'est nerveux, c'est pardonnable !

Tout ça pour dire que les femmes sont tout aussi intelligentes que les hommes. (Brouhaha.) Nous avons déjà dû traiter le projet de loi 9801- auquel je m'étais fermement opposée - qui voulait nous imposer un quota... mais il faut qu'il y ait le libre choix ! Et je ne vois pas pourquoi nous devrions légiférer sur cette motion. Il me semble avant tout, comme je l'ai déjà dit, que c'est à vous, Messieurs des partis politiques, d'aller à la recherche de candidates féminines. Ce n'est pas une loi qui doit le faire ! C'est à vous d'être convaincants, d'avoir les bonnes idées et de les attirer.

Je rappelle, comme on l'a signalé tout à l'heure, qu'en Ville de Genève il y a quand même 45 femmes, c'est donc la preuve que vous êtes écoutés ! De plus, diverses associations genevoises oeuvrent déjà en faveur de ce que vous prônez et beaucoup de femmes se rendent aux différentes séances organisées.

En outre, il me semble qu'il faut arrêter de juger en fonction du sexe des personnes, mais plutôt de leurs compétences: on fait de la politique ! (Rires. Brouhaha.) Vous avez vraiment les idées... très bien arrêtées ! (Rires.) Non, je ne couperai pas, je finirai !

Une voix. Encore ! Encore !

Mme Sandra Borgeaud. J'aurais envie de vous dire, vu que ça vous intéresse à ce point-là, que pour faire de la politique, il serait peut-être de bon ton d'utiliser sa tête, ses compétences et son intelligence, plutôt que son apparence physique, et de ne pas tenir compte du fait que nous soyons des hommes ou des femmes. Je veux bien qu'on en rigole, ça reste de l'humour... mais quand même en toute intelligence !

En résumé, cette proposition de motion n'est absolument pas la bienvenue et je souhaiterais vraiment qu'on continue à faire de la politique en démocratie - pour laquelle on se bat depuis des siècles - et qu'on la maintienne. Sinon, Messieurs, comme l'a dit Mme Gautier, c'est vous que nous verrons un de ces jours déposer une proposition de motion pour réclamer un quota dans ce parlement !

Mme Véronique Schmied (PDC). Eh bien, il va être difficile d'attirer l'attention d'une aussi brillante manière que Mme Borgeaud vient de le faire ! (Rires.)

Ceux qui me connaissent savent que je n'ai jamais été une féministe convaincue ni active; je crois que les femmes feront leur place naturellement et petit à petit. Je vois par exemple mes filles qui ont entre vingt-cinq et trente ans n'avoir aucun doute sur le fait qu'elles puissent faire leur place dans la société, elles la font d'ailleurs, que ce soit dans le monde économique ou dans d'autres domaines.

Je prône donc plutôt cette méthode douce, que certains trouveront peut-être passive, et ne suis finalement pas pour les quotas, vous l'aurez compris, ni pour une politique proactive, si ce n'est sans doute pour déculpabiliser les femmes lorsqu'elles arrachent quelques heures à leur famille pour s'engager dans le monde politique.

Il y a cependant quelques questionnements qui m'interpellent. Hier, notre collègue Marie-Françoise de Tassigny a quitté notre assemblée, et je me suis posé la question de savoir pourquoi seules les femmes s'étaient exprimées au sujet de son départ. (Protestations.) Est-ce que la place d'une femme dans ce parlement n'est qu'une affaire, précisément, de femmes ? (Remarque.) Je pense par exemple qu'il revenait à M. Barrillier, puisqu'il est chef de son groupe, de prendre la parole. Une députée n'apporte-t-elle pas plus à la réflexion des députés hommes, pour qu'aucun d'entre eux n'ait relevé le manque qu'allait provoquer le départ d'une collègue ?

Il est inquiétant de constater que, même lorsqu'une femme participe activement et depuis longtemps aux travaux d'un parlement, sa place ne reste que celle d'une femme, bien que je pense qu'il en est finalement de même pour les hommes; en effet, quand un homme part, c'est rarement une femme qui lui adresse l'hommage destiné à ceux qui quittent notre parlement.

La distinction s'opère sans doute aussi de façon naturelle, et j'ai déjà utilisé ce terme au début de mon intervention. Mais alors, Mesdames et Messieurs, si la distinction s'opère ici entre personnes averties, qui font des campagnes électorales, qui sont engagées, qui ont le verbe facile et des personnalités affirmées, imaginez ce qu'il en est dans des familles sans culture politique ou dans des groupes dont les intérêts ne les portent pas à une réflexion sur la société !

Il y a plus inquiétant que la non-participation des femmes en politique et qui justifie davantage la nécessité d'une éducation citoyenne sur la question de genre, puisque c'est le nouveau terme que l'on utilise à la place de sexe...

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Véronique Schmied. ...c'est le constat que, parmi les jeunes, il y a actuellement toute une frange qui remet en cause l'égalité hommes-femmes, sans mauvaises intentions peut-être mais simplement par manque de culture familiale ou d'éducation citoyenne. On a entendu Jean-Marc Richard donner la parole dans les «P'tits zèbres» à des adolescents qui disent que les femmes sont moins intelligentes, que c'est prouvé, qu'ils ont des exemples... (Brouhaha. Rires.)

La présidente. Il vous faut conclure !

Mme Véronique Schmied. ...et qui prétendent que les femmes sont inférieures, etc. Ils fournissent de nombreux exemples, et finalement...

La présidente. Madame la députée, s'il vous plaît !

Mme Véronique Schmied. ...tout cela pour dire que l'animateur prétend que c'est bien et que cela a le mérite d'ouvrir le débat. Mais quel débat ? On se le demande !

Ces comportements nouveaux m'inquiètent, sans doute comme vous, Mesdames et Messieurs. Je crois qu'il y a urgence d'agir selon les deux invites, car on a besoin de femmes sur la scène publique, ne serait-ce que pour montrer l'exemple et pour redonner confiance à celles qui n'ont pas la parole, qui se taisent et qui subissent. Donc je soutiendrai cette proposition de motion ! (Applaudissements.)

Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, si je rejoins ma préopinante sur beaucoup de points, il en est un du moins où ce n'est pas le cas. J'ai moi aussi été frappée de voir, dans tous les groupes représentés, que seules des femmes, ou presque, se sont exprimées hier au sujet du départ de Marie-Françoise de Tassigny. Mais je pense qu'il s'agit justement de solidarité entre nous, femmes, quelle que soit notre appartenance politique.

Mais aujourd'hui, je ne crois pas du tout à une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes; elles s'intéressent déjà à la politique, preuve en est le résultat des municipales, principalement en Ville de Genève. Arrêtons donc de toujours vouloir nous poser en victimes - c'est ce qui fait le bonheur des médias - et essayons d'être conquérantes !

Nous devrions plutôt dépenser notre énergie à étudier une réorganisation de nos institutions et des horaires de nos séances, ainsi que des systèmes de garde d'enfants pendant les activités politiques, afin d'arriver à concilier au mieux vies familiale, professionnelle et politique.

L'engagement doit être expliqué, c'est vrai, mais à toute la population, pas seulement aux femmes, car je crois que l'intérêt est en baisse.

Je terminerai en citant Fabienne Bugnon qui disait: «Maintenant, à nous, Mesdames, de prendre notre place, sans forcément attendre qu'on veuille bien nous la donner.» Le groupe radical demande donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission des droits politiques, pour éventuellement changer quelques invites.

M. Yves Nidegger (UDC). La première chose qui m'a frappé et surpris dans cette proposition de motion, c'est sa date ! J'ai d'abord cru à un de ces textes déposés il y a quinze ans, qui traînent quelques lustres en commission avant de réapparaître dans un contexte où ils n'ont plus rien à faire. Mais non ! Cette proposition de motion a été déposée assez récemment, en 2007, année où le législatif de la Ville de Genève comporte une forte majorité de femmes, et ce texte apparaît donc comme un monstre du Loch Ness qui surgit dans un contexte plus ou moins absurde.

J'ai ensuite pensé qu'il s'agissait peut-être d'un texte déposé le 1er avril, mais ce n'est pas le cas non plus, de sorte que je n'ai plus su comment l'empoigner ! S'il en avait été ainsi, on aurait pu en rire en le prenant au second degré. Mais prendre au premier degré l'idée que les femmes seraient d'éternelles victimes de leur féminité, qu'elles seraient génétiquement incapables de comprendre quoi que ce soit à la politique, à moins qu'on ne leur donne des explications avec des mots adaptés à leur niveau, est proprement sexiste et je trouve cela parfaitement déplacé !

Les questions politiques du jour sont connues: ce sont la sécurité, le logement et les finances publiques. Alors, imaginer que les femmes seraient moins conscientes que les hommes de l'importance de la question de la sécurité ou que, en matière de logement, elles mesureraient moins la nécessité qu'il y a d'avoir un toit pour y élever une famille est tout à fait absurde. De plus, ayant réglé quelques cas de divorces dans ma carrière d'avocat, j'ai pu constater que les femmes, en matière d'argent, n'avaient pas grand-chose à apprendre des hommes lorsqu'il s'agit de calculer des budgets ou des prestations auxquelles prétendre.

Je crois que cette proposition de motion doit subir le même sort que l'émission intitulée «Desperate électrices» qui vient de prendre une volée de bois vert et de critiques, accompagnée d'une pétition pour qu'on la stoppe, parce qu'elle présente effectivement les femmes comme des nunuches à peine sorties de leur cuisine à qui il faudrait expliquer toutes choses.

Ce texte devrait donc s'appeler «Desperate féministes» ou «Desperate gauchistes», ce qui est à peu près, dans ce cas-là, la même chose, et je vous invite à ne pas entrer en matière.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Non, je ne pense pas que les femmes feront simplement et naturellement leur place ou qu'on la leur donnera par bonté ! Je crois que vous avez un peu oublié l'Histoire ! Les femmes ont dû s'engager, elles ont dû se battre, ne serait-ce que pour avoir le droit de vote, le droit à la contraception, etc.

En outre, je rappellerai à M. Nidegger qui fait des plaisanteries de mauvais goût que nous n'avons pas les mêmes salaires que les hommes, que les femmes sont encore très souvent payées entre 20 et 30% de moins, alors je crois qu'il ne s'agit pas de se poser en victimes mais simplement de constater des faits que nous avons voulu exposer. Les femmes sont effectivement moins représentées en politique et ont tendance à s'en désintéresser, mais non pas parce qu'elles sont moins intelligentes ou quoi que ce soit. Si l'on parle de campagne de sensibilisation, c'est bien pour pouvoir attirer aussi l'attention des jeunes filles. Il me semble que Mme Schmied l'a dit, on assiste à un retour en arrière et je crois que peut-être les nouvelles générations ont oublié que leurs aînées ont dû se battre pour arriver à avoir quelque peu les mêmes droits que les hommes. Et on est encore loin du compte !

En tous les cas, je vois que notre proposition de motion a égayé le parlement, c'est peut-être déjà un résultat ! Mais j'aimerais rappeler aux commissaires des droits politiques que, lorsqu'ils avaient sèchement refusé notre projet de loi sur la parité, ils nous avaient expliqué que ce n'était pas ce qu'il fallait faire et que nous devions proposer autre chose, parce que notre projet était trop contraignant. Et maintenant qu'on leur soumet une proposition moins contraignante, comme une campagne de sensibilisation - qui d'ailleurs a aussi été demandée sur le plan fédéral - eh bien, ils la refusent aussi ! Alors je ne sais pas quel type de complexe ils ont, mais je souhaiterais que nous renvoyons quand même ce texte à la commission des droits politiques, puisque, apparemment, il existe de nombreuses bonnes idées pour améliorer les choses.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme dans le débat précédent, il y a des faits, du droit, et l'un et l'autre sont extrêmement clairs. L'article 2A de la constitution genevoise pose le principe selon lequel «l'homme et la femme sont égaux en droits.» Mais la réalité, Madame la députée Gautier, est que ce n'est pas le cas, ni en matière salariale, ni sur un certain nombre d'autres sujets.

En application de ce principe constitutionnel - que l'on retrouve aussi en droit fédéral et international - votre Grand Conseil, en son temps, a voulu que soit créé le Service pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes - SPPE - dont la tâche est d'oeuvrer à ce que ce principe constitutionnel, que l'on peut du reste faire valoir devant les tribunaux, devienne une réalité, y compris dans des domaines où l'on n'a justement pas la possibilité d'exercer un droit subjectif. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au SPPE qui fait un travail remarquable et qui doit le poursuivre.

Maintenant, en ce qui concerne les invites de ce texte, j'ai plus de doutes et je remercie beaucoup Mme Patricia Läser d'avoir suggéré que l'on en change. En effet, il est demandé de lancer une campagne de sensibilisation, mais c'est ce que fait toute la journée le SPPE ! L'encourager à poursuivre dans cette voie ou lui dire de le faire encore davantage, volontiers ! Mais encore faut-il par ailleurs qu'il en ait budgétairement les moyens.

Quant au fait de promouvoir une éducation citoyenne sur les questions de genre, là aussi je connais le souci du département de l'instruction publique d'éviter que, dans l'enseignement, ou de toute autre manière, il y ait du sexisme. Cela se fait donc déjà et, s'il faut améliorer ou amplifier cette éducation, nous le ferons certainement !

Je vous rappelle que lorsque j'étais à l'école primaire, nous, garçons, allions jouer au football pendant que les filles prenaient des leçons de couture... Fort heureusement, cette époque est révolue ! Il y a probablement d'autres choses à améliorer, mais ne donnez pas l'impression, par ces invites, que personne n'a jamais rien fait. Concernant les nombreux collaborateurs qui sont engagés dans ces questions, je pense qu'il faut plutôt les soutenir et les inviter à continuer qu'autre chose.

Mesdames et Messieurs les députés, l'égalité entre hommes et femmes est un principe que le gouvernement a la charge d'appliquer, et, dans la mesure où il constate qu'il n'est pas pratiqué partout, il vaut la peine de poursuivre nos efforts.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1747 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 46 non contre 11 oui et 6 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1747 est rejetée par 29 non contre 28 oui et 8 abstentions. (Exclamations. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons clore là nos débats, mais tout d'abord j'aimerais vous remercier de la tenue des débats d'aujourd'hui et vous souhaiter d'excellentes vacances parlementaires ainsi qu'un très bel été. Enfin, je vous rappelle qu'il faut rendre votre inscription pour la sortie du Grand Conseil. Je vous souhaite une très bonne rentrée et vous remercie.

La séance est levée à 18h.