République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h15, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.

Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et David Hiler, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Caroline Bartl, Guy Mettan, Ariane Reverdin, André Reymond et Daniel Zaugg, députés.

Correspondance

La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Réponse du canton de Schwyz à la résolution du Grand Conseil adressée au Conseil fédéral et aux cantons riverains du lac des Quatre-Cantons (R 527) (C-2451)

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de Mme Françoise Schenk-Gottret : GLCT: transports publics transfrontaliers : oui ! Conditions de travail au rabais : non ! (IUE 429)

Interpellation urgente écrite de M. Renaud Gautier : Combien ? (IUE 430)

Interpellation urgente écrite de M. Christian Brunier : sur les éventuels cadeaux fiscaux offerts aux employé-e-s du WEF (IUE 431)

Interpellation urgente écrite de Mme Laurence Fehlmann Rielle : Publicité politique (in)admissible (IUE 432)

Interpellation urgente écrite de M. Olivier Jornot : Mendicité : le département des institutions se place-t-il au-dessus des lois ? (IUE 433)

Interpellation urgente écrite de Mme Ariane Wisard-Blum : A quand de plus justes allocations familiales à Genève? (IUE 434)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Antennes-relais pour les téléphones portables - quelle est la position de l'Etat ? (IUE 435)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Les mendiants professionnels (IUE 436)

IUE 429 IUE 430 IUE 431 IUE 432 IUE 433 IUE 434 IUE 435 IUE 436

La présidente. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit au plus tard lors de la session suivante.

Concernant l'IUE 409 de M. Gilbert Catelain, déposée le 4 mai 2007, «Impact des réévaluations de fonction sur les comptes de la République et canton de Genève», le Conseil d'Etat nous informe qu'il nous répondra lors de la prochaine session, en accord avec l'auteur.

IN 135
Initiative populaire 135 "Anti-dette"
IN 135-C
Rapport de la Commission des finances chargée d'étudier l'initiative populaire 135 « anti-dette »

Débat

La présidente. Avant d'entamer le débat, je tiens à saluer notre collègue Pierre Weiss et à lui souhaiter un très prompt rétablissement. (Applaudissements.) Monsieur le rapporteur de majorité, Pierre Kunz, vous avez la parole.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'aimerais commencer par apporter une petite correction à mon rapport... A la page 5, ce ne sont pas un radical et un radical qui ont voté en faveur de l'élaboration d'un contreprojet, mais un radical et un libéral - en plus de tous les autres, bien sûr !

Mesdames et Messieurs les députés, un Etat économe et efficace, un respect du principe de subsidiarité à l'égard des communes et des individus, une planification quadriennale, des exigences renforcées à l'égard du Grand Conseil s'agissant du vote de budgets déficitaires, des prestations publiques en adéquation avec les moyens de l'Etat: voilà ce que réclame l'initiative et ce que, probablement, tout le monde ici réclamerait aussi.

Mesdames et Messieurs les députés, si la loi le permettait, il suffirait que le Grand Conseil modifie le texte de l'initiative en question... Parce que la commission des finances se serait probablement très majoritairement unie pour accepter l'initiative 135 moyennant la modification de l'alinéa 3 de l'article proposé. C'est celui qui conditionne l'approbation par le Grand Conseil d'un budget de fonctionnement déficitaire ou dont le montant des dépenses dépasse le plafond fixé par la planification financière quadriennale au vote favorable d'au moins deux tiers des membres du parlement. Tant il est vrai que notre but à tous doit être une permanence de budget excédentaire ou, au moins, équilibré - et c'est bien à cela que, sauf exception prévue, nous oblige l'initiative 135 - et tant il est vrai aussi que la grande majorité de la commission des finances est convaincue, comme les initiants, qu'il faut mettre un terme si possible définitif à la gestion déplorable que connaissent depuis trop longtemps les finances publiques genevoises. Sauf - sauf ! - semble-t-il, le groupe socialiste... Fort heureusement d'ailleurs, pour notre démocratie, la modification du texte de l'initiative est impossible !

Ne reste donc, Mesdames et Messieurs les députés, que la voie du contreprojet... Et c'est ce que vous propose la majorité de la commission des finances !

Que devrait, selon la majorité de cette commission, contenir le contreprojet - à l'élaboration duquel, il faut le souligner, le Conseil d'Etat est prêt à s'associer ? Il devrait reprendre le contenu de l'initiative 135, mais ramener le nombre des voix nécessaires à l'adoption par le Grand Conseil d'un budget déficitaire à un niveau plus bas. Pourquoi ? Eh bien, pour éviter, étant donné la constellation politique de notre canton - un peu particulière, il faut le reconnaître - que le risque ne se concrétise que Genève, en période de difficultés financières, budgétaires, n'en vienne à devoir fonctionner durablement sans budget du tout.

Or le seuil fixé par les initiants pourrait conduire à cela ! Il permettrait en effet à des groupes parlementaires hétéroclites, voire totalement opposés dans leurs ambitions politiques, de faire échouer, année après année, le processus budgétaire. Selon la majorité de la commission des finances, le seuil adéquat à fixer devrait s'inspirer de ce qui se pratique dans d'autres cantons. Certes, il faut le renforcer, mais pas autant que ne le propose l'initiative. Par exemple, à Bâle-Ville, il est à 66% des députés présents; dans le canton de Vaud, c'est la majorité absolue des élus, soit cinquante voix plus une.

Voilà, Mesdames et Messieurs ! En vertu de ces explications, la commission des finances vous propose et, même, vous recommande: premièrement, de rejeter l'initiative 135 et, deuxièmement, d'élaborer un contreprojet.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord vous remercier des gentilles paroles que vous avez prononcées en début de séance. A défaut d'avoir une foi en mesure de déplacer les montagnes, j'espère avoir une conviction suffisante pour faire se lever les paralytiques et les blessés, pour vous convaincre qu'il ne faut pas se contenter d'un contreprojet, qu'il est très important d'adopter cette initiative. Le contreprojet serait vraiment un pis-aller, compte tenu de la gravité de la situation actuelle !

Car la situation actuelle est la suivante: la dette explose et le récent plan financier quadriennal déposé par notre Conseil d'Etat nous montre que, jusqu'en 2011 au minimum, la dette va continuer à augmenter ! En d'autres termes, l'objectif qu'il s'était fixé de la maintenir en dessous de 13 milliards ne sera pas atteint. Voilà déjà un premier point qu'il convenait de rappeler. La dette, déjà aujourd'hui, est supérieure à 32 000 F par habitant: nous dépassons les critères de Maastricht, mais, évidemment, dans le mauvais sens ! Nous devons nous soucier d'un développement durable des finances publiques. Et, sur ce point, d'ailleurs, je sais parfaitement que mon collègue Pierre Kunz est d'accord avec moi.

Il en est ainsi, parce qu'il y a des raisons structurelles, effectivement, à la dérive des finances publiques. Nous le savons. Mais nous savons aussi que, malgré les efforts de rationalisation de l'actuel Conseil d'Etat, le ninisme ne peut pas se transformer en religion d'Etat: ces efforts de rationalisation ont une limite ! Il convient donc de compléter l'architecture de rigueur qui existe en théorie, mais qui, dans la pratique, ne sert pas à grand chose. Une loi avait été jadis votée qui aurait obligé à ce que l'équilibre soit atteint en 1997... La dette commence-t-elle à diminuer en l'an 2000 ? Vous savez très bien, cher Pierre Kunz, combien cela appartient au rêve et non pas à la réalité !

En d'autres termes, si nous poursuivons le même combat, vous, majorité de la commission des finances et Conseil d'Etat et, nous, initiants, nous le poursuivons avec des armes différentes. Car, alors que vous considérez ce tiers de minorité comme une minorité de blocage, nous considérons que le fait qu'un budget déficitaire doive être adopté à la majorité des deux-tiers représente une garantie d'unité de ce parlement pour que, en cas de situation exceptionnelle, celui-ci s'entende pour accepter d'adopter un budget déficitaire ou qui s'écarte du plan financier quadriennal. Cela doit rester un acte véritablement extraordinaire et il doit pouvoir s'accomplir par une volonté importante, qui dépasse la simple majorité usuelle.

D'ailleurs, l'argument du Conseil d'Etat selon lequel la majorité qualifiée romprait la légitimité démocratique n'est pas pertinent. En effet - et vous l'avez rappelé - d'autres cantons fonctionnent ainsi: onze cantons sur vingt-six appliquent des systèmes de frein aux dépenses. Ils se départissent peu ou prou du système de la majorité normale en cas de budget déficitaire, et la plupart d'entre eux ont résolu leur problème d'endettement ! Nous, à Genève, non seulement nous ne l'avons pas résolu, mais nous continuons à l'augmenter ! C'est pour cette raison qu'il convient de mettre en place à Genève un système de majorité qualifiée - il est constitutionnellement et politiquement admis par la Confédération et il est pratiqué par d'autres cantons - qui soit, en outre, le plus rigoureux possible compte tenu de la dérive inquiétante que nous constatons dans notre canton.

En d'autres termes, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, je ne vous propose pas de voter en faveur de l'initiative par compassion, je vous le propose par conviction, parce qu'elle seule est véritablement en mesure de baisser notre dette. Nous ne devons pas léguer à nos enfants une telle dette, car elle représente une diminution de leur marge de manoeuvre, une diminution de leur liberté dans l'utilisation des deniers publics !

M. Pierre Losio (Ve). La conviction de notre collègue Pierre Weiss ne nous a ni émus ni convaincus... Encore un remède supplémentaire qui s'ajoute à la pharmacopée législative pour soigner la dette !

Mais cette initiative que l'on appelle «anti-dette» est trompeuse sur l'étiquette. Et je ne polémique pas, puisque, lors de l'audition en commission des finances, les bons docteurs Jornot et Barro ont reconnu eux-mêmes qu'elle n'avait qu'un assez lointain rapport avec la dette et qu'elle aurait pu s'intituler, à la rigueur, initiative «anti-déficit»... En effet, il faudrait quelques prouesses pédagogiques pour expliquer aux citoyens qu'il est possible de dégager des résultats positifs d'un budget de fonctionnement sans, pour autant, diminuer la dette !

Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative fait référence au plan financier quadriennal. Au passage, je tiens à manifester, de la part du groupe des Verts, notre satisfaction quant à la qualité du plan financier quadriennal qui a été présenté par le Conseil d'Etat. En effet, aucun des scénarios n'a été évacué, les informations sont tout à fait complètes, toutes les pondérations dans l'appréciation de la situation ont été effectuées et ce document est d'une très grande transparence.

Quant à inscrire le plan financier quadriennal dans la constitution, c'est une autre option que nous ne soutenons pas ! En effet, l'architecture constitutionnelle prévoit des normes qui doivent pouvoir s'inscrire dans la pérennité. Or on sait très bien qu'un plan financier quadriennal ne peut vraiment pas s'inscrire dans la pérennité. Je serais prêt à parier - et beaucoup d'entre vous le seraient aussi - que si le Conseil d'Etat devait présenter un nouveau plan financier quadriennal à la fin du mois de juin, il serait déjà sensiblement différent de celui que nous avons reçu. Cela d'autant plus qu'il est prévu, à l'alinéa 3 de l'initiative, qu'il faudrait respecter, par une norme de vote particulier de notre Grand Conseil, un budget déficitaire qui dépasserait même le montant fixé par le plan financier quadriennal, alors qu'on sait très bien que ce dernier comprend un certain nombre de paramètres aléatoires. Ne serait-ce, pour cette année, que la RPT, ne serait-ce que la charge que vont représenter les amortissements dus à la réévaluation des actifs de l'Etat, et je passe sur d'autres exemples ! Le plan financier quadriennal comporte de nombreux aléas et de nombreux impondérables. Non seulement il ne doit pas être un outil figé, mais il doit être constamment réévalué en fonction de l'évolution de la conjoncture économique et des rentrées fiscales !

Nous ne pouvons donc pas souscrire à l'inscription dans la constitution du plan financier quadriennal comme référence. D'autant moins qu'il nous est même arrivé de voter des budgets déficitaires et, à la suite des comptes et états financiers rendus à la fin de l'exercice, de nous retrouver dans une situation complètement inverse.

En résumé, cette initiative a un lointain rapport avec la dette. S'agissant du plan financier quadriennal, nous ne sommes pas favorables à l'inscription de cet outil dans la constitution.

Quant à la majorité qualifiée, nous disons: attention, danger ! Pour plusieurs raisons. Je conviens volontiers, comme l'a dit le préopinant libéral du rapport de minorité, que d'autres cantons ont adopté cette norme et qu'elle n'est absolument pas anticonstitutionnelle. Je ne le conteste pas.

Mais nous avons une appréciation différente en ce qui concerne la majorité qui doit s'exprimer dans un Grand Conseil...

Tout d'abord, avec une majorité qualifiée - c'est un argument par l'absurde évoqué par notre collègue Velasco en commission - il suffirait que deux groupes parlementaires ou deux groupes parlementaires et demi décident d'être absents lors du vote budgétaire pour faire capoter le budget... Evidemment, je n'imagine pas que des groupes puissent le faire, par sens des responsabilités politiques, mais, enfin, c'est un cas de figure qui pourrait se présenter !

Par ailleurs, cela ouvrirait la porte à des arrangements très ponctuels entre partis qui ont, à mes yeux, un relent de quatrième République française qui ne nous plaît vraiment pas du tout.

Et puis, avec ce système de majorité qualifiée, des groupes politiques, pour des arguments absolument antagonistes, pour des options politiques complètement différentes, pourraient également faire capoter le budget.

Enfin et surtout, une telle norme risque, pour certains exercices et peut-être de manière régulière, de nous faire entrer dans le processus des douzièmes provisoires. Ce qui est effectivement un message politique très négatif par rapport à la population et par rapport à la motivation de l'administration: il fige le fonctionnement de l'Etat et il nous plonge dans la paralysie et l'immobilisme.

Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts vous invite à refuser cette initiative anti-dette qui n'a que le nom «d'anti-dette». Quant au contreprojet, nous acceptons d'en prendre connaissance en commission.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Les socialistes affirment leur volonté d'équilibrer, à terme, les finances du canton de Genève. Cet équilibre est nécessaire pour garantir des prestations de qualité à la population et maintenir une cohésion sociale, atouts principaux de Genève.

Nous sommes persuadés que les propositions contenues dans cette initiative vont à fins contraires. C'est la raison pour laquelle les socialistes sont favorables au rejet de l'initiative 135 et s'opposent à l'élaboration par le Grand Conseil d'un contreprojet à cette initiative.

Cette initiative représente très clairement une entrave à la démocratie. En effet, elle prévoit une majorité qualifiée des deux-tiers des membres du Grand Conseil pour: «L'approbation d'un budget de fonctionnement déficitaire ou - et je souligne le «ou», parce que les initiants passent comme chat sur braise sur ce qui suit ce «ou», non souligné dans le texte - dont le montant des dépenses dépasse le plafond fixé par la planification financière quadriennale [...]» et de l'inscrire dans la constitution. Qu'est-ce que cela veut dire, très concrètement ? Et il n'y a pas un mot à ce sujet dans l'exposé des motifs, qui ne parle que d'un budget déficitaire... J'attire votre attention sur le fait que la façon dont l'alinéa 3 est formulé inclut également des budgets présentant des résultats bénéficiaires, à condition que les dépenses dépassent les montants indiqués dans le plan quadriennal ! C'est, entre parenthèses, la raison pour laquelle les socialistes ont émis un léger doute sur les véritables intentions des initiants, tout en souhaitant être convaincus qu'elles soient bonnes.

Si cette norme de majorité qualifiée était adoptée, des groupes représentant des minorités de la population pourraient, même pour des motifs totalement opposés, priver l'Etat d'un budget souhaité par les représentants de la grande majorité de la population - soit soixante-six députés sur cent, si on suit le texte de l'initiative. A notre avis, ce n'est pas admissible et, de plus, c'est extrêmement dangereux pour nos finances ! Le Grand Conseil - je termine par là - ayant plébiscité une constituante, les réflexions sur le fonctionnement de notre démocratie se feront lors des travaux et non pas de cette façon que je qualifie de «bâclée» !

Les socialistes s'opposent, par conséquent, à l'initiative ainsi qu'à l'élaboration d'un contreprojet à celle-ci et ils vous invitent à faire de même. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour les membres du parti démocrate-chrétien, cette initiative a le mérite de poser une question essentielle, et nous ne pouvons qu'adhérer au principe de réduire la dette.

Néanmoins, si le principe est tout à fait acceptable - et nous nous battons pour cela - le modèle de cette initiative représente, pour nous, le plus grand risque de rendre, en fin de compte, inapplicables les intentions de celle-ci. En effet, les rigidités, les contraintes qu'elle implique - elles ont, d'ailleurs, déjà été relevées - imposent de prendre le risque de priver le canton de budget, ce qui est pour nous tout à fait inacceptable pour la gestion des institutions.

Le groupe démocrate-chrétien a évoqué en séance sa préférence pour une formulation moins contraignante: par exemple, l'approbation d'un budget déficitaire, pour la deuxième année consécutive et dont le montant des dépenses dépasse le plafond fixé par la planification financière quadriennale, devrait requérir la majorité des trois-cinquièmes des votants, soit soixante et une voix.

C'est pourquoi nous sommes tout à fait prêts à soutenir le principe d'un contreprojet pour éviter le blocage que nous redoutons. Le groupe démocrate-chrétien vous recommande de rejeter l'initiative 135 et de prévoir l'élaboration d'un contreprojet.

M. Olivier Jornot (L). Messieurs les rapporteurs, vous avez, tout à l'heure, parlé d'or l'un et l'autre... Et c'était un bonheur que de vous entendre: nous avions le choix entre la rigueur et la grande rigueur !

Et puis, tout d'un coup, les choses ont tourné un peu différemment... Nous avons entendu dans cette salle les prises de position de certains groupes parlementaires qui nous ont expliqué vouloir redresser les finances publiques, mais pour lesquels la solution proposée n'est jamais la bonne: soit pour des raisons sémantiques, chez les Verts, soit par méfiance, chez les socialistes, qui craignent que les textes ne cachent autre chose.

Malgré tout, il faut constater que la majorité des députés dans cette enceinte sont d'accord sur un certain nombre de principes qui figurent dans le texte de cette initiative, ce qui est réjouissant. Et ces principes sont importants, notamment celui qui prévoit le réexamen périodique des prestations et des subventions. Nous devrons donc faire en sorte, lorsque cette initiative aura été acceptée par le peuple - ou, éventuellement, un contreprojet qui en diffère légèrement - de mettre en place un mécanisme qui contraigne véritablement les autorités de ce canton à revoir régulièrement la nécessité et l'adéquation financière des prestations et des subventions. Cela permettra d'éviter un des défauts genevois qui consiste à empiler constamment de nouvelles prestations de l'Etat sans se demander si les prestations précédentes sont toujours utiles...

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, c'est au pied du quorum que l'on reconnaît le Grand Conseil, parce que, finalement, c'est cette disposition - celle qui introduit un quorum - qui fait couler le plus d'encre et qui suscite le plus d'oppositions. Pour quelle raison ? Parce que cette mesure pourrait - c'est vrai - nous obliger à nous départir de certaines mauvaises habitudes. Elle pourrait faire en sorte qu'un certain nombre de budgets ne soient plus votés par une majorité de hasard. Elle pourrait, en effet, susciter des discussions entre nous débouchant sur des accords. Monsieur Losio, les accords entre les partis ne sont pas nécessairement méprisables: ils peuvent conduire des partis à chercher à oeuvrer ensemble au redressement des finances.

Cette initiative se base sur la solution bernoise, adoptée en 2002 par ce canton, à raison d'une majorité populaire de 79% des voix, comme le rappelle le rapport de minorité. Je dis bien 79% des voix ! Cette solution bernoise propose qu'un budget déficitaire soit accepté par trois-cinquièmes des membres du parlement, soit 60%. Comme les Bernois sont prudents et les Genevois peut-être un peu plus dépensiers, nous avons estimé à l'époque qu'une majorité des deux-tiers serait adéquate. Et nous avons ajouté une disposition qui vise à lutter contre un mal typiquement genevois lui aussi, qui consiste, dès que la conjoncture s'améliore, à rouvrir toutes grandes les vannes et à dépenser joyeusement. Nous avons donc en effet prévu d'exiger également la majorité qualifiée si l'on veut dépenser davantage que ne le prévoit le plafond de dépenses du plan financier quadriennal. Ça c'est pour les périodes de haute conjoncture, celles où les budgets sont bénéficiaires.

De cette expérience bernoise, que faut-il retenir, Mesdames et Messieurs les députés ? Il faut d'abord retenir que le système est parfaitement conforme à notre démocratie helvétique, puisque la constitution bernoise a obtenu la garantie fédérale - la constitutionnalité, donc, de ce texte - et qu'un mécanisme de ce type est parfaitement acquis.

Le deuxième enseignement qu'il faut retenir, c'est que le peuple aime bien contraindre ses autorités; il aime bien leur fixer un cadre, lorsqu'il a le sentiment que les autorités n'arrivent pas toujours à se contraindre elles-mêmes.

C'est la raison pour laquelle, si d'aventure il ne devait pas y avoir une majorité dans ce parlement pour soutenir cette initiative, je vous incite, Mesdames et Messieurs les députés, à choisir dans un contreprojet une solution qui soit très proche, parce qu'autrement il est à craindre, pour ceux qui sont très opposés à ce système, que le peuple préfère l'original à la copie, qu'il préfère un système contraignant à un système flou. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). Il a fallu plus d'une dizaine d'années pour que l'idée fasse son chemin que l'endettement, même à Genève, est un problème, voire un problème grave... Aujourd'hui, il y a un consensus absolument général pour admettre que la dette, qui a entre-temps atteint 13 milliards, voire plus - sans compter les engagements - est tout simplement insupportable.

Cette merveilleuse progression dans la réflexion étant faite, il risque de falloir également une bonne dizaine d'années, voire plus, pour admettre l'idée que les déficits des budgets et la dette sont effectivement liés. Chose qui est déjà claire dans l'esprit de certains d'entre nous, mais, apparemment, pas du tout pour la majeure partie de ce parlement.

On reproche à cette initiative d'être anti-démocratique... En fin de compte, le fond de l'affaire, c'est de se demander si un budget déficitaire est quelque chose de grave, quelque chose de sérieux, quelque chose dont il faut se préoccuper, ou si c'est quelque chose d'anodin qui, à Genève, ne doit pas nous inquiéter. C'est cela le fond du problème ! Parce que nombreux sont les mécanismes qui prévoient qu'il faut une majorité qualifiée lorsqu'il s'agit de prendre des décisions graves qui engagent le présent, mais aussi le futur et personne ne hurle qu'il s'agit de mécanismes antidémocratiques ! Or l'aggravation de notre dette, déficit après déficit, et le fait de léguer cette dette aux générations suivantes est quelque chose de grave. Si une association, même petite, décide de changer ses buts, son nom ou doit prendre une décision d'une certaine importance, les articles du code civil stipulent qu'il faut une majorité qualifiée, parce que le législateur estime que chaque décision grave doit correspondre à une réelle certitude qu'elle sera soutenue, précisément, par cette majorité qualifiée. Dès lors que la dette atteint déjà 13 ou 14 milliards, sans compter les engagements, c'est une décision grave d'assumer, face aux générations futures, un déficit supplémentaire et, donc, une dette supplémentaire ! Quand on prend une telle décision, il faut être certain de pouvoir l'assumer ! Il ne faut pas, par le hasard d'une courte majorité, prendre une décision importante et aller se coucher après... Il faut être sûr que l'ensemble des partis, au-delà des majorités habituelles, vont assumer cette décision.

Or ce que nous entendons à ce propos, c'est que la dette est une mauvaise chose et qu'il faut essayer de revenir à l'équilibre par rapport aux déficits... Soit ! Mais ce serait se lier les mains de manière insupportable que de renoncer à se dégager de cette manie d'être déficitaire - une situation dans laquelle nous nous sommes installés de manière apparemment durable...

Certes, cette limitation de notre souveraineté a un côté peu sympathique. C'est comme ces gens qui, se sachant atteints d'une addiction, vont volontairement se faire interdire de casino... C'est la même chose ! Le canton de Genève, vu l'état dans lequel il est, va se faire interdire de casino ! Il a raison de le faire, et cette initiative doit être soutenue pour cela. Et enfin, admettons-le, nous sommes un peu malades, un peu sujets à addiction en matière de dépenses supérieures à nos recettes... Les quinze dernières années en tout cas démontrent cette habitude, cette incapacité, malgré toutes les promesses d'ivrognes que nous avons faites, malgré toutes les déclarations, budget après budget, comptes après comptes, toutes les réticences, toute la répugnance, même, à continuer à mener un train de vie excessif. Eh bien, malgré tout cela, nous replongeons chaque année, et il y a fort à parier que le prochain budget sera également déficitaire, si on le calcule vraiment dans le détail.

Il convient donc de soutenir cette initiative, qui est une bonne chose. C'est également une démarche d'humilité: il faut admettre que nous avons une faiblesse de caractère et qu'il faut nous donner les moyens de la corriger.

Quant au contreprojet, je ferais la même analyse que celle de M. Jornot. Je crois que le peuple en a tout simplement marre de voir la classe politique parler des problèmes, mais ne pas les résoudre !

M. Alberto Velasco (S). En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, nos collègues libéraux nous proposent un régime d'exception pour une situation dont ils sont responsables... Il ne faut en effet pas oublier que les difficultés rencontrées par le Conseil d'Etat proviennent entre autres et notamment de la fameuse baisse des impôts de 12%... (Exclamations.) Mais, oui ! Mais, oui ! Et il faut sortir de cette situation. Cela représente un manque à gagner de 1,5 milliard dans les comptes aujourd'hui ! Le Conseil d'Etat nous a dit en commission des finances que les mesures prises arrivaient au bout de leur efficacité et que, malgré ces mesures, il n'arrivait pas à équilibrer le budget: ça, c'est la réalité, Mesdames et Messieurs les députés !

Alors, revenons maintenant aux propos de M. Jornot ! Moi, je considère, voyez-vous - et vous passez comme chat sur braise sur l'alinéa 5, ce qui est extraordinaire, car son texte est terrible - que nous devons nous préoccuper du bien-être des citoyens de la République. Ce bien-être est consacré dans les lois, et le Conseil d'Etat élabore son budget sur la base des lois, et cela à plus de 95% ! Si demain le budget doit être déficitaire pour permettre de terminer un hôpital ou pour le réseau public, que voulez-vous faire ? Vous voulez contraindre le Conseil d'Etat à ne pas présenter de budget déficitaire et à procéder à des coupes en matière de santé, en matière d'instruction publique ? Pourtant, vous savez très bien que la conjoncture est fluctuante ! Vous le savez, cette année, nous avons un boni de 300 millions en raison d'une bonne conjoncture, mais le système dans lequel nous vivons fluctue. Peut-être que, dans trois ou quatre ans, nous connaîtrons une mauvaise conjoncture, et le Conseil d'Etat sera alors obligé de présenter un budget déficitaire. Et vous voudriez que le Conseil d'Etat joue au yo-yo avec son budget, en procédant à des coupes simplement parce que la conjoncture est mauvaise ? Mais ce n'est pas possible !

Techniquement, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est impossible à appliquer ! Vous corsetez l'Etat encore plus qu'il ne l'est déjà ! Vous savez, Monsieur le procureur... (Exclamations. Rires.) Vous êtes un procureur ! (Exclamations.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez cité dans votre rapport toute une série de lois, qui ont déjà corseté financièrement le Conseil d'Etat. Cela obligera peut-être le Conseil d'Etat à soumettre au peuple l'option suivante: plus d'impôts ou des coupes dans les prestations. Et vous voudriez encore faire passer cette initiative qui représente, en réalité, un déni de démocratie !

Mais au nom de quoi prétendez-vous que la majorité des députés élus par le peuple ne pourraient pas décider d'accepter un budget ? Au nom de quoi ? Pourquoi vouloir fixer cette majorité aux deux-tiers ? Tout simplement parce que vous savez très bien que vous ne pouvez pas refaire le budget et qu'il vous faut un moyen pour le stopper ! Et, donc, vous avez décidé de vous attaquer à ce parlement.

Cela veut dire qu'aujourd'hui il suffirait que le groupe UDC et le groupe libéral se mettent d'accord, malgré le fait que le parti démocrate-chrétien, les Verts, les radicaux et les socialistes et peut-être même le MCG... (Exclamations.) ...sont d'accord avec ce budget, il suffirait, donc, que l'axe Verts - UDC se mette d'accord... (Rires et exclamations.) Excusez-moi ! (Exclamations.) Excusez-moi: je reprends ! Il suffirait, donc, que l'axe libéral - extrême-droite décide de ne pas voter le budget, pour que tous les autres partis qui ont décidé de le voter ne puissent pas le faire, et le déficit ne serait pas accepté ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Eh bien, bravo, Messieurs les libéraux: votre politique libérale en la matière est digne du XVIIIème siècle ! Vous proposez-là une grande avancée pour notre République !

Mesdames et Messieurs, c'est un déni de démocratie: il faut voter non, non et non à cette initiative ! (Applaudissements.)

M. Claude Jeanneret (MCG). Nous avons entendu beaucoup de choses sur le fait qu'il faudrait rééquilibrer le budget de l'Etat et réduire le déficit...

Je voudrais tout de même signaler à mon collègue Velasco que la baisse des impôts n'a peut-être pas amélioré les choses, mais que la dette de Genève était antérieure à cette décision... Je lui dirai également que la mesure est un peu sévère, car exiger une majorité qualifiée des deux-tiers représente une prise de pouvoir par la minorité !

Par contre, me semble-t-il, il ne serait pas responsable de ne pas donner un signal clair au Conseil d'Etat que nous ne voulons plus de budget déficitaire pour le futur. Je rappelle en effet que notre dette dépasse les 13 milliards. En imaginant que les taux d'intérêts n'augmentent que de 1%: c'est quasiment le coût de la nouvelle RPT que nous ajoutons à notre budget ! Il faut donc tout de même prendre les choses au sérieux et commencer à devenir adultes dans nos décisions. Nous ne devons plus nous contenter de procéder à de simples liftings: nous devons prendre le mal à la racine. Le projet de GE-Pilote est réconfortant: il est en train de se mettre en place. Certaines prestations vont être valorisées, et cela nous permettra de définir ce qui est nécessaire ou non, plutôt que de voter des budgets de fonctionnement.

Bref, je pense que le projet présenté par le groupe libéral est trop radical. Par contre, donner à une majorité qualifiée la possibilité de refuser un budget déficitaire serait un signe clair, net et précis du parlement au gouvernement qu'il ne veut plus que l'Etat s'endette. Je souhaite donc que l'on demande au Grand Conseil d'élaborer un contreprojet qui soit plus raisonnable, mais néanmoins significatif.

La présidente. Je salue à la tribune notre ancien collègue, Jean-Claude Dessuet. (Applaudissements.) Monsieur le député Christian Bavarel, vous avez la parole.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Madame la présidente. Cette initiative aurait dû s'intituler «initiative pour des douzièmes provisoires». En effet, le mécanisme que l'on nous propose est tel que chaque fois que l'on n'arrivera pas à obtenir la majorité des deux-tiers pour accepter un déficit, nous serons obligés de fonctionner avec les douzièmes provisoires. Je me demande bien quelle vertu vous trouvez aux douzièmes provisoires ! Je ne comprends pas que vous puissiez dire que c'est la meilleure méthode pour gouverner lorsque la situation est difficile. C'est assez surprenant !

Les douzièmes provisoires sont un signe à l'administration que ceux qui ont mis un peu d'argent de côté, dont le budget est un poil trop important, ont eu raison, parce qu'ils se retrouvent avec la même somme l'année d'après. Par contre, ceux qui ont été précautionneux avec l'argent de la République, eux, se retrouvent le bec dans l'eau. Les douzièmes provisoires - nous le constatons depuis des années - est le pire des signes politiques que nous puissions donner d'année en année: c'est chaque fois un constat d'échec.

Et que propose votre initiative ? C'est d'en faire une règle ! C'est de décider de renoncer à prendre des mesures intelligentes pour rééquilibrer le budget qui est déficitaire ! Pour les libéraux, il semble que les douzièmes provisoires aient une vertu, mais je voudrais bien que l'on m'explique laquelle ! Je suis incapable de comprendre !

C'est pour cette raison que les Verts combattront cette initiative.

M. Renaud Gautier (L). Un premier constat: ce parlement est objectivement en faveur de l'augmentation de la dette et de l'augmentation du déficit. (Exclamations.)

Deuxième constat: je regrette, Madame la présidente, que vous n'interveniez pas lorsqu'un député qui n'y connaît, somme toute, pas grand chose en matière de finances avance perpétuellement l'argument du déni de démocratie. Mais qui est-il pour porter un tel jugement ? In fine, comme cela a été dit dans ce parlement, c'est le peuple qui tranchera: à la limite, c'est à lui de parler de déni de démocratie. Ce n'est pas à un député de ce parlement de dire qu'une idée qui n'est pas la sienne représente forcément un déni de démocratie. C'est refuser d'essayer de trouver des solutions !

Et c'est là que je voulais en venir. Ce qui est intéressant dans ce débat, c'est que la plupart des députés de ce parlement partent du principe qu'il est impossible d'arriver à se mettre d'accord sur un budget, alors que le problème est le même dans d'autres cantons de Suisse. Une fois de plus, c'est une Genferei ! Il semple plus facile à la majorité du parlement de laisser filer la dette et d'attendre que les 5% de la population genevoise qui payent environ 80% des impôts disent que cela suffit... Et l'autre argument avancé tout à l'heure, qui est une sempiternelle et ennuyeuse litanie consistant à mettre tout le poids de la faute de la dette sur une initiative voulue par 60 % de la population - je veux parler de la baisse d'impôt - est un argument dont le moins que l'on puisse dire, pour rester poli, est qu'il est un peu court !

Alors, de deux choses l'une: ou ce parlement constate qu'il est incapable de se mettre d'accord, il refuse l'hypothèse que 60% de ses membres puissent voter le budget et, in fine, c'est le peuple qui devra trancher... On remarque en passant que ce sont toujours les mêmes qui disent que c'est la faute des autres, qu'eux sont d'accord, alors qu'objectivement, cette initiative des libéraux n'est en fait qu'une porte ouverte pour les âmes de bonne volonté - mais il n'y en a manifestement pas beaucoup ! Ou l'on est d'accord sur cette idée... (L'orateur est interpellé.) ...mais pas de cette manière... On est d'accord sur l'idée, mais pas sur le seuil fixé à 60%, alors, on cherche à repousser les choses pendant un an pour fixer un autre taux: c'est du bricolage ! Que trouverez-vous à dire à ce moment-là ? Que la majorité du parlement ne suffit pas pour adopter un budget et que, somme toute, un budget déficitaire peut être accepté par 10% du parlement - c'est-à-dire l'inverse ? Ce n'est pas sérieux !

Tous groupes confondus, vous prétendez que vous voulez réduire la dette... Mais vous ne montrez pas une réelle volonté d'y arriver, puisque vous refusez l'hypothèse que les groupes peuvent se mettre d'accord et se donner des moyens de contrainte suffisants.

M. Jean-Marc Odier (R). Lorsqu'un Etat a 12 milliards de dette, c'est qu'il est réellement dans l'incapacité de la réduire...

Une voix. Treize !

M. Jean-Marc Odier. Treize ! ...rapidement, et il est tout à fait normal que cela suscite des réactions.

Le parti radical est donc tout à fait d'accord avec le but visé par cette initiative, dont il soutient pratiquement tous les alinéas, à l'exception de l'alinéa 3.

Par définition, un budget ne devrait pas pouvoir être déficitaire... Cela me semble être logique pour une entreprise, mais l'Etat n'est pas une entreprise. Il faut se rendre compte que la plupart des charges de l'Etat sont constantes dans la durée. Elles sont inscrites dans le long terme et, même, elles augmentent un peu. D'une année à l'autre, il est bien sûr très difficile de prendre des mesures pour réduire l'une ou l'autre de ces charges qui sont souvent liées à des lois.

En revanche, les recettes sont complètement imprévisibles: les comptes 2006 en sont un exemple notoire, puisqu'ils ont montré un excédent de recettes imprévu qui a bien arrangé tout le monde... Dans ces circonstances, il faut bien admettre qu'un exercice puisse être déficitaire de même que le budget de fonctionnement - les prévisions. Par contre, il n'est pas normal de cumuler ces possibilités pendant dix ans avant de pouvoir retrouver un équilibre.

C'est pour cela, à mon avis, qu'il faut trouver un autre outil que celui qui nous est proposé dans cette initiative. Les contraintes proposées dans le projet de loi que nous vous suggérons d'élaborer devraient être liées au plan quadriennal financier, de manière à offrir une certaine souplesse. Il faut permettre de ne pas forcément réduire la dette une année et, en même temps, il faut obliger à le faire systématiquement dans les exercices suivants, de manière à retrouver l'équilibre.

Le système proposé par cette initiative est beaucoup trop contraignant et, de plus, il permettrait à une minorité du parlement de refuser le budget. Sans budget, en situation de blocage, l'Etat ne peut pas fonctionner au mieux avec les douzièmes provisoires. L'administration ne peut pas développer ses projets, et il ne s'agit pas d'une gestion raisonnable.

C'est pourquoi nous vous proposons de refuser l'initiative et d'élaborer un contreprojet.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi de reprendre un élément extrêmement important évoqué par M. Renaud Gautier, tout à l'heure: il faut imaginer un moyen de mettre tout le monde d'accord... Cette initiative est fondée sur un constat absolument indiscutable: oui, il faut réduire la dette. Mais si elle n'est pas applicable et si elle ne sert, finalement, qu'à dresser les groupes parlementaires les uns contre les autres, je ne vois pas en quoi elle est un outil utile pour gérer la dette, voire la réduire.

Comme tout le monde, je suis indignée que cette dette coûte 1 million par jour d'intérêt: c'est effectivement scandaleux ! (L'oratrice est interpellée.) Oui, tout le monde est indigné ! (L'oratrice est à nouveau interpellée.) Je parle de ce parlement, Monsieur ! C'est pourquoi un contreprojet à cette initiative pourrait inciter ce parlement à mettre toute son énergie pour trouver une solution qui ne dresse pas les groupes les uns contre les autres. Car ce n'est évidemment pas de cette manière que nous pourrons arriver à réduire la dette et que nous pourrons faire fonctionner l'Etat.

Par conséquent, ce contreprojet - je me permets de le dire à M. Renaud Gautier - représente peut-être un moyen de réunir une vraie majorité pour sortir enfin le canton de la dette.

M. Claude Marcet (UDC). Je serai très bref. Cela fait des lustres que nous constatons que nous sommes incapables de gérer correctement les finances de l'Etat de Genève. (L'orateur est interpellé.) Il faut le savoir ! Et ce n'est pas la faute de la droite, Madame ! A force de demander de couvrir des charges avec des moyens financiers que, manifestement, nous n'avons pas, nous sommes arrivés à une situation catastrophique ! Il faut le savoir !

On parle d'une dette de 13 milliards... Elle n'est pas de 13 milliards: elle est proche des 20 milliards ! Selon ce que l'on entend, la dette est de 13 milliards à Genève, mais on parle ici des seuls 13 milliards monétaires. Nous avons d'autres dettes, notamment le déficit actuariel des caisses de retraite publiques - un jour, il faudra le prendre en charge - qui atteint 4 milliards ! Le problème n'est pas là !

Le fait est que nous sommes dans l'incapacité de prendre les mesures quand il faut les prendre, pour des raisons x, y, z, qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ici. (Exclamations.) Pourtant, il faut prendre les mesures qui s'imposent, lorsque les dérives sont inacceptables, et cette initiative va exactement dans le bon sens ! Alors, elle n'est peut-être pas parfaite, mais c'est un outil qui nous permettra au moins de ne pas arriver à 20 milliards de dette monétaire demain ! Manifestement, nous sommes le plus mauvais élève de la Confédération Suisse ! Et je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir !

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Il ne faut pas rater cette occasion, puisque nos adversaires ne s'en privent jamais, de tordre le cou à ce que j'appelle le trouble obsessionnel compulsif de la gauche, qui prétend que les difficultés de ce canton proviennent de la baisse d'impôt de 12% voulue par le peuple... (Exclamations.) Il faut le dire: nos difficultés, Mesdames et Messieurs les députés, proviennent tout simplement du fait qu'en vingt-cinq ans les dépenses de ce canton ont triplé !

Cela dit, j'aimerais dire à nos collègues libéraux et UDC qu'en fait cette initiative ne concerne pas vraiment la dette. Une dette publique se gère dans la durée: elle se gère à l'aide d'une volonté politique. Cette initiative, elle, concerne les déficits, les déficits successifs - en tout cas de l'avis de ceux qui sont favorables à un contreprojet.

Le contreprojet à l'initiative 135, une fois adopté, permettra, avec les autres moyens législatifs dont nous disposons désormais, de prévenir la succession des déficits budgétaires. Mais il faut tout de même prévoir le cas où ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat seraient confrontés à des difficultés conjoncturelles extrêmement graves, liées à une chute brutale des recettes. Il faut tout de même pouvoir faire face à une telle situation sans pour autant devoir fonctionner pendant plusieurs années sans budget.

A l'intention du groupe socialiste, je répète encore une fois que l'initiative 135 et son futur contreprojet ne sont pas des mangeurs de prestations publiques ! Ils réclament simplement l'adéquation des dépenses aux moyens de notre collectivité, et cela, dans le cadre du concept du développement durable, auquel nos amis Verts ont bien compris qu'il fallait se conformer, en matière de finances publiques aussi.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Ce débat, qui dure depuis maintenant plus d'une heure, a été extrêmement utile, et chacun d'entre vous doit être remercié, qui est intervenu, pour les paroles qu'il a prononcées. D'abord, ceux qui se sont opposés à cette initiative, parce qu'ils ont avoué, au fond, leur véritable conception des finances publiques, à savoir l'accumulation des déficits, et leur vision pour le moins biaisée - je pense particulièrement à l'un d'entre eux qui s'est exprimé sur l'initiative bénéfique pour les finances publiques de la baisse de 12% des impôts... Ceux aussi de l'Entente qui ont exprimé leur soutien de principe à cette initiative, lui préférant, pour diverses raisons, des modalités moins contraignantes.

Alors, faut-il distinguer là une rigueur face à la grande rigueur ? Ou, simplement, une rigueur apparente face à la rigueur ? C'est une question d'interprétation !

Et puis, enfin, le bloc de la vraie rigueur, à savoir les libéraux et l'UDC, qui ont dit clairement aujourd'hui que l'augmentation de la dette telle qu'elle existe encore avec le plan financier quadriennal 2006-2009 n'est plus tolérable ! Je vous rappellerai ici que le Conseil d'Etat vaudois, par la bouche de M. Broulis, chef du département des finances, considère comme maximale une dette équivalant à 80% du budget de fonctionnement... Ici, on nous dit - très récemment encore - que 100% est de l'ordre de l'acceptable ! Nous sommes donc toujours un peu moins rigoureux que les voisins, alors que notre situation est nettement pire que la leur. Voilà ce qui n'est plus acceptable pour notre canton !

Quelques mots, peut-être, sur les diverses interventions, Madame la présidente. Je rappellerai tout d'abord à mon collègue Velasco pour quelle raison il faut une règle des deux-tiers... Non parce qu'il y aurait déni démocratique, mais simplement parce que, dans certaines occasions, l'unité des élus du peuple doit pouvoir se manifester pour le bien suprême de notre République, qui est précisément la valeur des finances que nous léguerons à nos enfants, à nos descendants, c'est-à-dire la liberté de manoeuvre. Certains ne veulent pas s'en préoccuper et préfèrent consommer aujourd'hui pour se retrouver demain dans une situation incertaine - je ne dis pas «de disette». Nous, nous voulons des assurances de liberté pour demain !

J'ajouterai, à l'intention de l'un de nos collègues Verts qui s'est exprimé, que le plan financier quadriennal ne doit pas être un chiffon de papier, un document permettant de flotter, de s'adapter aux déficits au gré des ans. Il doit, au contraire, être consacré dans la constitution.

A son collègue Bavarel - apparemment, il fait preuve d'un conservatisme dépensier étonnant de la part d'un membre d'un parti qui, si l'on en croit les propos du chef du département des finances, entend au contraire empoigner les problèmes sérieusement - je dirai que le but de l'initiative n'est pas de fonctionner avec des douzièmes provisoires successifs, mais d'empêcher les budgets déficitaires ! Mon Dieu, cette conception est-elle impensable ? Ne peut-on pas imaginer que l'on présente autre chose que des budgets déficitaires ? Je considère cette façon de voir les choses pour le moins «encroûtée» !

En revanche, pour ce qui est des interventions de ceux qui semblent croire aux vertus de l'initiative, j'indiquerai tout d'abord au rapporteur de majorité que le canton de Bâle-Ville, qui utilise un mécanisme similaire, se caractérise aussi par un émiettement de sa représentation populaire - un émiettement encore plus grand. Il n'y a pas sept partis au Grand Conseil bâlois: il y en a huit ! Il y a les Verts, les socio-démocrates, les socialistes, les évangéliques, et puis, les quatre partis de droite: radicaux, libéraux, démocrates-chrétiens et UDC. Et, malgré cela, à Bâle-Ville, ce système fonctionne !

Je signale à l'égard du groupe radical qu'il conviendrait qu'il se souvienne de son attitude lorsque le canton de Berne a adopté en 2003, précisément, le mécanisme extrêmement contraignant qui lui a permis de sortir de son déficit. J'aimerais que cette volonté manifestée à Berne s'empare aussi de tous ceux qui, à droite de ce parlement, disent vouloir le bien des finances publiques ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien, nous discuterons du pourcentage, le cas échéant ! (Exclamations.)

Pour terminer, Madame la présidente, dans certaines situations, effectivement, il faut pouvoir faire des entorses - je ne dis pas des fractures - au système de majorité simple: quand les circonstances sont exceptionnelles ! Et nous sommes dans une situation exceptionnelle: en quinze ans, par rapport à 1992, notre dette a plus que doublé ! Il est temps d'y mettre fin ! Certains le veulent et le disent. Certains se contentent de le dire ! D'autres n'en veulent pas ! Le peuple choisira ! Pour ma part, je suis convaincu que le peuple choisira la rigueur, parce que le laxisme, ça suffit ! Vous vous en souviendrez, un film s'appelait «Certains l'aiment chaud». Dans le cas présent, on pourrait dire que «certains aiment le laxisme» ! (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat partage les inquiétudes exprimées par la majorité des partis concernant les minorités de blocage qu'il estime peut-être encore plus dangereuses que les majorités de hasard... Effectivement, le grand risque de cette initiative - et c'est la seule chose qui mérite une très longue discussion sur le plan politique - c'est de donner à deux forces, hors du gouvernement ou occupant un rôle pseudo-gouvernemental - puisque c'est une tradition genevoise à gauche et à droite de l'échiquier - la possibilité, à elles seules et pour des raisons complètement opposées, d'empêcher la République d'avoir un budget, forces qui joueraient la politique du pire dans un but électoral. Bien sûr, l'être humain est bon et parfait, mais ces choses existent aussi...

Cette raison et, surtout, Mesdames et Messieurs, la pratique de notre Conseil nous poussent à vous dire que cette solution n'est pas bonne. Que faisons-nous depuis notre entrée en fonction ? Nous cherchons à lever les blocages, l'immobilisme dangereux, dus à des discours extrêmement séduisants de part et d'autre de l'échiquier politique, mais qui, avec beaucoup de régularité, s'annihilent devant le peuple. Ces blocages nous ont empêché de mener une politique du logement permettant de construire des logements, qu'il s'agisse de logements pour les personnes à faible revenu ou qu'il s'agisse de logements pour les personnes à gros revenus. Quinze ans de blocage: échec total, point à la ligne !

De quoi s'agit-il concernant le chômage ? Nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord. Nous savions que la solution qui avait, pour un temps, eu une certaine efficacité ne pouvait plus en avoir dans un monde où le marché du travail était ouvert. Les emplois temporaires cantonaux n'étaient plus une solution dès lors que nous avions accepté avec enthousiasme les bilatérales, puisque toute la pratique antérieure correspondait à réduire les flux migratoires pour assurer à ceux qui avaient été mis hors du marché du travail une possibilité de le réintégrer avant de permettre le retour de l'immigration.

Dans le domaine du statut de la fonction publique, c'est la même chose ! Les grands discours des uns, les discours effarouchés des autres: résultat, quinze ans sans aucune modernisation. Et je crains, malheureusement, que, pour ce qui est de la dette et deux ou trois sujets de ce genre, il faille aussi passer cette étape. Et nous devrons trouver des accords, comme plusieurs orateurs l'ont relevé dans les débats.

Maintenant, j'aimerais tout de même faire quelques remarques issues de la pratique. Vous pouvez établir un plan financier quadriennal avec des charges fixes. C'est un des critères. Mais, évidemment, si les recettes augmentent du côté de l'impôt à la source, ce que l'on va donner aux communes frontalières françaises augmente forcément, et cela représente une augmentation des charges. C'est comptabilisé comme cela, si les textes ne sont pas extrêmement précis.

Faites aussi attention - je vous en conjure - au fait que le budget, en ce qui concerne les recettes, ne peut pas être une représentation de la réalité. Nous pourrions changer de système pour obtenir des comptes qui assurent des garanties autres que ce que nous ont annoncé les comptes 2005, qui présentaient une sous-évaluation de recettes sur des montants tout de même très conséquents. Les budgets en Suisse étaient faux pour toutes les collectivités publiques qui ont une économie très vivace.

Je pense donc qu'il faut faire très attention sur ce point, parce que, lorsque le Conseil d'Etat a tablé sur une croissance des recettes de 2,5%, il savait très bien que ce n'était pas l'équivalent d'une bonne année. En effet, 2,5%, c'est une année moyenne. Il n'est pas possible de faire de la planification en se basant sur des extrêmes. Donc, le budget est un guide, un cadre: cela montre le risque, et c'est la raison pour laquelle d'aucuns à juste titre - et de façon surprenante du côté de la droite - me disent: «Mon pauvre Hiler, tes prévisions fiscales sont insuffisantes !». Je leur réponds que c'est vrai, mais que je ne peux pas faire mieux à ce stade ! Et je donne même des dates de rendez-vous. C'est possible, mais la boule de cristal est un exercice dangereux ! Les plans financiers sont un guide, mais ils ne fournissent pas de chiffres exacts. Parce que - et là, il faut aussi rester humbles par rapport à nos actes budgétaires - ce que nous décidons n'a à peu près aucune importance sur le montant des recettes fiscales elles-mêmes, qui dépend de l'action de dizaines de milliers d'acteurs économiques à Genève, et, à vrai dire, ailleurs dans le monde. Nous sommes au coeur d'une économie globalisée. Franchement, la bourse de Shanghai aura toujours beaucoup plus d'importance sur l'équilibre budgétaire que le travail de votre serviteur ! Il faut le savoir.

Nous devons simplement résoudre une contradiction qui n'est pas insoluble. Les recettes fiscales bougent vite en fonction de critères qui nous sont extérieurs. Je me réjouis de voir le jour où l'on diminuera le nombre des gendarmes en fonction des fluctuations boursières... Non, les choses ne se passent à l'évidence pas ainsi ! Nous devons donc trouver les tendances à suivre. Le plan financier nous aide, à condition qu'il soit régulier; s'il n'est pas régulier, l'administration ne sait pas les faire. C'est l'exercice d'apprentissage auquel nous avons dû procéder ces derniers mois.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous livre quelques idées au hasard... Oui, il est vraisemblable qu'il faille mettre une limite ! Oui - après tout, c'est vrai - un budget devrait être accepté, à mon sens, par au moins cinquante et un députés sur cent ! Mais, à vrai dire, qu'il soit déficitaire ou non, parce que si la conséquence du budget - je vais arrêter de parler des gendarmes et me tourner vers d'autres - c'est effectivement qu'il faut supprimer, disons, huit cents postes à l'Hôpital cantonal de Genève du jour au lendemain, je pense que cela mérite aussi que la décision soit prise à une majorité qualifiée, surtout pour quelqu'un qui est malade et qui doit y faire un séjour prochainement. Donc, oui, je crois que le budget est un acte suffisamment important pour cela !

Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, je finirai par les points principaux. Non, vous ne devez pas vous référer au respect du plan financier quadriennal, puisque le déficit est surdéterminé par les recettes fiscales ! Ce que le Conseil d'Etat peut faire, c'est essayer d'être quelque peu pessimiste s'agissant des recettes et fixer l'évolution des charges en fonction de cette vision un peu pessimiste, pour retomber sur ses pieds. De toute façon, avec la dette qui est la nôtre, nous n'aurons jamais trop de bonis: il faut qu'ils atteignent 300 millions pour commencer à avoir un impact sur la dette.

Et puis, j'aimerais surtout vous dire, Mesdames et Messieurs, que le temps où le parlement se devait de faire des discours longs, répétitifs à l'égard du Conseil d'Etat pour donner toutes sortes de mauvais conseils est révolu. Une deuxième période s'ouvre, Mesdames et Messieurs, puisque vous avez doté votre parlement d'un pouvoir absolument considérable, qui va s'exercer dès le mois de septembre: 2 milliards en indemnités et en aides financières ! Laissons les allocations à des tiers: vous ne les contrôlez pas plus étroitement que le Conseil d'Etat ! Vous allez donc prendre des décisions pour quatre ans, Mesdames et Messieurs les députés ! Merci de vos bons conseils ! Vous voulez agir ? Now is your big chance ! (Rires. L'orateur est interpellé.) Oui, le Conseil d'Etat a fait des choix: il va vous les présenter, et il les défendra ardemment !

Mais, si les choses tournent mal, dans un sens ou dans un autre, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous qui aurez pris les décisions pour les quatre prochaines années, et ce, en pleine connaissance de cause ! Et c'est peut-être cela la vraie réponse, ce n'est pas de dire que GE-Pilote tombera un jour... Non, c'est le début de décisions prises dans le cadre de la conduite des politiques publiques - cinquante, ce n'est pas tout à fait négligeable, c'est certainement plus efficace que quatre cent quatre-vingt-trois prestations... Vous allez donc prendre ces décisions en considérant le bien-être de notre population, ce qu'elle est prête à donner comme argent pour que l'Etat fonctionne, l'efficacité que vous prêtez ou non au fonctionnement de l'administration. C'est ce qu'il est temps de faire, Mesdames et Messieurs: prendre des décisions dans ce cadre. Et ma conviction profonde, en plus du dialogue qui s'est engagé - qui est nécessaire de façon générale et dans le cas particulier et qui a commencé, non pas pour Léman Bleu, mais dans les commissions où l'on parle raisonnablement - c'est que nous sommes peut-être condamnés à une législature du juste milieu. Mais si cette législature du juste milieu apporte quelques bienfaits à notre République, c'est tant mieux ! Le peuple a fait son choix et nous a conduits à emprunter cette voie.

Une autre chose dont j'aimerais vraiment vous parler dans le cas où, comme certains l'ont proposé, vous voudriez raccourcir la période de quatre ans de déficit autorisé - le parti libéral par un projet de loi, sauf erreur; Anne-Marie von Arx-Vernon par son intervention tout à l'heure. Ce sont les comptes qui comptent ! En effet, si vous vous focalisez sur le budget, la pression à ne pas gérer le risque dans le budget deviendra forte, et vous aurez des bonnes et des mauvaises surprises. Mais vous verrez que les mauvaises surprises sont plus difficiles à vivre que les bonnes, dans ce domaine comme dans d'autres...

Voilà, Mesdames et Messieurs ! C'est vous qui décidez évidemment d'un contreprojet: c'est le travail de ce parlement. Le Conseil d'Etat, comme il vous l'a indiqué en commission, se tient à votre disposition pour trouver des formules qui ne génèrent pas l'immobilisme et le blocage. Nous savons faire cela aussi bien que les déficits et la dette. Et, peut-être, les deux choses ne sont-elles pas absolument sans lien... Nous participerons donc, mais, Mesdames et Messieurs, je vous dirai en fin de compte - et cela est important aussi - que si vous adoptez dans la constitution les principes suivants: article 1: les impôts sont baissés de moitié; article 2: les standards dans le domaine social, sanitaire et d'éducation sont les meilleurs d'Europe; article 3: il ne doit pas y avoir de déficit, cela risque d'être un peu compliqué du point de vue du respect du principe de matérialité ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, l'initiative 135 est refusée par 58 non contre 30 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 53 oui contre 25 non et 7 abstentions.

L'initiative 135 est renvoyée à la commission des finances pour l'élaboration du contreprojet.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 135-C.

La présidente. La commission des finances élaborera donc ce contreprojet. Nous passons maintenant au point 102 de notre ordre du jour. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

IN 134
Initiative populaire 134 "Pour un cycle qui oriente"
IN 134-C
Rapport de la Commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier l'initiative populaire 134 « Pour un cycle qui oriente »

Débat

La présidente. En préambule, Mesdames et Messieurs les députés, je vous précise à nouveau que nous allons traiter des deux initiatives suivantes de manière tout à fait séparée. Nous prenons tout d'abord l'initiative 134 et, ensuite, nous prendrons l'initiative 138. Nous commençons donc par l'initiative 134.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je m'aperçois que la dette n'est pas seule à générer de la complexité... Cela peut aussi arriver dans la formation !

La situation que nous connaissons actuellement est absolument unique - du reste, les juristes de la chancellerie nous ont dit que c'était une première à Genève: deux initiatives sur le même sujet ont été déposées à six mois d'intervalle et proposent des solutions totalement contradictoires !

Que faire ? La commission législative, avalisée par ce Grand Conseil, les a déclarées valides toutes les deux, même si leur champ d'application diffère légèrement. Elles ont été renvoyées à la commission de l'enseignement qui a décidé, dans un souci d'efficacité, de les traiter conjointement, c'est-à-dire d'auditionner les acteurs concernés sur les deux textes. C'est ce qui explique, Mesdames et Messieurs, qu'une grande partie des rapports de l'initiative 134 et de l'initiative 138 est semblable. Mais les conclusions sont évidemment propres à chaque initiative.

Un mot sur ces deux rapports que d'aucuns auront peut-être trouvé un peu longs... Il m'a en effet semblé nécessaire de retranscrire avec fidélité toutes les auditions et, ensuite, de vous faire un résumé de l'histoire du cycle qui sera certainement utile pour la suite des travaux.

J'aimerais d'ailleurs profiter de l'occasion pour remercier ici les hauts fonctionnaires du département de l'instruction publique, qui m'ont fourni un grand nombre d'informations et qui n'ont pas hésité à me consacrer un peu de leur précieux temps: en particulier, M. Schürch, directeur, qui est une véritable mémoire de l'Institution, MM. Schule et Jornot, qui m'ont impressionnée par leur connaissance des rouages de la maison.

Encore quelques mots d'introduction sur le travail de la commission. Après les sujets conflictuels qui ont provoqué une guerre de l'école à Genève, il était temps de retrouver de la sérénité pour le bien de l'institution. Un consensus pour pacifier l'école s'est établi, et, surtout, nous avons eu le sentiment qu'il fallait saisir la chance qui se présentait. Rendez-vous compte que nous avons la possibilité de remodeler le paysage scolaire des adolescents pour leurs trois dernières années d'école obligatoire, tout en étant réalistes ! Nous ne sommes pas les premiers à réfléchir sur cette question: le cycle a quarante ans d'existence. Etes-vous conscients des changements qu'a connus la société durant ce laps de temps ? Ils ont été considérables: mai 68 est passé par là ! La relation enfant - adulte a changé ainsi que la relation enfant - enseignant.

Je vous le rappelle tout de même, car c'est intéressant: le cycle a été conçu sous la présidence de M. Alfred Borel, radical, mis en place par M. Chavanne, socialiste, qui s'en est occupé pendant vingt-quatre ans; puis, il a connu une période de calme relatif avec M. Fölmi, pendant huit ans, avant de connaître quelques réformes avec Mme Brunschwig-Graf, pour arriver à M. Beer, qui a de la chance... Je vais vous expliquer pourquoi il a de la chance... (Rires.) Parce que c'est lui qui aura l'honneur de signer l'accord-cadre intercantonal sur l'harmonisation scolaire appelé HarmoS, ce qui sera - je pense - un grand moment pour le cycle d'orientation.

Maintenant, comme l'a dit la présidente, nous devons faire un débat pour chaque initiative. Je vais donc aborder l'initiative 134, et je parlerai ensuite de l'initiative 138.

L'initiative 134 a été présentée par l'association REEL, qui est une association dissidente de ARLE. Cette initiative n'a pas eu l'heur de convenir, ni aux commissaires, ni à la majorité des enseignants, ni à leur hiérarchie... Pour quelle raison ? Je vous propose de regarder - cela va vous amuser - l'annexe N°2 du rapport... Vous verrez que ce n'est pas vraiment limpide ! Les structures mises en place sont très compliquées. Leurs coûts ne sont pas évalués et il n'y a pas de garantie d'une bonne efficacité. Le cycle dure quatre ans, six sections différentes sont prévues et des branches sont séparées en branches principales et en branches dont je ne me rappelle plus le nom... Vraiment, rien n'est simple ! Et, pourtant, nous le savons très bien - nous l'avons appris en commission - ce ne sont pas les structures qui améliorent la qualité d'un enseignement, mais bien les contenus.

A mon avis, cette initiative pourrait difficilement être compatible avec les standards nationaux de formation et une harmonisation régionale.

Les initiants proposent une école de l'excellence... Mais ça va de soi: personne ne le conteste ! Il semble cependant, pour être réalistes, que l'école doit être en adéquation avec la société actuelle. Or une théorie comme celle qui est présentée peut paraître intéressante, mais elle est difficilement applicable. Cela ne veut pas dire que la réflexion est inutile: au contraire, je pense qu'elle est digne d'intérêt !

Il faut quand même se souvenir - parce qu'on les oublie souvent - de deux des objectifs de la loi en vigueur sur l'instruction publique, que nous devons respecter. Le premier consiste à donner à chaque élève le moyen d'acquérir les meilleures connaissances dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former. Et le deuxième - la lettre f) que tout le monde connaît - est de tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l'école.

La commission recommande de refuser l'initiative 134, mais elle propose l'élaboration d'un contreprojet, car, au cours des auditions qu'elle a effectuées, elle a beaucoup appris sur cette période difficile des élèves, et sur les responsabilités des enseignants qui les encadrent. Ces derniers ont du reste beaucoup de mérite, parce que ce n'est pas évident du tout. Mais je pourrai conclure en disant que les enseignants ont de vrais devoirs... A ce propos, j'ai bien aimé la conclusion de l'article d'Adelita Genoud, je cite: «Les enseignants devraient être conscients que la transmission du savoir ne se limite jamais à la seule maîtrise du technique, mais passe indubitablement par les méandres de l'affect; convaincus aussi qu'aucune didactique ne remplacera jamais le regard bienveillant - pas complaisant - du maître vers l'apprenant.»

M. François Thion (S). J'aimerais compléter le rapport de Mme Hagmann, qui a commencé par une partie historique très élaborée et très intéressante...

Je rappellerai tout d'abord que, de nos jours, le cycle d'orientation rassemble les élèves en regroupements A et B. Pour le regroupement A, il s'agit d'élèves qui, autrefois, se trouvaient dans des sections (scientifique, moderne ou latine). Au moment de la réforme de l'an 2000, partant du principe qu'ils se dirigeaient tous vers le collège ou vers les études longues et qu'il n'y avait pas de raison de les différencier, on les a regroupés. Et puis le regroupement B - je parle d'une manière tout à fait générale - qui rassemble plutôt les élèves en difficulté.

A l'heure actuelle, 72% des élèves entrent au cycle d'orientation en regroupement A et 68% sortent en niveau A. Mais, en même temps, un problème se pose, car une partie des élèves qui sortent du cycle d'orientation en niveau B ne peuvent entrer nulle part bien qu'ils soient promus. Nous nous sommes donc demandé si les problèmes venaient de la structure. Peut-être les niveaux A sont-ils trop hétérogènes... Quoi qu'il en soit, c'était un peu voulu lorsque cette réforme a été lancée en 2000. Mais nous avions indiqué très clairement à l'époque qu'il fallait s'occuper, que ce soit en A ou en B, de tous les élèves qui étaient en difficulté. Ce qui s'est passé, si j'en reviens à l'historique, c'est que, au même moment, le nombre des élèves au cycle d'orientation a fortement augmenté: il est passé de onze mille quatre cent six élèves en l'an 2000 à treize mille deux cent quarante-six élèves en 2005 ! Et, de 1990 à 2005, l'augmentation est de 27% !

Il n'a donc pas été possible de mettre en place des moyens efficaces appelés - c'est un terme technique utilisé au cycle d'orientation - «différenciations» ou «d'appui» pour les élèves en difficulté. Pour moi, c'est un échec du système actuel, et peut-être bien que c'est pour cela que ces deux initiatives nous «tombent» dessus... Je me suis souvenu, puisque nous sommes dans l'historique, que les dépenses du DIP par rapport à celles de l'Etat sont passées de 33% en 1996 à 28% en 2005... Cela représente donc des difficultés supplémentaires pour tous les enseignants à qui l'on dit, année après année, qu'il y a moins d'argent et qu'il faut faire avec moins. Les élèves sont de plus en plus nombreux dans les classes - vingt-quatre élèves par classe au cycle d'orientation et, m'a-t-on dit, vingt-cinq ou vingt-six élèves par classe dans le primaire. A mon avis, c'est la cause d'une partie des difficultés.

J'en viens maintenant à l'initiative 134. Cette initiative - comme la 138, d'ailleurs - a un objectif tout à fait louable: s'occuper des élèves en difficulté. A l'origine - vous l'avez dit, Madame Hagmann - elle a été lancée par des dissidents de ARLE. Ce sont des enseignants persuadés que tout allait mieux autrefois et que le niveau baisse - ce qui n'est pas vrai, on le sait très bien. Leur bonne volonté est certaine, mais, à mon avis, il y a un manque de réflexion pédagogique en profondeur.

Vous avez parlé de la structure qui est proposée dans l'initiative 134... Elle prévoit quatre niveaux de pré-orientation en entrant en septième: autrement dit, tout se joue à la fin de la sixième et, une fois les élèves entrés au cycle, il ne leur est plus possible de s'orienter différemment. Puis, dès la huitième année, il y a six filières, qui, en fait, orientent définitivement les élèves du cycle d'orientation: soit ils continuent dans des écoles de type gymnasial, soit ils entreprennent un apprentissage d'école de commerce, soit ils se dirigent vers l'école de culture générale, soit vers une formation professionnelle. Comme si, en fait, tout devait être décidé pour l'orientation au stade du cycle d'orientation, alors que l'on sait très bien que ce n'est pas possible ! A l'heure actuelle, l'orientation commence au cycle d'orientation, mais elle continue plus tard, au dixième et au onzième degrés. On s'en aperçoit tous les jours, et je pense que, sur ce point, l'initiative 134 commet une erreur extrêmement importante.

Ensuite, le modèle qui est proposé ne prend en compte que les évaluations sous forme d'épreuves communes qui sont multipliées. Et je rappelle à ce propos que, d'ici quelques années, des évaluations romandes seront également effectuées. J'ai l'impression, si l'initiative 134 devait être appliquée, que le cycle d'orientation deviendrait une sorte d'école de bachotage, où les profs seront sans arrêt en train de préparer les élèves à passer des tests. Et sera complètement oubliée, la mission première de l'école - c'est tout de même fondamental et c'est dans la loi - qui consiste à apprendre aux élèves à réfléchir, à avoir un esprit critique. C'est à l'école que cela s'apprend.

On nous dit que la moyenne doit passer à 4, parce que la moyenne est à 4 à l'école primaire et au post-obligatoire... Mais est-ce prendre en charge les élèves les plus défavorisés que de fixer la moyenne à 4 au lieu de 3,5, c'est-à-dire que les notes seraient suffisantes à 4 au lieu de 3,5, comme c'est le cas actuellement ? Je n'en suis pas persuadé !

De plus, cette initiative pose des problèmes d'articulation avec le projet d'harmonisation scolaire obligatoire en Suisse HarmoS, et j'ai peur que le canton de Genève ne se marginalise, au niveau romand, et peut-être même au niveau suisse en se lançant dans ce projet.

Donc, le parti socialiste - comme, d'ailleurs, la commission à l'unanimité - s'oppose à l'initiative 134. A mon avis, elle a trente ans de retard et la 138, dont mes collègues parleront plus tard, a sans doute dix ans d'avance ! C'est pour cette raison qu'il faudra que nous trouvions ensemble un contreprojet. (Applaudissements.)

M. Hugues Hiltpold (R). Vous le savez, les radicaux sont attachés à une école publique, gratuite, laïque et obligatoire.

Je voudrais, tout de suite et en préambule, préciser que les radicaux veulent éviter l'affrontement que l'on a pu connaître lors des débats sur l'école primaire. Il est vrai que l'institution aurait moins souffert si nos travaux parlementaires avaient été mieux conduits, en tout cas si le climat avait été un peu plus serein.

C'est pourquoi le groupe radical souhaite d'emblée que le Conseil d'Etat dépose un contreprojet à ces deux initiatives, contreprojet qui doit être largement négocié, au-delà des clivages politiques, mais - et c'est important - en tenant compte des derniers scrutins populaires s'agissant de la question de l'école. Je pense notamment au retour des notes à l'école primaire, mais, également, au refus de la septième hétérogène.

Je voudrais rappeler dans cette enceinte que le cycle d'orientation est une grande victoire radicale socialiste. Radicale, puisqu'elle a été initiée par Alfred Borel, et socialiste, puisqu'elle a été étendue par André Chavanne. Je tiens aussi à rendre hommage à Mme la rapporteure, qui a rappelé cet élément historique, et, également, à la féliciter pour la qualité de son rapport et la célérité avec laquelle elle l'a déposé. De même pour le rapport sur l'initiative 138.

L'Histoire, Mesdames et Messieurs, doit être riche d'enseignements: si nous sommes parvenus à faire en sorte que le cycle d'orientation soit ce qu'il est aujourd'hui, nous devons aujourd'hui le moderniser. Nous ne devons pas - et c'est la position actuelle des radicaux - figer le débat sur des positions fermes et non négociables. Nous devons, au contraire, déterminer un certain nombre de postulats de départ, qui devront être la base de l'élaboration d'un contreprojet par le Conseil d'Etat.

Pour le groupe radical, les deux points importants sont les suivants. Le premier porte sur l'objectif du cycle d'orientation: celui-ci doit avoir pour vocation d'orienter, comme son nom l'indique. Or, actuellement, 80% des élèves sont en regroupement A. On peut donc légitimement se poser la question du sens du terme «orientation», dans la mesure où 80% des élèves se trouvent dans une seule des filières, avec la conséquence que l'on connaît: le taux d'échec au post-obligatoire est, somme toute, assez élevé.

Le deuxième porte sur l'orientation, qui doit se faire en fonction de l'aptitude des élèves, et cela, dès la fin de la sixième primaire et tout le long du cursus des trois années de cycle, avec un système de passerelles qu'il faudra mettre en place. Plus le cycle d'orientation réussira à orienter correctement les élèves, plus le parcours scolaire ou professionnel sera harmonieux, avec des répercussions inéluctables sur le fonctionnement de l'institution, sur le chômage et sur le fonctionnement des structures intermédiaires.

C'est sur la base de ces postulats, Mesdames et Messieurs, que les radicaux seront d'accord de travailler à l'élaboration d'un contreprojet avec le Conseil d'Etat. Ils s'opposeront sur le principe des deux initiatives, mais ils seront d'accord de leur opposer un ou deux contreprojets.

M. Claude Aubert (L). Notre présidente nous rappelle régulièrement que: «la patrie nous a confié ses destinées.» La patrie, la nation: des concepts clés qui nous viennent des siècles précédents. Ils ont marqué l'école républicaine et laïque, fondée sur ces certitudes. L'école est le creuset de la République fixé sur son sol.

Hélas, nous sommes maintenant au XXIème siècle ! La patrie et la nation ne sont plus des concepts opérationnels, même s'ils ont une place de choix dans nos coeurs. Genève - osons cette métaphore ! - doit être considérée comme un noeud routier ou - pour respecter la complémentarité des transports - un noeud ferroviaire où se croisent et s'entrecroisent des cheminements individuels, familiaux ou collectifs. Certains restent à Genève quelques années; d'autres y viennent le temps de gagner leur vie; d'autres y font racine ou y émettent quelques stolons.

Que deviennent les finalités de l'école dans un tel contexte ? Le concept de nation implique une égalité des individus, futurs citoyens et citoyennes - ne serait-ce que l'égalité devant la loi. Si, en matière scolaire, l'égalité des chances est impérative, il n'en reste pas moins que les trajectoires individuelles sont par essence diverses sauf dans les sociétés totalitaires, de sinistre mémoire... Certains voient dans la diversité l'évidence d'une inégalité... Cela est important pour notre débat, car la notion de cycle d'orientation sous-entend que la diversité fait partie de la vie sociale. L'orientation, par ailleurs, n'est pas synonyme de sélection. L'orientation est au service de l'individu; la sélection est au service du sélectionneur.

Même si certains aspects de cette initiative nous sont proches, nous ne la soutiendrons pas au profit du contreprojet. Les libéraux désirent un cycle d'orientation adapté au monde actuel, mettant en scène des jeunes gens et des jeunes filles mobiles dans leur pensée, responsables dans leur indépendance et, surtout, ayant appris à réfléchir de manière critique.

M. Henry Rappaz (MCG). Le consensus très net qui s'est dégagé en commission de l'enseignement pour rejeter l'initiative 134 mais pour accepter l'élaboration d'un contreprojet sera donc soutenu par le Mouvement Citoyens Genevois.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). En préambule, je tiens à remercier Mme Hagmann pour son rapport très bon et très complet, rendu en un temps record, sur un sujet aussi délicat et complexe.

Maintenant, pour entrer dans le vif du sujet, je dirai que l'initiative 134 est totalement inacceptable pour les Verts. Car si le constat des initiants est a priori partagé par tous - le trop grand nombre d'échecs scolaires au cycle d'orientation et au dixième degré - le traitement proposé pour lutter contre ce problème va à l'encontre de celui préconisé par les Verts.

Cette initiative propose une sélection précoce des élèves à la fin de la sixième primaire. Elle prévoit une répartition des élèves en septième dans quatre filières homogènes en fonction des résultats obtenus à la fin de l'école primaire. Pour les Verts, l'orientation ne doit pas se faire à l'école primaire. Encore moins une sélection ! Le cycle d'orientation, comme son nom l'indique, a été mis en place pour jouer le rôle d'orientateur.

L'initiative 134 durcit encore la sélection, dès la huitième, en classant les adolescents en deux groupes, toujours en fonction de leurs résultats: les élèves qui peuvent suivre un cursus gymnasial et les autres. Les élèves du premier groupe, destinés à entreprendre des études longues, auraient le choix entre trois filières: langues vivantes, littérature et scientifique.

Ceux du deuxième groupe pourraient également choisir une des trois filières d'orientation vers des professions. Première filière: professions commerciales, administratives, santé, social. Deuxième filière: professions techniques et informatique. Troisième filière: arts et métiers. Cela reviendrait à devoir choisir une orientation professionnelle à 13 ans: quelle aberration d'être contraint aussi jeune à opérer des choix décisifs pour sa vie !

Par ailleurs, si l'on veut renforcer l'apprentissage et donner envie aux jeunes de rentrer dans une formation professionnelle, il ne faut pas discriminer cette voie en ne la réservant qu'à ceux qui n'auraient pas le niveau de la maturité.

En auditionnant les initiants, nous nous sommes rendu compte que le but principal recherché est de former l'élite et de canaliser les autres au plus vite dans des filières sans prévoir de passerelles entre eux. En réponse à une question sur la perméabilité des filières, ils n'ont répondu qu'en définissant celle prévue pour la section gymnasiale. A la demande de préciser ce qu'il en était pour la section professionnelle, ils sont restés muets. J'ai eu le sentiment que, pour les initiants - ce sont majoritairement, il faut le rappeler, des enseignants - l'école se divise en deux mondes imperméables: celui des bons élèves, avec lesquels on peut travailler, et les autres qu'il faut bien intégrer à l'école - puisqu'elle est obligatoire jusqu'à 15 ans - mais qui ne doivent pas interférer avec les premiers et déranger le moins possible.

Les Verts ne veulent en aucun cas un cycle de l'exclusion !

Analysons maintenant ce projet sous l'angle structurel. Pour le réaliser, il faudrait organiser deux filières elles-mêmes divisées en six sections et prévoir, normalement, des passerelles pour chacune d'elles. Cette organisation serait non seulement très coûteuse, mais aussi extrêmement difficile à mettre en oeuvre. Mme Hagmann vous a proposé de vous référer à l'annexe qui figure à la page 44 de son rapport: elle est absolument édifiante !

En conclusion, comme déjà annoncé, les Verts refuseront cette initiative et combattront énergiquement ce projet favorisant une école pour l'élite au détriment d'une école pour tous. (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de clore les débats à ce stade... (Exclamations.) Evidemment, si vous voyiez le nombre des personnes encore inscrites, vous comprendriez ! Nous reprendrons nos travaux à 20h30 précises. Je vous remercie et vous souhaite un très bon appétit.

Fin du débat: Session 09 (juin 2007) - Séance 45 du 15.06.2007

La séance est levée à 18h55.