République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 21h, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anita Cuénod, Gilles Desplanches, André Hediger, Georges Letellier, Alain-Dominique Mauris, Guy Mettan, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli et Marie-Louise Thorel, députés.

E 1293
Prestation de serment du / de la remplaçant-e de M. BARRO Florian, député démissionnaire

Le président. M. Edouard Cuendet est assermenté. (Applaudissements.)

E 1287-A
Prestation de serment de Prestation de serment de Mme DROIN Sylvie élue Juge au Tribunal de la jeunesse

Le président. Mesdames et Messieurs, je vois que vous vous rasseyez... Ces libéraux, qu'ils sont dissipés ! S'il vous plaît... Certains d'entre vous se sont rassis, mais l'ordre du jour appelle maintenant la prestation de serment de Mme Sylvie Droin. Je vous demande donc de vous lever à nouveau, de même qu'aux personnes qui se trouvent à la tribune. Madame le sautier, je vous remercie d'avoir fait entrer Mme Sylvie Droin.

Mme Sylvie Droin est assermentée. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Le président. Nous avons reçu la pétition suivante, qui est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition pour le rétablissement par le canton de Genève de l'aide ponctuelle à la création indépendante ( P-1510)

Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout de même à vous informer que cette pétition a recueilli 21 000 signatures, ce qui est impressionnant. (Applaudissements.)

Nous passons maintenant au point 22 de notre ordre du jour: interpellations urgentes écrites.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Claude Aubert : Où commence et où s'arrête le champ d'action du SSJ ? ( IUE 127)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Préparation des débats sur le budget 2005 ( IUE 128)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Préparation des débats sur le budget 2005 (bis) ( IUE 129)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Préparation des débats sur le budget 2005 (ter) ( IUE 130)

Interpellation urgente écrite de M. Christian Brunier sur la coupe scandaleuse des moyens du Fonds cantonal d'Art contemporain ( IUE 131)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet : Préparation des débats sur le budget 2005 (quater) ( IUE 132)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Réalités des recettes fiscales ( IUE 133)

Interpellation urgente écrite de M. Thierry Charollais : Rentrée 2004 de la Faculté de théologie de l'Université de Genève ( IUE 134)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : L'audit sur l'Office du logement doit être distribué aux députés, évalué dans ses effets pervers et amener l'Etat à améliorer son fonctionnement ( IUE 135)

Interpellation urgente écrite de Mme Jeannine De Haller : Eclosion ( IUE 136)

Interpellation urgente écrite de Mme Sylvia Leuenberger : Eau potable, xéno-oestrogène et cancer ? ( IUE 137)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Marcet sur la haute surveillance des tribunaux ( IUE 138)

Interpellation urgente écrite de M. Sami Kanaan : Kafka de retour à Genève? Les citoyennes ont-elles aussi droit au guichet unique et à des procédures administratives simplifiées? ( IUE 139)

Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Rue des Deux-Ponts ou Boulevard du crime (bis) ? ( IUE 140)

Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Subvention à l'association appelée "Université d'été des Droits de l'Homme" (UEDH) : qui se moque du Grand Conseil ? ( IUE 141)

Interpellation urgente écrite de M. Bernard Lescaze : concernant la consultation des registres anciens du Conseil d'Etat ( IUE 142)

Interpellation urgente écrite de M. Mark Muller : Direction de l'Hospice général : que s'est-il vraiment passé ? ( IUE 143)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Que deviennent les rapports du Service d'évaluation des fonctions ? ( IUE 144)

IUE 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144

Le président. Vous voyez, Monsieur Marcet, qu'il y a aussi des «bis» chez les députés des bancs d'en face ! Peut-être y aura-t-il un ter ou un quater à la prochaine session...

Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle de novembre.

Nous reprenons le cours de notre ordre du jour, avec la longue liste des points que vous avez, tout à l'heure à 17h, décidé de traiter en urgence. Nous commençons par le point 55.

PL 8938-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Pierre Weiss, Blaise Matthey, Gilles Desplanches, Jean-Michel Gros, Gabriel Barrillier, Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Claude Blanc, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied, Robert Iselin, Jacques Pagan modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)
Rapport de majorité de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Nicole Lavanchy (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alain Charbonnier (S)
Rapport de troisième minorité de M. Antonio Hodgers (Ve)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je vois que vous êtes déjà bien en forme. Madame la rapporteuse de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. En préambule, je tiens à remercier encore une fois - je l'ai déjà fait dans mon rapport - le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures pour l'excellence de sa contribution. Je lui suis extrêmement reconnaissante.

Les travaux de la commission sur ce rapport ont été intenses, complexes. Et je dirai que le sujet est suffisamment grave qu'il vaut la peine d'éviter à tout prix toute conclusion hâtive et tout présupposé de droite comme de gauche. Nous devons absolument dépasser les clivages politiques pour aller au fond des choses et débattre sur ce qui va être le plus utile pour les chômeurs.

Ce projet de loi et le rapport qui s'y réfère met en exergue que l'actuelle loi en matière de chômage a dix ans; que la situation du marché du travail ayant considérablement évolué au cours de la dernière décennie, elle n'est plus adaptée à la réalité et ne permet plus de répondre de manière adéquate aux besoins de réinsertion des chômeurs. Et puis, le canton de Genève - il faut le relever - est le seul canton suisse à offrir des prestations aussi importantes aux chômeurs - c'est très bien tant que cela est compatible avec ce qui est prévu en la matière au niveau fédéral... Ce projet de loi concerne - a concerné ou concernera - chacun de nous, que ce soit dans son expérience personnelle, familiale ou amicale; chacun de nous en effet connaît au moins une personne au chômage... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Même si ce projet de loi n'est pas parfait, il est pragmatique et réaliste. Car il tient compte du fait que le chômeur vit un accident de parcours professionnel et qu'il mérite à ce titre des prestations aussi performantes qu'aux soins intensifs. Ensuite, le chômeur ne doit pas être stigmatisé comme une personne condamnée, qui ne pourra ni rebondir ni se réinsérer dans de nouvelles perspectives professionnelles: ce n'est pas un futur cas social ! Enfin, le chômeur ne doit pas être suspecté d'être un tricheur ou un profiteur qui n'a de cesse d'attendre un nouveau délai-cadre pour se sentir en sécurité tout en travaillant au noir en cachette. Ce sont des aspects du problème qu'il faut absolument dépasser pour que notre débat ne soit pas trop simpliste.

Ce projet de loi tient compte de faits concrets, relevés par la majorité de la commission. Tout d'abord, les chômeurs de longue durée sont démotivés, et c'est normal, car ils n'ont pas bénéficié assez tôt des mesures de formation et des stimulations auxquelles ils ont droit. Et les emplois temporaires de réinsertion sont nettement insuffisants pour induire une évolution vers un objectif professionnel - ce que la commission a relevé. Ensuite, l'accent est maintenant mis sur les allocations de retour en emploi, qui mobilisent favorablement les employeurs et offrent un vrai terrain professionnel aux chômeurs, bien sûr en renforçant leurs compétences par la formation rapide.

Ce projet de loi veut responsabiliser tous les partenaires concernés par le chômage: le chômeur, l'employeur et l'Etat. Donc, la majorité de la commission vous recommande de voter une loi qui est plus stimulante pour tous les partenaires, avec de nouveau - ce qui est mis en exergue - une priorité absolue à la formation offerte aux chômeurs, pour qu'ils puissent mobiliser leurs compétences, mesurer leur potentiel et reprendre une place au sein de la société, qui ne peut plus - pour personne - garantir le même travail toute une vie. (Un instant s'écoule.)J'ai terminé pour le moment.

Le président. Madame la rapporteure de majorité, je vous voyais tourner des pages et pensais que vous alliez poursuivre. Puisque vous avez terminé, je vous remercie.

Monsieur Hodgers, rapporteur de troisième minorité, je vous donne la parole.

Antonio Hodgers. C'est à la première minorité, je pense.

Le président. Je voulais simplement donner la parole aux rapporteurs dans l'ordre duquel ils se sont inscrits.

M. Antonio Hodgers. Je propose que nous prenions la parole dans l'ordre des rapports de minorité, cela me semble plus cohérent.

Le président. La parole est donc donnée à Madame la rapporteuse Nicole Lavanchy.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Il est vrai que nous avons travaillé de longues heures en commission sur ce projet de loi. Ce dernier a été déposé par l'Entente; il a été amendé par le département. Il fait maintenant l'objet de trois rapports de minorité, dont le nôtre, par lequel nous avons tenu à déposer un certain nombre d'amendements qu'il nous semble indispensable de traiter à nouveau ici. En effet, nous voulons montrer à la population - qui peut suivre ce débat - que le projet de loi déposé initialement par l'Entente et l'UDC avait bel et pour objectif de couper des prestations destinées aux chômeurs en fin de droit, notamment en ne leur permettant pas de recouvrer un nouveau délai-cadre. Une des premières choses que je voulais signaler, c'est que le projet de loi de l'Entente et de l'UDC a été signé par douze personnes, dont onze hommes et une femme, ce qui est tout à fait significatif. A mon avis, cela dénote aussi l'agressivité avec laquelle vous entendez aujourd'hui vous attaquer aux droits des chômeurs de ce canton... (L'oratrice est interpellée.)Eh bien, c'est ce que je pense, et nous allons en discuter pendant ce débat !

Vous nous dites systématiquement - et on peut le lire entre autres dans le rapport que vous avez déposé - que la seule chose qui préoccupe l'Alliance de gauche, c'est de faire en sorte que les chômeurs en fin de droit de ce canton bénéficient d'un soutien au niveau fédéral... (Commentaires.)Vous l'avez dit en commission ! Selon vous, l'AdG n'aurait qu'une seule envie: voir des assistés de l'Etat, des chômeurs qu'on dorlote et qu'on laisse vivre comme ils l'entendent... Et vous pensez qu'il faut remédier à cela, notamment en réintégrant les chômeurs le plus vite possible dans le circuit de l'emploi. Alors, c'est vrai: nous allons nous battre pour que cette aide fédérale soit maintenue. Nous avons proposé un amendement dans ce sens, il va aussi dans celui de certaines personnes auditionnées, notamment le professeur Flückiger - mais nous y reviendrons amendement par amendement.

Pour nous, les chômeurs ne sont pas responsables de leur situation. C'est d'une vision de la société que nous débattons ici. On peut penser que les chômeurs sont des fainéants, qu'ils ne veulent pas retravailler, parce que les emplois proposés sur le marché ne leur correspondent pas ou sont mal rémunérés... Mais, à l'inverse, on peut aussi se dire que le marché de l'emploi à Genève est de plus en plus sinistré et que les personnes qui se retrouvent au chômage ne décrochent pas d'emploi malgré tous leurs efforts. Et qu'elles sont dans une situation psychologique difficile, dans une situation familiale difficile, et cela faute d'insertion professionnelle.

Et notre point de vue, à l'Alliance de gauche, est que la majorité des chômeurs de ce canton connaissent une situation extrêmement difficile sur le plan psychologique, ce qui va affecter leur vie familiale, leur vie sociale. On ne peut pas se contenter d'affirmer que, si les personnes sont au chômage, c'est parce qu'elles le veulent bien ! J'ai entendu ces propos en commission, et je pense que nous allons les entendre à nouveau dans cette enceinte... Du reste, je trouverais très salutaire que cela ressorte, pour que la population se rende compte comment vous entendez traiter les chômeurs de ce canton...

A dehors de cela, M. le conseiller d'Etat Lamprecht a proposé en commission des amendements tout à fait intéressants, liés au programme de formation - ce qui, dans un premier temps, nous a plu. Nous avons donc soutenu l'idée de lier les occupations temporaires, comme les ARE, à un processus de formation et de qualification. Par ailleurs, nous avons aussi proposé des amendements pour améliorer encore, selon nous, ce processus de formation. Ces amendements ont également été refusés par l'Entente et l'UDC... (L'oratrice est interpellée par M. Weiss.)... sauf un, qui avait très peu de portée, Monsieur Weiss ! J'allais le dire: sauf un !

De ce fait, nous ramenons le débat sur ces amendements qui permettraient, à notre avis, d'octroyer de meilleures prestations aux chômeurs, en termes de nouvelle qualification, et nous attendons votre réaction par rapport à ces amendements - car il nous a semblé en commission, Madame von Arx, que la volonté de d'aider les chômeurs à développer leurs connaissances professionnelles - ce que vous venez d'exprimer - n'était pas aussi évidente dans vos rangs. Je me réjouis donc d'entendre ce qui va être dit à propos de nos amendements.

Par ailleurs, je suis désolée d'avoir à le relever: le conseiller d'Etat, partant d'un bon principe en commission de l'économie, vient de déposer des amendements en séance plénière - ce qui est tout à fait curieux... - amendements qui péjorent la situation des indépendants dans ce canton et sur lesquels nous allons débattre. Un des amendements diminue de deux mois la durée qui était fixée à huit mois, ce qui la ramène à six mois. Je ne comprends pas cette attitude ! Je ne comprends pas pourquoi le département change de direction maintenant, en plénière, et cela d'autant moins que le conseiller d'Etat concerné a certainement, il y a peu de temps, à Berne, défendu bec et ongles les chômeurs pour faire en sorte que soient maintenus leurs 520 jours d'indemnité. Ce revirement me paraît tout à fait curieux... Il me semble donc important, pour la population, de clarifier ce double langage.

J'en ai terminé pour l'instant, mais j'interviendrai à nouveau pour développer les amendements que nous avons déposés.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Lors de la séance de commission de l'économie du 27 septembre dernier, en présentant les amendements du Conseil d'Etat, le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht, nous a dit que ce projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de la commission, lui convenait parfaitement et qu'il ne constituait pas le démantèlement d'un excellent système... De quel «excellent système» parle le président Lamprecht ? J'y reviendrai.

Les amendements du Conseil d'Etat ont été déposés comme projet de loi lié au budget 2005. C'est à mon avis tout à fait révélateur: cela montre que l'objectif réel de la droite et du Conseil d'Etat est de réaliser des économies sur le dos des chômeurs et chômeuses de longue durée... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Par contre, comment ne pas s'étonner que la rapporteure de majorité ne consacre pas une seule ligne - sur les 166 pages de son rapport - au coût de ce projet de loi voté par la majorité en commission ? Vingt-deux séances de commission pour arriver à une loi votée par la droite et un rapport qui ne donne aucun chiffre quant au coût de cette proposition ni sur ses incidences budgétaires globales ! A la décharge de la rapporteure de majorité, nous devons toutefois informer la plénière - et la population, par la même occasion - que le département de l'économie n'a jamais été capable de nous donner ni des estimations sérieuses sur le coût réel des mesures cantonales et leurs conséquences, telles qu'envisagées par le projet de loi examiné en commission, ni, d'ailleurs, sur la situation actuelle. Pour nous, c'est un des signes révélateurs de la désorganisation de ce service - j'y reviendrai un peu plus loin.

La seule estimation que nous avons reçue - il faut quand même le reconnaître - de la part du département est celle résultant du dépôt de son amendement général au début des travaux de la commission, ramenant les emplois temporaires cantonaux à dix mois. Cette opération a été estimée plus onéreuse - 4 millions de plus, par rapport à la situation actuelle - sans toutefois tenir compte de l'augmentation des dépenses du RMCAS qui seront inévitables, en raison des conséquences de ce projet de loi et de l'amendement général. Ce tableau, distribué en séance de commission, ne figure pas dans le rapport de majorité...

La proposition émanant de la commission n'est pas novatrice: fixer les allocations de retour en emploi, comme la mesure prioritaire était déjà la volonté du législateur de 1997 - de «l'excellent système» tel que qualifié par le président Lamprecht... Cette mesure est de loin la meilleure aux yeux de tout le monde, surtout pour tout chômeur ou toute chômeuse de longue durée. C'est une lapalissade ! En effet, l'allocation de retour en emploi redonne un emploi - un véritable emploi - et enregistre près de 70% de réussites depuis son existence. Qui pourrait être opposé à cette mesure ? Evidemment, personne !

Malheureusement, pour que cette mesure fonctionne, il faut que l'office cantonal de l'emploi fasse une réelle promotion auprès des entreprises, promotion qui n'a débuté que trop tardivement. Il faut surtout que les entreprises soient prêtes à engager un chômeur ou une chômeuse de longue durée, et c'est là que le bât blesse... En sept ans - et non en dix ans, Madame von Arx - cette mesure n'a pas du tout répondu aux espoirs suscités, car trop peu d'entreprises ont joué le jeu. Lorsqu'un patron doit repourvoir un poste dans son entreprise, vu la situation actuelle du marché de l'emploi - un taux de chômage élevé conjugué à l'ouverture du marché aux travailleurs européens - eh bien, ce patron n'a que l'embarras du choix ! Le président du l'UAPG, notre ex-collègue, Nicolas Brunschwig, nous expliquait lors d'une audition que le patron d'une entreprise choisissait toujours le meilleur candidat et que l'aide temporaire de l'Etat de Genève pour les allocations de retour en emploi ne saurait être qu'un argument mineur lors de ce choix. L'étude du professeur Flückiger a démontré la stigmatisation auprès des entreprises du statut du chômeur ou de la chômeuse de longue durée à Genève, stigmatisation plus forte à Genève que dans le reste de la Suisse. Alors nous, nous voulons bien croire aux miracles ! Mais, vous - la droite - vous trouvez trop souvent nos propositions utopiques... Quoi qu'il en soit, l'étude et les chiffres qui en découlent le démontrent: cette mesure ne peut malheureusement pas devenir un véritable moyen de réintégrer un grand nombre de chômeurs ou de chômeuses de longue durée.

La mesure subsidiaire, selon la «nouvelle» proposition, reste les emplois temporaires cantonaux qui reçoivent une nouvelle appellation: «emplois temporaires de réinsertion». On peut se demander au passage ce qui est le plus temporaire dans cette nouvelle appellation: la réinsertion ou l'emploi !

En effet, dans le projet de loi tel que voté en commission, la durée de ces emplois temporaires de réinsertion a diminué: elle est de huit mois; l'amendement ou le pseudo-projet de loi du département porte cette durée à six mois, et M. Weiss a imaginé en commission de la porter à trois mois, suite au dépôt du budget 2005 - comme par hasard ! Et ce «délicieux» M. Kunz souhaiterait qu'elle soit réduite à zéro... Cette épicerie ne nous intéresse pas !

Pour nous, la durée des emplois temporaires de réinsertion doit être de douze mois, afin de donner une véritable chance aux chômeurs et chômeuses de longue durée de retrouver un deuxième délai-cadre d'indemnités fédérales et éviter ainsi qu'ils ne se retrouvent à l'assistance publique ou dans la précarité avec des emplois sous payés.

Le département et la droite nous disent qu'actuellement cette mesure n'est pas une mesure de réinsertion... Nous sommes tout à fait d'accord que cette mesure doit absolument être améliorée par le biais de la formation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pourtant, il faut le préciser, l'office cantonal de l'emploi aurait pu - cela nous a été confirmé en commission et l'étude de la CEPP le montre - utiliser la formation dans le cadre des mesures cantonales, donc depuis janvier 2000. Malheureusement, l'office cantonal de l'emploi n'a jamais fait usage de cette possibilité, en tout cas jusqu'au moment de la publication de l'étude de la CEPP en 2002.

L'OTC - l'emploi temporaire cantonal - devenu «l'emploi temporaire de réinsertion» ne serait donc pas une mesure de réinsertion selon la droite et le Conseil d'Etat. Toutefois, en 2002, toujours selon l'étude de la CEPP, 37%  des chômeurs et chômeuses réintègrent le marché du travail après un emploi temporaire cantonal: 37% ! Plus du tiers de ces personnes retrouvent donc un emploi ! Est-ce donc une si mauvaise mesure de réinsertion, surtout si l'on considère que cette mesure n'était accompagnée d'aucune formation à ce moment-là ? Evidemment, nous pensons tout à fait le contraire !

Nous désirons donc que les emplois temporaires de réinsertion permettent encore de redonner un deuxième délai-cadre fédéral, mais il faut que cette mesure soit accompagnée d'une formation ciblée, après un bilan de compétences personnelles pour chaque chômeur et chômeuse. De ce point de vue, nous soutenons les propositions du département concernant tous les aspects de la formation.

L'amendement du Conseil d'Etat consistant à supprimer la possibilité pour les indépendants de bénéficier également d'emplois temporaires cantonaux pendant douze mois dénote une attitude schizophrénique du département... D'une part - je le dis principalement pour les députés de l'UDC, s'ils nous écoutent - de nombreux petits commerçants rencontrent de grosses difficultés, étant donné le marasme économique actuel: certains se retrouvent en faillite, et le département propose par le biais de cet amendement de les empêcher de bénéficier d'indemnités fédérales ! D'autre part, l'office cantonal de l'emploi encourage bon nombre de chômeurs et chômeuses à se lancer comme indépendants... Il faudrait tout de même un minimum de cohérence, et ne pas pousser les gens dans de telles aventures sans un minimum de garanties !

Outre l'absence du volet «formation» dans l'usage des emplois temporaires cantonaux, l'étude de la commission externe d'évaluation des politiques publiques de 2002 met surtout en exergue trois graves faiblesses de l'office cantonal de l'emploi: premièrement, «l'acquisition insuffisante, par l'office, de places vacantes destinées aux chômeurs et chômeuses de longue durée»; deuxièmement, «l'absence de lignes directrices»; troisièmement, «le manque de suivi des conseillers en personnel».

L'opiniâtreté de la droite à désigner comme coupables les chômeurs et chômeuses de longue durée, ce qui est contradictoire par rapport à la déclaration de Mme von Arx - dont les propos ne reflètent pas du tout les débats en commission, je tiens à le préciser - et n'a pas permis à la commission d'étudier ce qui se passe aujourd'hui au sein de l'office cantonal de l'emploi. On ne sait pas quelles mesures de restructuration ont été prises, quelle est leur efficacité, et de quel suivi bénéficient réellement les chômeurs et chômeuses de longue durée depuis les résultats de cette étude. En effet, une lecture objective - mais je me demande qui a vraiment lu entièrement cette étude - révèle que le fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi - en tout cas jusqu'en 2002, date de l'étude - est le principal responsable du pseudo-échec des mesures cantonales.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Alain Charbonnier. Il faut tout de même rappeler que l'utilisation des emplois temporaires à Genève n'est pas du tout contraire à la loi fédérale. Il est quand même important de le souligner, car certains semblent parfois l'oublier ! Un des arguments majeurs du département et de la droite en faveur de la réduction de la durée des emplois temporaires est la pression qu'exercerait M. Deiss sur la réforme des emplois temporaires cantonaux, réforme qui porte en fait sur la prolongation de la durée des indemnités - de 400 à 520 jours - qui peut être octroyée aux cantons ayant un taux de chômage dépassant les 5% pendant six mois consécutifs. Or M. Deiss désire aujourd'hui changer la loi et, selon la nouvelle formule, le canton de Genève ne bénéficierait plus du passage à 520 jours d'indemnités. Et à constater les résultats de la consultation effectuée auprès des cantons, un des arguments majeurs en faveur de cette nouvelle loi risque de tomber très rapidement !

A la fin des débats de la commission, on a pu clairement constater que le but de la droite n'est pas de diminuer le taux de chômage à Genève, mais, plutôt, de couper l'aide de l'Etat aux chômeurs et chômeuses de longue durée, dans le seul but de réaliser de nouvelles économies et de masquer ainsi les effets dévastateurs de sa proposition de baisse d'impôts de ces dernières années.

Deux conséquences découleront de cette loi: soit un nombre important de personnes avec un emploi précaire sous-payé et qui auront besoin d'aides sociales en tout genre, soit une spectaculaire augmentation de personnes au RMCAS.

Le président. Il vous faut vraiment conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Alain Charbonnier. Finalement, M. Lamprecht n'aura en fait que transmettre la patate chaude à son collègue Pierre-François Unger... En effet, l'augmentation de la subvention de l'Hospice général dans le budget 2005 sera totalement insuffisante pour couvrir ces nouveaux besoins, et tout le monde ici le sait très bien ! Je disais tout à l'heure...

Le président. Monsieur Charbonnier, je vous demande de conclure pour la troisième fois ! Si vous pouviez accélérer le rythme, ce serait bien...

M. Alain Charbonnier. Oui, je termine ! Je disais donc que M. Kunz était «délicieux»... Je le disais bien sûr en plaisantant... (Exclamations.)Mais il faut tout de même lui reconnaître sa franchise et l'immortalité de sa pensée... (Exclamations.)En 1997, déjà, il s'opposait aux mesures cantonales, et il nous a démontré en commission qu'il n'avait pas du tout changé d'opinion ! Sur ce point, et bien d'autres, il semble aujourd'hui rejoint par la majorité et toute la droite de ce parlement: «Plus on aide une personne dans le besoin, plus on l'affaiblit... Chacun doit pouvoir se débrouiller par lui-même, et ce n'est que de cette façon que l'être humain peut fonctionner, etc.» Evidemment que nous ne partageons pas cette façon d'envisager la société !

Nous refuserons ce projet de loi. Nous soutiendrons les amendements du rapport de première minorité, et nous nous battrons, s'il le faut, jusqu'au référendum pour rendre leur dignité aux personnes qui la méritent: les chômeurs et les chômeuses de longue durée ! (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. Avant d'entamer le débat de fond, je tiens à faire quelques remarques sur ce projet de loi. Il me semble important de débattre des aspects philosophiques qui nous opposent, à savoir quelle est notre vision des responsabilités des différents acteurs de la situation que nous connaissons à Genève - le chômage - mais aussi ailleurs, dans les pays d'Europe et même du monde. L'économie de marché, malgré ses nombreux avantages, entraîne, surtout dans un système ouvert comme le nôtre, une grande fluctuation des économies locales, en fonction des flux marchands...

Une voix. La bourse !

M. Antonio Hodgers. De la bourse, effectivement ! De perspectives économiques, d'investissements divers, et la petite République de Genève subit, mais, surtout, bénéficie de l'économie mondiale.

A ce niveau-là, le chômage à Genève, lié à la croissance économique, est la conséquence des flux de l'économie mondiale. On le voit, il suffit que la reprise se manifeste aux Etats-Unis et en Europe pour que tout marche mieux chez nous, et l'inverse est vrai aussi. En fonction de ce principe économique - assez simple à comprendre - on est quelque peu surpris de la position de la droite qui prétend que, s'il y a du chômage, c'est la faute des chômeurs... En effet, toute la base politique de votre argumentaire repose sur ce constat. Vous pensez que si les chômeurs travaillaient plus... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... si les chômeurs étaient plus motivés, si les chômeurs étaient plus compétents, il y aurait moins de chômage ! L'axe de votre argumentation en commission a été basé sur la compétence et l'appétence ! Madame la rapporteure de minorité, vous hochez la tête... (Remarque.)De majorité, pardon ! Mais vous n'avez peut-être pas bien entendu les arguments de vos collègues en commission... Toute votre argumentation repose sur cette réflexion: s'il y a du chômage, c'est la faute des chômeurs ! (Exclamations.)

Votre conclusion aboutit donc à la solution de la carotte - soit de proposer une formation - et du bâton - surtout ! - soit la réduction ou la suppression des emplois temporaires. Selon votre analyse, cette conclusion est logique... Malheureusement, les solutions que vous préconisez auront une conséquence inévitable: la majeure partie des personnes qui bénéficient aujourd'hui des emplois temporaires vont sans doute passer à l'assistance publique. Cela a déjà été dit. (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)C'est un postulat, effectivement, Monsieur Weiss ! On peut en effet discuter de leur nombre, car tel ne sera pas le cas pour 100% des personnes concernées: certaines, sous la pression, vont peut-être se «bouger les fesses», comme on dit communément, pour trouver un travail, même s'il ne correspond pas à leur formation, même s'il est moins payé ! Je ne crois pas que cela soit une amélioration de la productivité économique de notre société, mais, cela, c'est le sujet d'un autre débat...

La conséquence principale est qu'un certain nombre de personnes - et nous prétendons que c'est le plus grand nombre - vont se retrouver à l'assistance. Alors, M. Weiss nous a dit en commission que ce serait peut-être le cas, mais qu'une personne au RMCAS coûtait moins cher qu'une personne en emploi temporaire... C'est vrai sur le papier ! Mais si l'on ajoute les frais induits, ce n'est plus vrai ! En effet, ces personnes en rupture sociale - car on ne peut pas tomber plus bas que d'avoir recours au RMCAS - connaissent des problèmes qui impliquent des coûts pour la société que vous ne comptabilisez pas.

Deuxième élément: les personnes qui bénéficient du RMCAS ne sont plus productives. Je vous rappelle, Messieurs de l'Entente, que les emplois temporaires ne sont pas - nous sommes tous d'accord sur ce point - forcément formateurs, ni intéressants, mais ils ont cela de positif qu'ils permettent une certaine productivité des personnes sans emploi. Et cette productivité-là, vous la perdez aussi !

Troisième élément, dont nous n'avons pas parlé en commission: les 520 jours d'indemnités consentis dans une deuxième période, après un emploi temporaire, sont aujourd'hui payés par Berne. Demain, si ces personnes se retrouvent au RMCAS, c'est Genève qui devra payer ! Avec votre solution, la charge de ces 520 jours d'indemnisation va être transférée sur le canton, alors que, jusqu'à maintenant et comme je viens de le dire, c'est Berne qui la supporte. Curieusement, cette conséquence budgétaire n'a jamais été évaluée par le département... (Exclamations.)Monsieur Catelain, c'est effectivement toujours la collectivité qui paie, mais il s'agit d'un report de charge de la Confédération au canton. Et on voit où mène ce petit jeu aujourd'hui ! La Confédération l'a largement pratiqué dans le sens Confédération-cantons, alors je pense, vu la situation particulière de Genève, qu'il est normal que la Confédération assume certaines charges.

En conséquence, votre démarche ne vise pas à soutenir les chômeurs, Madame von Arx... Soutenir quelqu'un qui est sans emploi, c'est l'aider à se former, à se motiver, et cela exige une démarche positive de l'Etat. Le message que vous faites passer aux chômeurs à travers cette loi, c'est qu'ils doivent trouver rapidement un travail, sinon les aides de l'Etat vont passer à la trappe. Le RMCAS, c'est le seuil de pauvreté de notre canton: je le répète, on ne peut pas tomber plus bas. Et c'est avec une telle perspective que vous pensez motiver les gens ? Est-ce comme cela que vous imaginez rendre leur dignité aux personnes sans emploi ?

Vous êtes totalement hors propos ! Etant donné la situation actuelle et la diversité des personnes qui sont au chômage, qui ne sont pas toutes sans formation, sans compétences - il y a même des banquiers, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs les libéraux, et je m'adresse surtout à notre nouveau collègue, à qui je souhaite la bienvenue - je trouve plutôt malvenu de leur dire qu'elles sont incompétentes ! Je le répète, vous êtes tout à fait hors propos ! Quand l'Etat connaît de grandes difficultés économiques, il a le devoir de les aider, pas de les couler !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai du souci: seize députés sont déjà inscrits... Le Bureau vous propose de clore d'ores et déjà la liste des intervenants compte tenu du nombre important d'orateurs inscrits. Il s'agit de Mmes et MM. les députés Gilbert Catelain, Rémy Pagani, Pierre Kunz, Roger Deneys, Christian Brunier, Stéphanie Ruegsegger, Pierre Weiss, Christian Bavarel, Alberto Velasco, Loly Bolay, Christian Grobet, Salika Wenger, Jacques Jeannerat, Pierre Guérini, Jocelyne Haller et Souhail Mouhanna. Bien évidemment, je donnerai ensuite la parole aux rapporteurs qui sont également inscrits. Je ne les ai pas cités, mais ils figurent dans la liste.

M. Gilbert Catelain (UDC). La situation de notre canton est grave. Jamais le taux de chômage n'a atteint un niveau aussi élevé...

Une voix. Pas vrai!

M. Gilbert Catelain. Le bilan du Conseil d'Etat dans ce domaine est catastrophique. La loi sur le chômage qui est censée être un filet social s'est transformée à Genève en un matelas social ! Un matelas qui coupe l'envie de se lever le matin - à certaines personnes...

Dans ce domaine, le Conseil d'Etat tient un double langage, probablement dans le but de maintenir la paix sociale. Entre 2002 et 2004, le nombre des demandeurs d'emploi a progressé de 41 % et celui des chômeurs inscrits de 42%; celui des chômeurs de longue durée, lui, a progressé de 67%. A la lecture ces chiffres, qui sont le reflet de l'inefficacité de la loi actuelle et de son application par le Conseil d'Etat, tout porte à croire qu'il y a soit un grave problème de chômage, soit que la loi ne favorise pas le retour à l'emploi.

D'un autre côté, ce même Conseil d'Etat - pourtant chargé par le peuple de résoudre le problème du chômage - a écrit très récemment aux entreprises genevoises, je cite: «Le 1er juin 2004 sont entrées en vigueur les nouvelles dispositions liées à la deuxième phase de l'accord sur la libre circulation des personnes. Si cet accord prévoit l'obtention d'autorisations de séjour de longue durée B, C - AELE sur la base d'un contrat de travail de durée indéterminée, les demandes d'autorisation de séjour et de travail sont néanmoins encore soumises à des mesures de contingentement jusqu'au 31 mai 2007. Or, pour ce type de permis, les quotas alloués trimestriellement au canton sont particulièrement restreints. Il s'ensuit que ceux-ci sont rapidement épuisés. De sorte que nous nous voyons contraints, pour satisfaire les demandes, de faire appel aux contingents des autorisations de courte durée et d'attribuer en lieu et place, dans bien des cas, en fin de trimestre, des permis L de 364 jours renouvelables aux demandeurs qui auraient eu un droit à l'obtention d'un permis B. A toutes fins utiles, nous tenons à vous préciser que le permis L est transformé après trente mois d'activité en Suisse en autorisation B, sans imputation du contingent, et donne droit, après cinq ans de résidence, depuis l'arrivée du travailleur, à l'octroi d'un permis d'établissement C. Il convient donc d'admettre qu'une autorisation L délivrée en faveur d'un travailleur ressortissant de l'UE - AELE, pour les raisons exposées ci-dessus, peut être considérée, quelles que soient les formalités entreprises par la personne intéressée, comme une autorisation de longue durée B.»

Le Conseil d'Etat tient donc un double langage. On a l'impression effectivement que Genève souffre de plein emploi, c'est-à-dire d'une pénurie de travailleurs... Il est évident que notre canton, qui bénéficie d'un solde migratoire annuel de 5000 à 6000 personnes, dispose manifestement d'un marché de l'emploi dynamique. Nous devrions donc nous attacher prioritairement à résoudre - ou, plutôt, ce projet de loi devrait le faire - le problème de l'incitation au retour à l'emploi. Il est regrettable que les membres de la commission de l'économie n'aient pas eu le courage d'aborder le problème de fond du chômage de longue durée; ils auraient pu s'inspirer d'une réflexion faite par l'université de Genève, qui prend toute son importance dans le contexte actuel, je cite: «Les chômeurs s'inscrivent plus facilement à Genève que dans les autres cantons.»... En nous demandant pourquoi, nous aurions peut-être eu l'opportunité de trouver la bonne réponse ! Mais, comme c'est devenu un sujet tabou pour notre département de l'économie, tout le monde évite de la connaître !

Voici la nôtre ! Avec 520 jours d'indemnité au lieu de 400, c'est la porte ouverte aux congés sabbatiques - pour certains ! (Exclamations.)- aux abus des acquis sociaux, que le gouvernement se refuse de voir et d'admettre. Aujourd'hui dans notre canton, un chômeur peut l'être à perpétuité, s'il use de toutes les ficelles qu'il a à sa disposition. Comme les contrôles sont inexistants, les moins scrupuleux en profitent et les autres finissent par penser qu'ils pourraient en faire autant... Cette situation va malheureusement empirer avec les accords bilatéraux, et elle va devenir explosive si vous continuez dans la même voie.

Ce projet va néanmoins dans le bon sens au niveau de la réinsertion des chômeurs sur le marché du travail. Mais à quel prix ? Ce point à été soulevé par un des rapporteurs de la minorité... Cette modification de loi a tout de même le mérite de corriger une situation insatisfaisante, et, pour ce motif, nous la voterons.

Nous présenterons toutefois un amendement au cours du deuxième débat, visant à sensibiliser les chômeurs sur la réalité du marché du travail. Car il est clair qu'un chômeur frontalier, auquel l'ANPE propose en majorité des emplois rémunérés en moyenne 1500 euros par mois, a tout intérêt à retrouver très rapidement un emploi. Les statistiques le prouvent: un chômeur genevois... (L'orateur est interrompu par M. Pagani.)Effectivement, Monsieur Pagani, le taux de chômage dans le pays de Gex est de 2,1%, vous le savez ! (Exclamations. Le président agite la cloche. L'orateur est à nouveau interpellé par M. Pagani.)Egalement dans un secteur économique différent ! Et d'ailleurs, puisque vous parlez de cela, je vous donne un exemple: une personne de 57 ans vient d'être licenciée par le neveu d'un conseiller d'Etat. Après trente-sept ans d'activité dans la même entreprise ! Il a été remplacé par un collaborateur de la même entreprise qui venait de Grenoble, sans soumettre l'offre d'emploi sur le marché du travail et sans vérifier si quelqu'un d'équivalent était disponible sur ce même marché de l'emploi... Donc, le double langage du Conseil d'Etat se vérifie aussi dans les faits ! Cette différence - de taille - au niveau des conditions-cadres du marché de l'emploi constitue une forme de concurrence déloyale vis-à-vis du chômeur genevois. Nous devons rapidement faire mieux, et j'invite le Conseil d'Etat à consacrer sa prochaine course d'école... (Rires.)... à un voyage d'étude à Berlin ou à Londres, afin d'analyser les motivations qui ont poussé deux gouvernements socio-démocrates à mettre en oeuvre une politique de droite !

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

M. Rémy Pagani (AdG). La situation des chômeurs aujourd'hui dans notre canton n'est vraiment pas très facile... J'en veux pour preuve les démarches administratives qu'ils sont obligés d'effectuer. Pour avoir défendu un certain nombre de chômeurs, j'ai moi-même dû passer des coups de téléphone à l'administration et je connais le parcours du combattant auquel ils sont astreints. Je rappelle que 21'000 personnes sont à la recherche d'un emploi dans notre canton, dont plus de 15'000 sont inscrites au chômage et ont droit à l'assurance-chômage - et non pas à une assistance.

Ce soir, la majorité de ce parlement va les «enfoncer» encore un peu plus. Non seulement elle va les «enfoncer» encore un peu plus, mais elle va les placer devant un dilemme: soit accepter un emploi moins rémunéré au bout de la période d'indemnisation pour conserver leur dignité, soit abandonner - c'est vrai notamment pour certaines femmes - purement et simplement leur droit au travail, soit, encore, avoir recours à l'assistance. Et pour certains travailleurs, je vous prie de le croire, c'est une démarche extraordinairement difficile à entreprendre. Alors, vous avez beau nous expliquer qu'il faut «pousser» les chômeurs - certains ont même, en commission, parlé de les «fouetter», mais ils n'oseront pas le répéter ici - et qu'il faut les forcer à reprendre un emploi, parce que la majorité de ces chômeurs seraient des flemmards, eh bien, nous ne sommes pas d'accord !

Mesdames et Messieurs les députés, chacun d'entre nous est susceptible de se retrouver un jour au chômage, puisque la société dans laquelle nous vivons ne permet pas le plein emploi. Nous avons échappé jusque dans les années 70 à cette tare du système libéral capitaliste que nous connaissons, mais, aujourd'hui, c'est terminé: chacun de nous est un chômeur potentiel ! Et j'ai le regret de dire que, même en ayant conscience de cet état de fait, certains députés en commission se sont permis d'afficher une attitude tout à fait scandaleuse à l'égard des chômeurs: en les stigmatisant, comme M. Catelain l'a fait tout à l'heure, en disant que certains abusaient du système ! (Exclamations.)

Beaucoup de choses peuvent être critiquées au niveau de l'office cantonal de l'emploi, mais la seule chose qui ne doit pas l'être, c'est le travail d'investigation et de surveillance qui est réalisé de manière systématique pour, si j'ose dire, «lutter contre les abus des chômeurs» ! Ceux qui connaissent un tant soit peu la situation des chômeurs dans notre canton savent bien qu'il n'y a pas d'abus à ce niveau-là à Genève ! Ces remarques sont tout à fait malvenues ! Bien sûr, comme partout, il y a quelques personnes qui abusent, qui sont plus malignes que d'autres et utilisent toutes les ficelles possibles... Mais, je vous le dis: il est tout à fait scandaleux d'opposer les travailleurs qui ont un emploi aux chômeurs qui n'en ont pas ! Et vous êtes des spécialistes en la matière !

Nous estimons, nous - et nous l'avons dit - qu'il y a un véritable problème. Nous aurions pu tenir un débat de fond en commission pour savoir s'il n'y aurait pas moyen - puisque notre société n'offre pas le plein emploi - de réduire de manière drastique et unilatérale, par un acte politique courageux et intelligent, le temps de travail, comme c'est le cas dans d'autres pays. En France voisine, le temps hebdomadaire de travail est de trente-cinq heures, voire de trente heures dans certains secteurs; en Suède ou en Norvège, c'est aussi à peu près la même chose. Nous aurions également pu réfléchir à la manière de lutter efficacement contre le chômage et, par exemple, faire en sorte que les personnes d'un certain âge puissent prendre leur retraite plus vite pour laisser la place aux jeunes, dont certains restent parfois cinq ans au chômage après leur formation.

Mais on n'a même pas voulu envisager le problème ! On est simplement parti du principe que les chômeurs sont de mauvais chômeurs, qui profitent du système, et qu'il fallait leur couper les vivres ! Telle est la situation... Et je le regrette ! Je le regrette d'autant plus que vient s'ajouter à cette configuration un phénomène ultérieur au début de nos travaux, à savoir que la population des chômeurs a changé. Autrefois, ils venaient de différents secteurs: hôtellerie, restauration, nettoyage, mais, actuellement, ils viennent surtout des secteurs de l'informatique, des banques et des assurances. C'est d'ailleurs pour cela que les budgets de M. Lamprecht ont explosé, car il faut maintenant rémunérer en occupation temporaire des chômeurs qui avaient évidemment un revenu plus important. C'est le premier phénomène, dont nous devons bien constater les effets... Mesdames et Messieurs les députés, vous attaquez aujourd'hui non seulement les chômeurs issus de la classe ouvrière - comme cela se dit sur le plan économique - mais aussi tous ceux qui viennent de la classe moyenne, du tertiaire ! J'espère simplement que ces personnes qui votent pour vous habituellement s'en souviendront, parce que vous ne défendez pas leurs intérêts !

Le deuxième phénomène qui vient se greffer est l'ouverture du marché de l'emploi avec la libre circulation. Ce que le corps électoral avait refusé de faire pour le marché de l'électricité, on l'a fait pour le marché de l'emploi ! C'est l'ouverture tous azimuts ! Et pour lutter contre la sous-enchère salariale, on a pris des mesures ridicules: comme donner aux syndicats les moyens de réagir, lorsqu'ils constatent un abus manifeste et répété, en se basant sur les conventions collectives ! Mais tout le monde sait que c'est quasiment impossible !

La présidente. Monsieur Pagani, vous devez conclure...

M. Rémy Pagani. Oui, je conclus, Madame ! Le chômage augmente à Genève - alors qu'il baisse dans les autres cantons suisses - car le nombre de frontaliers ou de personnes qui viennent chercher du travail augmente - à des conditions qui leur permettent de vivre décemment, mais à l'extérieur du canton. Nous avons...

La présidente. Monsieur Pagani, vous avez dépassé les sept minutes qui vous sont imparties !

M. Rémy Pagani. Oui, Madame la présidente, je termine ! Nous avons dénoncé cet état de fait depuis le début, mais vous n'avez pas voulu nous entendre. Je le regrette !

Toujours est-il que nous allons nous retrouver devant le corps électoral, et j'espère que les citoyens voteront le référendum que nous allons lancer dès demain et qu'ils voteront contre votre loi inique qui supprime les droits sociaux minimaux des chômeurs, dans une situation extrêmement précaire dont vous êtes responsables !

La présidente. Merci, Monsieur Pagani. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que dix-sept personnes doivent encore intervenir après M. Pagani. Si chaque personne parle sept minutes, cela fait deux heures... Je donne la parole à M. Pierre Kunz.

M. Pierre Kunz (R). M. Pagani est un homme de coeur, c'est sûr ! La difficulté, c'est qu'il a tellement de coeur pour absorber tous les problèmes qui se posent à lui qu'il fait une soupe à laquelle plus personne ne comprend rien - et, probablement, lui non plus... Alors, j'aimerais essayer de ramener le problème qui se pose à nous ce soir à quelques éléments essentiels.

Mesdames et Messieurs, s'agissant du projet de loi 8938, tel qu'il est ressorti des travaux de commission, les radicaux sont partagés entre trois sentiments. Ils sont heureux qu'enfin ce Grand Conseil soit appelé à réformer la loi cantonale sur le chômage, une loi qu'ils ont condamnée dès 1997 parce qu'elle est désastreuse, comme la pratique l'a montré depuis cette date... Désastreuse pour les chômeurs ! Désastreuse et malhonnête pour la caisse de chômage fédérale ! Désastreuse et gaspilleuse des deniers du canton ! Heureux, les radicaux, parce que le projet de loi 8938 constitue une avancée certaine dans la voie du bon sens, de l'équité et de l'efficacité.

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux sont également amers... Amers, parce que cette réforme arrive bien tardivement, trop tardivement, car cette loi a provoqué beaucoup - beaucoup trop ! - de dégâts humains. Ils sont amers parce que le Conseil d'Etat a fait preuve dans cette affaire d'un attentisme incompréhensible - incompréhensible ! - forçant finalement les députés de la majorité à empoigner eux-mêmes le problème et à déposer le projet de loi 8938. Un attentisme, je le répète, vraiment incompréhensible, lorsque l'on sait l'importance du sujet, l'importance humaine, financière; lorsque l'on sait l'évolution du taux de chômage genevois depuis cinq ans; lorsque l'on sait les interventions répétées de la Confédération depuis quelques années; lorsque l'on connaît les dysfonctionnements récurrents en la matière - en tout cas mentionnés et révélés de manière répétée ces dernières années dans les médias et dans cette enceinte.

Enfin, Mesdames et Messieurs, les radicaux sont déçus... Ils sont déçus parce que le projet de loi 8938, comme la loi de 1997, contient en germe de graves désillusions pour les chômeurs et de graves conséquences sociales. Je veux parler, bien sûr, des emplois temporaires croupions ! Des emplois temporaires au rabais, qui sont maintenus dans le projet de loi dont nous parlons ce soir !

Dans la loi de 1997, Mesdames et Messieurs, les emplois temporaires d'une durée de douze mois avaient au moins un fondement rationnel - cynique et calamiteux, certes, mais, je le répète, rationnel: permettre aux chômeurs de repartir au chômage pendant deux ans ! (L'orateur est interpellé par M. Velasco.)Après avoir travaillé pendant une année, etc., vous avez raison, Monsieur Velasco !

Mais les nouveaux emplois temporaires ne sont plus qu'un énorme gaspillage humain et financier; une pure assistance sociale déguisée ! A tel point que j'imagine vraiment mal nos collègues libéraux et PDC se rallier à ces mesures incohérentes ! Nous verrons bien... Ces emplois temporaires qui, par leur attractivité dangereuse, ne manqueront pas, au surplus, de tuer dans l'oeuf les espoirs et les perspectives pourtant séduisantes des allocations de retour en emploi, qui, elles, ne sont pas de l'assistance sociale déguisée ! Elles représentent - j'aimerais insister sur ce point - la seule forme d'aide publique réaliste et digne - et digne ! - en matière de réinsertion professionnelle des chômeurs en fin de droit. Mais des ARE auxquelles le chômeur en fin de droit ne pourra pas accéder, Mesdames et Messieurs, s'il a succombé, ne serait-ce qu'un mois, trois mois, six mois, aux sirènes des emplois temporaires ! Parce que la loi stipule - si vous l'avez lue correctement - que le cumul des deux mesures est tout simplement exclu !

Les radicaux entreront en matière, certes, mais présenteront, le moment venu, les amendements requis par la tristesse de ce que je viens de vous expliquer maintenant... (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Pour les socialistes, ce projet de loi est un véritable marché de dupes... S'il est louable de vouloir réformer la loi sur l'assurance-chômage cantonale, l'objectif, qui devrait être de favoriser la réinsertion des chômeurs, n'est de loin pas atteint. Cette loi n'atteint pas cet objectif pour différentes raisons. Notamment, certains prétendent - comme M. Kunz l'a fait à l'instant - que les emplois temporaires cantonaux ne remplissent pas leur mission et constituent une sorte d'oreiller de paresse pour les chômeurs, qui attendent deux ans en ne faisant rien pour pouvoir bénéficier de cette mesure... C'est bien connu: les personnes concernées sont toutes ravies d'être au chômage !

Le problème, au départ, Mesdames et Messieurs les radicaux, les libéraux, les membres du PDC et de l'UDC, c'est que vous ignorez la réalité économique des milieux que vous prétendez représenter ! En effet, comme M. Kunz l'a dit tout à l'heure, ces emplois temporaires ont eu tellement de succès qu'on ne pouvait pas les remplacer par des allocations de retour en emploi parce que c'était moins intéressant... Alors, parlons chiffres ! Où en sommes-nous aujourd'hui ? Aujourd'hui, je ne sais pas... Mais vous trouverez dans le rapport le nombre de 70 allocations de retour en emploi et 1600 emplois temporaires cantonaux ! Je ne vois pas comment ce projet de loi, dont les mesures sont très modestes, permettra d'inverser la tendance et de remplacer les emplois temporaires cantonaux par des allocations de retour en emploi ! (Commentaires.)

Et j'en parle d'autant plus volontiers que je suis moi-même employeur, patron d'une petite entreprise, et je sais très bien que les propositions qui ont été faites ne vont pas résoudre ce problème ! (Remarques. Brouhaha.)J'emploie une dizaine de personnes; je fais ce que je peux et j'ai des fins de mois difficiles, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que les propositions de vos milieux ne sont pas suffisamment attractives pour obtenir un résultat.

En commission, j'ai proposé qu'on envisage, au moins pendant un certain laps de temps, histoire d'inverser les chiffres - les 70 ARE et les 1600 emplois temporaires cantonaux, par exemple - de verser 80% du salaire pendant une année. (Exclamations.)Eh bien, cette proposition, Mesdames et Messieurs, a été refusée pas les députés de vos rangs !

De fait, les allocations de retour en emploi constituent une aide aux entreprises de 40% à 50% pendant une année. C'est mieux que rien, mais vous ignorez certaines choses... Comme je viens de le dire, cette mesure est temporaire. Ensuite, l'engagement d'une personne à plein temps, pour une petite entreprise de dix employés, représente 10% de masse salariale supplémentaire. Et prendre le risque d'engager une personne sur le long terme sous prétexte de bénéficier d'une aide de l'Etat de 50% pendant une année, je suis désolé, mais c'est un marché de dupes ! Ce n'est pas crédible !

D'autre part, nous avons été confrontés à un autre mythe en commission - nous l'avons entendu à plusieurs reprises, à tel point que c'en était pathétique: c'est de croire qu'une hypothétique relance économique ferait baisser le taux de chômage... Toutes les études actuelles le démontrent: la reprise économique peut se faire sans aucune création d'emploi ! Parce que les gains de productivité, ça existe ! Et l'on sait très bien que notre économie va, de toute façon, fonctionner dans ce sens...

M. Pierre Kunz. Ça n'existait pas !

M. Roger Deneys. Oui, parce qu'il n'y avait pas d'ordinateurs, Monsieur Kunz ! (Commentaire de M. Kunz.)L'économie peut fonctionner, malheureusement - et précisément parce que nous n'allons pas dans le sens du partage du travail - avec 80% de personnes qui travaillent et 20% qui sont au chômage ! C'est ce qui nous attend !

Par ailleurs, il a été dit que les emplois temporaires cantonaux sont un oreiller de paresse et qu'au bout de quelques mois les personnes qui en bénéficient sont complètement perdues, parce que ce n'est pas un vrai travail, parce que cette situation risque de les détruire complètement... A nouveau, je m'inscris en faux contre cette affirmation, car on sait très bien que, pour une personne qui a touché des indemnités de chômage de la Confédération pendant deux ans et qui a l'opportunité de travailler - enfin ! - un emploi temporaire cantonal est quand même un travail; c'est quand même une réinsertion dans le monde du travail ! Et c'est indispensable pour ces personnes !

A propos de la notion de chômage de longue durée, on entend des discours qui se résument à: «yaka» trouver du travail... Mais où trouver du travail ? Pendant les travaux de la commission, nous avons eu l'occasion d'avoir en main une annonce de la «Tribune de l'emploi», datée du 21 avril 2004, pour cinq démonstrateurs, deux chefs d'équipe, un directeur par canton, pour une importante société dans le domaine de la santé et de la nutrition. Et il était marqué en bas de cette annonce, je cite: «chômeurs de plus de six mois, prière de s'abstenir»... C'est cela, la réalité aujourd'hui ! Les entreprises ont une pléthore de candidats et elles ont intérêt à trouver des personnes qui ont déjà un emploi plutôt que des personnes qui ont été exclues du marché du travail pendant un certain temps. C'est pourquoi vos propositions, je le répète, ne résolvent absolument rien !

Le seul objectif de ce projet de loi est de diminuer les coûts cantonaux sur le dos des chômeurs. Et c'est bien pour cette raison que ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, n'est pas un projet de loi pour lutter contre le chômage: c'est un projet de loi contre les chômeurs ! (Applaudissements.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Brunier (S). Certains députés de la droite prônent les notes à l'école... Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, si nous décernions des notes d'explication de texte dans ce parlement, plusieurs d'entre vous auraient des notes catastrophiques ! (Rires et exclamations.)Pour quelle raison ? Durant tous les travaux en commission, vous nous avez dit que vos thèses s'appuyaient sur l'étude de l'Observatoire de l'emploi de l'université de Genève. Et vous nous avez expliqué - en tout cas, ce que vous en avez compris... - que la durée de douze mois en occupation temporaire provoquait un enracinement dans le chômage, que c'était trop long et que les résultats en matière de retour en emploi n'étaient pas convaincants. Pour vous, le remède était simple: il suffisait de supprimer les occupations temporaires et renvoyer les mauvais chômeurs au revenu minimum ! C'était votre logique.

Mais l'étude ne signifie pas du tout cela ! C'est à se demander si vous l'avez lue, si vous l'avez comprise ! Je l'ai reprise, et je vais vous dire ce qu'elle indique: je ne vais pas l'inventer, je vais vous lire quelques petits passages significatifs. La première raison du chômage à Genève est l'âge des chômeurs... Je cite: «L'âge moyen des chômeurs genevois est plus élevé que la moyenne suisse»; également: «A Genève, l'âge élevé est un obstacle au retour à l'emploi beaucoup plus grand que dans le reste de la Suisse». Alors, votre projet de loi ne résout absolument pas ce problème.

Deuxième raison: la stigmatisation des chômeurs. On montre du doigt les chômeurs, et les employeurs ne les engagent plus. C'est ce que vous êtes en train de faire ce soir: vous les stigmatisez encore plus, et ils seront encore moins engagés ! Votre projet de loi ne résout vraiment pas ce problème: au contraire, il l'aggrave !

La troisième raison du chômage à Genève citée dans ce rapport, c'est que les entreprises genevoises disposent d'un réservoir de main-d'oeuvre beaucoup plus important que les autres cantons, notamment avec les cantons frontaliers et la France voisine. Et votre projet de loi ne résout pas non plus ce problème ! (L'orateur est interpellé par M. Gros.)Ah, voilà, au moins un indice ! (Vives exclamations.)M. Gros nous dit qu'il a «tout faux»... C'est bien, vous commencez à le reconnaître; on se rendra compte, au moment du vote, si vous avez toujours cette bonne façon de voir !

L'étude de l'Observatoire de l'emploi ne relève à aucun moment - jamais, et je l'ai lue phrase par phrase - que les occupations temporaires sont néfastes...

M. Pierre Kunz. Si !

M. Christian Brunier. Non, jamais ! Elle ne l'indique à aucun moment !

M. Pierre Kunz. Tu la veux ?

M. Christian Brunier. Monsieur Kunz, elle ne l'indique pas ! (L'orateur est pris à partie.)Madame la présidente... (La présidente agite la cloche.)Le rapport signale simplement qu'elles ne sont pas assez efficaces ! (Exclamation générale.)Comme on vous l'a dit en commission: quand une mesure n'est pas assez efficace, il faut l'améliorer ! Il faut l'améliorer, et pas la jeter à la poubelle, comme vous êtes en train de le faire ce soir !

Voici la conclusion de cette étude: «L'existence des programmes cantonaux d'emplois temporaires n'explique pas à elle seule la durée plus longue du chômage à Genève.» (Exclamations.)Ecoutez, Monsieur Gros ! Je poursuis: «L'effet de ces programmes sur la durée du chômage est indéniable, mais - mais ! - il n'est pas décisif, car plusieurs autres facteurs socio-économiques et institutionnels concourent à allonger les épisodes de chômage genevois.» Et vous ne vous attaquez pas du tout à ce problème avec ce projet de loi ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Votre lecture est donc totalement erronée !

La présidente. Monsieur le député, regardez dans la direction du bureau, c'est préférable ! (Rires.)

M. Christian Brunier. Ils m'agressent, alors je les regarde ! Donc, je le répète: votre lecture de cette étude est totalement erronée ! Face aux problèmes révélés dans cette étude, face à la complexité du chômage, il fallait se mettre autour d'une table pour chercher des solutions. C'est ce que la rapporteure de majorité a dit ce soir à la table des rapporteurs, mais, bien sûr, on ne l'a jamais entendue dire cela en commission... En tout cas, l'attitude qui régnait dans cette commission n'était pas à la concertation... A croire que cette coupe dans les prestations chômage vous arrange ! Et pourquoi? Parce que vous voulez sortir toute une série de personnes des statistiques du chômage ! C'est ça votre programme ! Qu'est-ce que vous avez fait à Berne ? Vous avez restreint les indemnités de chômage de 520 à 420 jours, ce qui vous permet de sortir 3000 chômeurs chaque mois des statistiques du chômage, alors qu'avant seulement 1400 sortaient de ces statistiques. Ainsi, vous avez fait baisser le chômage de 1600 personnes par mois en Suisse, mais c'est artificiel ! Et où sont ces personnes ? Elles sont à l'assistance publique; elles sont en dépression, à l'AI, et vous le savez très bien ! C'est votre programme ! (Remarque.)Comme vous n'arrivez pas à résoudre le problème du chômage, alors que vous avez la majorité au parlement et au gouvernement, le seul moyen que vous ayez trouvé pour faire baisser le chômage, c'est de sortir les chômeurs des statistiques ! C'est la politique que vous menez à Berne, et c'est la politique que vous menez désormais à Genève !

M. Pierre Kunz. Je ne vous réponds pas, Monsieur Brunier !

M. Christian Brunier. Je l'espère bien !

La présidente. Monsieur Kunz, voulez-vous laisser parler M. Brunier !

M. Christian Brunier. Mesdames et Messieurs, durant tous les débats que nous avons eus en commission, et ce soir encore, vos allégations discréditent les chômeuses et les chômeurs. Monsieur Catelain, de l'UDC, vous avez tenu des propos particulièrement indécents, vous avez dit notamment que le chômage représentait un matelas social, que c'était une façon de s'offrir une année sabbatique... Mais connaissez-vous des chômeurs, Monsieur Catelain ? Avez-vous vécu à côté de chômeurs, avez-vous connu le chômage ? (L'orateur est interpellé par M. Catelain.)Eh bien, vous en tirez de drôles d'enseignements ! Et l'UDC défend le peuple sur les affiches, mais pas dans la réalité !

La présidente. Monsieur le député, vous avez déjà parlé durant six minutes trente !

M. Christian Brunier. Oui, j'arrive à la fin de mon intervention.

Je conclurai par rapport à vos propos, Monsieur Kunz ! Lors de la dernière session qui a été largement consacrée aux finances publiques, M. Kunz nous a dit que la patronne des finances gérait mal les finances... Que le Conseil d'Etat était incapable de gérer les finances genevoises... Et il nous dit aujourd'hui que le Conseil d'Etat, avec une majorité de droite, avec un démocrate-chrétien à la tête de l'économie, est complètement incapable de gérer la politique de l'emploi à Genève... Alors je vous le demande: comment choisissez-vous vos alliés politiques ? (Exclamations.)

La présidente. Vous devez terminer, Monsieur le député !

M. Christian Brunier. Vous avez fait campagne avec cette majorité prétendument pour améliorer la situation à Genève, et, aujourd'hui, vous reconnaissez votre échec...

La présidente. Monsieur le député, il faut clore votre intervention !

M. Christian Brunier. Je conclus ! Alors, vous reconnaissez votre échec et vous êtes en train de faire payer les plus défavorisés de ce canton ! La dernière fois, c'étaient les personnes âgées, en leur ajoutant une taxe sur les transports publics; aujourd'hui, ce sont les chômeurs ! (Exclamations.)Au niveau budgétaire, vous savez très bien que vous vous attaquez aux plus faibles, tout cela pour privilégier les nantis de ce canton en baissant les impôts ! C'est honteux ! (Applaudissements.)

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je serai assez brève. Mme Von Arx-Vernon a largement exprimé l'opinion de la majorité de la commission de l'économie et, également, du PDC.

M. Brunier a fait référence - et d'autres aussi - à une étude, or deux études ont été réalisées, sur lesquelles s'est basée la commission de l'économie pour mener ses travaux. Et ces études montrent que le système mis en place actuellement à Genève en matière de traitement du chômage pose problème. Mais ce n'est pas le seul point de départ des travaux de la commission, il y a d'autres constats.

Tout d'abord, le chômage à Genève est récurrent et il est le double de la moyenne nationale... Le double ! Les autres cantons arrivent à diminuer leur taux de chômage, mais à Genève on n'arrive pas à faire face et le chômage continue d'augmenter ! Alors peut-être Genève est-elle dans une situation particulière en tant que canton frontière, ce qui n'est pas forcément le cas des cantons de Suisse centrale, mais d'autres cantons, qui sont également des cantons frontières, arrivent néanmoins à résoudre leur problème de chômage. En tout cas, ils le résolvent mieux qu'à Genève !

Un autre constat doit être fait: la pression de Berne à l'encontre du système mis en place par Genève, système qui maintient artificiellement des prestations de chômage durant cinq ans au lieu de deux. Et je dois dire que la pression ne vient pas que de Berne - elle devrait aussi venir des autres cantons suisses. En effet, j'imagine aisément que les autres cantons suisses, qui ont empoigné le problème du chômage d'une autre façon, ne doivent pas être ravis de voir qu'ils subventionnent, en quelque sorte, le système artificiel utilisé à Genève, qui, finalement, conduit à l'exclusion des chômeurs.

Ces constats sont les différents points de départ de la commission de l'économie et des députés qui ont déposé ce projet de loi, points de départ dont il faut tirer des conclusions. Nous avons alors décidé qu'il fallait revoir le système de chômage à Genève, et notamment casser - ce qui déplaît à la minorité, triplement représentée à la table des rapporteurs - le mécanisme qui permet précisément de maintenir des prestations durant cinq ans et qui, de plus, ne favorisent même pas la réinsertion des chômeurs !

On nous parle de dignité... Pour le parti démocrate-chrétien, pour moi-même et, j'imagine, pour une immense majorité de ce parlement, la dignité des chômeurs passe par un emploi, et nous devons tout faire pour les aider à retrouver un emploi... (Exclamations.)... et non les maintenir artificiellement dans un système qui finira par les exclure totalement ! Ce que fait le système actuel !

Nous avons donc mis fin à ce système pervers à travers cette nouvelle loi et nous avons axé les mesures à prendre sur la réinsertion et la formation des chômeurs.

Tout à l'heure, les emplois temporaires ont été qualifiés de différentes façons... Je vous rappellerai qu'auparavant les emplois s'appelaient «occupations»... Et c'était vraiment ça: il fallait, en quelque sorte, occuper les gens pour faire le pont entre deux périodes de chômage fédéral ! Eh bien, nous ne voulons plus occuper les chômeurs: nous voulons donner aux chômeurs une vraie chance de retrouver une place sur le marché du travail, parce que c'est ce qu'ils désirent également ! (Exclamations.)

Et c'est pour cela que nous soutiendrons ce projet de loi, qui va dans la bonne direction. Il n'est certainement pas parfait, mais qui a des instruments parfaits en matière de lutte contre le chômage ? A mon avis, personne ! En tout cas, je suis persuadée que ce projet permettra de mieux réinsérer les chômeurs et, en cela, il est véritablement digne. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). La situation actuelle est totalement inacceptable... Il est effectivement inacceptable, comme l'a dit ma collègue et d'autres avant elle, que le taux de chômage à Genève soit le double de celui observé dans les autres cantons suisses et qu'il y ait, par ailleurs, moitié moins de sanctions.

L'objectif de ce projet de loi est modeste... (Exclamations.)Il est modeste: il ne s'attaque qu'à une des causes du fort taux de chômage que nous connaissons à Genève. Il aurait du reste été possible, à certains beaux esprits qui le critiquent, de déposer d'autres projets de lois... Cet objectif est d'éviter la trappe du chômage - qui peut durer cinq ans - car les gens se retrouvent hors du marché du travail, ce qui conduit à l'exclusion sociale. Et de cela, nous ne voulons pas !

Deux rapports ont été faits - et non pas un seul - dont un par la commission d'évaluation des politiques publiques. Ce dernier établit que le système genevois des emplois temporaires est responsable de 8,7% - presque 9% - du taux de chômage cantonal, ce qui signifie en gros que, sans le système des ETC, nous aurions 1500 personnes en moins au chômage aujourd'hui... (Exclamations.)Pour quelle raison ? Il suffit de lire - ce que M. Brunier n'a pas fait parce que dans sa bibliothèque, comme dans celle d'un président américain brocardé, il n'a qu'un livre et, probablement, n'est-il pas encore colorié... (Exclamations.)- je cite: «Selon les calculs effectués, l'évaluation de l'effet des emplois temporaires cantonaux sur la durée, par conséquent sur le taux de chômage genevois, s'échelonnerait entre un minimum de 1% et un maximum de 12,5%. Il convient de tenir également compte des réinscriptions dues aux emplois temporaires cantonaux, qui, entre 1998 et 2001, ont varié entre un minimum de 4,2% et un maximum de 6,3%. En additionnant ces deux effets, on obtient finalement un effet total dont la valeur médiane s'élève à 8,7%.» Cela figure à la page 33 de ce rapport ! Ce rapport nous indique, quelques pages avant: «68% des chômeurs se sont inscrits dans le système des emplois temporaires cantonaux pour avoir un nouveau droit aux indemnités fédérales de chômage». Il s'agit donc d'éviter qu'il y ait 1500 chômeurs de plus à Genève en distinguant les populations de chômeurs: d'une part, les chômeurs réinsérables par le biais des allocations de retour en emploi; d'autre part, les chômeurs «formables» et «reformables» par les mesures de formation que nous avons suggérées - que le département a aussi décidé de proposer - et, enfin, les chômeurs qui ne sont pas aptes à reprendre un emploi, mais pour lesquels existe un filet social sous forme de différents dispositifs, notamment le RMCAS.

Certes - certes, me direz-vous - le RMCAS aura aussi un coût, mais la loi cantonale sur le chômage aussi: de l'ordre de 70 millions. Cela s'explique facilement, puisque chaque chômeur au bénéfice d'un emploi temporaire cantonal, touche en moyenne un salaire, à 80%, de 4000 F par mois.

Le projet de loi que nous vous soumettons est une solution graduelle, avec un accent mis sur la formation et sur les allocations de retour en emploi. Dans ce sens, il mérite d'être soutenu.

Mais, avant de conclure, j'aimerais faire quelques remarques sur les rapports de minorité. D'abord, sur celui de Mme Lavanchy qui reconnaît au passage - et je l'en remercie - que les emplois temporaires cantonaux sont partiellement responsables - elle le dit à la page 169 de son rapport - du taux de chômage actuel. C'est un discours qui n'est pas dogmatique et qui, de ce point de vue, est tout à fait différent de celui des députés, qui n'ont probablement pas lu ce qu'elle a écrit...

Mais il ne faut pas pour autant vous opposer systématiquement au projet de loi qui vous est soumis sous prétexte d'un tabou: la nécessaire reconduction automatique du droit aux allocations fédérales.

Pour ce qui est du rapport de M. Hodgers, il est, j'allais presque dire «sympathique» dans son syncopage de notions théoriques, quand il parle, à propos de l'appétence qu'il brocarde facilement, d'un mélange d'idéologie néolibérale à la sauce soviétique... Mais, passons !

Passons, pour dire que le projet de loi qui vous est soumis peut certes nous donner quelques regrets, notamment en ce qui concerne les indemnités versées, qu'une vraie prise en considération du temps de travail ne soit pas complète encore aujourd'hui. On peut aussi regretter que l'on ne s'occupe pas suffisamment de l'appétence des chômeurs, c'est-à-dire de leur volonté de retrouver un travail, et peut-être un peu trop de la compétence des personnes. Je crois que l'une et l'autre doivent être prises en considération.

Pour ma part, j'ai trois convictions, et c'est ainsi que je terminerai, Madame la présidente. La première, c'est que la loi actuelle est un échec et qu'il faut revenir aux intentions du législateur, notamment à ce qu'avait dit Jean-Philippe Maitre, quand il était sur ce banc, lorsqu'il avait présenté le projet avant qu'il ne fût dénaturé par certains dans cette salle il y a quelques années.

Deuxième chose: la loi que nous vous proposons, cette loi nouvelle, est porteuse d'espoir pour ceux qui n'auront pas affaire à cette exclusion du marché du travail, à cette trappe du chômage dont je parlais. C'est une raison pour soutenir ce projet de loi.

J'allais dire à titre personnel, Madame la présidente, que c'est une raison d'autant plus grande que, moi-même, dès mon entrée dans ce parlement, je m'étais fixé comme intention de déposer un tel projet de loi. Aujourd'hui ce projet de loi est devant vous, et je crois que, pour le bien des chômeurs, il serait bon qu'il soit approuvé. C'est avec cette dernière conviction que je termine mon intervention. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Monsieur Weiss - vous l'imaginez bien - je m'inscris en faux par rapport à ce que vous venez de dire !

Je constate que le projet que vous avez déposé s'attaque à la loi cantonale sur le chômage et, plus particulièrement, à la partie qui concerne les personnes en fin de droit fédéral... C'est attendre que les personnes soient dans une situation critique pour les attaquer et supprimer leurs droits... Vous ne voulez pas savoir ce qui se passe au niveau de l'OCE, vous ne voulez surtout pas réformer en amont et prendre les mesures adéquates, ce que nous le regrettons très fortement ! Vous donnez l'impression de vouloir vous attaquer systématiquement aux personnes les plus faibles, dans une situation précaire, et seulement à ces personnes-là !

Nous souhaiterions que des restructurations soient envisagées pour permettre aux chômeurs de retrouver plus rapidement un emploi. Je vous entends souvent parler de surveiller et de sanctionner les chômeurs... Par contre, quand nous proposons de surveiller et de sanctionner les entreprises, vous nous dites invariablement que trop d'administration paralyse la vie économique ! Le système actuel «fabrique» de bons chômeurs - des personnes qui répondent à des critères administratifs - alors que nous devrions être dans une dynamique qui les incite à retrouver un emploi... Et nous le regrettons également !

Deuxième volet à relever: l'amendement du département. Ce qui nous choque, c'est cette volonté d'attaquer une fois de plus les petits indépendants. Le Conseil d'Etat a en effet décidé d'«enfoncer» encore un peu plus les petits indépendants alors qu'ils se trouvent déjà dans une situation précaire... Je suis surpris. Parce que, quand un boucher fait faillite, il va, à un moment ou à un autre, pouvoir bénéficier d'une ARE et travailler dans une grande surface... Il me semble qu'il vaudrait mieux l'aider à se remettre à son compte.

Bien évidemment, nous refuserons l'amendement du département.

M. Alberto Velasco (S). A ce stade, beaucoup de choses ont déjà été dites... Il ne faut pas se répéter, mais j'insisterai toutefois sur le fait que, jusqu'à présent, aucune enquête n'a été effectuée, ni par l'université, les députés, ou le département, pour savoir si les personnes qui ont bénéficié des emplois temporaires étaient contentes ou pas. Pourtant, cela aurait été intéressant - pour nous, les députés - de connaître leur avis à ce sujet, car elles sont bien placées pour le donner.

Je ferai une deuxième remarque, Mesdames et Messieurs les députés, par rapport aux propos tenus par nos collègues M. Kunz et M. Weiss, selon lesquels ces personnes se complairaient, en quelque sorte, dans leur situation de chômeurs... Ce qui n'a pas été dit, c'est qu'un chômeur touche au début 80% de son dernier salaire, ce qui représente une perte de 20%. Ensuite, quand il est en emploi temporaire, il ne touche que 70% du dernier salaire.

M. Pierre Kunz. Ce n'est pas vrai !

M. Alberto Velasco. Si, Monsieur Kunz, je peux vous le garantir ! Et, après cet emploi temporaire, pour la deuxième période de chômage, il touche 80% de son dernier salaire en emploi temporaire. Conclusion, Monsieur Kunz, il se retrouve à 45% de son salaire initial ! (Exclamations.)Ce qui veut dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'une personne dont le salaire est de 7000 F va toucher, en fin de course, 3000 F. Eh bien, je connais peu de chômeurs qui se complaisent dans cette situation, car ils doivent vivre avec beaucoup moins pendant des années, ou qui sont heureux d'être chômeurs. En ce qui me concerne, je n'en ai pratiquement jamais rencontré. (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)Alors, vous êtes d'accord, Monsieur Kunz, que pour la plupart des citoyens, le chômage est une situation désagréable !

Sincèrement, je pourrais vous suivre, Monsieur Kunz, lorsque vous dites que les emplois temporaires d'une durée d'un an n'ont pas donné les résultats escomptés... C'est peut-être un peu cynique, mais il est vrai que le but de leur mission de formation n'a pas été atteint. Par contre, ils ont permis de rendre leur dignité à bien des chômeurs. Car je peux vous le dire: travailler pendant une année avec des collègues alors qu'ils ont été isolés pendant deux ans, avoir un horaire, des contacts, c'est très important pour eux. Certes, si la mission de formation avait pu être réalisée, cela aurait été mieux.

Madame la rapporteure de majorité, vous avez noté dans votre rapport trois mesures qui me semblent très intéressantes - dont la formation, etc. - mais on pourrait déjà les appliquer ! Rien n'empêche de le faire, et il n'est pas nécessaire de réduire la durée des emplois temporaires de six mois pour cela !

Et puis, Mesdames et Messieurs les députés, si le marché de l'emploi était porteur, je serais le premier à dire qu'il faut stopper ces aides et obliger les chômeurs à retrouver un travail. Mais le problème - le président du département nous le confirmera tout à l'heure, nous en avons parlé l'autre soir - c'est qu'une grande partie des chômeurs ont une très bonne formation, ce sont des universitaires ! Je peux vous le garantir, Monsieur Weiss ! Il n'est donc pas nécessaire de porter l'accent sur la formation, le problème n'est pas là, Monsieur Weiss ! (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Le problème est qu'au bout de six ou sept mois de chômage, ces personnes doivent se réadapter à la vie professionnelle et retrouver une certaine assurance. Mais ce n'est pas avec votre mesure, consistant à réduire la durée de six mois, que vous allez modifier l'appétence - comme vous dites - à l'emploi ! Absolument pas ! Après une année en emploi temporaire, ces personnes sont aptes à travailler, puisqu'elles l'ont fait en milieu professionnel pendant une année !

Pourquoi n'arrivent-elles pas à retrouver un travail ? Pourquoi n'arrive-t-on pas à les placer ? Pourquoi ? Répondez-nous, Monsieur Weiss ! Pourquoi ? Moi, je me le demande ! J'ai vécu cette situation, Monsieur Weiss, comme d'autres citoyens, et la formation n'a rien à voir dans cette situation ! Ce qui se passe, c'est qu'aujourd'hui 20'000 personnes sont à la recherche d'un emploi pour 1000 postes sur le marché de travail ! C'est une simple question d'offre et de demande, et la demande est beaucoup plus importante que l'offre: c'est tout !

Monsieur le président du département, vous nous direz aussi, à propos des ARE dont nous avons beaucoup parlé - et comme vous me l'aviez indiqué l'autre soir - qu'un grand effort a été fourni à ce niveau, mais que, malgré cela, les patrons n'ont pas suivi. C'est important de le relever ! Croyez-vous que le patronat genevois va suivre les suggestions du département au niveau des ARE ? Qu'allez-vous entreprendre pour les obliger à le faire ? Vous ne pouvez pas obliger un patron à accepter une telle offre... (L'orateur est interpellé.)Les inciter ? Mais pourquoi pas aujourd'hui ?! (Exclamations.)Pourquoi les personnes que vous avez mises en situation difficile n'auraient-elles plus droit aux ARE ? Je ne vois pas pourquoi ! Monsieur le président du département, j'espère que vous répéterez tout à l'heure les informations que vous m'avez données à l'intention des députés libéraux, parce qu'ils n'ont pas l'air d'être au courant !

Je considère que la solution que vous proposez n'est vraiment pas adaptée à notre canton. Je pense qu'il faut conserver les emplois temporaires...

La présidente. Monsieur le député, vous devez conclure, s'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. Tout de suite, Madame la présidente ! Il faut maintenir la durée des emplois temporaires à douze mois, en attendant que l'économie et les grands patrons - présents dans ce Grand Conseil - nous créent des dizaines et des dizaines de postes de travail !

Mme Loly Bolay (S). Ce n'est pas la première fois que nous avons un tel débat dans ce plénum - débat passionné, il faut bien le dire...

Nous vivons, Mesdames et Messieurs les députés, dans un pays qui a le culte du travail, donc forcément que les personnes sans travail sont des pestiférées - comme le dirait M. Catelain: «des fainéants, des gens qui ne veulent pas travailler»... Tout cela, parce que, lorsque la loi sur le chômage a été établie - il n'y avait presque pas de chômage, c'étaient les années de haute conjoncture - les chômeurs étaient des personnes qui avaient un handicap, qui n'étaient pas intégrés dans la vie professionnelle. Depuis, cette loi traîne des archaïsmes, dont un consiste à prétendre qu'un chômeur est forcément responsable de sa situation !

Depuis 1990, 20'000 emplois ont été supprimés rien que dans les milieux bancaires ! Mesdames et Messieurs les députés, 20'000 emplois en Suisse ! Depuis les bilatérales, le phénomène s'accentue: 20'000 chômeurs sont inscrits au chômage à Genève; par contre, il y a 60'000 frontaliers... Cherchez l'erreur ! Il y a tout de même un problème ! Alors, dire que les chômeurs à Genève sont des fainéants ou des gens sans formation est totalement faux !

Mme Ruegsegger nous dit qu'il faut que les chômeurs fassent un effort pour retrouver un emploi... Moi, je vous retourne cette affirmation, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face - puisque vous êtes plusieurs, ici, à représenter les syndicats patronaux - pourquoi ne rappelez-vous pas à vos clients leur devoir moral d'engager des chômeurs ? Pourquoi n'allez-vous pas prêcher la bonne parole et les convaincre que c'est un devoir pour eux ? Que, s'ils travaillent vraiment pour la République et canton de Genève, ils doivent engager des chômeurs, qui ne veulent qu'une chose: retrouver un emploi !

Mesdames et Messieurs les députés, on nous a dit tout à l'heure que les emplois temporaires ne servaient à rien... Or, vous le savez pertinemment, certains départements de l'Etat - par exemple, le département de justice et police ou l'hôpital - ne pourraient tout simplement pas fonctionner sans eux !

J'accorde toutefois à M. Weiss - et je l'avais dit à l'époque à la commission de l'économie - que les ARE sont effectivement un moyen d'engager des chômeurs et leur donner une formation. Monsieur le président du département, vous dites que vous avez adressé des courriers aux entreprises... Mais ce n'est pas comme cela qu'il faut s'y prendre ! Il faut se rendre dans les entreprises ! Il faut vendre notre main-d'oeuvre, d'autant plus quelle est qualifiée ! Il ne faut pas vous contenter de solliciter les entreprises par courrier ! Surtout qu'elles en reçoivent énormément, comme vous le savez !

Le problème de l'assurance-chômage est le suivant, et nous l'avons dit depuis longtemps: les cours de formation sont des cours d'appoint. Il n'y a pas véritablement de reconversion prévue, et c'est là que réside le problème, Mesdames et Messieurs les députés !

Je vous le dis: les rapporteurs de majorité de minorité ont raison de se battre, parce qu'aujourd'hui le problème du chômage à Genève est grave. Il y a 20'000 chômeurs à Genève, et nous ne pouvons pas continuer comme cela ! Et nous avons, vous comme nous, le devoir de faire en sorte que le chômage diminue ! Et c'est à vous, représentants de l'économie genevoise, maintenant, de prendre le taureau par les cornes et de faire votre devoir ! (Exclamations.)Ce que vous n'avez pas fait jusqu'à maintenant, mais je vous le demande avec force, ainsi que de montrer l'exemple ! (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Je m'associe à celles et ceux qui dénoncent aujourd'hui cet acte indigne consistant à mettre fin aux prestations sociales de celles et ceux qui subissent le fléau du chômage.

Je dirai simplement qu'hier soir, en attendant le bus en bas de la rue de la Servette, une dame d'une quarantaine d'années - bien de sa personne, parlant bien le français, véritablement de chez nous - est venue vers moi me demander une pièce... C'est terrible ! C'est terrible de penser qu'à Genève des concitoyennes et des concitoyens en soient réduits à demander 1,30 franc ! C'est terrible ! Et vous considérez aujourd'hui qu'il faut supprimer ce filet social...

Je ne veux pas intervenir davantage, parce qu'il a déjà été dit beaucoup de choses. J'aimerais toutefois m'associer à une ou deux interventions selon lesquelles le Conseil d'Etat a complètement échoué dans sa politique de l'emploi.

Il est extrêmement grave de constater un pareil taux de chômage à Genève, avec la situation économique que nous connaissons ! Que cela signifie-t-il ? Cela signifie que les chefs d'entreprises ne veulent pas engager des travailleurs qui pourraient faire l'affaire, alors que les entreprises se portent bien... Ils veulent des personnes - pour reprendre le jargon habituel de nos dirigeants de l'économie - les «plus performantes possibles». La conséquence, c'est que toute une série de personnes sont laissées sur le carreau et ne trouvent pas de travail. Et le Conseil d'Etat assume une très lourde responsabilité dans cet état de fait, notamment en ayant, ces dernières années, ouvert les vannes d'accès au marché du travail local aux travailleurs frontaliers d'une manière totalement inconsidérée !

Lorsque j'étais au Conseil d'Etat, je me souviens de ce que les magistrats s'inquiétaient du nombre de travailleurs frontaliers: 30'000 travailleurs, c'était déjà significatif... Eh bien, ce nombre n'a fait qu'augmenter pour atteindre aujourd'hui, si je ne me trompe, celui de 42'000 travailleurs - 42'000 ! - qui franchissent la frontière tous les jours !

M. Jean-Michel Gros. C'est de la xénophobie !

M. Christian Grobet. Je ne fais pas de xénophobie, Monsieur Gros ! Je suis solidaire des gens de tous les pays du monde, mais on ne peut pas aller chercher de la main-d'oeuvre - que l'on paye moins cher, forcément, de l'autre côté de la frontière - et enlever des possibilités de trouver un travail à celles et ceux qui vivent dans notre canton: Confédérés, étrangers ! Ça ne va pas ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

En outre, le Conseil d'Etat n'a pris aucune mesure en prévision de ce qu'on nous présente comme étant un grand avantage pour Genève, à savoir la libre circulation des personnes dans les pays de l'Union européenne... Lorsque je siégeais au Conseil national, je suis intervenu pour que l'on prenne garde aux conséquences de ce traité sur la liberté de déplacement et sur l'appel de travailleurs étrangers, qui provoquerait le dumping social et, surtout, le chômage. J'ai vainement tenté de faire modifier la loi pour que les Conseils d'Etat cantonaux puissent adopter de leur propre chef des règlements fixant les salaires, comme la loi fédérale le prévoit lorsqu'il n'y a pas de conventions collectives. Même si le Conseil d'Etat connaît, c'est vrai, le handicap de devoir obtenir l'accord des partenaires sociaux pour édicter des règlements sur les salaires. C'est une difficulté, mais il faut bien que le Conseil d'Etat fasse quelque chose...

On constate que les conventions collectives ne sont pas renouvelées, que le patronat est en train de démanteler un système qui était la fierté de notre pays - il a été créé dans les années 30. Tout le monde pensait qu'il n'était pas nécessaire que la loi du travail soit très développée, en raison de l'institution des conventions collectives... Eh bien, aujourd'hui, le patronat ne veut plus les renouveler ! Pour instaurer la loi de la jungle !

Vous souriez, Monsieur Lamprecht... Excusez-moi de vous le dire, mais, à votre place, je ne sourirais pas... (Exclamations.)Parce que la situation est grave ! Et vous le savez sur les bancs d'en face - vous particulièrement, Monsieur Weiss, qui m'interrompez ! Puisque vous siégez dans les syndicats patronaux, vous êtes bien placé pour savoir quelle est la politique menée par vos milieux ! (Exclamations.)Qui dénoncent les conventions collectives, qui ne les renouvellent pas et qui s'opposent à en faire de nouvelles ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Alors, l'intervention de l'Etat est pourtant le seul moyen de préserver les salaires et d'éviter le dumping salarial ! Mais ça ne suffit pas ! Le Conseil d'Etat a la possibilité - Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Etat, je m'adresse à vous - de prendre un certain nombre de mesures visant à imposer l'engagement prioritaire des travailleurs de ce canton qui sont au chômage, avant de faire venir des personnes de l'étranger ! Vous pouvez très bien le faire !

J'ai entendu qu'il fallait encore faire venir je ne sais combien de cadres d'une grande société multilatérale à Genève, alors que nous sommes en pleine crise du logement... Eh bien, il faudrait fixer précisément des conditions pour que les employeurs trouvent des logements à ces personnes avant qu'elles n'arrivent à Genève ! A ma connaissance, le Conseil d'Etat n'a rien fait; il a laissé faire, il a montré une passivité totale... Et la situation est désastreuse: le taux de chômage en Suisse est inégalé et 20'000 personnes se trouvent dans le désarroi le plus total à Genève ! Et vous choisissez ce moment-là pour proposer de supprimer ce filet social, en prétendant qu'il n'est plus nécessaire... Cette décision est indigne !

Nous verrons bien ce que dira le peuple, car, finalement, c'est lui qui tranchera, puisqu'un référendum sera lancé.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur Grobet. La parole est à Mme la députée Salika Wenger... qui n'est pas là. J'imagine donc qu'elle renonce.

Monsieur Jacques Jeannerat, vous avez la parole.

M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs des rangs de la gauche, par vos propos, par vos idées, votre seule ambition, en réalité, c'est de figer les demandeurs d'emploi dans le chômage ! Aucune étude, pas même celle du célèbre et respectable professeur Yves Flückiger, ne montre que le maintien des demandeurs d'emploi dans le système que vous défendez aide les chômeurs à retrouver leurs repères dans le monde du travail.

Les occupations temporaires doivent être remplacées par les allocations de retour en emploi ! (Exclamations.)C'est la seule et véritable mesure incitative pour réinsérer les demandeurs d'emploi dans le monde du travail ! Avec les propos que vous tenez, vous prenez en otage les chômeurs pour développer vos thèses gauchistes ! Les chômeurs n'en ont «rien à foutre» de vos occupations temporaires ! (Exclamations.)Ce qu'ils veulent, c'est retrouver un emploi ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)

M. Pierre Guérini (S). Pour résoudre la problématique du chômage, la seule solution efficace est, à mon avis, celle du «gagnant-gagnant» - «win-win», en anglais... Or ce n'est pas dans ce sens que va ce projet de loi: il ne génère que des perdants ! Et les principaux perdants sont d'abord les chômeurs - cela a été dit et redit - et ensuite les employeurs... Combien de personnes sont employées dans des institutions caritatives ou à l'hôpital, par exemple ?

Aucune statistique ne figure dans le rapport sur ce projet de loi, il ne donne que des valeurs globales, et nous ne savons absolument pas où sont employées ces personnes, quel est leur niveau de compétence, et, en fonction de ce dernier, quel est leur emploi...

Je dois relever un troisième point, malheureux, je veux parler des propos qui ont été tenus par les députés de droite: ils ne font que stigmatiser les chômeurs, une fois de plus. Les chômeurs n'ont pas choisi d'être chômeurs: ils ont leur dignité ! Avant la crise du chômage, il y avait - c'est vrai - entre 0,4 et 0,6% de chômeurs que l'on appelait «chômeurs professionnels», mais c'était dans les années 60 à 70 ! Et durant cette période, l'emploi explosait: le seul problème des étudiants à la fin de leurs études était de choisir leur emploi... Or la société a évolué, on n'en est plus là. Et, la plupart du temps, ceux qui n'ont plus d'emploi n'en sont pas responsables.

Autre élément que je voudrais signaler, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que le chômage ne se combat pas seulement quand il est là ! Il faut commencer à le combattre à l'école, par le biais de l'enseignement dispensé aux enfants ! Et les projets de loi que vous avez déposés jusqu'à présent par rapport à l'école vont dans le sens d'une école qui sera une fabrique de futurs chômeurs !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Certains d'entre vous ont utilisé ce soir ou dans les divers rapports des expressions telles que «sombrer dans l'assistance» ou «on ne peut pas tomber plus bas que l'assistance»... Je pense - et j'espère - qu'il ne s'agit que de maladresses de langages auxquelles je vous invite à prendre garde.

Devoir recevoir des prestations, qu'elles soient d'assistance ou d'aide sociale, pour subvenir à ses besoins vitaux est une démarche éminemment difficile, à laquelle sont confrontées quotidiennement un certain nombre de personnes. Il serait donc particulièrement irrespectueux de ne pas en tenir compte étant donné la détresse et les difficultés qu'elles doivent affronter.

Banaliser cette démarche ou la stigmatiser n'est pas une solution... M. Catelain évoquait tout à l'heure ces aides comme étant des «matelas» que certains, selon lui, répugneraient à quitter... Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de vous dire qu'il s'agit plutôt d'une planche à clous et qu'elle n'est en aucun cas confortable ! Car elle est particulièrement inconfortable, cette situation de chômeur de longue durée ! Cette situation qui vous renvoie de refus en refus, à la désinsertion professionnelle et à la précarité financière. Et cela est d'autant plus vrai lorsque l'on se prépare à appliquer les normes intercantonales en matière d'aide sociale, comme cela est prévu au budget de l'Etat dès 1995.

Il a été dit ici à plusieurs reprises que la réduction ou la suppression des emplois temporaires conduirait de nombreux chômeurs vers l'aide sociale... Oui, cela est vrai ! Mais il y en aura beaucoup moins si l'on abaisse le montant du minimum vital, comme le prévoient les normes intercantonales d'aide sociale. De là à penser que ceci ne sert qu'à cela, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement ! Et c'est une manoeuvre que je dénonce énergiquement ! Et croyez bien que nous aurons l'occasion d'y revenir !

Pour conclure, améliorer l'accompagnement des chômeurs est plus que bienvenu, mais pourquoi n'incriminer que les mesures cantonales ? Pourquoi ne pas s'inquiéter de la faible proportion des mesures fédérales mises en oeuvre ? Car c'est là un autre aspect du problème, c'est-à-dire le caractère tardif des mesures d'aide à la réinsertion professionnelle.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, améliorer la loi sur le chômage ? Oui ! Renforcer les mesures d'accompagnement ? Oui, encore ! Mais condamner les exclus du marché du travail à la précarité ? Sûrement, non ! Appauvrir les plus pauvres ? Encore moins !

C'est pour ces motifs que je vous invite à préserver l'issue présentée par les emplois temporaires et à accepter les amendements qui seront présentés par Mme Lavanchy. (Applaudissements.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je crois que personne n'est dupe des objectifs de la droite, qui remet en cause la loi actuelle sur le chômage. Le cynisme de la droite a éclaté, une fois de plus, au grand jour... Je vais vous donner un premier exemple.

Tout à l'heure, M. Kunz a fait l'éloge dithyrambique des allocations de retour en emploi, comme étant les seules efficaces, etc. Puis, M. Jeannerat en a remis une couche après lui... Voici ce que je lis en page 15 du rapport concernant ce projet de loi: «En 1997, il est rappelé que les radicaux s'étaient déjà opposés à cette loi...» - cela fait déjà quelques années que les radicaux participent à l'entreprise de démantèlement social. Je poursuis: «... tant il s'avérait déjà, pour eux, à cette époque, que le moyen des ARE - allocations de retour en emploi - serait inefficace et qu'elles constituaient une escroquerie à la Confédération.» Alors, il faut savoir ! Quelle est la position des radicaux ? Les allocations de retour en emploi sont-elle très efficaces, etc., ou faut-il les dénoncer, comme vous le faisiez à-tout-va à ce moment-là ? Je ne sais plus quelle est la position du parti radical... Elle change d'un jour à l'autre, d'une intervention à l'autre !

Mesdames et Messieurs, la réalité est que, lorsque nous parlons des emplois temporaires, du chômage, de la situation actuelle difficile, je n'entends aucun représentant de la droite dénoncer les responsables du chômage... Dénoncer, par exemple, ces «responsables d'entreprises» qui font d'énormes bénéfices et qui suppriment des milliers d'emplois ! M. Iselin a l'habitude de parler avec admiration de ces «capitaines de l'industrie et de l'économie»... Combien de ces capitaines ont laissé sombrer le bateau en emportant la caisse ? Mais on n'en a pas entendu parler ! Beaucoup d'entre eux - et vous le savez - ont précarisé, fragilisé, puis coulé leur entreprise et sont partis avec des millions ! Mais, dans ces cas-là, les représentants de la droite ne disent pas un mot pour les dénoncer, alors qu'ils sont précisément responsables du chômage !

Je me souviens, lors d'une manifestation de la fonction publique il y a quelques années, avoir entendu des responsables libéraux de haut niveau appeler les chômeurs à venir protester contre les manifestations de la fonction publique... Maintenant, vous ne leur suggérez pas de protester contre ceux qui les licencient, vous voulez les dresser contre ceux qui ont un emploi ! Et vous dites que, si les chômeurs sont au chômage, c'est de leur faute ! Bientôt, ce sera la même chose pour les malades... Pour vous, quand les gens sont dans une situation difficile, c'est leur faute, même si je dois reconnaître que certains d'entre eux en sont responsables. Mais les vrais responsables de la plupart des drames que nous connaissons aujourd'hui, ce sont vos protégés ! Ce que vous cherchez, justement, c'est que la société soit entièrement dévouée au culte du capital, au culte du profit, au culte de l'argent, pour que ceux que vous représentez soient toujours plus riches et pour que les autres soient toujours à leur service. Eh bien, nous ne sommes pas du tout d'accord avec cela ! Nous ne l'avons jamais été, et nous ne le serons jamais ! Nous ne voulons pas du démantèlement social que vous êtes en train de mettre en place en prenant ce genre de dispositions.

Et vous, Mesdames et Messieurs qui faites la comparaison avec d'autres cantons, vous oubliez de dire qu'à Genève plus de 1500 milliards - pas des francs: des milliards ! - sont gérés par les institutions financières genevoises ! Ce n'est pas rien, 1500 milliards ! Ce n'est pas le cas dans les autres cantons... (Brouhaha.)Nulle part ailleurs, il y a autant d'argent qu'à Genève ! (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Monsieur Weiss, vous pouvez lire les publications issues de vos milieux... (Remarques. Le président agite la cloche.)Voilà, il peut le confirmer ! Il était écrit l'autre jour dans la «Tribune de Genève», par rapport aux publications des milieux bancaires, que 3200 milliards sont gérés en Suisse, dont plus de la moitié à Genève ! Il n'y a jamais eu autant d'argent, et, malgré cela, il y a 7,2% de chômeurs, ce qui est inadmissible !

Ce qui est recherché dans cela, Mesdames et Messieurs, c'est tout simplement le dumping salarial ! C'est le démantèlement social ! Et il est complètement irrationnel de dire que les emplois temporaires coûtent de l'argent ! Parce qu'ils sont occupés par des personnes qui fournissent un travail ! Elles ne sont pas en train de se tourner les pouces comme ceux qui surveillent la progression de leur capital et de leur fortune, en se baladant d'une île à l'autre, en s'ennuyant, en ne sachant pas comment passer le temps ! Non, Messieurs, ces personnes travaillent ! Pas plus tard qu'hier, Monsieur Weiss - vous étiez présent lors de leur audition - les représentants du pouvoir judiciaire s'inquiétaient, justement, de la suppression de ces emplois temporaires, parce que les personnes employées dans ce cadre sont extrêmement utiles. Ce sont des êtres humains qui fournissent du travail, et un travail utile ! Sans ces personnes, les prestations à la population diminuent.

Vous cherchez à vous attaquer aux salaires des travailleurs, aux personnes victimes de votre système, c'est-à-dire les chômeurs ! Vous vous attaquez aux prestations des aînés; vous vous attaquez aux prestations de l'école publique; vous vous attaquez aux prestations dans le domaine de la santé; vous vous attaquez à la fonction publique; vous vous attaquez à tout ce qui pourrait représenter un frein à l'enrichissement de ceux que vous représentez ! Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés de droite, vous pourrez voter ce que vous voulez, mais nous serons toujours là pour combattre votre politique de démantèlement social ! Vous pourrez gagner ce soir, vous pourrez gagner encore deux fois, trois fois, quatre fois, mais les méfaits de votre politique finiront bien par être perçus à leur juste valeur par la population ! Et la population fera justice à ce moment-là, en vous renvoyant à vos études le temps qu'il faudra pour vous refaire une conscience sociale ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Antonio Hodgers, rapporteur de minorité, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. (L'orateur est interpellé par M. Luscher.)Je crois que M. Mouhanna n'est pas le seul à se répéter dans ce parlement !

Le président. Monsieur Luscher, pas de commentaires ! Laissez parler M. Hodgers !

M. Antonio Hodgers. Merci, Monsieur le président. Il me semble qu'il faut rétablir la vérité, parce que c'est plus qu'une opinion, Messieurs Kunz et Jeannerat... Les allocations de retour en emploi ne sont pas une alternative aux emplois temporaires: si vous croyez cela, vous êtes complètement «à côté de la plaque» ! La réalité économique est qu'aujourd'hui il est évident qu'une personne au chômage préfère bénéficier d'une allocation de retour en emploi, tout simplement parce que cela lui permet d'avoir un vrai emploi subventionné par l'Etat pendant une année. Une ARE est bien plus intéressante qu'un emploi temporaire !

Et si, aujourd'hui, la plupart des personnes qui sont en emploi temporaire n'optent pas pour cette possibilité, ce n'est pas parce qu'elles ne le veulent pas: c'est parce qu'il n'y a pas d'ARE! Le département a évoqué le chiffre de 60 ou 70 ARE - il paraît qu'il y en aurait 100 aujourd'hui... Mais ce n'est rien du tout par rapport aux besoins !

Que proposez-vous ? Monsieur Weiss, vous dites qu'il faut les augmenter... Super ! On passe de 40% à 50% de subventions ! Et vous croyez que c'est avec une telle mesure que les entreprises vont se ruer sur les allocations de retour en emploi ? (L'orateur est interpellé.)Mais les ETC n'ont aucun impact sur les ARE ! Le problème des ARE ne se situe pas au niveau de la demande d'emploi des chômeurs, mais au niveau de l'offre des entreprises ! C'est une réalité évidente ! (Commentaires.)Alors, arrêtez ! Je le répète: vous êtes tout à fait «à côté de vos pompes», et je suis surpris de voir à quel point...

Mais il n'empêche que cette problématique soulève le fond de la question: quelle est la responsabilité des entreprises ? Je ne suis pas de ceux qui disent que, s'il y a du chômage, c'est de la faute des entreprises, pas plus que c'est grâce à ces dernières qu'il y a des emplois. Je suis moi-même patron d'entreprise; j'ai créé une dizaine d'emplois, et c'est grâce à la demande que j'ai pu créer ces emplois... (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Non, Monsieur Weiss, ma société S.A.R.L. n'est pas subventionnée, je suis désolé de vous contredire ! C'est donc la demande qui crée l'emploi. A ce niveau, ce n'est ni à cause ni grâce aux entreprises qu'il y a 7,2% de chômage à Genève, comme il l'a été dit. Il n'empêche que les entreprises ont une responsabilité sociale.

Et j'en conviens, certaines personnes abusent du chômage - c'est évident, comme de n'importe quel système, c'est partout pareil. Mais la plupart des personnes sont honnêtes et la plupart de celles qui sont au chômage le sont contre leur gré. Certaines d'entre elles doivent entreprendre une nouvelle formation, une nouvelle spécialisation, mais d'autres sont au chômage tout simplement parce qu'ils sont moins productifs. Ce sont des citoyens qui, en raison de leur vécu, de leur expérience, de leurs capacités personnelles, n'ont pas une productivité aussi grande que d'autres. Et, soumis à la concurrence, ils se retrouvent exclus du marché de l'emploi.

La question qui se pose est de savoir ce que nous devons faire de ces personnes: que devons-nous faire de ces concitoyens qui sont moins productifs que les autres ? Vous préconisez la solution de la trappe de pauvreté, de la trappe sociale, le RMCAS, le niveau le plus bas possible à Genève. Quelle perspective ? Quelle issue ? Quel encouragement ? Il faut leur proposer un appui, un accompagnement, et les entreprises devraient aussi les aider. Elles le faisaient par le passé, et la Suisse a fortement contribué à cela de par l'histoire de sa culture entrepreneuriale: les entreprises avaient cette attitude parce qu'elles considéraient qu'il était normal de compter dans leur personnel des employés un peu moins productifs mais qui, finalement, faisaient partie de la collectivité. Mais cette conscience collective des entreprises se perd ! Elle se perd en Suisse, elle se perd partout, c'est une des conséquences de la mondialisation: les gens se retrouvent en concurrence - c'est un pendant du néolibéralisme - et, par conséquent, les entreprises - particulièrement les entreprises suisses qui avaient cette forte tradition - perdent conscience de leur responsabilité sociale. Voilà un aspect que vous ne critiquez jamais: au contraire, vous soutenez cette nouvelle attitude ! A ce niveau, cette responsabilité vous incombe, c'est sûr, et elle n'incombe pas aux chômeurs, c'est sûr aussi ! (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Comme mon collègue, Antonio Hodgers, je suis un peu déboussolé par les leçons d'économie que nous recevons des «spécialistes» d'en face...

Ils utilisent certains aspects des deux études qui nous ont été présentées, qui sont le point de départ de leur projet de loi, et leur lecture de ces dernières est bien sûr très incomplète. En ce qui nous concerne, nous ne sommes peut-être pas des spécialistes de l'économie, mais nous savons tout de même lire...

Je vais donc revenir en arrière et me référer à l'étude de l'Observatoire universitaire de l'emploi du professeur Flückiger. Ce dernier explique, chiffres à l'appui - des chiffres fiables - qu'avant 1983, avant l'entrée en vigueur des premières mesures cantonales et des premières occupations temporaires - n'en déplaise à Mme Ruegsegger ! - la différence du taux de chômage incompressible genevois par rapport au reste de la Suisse était exactement la même qu'aujourd'hui. Je vais vous lire le passage en question, page 3, point 4: «Il apparaît en effet que le taux de chômage incompressible genevois est significativement et systématiquement supérieur à celui qu'on obtient pour l'ensemble du pays. Sur ce point, les résultats que nous avons obtenus sont dépourvus de toute ambiguïté: le ratio entre les deux taux se situe de manière quasiment permanente tout au long de la période que nous avons analysée, soit de 1977 à 2000, aux alentours de deux... - oui, Monsieur Weiss, deux ! Le taux de chômage à Genève est deux fois plus élevé que dans le reste de la Suisse, et ce depuis 1997, même depuis 1977, voire avant - et nonobstant les changements institutionnels introduits durant ce laps de temps ou les fluctuations conjoncturelles observées.»

Par ailleurs, les députés de droite et surtout les radicaux nous parlent du dérapage, de la dérive, de la loi de 1997... Je rappellerai à ce sujet à M. Jeannerat que le rapporteur de cette loi «gauchiste» était un rapporteur de majorité libéral: M. Nicolas Brunschwig... (Exclamations.)Je vous le signale tout de même ! Pour une loi gauchiste, c'est un peu étonnant - mais c'est pas mal !

Et en ce qui concerne les coûts prévus - le soir du vote, le vendredi 6 juin 1997 pour être précis - je peux lire à la page 4065 du rapport: «Le coût global résultant des choix formulés par la commission est d'environ 69 millions de francs avec une hypothèse de 33% de retour en emploi...». L'étude de la CEPP nous montre aujourd'hui que les emplois temporaires débouchent sur une réinsertion à raison de 37% et qu'ils reviennent à environ 70 millions: nous sommes donc dans la cible, et cela sept ans après le vote de la loi. Je trouve cela tout à fait remarquable ! Finalement, c'est un vrai miracle que nous soyons arrivés à ce chiffre relativement bas ! Surtout si l'on tient compte, effectivement, du peu de travail ou de la mauvaise organisation - on ne sait pas vraiment... - de l'office cantonal de l'emploi, qui ont été mis en exergue dans le rapport de la CEPP.

Je passerai à la page 47 du rapport de la CEPP, qui, après une dizaine de pages analysant tous les défauts de l'office cantonal de l'emploi, indique ceci: «En conclusion de ces points sur les lacunes de l'office cantonal de l'emploi, on peut se demander si cet office n'a pas en partie raté - je trouve gentil de dire «en partie»... - en termes de culture d'entreprise le tournant voulu par la révision de la LACI en 1996, qui voulait que l'on passe d'un traitement administratif du chômage à une prise en charge dynamique des demandeurs d'emploi en vue de leur réinsertion par des mesures actives.» Voilà ce qui aurait dû être fait et ce qui n'a pas été fait... Et vous venez nous dire aujourd'hui que les chômeurs sont responsables de leur chômage, qu'ils doivent se motiver pour trouver du travail, et qu'il faut les inciter à se remettre au boulot en supprimant les aides !

J'ai aussi entendu parler de «démagogie» lorsque certains se sont permis de donner des exemples plus concrets... Cela peut effectivement paraître démagogique. Pour ma part, ayant «bossé» à la commission de la santé il y a trois ou quatre ans, j'ai eu connaissance, lorsque nous étions à Belle-Idée, d'une étude sur le taux d'hospitalisation en psychiatrie, qui montrait en particulier l'explosion de ces chiffres à la fin des années 90. En effet, les responsables en psychiatrie se posaient des questions à ce sujet, et ils avaient demandé une étude. Entre autres, ils nous ont fourni un tableau, que j'avais d'ailleurs montré à la commission de l'économie, mais qui n'a pas eu l'heur d'intéresser les commissaires de droite... Je vais donc leur montrer à nouveau ce tableau. Ce sont deux courbes qui montrent l'augmentation du chômage dans le canton de Genève et les entrées à Belle-Idée, qui sont pratiquement parallèles. Bien sûr, je ne suis pas spécialiste de la lecture des courbes... A l'époque, le professeur Ferrero nous l'avait traduite, et il pensait qu'il y avait certainement un rapport - léger - entre les entrées en psychiatrie et l'augmentation du chômage. Monsieur Weiss, je vois que vous hochez la tête... Je suis quelque peu dans la partie médicale et j'ai pu constater plus d'une fois que le fait de ne plus avoir d'emploi pouvait, au bout de quelques années, provoquer des dépressions.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. J'approuve bien entendu M. Charbonnier lorsqu'il dit que le chômage a une forte incidence sur la santé des personnes touchées par ce fléau. Des études ont été réalisées au niveau suisse à ce sujet, on pourrait en faire une au niveau genevois, on constate les mêmes choses au niveau européen. Il faut dire que dans nos pays occidentaux, dont la culture est en lien avec le travail - c'est une culture de salariés - il est évident que perdre son travail, c'est perdre son identité sociale, c'est perdre le réseau et les liens sociaux, c'est avoir honte d'être au chômage devant ses enfants, c'est avoir honte d'avoir des parents au chômage pour les enfants, etc. Je ne vous dis pas les dégâts qu'une telle situation peut provoquer au niveau de la sphère familiale !

Le chômeur de longue durée souffre, c'est un fait. Il faut donc en tenir compte et il faut leur montrer du respect. Je trouve à cet égard que certains propos dans cette salle ont été plus qu'irrespectueux à l'endroit des chômeurs.

Autre chose: Mme Ruegsegger a mis le doigt sur le fait que la Confédération sommait le canton de Genève de stopper cette loi de reconduction à un droit fédéral, et tout le monde a dit que le canton de Genève volait la Confédération... Mais il ne faut pas oublier que la loi sur l'assurance-chômage est une assurance à laquelle cotisent et les patrons et les employés ! Et il se trouve qu'ici, dans le canton de Genève, les salariés, c'est-à-dire les syndicats des travailleurs, sont absolument opposés au fait que vous rameniez les mesures cantonales à six mois. Le référendum - vous le savez - est pendant, et je vous promets que ce ne sont pas les seuls députés de gauche qui sont assis dans ce parlement qui vont le soutenir: les forces syndicales de ce canton le soutiendront aussi !

On nous dit qu'il serait honteux de penser que les autres cantons subventionnent le chômage récurrent de Genève... Je vous promets que des luttes syndicales sont menées dans d'autres cantons pour arriver à avoir un seuil aussi décent que celui de Genève. Il ne faut donc pas tenir compte de cet argument.

Par contre, la Confédération a effectivement émis une critique dont nous devons tenir compte, et, du reste, le professeur Flückiger a mis le doigt sur ce qui était critiquable: l'inscription dans une loi de la reconduction d'un droit. C'est là que le bât blesse. Par conséquent, nous proposons un amendement pour que cette spécificité ne figure plus dans la loi. C'est en effet critiquable, parce que les placeurs de l'office cantonal de l'emploi - c'est pour cette raison, Monsieur Weiss, que j'ai parlé dans mon rapport d'un effet pervers de la loi - n'ont pas besoin de se casser la tête pour chercher un emploi, dans la mesure où la reconduction de ce droit est stipulée dans la loi. Ils lisent la loi et s'y conforment: leur mandat est de donner un emploi temporaire et que les chômeurs recouvrent un droit. Je le répète, nous proposons un amendement pour que cette reconduction n'y figure plus sans revenir sur la durée de douze mois. Mais vous n'avez pas voulu entendre... (L'oratrice est interpellée.)Ça chauffe, oui ! Je ne pense pas que nous parlerons de cet amendement ce soir, mais nous y reviendrons demain. Et la mauvaise foi qui vous caractérise... (L'oratrice est interpellée.)S'il vous plaît, pouvez-vous me laisser parler ? Merci, c'est très gentil !

En tout cas, nous avons tenu compte de cet argument dans nos amendements, car, c'est vrai, inscrire la reconduction d'un droit dans une loi n'est pas une bonne chose. Je le répète encore une fois: nos amendements cassent cette systématique. Et c'est certainement suffisant pour que la Confédération ne soit pas toujours sur le dos du canton, parce que, de fait, rien dans la loi sur l'assurance-chômage ne stipule que les cantons ne puissent pas trouver un système pour réinsérer les chômeurs.

Maintenant, Monsieur Kunz, je rejoins ceux qui ont évoqué votre lecture quelque peu singulière de ces deux rapports... En effet, il n'est dit à aucun moment, ni dans le rapport commission d'évaluation des politiques publiques ni dans le rapport de l'Observatoire universitaire de l'emploi, que les ARE ne fonctionnent pas à cause des occupations temporaires... Il n'a jamais été fait état d'une telle relation de cause à effet ! C'est faux ! Chaque mesure a été analysée, et il en est sorti que les ARE ne fonctionnaient pas, notamment - j'insiste sur le mot «notamment», parce que c'est important - parce que l'office cantonal de l'emploi et les entrepreneurs ne se connaissaient pas. L'OCE ne travaille pas assez sur le terrain et les employeurs ne viennent pas à l'OCE - peut-être, du reste, devraient-ils le faire pour voir comment les choses se passent... Toujours est-il que ces deux sphères ne se connaissent pas et que le besoin de s'apprivoiser est bien là. Nous avons donc proposé un amendement, pensant qu'il fallait profiter de cette nouvelle loi, pour améliorer ce contact et faire en sorte qu'il y ait une meilleure perception des uns et des autres... Vous l'avez refusé ! Alors, demain, vous m'expliquez quelle en est la raison ! (L'oratrice est interpellée.)Merci, je continue ! (Le président agite la cloche.)

Le rapport indique également que les ARE ne fonctionnent pas parce que, ici à Genève, plus que dans n'importe quel autre canton, les entrepreneurs stigmatisent les chômeurs et pensent qu'ils sont forcément cassés, mal en point, et qu'ils sont peu aptes à occuper un emploi. Mais le problème vient des entrepreneurs ! (L'oratrice est interpellée.)Vous ne connaissez pas les chômeurs: la plupart des gens... (L'oratrice est interpellée.)Vous ne connaissez pas les chômeurs: la plupart ont encore des capacités, des compétences, des connaissances, et ils peuvent à nouveau occuper un emploi sans avoir à passer par une multitude de... (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Vous parliez du coût du système. Si la durée est fixée à six mois, demain ces demandeurs d'emploi ne seront plus comptabilisés dans le taux de chômage - ce qui arrangera certains, parce que «nous serons les meilleurs de Suisse» avec peu de chômeurs... (L'oratrice est interpellée.)Par contre, ils feront partie des personnes précarisées, ils se retrouveront à l'aide sociale, et il en sera de même pour des familles de classe moyenne qui se trouveront dans la grande précarité ! Vous le savez, ils ne vont pas tous aller au RMCAS, parce que c'est le seuil minimum. (L'oratrice est interpellée.)C'est le revenu minimum, merci Monsieur !

Les gens qui vivent en couple sur deux revenus, avec des enfants, vont perdre leur droit au chômage et vont vivre sur un seul revenu, mais cela ne va pas leur permettre - parce que le seuil est très bas - d'accéder au RMCAS. Ainsi, toute la famille sera paupérisée, ce sera l'endettement - vous avez entendu parler des petits crédits et du nombre de personnes concernées par ce phénomène. Et ces personnes vivront avec des dettes impossibles sur le dos; je ne parle pas seulement des dettes pour des petits crédits, mais des dettes pour payer les impôts, des dettes pour payer le loyer... (L'oratrice est interpellée.)Oui, mais il faut avoir une vision réaliste ! Et vous, vous accentuez ce type de problèmes qui sont déjà majeurs à l'heure actuelle !

Je voulais également revenir sur les propos de M. Jeannerat, pour qui les thèses de la gauche consistent à faire des chômeurs des assistés de l'Etat, des gens peu autonomes, etc. Je vous signale que nous avons proposé des amendements qui améliorent encore le système qui l'avait déjà été par M. Lamprecht quant à la qualification...

Le président. Vous devez conclure, Madame la rapporteure !

Mme Nicole Lavanchy. Oui, Monsieur le président. Donc, vous verrez demain que nous avons tenté, par le biais de nos amendements, d'améliorer notablement la loi pour que ce système soit plus performant en termes de qualification. Et ces amendements, vous les avez refusés en commission ! Mais nous en reparlerons demain, et je me réjouis d'ores et déjà d'entendre les raisons pour lesquelles vous les avez refusés ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure de minorité. Etant donné l'heure tardive nous ne discuterons de la suite que demain. Madame Von Arx-Vernon, rapporteure de majorité, vous avez la parole.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Je voudrais aborder un aspect tout à fait technique avant d'apporter encore des éléments concrets pour défendre le rapport de majorité.

En effet, j'aimerais présenter mes excuses au parti libéral, car, à la page 60 de mon rapport, j'ai fait tenir à un commissaire libéral des propos qui, en fait, appartenaient à un commissaire radical... (Exclamations.)

Une voix. C'est le même parti !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Pas du tout ! Je tiens à rectifier. C'est donc un commissaire radical - et cela ne vous étonnera pas - qui a proposé la suppression des ETC.

J'ai également fait une erreur à la page 104: j'ai laissé entendre que l'AdG proposait une mesure dont la conséquence serait une économie de 200 jours d'indemnités par chômeur au lieu de 240. Je vous prie de m'en excuser. Voilà, je souhaitais rectifier ces deux erreurs.

J'aimerais maintenant revenir sur les propos qui ont été tenus tout à l'heure par des extrêmes de gauche ou de droite, qui remettent en question la notion de la libre circulation des personnes et ses effets. Or, dans un communiqué de presse du 8 octobre 2004, il est relevé que, sur 3988 demandes d'autorisation de travail... (Brouhaha.)J'aimerais bien pouvoir continuer sans ce brouhaha dans le dos ! Merci ! (Exclamations.)... Donc, 95% d'entre elles n'ont fait l'objet d'aucune remarque des partenaires sociaux ! Cela veut dire que les partenaires sociaux sont d'accord avec les propositions qui ont été faites. Et nous faisons tout à fait confiance - le centre, certainement comme la droite, et je suis très à l'aise pour en parler - aux partenaires sociaux pour dénoncer les injustices ! Cela veut dire que 95% des demandes ont été entièrement soutenues par les partenaires sociaux.

Autre point qu'il me semble important de relever: je suis particulièrement navrée de voir les éminents rapporteurs de minorité prendre tellement de peine à définir les chômeurs comme étant des personnes très souvent ou trop souvent handicapées ou en situation d'être handicapées... Et je vous assure que c'est une question de regard. Tout à l'heure, Monsieur Hodgers, vous avez fait... (L'oratrice est interpellée.)Mais oui, bien sûr ! Vous les mettez dans des prospectives qui ne vont pas leur permettre de s'en sortir ! Vous avez parlé de philosophie, tout à l'heure Monsieur Hodgers, eh bien, la philosophie...

Une voix. Ce n'est pas nous !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. «C'est pas nous», c'est pas vous... On ne va pas jouer à ce petit jeu ! (Exclamations.)Pour l'instant, étant donné la situation que nous connaissons, il ne sert à rien de se renvoyer la balle ! Tout à l'heure, vous parliez philosophie: la philosophie doit aussi être dans le regard que l'on porte à ces personnes ! Si on les voyait comme des futurs travailleurs et non comme des futurs chômeurs, cela changerait bien des choses ! (Applaudissements, commentaires. Le président agite la cloche.)

Je voudrais revenir sur un point très important: la plupart des personnes que je fréquente connaissent de grandes difficultés, elles sont parfois au chômage, et je vous assure que ce ne sont pas les mêmes qui vont se présenter pour un emploi ou qui vont se présenter à la caisse de chômage si les... Merci de m'aider, je ne trouve plus le mot !

Une voix. Les placeurs !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. C'est cela, merci beaucoup ! S'ils ont porté sur elles un regard valorisant, stimulant, ou s'ils ont reconnu leurs compétences ! Et ces personnes ont des compétences ! A partir du moment où l'on décide tous ensemble que ces compétences doivent être mises au service d'une réinsertion et pas de se demander comment faire pour avoir de nouveau un emploi temporaire en attendant d'avoir une reconduction du chômage, eh bien, je vous assure que cela joue un rôle très important ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je voudrais relever quand même que, lors des auditions, les spécialistes, que ce soient les spécialistes académiques, des milieux caritatifs, des syndicats patronaux et employés, des associations de soutien, ont tous dit, sous une forme ou sous une autre, que le pire pour un chômeur était de le rester longtemps; que le pire pour un chômeur était d'être dans un faux système de réinsertion. Et je crois que ce que propose ce projet de loi aujourd'hui, même s'il n'est pas parfait, et les mesures qui sont certainement renforcées à l'office cantonal de l'emploi... (Brouhaha.)Si vous vouliez bien m'écouter ! Donc, ce projet de loi propose que les partenaires employeurs soient incités, stimulés, encouragés à engager des chômeurs. Et les allocations de retour en emploi et les emplois temporaires de réinsertion sont complémentaires ! Il faut mettre en place très rapidement un système de formation qui soit «coaché» et suivi par de grands professionnels, car il est évident - et je reprends l'analogie que j'ai faite avec les accidentés de la route - que les «accidentés du travail» doivent bénéficier de soins intensifs, et cela dès le début !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord remercier les députés qui ont participé aux travaux de la commission de l'économie, car, je le rappelle, vingt-deux séances furent consacrées à ce projet. Nous avons travaillé ensemble - durement, c'est vrai - chacun ayant apporté sa part d'analyse à la problématique des mesures cantonales en matière de chômage. Les débats ont été vifs, comme ce soir, et cela est bien naturel si l'on considère à la fois l'importance du sujet et les sensibilités politiques des uns et des autres, mais, aussi, si l'on mesure objectivement combien il est difficile de déterminer les limites de l'aide sociale et d'éviter qu'une générosité excessive finisse par pénaliser celles et ceux qui en bénéficient.

Voilà pourquoi la problématique du chômage de longue durée a bel et bien été au centre des débats de notre commission, car elle a été considérée unanimement comme un facteur déterminant d'exclusion à terme. Et c'est l'occasion de rappeler que les études tant de la CEPP que de l'université de Genève ont clairement démontré que la durée actuelle des emplois temporaires, loin de favoriser la réinsertion des chômeurs, tend à retarder le retour en emploi. C'est ainsi que le principe permettant l'ouverture d'un deuxième délai-cadre fédéral et, par conséquent, d'une indemnisation de cinq ans, voire de sept ou huit ans, a été combattu par la majorité de la commission et par le Conseil d'Etat. Cette formule, il faut le rappeler, constitue une exclusivité genevoise qui ne va pas sans créer des inégalités de traitement dans le pays et d'importants reproches et critiques de la part de la Confédération.

Alors, disons-le d'emblée les choses comme elles sont: certains d'entre vous vont jusqu'à prétendre que les propositions du rapport de majorité représentent un véritable démantèlement social du traitement du chômage.

Une voix. Exactement !

M. Carlo Lamprecht. D'autres, au contraire, disent que les mesures proposées ne sont pas encore assez dissuasives pour favoriser plus efficacement un retour en emploi.

Comparaison n'est pas toujours raison, Monsieur Hodgers... Mais tout de même ! Les propositions issues du rapport de majorité, légèrement amendé par le Conseil d'Etat, restent cependant et de loin, qu'on le veuille ou non, les plus généreuses du pays. Et je m'explique. Tout d'abord les emplois temporaires cantonaux, bien que leur durée ait été réduite de douze à six mois, ont été maintenus et sont restés un droit - je dis bien «un droit» - pour tous les chômeurs aptes au travail. Ces emplois temporaires ont été conservés sur une durée de douze mois pour les demandeurs d'emploi de plus de 55 ans, eu égard à la difficulté de réinsertion rencontrée par les personnes de cet âge sur le marché du travail.

Les différents rapports l'ont par ailleurs souligné: les emplois temporaires effectués dans les établissements publics ou dans les organisations analogues ne permettaient pas, dans la grande majorité des cas, de bénéficier d'une formation ciblée et utile à leur réinsertion. La nouvelle loi, elle, prévoit des programmes de formation. Le rôle de réinsertion professionnelle des emplois temporaires cantonaux a ainsi été renforcé.

Les allocations de retour en emploi ont été peu utilisées jusqu'à présent, c'est vrai, malgré tous les efforts de promotion. Nous devons maintenir nos efforts dans ce domaine, et nous le devons tous ensemble. En portant ces allocations à 50% du salaire, nous espérons doper cette mesure et inciter les entreprises à recruter davantage sur le marché local de l'emploi. En effet, si elles étaient reconnues, les ARE représentent la mesure la plus efficace du retour en emploi. Cela a été confirmé par les études et l'expérience.

Je passe sur d'autres détails de la loi pour en venir à l'essentiel. Les mesures cantonales sont une chose, la demande du marché et l'employabilité en sont une autre. La demande du marché est liée à l'évolution de la situation économique - vous le savez, vous l'avez dit - qui dépend de facteurs macro-économiques et macropolitiques, dont, hélas, nous devons être certains et sur lesquels, il faut bien le reconnaître, nous n'avons que peu d'emprise. Peu d'emprise, certes, mais face à un monde qui évolue en permanence, nous devons agir, réagir, nous adapter, innover, et ne pas rester figés sur des schémas qui font désormais partie du passé ! En dépit de ce que nous ne pouvons pas maîtriser, nos efforts doivent aujourd'hui se concentrer sur les conditions-cadres que nous voulons mettre en oeuvre pour faciliter la survie, la création, le développement ou l'implantation de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois. Anticiper pour ne pas subir, anticiper au niveau de la formation continue - cela a également été évoqué ce soir - en emploi par exemple, pour faire face aux nouvelles exigences requises par l'évolution des technologies et des professions, des professions qui naissent chaque jour - comme il y a des professions qui meurent chaque jour. C'est l'occasion pour moi d'affirmer aujourd'hui la volonté du Conseil d'Etat de renforcer encore la collaboration interdépartementale, ainsi que celle avec les entreprises et les associations professionnelles, pour s'engager dans cette voie de la formation. Car tout le monde sait qu'aujourd'hui les exigences professionnelles sont de plus en plus grandes et complexes.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut faire des choix politiques, des choix de société, tout en étant conscients qu'ils impliquent à la fois un certain nombre de concessions, des remises en question, bien sûr, des sacrifices qu'il faudra bien accepter si nous ne voulons pas courir le risque de voir notre pays décliner peu à peu.

Enfin, en dépit de certaines difficultés économiques encore apparentes, cela a été souligné, Genève a bien résisté et continue de résister, et le nombre d'emplois disponibles est largement supérieur à la population active du canton. Genève, capitale de toute une région franco-suisse, exerce une forte attractivité économique qui engendre par contre-coup une concurrence de proximité sur le marché du travail. D'où, bien sûr, les difficultés rencontrées au niveau de la réinsertion professionnelle de nos demandeurs d'emploi. Mais, je le répète, la solution pour résoudre ces problèmes ne pourra intervenir qu'au prix d'un effort particulier de tous les acteurs du monde économique et politique !

Dans un tel contexte, il est nécessaire - et je veux bien l'admettre - que nos propres services s'améliorent, qu'ils soient plus performants, comme vous l'avez évoqué. Vous avez eu le loisir de poser des questions, d'interviewer nos directeurs de services... Vous auriez même pu, pendant les séances de commission, aller voir comment fonctionne le service de l'emploi. Car des modifications ont été apportées: des équipes «entreprises» se rendent dans ces dernières aujourd'hui pour y chercher du travail, pour discuter avec les dirigeants, et des séances de promotion des chômeurs ont lieu dans ce cadre.

Mesdames et Messieurs, il faut que les employeurs fassent aussi un effort dans ce domaine pour que, sans discrimination envers les travailleurs européens - qu'on le veuille ou non, nous avons voté et voulu la libre circulation des personnes, et elle est en vigueur... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Donc, pour que le regard des entreprises genevoises soit tourné en priorité sur le marché local de l'emploi, et cela, je le répète, malgré les facilités et les opportunités que nous offre la libre circulation des personnes.

Et j'attends aussi des demandeurs d'emploi qu'ils fassent un effort: qu'ils respectent les exigences d'une plus grande mobilité et montrent une certaine capacité d'adaptation par rapport au marché. Car la problématique de l'emploi - excusez-moi de me répéter - ne pourra pas être résolue par la seule adoption de cette loi. Elle ne pourra l'être qu'en conjuguant nos efforts, les efforts de tous les partenaires sociaux et des politiques que nous sommes.

Je vous donne encore quelques précisions financières. Avec la configuration actuelle de la conjoncture du chômage à Genève, si nous devions continuer dans un même cadre - celui de la loi actuelle - l'Etat devrait faire face à une terrible explosion des coûts. Par ailleurs, la Confédération pourrait édicter des dispositions spécifiques plus sévères pour notre canton. J'ai rencontré expressément M. Joseph Deiss et les responsables du SECO, il y a deux semaines, pour leur demander une nouvelle prolongation des prestations fédérales à partir de janvier 2005, et pour une première durée de six mois. Je pense pouvoir dire que le message a été entendu: pour autant que des mesures spécifiques soient prises à Genève dans d'autres domaines.

C'est un délai, Mesdames et Messieurs, qui nous est accordé pour mettre en vigueur les modifications de la loi cantonale qui vous est proposée ce soir dans le rapport de majorité. Et c'est la raison pour laquelle, au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à l'accepter.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vois que deux députés sont inscrits, mais la liste a été close tout à l'heure... (Protestations.)

Mme Marie-Françoise de Tassigny. Rémy Pagani veut demander le renvoi en commission...

Le président. Vous me dites, Madame la première vice-présidente, que le renvoi en commission est demandé... Mais il aurait dû l'être auparavant ! (Le président est interpellé par M. Pagani.)Monsieur Pagani, vous pouvez demander en tout temps... (M. Pagani s'exprime hors micro.)Monsieur le député, je vous prie de vous calmer et de vous asseoir ! Nous pouvons discuter entre gens de bonne compagnie, même si ce n'est pas toujours le cas dans cette enceinte - ce soir, je pars naïvement du principe que nous sommes entre gens de bonne compagnie. Donc, il me semble que vous auriez pu demander le renvoi en commission auparavant. (Exclamation de M. Pagani.)Monsieur Pagani, il y a eu vingt-quatre interventions, alors ne venez pas me dire que vous ne pouviez pas demander le renvoi en commission avant ! Maintenant c'est trop tard: nous allons voter ! (M. Pagani proteste.)C'est trop tard ! (Exclamations.)

Monsieur Pagani, vous êtes un bon Suisse, qui protégez les intérêts des travailleurs suisses - vous nous l'avez dit. Vous vous battez pour que les conventions collectives soient respectées contre l'afflux massif des étrangers venant dans le cadre des accords bilatéraux... (M. Pagani interpelle le président.)Soyons sérieux, et je le suis tout à fait ! (M. Pagani tente de convaincre le président.)Non, Monsieur, je ne vous donnerai pas la parole pour demander le renvoi en commission, vous intervenez trop tard ! Il y a eu vingt-quatre interventions... (M. Pagani insiste. Les députés protestent.)Monsieur Pagani, vous savez que je vous aime bien; vous savez que je vous donne toujours la parole lorsque vous présentez une requête appropriée - ce qui est le cas la plupart du temps; vous savez qu'à chaque fois je mets aux voix les demandes que vous formulez. (M. Pagani argumente.)Non, Monsieur le député, ce soir vous avez tort, et je suis navré de devoir vous le dire ! Vous savez pertinemment, Monsieur Pagani, que je respecte éminemment les demandes provenant de tous les groupes politiques, de droite comme de gauche, et je vous l'ai prouvé à de nombreuses reprises par le passé. Pas plus tard que tout à l'heure vous avez pris la parole pour demander la lecture d'une lettre, et je vous l'ai accordée bien que vous ne soyez pas intervenu au bon moment, ce qui vous a permis de faire lire cette lettre... Alors, ne venez pas me dire maintenant que je vous empêche de vous exprimer ! Ne venez pas dire que la gauche - et l'Alliance de gauche en particulier - est muselée ! Je suis le président de l'ensemble de ce Grand Conseil, je l'ai toujours été depuis mon élection, et je le serai jusqu'à la fin de mon mandat ! Par conséquent, je vous demande de respecter les règles ! La liste a été close. C'est terminé, nous allons voter... (Exclamations. M. Pagani invoque un problème juridique.)

Il n'y a pas de problème juridique ! Vingt-quatre intervenants se sont exprimés sur la prise en considération de ce projet de loi: ce qui devait être dit l'a été. Nous passons au vote, point final !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de vous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi...

M. Antonio Hodgers. Article 79A ! (Exclamations.)

Mme Janine Hagmann. On vote !

Le président. Non, Madame la deuxième vice-présidente, je suis intéressé par ce que M. Hodgers a envie de nous dire... Monsieur le député Hodgers, vous demandez l'application de l'article 79A: je vous écoute !

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. En vertu de l'article 79A, je me permets d'interrompre le débat pour demander au Bureau de respecter le règlement ! Premièrement, le président ne doit pas prendre part au débat - comme vous l'avez fait, Monsieur le président, et je crois que c'était malvenu ! (Exclamations.)Deuxièmement, vous n'avez pas à répondre à un député !

Ensuite, je ferai la remarque suivante: effectivement, M. Pagani aurait dû demander le renvoi en commission pour la délibération. Sur le plan juridique, vous avez raison, Monsieur le président, mais la pratique est une autre chose. En effet - du reste, M. Annen a souvent évoqué ce problème - quand un député demande le renvoi en commission tout au début du débat, cela a pour conséquence qu'un seul député par groupe peut s'exprimer, et le débat tourne court ! M. Pagani a laissé le débat d'entrée en matière se poursuivre et il propose maintenant le renvoi en commission... (Exclamations.)Même si vous avez raison formellement et que vous êtes en droit de le lui refuser, je vous suggère, par gain de paix, de mettre sa proposition aux voix.

Le président. Je vous remercie, Monsieur Hodgers. Je remarque que vous avez au moins la gentillesse d'admettre que j'ai respecté le règlement. Cela étant, permettez-moi quand même de vous dire qu'il est quelque peu étonnant de faire une demande de renvoi en commission après vingt-quatre interventions et alors que les députés ont pu largement s'exprimer sur ce projet de loi ! (Exclamations.)Oui, Mesdames et Messieurs, une vingtaine de députés se sont exprimés ce soir sur l'entrée en matière ! Je vais donc vous faire voter sur l'entrée en matière. (Le président est interpellé par M. Pagani.)

«Problème juridique important»... Demain, nous reprendrons ce débat sur les amendements. En deuxième débat, vous pourrez demander le renvoi en commission de ce projet de loi. Calmez-vous et allez dormir ! Cela ira mieux demain, et vous demanderez le renvoi en commission.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets, au moyen du vote électronique, la prise en considération de ce projet de loi... (M. Pagani insiste.)Il est minuit moins le quart, cela suffit ! Je le répète: si vous voulez demander le renvoi en commission, vous le ferez demain ! (Le président est interpellé par M. Glatz.)Non, Monsieur Glatz, je crois que cela suffit ! (Exclamations.)Soit, mais soyez bref ! Vous avez dix secondes. (Exclamations et sifflets.)

M. Philippe Glatz (PDC). Au même titre que M. Hodgers, je demande l'application de l'article 79A... (Brouhaha.)C'est-à-dire le rappel du règlement ! Mais je renonce à parler davantage pour que nous puissions passer au vote. (Exclamations.)

Le président. Que tout le monde se calme ! Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière de ce projet de loi. Le vote électronique...

Une voix. Par appel nominal !

Le président. Votre demande est-elle soutenue, Monsieur le député ? C'est le cas. (Appuyé.)Nous procédons donc par appel nominal.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 35 non.

Appel nominal

Deuxième débat: session 12 (octobre 2004) - séance 73 du 21.10.2004

Suite du deuxième débat: session 12 (octobre 2004) - séance 74 du 22.10.2004

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance et vous souhaite une bonne nuit. A demain !

La séance est levée à 23h50.