République et canton de Genève

Grand Conseil

Le président. La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Moutinot, président du Conseil d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Droin, Jacques Follonier, Mariane Grobet-Wellner, David Hiler, Robert Iselin, Sami Kanaan, Alain-Dominique Mauris, Jacqueline Pla, députés.

Communications de la présidence

Le président. Je vous informe qu'en raison des difficultés de calendrier, et de façon que les imprimeries et la poste puissent transmettre à temps les projets pour le prochain Grand Conseil, le prochain dépôt est avancé d'une semaine: il est fixé au mardi 20 mai. Le dépôt suivant est fixé au 10 juin. Vu le rythme de nos travaux, je pense que cela conviendra à tout le monde qu'il y en ait deux en trois semaines.

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier du Président du Grand Conseil adressé au Conseil d'Etat concernant le rapport annuel (RD 485) de la médiatrice, relatif à la loi sur l'information du public (LIPAD) ( C-1645)

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8927
Projet de loi de MM. Rémy Pagani, Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, René Ecuyer instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste

Ce projet est renvoyé à la commission commission des affaires communales, régionales et internationales sans débat de préconsultation.

PL 8938
Projet de loi de modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)

Préconsultation

Mme Nicole Lavanchy (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui nous est proposé par la droite procède de la même logique que celle à laquelle nous avons assisté au niveau national, à savoir celle d'un démantèlement programmé des assurances sociales, notamment de la loi sur l'assurance chômage. (Huées.)

Une voix. Menteuse !

Nicole Lavanchy. Non, je ne suis pas une menteuse! En effet, le seul objectif visé par votre projet, Mesdames et Messieurs les députés des bancs de la droite, c'est d'empêcher les chômeurs en fin de droits, qui ont recours aux mesures cantonales, de recouvrer un nouveau droit aux indemnités fédérales. De la sorte, vous allez projeter très rapidement les chômeurs en fin de droits dans le système de l'aide sociale. Ce projet est mené depuis longtemps aux niveaux national et cantonal!

Vous le savez, les prestations sociales sont des prestations ciblées, au seuil de la précarité et de la pauvreté. C'est pourquoi ceux qui demanderont ces aides sociales, parce qu'ils n'auront plus droit à des indemnités fédérales, se retrouveront à ce seuil précis. Or certains ne disposent pas de la possibilité de demander ces aides, parce que leurs conjoints travaillent; c'est pourquoi vous aller ainsi précariser les familles de ce canton. Certaines personnes devront exécuter des emplois précaires, que ceux-ci soient des emplois sur appel, des emplois temporaires ou des emplois non déclarés. C'est de la sorte que vous précarisez l'ensemble du marché du travail! Ce dernier est déjà suffisamment sinistré, et votre projet de loi n'aura pour conséquence que d'accentuer ce phénomène! Votre proposition ne va qu'élargir un fossé qui se creuse davantage entre ceux qui possèdent beaucoup et ceux qui ne possèdent rien.

Vous avez extrêmement bien documenté l'exposé de vos motifs, c'est vrai, même si je n'ai pas eu le temps de tout lire... (Exclamations.)Je vais les lire pour la commission de l'économie, soyez-en certains!

Le rapport Flückiger, qui présentait une enquête sur les raisons pour lesquelles Genève a un taux de chômage aussi élevé, a fait apparaître une multiplicité de facteurs: parce que Genève est une ville qui offre des services, une ville frontalière, etc. A ce sujet, vous n'avez fait émerger dans la presse qu'un unique facteur: vous avez attribué le taux de chômage élevé que présente Genève au fait que les mesures cantonales étaient un oreiller de paresse pour tous les chômeurs en fin de droit. Je crois, pour ma part, que vous ne connaissez pas la réalité des chômeurs en fin de droits. Allez les voir, Mesdames et Messieurs les députés! Oui, cette situation cristallise une souffrance psychologique importante, des études le prouvent, nous les montrerons en commission de l'économie.

En Suisse, comme à Genève - vous n'êtes pas sans le savoir - la valeur du travail revêt une extrême importance: on crée son identité sociale par le biais de la position que l'on occupe dans son emploi; les gens qui perdent durablement cet emploi rentrent dans un processus d'exclusion. C'est pourquoi je juge indigne de leur dire de s'adresser directement à l'aide sociale.

Je voudrais vous démontrer que les prétendues améliorations de ce projet de loi ne sont que de la poudre aux yeux de la population. Le stage professionnel dure douze mois, vous le savez, et il est offert aux jeunes chômeurs en fin de droits. Ce stage dure douze mois parce qu'après celui-ci, si le chômeur n'a pas retrouvé pas d'emploi, il peut recouvrer les indemnités fédérales, restant ainsi dans le système de la sécurité sociale. Vous avez proposé que ce stage ne dure que onze mois, ce qui signifie que vous ne voulez pas que les jeunes chômeurs recouvrent d'indemnités fédérales. Par ailleurs, vous avez intégré un nouvel élément: vous voulez offrir ce stage à des ouvriers non qualifiés, ce qui est très positif, cependant vous ne pensez pas aux ouvriers qualifiés! Or dans l'exposé de vos motifs, vous faites état d'une pléthore d'emplois dans le marché genevois, tout en affirmant que les gens de ce canton ne sont pas qualifiés et n'ont pas accès à ces emplois! Je ne comprends pas comment vous pouvez ne pas proposer ce type de stages aux gens qualifiés. Enfin, vous ne parlez plus de stage, vous parlez de formation: une formation est toujours qualifiante, elle dure au moins deux ans, elle implique un processus pédagogique en lien avec une alternance sur le terrain et elle est certifiée par un diplôme ou un CFC. Vous dites que vous améliorez cette mesure parce que vous en faites une formation: c'est de la poudre aux yeux!

Je terminerai par une remarque concernant les emplois temporaires. Vous proposez des emplois temporaires pour une durée de douze mois, uniquement si le taux de chômage en Suisse romande est égal ou supérieur à 5%... Vous appliquez un taux d'ordre romand sur une mesure d'ordre cantonal ! Vous agissez ainsi parce que vous refusez qu'un seul chômeur en fin de droits puisse à nouveau accéder aux indemnités fédérales, parce que vous savez parfaitement que la barre des 5% est impossible à atteindre!

Nous nous opposons fermement à ce projet de loi et nous irons jusqu'au référendum s'il le faut. Merci! (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais tout d'abord déclarer publiquement mon admiration pour la préopinante, elle a presque réussi à parler aussi vite que moi, ce qui signifie, j'en suis heureux, que nous sommes en bonne compagnie!

J'aimerais toutefois lui rappeler un certain nombre de points de ce projet de loi, se trouvant probablement dans des pages qu'elle n'a pas encore eu le temps de lire. Je commencerai notamment par le verdict de la commission d'évaluation des politiques publiques du système. Elle dit, et je cite: «Le système d'emplois temporaires cantonaux a tendance à prolonger la durée du chômage des personnes qui en bénéficient et son efficacité, en termes de réinsertion, est faible». Je crois que cette seule citation, que je fais maintenant en français, afin qu'elle soit compréhensible par tous... (L'orateur est interpellé.) M. Beer n'est plus là...

Une voix. Pas sûr !

Pierre Weiss. Cette seule citation suffit pour comprendre qu'une révision de la loi est nécessaire. Avez-vous lu la loi dans sa version actuelle, selon laquelle l'essentiel des réinsertions en emploi des chômeurs de longue durée se faisait par le biais des allocations de retour en emploi? Malheureusement, cet objectif de la loi, qui a même fixé des objectifs quantitatifs, entre 33 et 66 %, est loin d'être atteint. En réalité, environ un dixième des chômeurs utilise ce moyen afin de retrouver un emploi. En revanche, la majeure partie des chômeurs se retrouve dans le système des emplois temporaires, par là même dans une situation d'exclusion durable, voire, pour certains, définitive, du marché du travail. C'est contre la perversion de l'esprit du législateur et la volonté du Conseil d'Etat d'alors que ce projet de loi entend se dresser.

Ce projet de loi comporte trois points essentiels. Tout d'abord, la loi actuelle ne respecte pas les intentions du législateur. Et il serait irresponsable, de notre point de vue, que nous nous contentions d'une loi qui ne correspond pas aux intentions de ceux qui l'ont votée.

Deuxièmement, malgré certains constats scientifiques et officiels, il n'est nullement question dans l'esprit des signataires du projet de loi de faire table rase du système actuels. Il s'agit plutôt de réformer le système actuel, de le rendre plus efficace. Les suggestions avancées par Mme Lavanchy, et d'autres qui la suivront, mériteront d'être entendues en commission. J'imagine que le Conseil d'Etat, notamment le département de l'économie, aura à coeur de faire des suggestions pour permettre une réinsertion plus rapide aux chômeurs de longue durée.

Troisièmement, ce projet s'inscrit dans une réflexion plus large: il serait limitatif de se contenter, concernant le chômage de longue durée, de considérer les possibilités offertes par la législation sur le chômage. Il faut adopter une vision transversale, qui prenne notamment en considération les possibilités de reformation, offertes par le département de l'instruction publique; il faut aussi, dans certains cas, prendre en considération le dispositif dont nous jouissons sur le plan cantonal en matière d'aide sociale. En d'autres termes, par le biais de ce projet de loi, les députés entendent apporter leur pierre à la reconstruction de l'édifice et des dispositifs capables de lutter de manière systémique et globale contre le pire de tous les chômages, le chômage de longue durée.

J'aimerais ajouter quelques considérations concernant les études auxquelles s'est référée Mme Lavanchy. Il se trouve que le dispositif cantonal n'est pas le seul responsable de la situation d'exclusion dans laquelle se trouvent un certain nombre de chômeurs. Toutefois, il en est responsable à hauteur d'environ 9%. Est-ce qu'il conviendrait de ne pas réformer cette loi simplement parce qu'elle n'est responsable que de 9% de l'exclusion des chômeurs? J'affirme que ce raisonnement est spécieux. C'est pourquoi je pense qu'il convient de commencer par ce dispositif avant de continuer par d'autres modifications des législations en vigueur. Les 9% du taux de chômage représentent, pour l'an passé, près de 1000 chômeurs qui auraient pu retrouver un emploi plus rapidement de par la non-obsolescence de leurs compétences sur le marché du travail.

Quant aux dispositions imaginées par les députés des trois partis de l'Entente ainsi que de l'UDC, signataires de ce projet de loi - je regrette, pour m'en être ouvert à eux, que les députés socialistes et les députés des Verts ne s'y soient pas ralliés, puisqu'il s'agit d'une oeuvre dans l'intérêt des chômeurs de notre République - ont pour but de considérer le bassin régional romand de l'emploi comme un bassin dans lequel les chômeurs de longue durée peuvent retrouver du travail, raison pour laquelle nous avons fait du taux de chômage romand un des éléments de notre dispositif. Je vous remercie, Monsieur le président, de votre patience!

Le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d'une minute!

M. Gabriel Barrillier (R). J'ai l'impression que notre collègue Pagani a été battu, ce soir... Mais revenons à un peu de sérieux!

En matière de lutte contre le chômage, d'exclusion et de réinsertion professionnelle, Genève a cru pouvoir faire mieux que les autres cantons suisses, alors que son taux de chômage est, depuis plus de dix ans, supérieur de deux points, au-dessus de la moyenne nationale. Les mesures prises, au plus fort de la récession des années 1990, et qui firent l'objet de la révision de la loi cantonale en 1997, visaient avant tout à répondre à un problème conjoncturel et quantitatif en prolongeant automatiquement la durée du chômage, réamorçant les droits à une deuxième période d'indemnisation fédérale.

Le remède n'était malheureusement pas approprié aux causes réelles du chômage dues aux mutations structurelles du marché du travail, à savoir la disparition de certains métiers et la création d'autres en flux tendu et qui pose avec acuité la question de l'adaptation des formations, question relevée par Mme Lavanchy avec pertinence. Le résultat de cette politique est connu : hausse du chômage de longue durée et exclusion d'un nombre croissant de personnes du monde du travail.

En 1996 et 1997, lors des débats au Grand Conseil, j'en prends à témoins ceux qui étaient déjà présents à l'époque, le groupe radical avait clairement mis le doigt sur les effets pervers d'un système généreux qui avait tout pour plaire à un électorat déterminé. Las! les radicaux ne furent pas écoutés lorsqu'ils dénoncèrent les risques de dérapage qui se sont ensuite produits!

Forts de l'avis d'experts neutres, qui ont démontré les défauts de ce systèmes, les auteurs du projet de loi vous proposent de corriger la loi genevoise, afin d'en faire un puissant outil d'insertion et de réinsertion, avec extension des bilans individuels destinés à encourager chacune et chacun à se sortir du cercle vicieux que constitue le chômage prolongé, qui conduit à la perte de qualifications, à l'exclusion et, en définitive, au désespoir. Il s'agit de promouvoir des mesures propres à créer l'espoir! Et non pas d'un démantèlement, Madame Lavanchy, comme vous le suggérez avec vos collègues!

C'est la raison pour laquelle les radicaux vont accepter le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'économie. Je vous remercie.

Le président. Vous au moins, Monsieur Barrillier, vous respectez les temps de parole, ce qui est appréciable pour vos collègues.

M. Alain Charbonnier (S). Nous y voici: après de longs mois de suspens durant lesquels certains de nos collègues de l'Entente, membres de la commission de l'économie, nous ont promis un projet de loi afin de démanteler les mesures cantonales qui, d'après eux, rend la loi cantonale sur le chômage en faveur des jeunes et des chômeurs de longue durée beaucoup trop généreuse, cette proposition est là en préconsutation. Nous ne sommes pas déçus, si j'ose m'exprimer ainsi.

Bien sûr, les auteurs ont pris soin de ne pas proposer la suppression pure et simple des emplois temporaires cantonaux, mais ces derniers perdent leur utilité, à savoir offrir un nouveau droit aux indemnités fédérales, sauf si le taux de chômage des cantons romands dépasse 5%. A ce sujet, l'exposé des motifs fait état des conditions dépendant de l'évolution du marché régional - entre parenthèses «romand» - du travail. Mais celui-ci ne s'arrête pas aux frontières nationales, tout le monde sait, et l'année 2004, avec la mise en place de la libre circulation des personnes renforcera encore cette donne. Dès lors, il faudra également prendre en compte le taux de chômage des départements français voisins, n'est-ce pas, Monsieur Dupraz?

Je reviens au brillant exposé des motifs qui accompagne ce projet de loi: une compilation de deux rapports, celui de la commission externe d'évaluation des politiques publiques basé sur l'évaluation des mesures cantonales du 27 mars 2002, et celui de l'Observatoire universitaire de l'emploi sur les raisons de la différence entre les taux de chômage genevois et suisse. Une compilation, mais évidemment pas innocente: elle mène sans surprise à la conclusion de l'effet négatif que provoqueraient les mesures cantonales, et particulièrement les emplois temporaires cantonaux, sur le taux de chômage genevois.

Si on lit attentivement ces deux rapports, on peut tirer une toute autre interprétation que je ne souhaite pas faire ici, on s'en expliquera en commission. Je me limiterai à vous lire deux passages de la synthèse du rapport de l'Observatoire universitaire de l'emploi: «L'explication des disparités cantonales ne peut pas être réduite à un facteur unique, comme certains voudraient le laisser entendre». Je cite un deuxième passage: «Avant l'entrée des mesures cantonales, en 1983, les disparités cantonales étaient déjà bien établies». En 1980, soit avant l'instauration des mesures cantonales, le taux de chômage était 3,5 fois plus élevé à Genève que ne l'était le taux en vigueur dans l'ensemble du pays. Le 24 novembre 2002, les 54,4% de la population genevoise ont refusé la réduction de 520 à 400 jours du nombre d'indemnités fédérales. La majorité des citoyens de notre canton a ainsi démontré sa préoccupation à l'égard des problèmes économiques et sociaux provoqués par ce fléau qu'est le chômage - problèmes économiques mais surtout sociaux parce que le chômage cause avant tout un problème social pour celui qui le subit.

L'exposé des motifs, qui démontre la prétendue inutilité des emplois temporaires cantonaux par les auteurs du projet de loi, s'appuie sur ces deux rapports, utilisant les chiffres, les moyennes, les taux, les statistiques - c'est d'ailleurs ce que l'on attend de ce genre d'études. Ces rapports s'arrêtent, les auteurs le reconnaissent eux-mêmes, aux facteurs culturels et sociaux qui, pour eux, sont inquantifiables, non évaluables. Cependant, le législateur se doit d'aller plus loin et tenir compte du chômeur, de son présent, de son avenir. Peu d'entre nous ici connaissent la situation de la perte de son emploi; et il faut prendre en compte la détresse du chômeur, d'autant plus si sa situation perdure. Pour corroborer ce problème social, une étude comparative des taux d'hospitalisation en psychiatrie au HUG montre un parallélisme inquiétant de l'augmentation du taux de chômage genevois et de celle du nombre d'admissions en psychiatrie dans les années 1990.

Les mêmes partis qui nous proposent le démantèlement des mesures cantonales, et cette suppression masquée des emplois temporaires cantonaux, ont fait échouer par voie référendaire le revenu minimal de réinsertion. Aujourd'hui, par le biais de ce projet de loi, ils vont envoyer des centaines de chômeurs directement à l'assistance publique.

Ce projet de loi ne s'arrête pas qu'aux seuls emplois temporaires cantonaux: de nouvelles dispositions intéressent les allocations de retour en emploi et les stages de réinsertion pour jeunes. Là encore, on enfonce le clou, en supprimant toute possibilité de reconstitution de droit aux indemnités fédérales pour les stages de réinsertion des jeunes et - cerise sur le gâteau - pour ce qui est des allocations de retour en emploi, ce sont les entreprises qui pourraient bénéficier d'une augmentation de subsides, consentie à celles qui accompagnent les ARE d'une pseudo-formation de recyclage.

Le rapport de la CEPP met en exergue les multiples problèmes organisationnels et fonctionnels de l'office cantonal de l'emploi. 100 à 120 dossiers, voire plus par conseiller en placement, ne lui permettent pas un travail d'accompagnement efficace des chômeurs. Notons encore la froideur - et le mot est faible - des entreprises à engager des chômeurs de longue durée! Le président du département de l'économie, M. Carlo Lamprecht, nous a fait part de son désappointement suite à l'échec de recherches de nouvelles places d'ARE, malgré une très large prospection en 2002 auprès des entreprises.

En outre, les deux rapports mettent en exergue le manque de formation qui devrait accompagner les emplois temporaires cantonaux. Ce projet de loi fait porter le taux élevé du chômage du canton de Genève aux seuls chômeurs. Le bilan d'appétence imposée au chômeurs de longue durée afin de bénéficier des mesures cantonales démontre les doutes des auteurs quant à la motivation et à la volonté de tous les chômeurs de retrouver un emploi: on ne peut pas accepter de telles mesures, imposées à des personnes qui, s'il faut le rappeler, n'ont pas choisi de perdre leur emploi. Je n'oserai - selon ce que j'ai pu lire dans le Mémorial ou pu entendre de vive voix en commission de l'économie - pas répéter ce que certains pensent à propos des chômeurs, parce que je souhaite que le niveau du débat ne tombe pas trop bas...

Le groupe socialiste s'opposera par tous les moyens à ce projet de loi en commission et défendra la dignité de ceux qui le méritent. J'en ai terminé. (Applaudissements.)

M. Ueli Leuenberger (Ve). Il y a le texte du projet de modification de la loi en matière de chômage, il y a l'exposé des motifs, et il y a également les paroles, en public ou en petit cercle, de certains des auteurs de ce projet qui résonnent encore dans mes oreilles.

Les Verts sont convaincus qu'il faut revoir toute une série de questions pour pouvoir mieux soutenir l'effort d'insertion ou de réinsertion des chômeurs dans le monde du travail, tout comme ils souscriront à l'idée selon laquelle il faut réorganiser et rendre certaines structures de l'office cantonal de l'emploi plus efficaces. Nous en sommes convaincus, il est indispensable et urgent d'instaurer une autre dynamique et un autre esprit dans certains services et parmi certains fonctionnaires. Les mesures qui consistent à améliorer le système de retour en emploi, en particulier la prospection de places disponibles et les contacts avec les entreprises, nous paraissent importantes, de même que de trouver des emplois temporaires cantonaux plus adaptés aux chômeurs, plus formateurs et leur donnant plus de chances de décrocher un travail.

Les modifications proposées contiennent quelques aspects positifs, en particulier l'intention de rendre l'évaluation, la réinsertion et le placement plus efficaces. Nous souscrivons à la mise en place de mesures et de services plus efficaces, à un accroissement de la formation et de la motivation des fonctionnaires afin que les entreprises et les chômeurs soient plus motivés, si telle est l'intention des auteurs du projet de modification de cette loi.

Compte tenu - je cite - «de la détresse liée au chômage de longue durée, la pire des exclusions sociales, de la complexité du processus de réinsertion, de l'évolution de la conjoncture cantonale et régionale», nous estimons avant tout qu'un changement important dans la pratique des services des offices concernés est indispensable.

Que dire, par exemple, des services de placement qui n'ont pas été en mesure de faire une seule proposition de placement à des chômeurs qualifiés se trouvant depuis six ou douze mois au chômage? Des critiques peuvent certainement être adressées à l'encontre de l'office cantonal de l'emploi, mais ce cas de figure reflète la réalité du manque d'offres de postes adéquats disponibles dans notre économie.

Jusque là, nous sommes disposés à vous suivre pour débattre des meilleures solutions à trouver, au service de femmes et d'hommes qui subissent le chômage, situation qu'ils n'ont pas choisie mais qu'ils subissent vraiment.

Par contre, les propositions visant à réduire la durée des emplois temporaires cantonaux en les faisant dépendre du taux de chômage romand moyen rencontrent notre plus vive opposition.

Tous les spécialistes du placement, ceux qui sont motivés et qui retroussent passablement leurs manches afin de soutenir les chômeurs, disent clairement qu'il ne s'agit que d'une mesure discriminatoire qui contribue à stigmatiser encore plus les chômeurs. Quant au taux de chômage moins élevé dans d'autres cantons romands qui favoriserait le placement des chômeurs genevois dans les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura... cela reste à prouver! Par cette proposition, vous soutenez la thèse du chômeur qui ne veut pas travailler et «qui n'a qu'à».

Nous considérons cette partie du projet comme une véritable provocation à l'encontre des femmes et des hommes qui se trouvent actuellement au chômage, et des futurs chômeurs que le système économique défendu par les auteurs du projet continue à fabriquer! Nous refusons de vouloir traiter le chômage par l'assistance; nous refusons de traiter le chômage par l'AI, comme cela est trop souvent fait actuellement. (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Je ne devrais pas m'étonner que ce projet de loi fasse brusquement monter l'adrénaline au sein de ce Grand Conseil, parce qu'il semble que, même sans l'avoir lu, on a déjà prêté des intentions perverses à ceux qui l'ont proposé.

Mesdames et Messieurs les députés, si on est de bonne foi, on ne peut pas dire que la situation législative actuelle soit satisfaisante. On a fait allusion au rapport Flückiger, au rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques. Ces deux rapports énumèrent un certain nombre de constats mais se gardent bien de produire des conclusions. Le rapport Flückiger donne plusieurs pistes, mais se garde bien d'en choisir une! J'ignore d'ailleurs pourquoi. Le fait est que notre législation ne paraît pas être en mesure de répondre à l'attente qu'on en a. Le problème du chômage, tel que nous le réglons par notre législation, ne correspond pas à la réalité: il y a inadéquation, notamment entre deux volets de cette loi, à savoir le volet des occupations temporaires et celui des retours en emplois constructifs. Je ne dis pas que ce projet de loi contient la panacée, Mesdames et Messieurs les députés! Je suis conscient qu'il n'apportera que des réponses partielles. Je sais en tous les cas une chose, c'est que le problème des occupations temporaires a démontré qu'il était inefficace. Il a été conçu pour être utile à un moment où l'on pensait que, structurellement, le chômage serait de courte durée. On a pensé qu'il suffirait d'un coup de pouce pour permettre à des chômeurs en fin de droits de travailler un certain temps, de retoucher une fois, et qu'ensuite les choses rentreraient dans l'ordre. Malheureusement, le chômage structurel se prolonge et le système de l'occupation temporaire montre ses vices, si j'ose dire, parce qu'on s'y installe, on n'aide pas les gens à en sortir, on les installe dans une précarité. On a fabriqué, par centaines, par milliers, des fonctionnaires au rabais! Les administrations, tant cantonales que municipales, ont employé des gens au rabais, qui n'étaient pas qualifiés pour les postes proposés, pour faire n'importe quoi, uniquement pour les occuper et employer des fonctionnaires à demi-prix. On ne peut pas continuer à fonctionner ainsi!

Je ne vous dis pas que la panacée est dans ce projet de modification de la loi, toutefois nous devons nous réunir, en dehors de toutes les certitudes que l'on nous a livrées tout à l'heure, afin de trouver d'autres solutions, car, quoique vous en pensiez, vous ne pouvez pas dire de la situation législative qu'elle est satisfaisante.

M. Jacques Pagan (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien entendu, l'UDC appuie ce projet de loi. Vous pouvez voir la signature de notre doyen de l'assemblée, M. Robert Iselin - actuellement atteint dans sa santé, et j'en profite d'ailleurs pour lui souhaiter, en notre nom à tous, un prompt rétablissement.

J'aimerais dire à M. Pierre Weiss toute notre admiration pour le travail d'étude objectif et complet qu'il a fourni. Je crois que, par ce travail de fond, M. Weiss a contribué à une accélération des travaux au sein de notre Grand Conseil. En tout cas, au niveau de la commission, des noms illustres issus de différents partis politiques sont cités dans le cadre de l'exposé des motifs. C'est un travail d'érudition tout à fait remarquable, qui fournit une source de renseignements exceptionnelle. Prenons-en de la graine!

Que vous soyez d'accord ou non avec ce texte, au moins il montre que M. Weiss a fait une étude approfondie, qu'il ne se moque d'aucun des députés de ce Grand Conseil mais qu'au contraire il est ici pour faciliter leur travail.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. J'aimerais rappeler que les choses changent très rapidement aujourd'hui. Voici quelques chiffres: en février-mars 1998, nous avions à Genève plus de 16 000 chômeurs; en juin 2001, nous en recensions 8300. Nous étions très optimistes, pensant que nous pourrions absorber l'ensemble du nombre des chômeurs; il est vrai que nous avons connu une croissance économique importante durant ces quatre années, rendue possible notamment par l'arrivée d'entreprises étrangères qui ont induit de nombreux emplois locaux. Le travail a été bien fait, mais, il faut le dire, ce n'est pas simplement grâce à nos projets de loi que nous avons réussi cette réduction du chômage: une conjoncture nous a également aidés.

Depuis septembre 2001, vous avez pu le constater, il y a eu la chute des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le crash boursier, les problèmes liés au terrorisme aux Etats-Unis. A partir de 2001, le taux de chômage est reparti en flèche, puisque, même pas deux ans plus tard, les 8 300 sont devenus 14 000 chômeurs.

Ce taux de chômage a toujours été plus élevé que celui des autres cantons, et nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi il est, aujourd'hui encore, plus élevé que partout ailleurs en Suisse. Genève est une ville attractive, beaucoup de Confédérés viennent s'y établir - ils n'ont pas besoin de permis de travail, ils ont des compétences et parlent plusieurs langues - et y chercher des emplois car Genève a offert des emplois. J'aimerais d'ailleurs rappeler que Genève est le canton qui a créé le plus d'emplois depuis 1998. Et encore! Entre 2001 et 2002, une année difficile, c'est encore à Genève qu'il y a eu 300 emplois supplémentaires, alors que les offres d'emploi étaient en diminution dans tous les autres cantons.

Néanmoins, nous nous trouvons aujourd'hui face à une autre situation où ce sont les chômeurs hautement qualifiés des secteurs bancaire, informatique, de conseil, de commerce international, qui sont sans emploi. Or pour réinsérer, encore faut-il qu'il y ait des postes de travail! Il faut créer des emplois. La création d'emplois constitue le meilleur moyen de lutter contre le chômage.

Pourquoi y a-t-il deux fois plus de chômeurs aujourd'hui? Les rapports de la CEPP et Flückiger ont mis en évidence plusieurs raisons, dont les mesures cantonales remises en question, parce qu'elles prolongent parfois pendant cinq ans, le statut de chômeur, et même, à partir de 56 ans, ces mesures cantonales peuvent donner lieu à deux mesures cantonales et à trois mesures fédérales. Cela n'existe nulle part ailleurs qu'à Genève, c'est pourquoi il est légitime qu'à la suite de ces constats et de ces études, que nous nous trouvions face à un projet de loi qui parle de ces mesures cantonales.

Ce n'est pas la seule manière de vaincre le chômage, et M. Weiss a eu l'intelligence de le dire, peut-être qu'on gagnera 10%. Tout d'abord nous nous sommes rendu compte qu'on ne disposait plus d'assez de monde pour effectuer ce travail, et ce Grand Conseil nous a donné suffisamment de personnes pour faire en sorte que nous puissions traiter des dossiers correctement.

Le chômage continue d'augmenter, Mesdames et Messieurs les députés! J'ai pu constater les signaux de cette croissance, c'est pourquoi il faut donner à l'office cantonal de l'emploi les moyens de gérer cette réalité. Les propositions et discussions que nous avons eues également dans le cadre du conseil de surveillance du marché de l'emploi, dans le cadre de la délégation du Conseil d'Etat au travail, composée par le DASS et le département des finances, lors de discussions avec le patronat, nous ont permis de créer des cellules avec les milieux de la banque et des ressources humaines afin de trouver les bonnes solutions. Toutes ces solutions, les unes avec les autres, pourront faire baisser ce taux de chômage, je l'espère.

J'accueille ce projet de loi avec satisfaction parce qu'il nous permettra de faire un vaste tour d'horizon, d'émettre des idées, de faire en sorte que nous puissions arriver au taux de chômage qui est celui de la Suisse, de façon à pouvoir «régater», si on peut dire, avec les autres cantons à armes égales. Par ailleurs, n'oubliez pas - je le répète - que le meilleur moyen de lutter contre le chômage réside dans la création d'emplois. Pour cela, il faut se donner les conditions cadres pour les PME et, pour les multinationales, il faut favoriser celles et ceux qui emploient du personnel, qui créent du travail, parce que ce sont ces personnes et ces entreprises qui pourront nous aider à régler notre problème!

C'est pourquoi je partage l'avis de renvoyer ce projet en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.

M 1490
Proposition de motion de Mme et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Alain Etienne, Carlo Sommaruga, Sami Kanaan, Antoine Droin pour un musée d'ethnographie régional
M 1478
Proposition de motion de Mme et MM. Guy Mettan, Hubert Dethurens, Bernard Lescaze, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Pierre-Louis Portier pour la création d'une zone de réserve le long du chemin Rigot pour un musée d'ethnographie

Débat

Le président. Nous voterons successivement ces deux motions, mais la discussion est liée.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque le parti socialiste a annoncé qu'il souhaitait qu'une réflexion soit menée au niveau régional, cela a produit une sorte d'électrochoc et nous avons vécu ce qui se produit habituellement à Genève lorsque l'hypothèse d'un projet novateur voit le jour, à savoir que les gens ont pensé aux risques et aux inconvénients possibles. Nous avons entendu: «C'est impossible, faire transiter les collections d'une frontière à l'autre exigera une manutention trop lourde; cela risque de gâcher les collections, patrimoine genevois...»; d'autres ont dit: «Attention au statut du personnel, rendez-vous compte: des gens étant au bénéfice d'un statut genevois qui vont devoir éventuellement travailler en France...». Tous ces faits sont des obstacles à une pensée régionale. Toutefois, lorsqu'on essaie d'être un peu novateur, on pense autant aux risques qu'aux opportunités.

Il y a deux opportunités majeures. D'ici 2005, Annemasse, Ville-la-Grand et Ambilly vont définir une nouvelle zone qui se situera entre la gare d'Annemasse actuelle, Ambilly et Ville-la- Grand. Cet aménagement sera effectué car la zone nécessite une gare régionale, d'une part, et il accueillera aussi un parking d'échange, d'autre part, ce qui sera éminemment intéressant pour Genève, puisque les frontaliers s'y gareront, pour ensuite prendre le train qui les conduira au centre ville, grâce au tunnel Eaux-Vives/La Praille, ou dans d'autres quartiers de Genève.

Nous allons enfin pouvoir réaliser la colonne vertébrale ferroviaire que nous souhaitons presque tous depuis des années, permettant de diminuer le nombre de voitures dans ce canton aujourd'hui asphyxié. Nous devons penser un peu plus en termes régionaux, c'est pourquoi nous devons travailler en rapport avec ce projet régional majeur.

Je vous le concède, ce projet de musée d'ethnographie, qui constitue un besoin pour Genève, n'est peut-être pas le meilleur des projets régionaux à réaliser, et le groupe socialiste est prêt à effacer ce projet et à le remplacer par une infrastructure culturelle d'ampleur régionale. Le problème ne tient pas dans le fait que ce soit une maison de la danse, un musée d'ethnographie ou une autre installation culturelle; le problème tient plutôt dans le fait de lancer une réflexion d'ordre régional et de prendre conscience que nous allons vivre de plus en plus en synergie avec nos voisins français, grâce à ce tunnel Eaux-Vives/La Praille, grâce à cet aménagement autour de la gare d'Annemasse - qui constitue un nouveau développement de cette ville - grâce à la collaboration interrégionale - qui se développe trop lentement, mais les bilatérales vont accélérer ce processus en dépit des difficultés qui surgiront.

Aujourd'hui, nous lançons un défi qui consiste à jouer tant sur les inconvénients que sur les opportunités, de réfléchir en collaboration avec nos voisins français afin d'imaginer une région plus équilibrée qu'elle ne l'est, au niveau des échanges culturels, économiques et des transports, car l'emploi est centralisé sur notre canton et nous exportons notre crise immobilière en mettant sévèrement en danger l'équilibre environnemental de la région.

La motion va dans le sens d'une réflexion qui prend en compte tous ces facteurs, en vue d'instaurer une vie régionale plus agréable. C'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette motion en commission, afin de pouvoir travailler sereinement sur le développement régional et d'adopter une pensée qui ne se limite plus à nos frontières. Je crois que c'est ainsi que nous réussirons à progresser et à favoriser le développement d'une région plus équilibrée où les citoyennes et citoyens pourront mieux vivre.

M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais d'abord rendre hommage à l'imagination des motionnaires socialistes, auteurs de la motion 1490. On dit souvent que les politiciens manquent d'imagination, c'est faux, parce que ce projet socialiste est la preuve du contraire.

Proposer la construction d'un musée d'ethnographie suisse à Annemasse relève, pour moi, d'un authentique sens de l'humour, que je tiens à saluer. Pour cette raison, et comme prime à la fantaisie, je vous propose tout de même de renvoyer cet objet à la commission de l'aménagement, en compagnie de l'excellente motion 1478 qui, elle, m'apparaît autrement plus intéressante. La motion 1478, dont je suis l'un des heureux signataires... (Exclamations.)C'est en effet une excellente idée. Elle consiste à construire un nouveau musée des civilisations au coeur de la Genève internationale, c'est-à-dire au milieu des cent cinquante pays présents à Genève à travers leurs missions diplomatiques, les organisations internationales et les communautés qui peuplent notre ville. Par conséquent, je vous propose, Messieurs les socialistes, de ne pas avoir besoin d'aller à Annemasse, puisque nous avons le monde...

Une voix. Messieurs et Mesdames les socialistes !

Guy Mettan. Mesdames et Messieurs les socialistes, naturellement! Nous avons le monde à portée de la main ici, à Genève.

Ce projet, défendu par la motion 1478, est idéal pour d'autres raisons encore. La première découle de la facilité d'accès depuis le centre-ville, grâce au tram 13 actuellement en construction.

La deuxième raison est due au parking facilité autour des organisations internationales, donc un accès facilité pour les visiteurs en provenance de l'extérieur du canton, que ce soit de Suisse, de France, ou d'autres pays par le biais de l'aéroport. Cela est utile, puisque nous sommes tous sensibles aux difficultés liées à la surcharge de trafic.

Troisièmement, il s'agit d'un emplacement idéal au coeur d'un dispositif culturel important à Genève. En effet, nous trouvons dans ce secteur le Musée de la Croix-Rouge, le Musée de l'Ariana, le Jardin botanique et, un peu plus bas, le Musée des sciences. Nous pouvons donc créer, avec ce musée des civilisations, une dynamique culturelle intéressante dans ce secteur.

Un quatrième argument en faveur de la motion se situe dans l'emprise au sol du bâtiment qui est suggérée ici et l'emprise sur le paysage. Toutes deux sont restreintes, puisque le gabarit de ce futur musée ne dépasserait pas celui de la Maison de la Paix prévue sur le même site et celui du collège Sismondi en cours de construction, les crédits à ce sujet ayant été votés. Ce musée serait caractérisé par une intégration tout à fait harmonieuse dans le paysage. En outre, la surface d'exposition, comme prévue dans un document de travail, se trouve être supérieure à la première version du Musée d'ethnographie, telle qu'elle nous avait été proposée à la place Sturm et refusée par votation populaire. Par conséquent, nous disposerions dans ce site d'une surface d'exposition intéressante, de même pour les bureaux et la surface de dépôt des collections.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à renvoyer les deux motions, et surtout la motion 1478... (Rires.)A la commission de l'aménagement et de réserver le meilleur accueil à cette dernière! Merci de votre attention!

Mme Michèle Künzler (Ve). J'ai l'impression de me trouver au Conseil municipal de la Ville de Genève. Voici en effet un sujet typiquement municipal parce que, faut-il le rappeler, c'est la Ville de Genève qui détient la charge de ce dossier, les collections, le musée! On pourrait supposer, et moi aussi, qu'il s'agit d'un sujet d'ordre cantonal, mais, pour l'instant, ce n'est pas encore le cas. Il faut simplement revenir à la réalité! Ces deux projets sont à rejeter, nous n'avons pas de temps à perdre à leur sujet.

Evidemment que nous disons: «Oui à la région», mais, en l'occurrence, ce projet n'a aucune chance d'aboutir, ni à court ni à moyen terme. Les collections ne peuvent pas traverser la frontière, les gens eux-mêmes ne traversent pas la frontière si facilement! Je rappelle qu'il y a beaucoup d'étrangers à Genève qui ont besoin d'un visa pour se rendre en France voisine; aussi malheureux soit-il, c'en est ainsi.

Vous nous parliez à l'instant du Musée d'ethnographie. Mais ce musée, à cet emplacement précis, vous tient-il particulièrement à coeur? Non! Alors, abandonnons ce projet immédiatement!

Quant à la seconde motion présentée par M. Mettan, excusez-moi de dire que vous exagérez vraiment! Vous avez torpillé le projet et, maintenant, vous venez nous présenter un projet minable! Vous nous dites qu'il est plus grand: c'est n'importe quoi! 3 000 mètres carrés! Alors que le musée de la place Sturm mesurait 7 000 mètres carrés!

Je pense en outre que le site est totalement inadéquat: il y a un site classé, on a exprès déplacé le collège Sismondi afin de ne pas se placer devant la maison de maître et, maintenant, vous voulez y installer le musée! Cela ne correspond pas au legs des Rockefeller! Il est inutile d'envoyer ce projet en commission, il est totalement farfelu! Vous avez traité avec condescendance la motion 1490, mais la vôtre n'est guère meilleure.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Je m'exprimerai à propos de la motion 1478.

J'aimerais rappeler à Mme Künzler que, c'est vrai, nous ne sommes pas au Conseil municipal, mais si l'Alliance de gauche soutient cette motion aujourd'hui, c'est qu'elle correspond aux voeux de ce même Conseil municipal qui l'a acceptée. Nous ne faisons que relayer ce que le Conseil municipal «appelle de ses voeux», selon l'expression consacrée de M. Ferrazino, à savoir le désir de voir s'installer le Musée d'ethnographie dans la Campagne Rigot.

Je voudrais aussi rappeler à Mme Künzler que la Ville de Genève a demandé à l'Etat de voter un budget de 10 millions pour ce Musée d'ethnographie et, à ce titre, il semble tout à fait légitime que ce parlement se prononce au moins sur sa situation et son contenu.

Cela dit, M. Mettan a rappelé à juste titre les avantages de ce projet, surtout au niveau de sa taille; il est vrai que, pour une surface au sol de 3 000 mètres carrés, on arriverait à doubler la surface d'exposition. Je vous rappelle d'ailleurs qu'une des critiques qui avaient été émises à l'égard du projet du Musée d'ethnographie en ville consistait à dire que son espace d'exposition était trop restreint et, par conséquent, incapable de contenir tous les objets exposables. J'ai sous les yeux un projet du service de l'urbanisme de la Ville de Genève qui n'est pas mentionné dans cette motion, lequel prévoit une surface d'exposition de 7 000 mètres carrés.

C'est pourquoi il nous semble que ce projet devrait être étudié en commission de l'aménagement. Nous vous remercions de soutenir son renvoi en commission.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les socialistes ne sont pas favorables à cette motion 1478 qui veut placer le Musée d'ethnographie sur le chemin Rigot. Il faut noter que le périmètre en question est situé dans une zone de verdure et que le collège Sismondi, qui est une construction provisoire depuis plus de vingt-cinq ans, doit être reconstruit en priorité. En outre, nous estimons que ce périmètre ne peut pas encore supporter un équipement de la taille que devrait avoir un musée d'ethnographie dans le prolongement du collège et qui irait à l'encontre des voeux des habitants. Je rappelle par ailleurs que les habitants de Vermont avaient déjà signé des lettres de pétitions et s'opposaient à la densification excessive de ce périmètre.

Mesdames et Messieurs les députés, les animatrices et animateurs du référendum contre l'implantation du Musée d'ethnographie à la place Sturm oublient un peu vite que l'un de leurs arguments consistait à dire que, la place étant exiguë, le musée serait trop petit. Et l'on vient maintenant nous proposer une implantation limitée à environ 3 000 mètres carrés? Ce projet est farfelu!

Il est possible que le projet socialiste semble un peu utopiste, mais il faut rappeler que le plan directeur de l'aménagement voté il y a deux ans - et c'était une des innovations de ce plan directeur - demande notamment une ouverture sur la région. Il conviendrait par conséquent de mettre en pratique les principes que nous avons votés. Je rappelle que, du point de vue des équipements, il était question de revaloriser la région française, proche de Genève. Je suis surprise par la position des Verts à ce sujet, puisqu'ils se plaçaient parmi ceux qui défendaient âprement ce plan directeur.

Je vous propose par donc de renvoyer ces deux motions à la commission de l'aménagement afin de pouvoir en discuter, avec toutefois un espoir de considération plus grande en faveur de la motion socialiste ouvrant des voies plus intéressantes. Je vous remercie.

M. John Dupraz (R). C'est peut-être un sujet communal qui intéresse la Ville de Genève, mais, lorsqu'on constate l'incapacité de la Ville à régler ces problèmes, je me demande si on ne devrait pas la mettre sous tutelle ou transférer certains pouvoirs au Conseil d'Etat, de manière que les dossiers avancent un peu plus vite.

Cela étant dit, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission de ces deux motions. En effet, je pense que le Musée d'ethnographie de Genève possède les plus belles collections et qu'on ne dispose pas de locaux suffisants pour les mettre en valeur. C'est un problème lancinant, qui dure depuis plus de trente ans, et il est regrettable que Genève n'y ait pas encore trouvé de solution.

Quant à la motion socialiste, je dois dire que c'est peut-être ne idée utopique, mais qui mérite rélexion... (Exclamations.)Parce qu'il faut arrêter de penser ou de raisonner en conservant ses oeillères genevoises! On parle de la Regio Genevensis... (Exclamations.) (Remarque.)Oui, j'ai aussi fait du latin! Bien que je sois paysan, je n'ai pas fait que garder les vaches, mon cher ami!

Il est possible que ce ne soit pas le premier sujet à traiter au niveau régional, mais je suis convaincu, alors que M. Brunier parlait de concentration d'emplois à Genève, qu'il faudrait arriver, au-delà des antagonismes et des législations différentes des deux pays, à trouver des systèmes de péréquation financière permettant de répartir les emplois autour de Genève - avec, par exemple, le pôle de l'entreprise, la direction, le service commercial à Genève.

C'est bien joli de ne pas vouloir concentrer les emplois à Genève, mais, deux motions plus loin, vos collègues de l'Alliance de gauche interviennent afin d'éviter le transfert de l'impression de la «Tribune de Genève» à Lausanne. On ne peut donc pas dire: «On ne veut pas tout concentrer à Genève» et s'opposer au départ d'emplois, pour des raisons d'organisation et de structure d'entreprise, à cinquante kilomètres de chez nous. Il faut faire preuve d'un peu plus de largesse d'esprit que vos alliés politiques.

Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux, qui se déclaraient en faveur du Musée d'ethnographie - nous nous sommes battus pour ce projet - souhaitent que la Ville de Genève trouve, avec l'aide ou sous l'arbitrage de l'Etat, un lieu pour construire ce musée. Et la motion socialiste ouvre de nouveaux horizons qui méritent d'être étudiés et discutés en commission. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Je me souviens de l'époque où un éminent député de ce Grand Conseil rappelait cette évidence que le peuple a toujours raison.

Aujourd'hui, je constate que celles et ceux qui ont soutenu un projet de musée d'ethnographie, que je trouve personnellement mauvais et d'un coût exorbitant, ne veulent pas accepter le verdict du peuple. Je pense qu'il faut garder un minimum de modestie face à une décision populaire et en tirer les conclusions, à savoir qu'il faut chercher une autre solution.

Je constate que les partisans du projet sont des mauvais perdants, parce qu'ils ont été incapables de proposer la moindre solution crédible. Il est facile de s'en prendre aux adversaires et de leurs attribuer tous les maux. En réalité, les opposants ont eu raison devant le peuple. Il y a par conséquent une responsabilité partagée entre la Ville et l'Etat de Genève pour trouver une solution. On ne peut pas dire que c'est un problème strictement communal et, en même temps, revendiquer le fait que l'Etat s'investisse dans des projets culturels, que ce soit pour la musique, le théâtre ou les musées. Et ce sont les socialistes qui ont demandé que l'Etat de Genève contribue financièrement à la construction du musée. Cela constitue ma première remarque.

Deuxièmement, cette motion, comme Mme Blanchard-Queloz l'a relevé - et ne vous en déplaise, Madame Künzler - ne fait que répondre à un vote du Conseil municipal, qui n'a du reste pas opté pour placer le musée en bas de la Campagne Rigot, mais qui a simplement demandé, au moment où le plan de zone de verdure était adopté, qu'on réserve une possibilité d'y construire le Musée d'ethnographie à côté du futur collège Sismondi, dans l'hypothèse où aucune solution ne serait trouvée. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de disposer d'un terrain de réserve.

Si Mme Künzler ou les socialistes trouvent de meilleures solutions, nous serons les premiers à nous y rallier. Nous sommes partisans de la réalisation du Musée d'ethnographie, nous savons par ailleurs que le legs Lancoux est limité dans le temps, et il faudrait que tous ceux qui désirent prétendument réaliser le Musée d'ethnographie se mettent à la tâche. Je constate que la votation a eu lieu depuis plus d'un an et que nous attendons toujours des propositions. Par voie de conséquence, il serait judicieux de songer à un terrain de réserve qui pourrait, par la suite, être abandonné.

Madame Fehlmann Rielle, vous avez qualifié notre projet d'absurde: j'ai l'impression que vous n'avez pas consulté les plans. Je rappellerai que les socialistes étaient à la tête des partisans de l'urbanisation de la place des Nations; vous étiez en faveur de l'urbanisation de la Campagne Rigot; vous avez été battus devant le peuple; l'Alliance de gauche a lancé le référendum pour préserver la place des Nations - un projet dont elle se félicite qu'il ait été accepté, même si les Verts ont voté contre - vous êtes donc mal placés pour nous donner des leçons dans le domaine.

Tout ce que nous demandons, c'est qu'une modeste surface de 2500 mètres carrés de terrain soit réservée, ce qui est bien moins que l'emprise prévue sur la place Sturm, et qui permettrait de réaliser un musée probablement à la moitié du prix de celui que vous souteniez, et avec le double de surface d'exposition! Je veux bien que vous jugiez ce projet comme étant absurde... Quant à nous, nous avons le souci de répondre aux critiques formulées, qui sont parfaitement fondées, parce que le peuple ne s'est pas trompé. Si ce projet est passé à la trappe, c'est bien parce qu'il présentait toute une série de défauts et, aujourd'hui, au lieu de jouer les mauvais perdants, il faudrait rechercher une solution constructive!

Nous accepterons, bien entendu, le renvoi de votre motion en commission. Je ne sais pas si M. Dupraz la soutient comme la corde soutient le pendu, mais, Monsieur Dupraz, vous avez beaucoup d'expérience en matière de relations transfrontalières dont nous sommes les premiers à souhaiter la concrétisation. Je crois que c'était vous, Monsieur Dupraz, qui disiez toujours: «Voyons déjà si nos partenaires, de l'autre côté de la frontière, sont d'accord d'ouvrir leur portefeuille!». On attend toujours que, de l'autre côté de la frontière, on construise ne serait-ce qu'un musée qui mériterait de l'être: le Musée Voltaire à Ferney! Je constate que ce n'est toujours pas le cas et qu'on attend que l'Etat de Genève contribue financièrement à sa réalisation, ce qui serait justifié - même si Voltaire a préféré s'enfuir de Genève pour aller à Ferney, on pourrait se montrer bon prince et soutenir ce musée. J'attends de voir si la Ville d'Annemasse est prête à sortir son portefeuille... (L'orateur est interpellé.)Au vu des préoccupations économiques du Premier ministre Raffarin, je n'ai pas le sentiment que ce sont les sous de l'Etat français qui vont financer le Musée d'ethnographie à Annemasse! Je ne demande qu'à me tromper, on peut toujours imaginer que ce soit la rétrocession fiscale de l'Etat de Genève qui finance la part française, ce qui est une hypothèse...

Mais peut-être par chauvinisme - dont je pourrais faire preuve, pour une fois, bien que ce soit vous, Monsieur Dupraz, qui en fassiez habituellement - je voudrais qu'un certain nombre de collections et de donations faites à l'Etat et à la Ville de Genève restent dans notre canton. Je semble peut-être un peu trop chauvin pour vous, mais voilà ce que je pense modestement!

Le président. La parole est... (Vives protestations.)Non, Monsieur Brunier, vous n'avez pas été mis en cause, ce sont les idées du parti socialiste qui l'ont été! La liste des intervenants est close et la parole est donnée au conseiller d'Etat Carlo Lamprecht.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Bien, Monsieur le président... (Chahut.)

Le président. La parole est à vous, Monsieur Lamprecht... (Brouhaha.)Messieurs les députés, ce ne sont pas vos vociférations qui feront construire le musée! Monsieur le Conseiller d'Etat, vous avez la parole, et je vous prie de la prendre. (Brouhaha.)

M. Carlo Lamprecht. Je ne peux pas parler...

Le président. Maintenant la parole est à M. Lambrecht! (Brouhaha.)

M. Carlo Lamprecht. S'il vous plaît, un peu de silence! Pour moi, allons!

Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire qu'en qualité de responsable des affaires extérieures ce projet m'a séduit. Je me suis dit: «voici un beau projet intercommunal, transfrontalier». Nous avions déjà songé à le réaliser à l'Etoile d'Annemasse, seulement il faut savoir que ce Musée d'ethnographie n'est pas simplement l'affaire de ce Grand Conseil mais aussi celle de la Ville de Genève, de la direction du musée. Si on veut aller plus loin, est-ce que la Ville d'Annemasse et le Conseil Général de la Haute Savoie voudront le financer? (L'orateur est interpellé.)Ne sortons pas du sujet!

Ce qui signifie que cela aurait pu être très beau projet, pour autant que tout le monde s'y engage à tous points de vue.

J'aimerais tout de suite vous rassurer, Monsieur Grobet, et vous dire qu'il existe déjà un groupe de travail - qui réunit très démocratiquement Etat, la Ville et commune de Genève - et qui a déjà travaillé sur l'ébauche d'une nouvelle solution.

Je vous suggère par conséquent de renvoyer ce projet en commission du Conseil d'Etat, puisqu'on ne sait pas encore ni comment ni où il se fera, afin qu'il l'introduise dans son groupe de travail.

Quant à la motion 1478, Monsieur Mettan, mon collègue Laurent Moutinot - qui a dû s'absenter - m'a dit que la première des invites est sans objet dès lors que la loi de déclassement de la campagne Rigot en zone de verdure est en vigueur et qu'à ce jour le lieu d'implantation du musée n'est pas encore connu. Cela peut encore attendre. Quant à la deuxième invite, celle de démolir les baraques, des dispositions ont été prises.

C'est pourquoi je vous suggère de renvoyer la motion 1490 au Conseil d'Etat et à ce groupe de travail, et de faire ce qu'il vous plaira quant à la motion 1478.

Le président. Le renvoi à la commission de l'aménagement a été demandé pour les deux motions. En conséquence, le renvoi en commission primant, je le fais d'abord voter. S'il est refusé, la motion 1490 ira au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la proposition de motion 1490 est renvoyée à la commission de l'aménagement par 37 oui contre 27 non et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de motion 1478 est renvoyée à la commission de l'aménagement par 38 oui contre 30 non et 3 abstentions.

Présidence de M. Pascal Pétroz, vice-président

M 1518
Proposition de motion de MM. Rémy Pagani, Jean Spielmann, Pierre Vanek, René Ecuyer sur le transfert de l'impression de la "Tribune de Genève" à Lausanne

Débat

M. Pierre Vanek (AdG). Je vous remercie, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin d'employer l'intégralité du temps qui m'est imparti, tant cette motion relève de l'évidence.

Au point précédent, notre collègue John Dupraz intervenait en banalisant l'affaire du transfert de l'impression de la «Tribune de Genève» à Lausanne. Pour nous, cette affaire n'est, de loin, pas une question banale.

Il faut rappeler que la reprise du centre d'impression de Vernier par Edipresse était assortie d'un engagement consistant à y faire imprimer la «Tribune de Genève». Quoi de plus normal, Mesdames et Messieurs les députés, que ce journal, qui porte dans son titre le nom de notre canton, soit imprimé ici! Ce transfert se traduit... (Brouhaha.)

Le président. Veuillez laisser M. Vanek s'exprimer, s'il vous plaît! Il y a trop de brouhaha... (Commentaires.)Mais oui! (Remarque de M. Vanek.)Monsieur Vanek, j'essaie de faire en sorte que vous puissiez vous exprimer. N'en rajoutez pas «une couche», si vous me permettez de le dire ainsi! Attendons que le brouhaha cesse et vous pourrez poursuivre... Voilà, tout va mieux, vous avez la parole!

M. Pierre Vanek. Ce n'est pas une affaire à banaliser, des engagements ont été pris par Edipresse, mesures engagées se traduisant par une précarisation de l'emploi dans ce canton et par un risque pour l'existence même de ce centre d'impression à Vernier. Certes l'opération a été présentée par Edipresse comme permettant potentiellement le maintien de ce centre, puisqu'on rapatrie l'impression du quotidien «Le Temps» - mais vous n'êtes pas sans savoir que cette impression est quantitativement bien inférieure à celle de la «Tribune de Genève», en termes de volume d'impression, ni que la pérennité de ce titre, quelles que soient ou non ses qualités, est sans doute moins assurée, eu égard à sa situation économique que celle de la «Tribune de Genève».

Cette motion est donc élémentaire, elle va dans le sens d'un certain nombre de manifestations du personnel tant du centre d'impression que des journalistes qui assurent la partie rédactionnelle de la «Tribune de Genève» pour demander ce maintien de l'impression à Genève. L'invite en est simple: elle demande une intervention dans ce sens de la part du Conseil d'Etat en direction du groupe Edipresse.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas restés inactifs au niveau du Conseil d'Etat par rapport à cette problématique. Nous avons rencontré les syndicats et le groupe Edipresse à plusieurs reprises. Nous nous sommes rendu compte que le centre d'impression de Vernier n'aura plus que deux ou trois ans à vivre dans son état actuel si l'on ne remplace pas une rotative, qui vaut tout de même soixante millions, et, pour faire marcher une rotative de ce type, il faut en tout cas deux quotidiens et du travail supplémentaire. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec la commission du personnel pour estimer ce que nous pouvions récupérer comme travail et nous nous sommes engagés, avec elle, à tenter de trouver des travaux - peut-être auprès des organisations internationales - d'autres donneurs d'ordres genevois, notamment les services industriels, les TPG, etc., pour faire en sorte que cette imprimerie puisse continuer à vivre et, le moment venu, peut-être - et pourquoi pas? - espérer que quelqu'un s'y intéresse pour d'autres choses ou pour l'impression d'autres journaux, à plus long terme.

Nous avons fait ce travail, aussi acceptons-nous cette motion pour continuer à négocier afin de conserver ces emplois à Vernier.

Mise aux voix, cette motion est adoptée par 47 oui contre 18 non.

Motion 1518

R 471
Proposition de résolution de Mmes et MM. Pierre Vanek, Anita Cuénod, Nicole Lavanchy, Rémy Pagani contre la guerre

Le président. Lecture d'un courrier nous a été demandée, je laisse la parole à la secrétaire du Bureau Mme De Haller:

Courrier 1641

Débat

Le président. Je souhaiterais que les différents intervenants s'expriment dans la sérénité, s'abstiennent de «jeter de l'huile sur le feu», et que nous puissions débattre dans de bonnes conditions.

M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. Effectivement le sujet est sérieux et j'entendais quelqu'un dire ici: «La guerre est finie»... La guerre est finie, peut-être! Certes une guerre illégale, une guerre coloniale, une guerre déclarée en violation de la charte des Nations-Unies. A l'heure actuelle, le dossier n'est pas clos, nous nous trouvons dans une situation que vous connaissez: les Etats-Unis d'Amérique, permettez-moi quand même de les nommer, Monsieur le président, veulent imposer leur diktat colonial, leur paix impériale sur cette région du globe, et ont annoncé que cette guerre était la première d'une série, inaugurant ainsi une doctrine de guerre préventive, du droit du plus fort. Nous avons d'ailleurs évoqué ces questions lors des discussions ayant trait au G8, faisant état du caractère inopportun - vous noterez la modération des propos que j'emploie - de la visite du président Georges W. Bush dans notre pays.

Je regrette que ce texte, déposé le 4 mars, n'ait pas pu être discuté, avant ou au moment où cette guerre a été déclarée, et ceci par le fait d'une décision arbitraire d'une majorité de ce Conseil. Je le regrette d'autant plus que les déclarations officielles, à l'échelle fédérale ou dans ce parlement, ne condamnaient pas explicitement l'agresseur et étaient pour le moins discutables.

On peut alors se demander si cette résolution, que nous examinons ce soir dans le rythme ordinaire du traitement de ce genre d'objets, est toujours aussi urgente qu'au moment de son dépôt. Je réponds par l'affirmative. Il s'agissait d'un appel intitulé: «Pas en notre nom» et reprenant l'appel de dizaines de milliers d'intellectuels et de citoyens américains se désolidarisant de leur gouvernement sur cette question. Cet appel a été repris en Suisse par des organisations, des coalitions opposées à cette guerre, il a été signé par des dizaines de milliers de citoyens - sans le type de campagne que l'on mène pour faire signer une initiative ou un référendum, par simple capillarité - et 35 000 signatures ont été déposées à Berne auprès du Conseil fédéral qui doit encore répondre à ce qui a été demandé ici.

Eu égard à cette situation dans la région, aux contradictions autour du respect du droit international, à la nécessité de condamner cette occupation ainsi que cette guerre, évoquée par l'appel que nous avons entendu, lu par Mme De Haller, ce débat est tout à fait actuel. Il ne s'agissait pas d'un texte de résolution inventé par les quelques députés qui l'ont signé en urgence, mais d'un texte qui consistait à refuser que notre pays s'associe de quelque manière que ce soit à cette guerre menée en violation de la Charte des Nations-Unies, à refuser la collaboration militaire avec les Etats agresseurs, à refuser d'autoriser le trafic de matériel militaire en direction ou avec ceux-ci.

Or ce refus devrait encore être en vigueur aujourd'hui, alors qu'à ma honte et à celle des citoyens de ce pays attachés à la paix on a continué l'exportation du matériel militaire produit dans ce pays, dans ce canton même par l'entreprise Derendinger, par exemple, à destination des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Derendinger, qui fait partie du groupe RUAG de la Confédération, a pu continuer tranquillement à exporter des pièces de FA-18 en direction des Etats-Unis.

Le texte que nous appuierons, si vous le votez avec nous ce soir par cette résolution, affirme aussi notre volonté de soutenir le droit de tous les peuples de la région à l'autodétermination, notamment en Irak, le droit de déterminer eux-mêmes leur régime politique - ceci est d'une actualité particulière - et la volonté que la présence suisse à l'ONU, qu'on nous a présentée comme étant l'occasion de faire entendre une voix différente, nous permette de signifier notre condamnation de la guerre d'agression, de la politique impériale et coloniale que mènent ces Etats, et de manifester notre volonté de voir la Charte des Nations-Unies et les conventions de Genève être respectées. Ici, à Genève et dans cette enceinte, nous jouissons d'un statut particulier par rapport à ces organisations internationales que nous hébergeons, et je vous invite à faire entendre notre voix en acceptant cette résolution, même si c'est - et je le déplore - un peu tard. Merci!

M. Albert Rodrik (S). Cette résolution a été déposée au début du mois de mars, grosso modo deux semaines avant le début des hostilités. Cette constatation même porte un jugement sur le fonctionnement de notre parlement. Personne ne peut être exempté, dans cette salle, de la responsabilité du retard pris. La manière dont nous travaillons fait que les choses sont aujourd'hui révolues, même si elles le sont abominablement et que nous devrions maintenant débattre de cela.

C'est pourquoi je suggère que l'on accepte cette résolution en considérant que son annexe n'est plus celle qui est imprimée mais ce que nous venons de recevoir du CETIM qui est en plein dans l'actualité d'aujourd'hui et dans le devoir de gens épris de paix et de légalité internationale.

Mais, en dépit du temps qui passe et de ce que l'on a appelé "La guerre est finie", cette affaire n'est pas encore dénuée d'enseignements. Au contraire! Nous ne faisons que commencer à comprendre ce que cela signifie.

En ce début de XXIe siècle, nous avons assisté à une promenade militaire de nature coloniale d'un type que l'on croyait révolu à jamais. Dire que nous avons eu, au mois de mars 2003, quelque chose situé entre Pizarro et Savorgnan de Brazza paraîtrait ridicule s'il n'était effarant.

Le genre de péripétie que nous avons vu et que la perle de l'Orient, Bagdad, a vécu n'est pas sans précédent dans l'histoire. En 1258, Mesdames et Messieurs, le petit-fils de Gengis Khan, Hulagu, a passé Bagdad au fil de l'épée, l'a détruite et n'a pas laissé pierre sur pierre. L'histoire n'a pas retenu ce qu'il a fait d'autre de sa chienne de vie, mais n'a retenu que cela. Il y a aujourd'hui le Tabazan du Texas et celui qui est devenu la lèpre sur le visage de l'Internationale socialiste, qui auront probablement le même sort devant l'histoire. On ne retiendra sans doute pas grand chose d'autre de leur chienne de vie.

En dehors de cela, je tiens à rappeler que Lord Elgin a pillé la Grèce au XIXe siècle, ce qui nous vaut aujourd'hui le British Museum, et qu'une armée régulière a fait semblant de regarder ailleurs en 1982, pendant que des bandes se livraient à des exactions dans les faubourgs de Beyrouth.

Et dire que cela s'est déjà passé ne veut pas dire que cela ne nous interpelle pas, que cela n'est pas source de leçons et que cela ne jette pas l'opprobre sur l'Occident! Nous n'avons pas fini, Mesdames et Messieurs, de tirer les leçons de cette abomination! Ce pays n'a pas de nom: en arabe, «Irak» veut dire lointain, éloigné, exilé. Eloigné de la bienveillance du sultan et de la Sublime Porte, éloigné bien entendu des lieux de décisions du monde globalisé. Il était donc aisé de le saccager.

N'oubliez pas, Mesdames et Messieurs, ce qui est arrivé dans ces jours du printemps 2003! (Applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, comme les signataires de cette résolution, j'aime le rire et je déteste la tristesse. Comme eux, j'aime la vie et je lutte contre les éléments mortifères; comme eux, je milite pour la paix, et la guerre me répugne. Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, je ne voterai pas cette résolution et je vous invite à en faire de même!

D'abord parce que, si je déteste la guerre, comme nombre de mes concitoyens, comme de nombreux philosophes et chefs d'états, je détestais encore plus Saddam Hussein le menteur, Saddam Hussein et son sinistre régime de terreur. Je suis donc heureux, pour tous les démocrates, pour le peuple irakien, pour l'ensemble des populations du Proche-Orient, que les forces d'une coalition armée l'aient fait disparaître. Je suis heureux , car je suis convaincu que, malgré les embûches préparées par les uns, la violence entretenue par les plus fanatiques, les trahisons organisées par d'autres, la paix en Palestine a désormais cessé d'être inaccessible.

Je ne voterai pas ce texte pour une deuxième raison: je suis en effet étonné de constater que les antiaméricains se montrent aujourd'hui si multilatéralistes, alors qu'ils sont en général si protectionnistes. Par ailleurs, ils sont demeurés muets lors de la guerre de 1999 menée par l'OTAN, à l'appel des Européens, incapables d'agir contre la Serbie - une guerre qui n'avait pas, elle non plus, été autorisée, bénie, sanctifiée par l'ONU.

Enfin, je ne voterai pas ce texte pour une troisième raison: la pétition qui n'est pas en notre nom ne constitue pas un document raisonnable. Certes, c'est un cri du coeur. Mais ce n'est qu'un cri du coeur. Or la population qui nous a élus attend de nous davantage que des bons sentiments. Elle attend que nous agissions avec intelligence car on ne construit pas l'avenir et les relations internationales avec le coeur, au détriment du bon sens. Cette absence de bon sens conduit d'ailleurs les signataires de cette résolution à réclamer - ce qui est tout aussi déraisonnable - dans un texte que nous aurons à traiter encore, le boycott général des produits américains.

M. Antonio Hodgers (Ve). L'essentiel de ce que je voulais dire a brillamment été exposé par MM. Rodrik et Vanek. J'aimerais néanmoins, sur le fond, répondre à l'intervention de M. Kunz et clarifier ceci: aujourd'hui, sur cette planète, le gouvernement des Etats-Unis est le plus grand fauteur de troubles et le plus grand déstabilisateur de l'ordre international. Ne nous méprenons pas: il existe des dictateurs locaux, il existe un gouvernement impérialiste qui agit au niveau de l'échelle planétaire et, à ce titre, il est responsable de bien plus de victimes innocentes que l'armada des gens qu'il prétend combattre.

Sur la forme, il y a un constat que nous pouvons faire tous ensemble, Mesdames et Messieurs les députés: de nos jours, les guerres se mènent plus vite que n'avancent les travaux de ce parlement, étant donné que la motion a été déposée avant le début de la guerre. Dès lors, nous pourrions proposer un échange de présidents, accueillir M. Bush comme président de ce Grand Conseil - M. Bush pourrait faire accélérer l'exécution des travaux avec les méthodes que l'on connaît - et envoyer le président Lescaze gouverner les Etats-Unis... la paix et la justice règneraient bien davantage sur la planète.

M. Michel Halpérin (L). Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps pour rappeler, puisque d'autres n'ont pas éprouvé le besoin de le faire jusqu'ici, que le regard qui vient d'être porté sur la conduite des affaires des Etats-Unis d'Amérique pourrait être différent. On pourrait par exemple, et cela a été fait ailleurs que dans cette salle, s'intéresser au fait que les Etats-Unis, eux, osent s'engager dans des combats qui relèvent de la défense des libertés auxquelles ils croient, même s'ils sont critiquables sur d'autres sujets. Il en est d'autres, en Europe, qui n'ont pas ce courage. Toutefois, cela ne constitue pas l'enjeu du débat de ce soir.

La question que nous pouvons nous poser n'est pas celle de la rapidité avec laquelle nous traitons les textes dans ce parlement, ni même celle de savoir s'il est légitime qu'un parlement comme le nôtre lance des appels de cette nature sur des sujets de cette sorte. La question est de savoir s'il y a adéquation entre ce qu'on nous demande et ce que l'on veut vraiment faire.

Que nous demande-t-on? On nous demande de nous solidariser avec ceux qui sont hostiles à une guerre qui a déjà eu lieu. La réponse pourrait être différée dès lors que la guerre a déjà eu lieu, mais on pourrait faire observer surtout que le texte et les développements apportés par M. Vanek tout à l'heure sont assez loin de ce qu'on nous demande de faire. Parce qu'après tout, un débat sur la question de savoir si la Suisse doit ou non, dans le concert des Nations Unies auquel elle participe désormais, élever sa voix pour s'opposer à l'idée d'une guerre non conforme à la Charte des Nations Unies, aurait un sens véritable.

Mais justifier ce qu'on vous propose en expliquant qu'il s'agit de condamner toute guerre contre l'Irak, sous quelque couverture juridique qu'elle soit, y compris par le Conseil de sécurité des Nations Unies, cela revient à refuser de se soumettre au choix de la communauté des nations, et les propos de MM. Hodgers ou Vanek à l'égard des Etats-Unis paraissent singulièrement absents du coeur du débat, puisqu'on nous demande de nous prononcer contre toute guerre - y compris celles décrétées par la communauté internationale.

Lorsqu'on nous invite ici à nous déclarer solidaires du droit à l'autodétermination du peuple irakien, je me demande de quel droit à l'autodétermination on parle: est-ce le droit à l'autodétermination du peuple irakien sous le régime de Saddam Hussein? Est-ce celui de ces malheureux découverts dans les charniers qu'on nous montre en photos dans la presse de ce jour? Ou est-ce celui des gens qui n'avaient droit ni à l'autodétermination ni à l'existence, mais plutôt à la disparition pure et simple des registres de l'Histoire, avec l'appui de notre parlement?

M. Guy Mettan (PDC). Je comprends en partie les signataires de ce texte - j'ai moi-même été l'auteur d'une pétition nationale contre la guerre en Irak au début mars, dont le texte et les noms des signataires ont été publiés dans les journaux suisses allemands et tessinois, et aucun journal romand n'a jugé bon de publier ce texte - cependant je déplore le ton de cette résolution pour deux raisons.

Tout d'abord je trouve personnellement désagréable d'avoir à signer un texte qui, lorsqu'il dénonce l'agression d'une puissance et de gouvernants tels que M. Bush, utilise lui-même un ton extrêmement agressif et désagréable. Lorsqu'on rédige une pétition de ce genre, je trouve qu'on doit être capable de prendre de la distance et user d'un vocabulaire plus convenable.

En outre, et M. Kunz l'a relevé, n'oublions pas que, dans ce conflit, M. Saddam Hussein n'était pas un saint, et que les charniers de 15 000 personnes que l'on vient de découvrir hier et que l'on voit en photos dans les journaux d'aujourd'hui existent bel et bien! Par conséquent, on ne peut pas signer un texte qui dénonce l'agression, l'invasion, les déprédations et les massacres américains si l'on oublie que M. Saddam Hussein a, lui, massacré un million de personnes au cours des vingt-quatre années durant lesquelles il a été au pouvoir.

Il faut être juste à l'égard de toutes les parties et dénoncer les crimes qui ont été commis de part et d'autre. Et cela, c'est aussi respecter les Droits de l'Homme!

La guerre étant terminée, je ne vois pas l'utilité d'accepter cette résolution et je serai personnellement prêt à signer un texte qui appellerait à la reconstruction pacifique de l'Irak avec la participation de l'ensemble de la communauté internationale et de l'ONU, parce que j'estime que ce serait une démarche constructive. En effet, cette démarche pourrait aussi constituer une critique des Etats-Unis, qui entendent apparemment reconstruire l'Irak seuls et selon leur bon vouloir. Dans cette perspective, nous participerions à un geste positif tant à l'égard de l'Irak qu'à celui du monde entier.

Je pense à ce titre à une fondation genevoise qui s'appelle la Fondation suisse de déminage, qui commence à entreprendre depuis quelques semaines tout un travail de déminage des routes afin que l'aide humanitaire soit acheminée en Irak. Voilà une action que nous pourrions soutenir dans ce parlement, en agissant ainsi de manière positive et adaptée dans le temps, puisque désormais la guerre est finie et qu'il faut construire la paix. Merci!

M. Pierre Schifferli (UDC). Le groupe UDC considère que cette proposition de résolution est aujourd'hui dépassée. Cela ne veut pas dire que nous ne comprenons pas le sens de ce texte, nous partageons d'ailleurs certains des avis qui y sont exprimés.

Cependant, et comme notre collègue Mettan, nous estimons que ce texte est aujourd'hui dépassé et que nous pourrions nous mettre d'accord sur un autre texte prônant l'autodétermination du peuple irakien, la fin de l'occupation américaine, l'instauration de la démocratie dans ce pays sous le contrôle du conseil de sécurité des Nations Unies, c'est-à-dire la fin du régime de proconsulat américain.

Il est évident qu'il faut qualifier cette guerre d'agression, puisqu'il s'agit d'une guerre menée par une hyperpuissance, en violation de la déclaration de droit international de la charte des Nations Unies, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Les images d'Oussama Ben Laden ont soudainement été remplacées, dans une opération de lavage de cerveau assez extraordinaire, sur les écrans de télévision américains par les images de Saddam Hussein, le terroriste international étant ainsi remplacé par le petit tyran local. On nous a parlé d'armes de destruction massive, qu'on retrouve aussi peu aujourd'hui qu'on a retrouvé Saddam Hussein et ses différents sosies. Tout cela n'a pas convaincu l'opinion publique mondiale.

Il a quand même fallu que les Américains nous parlent de la vérité, on a parlé de changement de régime et, maintenant, d'importer la démocratie dans ce pays... Alors, on a remplacé le régime des moustachus nationaux-socialistes à parti unique par l'implantation des barbus islamistes. Je ne sais pas si cela constitue un progrès sur la voie de la démocratie mais ce qui est certain, c'est que cette guerre a permis d'imposer la puissance américaine non seulement au Moyen-Orient mais aussi sur le plan mondial, par le biais d'une opération géostratégique globale nécessitant une action de force et d'occupation du territoire central de cette région qui recelle les plus grandes réserves énergétiques du monde.

Alors, que peuvent faire la petite Suisse et la Ville de Genève? Nous ne pouvons pas signer ce texte dans sa forme actuelle, parce que nous ne voulons pas donner l'impression que nous cautionnons le régime de Saddam Hussein. Nous serions cependant disposés à signer un texte qui tienne compte de l'état actuel des choses, des différentes opinions qui ont été exprimées ici. Je relève au passage - et c'est cocasse - que l'Alliance de gauche prie le gouvernement suisse de rejeter l'autorisation de survol de l'espace aérien suisse, ce que le conseil fédéral a fait, à l'aide de F-18 - je me souviens avoir assisté à une manifestation sur la place fédérale pour que l'armée suisse ait des F-18; je suis content de voir que l'Alliance de gauche est elle-même heureuse que nous ayons encore une armée qui puisse intervenir et faire respecter notre souveraineté nationale... (Rires.)

Tout ceci nous amène malheureusement, bien que nous comprenions l'intention des auteurs de ce texte, à en souhaiter le retrait au profit de la rédaction d'un autre texte actualisé qui, sans doute signé par plusieurs partis, jouira d'une portée bien supérieure, représentant ainsi l'opinion générale des citoyens de ce canton.

Le président. Merci, Monsieur Schifferli... Monsieur Vanek, nous avons clos la liste des intervenants. Si vous avez une proposition d'amendement, rédigez cet amendement et je le mettrai au vote.

Cela étant, nous venons d'être saisis d'une demande d'amendement formée par MM. Alain Charbonnier et Albert Rodrik. Nous n'avons pas eu le temps de vous distribuer le texte; je vous le lis. Il s'agit, après «appuie l'appel au Conseil fédéral» d'insérer les mots: «lancé par le CETIM en mai 2003» juste avant «contre la guerre en Irak...».

Je donne brièvement la parole à M. Rodrik à ce propos.

M. Albert Rodrik (S). S'agissant d'un texte de résolution aussi succinct, ce n'est évidemment pas le texte de cette petite ligne qui nous pose des problèmes. Mais à l'évidence, nous ne pouvons pas amender une annexe, puisque c'est de cela qu'il s'agit.

Ce que je vous propose, c'est que la résolution se réfère à une annexe qui soit: premièrement, d'actualité; deuxièmement, qui ne recèle pas un certain nombre d'écueils qui ont été signalés et qui font effectivement que l'on ne trouve pas de signataires socialistes sur le texte originel. Ce dernier texte présente aussi un avantage, il précise que notre gouvernement fédéral doit contribuer à établir un certain nombre de choses, ce qui me paraît se situer à l'intérieur des limites - même si, comme certains de nos collègues, on les conçoit très restrictives - de ce qu'un parlement cantonal peut faire. Maintenant, l'appel que nous lance M. Schifferli à refaire un grand texte, dans lequel nous partirions dans ce paternalisme où l'on dirait que les Américains ont commis tels péchés, que les Irakiens doivent faire ceci, et que l'autodétermination d'avant, l'autodétermination d'après... Je dois dire là - même si j'ai une vue plus vaste que certains de mes collègues d'en face de ce que peut faire ou ne pas faire un parlement cantonal - c'est justement un écueil que l'on veut éviter!

Je trouve qu'il y a un écueil majeur à rejeter purement et simplement cette résolution, ce dans quoi nous ne nous retrouverions pas; je trouve qu'il y a à la fois une incohérence chronologique et un côté un peu boutefeu dans ce texte dépassé. C'est pourquoi je vous suggère, par gain de paix et comme un appel à certaines abstentions - n'est-ce pas ? - de se référer au texte du CETIM, qui n'est pas décalé dans le temps, qui n'utilise pas un certain vocabulaire, mais qui se limite à assigner quelques tâches au gouvernement fédéral. C'est tout, Monsieur le président, merci!

Le président. Nous allons soumettre au vote électronique l'amendement que voici, soit: «appuie l'appel au Conseil fédéral lancé par le CETIM en mai 2003»... (Commentaires.)

Je suis désolé, je ne suis saisi d'aucune proposition d'ajournement! Le Règlement du Grand Conseil est clair, on ne peut ajourner qu'à une session ultérieure. Alors, soit nous reportons ce débat à une session ultérieure, soit nous votons! Je vous propose de voter afin que les choses soient claires...

M. Pierre Vanek (AdG). Il y a un réel problème! Tout le monde n'a pas forcément écouté avec l'attention que méritait le texte du CETIM... (Brouhaha.)

Si c'est le cas, tant mieux! Chacun prendra ses responsabilités. Sinon on peut prendre les trois minutes nécessaires pour photocopier et distribuer le texte. Et que chacun vote en sachant sur quoi il se prononce! C'est vrai que je suis, en général, favorable à ce que les gens aient à disposition le texte qu'ils votent, cela me paraît assez raisonnable. (Remarque.)

Le président. Sur la procédure de vote, Monsieur Dupraz!

M. John Dupraz (R). Je crois que d'arriver au dernier moment avec un nouveau texte ou une nouvelle résolution n'est pas conforme aux règles de la procédure. Si vous voulez faire une nouvelle résolution, vous la déposez et l'on en discute lors d'une autre séance! Pour le moment, je trouve que cela revient à délier le débat, restons-en au texte initial!

Ce n'est pas parce que cette résolution comporte des défauts majeurs que l'on doit arriver par un tour de passe-passe avec un autre projet - qu'on ne connaît pas - pour voter une résolution et sauver la face! (Applaudissements.)

Le président. Nous nous prononçons donc sur l'amendement que je vous ai lu par vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 35 non contre 31 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, cette résolution est rejetée par 38 non contre 14 oui et 13 abstentions.

RD 469
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la gestion de la Fondation Start-PME (exercices 2000 et 2001)

Ce rapport est renvoyé en commission de l'économie sans débat.

PL 8940
Projet de loi de MM. Christian Grobet, Jean Spielmann, Rémy Pagani modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05)

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). Nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi parce que la situation de surcharge des tribunaux est telle que, lorsque ces derniers doivent traiter de grosses procédures, les juges et les procureurs, déjà chargés d'une multitude de dossiers, ne peuvent s'y consacrer exclusivement.

Ce problème existe dans maints pays; il a existé notamment en France où il est désormais résolu, puisque, dans certaines grosses procédures, un magistrat est détaché pour s'occuper exclusivement du dossier, de sorte que des affaires complexes avec de nombreuses ramifications ont pu être menées à bien et jugées.

A Genève, on constate que dès qu'il y a une grande affaire, qu'elle soit civile ou pénale, le fait que les juges doivent s'occuper de leurs procédures courantes ne leur laisse pas suffisamment de temps pour se consacrer à un gros dossier.

Alors, nous proposons ici une solution, qui n'est peut-être pas la meilleure, celle de recourir, à titre exceptionnel, à des procureurs ou à des magistrats extraordinaires. Il y a peut-être d'autres solutions, nous ne prétendons pas détenir la vérité, mais ce qui est sûr... (L'orateur est interpellé.)Oui, nous sommes modestes, contrairement à vous, Monsieur Blanc!

Nous pensons que le problème soit être étudié sérieusement, qu'une solution doit être trouvée, et nous vous remercions par avance de renvoyer ce projet de loi en commission.

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

M. Carlo Sommaruga (S). Je m'exprime ici au nom du groupe socialiste. Nous appuyons naturellement le renvoi de cet objet en commission, toutefois avec une position quelque peu nuancée. Nous sommes convaincus qu'il y a effectivement à Genève de grosses affaires qui ont de la difficulté à avancer parce qu'elles représentent une charge de travail considérable pour les magistrats. Parfois, certains magistrats, qu'ils soient juges ou procureurs, n'ont pas la possibilité de mettre en oeuvre correctement les lignes de politique judiciaire, et c'est ici que se situe le problème.

Nous pensons que s'il est judicieux d'amener un renfort à l'appareil judiciaire, ce n'est pas forcément au niveau des juges qui, eux, doivent fixer la ligne de travail, mais au niveau du personnel à disposition pour d'éventuelles recherches ou analyses de documents. En effet, nommer des juges ou des procureurs ad hoc ne modifiera pas la politique judiciaire. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut disposer d'un certain nombre d'experts afin de permettre l'aboutissement des affaires.

Dès lors, nous travaillerons en commission sur ce projet de loi, en proposant des solutions différentes de celle qui consiste à augmenter le nombre de magistrats.

Ce projet de loi est renvoyé à la commission judiciaire.

PL 8197-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de MM. René Ecuyer, Christian Grobet modifiant la loi de procédure civile (E 3 05)
Rapport de majorité de M. Pascal Pétroz (PDC)
Rapport de minorité de Mme Loly Bolay (S)
Renvoi en commission: Mémorial 2000, p. 1628
M 1457-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier la motion de Mmes et MM. Esther Alder, Carlo Sommaruga, Rémy Pagani, Jocelyne Haller, Alberto Velasco, Michèle Künzler pour une trêve hivernale en matière d'évacuations de locataires défavorisés
Rapport de majorité de M. Pascal Pétroz (PDC)
Rapport de minorité de Mme Loly Bolay (S)

Premier débat

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Je me réfère pour l'essentiel à mon rapport. Je sais qu'il est tard et que de nombreux députés veulent aller se coucher - en particulier un député qui doit prendre le train, nous savons tous de qui il s'agit - mais j'aimerais tout de même vous dire quelques mots au sujet de la problématique qui nous concerne ce soir.

Il faut être conscient que nous nous préoccupons ici, dans tous les partis politiques, de la problématique de ces personnes qui n'ont pas les moyens de payer leur loyer ou qui se trouvent dans un état de désordre social tel qu'il engendre toute une série de difficultés, parmi lesquelles il peut y avoir une éventuelle procédure d'évacuation diligentée à notre encontre. Nous sommes particulièrement conscients de cette réalité, mais nous estimons qu'elle doit être réglée par d'autres moyens que sous l'angle du projet de loi et de la motion qui vous sont soumis ce soir. Un des moyens envisagés est un projet qui viserait à renforcer le rôle de la commission de conciliation en matière de baux et loyers lorsqu'elle fonctionne comme commission sociale. Vous savez que cette commission peut être appelée à traiter de dossiers d'évacuation dans une composition particulière où les partenaires sociaux sont présents, ce qui permettrait, au début d'une procédure d'évacuation, de trouver des solutions pour des locataires en difficulté. En réalité, le projet de loi et la motion qui vous sont soumis ne vont pas dans ce sens, puisqu'ils proposent de très mauvaises solutions.

Qu'énonce la motion? Elle dit en gros que, pendant l'hiver, elle invite le Grand Conseil - premier pouvoir - à demander au Conseil d'Etat - deuxième pouvoir - de demander au pouvoir judiciaire représenté par le Procureur général - troisième pouvoir - de surseoir à l'exécution d'évacuations pendant la période hivernale. Montesquieu se retournerait dans sa tombe s'il entendait cela! C'est une violation flagrante de la séparation des pouvoirs. Lorsqu'on a dit cela, on a tout dit, la discussion s'arrête ici.

Considérons le projet de loi qui propose sensiblement la même chose, à savoir une suspension de l'exécution des évacuations pendant la période hivernale. Il résulte des auditions que nous avons effectuées qu'une pratique est ancrée dans notre République, selon laquelle nous ne procédons pas à des évacuations pendant l'hiver. Cela est admis et nous paraît juste, sans pour autant qu'il faille le codifier dans la loi de manière aussi stricte que le propose ce projet de loi. Parce que cela voudrait dire qu'un locataire devant être évacué le 15 décembre, alors que son prochain appartement est libre au 1er décembre, ne pourrait pas être évacué si, pour une raison ou une autre, il décide de ne pas quitter son logement. Cela nous paraît totalement insensé. Faire preuve d'humanité, c'est bien, mais faire preuve de rigidité en stipulant qu'aucune évacuation ne peut intervenir pendant l'hiver nous paraît excessif!

Pour le surplus, les autres propositions contenues dans le projet de loi constituent un tir groupé contre les huissiers. Nous avons vu en commission que les huissiers judiciaires ont un rôle justifié et éminemment utile à jouer, puisqu'ils interviennent entre locataires et bailleurs.

Ce projet propose en outre une série de mesures qui existent déjà: demander aux représentants d'institutions sociales et aux mandataires d'assister aux séances, alors qu'ils y assistent déjà, est inutile. Par conséquent, ce projet de loi est superflu.

Ce qui nous oppose aujourd'hui est une position idéologique entre l'Entente et l'Alternative: M. Bernard Bertossa, ancien Procureur général socialiste, s'est déclaré comme étant vivement opposé à ce projet de loi. Il a notamment indiqué que les buts visés par le projet de loi ne seraient pas atteints, que la force publique intervenait relativement peu, que l'Office cantonal du logement, l'OCPA et l'Hospice général étaient présents lors des procédures d'évacuation, et il a terminé en soulignant que la proposition de suspendre la procédure d'évacuation pendant cinq mois était contraire à la garantie de la propriété prévue par la Constitution fédérale.

Je vous propose de suivre l'ancien Procureur général - socialiste - Bernard Bertossa qui a fait preuve de bon sens, et je vous recommande de rejeter ce projet de loi.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Malgré l'heure tardive, je me permets de prendre quelques minutes pour développer l'opinion de la minorité de la commission législative.

J'aimerais d'abord dire que le projet de loi 8197 et la motion 1457 poursuivent les mêmes buts tout en ayant des objectifs différents. La crise du logement n'est pas un leurre: la perspective de trouver de quoi se loger à Genève relève du parcours du combattant, cela devient «mission impossible» pour les gens se trouvant dans des situations financières extrêmement difficiles, voire en grave détresse sociale. Considérons les chiffres donnés par l'Asloca: en 2002, 1500 familles se sont retrouvées sous le coup de mesures d'évacuation forcée. Comme l'a relevé le rapporteur de majorité, il existe une pratique, initiée par l'ancien Procureur général, interdisant à Genève toute évacuation pendant la période du 15 décembre à début janvier.

Cette pratique existe, c'est vrai, elle a d'ailleurs été reprise par l'actuel Procureur général, M. Zappelli, mais elle ne se fonde sur aucune base légale. Nous pensons que cette injonction dans la loi renforcerait manifestement la position du Procureur général. En 2002, par exemple, on pouvait compter 104 logements d'urgence proposés aux personnes se trouvant dans des situations difficiles. A l'heure actuelle cependant, ces logements d'urgence sont totalement pleins. En outre, lorsqu'un appartement est libéré, comme l'Asloca nous l'a confirmé lors d'une audition, il subit une majoration d'environ 40%. l'Hospice général nous l'a affirmé: la situation à Genève est préoccupante, il y de plus en plus de familles qui se trouvent dans une détresse terrible, des familles évacuées qui doivent trouver un appartement pour lequel elles doivent débourser, au minimum, l'équivalent de trois mois de loyer.

Nous sommes peut-être le seul pays en Europe à ne pas avoir de loi instaurant une pratique interdisant toute évacuation pendant l'hiver. Tous les pays de la Communauté européenne se sont dotés de lois - et même le Canada - qui interdisent toute évacuation en pleine période hivernale. Cette adjonction à la loi serait bienvenue dans un des pays les plus riches du monde où, en même temps, on trouve de plus en plus de personnes se trouvant en situation catastrophique.

J'aimerais rappeler à ce stade de mon intervention, l'article 10 de notre Constitution, selon lequel: «Le besoin de logement est un besoin essentiel de l'homme et la collectivité tout entière est intéressée à la solution du problème du logement».

Pour terminer, j'aimerais faire état de la problématique des locaux commerciaux qui touche des petits commerçants et artisans se trouvant, par les aléas de la vie, en manque de liquidités les empêchant de payer leur loyer; ils se voient alors évacués et privés par la même occasion de leur outil de travail.

Pour toutes ces raisons, au nom de la minorité de la commission législative, je vous propose d'accepter l'entrée en matière du projet de loi 8197, d'accepter les amendements qui se trouvent en dernière page de mon rapport, et d'accepter la motion 1457 telle qu'elle vous a été proposée. Je vous remercie.

Mme Esther Alder (Ve). Depuis de nombreuses années sont mises en oeuvres partout dans l'Union européenne des politiques publiques qui visent la protection des plus défavorisés dans les domaines du maintien dans le logement et de la prévention des expulsions. C'est dans ce sens qu'allaient les deux objets qui vous sont présentés. Pourtant, la majorité de la commission a refusé l'entrée en matière. Pour les Verts, cette attitude est plus que choquante, car il s'agissait d'apporter des améliorations dans la procédure d'évacuation et d'observer une trêve hivernale pour les expulsions. Cette trêve est un droit respecté par les pays qui nous entourent et il aurait été formidable qu'elle le soit ici aussi.

Il est faux d'affirmer qu'il n'y a pas d'expulsions forcées pendant la période hivernale et nombreuses sont les personnes expulsées sans que le Procureur soit saisi. La peur, l'ignorance de leurs droits, le cumul des difficultés les empêchent de réagir, et, face à un avis d'expulsion, elles baissent les bras et se retrouvent à la rue.

Le droit au logement est un droit fondamental, inscrit dans la Constitution, mais la réalité est tout autre. Ces projets n'avaient pour intention que d'aménager les conditions d'expulsion, à l'instar de ce qui se passe en Islande où toute expulsion est interdite et où des médiateurs sont mandatés afin de trouver des solutions. Ou encore en Pologne, pays qui rejoindra bientôt l'Union européenne et dans lequel toute expulsion est impossible si un relogement n'est pas prévu.

Il est clair qu'un équilibre doit être trouvé entre propriétaires et locataires; seulement, on constate une fois encore que le droit de pouvoir disposer de son bien prime sur le droit au logement pour soi et sa famille. Et selon nous, ce droit-là est tout aussi digne de protection, sinon plus.

Pour ces raisons, nous vous demandons d'accepter le projet de loi avec ses amendements, ainsi que la motion. Merci. (Applaudissements.)

M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, après ce brillant plaidoyer de Mme Esther Alder, j'ai peu de choses à ajouter puisque l'essentiel a été dit. Je tiens toutefois à préciser que ce projet de loi vise à inscrire dans la loi un instrument qui a été mis en place effectivement par M. Bertossa, ex-Procureur général, socialiste, dont M. le rapporteur a dit tant de bien tout à l'heure.

Je ne comprends pas quelle est la difficulté d'inscrire dans la loi que, dans le cadre des évacuations, les représentants de l'Hospice général, de l'Office cantonal des personnes âgées et de l'Office cantonal du logement soient présents, c'est-à-dire les personnes qui entourent le Procureur au moment de juger s'il est opportun d'envoyer ou non la force publique pour évacuer quelqu'un. Il s'agit d'une innovation introduite par le Procureur général de l'époque et qui a le mérite de répondre efficacement à des problèmes sociaux. Il est donc opportun de l'inscrire dans la loi. J'avoue que la volonté de la majorité de droite de ne pas entrer en matière m'interpelle et me laisse penser qu'on pourrait, à terme, assister à l'effritement de cette institution qui n'a pas de base légale. Il me paraît justifié de donner un signe dans ce sens, et je juge qu'il est bon.

Pourquoi y a-t-il dans ce projet de loi, dont je ne suis ni auteur ni coauteur dès lors qu'il a été déposé sous l'ancienne législature, l'exigence d'un représentant des défenseurs de locataires ? Parce que, comme cela ressort des statistiques, 75% des personnes qui se présentent devant le Procureur général ne sont pas assistées par des avocats, qu'elles soient défenseurs ou non des locataires. Or il serait opportun d'avoir une personne à disposition qui, par son activité et sa fonction, puisse conseiller la personne au mieux sur des questions juridiques dans ces moments de grande difficulté. Ce qui revient à donner une chance supplémentaire de résoudre les problèmes à ceux qui sont dans le besoin. Cela concernait l'aspect du projet de loi qui vise à inscrire la composition des personnes de la commission qui entourent le Procureur général en cas d'évacuation.

Considérons maintenant l'aspect de la trêve d'évacuation hivernale. Il n'existe pas, à Genève, de trêve d'évacuation, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur majoritaire. Toutefois, dans les faits, elle existe seulement entre Noël et Nouvel An, parce qu'il y a des féries judiciaires et qu'il n'y a pas d'audiences convoquées. C'est ainsi que cette trêve se vérifie. Au mois de décembre, janvier et février, les expulsions peuvent avoir lieu. D'ailleurs, M.  Bertossa, Procureur général en charge lorsqu'il a été entendu, n'a pas dit qu'il n'y avait pas d'évacuations en période hivernale, il a dit: «Il n'y en a presque pas». Mais la simple hypothèse qu'il y en ait une seule qui intervienne me paraît extrêmement choquante! Je trouve inadmissible que l'on puisse même l'envisager à Genève, au début du XXIe siècle. Il faut trouver une solution qui permette d'éviter l'évacuation d'une personne ou d'une famille en difficulté financière, ce d'autant plus lorsqu'il n'y a pas de solutions de relogement, même en matière de logements d'urgence, comme cela a déjà été mentionné auparavant.

Je m'étonne d'entendre le rapporteur de la majorité, issu du PDC et qui se dit grand défenseur des familles, mettre la propriété d'un bien avant le bien de la famille, de celui des enfants, d'un couple ou d'une personne seule. Ceci est grave! Aujourd'hui, on remarque que ce qui prime est la défense de la propriété et de la rentabilité au détriment de l'individu et de l'humain.

Il y a aujourd'hui 1500 foyers qui subissent ces procédures en expulsion et il y en a 300 qui arrivent devant le Procureur général et qui font l'objet de décisions d'évacuation. Il est donc nécessaire qu'on ne puisse pas les évacuer pendant l'hiver.

En ce qui concerne les huissiers judiciaires, vous avez dit, Monsieur le rapporteur de la majorité, que les huissiers judiciaires étaient des médiateurs ou qu'ils intervenaient entre le locataire et le propriétaire; je vous rappelle que l'huissier judiciaire est mandaté par le propriétaire pour procéder à l'exécution d'un jugement. Il n'est aucunement un médiateur! Au contraire, de par sa fonction, il impressionne certains locataires par son intervention! Comme cela arrive lorsque l'huissier frappe à votre porte et vous apporte un acte de sommation, en vous disant de quitter immédiatement les lieux. Il vaut mieux, de notre point de vue, passer par l'intermédiaire de la force publique qui, elle, agit sur ordre du Procureur général.

Je rappelle que les personnes en difficulté se voient réclamer, à la fin de la procédure d'évacuation, un certain nombre de frais. Ces frais, et pas des moindres, constituent les notes d'honoraires des huissiers judiciaires! Dans l'exercice de ma profession, j'ai vu passer des notes de frais et honoraires s'élevant jusqu'à 5 000 ou 6 000 francs, sommes qui étaient ensuite demandées en paiement aux locataires expulsés, notamment à ceux qui l'étaient pour des raisons de non-paiement. En fait, on introduit une charge financière supplémentaire qui grève la famille ou la personne en difficulté financière. Ceci n'est socialement pas acceptable, aujourd'hui!

Si c'est la police qui assume sa fonction d'autorité et sa fonction sociale de médiation sous les ordres du Procureur général, on évite des situations pénalisant encore davantage les locataires.

Dès lors, je ne peux que vous inviter à entrer en matière sur ce projet de loi, quitte, s'il le faut, à modifier certaines dispositions pour qu'elles aillent dans le sens d'une protection sociale accrue des personnes en difficulté. Merci.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il me paraît utile de rappeler que la commission s'est penchée sur ce projet de loi et sur cette proposition de motion de façon très approfondie. Nous avons siégé à cinq reprises autour de ces textes et nous avons pris en considération tout ce que le problème de détresse sociale sous-jacent à ce texte présentait pour les commissaires, qui ne se sont pas du tout défilés: on vous présente ce refus d'entrée en matière comme une façon superficielle de traiter les choses, ce n'est pas ce qui s'est passé, nous les avons approfondies.

Je voudrais rappeler à M. Sommaruga, qui connaît bien le déroulement de nos travaux, que le Procureur général Bertossa nous a expliqué que les buts visés par le projet de loi ne seraient pas atteints par ces mesures. Il l'a expliqué parce que l'appareil législatif actuel lui permettait déjà de tenir compte des cas particuliers, notamment de la clause dite humanitaire qui était déjà en ses mains. Il n'avait par conséquent pas besoin de la renforcer de quelque manière que ce soit. Les autres auditions auxquelles nous avons procédé, comme celle du Procureur général, ont permis de réduire à néant l'affirmation selon laquelle il y avait des gens qui étaient évacués parce que des notes d'honoraires d'huissiers n'étaient pas payées, ce qui est tout simplement faux. Cela a été confirmé de toutes parts et je ne comprends pas qu'on y revienne aujourd'hui.

Pas plus qu'on ne peut revenir sérieusement sur le fait qu'il y a de factoun moratoire des évacuations pendant la période du froid le plus intense, puisque nous avons eu confirmation que ce n'est pas entre Noël et Nouvel an que l'on n'évacue pas mais du début décembre à la fin janvier, en tout cas.

Je voudrais encore signaler que les procédures en évacuation devant le Procureur général sont suivies avec le plus grand soin - c'était le cas avec le Procureur général Bertossa, et le Procureur général Zappelli, qui a été entendu à son tour, consacre deux fois plus de temps que son prédécesseur à l'audition des personnes susceptibles d'être évacuées, et elles sont assistées.

D'ailleurs, M. Sommaruga, qui vient de prendre la parole, oublie de vous dire que l'OCPA et l'Hospice général étaient présents lors des audiences d'évacuation et que les locataires pouvaient être assistés d'un mandataire à cette occasion. C'est pourquoi les choses que l'on vous demande de voter aujourd'hui sont déjà dans les faits tout à fait suivies.

De même que l'Hospice général a confirmé la présence de ses représentants lors des audiences d'évacuation, il a été dit que l'inscription d'une norme rigide dans la loi, sur une période pendant laquelle les évacuations n'auraient pas lieu, serait tout simplement déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal fédéral le jour où elle serait entreprise, n'étant pas conforme au principe de garantie de propriété.

C'est l'ensemble de ces raisons, et non pas une attitude superficielle vis-à-vis de ce problème, qui a amené la commission à décider d'écarter et le projet de loi et le projet de motion qui nous étaient soumis. Je tiens à le rappeler pour que, lorsque nous voterons tout à l'heure - je le pense - dans le sens des propositions du rapport de majorité, nous sachions que nous ne le faisons pas avec désinvolture mais après un examen sérieux du problème.

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je suis étonné par certaines choses que j'ai entendues durant ce débat. Mme Alder a dit que nombreuses étaient les personnes expulsées sans que le Procureur général n'intervienne. C'est illégal et ce n'est pas en changeant la loi de procédure civile qu'on changera quelque chose à cette illégalité. Pour que quelqu'un soit évacué, il faut une décision d'évacuation en bonne et due forme du Procureur général. Et si, par impossible, des personnes sont évacuées sans le concours du Procureur général, ceci se fait en toute illégalité, ce qu'il est essentiel de savoir.

M. Sommaruga allègue: «M. Bertossa a dit ceci ou n'a pas dit cela en commission...». Permettez-moi de vous dire, Monsieur Sommaruga, que, lorsque M. Bertossa a été auditionné par la commission législative, le 8 juin 2001, vous n'étiez pas encore député. Je ne vois donc pas très bien comment vous auriez pu assister à son audition. (Remarques.)

Plus sérieusement, je n'apprécie pas tellement les remarques que vous avez faites au sujet du PDC qui défend la famille... Qu'il défend tant et si bien qu'il a pris bonne note de ce que la loi actuelle de procédure civile permet au Procureur général de surseoir à une évacuation pour des motifs humanitaires. Si la loi permet déjà de surseoir à une évacuation ces motifs, on ne voit pas où se situe le problème. Cela permet au Procureur général de ne pas prononcer d'évacuation, que ce soit le 1er janvier, le 1er juin ou le 18 août! Ce ne sont pas les conditions climatiques qui comptent, c'est que le locataire soit dans la détresse!

Parce que cela est déjà prévu par la loi de procédure civile et je ne vois pas à quoi sert ce projet de loi. Je crois qu'il ne sert strictement à rien, parce que la garantie de la dignité humaine est actuellement déjà prévue. Tout ce qu'on nous propose relève de l'électoralisme de bas étage... (Exclamations.)Raison pour laquelle je vous invite encore une fois à refuser tant la motion que le projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Pétroz, je dois dire que j'ai été un peu étonné des propos que vous venez de tenir. Vous n'avez peut-être pas encore l'expérience, pardonnez-moi de vous le dire... (Exclamations.)

Vous n'avez pas encore l'expérience de ces questions... (Remarque de M. Blanc.)Ou si vous le préférez, Monsieur Blanc, je peux dire que M. Pétroz, ayant été élu sur la base d'une liste de la Chambre immobilière, n'a pas l'occasion de s'occuper de la défense des locataires. Mais il s'occupait tellement de celle des propriétaires qu'il ne connaît pas du tout les réalités de ce canton! Et j'aimerais juste vous dire une chose, Monsieur Blanc, puisque vous faites de la morale mal placée: si vous aviez eu à vous occuper de gens qui ont vécu une évacuation, vous vous comporteriez autrement ce soir!

Moi, j'ai vécu pendant treize ans les problèmes d'évacuation des locataires dans ce canton et j'aimerais qu'aucun d'entre vous ne subisse cette épreuve - parce que perdre son logement, devoir quitter l'endroit où l'on vit, avoir la déménageuse devant la porte de l'immeuble, avec l'évacuation de vos meubles devant les autres locataires, devant les passants... Eh bien, cela, il faut l'avoir vécu pour savoir ce que c'est! (Le président agite la cloche.)

Sans parler encore - parce que je l'ai vécu aussi, et le père d'un député, ici, sait de quoi je parle - de l'ambulance qui est là pour conduire des locataires à la clinique psychiatrique de Bel Air! J'ai vécu cela et j'en suis fier! J'ai même, à la rue Rousseau, empêché deux dames d'être emmenées à Bel Air. Et, Monsieur Halpérin, votre père, qui était président d'une communauté, sait de quoi je parle! Ce sont des faits que j'ai vécus. Et lorsque vous banalisez, comme vous venez de le faire, ce problème auquel certaines personnes sont confrontées, je trouve que c'est indigne de l'attitude que nous nous devons d'avoir en tant que parlementaires à l'égard des citoyens qui vivent cette épreuve.

Vous tenez un double langage qui commence à devenir intolérable! Vous dites que cette loi ne sert à rien, qu'on applique déjà cela, et vous invoquez un article qui n'a rien à voir avec le problème de la loi de procédure civile! Dans ce cas, si tout ce que nous proposons correspond à la réalité des faits, qu'attendez-vous pour le voter? Pourquoi cela vous dérange-t-il de concrétiser dans la loi la pratique qui existe selon vous ?

Mme Alder a raison: oui, des évacuations sont effectuées en hiver et, de par son engagement social, elle sait de quoi elle parle!

Quant à vous, Monsieur Pétroz, vous ne savez pas de quoi vous parlez car vous n'êtes pas au bénéfice de cette expérience - là, je suis au regret de vous le dire sur ce ton!

Quant à la décision du Procureur général, de quoi s'agit-il? Et, là, je rends hommage au nouveau Procureur général qui, effectivement, passe plus de temps que son prédécesseur sur les cas d'évacuation... Eh bien, du temps de M. Bertossa, la décision, c'était une audience et c'était le «Stämpel»! C'est vrai que la décision, c'est le jugement d'évacuation. Et que doit faire le Procureur? Simplement mettre son «Stämpel» en disant qu'on peut aller de l'avant...

Une voix. Vous ne pouvez pas parler français ?

Christian Grobet. Alors, le «sceau humide», si vous préférez! Mais j'emploie le terme de «Stämpel» parce que je pensais que, dans notre «partie latine» de la Suisse romande, on éviterait le «Stämpel» avec toute la consonnance qu'il implique, voyez-vous! Eh bien, le «Stämpel», il est là! C'est une réalité et il ne faut pas nous «mener en bateau» dans cette histoire!

Nous avons déposé un projet de loi qui, nous sommes prêts à l'admettre, n'est pas parfait et qui peut être discuté. Or vous avez refusé de discuter de quoi que ce soit le concernant!

Par exemple, le simple fait qu'il n'y ait pas, à côté du Procureur général, de représentant du milieu des locataires... Parce qu'il faut savoir, Mesdames et Messieurs les députés - et M. Bertossa l'a admis, pour ne pas dire avoué - que trois-quarts des locataires sont à ce point démunis qu'ils comparaissent devant le Procureur général sans la moindre assistance de qui que ce soit! Et je pense que la première règle qu'on pourrait fixer dans la loi devrait être qu'un avocat soit commis d'office à toute personne comparaissant devant le Procureur général en vue d'une évacuation! Il est intolérable que quelqu'un de totalement démuni, qui est un cas social incapable de se défendre, se trouve seul, confronté au Procureur général, avec tout ce que cela représente... (Brouhaha.)

Oui, je trouve abominable de devoir comparaître seul devant le Procureur général assisté de trois ou quatre personnes! Les gens n'osent alors plus rien dire, sortent complètement traumatisées de ces réunions, même si le nouveau Procureur se donne toute la peine du monde pour trouver des solutions!

Nous avons demandé des choses simples: que le locataire démuni puisse avoir au moins une personne! Une! Une seule! Pour l'aider dans ses négociations avec le Procureur! Et même cette chose, élémentaire, à savoir l'assistance à une personne démunie, vous l'avez refusée! C'est honteux! Vous ne voulez rien entendre sur ce problème. A propos de l'évacuation en hiver, nous avons dit que nous étions prêts à modifier le texte: que si l'on propose un autre appartement aux locataires et qu'ils le refusent, on peut les évacuer. Or vous n'avez entendu, ou voulu, parler d'aucune solution!

Et encore, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons cette solution du XVIIIe siècle où c'est l'huissier privé, payé par le propriétaire... (Protestations.)Qui vient pour fermer les serrures, évacuer les gens! J'ai encore vécu cela récemment... J'ai entendu les huissiers prétendre que ce n'était pas le cas: c'est absolument faux! J'ai vu des gens être mis dehors par un huissier privé, payé par le propriétaire.

Il y a un service des évacuations qui fonctionne très bien à la police - je tiens à vous le dire, Madame Spoerri, vous avez un service des évacuations qui est humain et qui fait bien son travail - et nous demandons simplement que, dans une question d'intérêt public, ce soit le service des évacuations qui fasse le travail et pas des huissiers payés par le propriétaire.

Et j'affirme aussi, ce qui a été contesté par certains, que des factures d'huissiers de 2000 ou 3000 francs ont encore dû être payées par les gens qui ont été évacués!

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons un système de protection de la propriété privée qui remonte non pas au siècle dernier mais au XIXe et vous devriez avoir la décence d'essayer d'améliorer ce système! (Applaudissements.)

Le président. Je donne encore la parole à M. Pétroz et à M. Luscher. Ensuite, nous clorons probablement là nos travaux car, vu la longue liste d'intervenants, nous n'y arriverons pas... Je le regrette!

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, après ce que je viens d'entendre, quelque chose me fait hésiter à propos du sort à réserver à ce projet de loi: c'est l'état de santé de M. Grobet. Lorsque je constate combien il s'emporte, je m'inquiète... (Exclamations.)Je vous le dis en toute amitié.

Je voulais préciser encore une chose concernant la durée de la procédure d'évacuation: pour que quelqu'un soit évacué, il faut que son bail ait été résilié. Cette résiliation doit non seulement être exécutée selon une certaine procédure, mais elle peut aussi être contestée. Une fois le bail résilié, pour que quelqu'un soit évacué de son logement, il faut diligenter une procédure en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers - il y a une audience de conciliation, une audience devant le Tribunal, il est possible de faire appel auprès de la Cours de justice. Ensuite, il faut faire appel à un huissier judiciaire qui saisit le Procureur général, et ce dernier rend une décision d'évacuation exécutée, le cas échéant, par la police. C'est donc une procédure très étendue dans le temps, entre neuf mois et une année, et nous estimons que la durée de cette procédure peut être mise à profit pour trouver des solutions de relogement. La situation serait totalement différente si les gens pouvaient être évacués manu militarien deux temps trois mouvements, et tel n'est pas le cas à Genève où être évacué prend du temps, quasiment une année.

Puisque j'ai été mis en cause par M. Grobet, j'aimerais brièvement lui dire que, contrairement à ce qu'il pense - c'est vrai que je défends les propriétaires dans l'exercice de ma profession d'avocat - je trouve éminemment utile de défendre des locataires. Il y a des voyous parmi les locataires autant qu'il y a des voyous parmi les propriétaires, et il est important de défendre non pas les locataires ou les propriétaires par conviction idéologique mais les causes justes! J'ai défendu des locataires en proie à des procédures d'évacuation; j'ai réussi, comme vous, Mesdames et Messieurs qui êtes assis sur les bancs me faisant face, à trouver des solutions pragmatiques avec les huissiers et avec le Procureur général: nous avons réussi, avec la volonté et la compréhension de chacun des intervenants dans ce dossier, à trouver des solutions.

Alors, je ne comprends pas pourquoi vous venez nous donner des leçons. Je pense qu'avec des solutions pragmatiques et en faisant preuve de bonne volonté on peut arriver à des solutions adéquates. (Applaudissements.)

M. Christian Luscher (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.)Je vous remercie mille fois de vos compliments, Monsieur Pagani!

Lorsque j'entends M. Grobet dire qu'un locataire se trouve seul à seul face au Procureur, je me dis que cela fait très longtemps qu'il ne s'est pas rendu chez le Procureur général. Et c'est vrai que, lorsqu'on a des clients comme M. Chevallaz, on n'est pas tous les jours chez le Procureur général!

Cela étant, Monsieur le président, je propose d'ajourner à demain la suite de ce débat...

M. Christian Grobet. Dis donc, tu veux que je parle de tes clients, moi aussi ?

Le président. Monsieur Grobet... (Le président agite la cloche.)

M. Christian Luscher. Parce que je pense que tout le monde est très fatigué ce soir, en particulier M. Grobet qui vocifère en face de moi!

Le président. Quoi qu'il en soit, Monsieur Luscher, j'ai dit que vous seriez le dernier orateur! (Remarque.)Monsieur Grobet, le débat est interrompu... (Brouhaha.)Messieurs, on va vous laisser vous invectiver... Je prie le service technique de bien vouloir couper le micro de M. Luscher. Merci!

Le débat est interrompu; nous avons soigneusement pris note des noms des orateurs inscrits... (Remarque.)Non, la liste n'est pas close! Nous reprendrons nos débats demain en fin d'après-midi.

La séance est levée à 23h30.