République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10375-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics (K 1 18)
Rapport de majorité de Mme Michèle Ducret (R)
Rapport de première minorité de M. Gilbert Catelain (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Eric Stauffer (MCG)

Premier débat

Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la loi qui vous est présentée ce soir n'est pas une loi «contre», c'est une loi «pour» ! C'est une loi pour protéger les trois quarts de la population genevoise qui ne fument pas contre la fumée du quart des Genevois qui fume. C'est une loi anti-fumée, pas anti-fumeurs. Rappelez-vous la votation du 24 février 2008, lors de laquelle 80% des votants ont accepté l'article constitutionnel 178B contre la fumée passive, avec un taux de participation exceptionnellement haut - à 61,6%. C'est pour respecter cette volonté populaire très clairement exprimée que le présent projet de loi a finalement été proposé à ce Conseil, après bien des événements que je vous rappelle brièvement, pour ceux qui écoutent et qui ont envie de se remémorer ce qui s'est passé.

L'initiative 129 prévoyait au départ une interdiction absolue de fumer dans les lieux publics. Le texte de l'initiative a été corrigé par la commission législative, de façon à être compatible avec les exigences concernant les initiatives. Suite à cela, un recours a été formé contre la décision du Grand Conseil et la correction de l'initiative 129. S'en est ensuivi un arrêt du Tribunal fédéral - que nous allons sans doute abondamment commenter ce soir - qui interdisait, à notre sens, les fumoirs. Or, lorsqu'on lit cet arrêt du Tribunal fédéral, on s'aperçoit qu'il ne fait nullement mention - c'est dommage - de l'interdiction des fumoirs mais, à la lecture des considérants du Tribunal fédéral, on constate que la fumée n'est autorisée qu'à certaines conditions, lesquelles ont été énumérées exhaustivement par ce tribunal.

Les exceptions que le Tribunal fédéral a acceptées sont celles qui touchent les personnes limitées dans leurs mouvements pour des raisons diverses, celles qui ont trait aux intérêts économiques des entreprises qui vivent uniquement de la vente ou de la consommation du tabac et, enfin, celles qui concernent les espaces privatifs situés dans des lieux publics, comme les chambres d'hôtel. Le fait que l'arrêt ne fasse pas allusion aux fumoirs s'explique logiquement: ces derniers ne concernent ni des personnes limitées dans leurs mouvements, ni des commerces ou des entreprises qui vivent de la vente du tabac, ce sont seulement des endroits où les gens vont librement.

Le 20 septembre 2007, le Grand Conseil a accepté de présenter l'initiative 129 sans contreprojet devant le peuple, sur proposition du Conseil d'Etat. Cette décision était sans doute une erreur, laquelle nous a menés où nous sommes aujourd'hui.

La Confédération et certains cantons ont légiféré et toléré les fumoirs, mais ils n'avaient pas une initiative 129 très restrictive à respecter, ni l'arrêt du Tribunal fédéral. Je rappelle du reste que la loi fédérale autorise les cantons à être plus restrictifs qu'elle.

Le 24 février 2008, le peuple a massivement accepté l'initiative 129. Fort de ce vote, qui était presque un plébiscite, le Conseil d'Etat a décidé d'adopter un règlement d'exécution relatif à l'interdiction de fumer - RIF - qui est entré en vigueur le 1er juillet 2008. Des recours ont été formés contre ce règlement et il a également été demandé que l'effet suspensif soit prononcé. Ce dernier a été refusé, et le règlement est ainsi resté en vigueur pendant trois mois. Le canton de Genève a par conséquent pu expérimenter ce qu'était une vie sans fumée dans les lieux publics.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que la question des fumoirs est dépassée en l'état actuel de la loi. J'estime que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire - on aura sans doute encore l'occasion d'en parler - et qu'il ne s'agit plus de savoir si l'on est pour ou contre les fumoirs, ce que je regrette, mais c'est ainsi. Je vous prierai donc de suivre l'avis de la commission de la santé, qui a exclu les fumoirs de tous les endroits où l'on pouvait le faire, parce que ceux-ci ne sont pas légaux.

J'ajouterai que de nombreux résidents genevois ont été enchantés de cette expérience de trois mois sans fumée dans les cafés et restaurants, et que cela a donné des résultats, puisqu'un certain nombre de ces cafés et restaurants ont désormais interdit la fumée dans leurs locaux.

Je crois qu'il faut constater une chose, qui ne fait peut-être pas plaisir à certains: le fait de fumer devient de plus en plus repoussé et rejeté par la plupart des gens. Je vous rappelle qu'on ne fume plus ni à l'hôpital, ni dans les trams, ni dans les trains ou les avions, et qu'on ne fume plus ni dans les locaux de l'administration ni dans les écoles. Et cela ne choque personne ! C'est la raison pour laquelle je suis profondément convaincue que l'interdiction de la fumée dans les lieux publics va se propager et s'étendre. c'est une tendance inéluctable que l'on constate en Suisse et dans les pays étrangers; je pense donc que nous ne pouvons que l'accepter et qu'il va être difficile de nager à contre-courant.

Par conséquent, je vous engage à adopter la loi telle qu'elle est ressortie des travaux de la commission, afin de protéger la santé de nos concitoyens et de respecter leur volonté très clairement et très massivement exprimée dans les urnes. Et je vous le répète: cette loi n'est pas une loi «contre» mais une loi «pour», pour protéger les trois quarts de la population de non-fumeurs contre le quart de la population qui fume. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Nidegger, qui remplace M. Catelain, rapporteur de première minorité.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. Vous avez lu les trois rapports dans leur entier et dans le détail, je ne vais donc pas retracer l'historique - cela a d'ailleurs déjà été fait par notre collègue Dominique Ducret...

Des voix. Michèle !

M. Yves Nidegger. Michèle Ducret ! Oh, pardon ! La distance m'aura fait oublier même les plus beaux souvenirs de ce parlement...

«Vivre et laisser vivre» devrait normalement être la devise de n'importe quelle loi qui respecte le principe de proportionnalité. Je fais partie de ces non-fumeurs qui ont grandement apprécié les trois mois durant lesquels il était possible de se rendre dans un établissement public et d'en ressortir sans avoir des habits qu'il faille aérer toute la nuit pour éviter de polluer son armoire, et je suis de ceux qui pensent que, effectivement, le temps est venu que l'on protège l'ensemble de la population contre l'exposition à la fumée passive. Du reste, je ne regrette pas cette époque où le non-fumeur que j'étais devait presque s'excuser lorsqu'il mangeait en compagnie de fumeurs, en s'assurant que la vue de la nourriture n'incommode pas les fumeurs pendant que ceux-ci fumaient à la même table. Ces temps sont révolus, la protection contre la fumée passive est une réalité, et il s'agit tout simplement de concilier la liberté individuelle - pilier de notre système juridique - la liberté économique et la protection de la santé des travailleurs, dans le respect du principe de proportionnalité.

Le Tribunal fédéral, lorsqu'il s'est prononcé sur la recevabilité de l'initiative, a lancé à ce parlement un défi - lequel, je crois, n'a pas été relevé - en disant que «[...] le législateur - cantonal - disposera d'un large pouvoir d'appréciation pour adapter l'interdiction de fumer aux différentes situations qui l'exigent.» Tel qu'il ressort des travaux de la commission de la santé, le texte a ignoré cette invitation à l'imagination, à la créativité et à l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, et il est passé à côté des possibilités de vivre et de laisser vivre ensemble, comme cela devrait être le cas. Tout s'est focalisé sur les fumoirs, que le Tribunal fédéral n'interdit nullement, et que même la loi reprend, puisqu'il y a un fumoir à l'aéroport, preuve que cette notion-là n'est pas à bannir, sinon on se serait bien gardé d'en faire figurer ne serait-ce que le mot à l'intérieur de la loi.

Si la loi est adoptée en l'état, avec une série d'exceptions à mon avis assez contre-productives dans certains cas, nous n'aurons pas atteint le but de proportionnalité et de protection. Au fond, ce que je reproche à cette loi, c'est d'avoir inversé le but et les moyens. Le but, c'est la protection de l'ensemble de la population contre l'exposition à la fumée passive dans les lieux publics fermés; les moyens, c'est une interdiction générale. On a le sentiment, à la lecture de ce texte - et je le compare aux travaux fédéraux auxquels j'ai participé récemment - que l'on a eu pour but d'interdire de fumer et que l'on a utilisé comme moyen la protection de l'ensemble de la population.

Il y a toutes sortes de pratiques qui disparaîtraient, comme ce droit coutumier à allumer un cigare en sirotant un cognac à la fin d'un repas, si les tenanciers ne peuvent avoir un espace clos, ventilé et sans service, pour répondre à l'ensemble des exigences d'une protection de la population contre l'exposition à la fumée passive. Et si le seul moyen pour un restaurant d'autoriser sa clientèle à jouir de ce petit vice digestif consiste à ce qu'il dispose d'un cercle, au sens du droit, qui serait situé très exactement à côté de l'établissement - sans qu'il y ait de possibilité de passer de l'un à l'autre - et que, pour y entrer, les clients doivent sortir du restaurant, cela rendrait les choses à peu près impossibles et priverait d'un vice très apprécié - même s'il est totalement immoral et mauvais pour la santé - des gens qui y sont attachés et qui y ont droit, en respect de leur liberté personnelle.

La zone de sécurité de l'aéroport pose un autre problème. En effet, on imagine mal un employé préposé aux contrôles des passeports qui souhaite fumer une cigarette passer toutes les barrières de sécurité pour se rendre à l'extérieur et revenir par la suite... La chose est proprement impossible ! On aurait un aéroport, pour une partie du personnel en tout cas, qui ne serait pas seulement sans fumée - d'ailleurs il ne sera pas sans fumée, puisqu'il y aura un fumoir - mais également sans fumeurs, ce qui n'est pas le but de l'opération. Cela sans compter que l'aéroport va devenir deux aéroports, puisqu'à partir de mars nous aurons des zones Schengen et des zones non-Schengen qui devront être étanches, et qu'il n'est prévu dans la loi qu'un seul fumoir. Or on imagine mal que l'on place ce fumoir à cheval sur les deux zones et que celles-ci communiquent pour que l'on puisse aller fumer...

Il y a en outre tout le problème des chambres d'hôpitaux ou d'EMS, qui ont un caractère privatif; c'est une sorte de domicile, si l'on veut, et le patient de l'hôpital ou le résident de l'EMS doit, selon la loi, être autorisé à fumer dans sa chambre. Cela contrevient évidemment au but même de la loi, qui est de ne pas exposer le personnel de l'hôpital à la fumée passive. Dans une maternité, si une jeune accouchée allume une cigarette en présence de son bébé, de sa voisine, de l'enfant de sa voisine ou des visites, je ne pense pas que cela réponde très sérieusement au but. En revanche, s'il existait un fumoir, elle pourrait s'y rendre sans gêner personne.

Quant aux chambres d'EMS, lieux privés dans lesquels les résidents sont supposés pouvoir allumer leur cigarette, parce qu'ils n'auront pas de fumoir - ou alors il leur faudra aller dehors - on sait très bien ce qui s'y passe: les personnes d'un grand âge sont dépendantes et c'est le personnel qui allume les cigarettes de la plupart des fumeurs qui terminent leurs dernières années de vie; or ce personnel ne restera pas à côté de la personne âgée pendant qu'elle fume, sauf à violer à nouveau la loi qui interdit l'exposition à la fumée passive. En d'autres termes, sans un fumoir où regrouper les personnes qui désirent fumer, les EMS ne pourront fonctionner qu'en privant les gens de fumer ou en exposant le personnel à la fumée passive.

On aurait pu procéder à d'autres auditions en commission, mais ce fut un «niet» sec et sonnant et, malheureusement, tel qu'il ressort, ce projet de loi excluant le fumoir qui constitue probablement la seule possibilité de créer des zones de liberté où l'on pourra librement intoxiquer ses propres poumons, si on le souhaite...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! Vous pourrez reprendre la parole plus tard !

M. Yves Nidegger. Je termine sur un dernier point. Vous savez que, au rythme où vont les choses, si la loi est adoptée en l'état, il y aura un référendum, que s'il y a un référendum, la loi fédérale entrera en vigueur avant la loi cantonale, que les exploitants genevois mettront leurs établissements en conformité avec le droit fédéral - qui est différent du droit cantonal - et que lorsque, finalement, la loi cantonale verra le jour, on ne pourra pas exiger d'eux qu'ils transforment à nouveau leurs établissements.

Un dernier élément économique...

Le président. Non, Monsieur, votre temps est écoulé ! Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité, mais vous avez la possibilité de redemander la parole par la suite.

M. Yves Nidegger. Je m'arrêterai donc là, Monsieur le président, et vous remercie de votre patience !

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Ce soir, nous allons vraiment voir qui respecte les minorités, qui est respectueux de la population, et il sera très intéressant de savoir si le contenu des discours de certains partis de gauche va être mis en pratique dans les faits.

Effectivement, le plébiscite de l'initiative est incontestable, et je suis de ceux qui ont voté pour cette IN 129 - bien que je sois considéré comme un grand fumeur - car je suis en faveur de l'interdiction de la fumée passive dans tous les établissements publics. C'est une question de respect. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, qui vous opposez au bon sens et au respect, j'aimerais vous dire - et je reprends ici les propos de Mme la rapporteure de majorité elle-même - qu'il s'agit certes d'un quart de la population contre trois quarts, mais qu'un bref calcul vous amènera à constater que nous parlons ce soir d'une minorité qui représente tout de même 120 000 citoyens dans le canton de Genève. Alors allez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, bafouer aujourd'hui le droit à la liberté et au choix qui fonde toute la base d'une démocratie ? Allez-vous, d'un revers de la main, vous comporter comme des «ayato-tabac» intégristes et anti-fumeurs ? Car c'est de cela qu'il s'agit ce soir dans ce parlement !

Nous pouvons tergiverser longtemps, effectuer toutes les analyses de droit que nous voulons, mais vous avez entendu l'arrêt du Tribunal fédéral et les interprétations qui vont diverger. Nous, MCG, vous demandons ce soir de voter conformément au bon sens et au respect dû à tous, c'est-à-dire fumeurs et non-fumeurs, car je pense que, pour ces deux clans - appelons-les ainsi - une vie en communauté dans le respect est possible.

En outre, nous allons voir si vous, partis qui mettez aujourd'hui en avant l'importance de la santé publique et qui, jadis, il n'y a pas si longtemps, préconisiez l'importation des déchets napolitains pour les incinérer et polluer ainsi l'ensemble du canton genevois, êtes cohérents dans votre politique, en vertu du respect que vous devez aux citoyens qui vous ont portés au pouvoir. Et, encore une fois, cet exercice sera très intéressant, je pense, pour la population.

Nous voulons que les responsables des établissements - et nous avons proposé à ce propos deux amendements empreints de respect et de bon sens - puissent faire en sorte que, notamment, les personnes âgées résidentes d'EMS qui, pour des raisons de sécurité, ne peuvent pas ou plus fumer seules dans leur chambre, parce qu'elles risqueraient de faire tomber leur cigarette et de mettre le feu à l'EMS, ne soient pas obligées, surtout en hiver, de sortir pour en griller une, elles qui ont fumé pendant des décennies. Cela s'appelle le respect ! Et l'instauration de fumoirs isolés, indépendants et ventilés n'est pas un affront aux non-fumeurs, puisqu'ils n'auront pas à subir la fumée passive.

Alors allez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, à proprement parler, gifler ces personnes âgées en leur disant: «Cher Monsieur, chère Madame, vous avez fumé pendant soixante ans, mais, si vous voulez le faire aujourd'hui, vous devez aller dehors, sur le trottoir, parce qu'ici c'est interdit et qu'on ne peut même pas vous octroyer une salle fermée et indépendante pour que vous puissiez fumer tranquillement votre cigarette et finir ainsi votre vie, comme vous l'avez vécue pendant des décennies, c'est-à-dire en fumant.» Allez-vous dire cela aux personnes âgées ? Car si tel est le cas, Mesdames et Messieurs de la gauche étendue - puisqu'aujourd'hui nous avons une variante un peu spécifique de ce Grand Conseil - je vous le dis clairement: j'espère que, le 11 octobre prochain, l'AVIVO présentera ici une liste pour défendre la liberté des personnes âgées, en lieu et place de cette gauche étendue, qui est totalitariste.

D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons constaté que le droit est à plusieurs vitesses, puisqu'il y a des intérêts économiques en jeu, et nous, MCG, serons très intéressés d'entendre le conseiller d'Etat en charge du département de la santé nous expliquer pourquoi, dans les hôtels, il est prévu quelques exceptions dans des salons qui auront le titre de «cercles», alors que les établissements de type cafés, restaurants, discothèques, etc., n'auraient, eux, pas le droit d'en bénéficier. L'explication réside évidemment dans le fait que prohiber totalement la fumée dans les hôtels de luxe serait sans doute économiquement préjudiciable à notre canton.

Du reste, pourquoi avons-nous prévu des fumoirs à l'aéroport ? C'est que la base légale existe ! Et si elle existe pour l'Aéroport international de Genève, elle le doit exister pour les cafetiers-restaurateurs, qui doivent avoir la liberté - parce que la liberté constitue la base de toute démocratie - de choisir s'ils veulent installer un fumoir isolé et ventilé à l'intérieur, par respect pour les fumeurs, qui n'auront ainsi pas besoin d'aller à l'extérieur. Et cela, Mesdames et Messieurs, devrait vous satisfaire ! En effet, lors de cette expérience de trois mois à Genève, nous avons constaté que, devant chaque immeuble de bureaux, devant chaque restaurant, il y avait des centaines de mégots sur le sol, parce que les gens en grillaient vite une et la jetaient par terre. Pouvoir endiguer ce phénomène présente donc aussi un intérêt pour la propreté de notre canton. Du reste, lorsque l'ancienne présidence de ce Grand Conseil a interdit de fumer en ces murs, certains intégristes anti-tabac ont supprimé tous les cendriers, et il y a donc des mégots de cigarette un peu partout - mais j'y reviendrai certainement plus tard avec quelques informations assez croustillantes.

Cela signifie donc, Mesdames et Messieurs, que la base légale pour créer des fumoirs existe bel et bien, et qu'il faut aussi écouter la revendication des membres de l'Association des cafetiers-restaurateurs, qui tiennent un langage différent, puisqu'il s'agit de leur gagne-pain. La liberté doit exister pour tout un chacun ! Nous allons aussi - vous le verrez plus tard - déposer un amendement qui va compléter le projet de loi et, pour une fois, nous allons dans le sens...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député ! Vous pourrez reprendre la parole plus tard.

M. Eric Stauffer. Je termine tout de suite ! Nous allons dans le sens du Conseil d'Etat concernant l'aéroport, où il est prévu un fumoir, puisque nous demandons que les compagnies aériennes aient aussi la possibilité de construire dans les lounges, comme on les appelle, dans les salons VIP réservés aux membres de ces compagnies, des fumoirs isolés et ventilés, sans service, avec les mêmes bases légales, afin que, dans ces salons privatifs, les gens qui viennent dépenser de l'argent à Genève ou qui utilisent l'aéroport pour transiter...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Eric Stauffer. ...pour qu'ils puissent fumer une cigarette sans avoir à sortir de leur salon pour aller dans un fumoir. S'il y a un fumoir pour tout l'Aéroport de Genève, on voit tout de suite la catastrophe que cela provoquera: on devra aller faire la queue pour fumer une cigarette !

Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous combattrons les «ayato-tabac», les intégristes anti-fumée, et, s'il le faut, nous nous joindrons au comité référendaire et au comité pour refaire une initiative populaire cantonale. Et je termine en disant que, si c'est votre choix...

Le président. Vous parlez depuis sept minutes et trente secondes ! Il vous faut vous arrêter et reprendre la parole plus tard.

M. Eric Stauffer. Je disais que, si ce soir c'est votre choix, la loi n'entrera pas en application avant le mois d'octobre de cette année...

Le président. Votre temps de parole est écoulé ! Doivent encore prendre la parole Mmes et MM. Brunier, Forni, Borgeaud, Schneider-Bidaux, Slatkine, Saudan, Fehlmann Rielle, Fontanet, Gros, Bertschy, Wasmer, Marcet, Charbonnier et Gautier. Le Bureau décide de clore la liste.

M. Christian Brunier (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'on est en train de se tromper de débat ! Je vous rappelle que 80% de la population a voté pour une initiative, c'est-à-dire un texte établi et, aujourd'hui, ce sont ces 80% qu'il faut respecter. Le département a été très prudent, très pragmatique, et je remercie les juristes de ce département, qui ont travaillé fort sérieusement, car ils ont pris le texte de l'initiative et l'ont transformé en loi d'application la plus pragmatique possible, afin qu'il n'y ait pas d'opposition constitutionnelle. En effet, si ce soir, à cause d'un amendement, la loi tombait à nouveau et était annulée parce qu'elle ne respecte pas la constitution, ce serait dramatique, et je crois que la politique genevoise serait discréditée. Il nous faut donc respecter au plus juste le vote de la population, et pour cela nous devons tous faire des concessions.

Certains voulaient des fumoirs, d'autres des amendes plus salées: stop ! Il y a eu un vote très clair de la population, et cette dernière est impatiente de voir cette initiative mise en place. Le département a été très pragmatique, il a simplement mis l'initiative en musique, sans prendre de risques constitutionnels, et ce soir nous devons agir ainsi, afin que demain cette loi puisse entrer en vigueur et que l'on respecte les 80% de gens qui ont décidé de dire non à la fumée passive.

Je vous rappelle qu'il y a deux urgences: la première consiste à respecter le vote populaire massif et la deuxième à préserver la santé publique. Je vous signale que, en Europe, 650 000 personnes meurent directement des effets du tabac, auxquelles s'ajoutent 80 000 personnes qui décèdent des effets de la fumée passive. Ce sont donc des gens qui ne fument pas, mais qui meurent quand même à cause de la fumée passive. En Suisse, la fumée passive cause 1000 décès par année. Chaque mois de perdu entraîne donc des morts supplémentaires ! Par conséquent, soyons pragmatiques et respectueux de la population, ne jouons pas avec le feu en ajoutant des amendements de part et d'autre et restons au plus près du vote populaire, objectivement, comme le département l'a fait - et il s'agissait de juristes du département, pas de politiques de droite ou de gauche. Cette loi est simple, elle est bonne, et je vous demande donc de l'adopter afin de respecter les 80% de votants. (Applaudissements.)

M. Michel Forni (PDC). Vous avez compris que le parcours historique de ce projet de loi s'est étendu sur trois fois douze mois et qu'il continue aujourd'hui en de nombreuses heures et minutes. On peut revenir, après l'excellent rapport du rapporteur de majorité, sur le problème de ce soir, qui consiste d'une part à protéger le personnel qui travaille entre autres dans les zones hospitalières ou de la restauration et, d'autre part, à offrir et à respecter une loi anti-tabac, notamment face au problème de la fumée passive. Chacun est informé des effets toxiques occasionnés par la fumée et de ses répercussions au niveau des personnes qui l'absorbent passivement, et ces éléments ont bien sûr été confirmés par les différents experts qui ont eu à analyser ce rapport, avant que la commission de la santé ne s'en saisisse.

Il y a donc prioritairement un problème de cohabitation et de respect du choix des uns par rapport aux envies des autres; il s'agit d'épargner à ceux qui ne veulent pas inhaler des toxiques - parce qu'il faut bien reconnaître que la fumée est toxique - de les subir, mais aussi d'éviter de rejeter ceux qui se moquent des avertissements qu'ils ont reçus. Le département a fait fi de ces différents dangers, et il a bien compris que «interdit d'interdire» repose sur des bases sérieuses, juridiques et techniques, et qu'il y a d'une part un problème de liberté individuelle et économique, mais d'autre part aussi un besoin de préserver la santé des travailleurs, tout en étant en mesure de faire de la proportionnalité. Mais ce département s'est également rendu compte que nous ne pouvions pas créer une nouvelle stratégie, une nouvelle théorie, et il s'est donc basé sur la convention-cadre de l'OMS, qui reste actuellement la bible concernant ce problème. Et je rappelle, pour ceux qui l'ignoreraient, que l'OMS existe à Genève, qu'elle prend des mesures à Genève, et que nous pouvons ici apporter des solutions hors de Genève. Il paraît donc intéressant de pouvoir utiliser un pouvoir d'appréciation élargi, tel qu'il est recommandé par la loi fédérale et surtout par le Tribunal fédéral. Mais il devient un peu dangereux, lorsqu'on en arrive à des amendements... Du reste, celui qui est proposé ce soir concernant les fumoirs - et sur lequel je pense que je reviendrai dans un deuxième temps - nous laisse à penser que, là, nous allons entrer non plus dans la loi mais dans ce que Churchill disait, à savoir que la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres.

Avec ces fumoirs - et je resterai pour l'instant très superficiel - nous arrivons à un pacte social, qui est un tour de force merveilleux, puisque nous créons un plan de sauvetage, ou un mariage forcé, qui va associer convives non fumeurs et fumoirs pour fumeurs ! Il faut reconnaître que certains peuvent s'estimer floués, et cela aboutit bien sûr - nous l'avons entendu tout à l'heure - à des menaces, à savoir un référendum, ou au jugement de ceux qui vont oser émettre un avis opposé à celui de M. Stauffer. Dans ces conditions, nous avons au PDC analysé ce problème non pas sous l'angle de ce que nous pensions, mais en gardant à l'esprit que de punir les uns et de blanchir les autres ne sert pas à grand-chose, et que l'avenir n'est pas ce qui arrivera, mais ce que nous allons en faire.

Je me permets maintenant de revenir sur une petite stratégie qui remonte à 1969. Une biologiste, Anne McLaren, introduisait la notion des aires de recherche, avec les dangers - dangers de la génétique, dangers du tabac, c'est-à-dire des toxiques - et elle évoquait les «no-go», c'est-à-dire les interdits, et les «slow-go», c'est-à-dire le pilotage prudent, notamment les moratoires. Eh bien notre concertation collective nous a permis de tirer des leçons des expériences réalisées en Suisse - notamment au Tessin - ou à l'étranger, et nous avons actuellement la capacité de choisir avec davantage de discernement et également d'imaginer une solution meilleure aux problèmes, qui ne doivent pas être conflictuels ce soir, en tenant compte de valeurs, de logique et d'intérêts.

Notre questionnement de ce soir doit nous permettre de faire face à trois grands volets, qui doivent dominer les aléas tantôt scientifiques, tantôt législatifs, et nous permettre de soutenir la position du Conseil d'Etat, en confirmant qu'il y a une intégrité scientifique, qui est associée à une forme de déontologie politique, et que nous sommes bien face à un type d'éthique des institutions, avec des problèmes d'évaluation, mais aussi de responsabilité, et que cela ne doit pas faire de nous, politiciens, des apprentis sorciers par négligence ou par finalité.

Je m'arrêterai là, Monsieur le président, car je reviendrai dans un deuxième temps sur le problème des fumoirs mais, auparavant, je rappelle les principes de prudence, mais aussi de décision, que reprend ce projet de loi du Conseil d'Etat, et je vous indique que la majorité du PDC adhère à la position de notre conseiller d'Etat, et surtout à celle qui, derrière, y est associée, à savoir celle de l'OMS. Pour cette raison, nous pensons que ce projet est bon et qu'il convient de l'associer et de le remettre face à cette initiative 129, qui a été amendée, purifiée, améliorée, et qui nous permet actuellement de dire que nous voulons protéger l'hygiène publique, la santé, et nous méfier de la fumée passive. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Borgeaud, qui dispose de trois minutes trente.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'avais déjà indiqué lors de la dernière séance consacrée à ce sujet, je suis contre l'interdiction de fumer partout et je vais vous en donner quelques raisons.

Premièrement, «le respect, ça change la vie» est un slogan qui, à mon avis, doit aller dans les deux sens. En outre, j'ai beaucoup de mal à supporter l'intégrisme dont il est fait preuve, et surtout l'hypocrisie, parce que la question que vous ne soulevez pas ici, c'est celle de savoir combien de millions la cigarette rapporte à l'Etat, notamment à la caisse AVS, qui permet de payer les rentes à nos aînés. J'aimerais donc que vous puissiez méditer cette question et la prendre en considération.

D'autre part, vous dites que la fumée passive est mortelle... Je veux bien, mais je vous rappelle qu'il y a d'autres produits nocifs qui le sont également ! Combien y a-t-il de morts sur les routes, dues à des gens qui ne savent pas conduire ? Combien y a-t-il à travers le monde de victimes innocentes à cause des guerres, surtout en ce moment ? Je pense donc qu'il y a bien davantage de morts dues à des motifs autres que la fumée passive.

Nous sommes arrivés à un stade où l'on s'inspire des idéaux extrêmes de mai 68 selon lesquels il fallait interdire d'interdire: maintenant, vous revenez en arrière et vous interdisez carrément tout ! Allez expliquer à une personne âgée de 70 ou 80 ans, qui a fumé toute sa vie, qu'aujourd'hui elle n'a absolument plus le droit de fumer et qu'elle ne dispose plus d'endroit pour ce faire ! Je veux bien comprendre que, dans les chambres communes des hôpitaux, il soit indécent de fumer, par respect pour les autres; mais je pense que, dans n'importe quel endroit, vous avez la possibilité de laisser le choix, ce que vous ne faites pas ! Si un commerçant qui tient une boîte de nuit ou un restaurant a envie que son établissement soit fumeur, ce n'est pas à vous de décider à sa place ! En outre, vous prenez comme - mauvaise - excuse que les employés vont être malades à cause de cela, mais je vous rappelle qu'il y en a énormément qui sont eux-mêmes fumeurs ! Peut-être que nous ne fréquentons pas les mêmes endroits, mais moi j'en connais beaucoup.

D'autre part, vous dites que les fumeurs qui vont s'en aller laisseront la place à des familles qui auront le plaisir de manger dans un restaurant qui sera sans fumeurs. Mais avec la crise économique que l'on traverse aujourd'hui, est-ce que vous pensez que les familles vont pouvoir sortir toutes les semaines au restaurant ou en boîte de nuit ? Je n'en suis pas certaine. Cela signifie que vous faites une ségrégation: les non-fumeurs ont le droit de sortir, le droit de vivre, alors que les fumeurs seront cantonnés chez eux ou dans la rue. Et vous ne pensez pas non plus à toutes les plaintes qui vont être déposées à cause du tapage nocturne que cela va créer les week-ends et même la semaine, parce que les gens veulent bien aller faire du bruit ailleurs, mais ne veulent pas qu'il y en ait chez eux ! Vous ne pourrez pas, non plus, demander à tous les habitants de la ville de Genève qui vivent près de boîtes de nuit ou de restaurants de déménager à la campagne pour avoir la paix ! Ces gens-là ne pourront donc plus aller se coucher parce qu'il y aura du bruit dans la rue, tout le monde va sortir fumer sa cigarette et les non-fumeurs vont aussi les suivre.

Je suis donc contre ce projet de loi, je maintiens ma position, mais je soutiendrai les amendements du MCG. Et, si M. le président m'y autorise, je reprendrai la parole plus tard, si j'en ai l'occasion.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Les Verts attendent ce projet de loi depuis fort longtemps. C'est du reste pour cela que nous avions tenté d'accélérer les choses en déposant nous-mêmes un projet, que nous gardons au chaud au cas où quelque chose se passerait mal ce soir.

Je vous rappelle que, comme l'a dit M. Forni, Genève est le berceau, ou du moins la ville où l'OMS est établie, et que cette organisation prône les lieux sans fumée partout, dans tous les pays. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs déjà légiféré, comme la France ou l'Italie - je ne les citerai pas tous, car la liste est longue... Si la Suisse a, enfin presque, définitivement légiféré sur la fumée passive, c'est parce que plusieurs cantons s'y sont mis. Du reste, Genève était à l'origine l'un des premiers à s'y mettre, après le Tessin, mais malheureusement l'histoire a fait que nous ne sommes pas encore complètement arrivés au bout du processus.

L'initiative 129 a été votée par 80% des 61% de votants - ce qui, statistiquement, est un taux de participation extrêmement important - qui, ce faisant, ont montré qu'ils plébiscitaient quasiment le texte en question, qui demandait l'interdiction de fumer dans les lieux publics. En revanche, cette initiative n'empêche pas - heureusement, et c'est dans ce sens que ce projet de loi n'est pas liberticide - de fumer ailleurs, c'est-à-dire dehors ou chez soi, pour les gens qui habitent chez eux, ou encore dans une chambre d'EMS, pour ceux qui résident dans de tels établissements, puisque ce sont des lieux privés et considérés comme tels.

Nous vous demandons donc de voter ce projet de loi tel qu'il est, c'est-à-dire sans les amendements. Certains députés de notre groupe interviendront au moment des... (Remarque.) Non, je parlais des amendements ! En conclusion, je vous engage à voter cette loi.

M. Ivan Slatkine (L). Permettez-moi en préambule de vous dire que le groupe libéral aura la liberté de vote sur ce projet de loi car, dans notre groupe, nous avons autant de personnes qui sont en faveur d'une interdiction totale que de personnes qui considèrent que ce projet de loi est excessif. Toutefois, l'unanimité du groupe libéral soutiendra les amendements concernant les fumoirs car, pour nous, quel que soit l'avis de fond concernant ce problème de fumée passive, le peuple s'est exprimé à une large majorité contre la fumée passive et non contre les fumoirs. Je ne parlerai pas de plébiscite, car les 80% de 61% ne constituent pas la majorité de la population, puisque cela fait 48%, mais... (Rires.) Oui, vous pouvez rigoler, mais je reviendrai sur ces petits calculs, Mesdames et Messieurs les députés !

Le groupe libéral soutiendra donc les amendements concernant les fumoirs pour la simple et bonne raison que, qu'on soit pour ou contre ce PL 10375, il faut respecter la volonté populaire sur la fumée passive, or ce projet de loi n'est pas sur la fumée passive, mais sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics - il y a là une nuance qu'il fallait relever. Il faut également souligner la cacade dans laquelle on se trouve aujourd'hui et constater que ce dossier a été extrêmement mal géré. Pour mémoire, le parti libéral était le seul à s'opposer à cette initiative, considérant qu'elle était totalement excessive, et l'on doit déplorer ici le comportement du gouvernement, qui avait proposé un contreprojet mais l'a retiré au dernier moment, ce qui nous a mis dans une situation totalement invraisemblable. Comme la rapporteure de majorité l'a mentionné, tous les autres cantons qui ont eu à se prononcer sur cet objet ont présenté des contreprojets et, parmi tous ceux qui ont proposé un contreprojet comportant des fumoirs, c'est ce contreprojet qui a été accepté. Alors oser dire aujourd'hui que la majorité de la population est en faveur d'une interdiction complète de fumer, c'est franchir un pas que nous ne nous permettrons pas.

Pour revenir aux petits calculs, j'aimerais rappeler à certains bancs d'en face que, en 1987, 80% de la population genevoise s'est prononcée sur le principe d'une traversée de la rade. Par conséquent, si l'on devait appliquer vos grands discours sur les plébiscites du peuple, on aurait de la peine à comprendre pourquoi vous vous opposez vingt ans plus tard à cette traversée ! La parenthèse est fermée.

Maintenant, permettez-moi, à titre personnel - car, comme je vous l'ai indiqué, nous avons la liberté de vote - de vous dire que je trouve ce projet de loi totalement excessif, et du reste je m'étonne un peu de la manière dont la commission a travaillé. Nous avions la chance extraordinaire dans notre canton d'avoir pris un peu d'avance et, suite à un montage juridique quelque peu boiteux, nous avons vécu une expérience de trois mois sans fumée. Ainsi, lorsque le projet de loi du Conseil d'Etat a été déposé, nous avions l'occasion d'auditionner tous ceux qui avaient participé à cette expérience - les initiants, les cafetiers-restaurateurs et hôteliers, la police - afin de savoir quels étaient les effets collatéraux de l'interdiction qui a régné cet été, mais la majorité de la commission a refusé toute audition. Et je dois dire que, dans une démocratie comme la nôtre, c'est assez choquant, d'autant plus qu'on nous dit parfois à propos d'autres sujets qu'il faut auditionner les gens et qu'on a pris là une attitude tout à fait contraire. J'avoue que cette manière de travailler a été pour moi quelque peu désagréable, comme il est détestable de constater que, aujourd'hui, nous vivons dans une sorte de pensée unique, où l'on n'a plus le droit de dire que certaines personnes ont le droit de fumer.

En conclusion, lutter contre la fumée passive, oui, mais lutter contre les fumeurs et en faire des parias, non. Et c'est dans ce sens que je voterai en toute conscience ce soir et que la majorité du groupe libéral, qu'il vote ou non la loi, s'exprimera car, sur le fond, quoi qu'il en soit, cette loi est trop excessive.

J'espère sincèrement qu'on obtiendra une majorité pour les fumoirs, car vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés, que si les fumoirs ne passent pas, un référendum sera lancé, et si référendum il y a, on pourra encore fumer librement où on le souhaite pendant plusieurs mois dans notre canton. Et ce serait bien dommage car, si l'on avait travaillé de manière plus constructive, Genève aurait gardé le train d'avance qu'il avait sur les autres cantons suisses, or là on va se retrouver, comme d'habitude, à la traîne, et je dois dire que tout cela est bien regrettable. Voilà, je laisserai mes collègues s'exprimer selon les opinions qui leur sont propres. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). La position du parti radical est très claire, et nous allons voter ce projet de loi sans les états d'âme que manifeste une partie de ce parlement concernant les prétendues atteintes à la liberté privée. Cette loi, comme la rapporteuse de majorité l'a très bien indiqué, exprime tout simplement la volonté populaire transcrite dans l'article 178B de la constitution, ainsi que les considérations du Conseil fédéral portant sur les exceptions à prévoir.

A ce sujet, j'aimerais faire quelques commentaires sur certains propos et raisonnements qui apparaissent dans les rapports de minorité et qui m'ont quelque peu étonné. Les rapporteurs des deux minorités se drapent dans les droits de la défense de ces 24% de fumeurs, cette minorité qui serait opprimée par le fait qu'il n'y a pas de fumoirs prévus dans ce projet de loi. Or, lorsqu'on regarde le sondage qui avait été effectué en 2005 auprès de la population genevoise, on se rend compte que 40% des fumeurs étaient en faveur d'une interdiction de la fumée passive. On peut donc imaginer qu'une grande partie de ces fumeurs ne sont pas du tout favorables à l'idée d'installer des fumoirs, puisqu'ils veulent arrêter de fumer et que l'on sait que les initiatives qui luttent contre le tabagisme passif sont les moyens les plus efficaces pour diminuer le tabagisme actif.

Deuxièmement, l'exemple qui a été donné par le rapporteur de minorité UDC concernant les possibilités de fumer dans les chambres d'hôpitaux, ou plus particulièrement à la maternité, est malheureusement très mal choisi. Je rappelle que, à l'alinéa 1, lettre c, de l'article 4 de ce projet de loi, intitulé «Exceptions», il n'est prévu des exceptions dans les hôpitaux que dans des cas très particuliers, où les patients ne peuvent se déplacer et où les hospitalisations sont prolongées. Or je vous signale que la durée moyenne de séjour des parturientes se situe entre trois et cinq jours, ce qui n'est pas une très longue hospitalisation, et que la plupart peuvent parfaitement se mouvoir...

Ensuite, le rapporteur de deuxième minorité fait un raisonnement consistant à dire que l'interdiction des fumoirs correspond de facto à une suppression des fumeurs et à une interdiction de la vente de tabac. Ce raccourci extrêmement rapide est vraiment ahurissant ! Par analogie, on aurait pu imaginer que les limitations de vitesse sur les autoroutes risquaient de conduire à la disparition des grosses cylindrées... Vous conviendrez aisément avec moi, ainsi que le rapporteur de deuxième minorité, que ce n'est pas le cas !

Pour finir, j'aimerais vous citer la première recommandation - que j'estime très importante - qui a été faite dans l'étude d'impact sur le tabagisme passif de la DGAS concernant la possibilité de créer des espaces fumeurs étanches et bien ventilés: «En cas d'adoption d'une mesure d'interdiction dans les restaurants, il est suggéré de formuler de manière claire, aussi bien dans l'interprétation que dans la vérification, la nouvelle disposition légale. Cela, afin de limiter les coûts supplémentaires en temps et en ressources humaines alloués aux activités de vérification. Une telle mesure se justifierait également compte tenu des coûts élevés et de la place importante exigés par de tels aménagements, qui les mettent hors de portée pour un grand nombre d'établissements.» Vous l'avez bien compris, le parti radical vous recommande de voter cette loi, toute cette loi, rien que cette loi, et n'entrera d'aucune façon en matière sur les amendements, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Il y aurait tellement à dire, mais commençons déjà par évoquer la méthode de travail qu'a adoptée la commission et que M. Slatkine fustigeait. Il n'est plus là pour écouter... Ah si, il est là !

L'initiative a été déposée, il me semble, en automne 2005, et nous sommes encore en train de discuter de la loi d'application au début 2009. C'est long, très long, lorsqu'on sait que, chaque année, environ 1000 personnes en Suisse - c'est-à-dire à peu près 50 personnes à Genève - risquent de mourir des suites du tabagisme passif.

Concernant la méthode adoptée par la commission de la santé, je crois qu'elle était tout à fait justifiée, et il était légitime que la commission ne procède pas à de nouvelles auditions, étant donné que, depuis le dépôt de l'initiative, le travail a été largement effectué et que, pendant l'expérience découlant de l'introduction du règlement du Conseil d'Etat, il n'y a pas eu de faits nouveaux. D'ailleurs, les cafetiers-restaurateurs qui voulaient être auditionnés nous ont écrit une lettre, mais ils nous ont servi exactement la même soupe, si l'on peut dire, et il n'y avait aucun fait nouveau par rapport à cette expérience de trois mois. En revanche, on entend sans cesse des gens nous demander quand, enfin, sera à nouveau en vigueur l'interdiction de fumer dans les cafés et les restaurants.

M. Slatkine nous menace d'ores et déjà de référendum, lequel a un effet suspensif. Il portera donc la responsabilité d'avoir encore freiné cette loi...

Les opposants à ce projet de loi ont beau continuer à s'époumoner - c'est le cas de le dire - les fumoirs ne sont pas prévus dans l'article constitutionnel qui a été adopté par le peuple. Et, quoi qu'on en dise, c'est près de 80% de la population qui a voté ! Et c'est vraiment significatif, dans la mesure où la participation s'est élevée à plus de 60%, ce qui n'est pas souvent le cas lors de votations populaires. Il faut également rappeler que le Tribunal fédéral a clairement indiqué que l'interdiction des fumoirs ne contrevenait en aucune manière aux libertés fondamentales. Je vous signale en outre que des études, notamment nord-américaines, ont montré que, dans les pays où règne l'interdiction de fumer dans les lieux publics, il y avait eu une baisse de 19% des cas d'infarctus du myocarde. Alors si ce n'est pas un résultat en termes de santé publique, il faudra nous donner d'autres recettes ! Des études, italiennes je crois - c'est M. Saudan, me semble-t-il, qui nous les avait transmises - ont révélé des chiffres un peu analogues, ce sont donc des données probantes qui devraient dissuader les opposants de continuer à faire de l'obstruction.

Encore un mot concernant la question de la différence entre l'initiative et les contreprojets. On nous a dit à plusieurs reprises que, dans les cantons de Vaud et Fribourg, l'initiative a toujours été acceptée, de même que le contreprojet. Et c'est vrai que, dans ces deux cantons, globalement, le contreprojet a recueilli davantage de suffrages que l'initiative. Cependant, si l'on regarde les chiffres d'un peu plus près, on se rend compte que, dans les villes - notamment à Lausanne ou, concernant le district de la Sarine, dans la ville de Fribourg, c'est-à-dire dans le tissu urbain - l'initiative a recueilli plus de suffrages que le contreprojet ! Il ne s'agit donc pas d'une «genevoiserie» ! On peut tout à fait établir des similitudes entre les villes, et, donc, si le canton de Genève veut voter ce projet en l'état, il en a parfaitement le droit.

J'aimerais maintenant faire une petite digression. On nous accuse d'être liberticides... Tout à l'heure encore, quelqu'un nous a traités d'ayatollahs, alors j'aimerais juste rappeler que l'UDC, je crois, vient de déposer un projet de loi visant à interdire la consommation d'alcool sur la voie publique. Je pense donc que M. Catelain, qui est l'auteur du rapport de première minorité, devrait peut-être balayer devant sa porte avant de traiter les autres de liberticides.

Pour terminer, j'aimerais vous indiquer que le groupe socialiste votera le projet de loi tel qu'il est ressorti de commission. Nous aussi aurions aimé déposer des amendements, afin que le projet se rapproche encore plus de l'initiative, mais nous y avons renoncé. Ce projet n'est pas parfait, mais il respecte vraiment la volonté populaire et celle des initiants. Je vous demande donc de voter ce projet de loi d'application sans aucun amendement. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, je vous présenterai, en ce qui me concerne, la position des députés du groupe libéral qui soutiendront le projet. Toutefois, même si j'étais dès le départ en faveur de ce projet de loi, notamment parce que j'estime que l'intérêt concernant la question de la santé n'est plus à prouver, que la fumée passive a effectivement des effets dévastateurs et que, en tant que non-fumeuse - et ne serait-ce que pour mes enfants et mes proches - je n'ai aucun plaisir à me retrouver dans un endroit fumeur pour dîner ou rencontrer des amis, malgré tout cela, j'ai été extrêmement mal à l'aise pendant les séances de commission. Et je crois qu'il est important de le relever, parce que nous sommes un parlement et que nous jouissons d'un régime démocratique. Or, même si je soutenais ce projet, je me suis sentie mise de côté, tout cela parce que je souhaitais simplement, comme d'autres, pouvoir entendre les personnes qui avaient vécu l'expérience des trois mois.

De qui s'agit-il ? Ce sont celles qui travaillent jour après jour pour gagner leur vie en nous accueillant dans leur café ou leur restaurant et en faisant en sorte que nous puissions manger à l'extérieur, boire un verre, nous retrouver entre amis - parler politique de temps en temps aussi. Or, ces personnes-là, on ne leur a pas donné la parole, sous prétexte que, d'une part, leur intérêt économique nous passait largement au-dessus et que, d'autre part, elles ne nous intéressaient pas, parce qu'elles avaient déjà eu tout le loisir de se prononcer. Et cela, Mesdames et Messieurs les députés, même si je soutiens ce projet de loi, je trouve que c'est inadmissible pour chacun d'entre nous.

S'agissant maintenant des grandes paroles de la rapporteuse de majorité, qui explique à tout-va que cette loi est une loi «pour»... Mesdames et Messieurs les députés, mais vous plaisantez ! Une loi «pour» aurait été une loi qui protège des atteintes de la fumée passive les gens qui ne fument pas ! Une loi «pour» n'est pas une loi qui interdit à ceux qui fument de se réunir seuls dans un endroit où ils peuvent fumer sans importuner les autres ! Là, on entre dans une loi «contre» ! Et ce soir, très clairement, nous ne devons pas nous mentir, il ne s'agit pas d'une loi «pour», mais bien d'une loi qui a dépassé les limites qu'elle s'était fixées - à savoir l'interdiction de la fumée passive - car on a décidé de reprendre tout en main et de débattre de façon dogmatique en interdisant purement et simplement la fumée à tous, y compris à ceux qui veulent s'intoxiquer tout seuls, dans leur coin et entre eux ! Et c'est important pour nous de le signaler, car, même si nous sommes en faveur de ce projet de loi, même si ce soir, après tout ce que je viens de vous dire, je vais voter ce projet - même sans les fumoirs - eh bien, j'estime que les débats ont été tronqués, que nous avons été maltraités et que la volonté de l'ensemble de la population n'a pas été respectée. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la position du groupe libéral. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jean-Michel Gros (L). J'exprimerai pour ma part un autre avis du groupe libéral. Je pense qu'il est inutile de vous raconter trop longuement tout le mal que je pense des travaux de la commission de la santé: le rapport de majorité en est, je crois, le reflet fidèle. Tout y est lisse, bien propre, politiquement correct et le ton y est bien pensant - mes parents auraient même dit «momier» ! Venant d'un rapporteur de majorité nourri au biberon du mazout qui a tué plus de gens que le tabac, c'est pour le moins surprenant...

Les travaux de la commission ont démarré sur des aprioris intangibles, des «nul ne peut plus penser désormais que...» ou «tous les milieux scientifiques s'accordent à dire que...» ou encore, plus simplement: «Il est évident que...». Bien sûr, j'utilise de nombreuses aposiopèses, mais c'est pour faire plaisir à Olivier Jornot !

Il y a eu Calvin, Mesdames et Messieurs ! Et la parole divine ! Il y a eu les écolos, le réchauffement climatique, et maintenant voilà les scientifiques et leurs statistiques épidémiologiques. Tout cela est désormais incontestable et nous ne pouvons pas, nous n'avons pas le droit et il n'est pas politiquement correct de contester aucun de ces dogmes !

Autre certitude sans doute présente au début des travaux de la commission: il faut aller vite, car près de 80% des Genevois ont accepté le principe de l'interdiction de fumer dans les lieux publics - M. Brunier, notamment, l'a rappelé. Alors là, Mesdames et Messieurs les socialistes et les Verts, je vous ai, il fut un temps, connu moins bridés par les votes populaires ! Après le vote constitutionnel de 1945 sur l'assurance-maternité, le peuple s'est prononcé à plusieurs reprises contre les lois d'application, or avez-vous renoncé ? Non ! Puisque c'est cinquante ans après que nous avons eu cette fameuse loi sur l'assurance-maternité. N'en est-il pas de même avec l'AVS, le droit de vote des femmes ou celui des étrangers dans les communes ?! Tout récemment encore, les socialistes n'ont-ils pas refusé la réforme fiscale des entreprises, alors même que le peuple genevois venait de l'accepter ?! Alors, s'il vous plaît, dites avec moi que, si le peuple a toujours le dernier mot, il n'a pas forcément toujours raison !

Ensuite, Mesdames et Messieurs, vint le début des travaux de la commission; et l'avis des juristes du département fut sollicité, notamment concernant l'autorisation des fumoirs. «Non», ont-ils dit, «l'article constitutionnel interdit l'installation de fumoirs dans les établissements publics.» Permettez-moi de sourire ou, si j'en avais une, de rire sous cape ! Après l'humiliation subie par le département suite à la décision du Tribunal fédéral de casser le règlement anti-fumée promulgué hâtivement, moi je me la jouerais modeste...

Suite des travaux: il est proposé des auditions. «Niet !», déclare la commission, peut-être même - je n'y étais pas - avec le soulier de Khrouchtchev tapé sur la table... «Les cafetiers et hôteliers, on les a déjà entendus lors de l'examen de l'initiative populaire, et d'ailleurs, des études internationales montrent que l'impact d'une interdiction de fumer est neutre financièrement.» Mais quelle opportunité la commission a-t-elle manquée ! Genève est le seul endroit qui a connu les trois phases: autorisation, interdiction, puis à nouveau autorisation. Il aurait donc été fort intéressant de savoir comment la profession avait vécu cet intervalle de l'interdiction ! De même avec les EMS. La Fegems propose un amendement concernant les salons privatifs. «Non ! Tant pis ! Les EMS n'ont qu'à se débrouiller pour que le système incendie des chambres garantisse la sécurité anti-incendie. Les vieux n'ont qu'à aller fumer dehors ou les malades atteints d'Alzheimer se priver définitivement de fumer. Ce d'autant que le personnel - ce pauvre personnel ! - a accès à ces salons privatifs et que, donc, sa santé risque d'être mise en danger.» Bien sûr, le personnel n'a pas accès aux chambres des pensionnaires, et l'on sait bien que les infirmières ne vont jamais dans les chambres de ces derniers, et que, donc, leur santé est ainsi préservée !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, comme disent certaines personnes d'une autre religion que moi: «Ite missa est !» Seuls des recours ou des référendums contesteront cette loi. Sans mentionner aujourd'hui Carmen - non, je ne le ferai pas cette fois - j'évoquerai en revanche la Traviata, la Dévoyée, comme on dit, pour vous indiquer ce que je pense de cette loi et vous annoncer que, bien sûr, j'y serai opposé, même si je soutiendrai tous les amendements qui visent à son assouplissement. (Applaudissements.)

M. Antoine Bertschy (UDC). Je crois que, lorsque le peuple a eu à se prononcer sur cette initiative, il y a eu un problème. En effet, il avait le choix seulement entre la liberté totale et les chaînes de l'interdiction totale. Un contreprojet avait été imaginé par le Conseil d'Etat, et il aurait constitué une solution, si j'ose dire, parfaite. Malheureusement, cela ne s'est pas fait et nous nous retrouvons maintenant à discuter encore de ce sujet. Il y a du reste déjà eu diverses péripéties, allant même jusqu'au Tribunal fédéral, et visiblement ces dernières ne sont pas terminées et la loi risque de ne pas être appliquée avant un moment.

Le système du «tout ou rien» pose problème; c'est un peu comme si l'UDC, à propos de l'alcool et des botellons, avait décidé de proposer la prohibition. Evidemment, nous ne le faisons pas, parce que nous ne sommes pas partisans de lois qui sont profondément extrémistes et sectaires ! Et j'emploie «sectaire» au sens premier du terme, mais j'y reviendrai certainement plus tard.

Pourquoi faut-il que des fumoirs soient prévus dans les bistrots ? Parce que ces derniers jouent un rôle social, ils remplacent en quelque sorte la place du village située devant l'église dans nos villages d'antan; c'est là où les gens se réunissent, discutent de choses et d'autres, de la vie, de la politique, de la bonne marche de la cité. Si l'on interdit à une partie de la population - qui oscille entre 25 et 30% - de venir en lui disant:« Non, vous, on ne vous veut pas, parce que vous puez !», les gens ne viendront pas et se sentiront exclus. Alors que si on les laisse venir, en leur réservant un coin, le fumoir, où ils peuvent fumer, cela constituera un facteur de cohésion sociale. C'est pour cette raison qu'il faut créer les fumoirs ! Toutefois, le problème qui se pose avec ces derniers - et c'est pour cela que j'ai déposé un amendement qui va un peu plus loin que les fumoirs - c'est qu'ils peuvent être réalisés uniquement dans les restaurants ou les établissements d'une taille suffisamment vaste. Mais la loi fédérale, dans sa grande sagesse, a prévu que les petits établissements puissent choisir et garder la liberté d'être fumeurs ou non fumeurs car, dans ces derniers, il est absolument impossible de créer un fumoir.

En résumé, le groupe UDC soutiendra les fumoirs, ainsi que l'amendement qui demande que les établissements de moins de 80 mètres carrés puissent choisir - encore une fois, c'est une question de liberté - d'être fumeurs ou non fumeurs.

J'aime bien mettre les choses en perspective - reculer de vingt ans, par exemple; lorsqu'on pensait à toutes ces nouvelles idées qui venaient des Etats-Unis, elles nous paraissaient aberrantes ! Parmi celles-ci se trouvait notamment l'interdiction de fumer. Or il y a une vingtaine d'années, mis à part trois ou quatre personnes, tout le monde disait que c'était aberrant, que c'était liberticide ! Mais cette idée nous est venue des Etats-Unis, ce pays honni par les bancs d'en face, alors même qu'on aime bien citer ses statistiques et les mettre en avant lorsque cela nous arrange.

J'ai prononcé tout à l'heure le terme «sectaire», alors pourquoi est-ce que je me réfère aux Etats-Unis ? Parce que c'est un pays profondément religieux, bien plus que nous ! C'est un pays qui prône la liberté, mais cette liberté est cadrée. Certes, il faut qu'elle le soit, mais pas au point de priver de certaines libertés une partie de la population ! Si nous commençons par la fumée, nous irons peut-être plus loin, beaucoup plus loin; en limitant par exemple les graisses, ou d'autres choses ! Les Etats-Unis vont déjà plus loin que l'interdiction de fumer dans les lieux publics: à New York, on ne peut pas fumer à moins de cinq mètres des établissements publics. Pourquoi ? Parce que cela pose un autre problème, à savoir que les gens qui vont fumer dehors font du bruit. Et là, je partage l'avis de M. Slatkine: la commission aurait dû auditionner de nombreuses personnes, dont la police. En effet, combien de fois, lorsqu'il y avait l'interdiction, la police a dû se rendre à certains endroits à cause du tapage nocturne ? La commission n'a pas voulu procéder à ces auditions, et c'est malheureux. A mon sens, ce n'est pas acceptable: lorsqu'on est élu, on doit effectuer un travail, et ce dernier comporte des auditions; ne pas le faire revient donc à ne pas accomplir son travail.

J'aimerais dire une dernière chose: j'ai discuté avec le tenancier d'un établissement de nuit et lui ai demandé si ces trois mois l'avaient lésé. Il m'a répondu que oui, puisqu'il avait eu 80% de clientèle en moins; 80% en moins ! J'ai paru un peu surpris, et il m'a avoué que, certes, c'était de toute façon une période creuse, mais que, néanmoins, c'était une pure catastrophe pour les établissements de nuit. L'interdiction totale est une pure catastrophe ! Ils sont prêts à accepter des fumoirs et à aller dans le sens de la majorité de la population, qui, à mon sens, a été bernée par cette loi. En tous les cas, voter une loi qui comporte une interdiction totale aura des répercussions économiques extrêmement importantes.

Deux voix. Bravo !

M. Olivier Wasmer (UDC). En écoutant la radio l'autre jour, j'ai entendu dire que, suite à l'interdiction de la fumée en Ecosse et en Italie, il y avait respectivement 18% et 11% en moins de maladies cardio-vasculaires. Ce sont des chiffres très intéressants, puisque vous voyez que, grâce à ces interdictions générales, on arrive à obtenir des résultats qui sont très probants au niveau de la prévention de la santé publique.

Lorsque notre parlement avait, il y a environ une année, voté sur l'initiative interdisant la fumée, je m'étais abstenu, parce que je n'aime pas les projets liberticides. Je suis très attaché à la liberté, et je n'apprécie pas que l'Etat s'immisce dans tous nos agissements quotidiens, en interdisant une fois l'alcool - ce n'est pas encore fait mais, comme le disait mon ami et collègue Jean-Michel Gros, un jour on y viendra ! - une fois la fumée, une fois les 4x4, ou en obligeant les cyclistes à rouler sur les pistes cyclables... Ces diminutions de la liberté qui interviennent chaque jour me gênent énormément.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans le cadre d'un conflit gauche/droite, puisque je crois qu'il y a autant de fumeurs et de non-fumeurs à gauche qu'à droite, et je vous annonce que je voterai oui à ce projet de loi, mais avec certaines nuances. En effet, on ne peut pas admettre que des personnes qui, à leur corps défendant, travaillent toute la journée dans des bars ou des boîtes de nuit soient intoxiquées sur leur lieu de travail - et ce n'est pas le cas pour le personnel qui vend de l'alcool, puisqu'il n'est pas intoxiqué lorsqu'il sert du vin, de la bière ou des alcools forts.

En outre, comme l'a dit ma collègue Nathalie Fontanet tout à l'heure, je suis très content de pouvoir aller aujourd'hui dans un restaurant ou un café sans être empesté par mon voisin qui allume un cigare ou une cigarette, alors que je suis en train de déguster un filet de boeuf ou une fondue... Il est clair que la fumée et la fondue ne font pas bon ménage !

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, il faut dépasser ces clivages politiques, penser au respect - j'ai entendu ce mot à plusieurs reprises tout à l'heure - que nous devons à nos concitoyens et éviter de faire ce que bon nous semble, sans tenir compte des autres, comme c'est malheureusement de plus en plus le cas.

Cette loi sur l'interdiction de la fumée est effectivement très drastique et c'est ce qui me gêne le plus, parce que, comme l'a dit le rapporteur de première minorité ad interim M. Nidegger, nous avons une loi fédérale qui, elle, permet aux fumeurs de disposer de petits fumoirs et prévoit certaines exceptions, notamment dans les EMS ou les prisons, comme on l'a souligné tout à l'heure. Cette loi est donc extrêmement restrictive, mais je la voterai, à condition bien entendu que tous les amendements qui seront déposés soient acceptés.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais, lorsque vous voterez ce projet de loi - même ceux d'entre vous qui sont les plus extrémistes et qui veulent une interdiction totale de la fumée - que vous pensiez à toutes ces personnes âgées de 80 ou 90 ans dans les EMS, à toutes ces personnes en prison, qui ont le droit de fumer une cigarette par jour, et qui, à cause d'une loi totalement extrémiste, ne pourront plus jouir de ce dernier petit plaisir. Oui, pensez aux personnes âgées ou emprisonnées, ou à celles qui ont envie de fumer un cigare en buvant un cognac après un bon repas.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'appuyer ce projet de loi tout en acceptant les amendements qui vous seront présentés.

Fin du débat: Session 04 (janvier 2009) - Séance 18 du 22.01.2009