République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1540-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la pétition pour une réalisation rapide de la traversée de la Rade
Rapport de majorité de M. Eric Leyvraz (UDC)
Rapport de minorité de Mme Emilie Flamand (Ve)
R 498-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Jacques Jeannerat, Michel Ducret, Ivan Slatkine, Hugues Hiltpold, Gilbert Catelain, Ernest Greiner, Mark Muller, Beatriz de Candolle, Pierre Froidevaux, Pierre Weiss, René Desbaillets, Gabriel Barrillier, Jean-Marc Odier, André Reymond, Jacques Baud, Alain Meylan, Marie-Françoise de Tassigny, Jean Rémy Roulet pour la réalisation de la traversée sous la rade
Rapport de majorité de M. Eric Leyvraz (UDC)
Rapport de minorité de Mme Emilie Flamand (Ve)

Débat

Le président. Voilà un sujet qui va apaiser les tensions !

M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité. Quel plaisir pour un nouveau député de parler de cette traversée de la Rade, notre grand serpent du lac, qui revient régulièrement depuis si longtemps dans le creux des vagues journalistiques de juillet-août ! Mais aujourd'hui, devant le développement réjouissant de notre canton, l'affaire devient on ne peut plus d'actualité. C'est même une nécessité qui doit impérativement être prise en compte. La pétition 1540 et la résolution 498 parlant du même objet se soutiennent l'une et l'autre, puisqu'elles ont au départ les mêmes invites. Elles sont donc traitées simultanément.

Pour ce qui est de la pétition 1540, une des invites demande la réalisation rapide de la traversée, ce qui n'est pas possible dans la situation financière actuelle. Cependant, munie de près de 19 000 signatures, elle atteste sans conteste de l'attente de nos concitoyens.

En conséquence, la commission des transports, sans opposition, vous demande de renvoyer au Conseil d'Etat la pétition 1540, dont le texte ne peut être modifié. Ses invites, qui ont été adaptées aux demandes de la commission des transports, proposent au Conseil d'Etat d'engager immédiatement l'ensemble des procédures d'études nécessaires à la réalisation d'une traversée en tunnel.

Les auditions des spécialistes des transports indiquent clairement que, pour tirer une efficacité maximum de nos infrastructures routières, nous ne ferons pas l'économie d'une nouvelle traversée de la Rade. Actuellement, d'une rive à l'autre, tout le monde le sait, des centaines d'heures sont perdues dans des bouchons gigantesques, dans les deux sens, avec toute la pollution qui s'ensuit. Qu'on le veuille ou non, dans 20 ans ou 30 ans, il y aura toujours des voitures. Ne pas se préparer à faciliter ce trafic, ce n'est pas assurer le futur d'une ville qui doit rester internationale, active et dynamique. Sur la rive droite se concentrent des infrastructures vitales pour le canton, qui doivent être atteignables facilement depuis la rive gauche: nombreuses institutions internationales, des grands hôtels, le CERN, les industries de la Zimeysa, de La Plaine et de Vernier, Palexpo, l'aéroport, et j'en passe. Cette demande de traversée n'est pas une lubie d'un lobby automobile. Ce n'est pas une idée de politiques, ni une discussion portant uniquement sur la circulation en ville, mais bien une nécessité pour un futur relativement proche, puisque l'on peut raisonnablement parler de l'horizon 2020-2025, c'est-à-dire demain ! Il faut donc impérativement planifier suffisamment tôt de tels travaux, les inscrire dans le plan directeur des routes qui est en voie de réalisation afin que les prochaines liaisons routières et de transports publics s'inscrivent dans la logique du positionnement du futur tracé de la traversée, dont l'emplacement reste à définir.

Personne ne peut dire aujourd'hui le nombre de voitures qui emprunteraient cette nouvelle traversée. Certains nous annoncent que 15% du trafic seulement passe d'une rive à l'autre: cela ne tient pas compte des changements d'habitudes qui interviendront. Il y a 15 ans, j'aurais répondu que je n'utiliserais pas l'autoroute de contournement pour descendre en ville, alors que je le fais maintenant régulièrement, comme beaucoup venant de la campagne, parce que cela me permet de ne pas perdre de temps ainsi.

Quant au coût du projet, il sera évidemment important, mais comment juger de la situation dans 20 ans? Nous aurons peut-être à ce moment, espérons-le, des finances assainies ou de nouvelles techniques de construction; nous obtiendrons peut-être une participation d'entreprises privées à la construction de l'ouvrage car les mentalités évoluent. Une petite anecdote: il y a 30 ans, je demandais pourquoi on ne construisait pas chez nous des giratoires routiers comme on en voyait alors en Angleterre. Il m'avait été répondu que c'était impossible, car cela impliquerait un changement de priorité. Qui s'en offusque aujourd'hui ?

En conclusion, il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour préparer la réalisation de ce grand ouvrage et ne pas subir l'événement quand il deviendra - sans jeu de mot - incontournable. Voilà pourquoi la commission des transports, à une large majorité, vous invite à voter cette résolution 498, adressée au Conseil d'Etat.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Il ne faut pas confondre objectifs et moyens. C'est ce que la majorité de la commission a semblé faire. Pour cette majorité, la construction de la traversée de la rade est un objectif en soi. Pour la minorité que je représente ici, l'objectif est de diminuer la circulation au centre-ville, pour rendre celui-ci plus convivial et plus agréable à vivre.

Pour atteindre cet objectif de meilleure qualité de vie, la traversée est certes un des moyens envisageables, mais rien d'autre qu'un moyen, et certainement pas le meilleur. Je le rappelle, selon les études du groupe de travail sur la traversée, seuls 15% des véhicules traversent de la rive gauche à la rive droite, pour aller à l'avenue de France et au-delà. On souhaite donc dépenser 600 millions de francs pour diminuer de 15% le trafic sur le pont du Mont-Blanc. Cette solution est aberrante !

Pour atteindre l'objectif de qualité de vie au centre-ville, nous croyons beaucoup plus à des solutions telles que le développement massif des transports publics, qui est déjà en cours, à la création de zones piétonnes et l'incitation à utiliser les P+R pour diminuer durablement la circulation au centre-ville. Pour ces raisons, nous vous recommandons de rejeter la résolution 498 et de classer la pétition 1540.

M. Jacques Jeannerat (R). La question de la mobilité pourrait devenir à l'avenir le problème principal des Genevois, après les questions du logement et de l'emploi. Tous les spécialistes s'accordent pour dire que les besoins de mobilité pourraient augmenter de l'ordre de 40% d'ici 2020. Une seule réponse à cela, un seul mot: complémentarité !

Les Genevois l'ont bien compris, il y a quelques années, lors d'un scrutin, puisqu'une majorité de nos concitoyens ont ancré dans la constitution le principe même de la complémentarité. Les radicaux sont attachés à ce principe. Ils soutiennent le développement ou le renouveau du réseau des trams à Genève. Les radicaux se sont battus pour que la liaison ferroviaire entre Cornavin et Annemasse revoie le jour.

Cela n'est pas suffisant, nous devons également améliorer notre réseau routier. Un exemple: il y a des entreprises qui tous les jours sillonnent les routes du canton et les rues de la ville, non seulement pour remplir leurs missions et leurs carnets de commandes, mais aussi pour payer les salaires. Deuxième exemple, dans ce que j'appelle la mobilité familiale pour les activités parascolaires. Les parents qui ont trois enfants, qui doivent amener le premier à 17h au cours judo, le deuxième à la leçon de piano à 17h30 puis le troisième à la leçon de tennis à l'autre bout du canton, ne peuvent pas le faire en transports publics ! Il est donc nécessaire d'avoir une complémentarité.

Une voix. Grâce à l'hélicoptère ?

M. Jacques Jeannerat. Améliorer le réseau routier passe notamment par une nouvelle liaison entre la rive gauche et la rive droite. Il s'agit de sortir du centre-ville les véhicules qui n'ont rien à y faire mais qui sont contraints d'y passer, à cause de ce fichu lac qui est dans notre canton ! (Exclamations.)

Une voix. Supprimons le lac !

M. Jacques Jeannerat. Ce fichu lac est magnifique mais il me pose des problèmes. Dans cet esprit de complémentarité, cette nouvelle infrastructure routière, à l'est du pont du Mont-Blanc, est nécessaire. Elle permettra de dégager deux voies sur le pont du Mont-Blanc, pour améliorer la performance des transports en commun sur l'axe Rive-Cornavin. Avouez que le tram qui va de Rive à Cornavin et qui doit transiter par la Coulouvrenière, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus efficace !

En sortant les voitures qui n'ont rien à faire au centre-ville, il s'agit aussi d'améliorer l'accessibilité aux commerces et aux sociétés de services qui se trouvent au centre-ville. Alors, Monsieur le président, permettez-moi de m'adresser au Conseil d'Etat pour conclure mon intervention ! Messieurs les conseillers d'Etat, que vous appeliez ce projet traversée de la Rade, traversée du petit lac, contournement est de Genève, pour les radicaux, c'est égal ! Ce qui est important, c'est d'engager immédiatement les procédures pour initier les études nécessaires à la réalisation d'une nouvelle liaison entre la rive gauche et la rive droite à l'est du pont du Mont-Blanc.

Reste la question du financement. On le sait, le canton a des dettes. Eh bien ! Je crois qu'il faut que l'on change d'état d'esprit ! Il y a nombre de collectivités publiques, à travers l'Europe, qui ont passé à un autre système que celui du simple financement par les caisses publiques d'infrastructures publiques comme celle dont on parle ce soir. Je prends deux exemples. La ville de Londres a conclu un contrat pour restaurer et moderniser son réseau de métro sur 20 ans, au travers du partenariat public-privé PPP. Plus près de chez nous, le mois dernier, le Grand Conseil du canton de Berne vient d'adopter ce même principe, pour la construction de bâtiments administratifs destinés à l'Etat.

C'est la raison pour laquelle le parti radical vous propose un amendement à la résolution - vous l'avez reçu - qui invite le Conseil d'Etat «à déterminer les différents moyens de financements à disposition, notamment en explorant les possibilités qu'offre le modèle de partenariat public-privé (PPP)».

M. René Desbaillets (L). Les deux arguments principaux des opposants à la traversée de la Rade sont le coût de cette traversée et son impact sur l'environnement. Je ne vais pas faire de long discours parce qu'on a beaucoup parlé aujourd'hui; on écrit beaucoup au Grand Conseil, ou si ce n'est pas au Grand Conseil, c'est dans les coulisses. Moi, je vais vous faire quelques démonstrations chiffrées que notre traversée de la Rade, elle ne va pas coûter à la République, mais elle va rapporter et ne sera pas plus polluante. Cette traversée est bonne pour notre environnement !

Il y a à peu près 90 000 véhicules qui traversent le pont du Mont-Blanc chaque jour. 30 000 de ces véhicules traversent le pont du Mont-Blanc à des heures où il n'y a pas de bouchons. 60 000 autres véhicules, donc, traversent le pont du Mont-Blanc en perdant environ 10 minutes chacun pour franchir ce pont. Cela représente 600 000 minutes perdues par jour, 10 000 heures perdues dans les bouchons, des deux côtés du pont du Mont-Blanc. 10 000 heures par jour sur 200 jours ouvrables par année. Cela fait 2 millions d'heures de perdues pour l'économie genevoise, de chaque côté du pont du Mont-Blanc. Je prends un chiffre moyen de 40 F par heure et ce sont 80 millions de francs que l'économie genevoise ou des environs de Genève perd en attendant de pouvoir traverser le pont du Mont-Blanc. En prenant un taux de 4%, ce montant de 80 millions de francs représenterait les intérêts à payer pour un possible emprunt de 2 milliards de francs.

Maintenant, au niveau environnemental, ces 10 000 heures par jour ou ces 2 millions d'heures par année où le moteur des véhicules tourne sans avancer, représentent, pour une consommation moyenne à l'arrêt de 4 litres par heure, 8 millions de litres de benzine ou de gasoil. Qu'est-ce que représentent ces 8 millions de litres ? Admettons que l'on passe tous à l'énergie verte, avec du biocarburant ou du biodiesel: rien que pour produire ces 8 millions de litres de biodiesel gaspillé avant et après le pont du Mont-Blanc, il faudrait couvrir de colza la surface totale de la zone agricole genevoise et ce, pour qu'il soit dépensé uniquement dans les bouchons qui se forment avant et après le pont du Mont-Blanc. Il faut donc absolument agir très vite pour avoir une traversée de la Rade, que ce soit un pont ou un tunnel, ce qui sera à voir plus tard.

Mme Catherine Baud (Ve). Ce n'est pas un scoop, les Verts sont opposés à cette traversée de la Rade. Les raisons vous les connaissez déjà, je ne vais pas vous les redire encore une fois. J'aimerais plutôt mettre en évidence deux points particuliers.

D'une part, la relation entre les objectifs de base du groupe de travail et les termes de la pétition 1540 ainsi que de la proposition de résolution 498 et, d'autre part, la question du financement, bien sûr. Dans le document final du groupe de travail, il était question de contournement est, du devenir de l'agglomération, du devenir de la région qui l'entoure et de développement durable. Vaste programme, belles ambitions et à quoi arrive-t-on ? A une pétition qui demande de traiter la traversée de la Rade en priorité. En priorité par rapport à quoi ? On ne nous le dit pas. De réaliser, par exemple, un tunnel avec 2x2 voies - tunnel qui avait été refusé par la population en votation. Un tunnel qui, d'ailleurs, ne mène nulle part et ne vient de nulle part non plus. Enfin, ça c'est autre chose ! La pétition demande de prévoir toutes les mesures d'accompagnement utiles, mais on ne sait toujours pas lesquelles ! Elle demande de déterminer les différents moyens financiers mis à disposition: en tout cas je ne pense pas que ce puisse être les finances du canton.

On a ensuite une proposition de résolution 498, qui change les termes d'une manière absolument remarquable, puisque la traversée devient cette fois-ci essentielle à la politique de complémentarité des moyens de transport. On retrouve notre tunnel à 2x2 voies; on retrouve les mesures d'accompagnement - d'utiles elles deviennent cette fois nécessaires. Mais il n'y a plus de financements. Je salue donc cet amendement qui demande quand même une ébauche de financement.

Qu'avons-nous là ? Nous avons là l'exemple parfait d'un leurre. Il n'y a aucun lien, aucune référence à quoi que ce soit, au niveau de l'agglomération ou à ses réseaux de mobilité existants. Voici donc ce qui est présenté comme prioritaire et essentiel et qui finalement correspond à quoi ? A une voie urbaine, à une rue - une rue qui passe dans un tunnel. Cela pour la modeste somme de 800 millions de francs ! C'est-à-dire que si l'on prend une autre mesure de financement, peut-être un peu plus parlante, ce montant équivaut à une dizaine de grands collèges. Réaliser une traversée de ce type est une aberration; ce n'est pas une priorité ! Voici une voie qui n'est reliée à rien, sauf à des bouchons, autant en amont qu'en aval. Il ne sert à rien de percer le coteau de Cologny pour aller un peu plus loin faire des bouchons, car on se retrouvera de toute façon au centre-ville. Pour moi, Malagnou, c'est quand même le centre-ville: un endroit où les rues ne sont absolument pas adaptées à un trafic de transit !

Finalement, ne croyez-vous pas qu'il y a des priorités plus judicieuses ?

Concentrons plutôt nos efforts sur ce qui est en chantier actuellement, c'est-à-dire la liaison CEVA, c'est-à-dire l'extension du réseau des transports en commun et la meilleure desserte du canton par des lignes de tram ou de bus performantes. Réfléchissons et interrogeons-nous sur la place de la voiture dans un espace aussi restreint que celui du canton de Genève. Essayons de réfléchir à d'autres solutions et soyons un peu plus inventifs ! Nous ne sommes plus dans les années 1960 où la voiture était le seul mode de transport, même si dans les invites de la résolution on parle de complémentarité des moyens de transports. Il faut être réaliste et aussi chercher à se remettre en question. Il faut changer ses habitudes, faire preuve d'inventivité. On peut évoquer à ce sujet le projet de carte multimodale qui est peut-être une solution beaucoup plus originale et beaucoup plus actuelle que de vouloir miser avant tout sur la voiture.

Le groupe des Verts insiste sur le rejet de la résolution 498 et sur le classement de la pétition 1540. (Applaudissements.)

Mme Elisabeth Chatelain (S). Le projet de la traversée de la Rade revient et ça se comprend car tout n'est pas réglé, en matière de transport dans le canton et dans la région. Ce qui nous est proposé ce soir, avec cette résolution et cette pétition, demande que ce projet d'infrastructure soit traité comme une priorité. Pour reprendre les paroles de Mme Baud, cette priorité n'en est vraiment pas une pour nous. Il n'est pas acceptable que ce projet soit traité comme une priorité. Pour information, nous avons auditionné à la commission des transports 15 communes d'Arve et Lac. Quand la question leur a été posée de savoir si la traversée de la Rade était pour elles une priorité, ces communes, unanimes, ont répondu non. La première priorité, super importante pour elles, c'était le triplement de l'offre des transports publics.

Les problèmes de circulation sont lancinants, mais on ne peut pas souscrire à ce projet. Une traversée de la Rade, si elle doit être construite, doit impérativement s'inscrire dans un projet urbain global et celui-ci n'est pas encore réalisé. Une traversée de la Rade doit faire partie d'un axe régional et le projet qui nous est proposé ce soir est un projet de traversée trop petite pour rentrer dans ce cadre. Sur le plan de l'aménagement urbain, le centre-ville, lieu de convergence de la majorité des déplacements, n'a pas été adapté à cette nouvelle taille de l'agglomération. C'est à une redéfinition du périmètre que doit être intégré un éventuel projet de contournement est de Genève. Sans d'ailleurs y rajouter un nouveau parking sous-lacustre, comme le demandent les mêmes milieux qui veulent la traversée de la Rade, soi-disant pour enlever les voitures du centre-ville. Il y a là quelque chose qui m'échappe. C'est incompréhensible !

Il faut rappeler qu'en termes de priorité une dépense de 600 millions de francs pour dévier 15% du trafic du pont du Mont-Blanc n'est pas du tout appropriée. En plus, ce montant n'inclut même pas les mesures d'accompagnement indispensables pour que ce projet permette au centre-ville de respirer.

Par conséquent nous vous recommandons de rejeter cette résolution, de classer cette pétition et ensuite de poursuivre la réflexion pour trouver des solutions régionales à l'augmentation de la mobilité dans notre agglomération. (Applaudissements.)

M. Hugo Zbinden (Ve). Je n'aimerais pas revenir sur les arguments techniques que vous venez d'entendre. Pour ça, je vous invite à lire le rapport de minorité, qui est excellent. J'aimerais rappeler qu'en démocratie, c'est toujours la majorité qui a raison: pas la majorité de la commission, la majorité du peuple !

Une voix. On l'a vu avec la TVA, c'est pas à nous qu'il faut dire ça !

M. Hugo Zbinden. Or, le peuple a déjà décidé en 1996. Qu'est-ce qui aurait bien pu changer ces dix dernières années pour que le peuple change d'avis ? En 1996, nous n'avions pas encore le stade de la Praille et le Servette FC jouait en ligue A, mais je ne suis pas sûr que cela ait une grande influence en ce qui concerne une décision sur la traversée de la Rade.

Pour ceux qui se feraient du souci pour les finances de l'Etat, ils pourront constater qu'en 1996 la dette s'élevait à 8,9 milliards de francs. Aujourd'hui, on est à 13 milliards. Ceux qui se font de souci pour leur porte-monnaie peuvent constater qu'en 1996 le baril de pétrole était à 20 $ et aujourd'hui on est environ à 70 $ le baril. Je n'ose pas imaginer quel sera le prix du baril en 2020, une fois qu'une traversée aura peut-être été réalisée.

Ceux qui se font du souci pour les alternatives constateront que l'on fait des efforts assez grands pour augmenter l'offre des transports publics. On a inauguré quelques lignes de tram, on va avoir d'autres lignes de tram et on aura le CEVA. Je pense aussi que, gentiment, les Genevois commencent à s'intéresser à l'écologie. Non seulement ils sont plus nombreux à voter pour les Verts, ils sont aussi plus nombreux à utiliser les TPG et ils sont plus nombreux à se déplacer à vélo. Ils sont aussi plus nombreux à se déplacer moins: c'est peut-être tout simplement ça la solution à nos problèmes de mobilité.

Vu toutes ces évolutions, j'arrive à la conclusion que le peuple voterait aujourd'hui de la même manière qu'en 1996. Le verdict serait aussi clair et net. La seule chose qui n'a pas évolué, c'est l'entêtement des pétitionnaires pour cette traversée. Malheureusement, proposer à nouveau la construction d'une traversée n'est pas très constructif. Nous, les Verts, avons une autre vision de la mobilité en 2020 et nous refusons et la pétition et la proposition de résolution. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Je pensais être au parlement de Genève, mais j'ai l'impression d'être au parlement de Lourdes aujourd'hui ! Vous, la droite genevoise, avez dégoté le projet miracle ! J'ai quand même pris quelques notes. Vous nous annoncez que, grâce à votre projet, il n'y aura plus de bouchons, tout sera fluide. On nous a dit qu'on allait gagner de l'argent, que ce serait magnifique d'un point de vue économique, qu'il y aurait moins de pollution, que ça améliorerait les TPG, notamment sur le pont du Mont-Blanc. Vous êtes les David Copperfield de la circulation, c'est magnifique ! Mais alors, ce que je ne comprends pas, c'est que ça fait des décennies que vous êtes majoritaires, au parlement et au gouvernement, à quelques petites exceptions près qui, j'espère, vont se généraliser. Pourtant, vous n'avez pas réussi à concrétiser ! Qu'est-ce qui vous manquait ? Cela fait des années que vous avez cette idée géniale qui va résoudre tous les problèmes de Genève et pourtant vous n'avez pas passé à l'action. C'est étonnant quand même ! Si vous n'avez pas passé à l'action, c'est sans doute pour deux bonnes raisons.

Première raison, vous savez très bien que Genève n'a pas les moyens de se payer cet ouvrage: 1 milliard de francs pour faire une traversée de la Rade. Vous savez très bien qu'on n'en a pas les moyens. (Brouhaha.) 2 milliards ? M. Unger dit 2 milliards ! (Brouhaha.) Ou alors était-ce le signe de la victoire ? Au PDC, ce n'est pas tous les jours ! (Rires.) Bref, je vous la laisse à 1 milliard, mais nous n'en avons pas les moyens ! Plus sérieusement, c'est la même majorité qui vient d'affirmer, il y a quelques heures, que Genève est tellement coincée qu'il fallait couper environ 100 F par mois dans les aides aux familles les plus défavorisées, pour les frais de vêtements et les frais de transports publics. D'un seul coup, vous revenez, finalement, pour dire que vous êtes d'accord de dépenser 1 ou 2 milliards de francs. Non, nous n'en avons pas les moyens !

Deuxième raison - et elle est aussi importante - c'est que c'est inefficace ! Totalement inefficace ! Vous allez créer de l'illusion. On traversera le lac en moins de deux, mais on n'arrivera ni à entrer dans le tunnel, ni à en sortir ! Comment allez-vous faire entrer et sortir plein de voitures - je cite votre projet - dans le quartier de Sécheron et des Pâquis ? M. Stauffer disait qu'on pourrait faire une voie avec 18 pistes. Pas de problème ! De l'autre côté, à Cologny, c'est vrai qu'il y aurait peut-être des opportunités pour un accès au tunnel, mais visiblement vous n'avez pas choisi cette option, vous préférez les Eaux-Vives. C'est vrai que la circulation dans le quartier des Eaux-Vives est tellement fluide aujourd'hui qu'on pourrait encore y rajouter des voitures ! On peut y aller, pas de problème !

Vous allez résoudre les problèmes du canton ainsi ? Vous n'êtes pas sérieux ! Vous faites des fausses promesses que vous êtes incapables de tenir ! Je vous le redis, ça fait des décennies que vous avez le pouvoir législatif et gouvernemental et vous avez été incapables de réaliser votre miracle ! Alors, ayez-en le courage et ne soutenez pas n'importe quelle résolution qui ne donne rien et qu'on classe dans des tiroirs ! Faites un projet de loi incluant un financement ! Nous irons au référendum pour en débattre avec le peuple et nous verrons alors qui gagnera ! (Applaudissements.)

M. Ivan Slatkine (L). J'avoue être assez atterré par le niveau du débat de ce soir. Atterré parce qu'on met en opposition le transport privé et le transport public. Alors que je crois qu'aujourd'hui, pour l'avenir de Genève, il ne s'agit pas de mettre en opposition le véhicule privé avec le véhicule public. Il s'agit de trouver des solutions pour développer les transports publics et permettre aux gens qui ont des automobiles de se déplacer.

J'ai entendu énormément de choses. Monsieur Brunier, je m'excuse de vous citer, mais, à vous entendre, il n'aurait pas fallu faire l'autoroute de contournement, parce qu'elle n'aurait servi à rien. Je n'ose pas imaginer ce que serait le trafic aujourd'hui dans ce canton, sans l'autoroute de contournement qui aujourd'hui a atteint un niveau de saturation.

J'entends les Verts nous dire qu'aujourd'hui la solution, c'est le développement massif des TPG, c'est la création de zones piétonnes. Mesdames et Messieurs, sachez que le parti libéral est pour le développement massif des TPG; il est pour la création de zones piétonnes. Mais, pour ce faire, il faudrait permettre aux voitures de ne pas se trouver où elles sont aujourd'hui. Il faut donc les sortir de la ville. Il faut aujourd'hui créer un périphérique autour de notre canton. Il faut développer des P+R pour permettre aux gens de se garer et il faut développer des TPG qui viennent les chercher dans ces P+R pour ensuite les mener en ville. Je crois qu'aujourd'hui il faut qu'on arrête ce débat stérile - privé contre public. Il faut trouver des solutions.

Cette pétition a été signée par 18 884 personnes et il ne faut pas non plus renier ces gens. Je crois que cela représente plus du double des voix qui vous ont permis d'arriver dans ce parlement, Monsieur Brunier. Je crois qu'aujourd'hui ce qu'on demande au Conseil d'Etat, c'est de trouver, non pas la solution miracle, mais de se pencher sur une solution et, tout le monde est d'accord pour le dire, il n'y a pas d'autres solutions, à terme, qu'une nouvelle traversée du lac. C'est tout, la réalité est là !

On peut débattre de tout ce qu'on veut, mais le but n'est pas d'opposer, une fois de plus, le privé au public. Le but est de trouver la solution, qui contribue au mieux à une amélioration de la qualité de vie en ville, qui permette aux gens de se déplacer de la meilleure des façons, quel que soit le moyen utilisé, public ou privé. Ce n'est pas en disant que la droite a eu le pouvoir pendant 40 ans et qu'elle a été incapable de réaliser quoi que ce soit qu'on va aboutir à quelque chose.

Personnellement, je vous dis la chose suivante: je soutiendrai un développement massif des TPG, si on vient nous proposer des solutions alternatives pour le transport privé et si on vient nous offrir des solutions pour que l'on puisse vivre en harmonie et dans un environnement qui soit de meilleure qualité.

Le président. Sont encore inscrits: M. André Reymond, Mme Véronique Schmied, M. Robert Cramer, M. Eric Stauffer, M. Georges Letellier, M. Gilbert Catelain, M. Michel Ducret, M. Gabriel Barrillier, M. Alain Meylan et M. Christian Brunier. Le Bureau propose de clore la liste et de donner la parole à M. Reymond.

M. André Reymond (UDC). C'est un petit peu attristant de voir certains partis qui veulent absolument paralyser le centre-ville, qui veulent absolument des transports publics, qui veulent mettre tout le monde à pied et supprimer la voiture. Je pense que pour la réputation de la Genève internationale que vous défendez tout aussi bien que les partis de droite, une paralysie telle que vous la proposez n'est pas une solution qui a un grand avenir, pour notre cité de Genève - ville et canton compris. C'est vrai qu'au bord du lac, les pare-chocs sont contre les pare-chocs, il y a le CO2 que vous critiquez parce que nous n'avons pas de politique environnementale, en disant qu'il faut supprimer les voitures. Je pense qu'une plus grande fluidité est nécessaire. Il est tout à fait normal que nous continuions, comme on l'a promis à la population, à développer une complémentarité transports publics-automobile.

Cela ne sert à rien de vouloir supprimer à tout prix toute circulation privée, chers collègues des partis de gauche. Il ne suffit pas de dire qu'il faut être inventif, non ! Le développement de Genève demande justement une traversée de la Rade, pour que le pont du Mont-Blanc puisse avoir deux voies réservées aux transports publics. Je pense qu'il faut savoir respecter ce que la population désire à Genève. La circulation privée est une demande ! A Genève, on demande à avoir aussi la possibilité de circuler avec des automobiles privées. En allant dans ce sens on paralysera Genève, en faisant toujours ce combat de vouloir mettre tout le monde dans les transports publics. Il a été souligné ce soir aussi qu'il y a des possibilités de partenariat privé-public pour ce tunnel. C'est vrai qu'il y a un problème législatif et il faudra éventuellement revoir des questions de loi. Un tunnel avec péage n'est peut-être pas une mauvaise solution, en tout cas pour les personnes qui veulent regarder l'avenir de Genève de manière positive, c'est dans ce sens qu'il faut réfléchir et demander au Conseil d'Etat qu'il se mette au travail. C'est pour cela que le groupe UDC soutiendra le rapport de majorité, tant du point de vue de la résolution que de la pétition.

Mme Véronique Schmied (PDC). Je vais faire une petite intervention rapide puisque la route est encore longue jusqu'à la clôture de ce point. La traversée sous la Rade reste pour le groupe démocrate-chrétien un bon projet, même si la traversée proposée dans la pétition ne nous paraît pas être la bonne traversée. Nous sommes convaincus que seule la grande traversée a véritablement un sens. A entendre les arguments des Verts, mis à part peut-être sur la question du financement, il semble que nous sommes d'accord. La grande traversée serait à notre sens le meilleur projet, parce qu'elle n'amènerait pas le trafic aussi avant dans la ville, parce qu'elle compléterait l'autoroute de contournement en bouclant la boucle, et parce que sa réalisation serait subventionnée par la Confédération, ce qui n'est pas le cas de la traversée objet de la pétition.

D'autre part, la grande traversée libérerait du trafic individuel les quais et l'hypercentre comme sa cadette, grâce à des P+R, d'ailleurs demandés dans la résolution.

De plus, la moyenne traversée, si elle se construisait, noierait définitivement tout projet de grande traversée - sans jeu de mots. Certains d'entre nous auraient en effet beaucoup aimé voir un magnifique pont sur la Rade, mais on n'en est pas là. On ne va pas construire une longue traversée - ni dans 20 ans, ni dans 50 ans - si on choisit d'en construire une courte, ce qui serait une erreur pour la Genève de demain.

Le groupe démocrate-chrétien soutient le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat et votera la résolution, dans le but de ne pas refermer ce dossier.

Pour terminer, M. Brunier jouait avec un montant de 1 ou 2 milliards de francs, mais pour l'instant il s'agit d'une étude. Si une étude est prévue par la pétition et la résolution, c'est précisément pour réfléchir et ne pas jouer comme ça avec les milliards.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat. Néanmoins, j'aimerais quand même faire quelques remarques. Lorsque j'étais conseiller municipal libéral, en 1981... (Exclamations.) Libéral, oui, oui ! Nous parlions déjà de cette traversée de la Rade. Est-ce que vous pouvez vous imaginer que cela fait 27 ans au moins qu'on parle de cette traversée de la Rade. Même plus que ça, mais avant je ne m'intéressais pas à la politique: heureux celui qui ne sait pas ! Partant de ce principe-là, il est vrai que c'est un dossier que je connais et que j'ai étudié.

Pour reprendre ce que M. Brunier a dit, il y a quelques aberrations qui me paraissent insurmontables. Même si on réalisait 2x18 voies, si à l'entrée et à la sortie, et vice versa, les voies d'accès ne sont pas en relation, cette traversée de la Rade ne servira à rien. Il y a eu plusieurs variantes évoquées, comme faire sortir la traversée de la Rade à Champel. Il y a eu opposition des partis de droite, car on sait qu'à Champel il y a un peu plus de gens de droite que de gauche. Ensuite il y a eu les Eaux-Vives, mais il faudrait voir encore où. Ensuite, il y a eu Sécheron, mais on vient de dépenser des sommes colossales pour faire de la rue de Lausanne une route à une seule voie, où désormais, même en moto, il faut quasiment 20 minutes pour aller d'un bout à l'autre. Je n'ose pas imaginer une traversée de la Rade qui sortirait à Sécheron, vers l'avenue de France et la rue de Lausanne. Ce serait juste une catastrophe !

Néanmoins, pour une vision de Genève à moyen et à long terme, une traversée est nécessaire. Raison pour laquelle nous rejoignons les propos de Mme Schmied: il ne faut pas enterrer ce dossier. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Georges Letellier (Ind.). On parle, pas depuis 27 ans mais depuis 18 ans, de la traversée de la rade. C'est véritablement un peu une histoire à la Raymond Devos ! Parce qu'on tourne en rond. Personne ne prend des décisions parce que personne n'ose les prendre, pour préserver ses prérogatives ! Et ça, ça va pas ! La traversée de la Rade est indispensable, il faut vraiment qu'on s'y mette et qu'on la fasse ! Parce que, Messieurs les Verts, vous faites le travail à l'envers, n'est ce pas Monsieur Brunier !

M. Christian Brunier. Je ne suis pas Vert !

M. Georges Letellier. Il est vert de gris ou «vert off'», quoi ! Vos arguments ne tiennent pas la route. Vous êtes en train de tourner autour de 600 millions de francs...

Le président. Monsieur le député, veuillez vous adresser à la présidence, elle vous écoute avec la plus vive attention !

M. Georges Letellier. Pardon ? (Rires.) 600 millions de francs pour une réduction de trafic de 15% sur le pont du Mont-Blanc: j'aimerais bien savoir quel est l'artiste qui a donné ce chiffre. C'est déjà une chose. Le deuxième point, c'est M. Robert Cramer lui-même qui a relancé le projet de traversée de la rade. (Commentaires.) Avec ses talents de visionnaire, il avait sans doute d'excellentes raisons à cela.

Pour en revenir à la traversée, je suis d'accord avec M. Reymond et certaines personnes qui se sont exprimées pour faire comme on a fait à Hong Kong. Entre Hong Kong et Kowloon, on a fait deux traversées, en une année et demie chacune. On n'a pas mis 10 ans pour réaliser une traversée ! Si on est vraiment embarrassé par la main d'oeuvre, pour ne pas faire les choses très rapidement, on peut prendre une entreprise extérieure. Libre concurrence ! On peut aussi faire la traversée de la Rade avec un péage ! (Brouhaha.) Je m'excuse, je regarde les singeries de notre ami en face. (Brouhaha.) Ouais, ouais, ouais ! Vos arguments ne tiennent pas la route ! Vous êtes sans arrêt en train de bloquer des travaux qui sont nécessaires à la ville de Genève et je ne vous félicite pas pour ces prises de position qui durent depuis 18 ans ! Y en a marre ! Merci, Monsieur le président et excusez-moi !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je constate votre fascination absolue pour les bancs d'en face. Je n'ai pas réussi à capter votre attention. Encore une démonstration de mes limites !

M. Gilbert Catelain (UDC). Le débat de ce soir me semble déplacé, dans la mesure où nous devons nous poser la question de savoir si nous aurons le choix ou pas de construire cette traversée de la Rade. J'ai surtout l'impression et le sentiment que nous devrons la construire, qu'on le veuille ou non, en raison du développement économique de ce canton, de la croissance de sa population et par le fait que depuis maintenant 16 ans nous n'avons plus construit un seul pont pour traverser soit le Rhône, soit le lac.

Fin 2001 ou début 2002, ce parlement a voté à l'unanimité, à part quelques abstentions dont la mienne, un crédit de 400 millions de francs pour construire la liaison CEVA, dans l'esprit de la complémentarité des transports. Il est vrai que la droite de ce parlement a été un peu trop confiante et qu'elle n'a pas assuré ses arrières, en demandant un engagement du Conseil d'Etat sur le respect de cette complémentarité. Personne dans ce parlement ne s'est posé la question de savoir si on pourrait financer ce projet à 400 millions de francs. Personne ne se pose la question de savoir si on peut payer 50 millions de francs le kilomètre de voie de tram. Par contre, lorsque nous sommes confrontés à la construction ou au projet de construction d'une traversée entre la rive gauche et la rive droite, le débat budgétaire bat son plein.

Quelle est la situation aujourd'hui dans ce canton ? On sait, par les comptages qui sont fait régulièrement par le département, par les statistiques qui sont tenues par l'office cantonal de la statistique, que les déplacements, transfrontaliers notamment, ont doublé en 20 ans. Nous savons aujourd'hui que grosso modo 500 000 personnes traversent quotidiennement les frontières cantonales ou nationales. Nous savons que la capacité des transports publics n'absorbe que 3% à 4% de ces déplacements; même un doublement de la capacité des transports publics ne permettra d'absorber que les 6% de ces déplacements, voire 8% au grand maximum.

Oui ! Nous devons développer les transports publics ! Mais nous devons être conscients qu'en tout état de cause cette mesure sera insuffisante pour absorber le besoin de déplacement de notre population - population dont vous accueillez à bras ouvert la croissance, sans vous préoccuper des besoins de mobilité que cette croissance engendre.

La seule proposition du parti des Verts que j'ai entendue ce soir, c'est la carte multimodale. Mais la carte multimodale ne permettra d'absorber que 3% de déplacements supplémentaires, et pas plus. C'est le contrat de prestations qui nous lie ou qui nous liera demain avec les TPG qui le prévoit. Nous n'avons donc aucune solution alternative pour absorber le volume de déplacement actuel et le volume des déplacements futurs, puisque vous avez dit vous-mêmes qu'il y aura une augmentation de 50% des déplacements à l'horizon 2015.

Concernant le coût de la traversée, j'ai contacté un ami ingénieur civil, diplômé de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne avec une spécialisation en construction de tunnels. Il travaille pour le groupe Bouygues. Il a jugé l'estimation du coût de 600 millions de francs surestimée et il a pu me donner des chiffres concernant des tunnels construits ailleurs par ce groupe et dont le coût était nettement inférieur. Quand je vois l'estimation faite par le Conseil d'Etat, à deux doigts, pour indiquer 2 milliards, je me dis que si pour le budget et les comptes, c'est le même genre d'estimation qu'on nous propose, on peut mettre en doute l'estimation du Conseil d'Etat. Laissons donc de côté le coût pour l'instant, sans compter qu'il y a la possibilité d'un partenariat public-privé, qui permettrait un financement privé, avec un loyer pour la collectivité, à hauteur des intérêts de l'emprunt effectué par les privés et une remise de l'ouvrage au bout de 50 ans de loyer.

Les Verts nous ont aussi servi l'argument classique de l'augmentation du prix du pétrole. Je rappelle que le déplacement privé de demain ne se fera pas forcément avec des énergies fossiles, qu'il pourra se faire aussi par des énergies autres, notamment électriques. La Poste, en France, a décidé de se doter de 2000 véhicules électriques, dont le coût d'utilisation avoisine 1 ou 2 euros les cent kilomètres. Ces véhicules sont déjà disponibles sur le marché. Le canton de Genève s'abstient bien d'acheter ce type de véhicules et la Confédération s'abstient bien d'encourager l'utilisation de ce type de véhicules. Pourtant ils existent sur le marché, sont exposés au Salon de l'automobile depuis deux ans. Avec les nouvelles batteries lithium, nous pouvons estimer que la plupart de nos résidents, dans quelques années, se doteront de ce type de véhicules dont le coût d'utilisation les rendra malheureusement bien plus avantageux que les transports publics.

Concernant le CEVA, vous avez accepté un crédit de 400 millions de francs pour un moyen de transport dont on nous a dit à l'époque qu'il permettra de transporter 40 000 personnes par jour. 40 000 personnes par jour, ce n'est pas énorme !

Le président. Il va vous falloir préparer à conclure, Monsieur le député !

M. Gilbert Catelain. Le pont du Mont-Blanc, c'est environ 80 000 personnes par jour. Le rapport, au niveau du coût, est tout à fait favorable à une traversée de la Rade. Surtout si ce coût descend en dessous des 600 millions de francs. Je rappelle aussi que le CEVA ne permettra pas d'absorber plus de 8% du trafic transfrontalier et il faudra trouver d'autres alternatives. Par conséquent, je vous invite à soutenir cette résolution, à renvoyer la pétition au Conseil d'Etat et surtout à être très attentif à l'analyse des déplacements effectuée par le département cet automne et dont les résultats devraient nous être communiqués d'ici la rentrée.

M. Michel Ducret (R). Première chose, pour rassurer M. Stauffer: notre Grand Conseil a accepté la pétition pour la réalisation du tram de Meyrin en 1978 et nous n'avons ouvert le chantier que cette année, alors qu'il n'y a eu pratiquement aucune opposition à ce projet durant toutes ces années. Il y a donc encore de la marge pour une traversée de la Rade, même avec des oppositions !

Pour le solde, on ne peut prendre aucune mesure sérieuse de limitation du trafic automobile urbain et, par conséquent, également d'amélioration de la situation des transports collectifs, sans trouver un autre chemin pour les flux automobiles parasites qui utilisent les voies urbaines sans que celles-ci en soient la destination. Les discours contraires, qui ne sont finalement que des professions de foi, ne servent à rien, sinon à repousser l'échéance à son extrême urgence. Et ce, même si on obtenait un report massif sur les transports collectifs, ce que personnellement je souhaite.

Pour les travaux à engager, ils peuvent parfaitement faire suite à ceux du CEVA et des principales lignes de tram, travaux qui devraient arriver à leur terme à partir des années 2012-2015 à peu près. Donc, si on veut démarrer le travail de traversée de la Rade dans un tel délai, Mesdames, Messieurs, il faut lancer dès aujourd'hui les études, faire des propositions qui soient traitées au niveau politique, très probablement par le peuple - ce qui est souhaitable, je pense. Pour faire les études effectives et ouvrir le chantier - croyez-moi, Mesdames, Messieurs - 2012, comme échéance, c'est moins de 6 ans ! Ce n'est pas grand-chose en réalité, et si gouverner c'est prévoir, il nous faut bien ce délai-là au minimum pour mettre tout ceci en route et pour pouvoir se prononcer valablement. Il est donc urgent de se préoccuper du problème et lancer les études.

Par ailleurs, la suffisance du rapport de minorité par rapport aux conditions de vie des habitants de la Ville de Genève - contraints de subir un transit parasite qui passe via toutes ces pénétrantes par l'hypercentre - est pour moi tout simplement insoutenable. On affirme, Mesdames, Messieurs, qu'il n'y a qu'à prendre des mesures pour freiner le trafic en ville, qu'il n'y a qu'à faire du report sur les transports collectifs, etc. Il n'y a qu'à ! Personne ne conteste l'utilité de ces mesures-là, mais, à elles seules, elles ne peuvent constituer qu'une forme univoque de réponse au problème posé ! Quand on dit qu'il n'y a que 15% du trafic qui passe par là qui sont du trafic de transit, il faut savoir que ce comptage, c'est le trafic de transit par rapport au canton. Le transit par rapport à la Ville de Genève, croyez-moi, représente bien plus que ces 15% ! C'est bien plus énorme ! C'est fausser les chiffres, c'est dire que les habitants de la ville sont des sous-citoyens qui ont le droit de respirer de la merde, alors que les habitants de Vésenaz, les habitants du Grand-Saconnex, les habitants de Meyrin, qui sont très peu autour des ouvrages que l'on va réaliser pour éviter leurs centres de villages auraient des droits supérieurs ? Mesdames, Messieurs, c'est tout simplement inacceptable ! Ceci n'est pas soutenable. A l'échelle de notre région, il n'est simplement pas possible de faire croire encore plus longtemps que les Genevois seront quittes d'équipements routiers dans l'avenir. Il n'y a qu'ainsi que les autres mesures en faveur de la qualité de vie en ville pourront être prises, c'est certain !

Genève ne peut plus se contenter, premièrement, de faire passer du trafic de transit dans son hypercentre et, deuxièmement, de bloquer le développement régional - donc au final le sien propre aussi - en refusant égoïstement des équipements à l'échelle de la région. L'effort que nous avons fait pour le CEVA, nous devons le faire aussi au niveau routier ! Ce sera aussi pour le bien-être des habitants de notre cité !

M. Gabriel Barrillier (R). Je vais être très bref et je me situerai sur le plan purement politique car je crois que tout a été dit. Tout le monde est finalement d'accord sur la nécessité de réaliser ce contournement sud-est de Genève. Je rappelle qu'il y a 10 ans jour pour jour - on a vérifié - les deux projets pour la traversée de la Rade avaient été refusés par le peuple. 10 ans, jour pour jour ! Nous avons donc 10 années qui vont encore générer 20 ans de retard. En ce qui concerne les transports en commun, notamment le RER, nous avons 10 à 15 ans de retard. Si on veut continuer à prendre du retard, à perpétuer ce retard, qu'on continue à s'opposer à ces deux réalisations que nous devons mener à bien !

Je le rappelle parce que certains l'ont souligné et ont placé le CEVA en opposition aux transports privés. Mon collègue Alain Meylan le rappellera sans doute tout à l'heure, en disant qu'il s'agit d'un marché de dupes. J'aimerais dire qu'en 1996, tout a été refusé. Le seul projet qui, dans les années 1996-1999, pouvait mobiliser et avait une chance d'être accepté, c'était le RER, c'est à dire le CEVA, avec un financement fédéral. Mais il était évident qu'il fallait d'emblée prendre des mesures et faire les études nécessaires pour compléter cette réalisation de transports publics par une réalisation pour les transports privés, selon le principe de complémentarité.

C'est là que je m'adresse au parti des Verts et aux socialistes. Ce n'est pas la première fois, ce soir, que je suis profondément déçu. Je sais qu'en politique il ne faut pas faire de sentiment et qu'on peut être déçu, mais quand même, là, Mesdames et Messieurs, chers collègues des partis de gauche, vous ne tenez pas vos promesses ! Vous n'êtes pas crédibles ! Parce qu'il y avait une belle unanimité pour les transports publics, financés en grande partie par la Confédération. Vous étiez d'accord et vous vous battiez avec nous. Vous savez que le combat n'est pas terminé. Là, ce qu'on vous demande, c'est des études - d'ailleurs entreprises par votre ministre - des études pour que d'ici 10 ou 15 ans au maximum on puisse compléter ce système, ce dispositif, par une traversée, par un contournement sud-est de Genève. Vous refusez cela pour des raisons doctrinaires - par intégrisme ! Je suis désolé, Madame la rapporteuse de minorité, vous êtes nouvelle dans ce parlement, mais en lisant votre rapport je me suis dit que rien n'avait bougé ! C'est vraiment de l'intégrisme ! C'était comme tout à l'heure sur le logement, on a l'impression que rien ne bouge ! De grâce, nous avons fait un bout de chemin vers vous, vous le savez, un sacré bout de chemin, pour avoir les 600 millions de francs de la Confédération. Nous nous battons ensemble ! Vous pourriez avoir l'intelligence et le courage de faire, vous aussi, un bout de chemin et de voter, vous aussi, ces études ! (Brouhaha.)

Le président. Je rappelle que vous avez à vous adresser à la présidence. C'est trop tard pour ce qui est de M. Barrillier, mais c'est toujours utile pour les suivants. M. Alain Meylan a la parole.

M. Alain Meylan (L). J'ai presque hésité à parler de ce sujet ce soir, puisque c'est presque ce qui m'a incité à entrer en politique après les combats d'il y a 15 ans et les tentatives de conciliation du trafic privé et du trafic public. Je rappellerai à cet égard l'accord historique survenu suite aux discussions entre Mme Burnand, magistrate socialiste de la Ville, M. Rouiller, représentant de l'ATE et moi-même qui représentais le transport privé. Cet accord portait sur le développement des transports publics par la remise en action de tout le développement du tram, notamment sur le quai de la Poste, grâce à une action concertée et consensuelle, incluant la création d'un parking et de zones piétonnes, etc. Malheureusement, ce projet a été annulé par un vote de la Ville. Je regrette que cela ne se soit pas fait au niveau du canton. J'ai effectivement tenté, il y a une dizaine d'années, d'arriver à ce consensus, d'arriver à trouver des solutions communes. Malheureusement, je vois et je constate qu'on a de la peine à arriver jusqu'au bout de nos actions.

Alors quand on vient me dire, comme certains Verts: «respectez la voix populaire, vous n'êtes pas démocratiques». Démocratique, je ne sais pas si je le suis, mais 88% de l'électorat genevois en 1988 a voté pour des transports publics et à peu près la même proportion pour une traversée de la Rade. Qu'est-ce que nous a dit l'électorat à ce moment-là? Il nous a bien parlé de la complémentarité, se disant d'accord de développer des transports publics, mais se disant aussi d'accord de développer les transports privés, en créant des réseaux et les moyens nécessaires à une alternative au passage dans le centre-ville, de manière à pouvoir répondre, d'une part, au plan directeur et aux ordonnances sur la protection de l'air (OPair) et, d'autre part, au plan directeur et aux ordonnances sur la protection contre le bruit (OPB), de façon à éviter que les voitures, le transport privé et une partie du transport professionnel ne passent à travers ce centre-ville. (Exclamations.) Il y a probablement eu un goal !

Le président. Monsieur Meylan, vous allez finir par déranger les footballeurs ! (Rires.)

M. Alain Meylan. Ceux qui travaillent, ceux qui en définitive créent de la richesse - qui créent des emplois, qui créent tout ce qui fait que Genève peut vivre au rythme auquel elle vit, grâce aux impôts et aux dépensent des gens - ne reçoivent aucun respect d'une partie de ce parlement, à gauche, qui dépense - que dis-je ! - qui dilapide certains impôts de manière inconsidérée ! Je dois malheureusement le constater et le dire.

Donc, cette traversée de la Rade, par rapport à cela, est absolument nécessaire. Je le dis et j'appuie les propos tenus il y a un instant par mon collègue M. Slatkine. Cette traversée est absolument nécessaire, pour faire en sorte que le trafic pendulaire, indésirable au centre-ville, puisse avoir un passage alternatif. Une alternative qui ne soit pas une alternative de répression, qui ne soit pas une alternative d'interdiction, mais un véritable choix pour dire volontairement: «je ne passe plus au centre-ville».

Le centre-ville existe pour être attractif, pour que les commerces soient accessibles. Il faut aussi qu'il y ait des places piétonnes et autres possibilités de déplacement en mobilité douce. Mais oui, Monsieur Zbinden, la mobilité douce, on est tous d'accord ! On y est tous favorables !

Le président. Monsieur Meylan, vous vous adressez à moi, s'il vous plaît !

M. Alain Meylan. Il faut une alternative ! Il est absolument nécessaire d'avoir cette traversée de la Rade. Je rends hommage à M. Cramer, qui a lancé cette étude. C'est vrai qu'il y a des points noirs dans cette étude, avec la trémie. Je vous l'accorde, Monsieur Brunier ! On ne peut pas arriver à un objectif sans de temps en temps avoir des points noirs. Globalement, qu'est-ce qu'on lit dans cette étude ? Tout bien considéré, tous les aspects sont positifs. Certes, cela a un coût. Quelques centaines de millions de francs, peut-être 3 ou 4 centaines de millions de francs, je ne sais pas. C'est vrai que le CEVA coûtera aussi. On pourrait aussi dire que le CEVA va coûter très certainement 2 milliards de francs. Je ne sais pas, je reprendrai les chiffres, là n'est pas franchement le propos. L'important, c'est de savoir si on a envie d'avoir un développement coordonné des transports, sans qu'il y ait une guerre entre nous à ce niveau. Je pense qu'on doit obtenir une union et se mettre autour d'une table pour savoir quelle traversée de la Rade, quels objectifs pour quelle qualité de vie nous voulons. Je pense que c'est une hérésie, actuellement, que de vouloir faire traverser absolument le TCOB - le tram censé aller jusqu'à Onex et Bernex - par le pont de la Coulouvrenière. Cela ne pourra certainement pas se faire car il y a déjà cinq ou six lignes de tram qui passent par là. Pourquoi vouloir emprunter le pont de l'Ile alors qu'on a un pont du Mont-Blanc qu'il serait tout à fait possible d'utiliser en développant ce pont et en accordant sur ce pont de l'espace pour les transports publics et, pourquoi pas, pour la mobilité douce ? Il y a des possibilités, malgré qu'on ait le pont des Bergues, refait à grands frais pour plusieurs millions pour y faire passer quelques vélos. Le pont du Mont-Blanc est peut-être plus utile pour ceux qui se déplacent à vélo. Pourquoi ne pas aussi créer des voies pour les vélos sur le pont du Mont-Blanc, tout en écartant les voitures ?

Le président. Il faut vous préparer à conclure, Monsieur le député.

M. Alain Meylan. Oui, merci, Monsieur le président. Peut-être que de cette manière, en libérant de la place, de façon à pouvoir rendre les transports publics efficaces, on obtiendrait là une réelle alternative. Je vous recommande, Mesdames et Messieurs, d'appuyer ces projets, au nom du groupe libéral, aussi en mon nom personnel, pour les entreprises qui donnent du travail, qui paient des impôts et qui ont besoin de cette ville magnifique pour vivre et faire du commerce.

M. Christian Brunier (S). Je saisis l'offre de M. Meylan. Il nous dit qu'il faut que tous les partis se mettent autour de la table pour trouver une solution en matière de transports. Je crois que c'est un des points où on pourrait être d'accord. C'est vrai qu'il y a un constat, que nous partageons toutes et tous si nous sommes de bonne foi, c'est le constat fait par les experts et les ingénieurs de la circulation, tant en France qu'à Genève. C'est un chiffre qu'on doit avoir continuellement en tête: d'ici 2015, il y aura 40 à 50% de circulation en plus si nous ne faisons rien ! 40 à 50% en plus, c'est la catastrophe ! Sur un territoire aussi exigu que le territoire genevois, ce serait carrément l'asphyxie.

Donc, nous devons trouver des solutions, mais vous savez très bien - nous avons tous une certaine maturité en matière de finances pour dire que nous ne pourrons pas tout nous payer. Si on retient le chiffre du Conseil d'Etat disant qu'une traversée sous-lacustre coûterait 2 milliards, il faut se demander si nous avons les moyens de nous payer cette traversée ? On ne peut pas mettre 2 milliards dans ce projet, mettre 1 milliard dans le CEVA, mettre 1 milliard dans les autres transports publics, etc. Nous devons choisir des priorités ! En termes de priorités, si nous opposons les projets, si nous investissons 2 milliards pour une traversée de la Rade ou si nous mettons 2 milliards dans les transports publics - on a les chiffres, des études ont été menées - vous savez très bien qu'en transfert modal les 2 milliards investis dans les transports publics auront beaucoup plus d'effet sur la circulation qu'une traversée de la Rade dont on ne saura pas comment gérer les accès, à Sécheron et aux Eaux-Vives. Ce sera impossible à gérer !

Deuxième chose, vous nous dites de ne pas juger et de laisser faire des études. Des études sur la traversée de la Rade, Genève en a payé toute une série avec les deniers publics ! Le reproche que vous nous faites, nous demandant de ne pas juger avant, nous pourrions vous le faire aussi ! Vous êtes en train de nous dire que c'est génial et fantastique, que ça va résoudre tous les problèmes ! Et après, vous nous dites qu'il faudrait peut-être étudier le problème. Chronologiquement, on étudie éventuellement le problème, mais on ne commence pas par dire que c'est génial !

Maintenant, au sujet de la volonté populaire, j'ai entendu dire l'UDC qu'il fallait répondre à la volonté populaire; M. Meylan a même dit que 88% des gens à Genève étaient favorables à la traversée de la Rade. On peut tout évoquer et deviner plein de chose, au travers d'une boule de cristal ! Le seul baromètre sérieux que nous ayons eu sur la volonté de la population genevoise, c'est le vote populaire, le dernier en date - il est ancien, la population a le droit de changer d'avis et elle va peut-être changer d'avis - mais ce vote disait non aux traversées de la Rade ! Il ne faut pas l'oublier et il ne faut pas jouer avec la volonté de la population.

Je conclurai par une chose. Vous n'arrêtez pas de nous dire que nous, la gauche, bloquons tous les projets et qu'il s'agit d'un projet génial pour Genève. Vous avez dit que ça allait tout débloquer, qu'il n'y aurait plus de bouchons, plus de pollution, plus de problèmes ! Mathématiquement, il faut m'expliquer quelque chose: ici, la gauche - les Verts plus le PS - nous sommes 33 députés. Vous êtes potentiellement 67 députés. On verra ce qu'il en est du MCG qui a dit qu'il était plutôt favorable au projet, mais qu'il attendait un certain nombre de réponses. J'ai l'impression qu'il ne les a pas obtenues. Quand même, cela fait 67 députés de droite, 33 de gauche et vous arrivez à nous dire que nous, la gauche, arrivons à tout bloquer. Nous sommes donc super balèzes ! Avec un tiers du parlement on arrive à tout faire: nous avons soi-disant sacrifié les deniers publics, nous avons soi-disant bloqué la traversée de la Rade. C'est magnifique ! Pourtant vous êtes majoritaires ! Je le redis et ce, depuis des décennies !

Si vous voulez la faire, la traversée de la Rade, votez un projet de loi, osez aller jusqu'au bout, trouvez les 2 milliards. On verra ce que la population dira quand elle apprendra que vous consacrez 2 milliards à ça alors que vous êtes en train de couper dans les aides financières aux personnes les plus défavorisées de ce canton. Je vous mets au défi: faites votre projet de loi et nous verrons ensuite devant le peuple qui aura raison !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Ce débat, ce n'était pas une surprise, a été un long débat. Toutes sortes de choses y ont été dites, vous me pardonnerez de ne pas répondre à chacune et à chacun. Il y a peut-être deux éléments factuels sur lesquels j'aimerais revenir.

Un élément m'a frappé dans l'intervention de M. Catelain, qui comparait les coûts de la liaison CEVA et de la traversée de la Rade. Il disait qu'au fond 800 millions de francs ce n'était pas si cher que cela pour décharger le pont du Mont-Blanc de peut-être 15% de son trafic si on comparait cela aux 400 millions que l'on investira pour offrir un service de transports publics - à un certain nombre de passagers que M. Catelain chiffrait.

A mon avis, cette comparaison est totalement erronée. Dès l'instant où vous développez les transports publics, vous n'allégez pas le réseau sur un point seulement. Vous allégez la circulation de façon générale: un véhicule qui n'entre pas sur le réseau routier allège le réseau en tous les points. C'est en ce sens que le développement des transports publics - et je le répète chaque fois que j'ai l'occasion de le dire - est une façon de permettre à ceux qui ont besoin de leur voiture pour une raison ou pour une autre, de pouvoir continuer à circuler ainsi. Car la personne qui se déplace avec les transports publics offre de la place en plus sur la route pour tous les usagers de la mobilité individuelle. Je rappelle cela pour dire que les comparaisons sont bien difficiles à faire en ce domaine.

Deuxième élément, Monsieur Meylan, je dois vous dire très clairement que ce n'était pas pour ménager le pont du Mont-Blanc qu'on a décidé de ne pas y mettre une voie de tram. En faisant une étude sérieuse de notre réseau, on s'aperçoit que c'est effectivement sur le pont de l'Ile qu'il faut faire passer le tram, si on a besoin d'un deuxième pont pour le tram, comme ce sera le cas, parce qu'autrement on ferait des sacrés zigzags pour accéder au pont du Mont-Blanc. Je peux vous montrer des cartes qui sont très évocatrices à ce sujet. Vous devez en effet considérer maintenant que la plupart des trams viendront de Lancy ou du Bachet et pour ceux-ci, ce sera plus court de prendre le pont de l'Ile plutôt que de poursuivre jusqu'au pont du Mont-Blanc.

Voilà pour ces deux questions factuelles, mais, au fond, ce n'est pas ça l'objet de la pétition et de la résolution. On n'y parle pas de transports publics, on parle de mobilité individuelle. Sur ce plan, je vous dit simplement la chose suivante. Que vous renvoyiez ou non cette pétition au Conseil d'Etat, que vous adoptiez ou non cette résolution, le Conseil d'Etat s'engage à vous faire un rapport dans cet horizon d'environ 6 mois qui nous est imparti pour répondre à vos sollicitations quand à la problématique de la traversée de la Rade. Nous allons faire un rapport parce que nous sommes actuellement en train de travailler sur cet objet.

Si vous lisez le rapport de majorité de M. Leyvraz, vous verrez au bas de la page 3 que le secrétaire adjoint du département a indiqué qu'un rapport a été fait par le groupe de travail paritaire que j'ai mis en place et qui était composé à parts égales d'un certain nombre de membres d'organisations environnementales et, d'autre part, d'un certain nombres d'acteurs des milieux de l'économie. Ce rapport a été rendu, il fait actuellement l'objet d'une évaluation de la part de l'administration. L'administration a rendu au Conseil d'Etat un premier document de travail, un rapport provisoire. Sur cette base, le Conseil d'Etat a demandé à l'administration de poursuivre sa réflexion, non seulement en continuant l'examen du rapport, mais également en envisageant d'autres possibilités qui n'ont pas été retenues par les rapporteurs.

Au fond, j'ai le sentiment qu'il y a depuis bien longtemps quelque chose de biaisé, dans le débat sur la traversée de la Rade. C'est que ce débat a été envisagé comme s'il ne s'agissait pas tant de répondre à la question du soulagement de la Ville de Genève d'une partie de sa circulation, mais plutôt qu'il fallait faciliter l'accès aux commerces du centre-ville aux véhicules de ceux qui souhaitaient y faire des achats. Evidemment, c'est une contrainte comme une autre et elle est parfaitement respectable lorsque l'on fait des études, mais elle induit, par la force des choses, un certain nombre de conclusions. Pour reprendre la conclusion du rapport de minorité - vous voyez que cette intervention est extrêmement consensuelle - il n'est pas possible de donner des réponses avant d'avoir posé les bonnes questions.

Or, aujourd'hui, très vraisemblablement et même très certainement, il en va de même de la mobilité individuelle et des transports publics: la bonne approche c'est de réaliser que Genève n'est plus seulement une ville de 170 000 habitants, ce n'est plus aujourd'hui uniquement un canton d'un peu plus de 440 000 habitants. C'est également une agglomération franco-valdo-genevoise. Une agglomération qui compte entre 800 000 et 1 000 000 d'habitants, selon la façon de compter. C'est en fonction de cette agglomération-là que nous devons concevoir notre façon de nous déplacer, parce qu'aujourd'hui c'est dans une agglomération de cette importance qu'on se déplace. Les chiffres de M. Catelain sur les franchissements de frontière sont un peu pessimistes. Moi j'ai retenu qu'on avait plutôt - mais c'est déjà considérable - 250 000 franchissements de frontière entre Genève et la France et environ 100 000 franchissements de frontière entre Genève et la Suisse. Ce qui fait quand même 350 000 franchissements de frontière; ce qui est déjà considérable et induit un trafic considérable, en augmentation permanente.

Pour faire face, nous devrons répondre à cela par une offre accrue en transports publics; cette offre s'appelle CEVA et elle est indispensable. Nous serons obligés aussi de nous poser toute une série de questions sur l'évolution des réseaux routiers et pour cela, je suis désolé de le dire, il ne suffira pas d'une étude technique de plus pour savoir comment on fait pour construire un ouvrage d'art. Il s'agit avant tout de faire des études sur la circulation à laquelle nous sommes confrontés.

A cet égard, je dois vous dire que nous ne savons actuellement que peu de choses et c'est la raison pour laquelle nous avons engagé avec nos partenaires français un projet très ambitieux, une étude qui va coûter plus de 1 million de francs et par laquelle nous voulons établir un modèle mathématique pour savoir d'où viennent les gens, où ils vont, pourquoi ils se déplacent. Ce modèle permettra de traiter ces informations comme un certain nombre de variables avec lesquelles on peut composer, pour savoir très concrètement à quoi ressemble notre réseau routier, où il faut faire de nouvelles routes et pourquoi. Cela nous permettra aussi de voir comment on peut imaginer le développement des déplacements aussi bien individuels qu'en transports publics, aussi bien en bicyclette qu'à pied. On envisage ici véritablement l'entier des modes de transports.

Tout ce propos pour vous dire que, quand on parle de circulation, la bonne question à se poser c'est très probablement celle qui doit permettre de répondre, désormais, à un problème qui ne se situe plus au niveau ni de la ville ni du canton, mais à un niveau régional. C'est à cette échelle-là que l'on doit poursuivre la réflexion sur la pertinence d'un ouvrage qui contournerait Genève par l'est.

Voilà pour l'état de nos réflexions et aussi pour vous dire qu'il n'est pas forcément utile de voter tel amendement à la résolution, de nous donner tel mandat plus ou moins impératif. Le point de départ de la réflexion, on le connaît, c'est à peu près ce qui a dicté le rapport du groupe paritaire. Il ne donne probablement pas la bonne solution - peut-être parce que l'on n'avait pas posé les bonnes questions. Ce qui est certain, c'est que, quelle que soit votre décision de ce soir, le Conseil d'Etat vous fera rapport à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité de la commission des transports (renvoi de la pétition 1540 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 45 oui contre 35 non et 1 abstention.

Le président. Je vous soumets la proposition d'amendement concernant la résolution 498. Voici la teneur de la nouvelle invite: «à déterminer les différents moyens de financement à disposition, notamment en explorant les possibilités qu'offre le modèle de partenariat public-privé (PPP), à l'instar du canton de Berne depuis février 2006.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 35 non.

Mise aux voix, la résolution 498 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 34 non.

Résolution 498