République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Florian Barro, Thomas Büchi, Jean-Claude Dessuet, Morgane Gauthier, Renaud Gautier, Philippe Glatz, Alexandra Gobet Winiger, Mariane Grobet-Wellner, René Koechlin, Nicole Lavanchy, Sylvia Leuenberger, Christian Luscher, Claude Marcet, Alain-Dominique Mauris, Jacques Pagan, André Reymond, Pierre Schifferli, Ivan Slatkine et Pierre Vanek, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de nos travaux avec les urgences que nous avons votées hier soir à 17h, et tout d'abord le point 135, soit le projet de loi 9067-A

PL 9067-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat instituant une subvention globale de fonctionnement pour des incubateurs (soutien logistique à la création d'entreprise)

Premier débat

Le président. Madame la rapporteure, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Oui, merci et bonjour, Monsieur le président !

Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord je voudrais apporter une correction à mon rapport. En haut de la page 11, j'ai écrit une deuxième fois «Art. 12», alors qu'il s'agit de «Art. 13, souligné, Modifications à d'autres lois»...

Pour ce qui est du projet de loi, j'aimerais juste dire qu'il n'a pas posé trop de problèmes en commission, puisque c'est à l'unanimité des membres présents qu'il a été voté - je signale qu'effectivement les deux membres de l'AdG n'étaient pas là lors du vote final, mais tous les autres partis étaient représentés.

Des amendements ont été proposés, notamment par le parti socialiste, qui ont tous été acceptés. Ces amendements répondent aux exigences en matière d'éthique, d'environnement, dans le respect du développement durable et de la propriété intellectuelle. Certaines remarques ont également été faites par rapport à la convention qui se trouve annexée à mon rapport, au sujet notamment du transfert des technologies, des objectifs à atteindre ou les besoins de soumettre la comptabilité de l'incubateur Eclosion aux normes IAS. Ces remarques ont toutes été inclues dans la convention.

J'ajouterai simplement que ce projet de loi propose une expérience limitée dans le temps, puisqu'elle est prévue pour une période de six ans. C'est au bout de cette période que sera évalué son impact.

Autre élément qui a alimenté les débats en commission: son financement. Je rappelle que le financement de l'incubateur n'aura aucun impact sur les finances publiques, puisque, comme je le dis dans mon rapport, il sera effectué par le biais de la subvention en faveur de Start-PME qui n'a pas été dépensée, dans la mesure où cette dernière manque de projets... Nous avons en effet décidé en commission - et vous le déciderez tout à l'heure, si vous êtes d'accord - de bloquer la subvention destinée à Start-PME à 50 millions et d'utiliser la différence non dépensée, soit 40 millions pour financer ce projet. Je rappelle que Start-PME avait été dotée d'une subvention de 90 millions en 1997 par la loi 7357.

Voilà, Monsieur le président. Je dirai encore que nous avons reçu un amendement proposé par l'UDC, que je ne comprends pas très bien... D'autant que son auteur, M. Letellier, a suivi les travaux de la commission et que sa proposition d'amendement est déjà contenue dans la loi qui vous est soumise, à l'article 11, alinéa 5. Je ne vois donc pas du tout la pertinence de cet amendement.

C'est ce que je tenais à dire pour l'instant sur mon rapport, Monsieur le président.

Mme Salika Wenger (AdG). Il nous faut être conscients qu'avec cette loi sur les incubateurs nous engageons un processus de subordination de la recherche publique aux besoins des entreprises privées.

Pour notre part, nous estimons que la mission des établissements publics de recherche, en général, et de l'université, en particulier, n'est pas de créer ou de contribuer à la création d'entreprises privées ni de se mettre au service des entreprises privées en leur fournissant du personnel, du matériel, des chercheurs et les résultats... Elle consiste au contraire à mener une recherche indépendante, afin de faire progresser les connaissances scientifiques, dans le cadre de la fonction publique, par exemple.

Or, le temps qui sera consacré par les chercheurs aux conseils d'entreprises, à la création ou à l'administration d'entreprises, ne pourra l'être qu'au détriment de leur travail de recherche. Les objectifs de rentabilité, propres aux investissements des entreprises privées, sont incompatibles avec les exigences à long terme d'une recherche réellement indépendante.

De plus, l'appropriation par les entreprises privées des résultats de la recherche entrave la diffusion de ces résultats, en raison des contraintes du secret de fabrication imposées par la concurrence entre les entreprises, et empêchera nombre de citoyens de par le monde de bénéficier des progrès de la science pour des raisons strictement financières.

Enfin, l'intrusion d'entreprises privées au sein de la recherche universitaire menace gravement son indépendance.

La participation de l'université, par l'intermédiaire d'Unitec, à l'incubateur d'entreprises «Eclosion» s'intègre donc dans une logique de subordination progressive de la recherche aux intérêts des entreprises privées, qui est contradictoire avec les intérêts fondamentaux des chercheurs et des citoyens et pose de nombreux problèmes encore non résolus sur le transfert de technologie et la propriété intellectuelle. Les récentes aventures de l'EPFZ de Zurich dans ce domaine devraient nous alerter sérieusement sur les dérives possibles - et nous savons que, dans le cadre de la biotechnologie, c'est encore plus vrai - et pourraient, à terme, être encore plus dangereuses pour tous.

Compte tenu de l'importance de cet aspect du problème et du nombre de fois où je suis intervenue dans ce sens en commission, je suis étonnée de ne voir figurer au rapport de Mme Bolay qu'une toute petite phrase lapidaire en page 5, à ce sujet, je cite: «Pour conclure M. Miéville ajoute qu'aucun incubateur ne doit intervenir tant qu'Unitec n'a pas réglé la question de la propriété intellectuelle.» Ce qui s'apparente, à mon goût, plus à un voeu pieux qu'à un véritable questionnement sérieux...

Or, pour résoudre le problème de transfert de technologie, il faudrait disposer d'une législation digne de ce nom. Et c'est loin d'être le cas en ce moment ! La loi sur l'université dans son article 9A sur la propriété intellectuelle était censée porter remède à ce problème... Malheureusement, elle aussi ne comporte qu'une petite phrase sibylline, dont le flou devrait faire les beaux jours de nombre de juristes et qui dit en substance que

l'université est titulaire des droits de propriété intellectuelle issus des activités exercées par les enseignants et le personnel administratif, technique, dans le cadre de leur fonction universitaire.

Qu'en est-il, par exemple, des recherches dont le financement est mixte: privé et public ? On n'en dit rien, on ne sait pas ! Et on pourrait ainsi multiplier les exemples.

Tout ce qui précède pour dire que l'arsenal de lois existantes ne nous semble pas suffisant pour nous lancer tête baissée dans une aventure qui comporte non seulement des risques financiers dans ce domaine - il y aurait encore beaucoup à dire à ce sujet - mais surtout n'encadre pas suffisamment les transferts de technologies et le règlement de la propriété intellectuelle. Tant que ce problème essentiel ne sera pas résolu, l'Alliance de gauche ne pourra pas voter ce projet de loi. Notre groupe s'abstiendra donc.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Pour ma part - et pour la part du groupe démocrate-chrétien - c'est avec un certain enthousiasme que nous voterons ce projet de loi. Du reste, je m'identifie à tel point à ce projet de loi que j'ai moi-même incubé le virus de la grippe... (Exclamations.)

Tout d'abord, je m'étonne quelque peu des propos de l'Alliance de gauche... En effet, tout en écoutant Mme Wenger, je parcourais le rapport de Mme Loly Bolay... Et je constate que l'entrée en matière a été votée à l'unanimité, que les commissaires de l'Alliance de gauche n'ont jamais voté contre l'un ou l'autre des articles, et, enfin, qu'ils étaient absents pour le vote final... Et, aujourd'hui, ils expriment toutes leurs réserves en séance plénière: j'imagine que c'est comme cela qu'on fait avancer les travaux du Grand Conseil !

La région genevoise est très riche du point de vue de la recherche et elle est mondialement réputée à ce sujet. Malheureusement, nous constatons qu'il y a une fuite des cerveaux, de la matière grise, car nous n'avons pas les structures nécessaires pour accueillir tous ces scientifiques. Ce qui est très dommage !

Le projet de loi que le Conseil d'Etat nous a proposé apporte une solution à ce problème en créant un pont entre le secteur de la recherche et les sociétés de hautes technologies basées dans notre canton, plus particulièrement, celles qui sont actives dans le secteur des sciences de la vie.

Le but de l'incubateur - Mme Bolay l'a certainement indiqué - est d'encourager les jeunes entreprises actives dans ces secteurs d'avenir et de les accompagner jusqu'à ce qu'elles puissent voler de leurs propres ailes. C'est un projet qui permet de valoriser la richesse de Genève et de sa région sur le plan scientifique, mais également en termes d'emploi.

Je vous signale d'ailleurs que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont déjà donné un coup de pouce à ce type d'entreprises et aux incubateurs. Cinq mille emplois ont été créés en Allemagne et trois mille en Grande-Bretagne. Je crois qu'il n'est pas inutile de le rappeler. C'est un projet véritablement important pour notre canton, d'autant que la pérennité de ce type d'entreprises est plus importante que pour d'autres: 70%.

Genève a une situation privilégiée pour encourager ce type de projets, puisque, comme je vous l'ai déjà dit, nous avons une excellente réputation universitaire. De nombreuses entreprises dans ce secteur s'implantent dans notre canton. Et, surtout, nous avons la chance de bénéficier de la présence du leader d'entre elles, qui participera, en outre, activement à ce projet d'incubateur.

Nous voterons donc ce projet de loi avec enthousiasme, car c'est véritablement un projet d'avenir, et je remercie d'ores et déjà le Conseil d'Etat et le département concerné de nous avoir soumis ce projet. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Jacques Jeannerat, vous avez la parole.

M. Jacques Jeannerat (R). Bonjour, Monsieur le président, et merci de me donner la parole...

Ce projet de loi est salutaire, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce qu'il touche un secteur économique d'avenir - Mme Ruegsegger a donné quelques exemples, je ne reviendrai donc pas sur les détails - et, ensuite, parce qu'il est limité dans le temps. Il me semble important que les projets liés au soutien de certains secteurs de l'économie à une période déterminée, notamment au moment du démarrage d'une activité, soient limités dans le temps. C'est un point sur lequel les radicaux sont très sensibles.

J'aimerais féliciter Mme Bolay pour la rapidité avec laquelle elle a rédigé son rapport - quelques jours - mais je note toutefois qu'elle n'a pas fait mention d'un débat important qui a eu lieu en commission: je veux parler du débat concernant l'ensemble de l'aide apportée aux entreprises de ce canton. Il y a en effet eu un long débat à ce sujet, et nous sommes arrivés à un accord avec le département de l'économie pour revoir, dans un délai d'un an, les lois sur la LAPMI et sur Start-PME, afin de rapprocher ces deux formes de soutien aux entreprises.

J'espère que le Conseil d'Etat confirmera l'engagement qu'il a pris en commission, tout à l'heure quand il prendra la parole - car j'imagine qu'il va s'exprimer.

Quant à Mme Wenger, si elle était présente à chaque séance de commission, elle aurait peut-être la réponse aux questions qu'elle pose aujourd'hui !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je dois dire que l'ambiance est bien agréable ce matin... Tout le monde se dit bonjour... Pourvu que ça dure ! Bonjour, Monsieur le député Bavarel, vous avez la parole.

M. Christian Bavarel (Ve). Alors, bonjour, Monsieur le président... Bonjour, chers collègues... Ça fait plaisir d'être là, si tôt, avec vous !

Pour commencer, il ne faut pas confondre un incubateur avec un incube... Je vous rappelle qu'un incube - c'est la définition du dictionnaire - est un démon masculin censé abuser d'une femme pendant son sommeil... (Exclamations.)Petit Robert !

Une voix. Ni avec le succube !

M. Christian Bavarel. Ni avec le succube, effectivement, qui est un démon femelle ayant les mêmes caractéristiques !

Nous parlons bel et bien de biotechnologie et ce qui nous intéresse est de voir ce que le département nous a proposé de mettre en place. Mais qu'est-ce qu'un incubateur ? C'est simplement une infrastructure, qui porte un nom un peu barbare, comparable à une zone industrielle, destinée à accueillir des entreprises nouvelles, à permettre leur éclosion et leur démarrage.

Ce qui est intéressant dans cette démarche, c'est que, pour une fois, l'Etat ne participe pas directement au financement de ces entreprises et elles ne bénéficient pas vraiment d'un taux préférentiel pour leur emprunt. Il s'agit simplement de la mise en place d'une infrastructure. Les Verts sont assez favorables à ce type de démarche.

Nous resterons toutefois très attentifs - il y a eu des amendements socialistes et un débat en commission sur des problèmes d'utilisation d'OGM, etc. - à la manière dont vont fonctionner ces incubateurs et leurs conséquences au niveau du développement des entreprises et au niveau environnemental. Nous ouvrirons l'oeil à ce niveau.

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous appelons à accepter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Bonjour, Monsieur le député Brunier. Vous avez la parole.

M. Christian Brunier (S). Bonjour, Monsieur le président... Vous ne me remerciez pas pour mon sourire ? (Rires.)

Si certains d'entre vous pensent que la recherche universitaire doit se faire en vase clos et ne doit pas s'ouvrir sur la cité, ils ne doivent bien sûr pas voter ce projet de loi... Si certains pensent qu'il est inutile que l'Etat stimule l'économie en période de crise, ils ne doivent évidemment pas soutenir ce projet de loi... Si certains pensent que la situation de l'emploi est bonne à Genève, ils ne doivent pas non plus soutenir ce projet de loi.

Nous, nous pensons, étant donné le contexte actuel, qu'il est utile de mettre en place des outils de promotion économique, des outils de valorisation de la recherche, pour soutenir, entre autres, des projets universitaires qui ont souvent de la peine à éclore et, aussi, la création de jeunes entreprises dans des secteurs où il est toujours difficile de démarrer. L'incubateur est donc un outil de promotion, qui comporte un certain nombre de risques - Madame Wenger, vous avez raison. Mais ces risques sont mesurés, dans la mesure où c'est un outil qui fonctionne bien dans de nombreux pays. Il n'y a donc pas de raison que ce ne soit pas le cas pour Genève. Et puis, à force de ne prendre aucun risque, la Suisse se met parfois en danger, en danger économique notamment, avec, bien sûr, toutes les conséquences que cela implique au niveau social et au niveau de l'emploi. Il faut donc que nous apprenions à prendre des risques, car le plus gros risque consiste à ne pas bouger.

L'incubateur n'agit pas seulement au niveau de l'aide financière - bien sûr, cette aide est nécessaire au démarrage de la jeune entreprise - il apporte une aide en matière d'infrastructure. Par exemple, pour le premier incubateur qui fonctionnera dans le domaine de la biotechnologie, on sait qu'il faudra une infrastructure haut de gamme - high tech -que les nouvelles entreprises ont de la peine à s'offrir. Cette infrastructure sera donc mise à disposition ainsi - c'est un point important - qu'un support en termes de gestion, de marketing. En effet, les chercheurs ont souvent plein d'idées, ils sont très créatifs, mais ils ont de la peine à valoriser leurs projets, notamment au niveau de la gestion, de la publicité et de la vente.

Ce premier incubateur, qui va peut-être générer d'autres incubateurs dans d'autres secteurs de l'économie, va permettre dans un bassin régional - c'est important de le spécifier - de créer des synergies entre les hautes écoles, les milieux de la recherche, les entreprises, et, aussi, les collectivités publiques et l'Etat en particulier.

Nous voulons soutenir cette créativité, cette impulsion à l'innovation, et c'est pour cette raison que nous avons accepté l'idée de cet incubateur avec un certain engouement. Il est vrai que le projet de loi et le règlement qui nous ont été proposés présentaient quelques défauts, que nous avons - je crois - tous corrigés en commission. Je rappelle que des amendements importants ont été votés à l'unanimité - il faut également le préciser, car le débat d'aujourd'hui montre que, visiblement, quelques personnes ont changé d'avis depuis...

Nous avons introduit des critères de développement durable dans ce projet. Et, j'insiste, tout le monde était d'accord. Nous avons introduit une disposition relative à la protection de la propriété intellectuelle, ce qui minimise le risque de squatter la recherche au profit du privé, comme l'a évoqué l'Alliance de gauche. Nous avons également introduit une disposition pour que les entreprises soutenues respectent les usages de la branche et les conventions collectives, disposition qui a aussi été votée à l'unanimité. Nous avons aussi introduit une disposition - Christian Bavarel l'a évoquée - pour que l'argent de la collectivité ne serve pas à soutenir des entreprises du secteur de l'agroalimentaire qui produiraient des organismes génétiquement modifiés - et c'est une disposition très importante. Et, enfin, nous avons encore introduit une disposition pour que l'impact soit régional et pour éviter une stupide concurrence des incubateurs à l'intérieur de la région.

Dans ces conditions et avec l'impulsion que peut donner ce projet de loi à l'économie genevoise, nous vous invitons avec force à voter ce projet de loi. C'est une loi expérimentale: et nous verrons bien quels en sont les effets sur l'économie. Nous les espérons positifs, mais, si tel n'est pas le cas, nous nous en tiendrons là, tout simplement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Bonjour, Monsieur le député Pagani. Vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, bonjour.

J'aimerais d'abord vous dire, Monsieur Jeannerat, que je ne trouve pas très sympa de vous en prendre de bon matin à une collègue, surtout pour exprimer des contre-vérités... Je pourrais le comprendre en fin de soirée quand tout le monde est un peu fatigué, mais pas de si bonne heure !

Mme Wenger était présente à toutes les réunions de notre commission. Mais, nous sommes arrivés cinq minutes en retard... (Exclamations.)...et, malheureusement, le président avait fait voter ce projet de loi au début de la séance, ce qui fait que nous n'avons pas pu nous y opposer ou, à tout le moins, nous abstenir.

Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, Mme Wenger pose un problème de fond, même si M. Brunier affirme que le risque de pénétration de l'idéologie néolibérale dans nos universités a été minimisé, il y a quoi qu'il en soit toujours un risque ! Nous en voulons pour preuve qu'un certain nombre d'articles, voire de reportages de télévision, montrent à quel point les universités américaines sont truffées - si j'ose dire - d'enseignes de Mac Donald ou d'autres entreprises transnationales... (Exclamations.)...qui vont jusqu'à subventionner les cours universitaires !

A notre avis, la liberté académique, qui a été préservée à Genève et en Europe, ne peut accepter ce genre de pratiques, surtout qu'elle a été un des moteurs de l'avènement scientifique - les années fastes que nous avons connues. Et nous déplorons de voir l'économie privée s'imposer encore un peu plus: c'est un risque pour la liberté académique !

Venons-en au projet de loi qui nous est soumis. Nous avons effectivement tenté en commission, autant que faire se peut, de minimiser les risques en la matière, notamment en faisant en sorte que cette loi soit évaluée régulièrement, mais il y a tout de même un certain nombre d'incongruités qui nous paraissent devoir être signalées...

Par exemple, le poste des salaires, Mesdames et Messieurs les députés ! 656 000 F pour les salaires des deux personnes qui vont prendre en charge cet incubateur pour l'année 2004, c'est-à-dire 250 000 F par personne ! Bien sûr, on pourrait dire que cela est justifié, car il s'agit de personnes très qualifiées, qui ont de grandes compétences dans ce domaine... Mais on s'aperçoit, en examinant leur curriculum vitae, qu'aucune des deux n'a d'expérience en biotechnologie ! Leur expérience est grande dans d'autres domaines - c'est certain - mais pas en biotechnologie. C'est un des points qu'il nous paraissait important de souligner. Une fois de plus, comme c'est d'ailleurs souvent le cas dans ce type de projets, on constate que des personnes mettent à disposition leurs compétences pour remplir une mission - ce qui est bien - mais qu'elles bénéficient d'une rente de situation parce que c'est l'Etat qui soutient le projet. Ce qui est déplorable ! C'est d'autant plus déplorable qu'hier soir - et je pourrais faire allusion à d'autres débats - nous avons entendu l'ensemble des milieux de droite crier haro sur les fonctionnaires qu'ils estiment trop bien payés... En l'occurrence, ces personnes qui n'ont pas été élues, qui n'ont que des compétences académiques, vont avoir un salaire équivalent à celui d'un conseiller d'Etat ou d'un magistrat du Palais de justice ! Nous trouvons ce genre de pratique tout à fait déplorable !

Pour terminer, nous nous abstiendrons. En effet, si nous souhaitons, évidemment, que nos universitaires aient les moyens de mettre en oeuvre l'ensemble de leurs recherches dans le privé - c'est vrai - il nous semble néanmoins trop risqué de faire pénétrer une vision économique - le tout à l'économie... - dans nos universités. Nous nous abstiendrons donc, et nous attendrons de voir le bilan qui sera fait de cette expérience pour affiner notre position.

M. Blaise Matthey (L). Je constate que ce débat est axé sur le dogmatisme, qui date d'il y a à peu près trente ans, entre l'université publique et le secteur privé... Nous n'en sommes pas encore sortis, ce qui n'est pas un signe d'innovation particulièrement marqué...

Or, le présent projet, Mesdames et Messieurs, vise précisément à permettre de dépasser ce dogmatisme et à concrétiser tous les projets porteurs d'innovation.

Il n'y a pas eu, et il n'y aura jamais, Mesdames et Messieurs, d'opposition franche, stricte, entre le public et le privé, et il n'y aura pas davantage d'opposition entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Le problème auquel nous sommes confrontés dans ce pays est d'arriver à nous doter des outils qui permettent de mettre en oeuvre cette recherche appliquée, et, vous le savez, nous ne sommes pas très bien placés à ce niveau sur le plan international. Pourquoi croyez-vous, Mesdames et Messieurs, que nos chercheurs quittent nos universités pour aller dans d'autres universités ? Pas parce que Mac Donald sponsoriserait les universités mais purement et simplement parce que les conditions qui sont faites à nos chercheurs pour concrétiser leurs travaux sont meilleures à l'étranger que dans notre pays ! Elles sont même meilleures dans d'autres cantons qu'à Genève ! Il est donc temps de réagir par rapport à cet état de fait: nous devons nous doter des moyens nécessaires pour être en mesure de donner à ces personnes la possibilité de concrétiser leurs recherches !

Mesdames et Messieurs, on peut se plaindre à l'envi des conditions de l'emploi dans notre canton, on peut se plaindre à l'envi du manque de croissance: encore faut-il avoir le courage, à un moment donné, de se donner les moyens d'assurer cette croissance pour le futur !

Avec ce projet de loi, qui a été amendé dans le sens que souhaitait le parti libéral, nous nous donnons cette chance, et nous le soutiendrons. (Applaudissements.)

M. Georges Letellier (UDC). Genève est aujourd'hui placée devant un dilemme, et nous devons absolument réagir pour créer des emplois. Il faut stimuler la recherche, ce qui, en fait, stimulerait notre économie !

Nous soutenons donc ce projet de loi, même s'il comporte, bien entendu, une part de risques, car c'est un projet porteur. Il a d'ailleurs été soutenu à l'unanimité des commissaires.

J'ai néanmoins déposé un amendement qui vient peut-être à retardement, mais qui me semble important après ce qui a été dit par M. Pagani, que je rejoins sur un point: je veux parler du contrôle dans la réalisation de ces projets. Je pense en effet que les commissaires doivent au moins avoir un droit de regard sur ce qui se fera ! Nous devons être très prudents, car nous avons déjà essuyé des plâtres avec les Start-PME, et il ne faut pas recommencer les mêmes bêtises, même si l'encadrement de cet incubateur est certes prestigieux.

Autrement dit, je propose un amendement demandant que les entreprises incubées nous fassent un rapport chaque année - à nous les commissaires - de façon que nous puissions exercer un suivi et que notre rôle ne se limite pas à dire Amen ! Nous devons avoir un droit de regard sur ce qui se passe, car l'économie ce n'est pas de la rigolade... Si on se laisse entraîner dans des dépenses inconsidérées, ça risque d'aller loin, d'autant que les sommes que nous allons engager sont importantes.

L'UDC soutient ce projet, et j'espère simplement que vous accueillerez mon amendement avec une vision globale et perspicace... Je le répète, nous allons prendre des risques, et nous les assumerons, mais il faut tout de même que nous puissions exercer un certain contrôle.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous voterons sur votre amendement en deuxième débat. Cela étant, il faudra peut-être que vous nous l'expliquiez un petit mieux tout à l'heure en deuxième débat, parce qu'il me semble identique à l'article 11, alinéa 5. Mais nous verrons cela en deuxième débat...

Monsieur Robert Iselin, vous avez la parole.

M. Robert Iselin (UDC). C'est peu dire que nous avons eu des échanges orageux et intéressants au sein de la députation UDC au sujet de cette loi, et je voudrais saluer ici, pour bien fixer dans quel esprit j'interviens, les initiatives prises par les commissaires !

J'ai dû, dans ma malheureusement longue existence, m'occuper pendant un certain temps du lancement d'entreprises, et je peux vous dire que c'est une activité extrêmement délicate. Cette loi, à mon sens, met trop l'accent sur les aspects scientifiques et techniques, et c'est pour cette raison que j'aimerais que l'on y ajoute une condition.

Je dois être plus explicite... Pour lancer une affaire, il faut avoir des personnes à l'intelligence développée, en ce qui concerne la recherche et les inventions, mais ce qui est aussi nécessaire, et peut-être, malheureusement, encore plus important - je ne sais pas - c'est d'avoir également ce qu'on a l'habitude d'appeler des «capitaines d'industrie». Je n'aime pas particulièrement cette expression, mais, enfin, elle dit bien ce qu'elle veut dire. Il faut, quand une petite affaire est créée - et je parle d'expérience - avoir des gens disponibles, qui soient prêts à travailler douze heures par jour et à sacrifier les trois quarts de leur week-end - des gens qui travaillent comme des fous...

Je propose donc un amendement - parce que la présence de telles personnes est indispensable - que vous avez en main, qui consiste à ajouter une lettre g), nouvelle, à l'article 7, disant: «sont menées sur le plan industriel et commercial par de jeunes capitaines d'industrie au dynamisme avéré.»

M. Christian Brunier (S). Je ne voulais pas intervenir à nouveau, mais je ne peux pas laisser dire tout et n'importe quoi dans ce débat...

Monsieur Pagani, vous avez tenté de nous faire peur en disant que nos universités risquaient de ressembler aux universités américaines et de porter l'enseigne de McDonald... Nous ne voulons pas cela non plus, Monsieur Pagani ! Mais, y a-t-il un article de ce projet de loi qui laisse supposer une telle chose ? Ce que vous dites n'a rien à voir avec le projet de loi que nous sommes en train de traiter ! Et dans une telle éventualité, nous serions nombreux dans ce parlement à lutter à vos côtés !

Vous nous avez dit aussi que «le tout à l'économie» sous-tendait ce projet, et que ce concept risquait de s'introduire dans l'université... Aucun article de ce projet ne laisse supposer une telle chose ! S'il y avait des articles dans ce sens, nul doute que vous nous auriez proposé des amendements... Or, vous n'avez pas proposé un seul amendement durant les travaux en commission ! Le parti socialiste qui a été relativement critique sur le contenu du projet de loi, sur sa forme, a proposé - je vous le rappelle - une dizaine d'amendements qui ont été largement soutenus. Lorsqu'une loi nous semble mauvaise, il faut l'améliorer en commission. Il n'est pas décent de se taire en commission et de se dire scandalisé en plénière !

Nous avons aussi entendu que ce projet de loi était l'essence du néolibéralisme... Mais à propos de quel article ? La lutte contre les OGM ? La protection des travailleurs ? La protection et l'équilibre du développement durable ? Or, ce sont ces mesures qui ont été introduites par des amendements, et je ne vois pas qu'elles reflètent l'essence du néolibéralisme !

Les salaires ont aussi été évoqués de façon polémique... Il faudrait au moins donner des chiffres justes, Monsieur Pagani ! Vous dites que le poste «salaire» pour les deux personnes chargées de l'incubateur est de 656 000 F et que chacune d'entre elles va toucher 250 000 F... Cela ne correspond déjà pas ! J'ai donc repris ces chiffres: il est prévu pour ce poste 525 000 F - cela figure dans le rapport avec la progression annuelle - et cette somme n'est pas allouée pour deux personnes mais pour trois: les deux directeurs plus une laborantine/assistante administrative ! Je pense qu'il est possible de polémiquer mais sur des chiffres exacts: pas sur des chiffres inexacts que l'on sort d'un chapeau ! (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Monsieur Pagani, je vous demande de lire le rapport à la page 25 où figure l'évolution salariale ! Le chiffre que vous avez articulé est faux: il ne correspond à rien, et en tout cas pas au salaire des deux personnes en question, puisqu'il y a une collaboratrice de plus !

Des amendements sont proposés par l'UDC... Je rappelle à leurs auteurs, qui sont encore novices dans ce parlement, qu'un amendement permet soit d'améliorer un article soit d'ajouter une nouvelle disposition. Un amendement ne permet en aucun cas de copier un article déjà existant !

Nous refuserons évidemment ces amendements, puisque nous avons déjà ajouté en commission une disposition pour qu'un contrôle soit exercé. Le projet de loi comportant déjà cette disposition, ces amendements ne servent à rien !

M. Rémy Pagani (AdG). Vous me dites, Monsieur Brunier, que les chiffres que j'ai donnés sont faux... Peut-être n'avez-vous pas écouté les réponses à nos questions durant les travaux de commission à ce sujet ? (L'orateur est interpellé.)Peut-être n'était-il pas là non plus, mais toujours est-il que des réponses nous ont été fournies à ce sujet !

En outre, il y a des frais de voyages qui se montent à 15 000 F ! Des rémunérations fixes des membres qui s'élèvent à 70 000 F ! Et je pourrais continuer, Monsieur Brunier ! Il y a 250 000 F... Du reste, si vous consultez les procès-verbaux, vous verrez que certains des membres de la commission trouvaient tout à fait normal et légitime qu'un recteur d'université touche un tel salaire ! Un recteur d'université doit en effet être engagé... Je vous renvoie aux procès-verbaux de la commission...

Cela étant, Monsieur Brunier, je suis étonné, car il n'est pas besoin de chercher bien loin au niveau de la pénétration de l'industrie privée dans l'université... Cette semaine même... (Exclamations.)...le Tribunal de police a sanctionné un membre éminent de notre université qui travaillait depuis des années pour l'industrie du tabac et touchait un salaire mirifique !

Monsieur Brunier, vous dites que ce projet ne participera en rien - en rien ! - à la pénétration de l'industrie privée et de ses exigences... Car elle a des exigences: lorsque l'industrie privée s'introduit dans l'université, elle n'y vient pas en mécène en laissant toute latitude aux chercheurs. Elle y vient en posant ses conditions et en donnant des directions bien spécifiques aux chercheurs: il faut le savoir !

De ce point de vue, bien que ce projet de loi soit, comme cela est dit, une interface entre le domaine privé et l'université, et précisément parce qu'il est une interface, vous ne pourrez jamais prétendre qu'il n'est pas un moyen de pénétrer l'université avec des objectifs économiques - qui peuvent être bons, mais qui peuvent ne pas l'être... Nous considérons que la dynamique qui va être engendrée par ce type d'action, d'autant plus qu'elle est soutenue par l'Etat, favorisera encore davantage la pénétration de l'industrie privée dans l'université. C'est déjà le cas: je citais l'exemple du tabac, mais je pourrais en citer d'autres, et vous me semblez bien mal renseignés en la matière... Je pense aussi à l'industrie pharmaceutique...

Quoi qu'il en soit, nous maintenons bien évidemment notre abstention sur ce projet de loi - nous ne nous y opposons pas - parce que nous estimons que ce projet comporte un risque que l'Etat ne doit pas encourager, précisément parce que l'Etat doit être le garant - jusqu'à preuve du contraire, en tout cas - de la liberté académique.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Je vais donner plusieurs éléments de réponse par rapport à ce qui vient d'être dit.

Monsieur Letellier, vous avez suivi tous nos travaux de commission... Vous étiez présent lorsque nous avons proposé et voté les amendements... Et je vous signale par ailleurs que ce que vous proposez dans votre amendement figure déjà à l'article 11, alinéa 5, qui dit: «Les rapports annuels des incubateurs sont transmis au Grand Conseil à titre d'information.» C'est ce que vous demandez et cela se trouve déjà dans la loi !

Madame Wenger, tous les critères - cela a été dit tout à l'heure - d'éthique, d'environnement, de développement durable, de propriété intellectuelle, ont été introduits via des amendements à l'article 7, alinéa 1. En ce qui concerne les problèmes d'éthique, toutes les remarques que vous avez formulées en commission ont été reprises par la juriste du département. Je vous laisse lire le point 6: «Contrôle de l'éthique scientifique et médicale», à la page 23 de mon rapport.

Monsieur Pagani, je suis également surprise, car vous avez également suivi tous nos travaux de commission et, à aucun moment, vous n'avez exprimé les remarques que vous faites ici. Alors, je dois dire que cela m'ennuie beaucoup, car nous perdons un temps fou en commission pour bien examiner un projet et, ensuite, vous faites le beau en plénière, tout cela parce que les caméras de la télévision filment les séances ! Faites vos remarques en commission ! (Applaudissements.)Si vous faisiez vos remarques en commission, nous gagnerions du temps ! Nous consacrons énormément de temps à la commission des droits politiques, précisément pour résoudre les dysfonctionnements que représentent ces pertes de temps inutiles ! Alors, je vous en prie: nos travaux de commission servent à discuter, alors c'est en commission qu'il faut faire vos remarques ou proposer des amendements ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Georges Letellier (UDC). Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, Madame Bolay... J'ai soulevé la question une ou deux fois lors de nos travaux en commission et les réponses qui m'ont été données étaient biaisées... C'est du reste ce que je n'approuve pas, Madame Bolay !

Vous soutenez ce projet avec force, et je le soutiens aussi - comme M. Brunier: même combat - mais je pense qu'il faut renforcer encore le contrôle exercé par le Grand Conseil, car les sommes en jeu ne sont pas négligeables. Autrement dit, Madame... (Commentaires.)Est-ce que je peux répondre à Mme Bolay à propos de mon amendement ? Bien ! Je veux surtout qu'un contrôle efficace puisse être effectué par le Grand Conseil sur la base de chiffres exacts, qui devront lui être communiqués. Qu'est-ce que cela signifie ? Que les commissaires ne doivent pas se contenter qu'on leur lise un rapport sur lequel ils n'auraient plus qu'à dire Amen...

Madame Bolay, j'aimerais simplement que les entreprises incubées nous fassent un rapport circonstancié - c'est tout, cela représente une demi-page ! - pour nous permettre de donner notre aval en toute connaissance de cause. Je tiens surtout à ce que nous ayons la possibilité d'intervenir si les choses ne se passent pas bien, car nous avons déjà assez essuyé de plâtres comme cela ! C'est tout ce que je demande !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord m'associer aux remerciements qui ont été adressés au rapporteur - Mme Loly Bolay - pour son excellent travail qu'elle a effectué rapidement... Elle savait que je tiens beaucoup à ce projet et qu'il faut le mettre en oeuvre aussi vite que possible. Nous avons déjà des années de retard en la matière.

Mais j'aimerais aussi remercier tous les députés, car ils ont fait des critiques mais aussi des suggestions qui ont abouti au vote unanime de ce projet de loi et de son règlement d'application.

J'aimerais également faire un clin d'oeil à mes collègues du Conseil d'Etat qui, je le rappelle, ont apporté leur compétence au stade de l'avant-projet et qui ont permis qu'il soit présenté au Grand Conseil avec de meilleures chances de réussite.

Et, enfin, je n'oublie pas toutes les personnes du monde académique qui attendent ce projet avec impatience: d'éminentes personnalités de l'université et des chercheurs de nos hôpitaux universitaires qui excellent dans le monde des sciences de la vie. Ils attendent ce projet, car déjà plus de cinq cents jeunes post-doc dont la formation a coûté au moins un million chacun - soit 500 millions - sont partis à l'étranger, à Boston notamment, apportant à l'économie américaine le bénéfice de la formation qu'ils ont acquise dans nos universités et nos hautes écoles. Merci, donc, à tous les scientifiques qui ont soutenu ce projet, dont M. Francis Waldvogel qui est président des écoles polytechniques de Suisse, M. Marc Schriber - Monsieur Letellier - qui est président du Réseau et membre du Conseil académique de l'université de Genève - qui est maintenant dissous - et qui était un capitaine d'industrie, pour reprendre votre expression...

M. Gabriel Barrillier. Jeune !

M. Carlo Lamprecht. Jeune capitaine, peut-être, mais un capitaine qui a fait ses preuves, Monsieur Barrillier ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)Si vous me le permettez, je pourrais terminer ! Je dirai que l'inquiétude de M. Iselin est sans fondement vu ses compétences et celles des autres éminentes personnalités qui connaissent bien ce domaine. Comme vous le souhaitez à juste titre, ils sauront donner les conseils nécessaires pour surmonter les difficultés que rencontrent les nouvelles entreprises qui démarrent.

La commission a consacré six séances à ce projet de loi. Pratiquement toutes les personnes intéressées ont été entendues et ont pu fournir des réponses aux questions posées. Et des amendements ont été apportés pour améliorer le projet.

Je tiens toutefois à rappeler certaines choses...

Je comprends très bien qu'on se préoccupe de la propriété intellectuelle: c'est tout à fait logique. Vous trouverez à ce sujet un accord signé, au point 4.7 de la convention, stipulant: «Lorsqu'une innovation a été développée au sein d'un institut académique et/ou hospitalier, Eclosion s'engage, avant d'accepter un projet, à s'assurer que les droits de propriété intellectuelle ont fait l'objet d'un accord avec les organes de transfert de technologie de ces instituts.» Nous répondons donc à cette préoccupation. Et puis, la loi sur l'université actuellement à l'étude pourra préciser ce point d'une manière encore plus spécifique .

Je comprends également votre amendement, Monsieur Letellier, mais je suggère de le modifier, dans la mesure où vous voulez pouvoir discuter avec les responsables de l'incubateur. On pourrait dire, par exemple: les rapports annuels des incubateurs doivent être présentés à la commission de l'économie. Ce qui vous permettrait d'en discuter directement avec les personnes concernées. Nous y reviendrons tout à l'heure, lorsque nous reparlerons de cet amendement.

J'ai ensuite entendu parler de pouvoirs publics, d'académie et d'économie privée... On observe aujourd'hui que toutes les nouvelles stratégies en matière économique sont menées entre les pouvoirs publics, les autorités académiques et l'économie privée, pas seulement en Europe mais aussi au Japon, aux Etats-Unis: c'est un concept qui est utilisé dans de nombreux pays du monde, auquel on ne peut pas échapper. Je rappelle que nous sommes tenus, en Suisse, de porter nos efforts sur l'excellence. Notre pays est petit, et nous représentons un petit marché: nous devons donc exporter, et, pour atteindre cet objectif, il faut absolument que ces trois entités travaillent ensemble.

Que fait l'Etat de Genève à travers ce projet de loi ? Il ne fait que mettre en place un dispositif, une infrastructure, des connaissances, un encadrement... Il ne va pas financer les projets ! Ils seront financés par l'économie privée. Je le répète, ce n'est pas l'Etat qui va investir. Ce projet est un outil indispensable, si nous voulons garder une place dans le marché économique par rapport aux autres pays d'Europe et du monde dans ce domaine qui est en pleine effervescence.

C'est un domaine prometteur, et nous devons absolument l'exploiter.

Madame Wenger, vous avez parlé de M. Miéville... Sachez qu'il a été l'un des promoteurs de ce projet. Il n'est pas du tout opposé à ce projet: il a participé aux travaux, c'est un domaine qu'il connaît bien. Quelques entreprises ont démarré, du reste, avec le soutien de l'université... (Commentaires.)Excusez-moi si je n'ai pas compris ce que vous avez voulu dire, mais je tenais à apporter cette précision.

Monsieur Jeannerat, vous avez raison de dire que nous sommes en train de revoir la LAPMI, Start-PME, etc., pour donner une meilleure cohérence à notre action dans ce domaine. Et, comme nous l'avons promis en commission, nous vous soumettrons un projet de loi dans ce sens. Pourquoi ? Tout simplement, parce que, pour pouvoir lutter dans le domaine économique, non seulement pour résoudre les problèmes de chômage mais pour préparer l'avenir, nous devons absolument stimuler l'économie. C'est la meilleure des manières de résoudre les problèmes de chômage, car c'est ainsi que les emplois sont créés. Toutes les mesures que l'on peut prendre en la matière ont peu d'impact sur l'emploi si l'économie ne fonctionne pas.

Mesdames et Messieurs, je souhaiterais que ce projet soit voté dans un bel élan unanime, même si je peux comprendre que quelques-uns d'entre vous s'abstiennent. Ce projet de loi va permettre à des entreprises, pourvoyeuses d'emplois et de valeur ajoutée, d'éclore. Nous souhaitons vivement, car nous en avons besoin, d'autant qu'il s'agit d'un domaine dans lequel nos écoles excellent, ce qui est reconnu dans le monde entier.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre les conclusions unanimes de la commission d'adopter ce projet. C'est aussi une reconnaissance du travail de nos hautes écoles qui sont à la pointe de la recherche. C'est un encouragement pour nos chercheurs et c'est aussi, Mesdames et Messieurs, une preuve de confiance dans l'avenir, et nous avons besoin de confiance pour sortir du marasme économique. Sans la confiance, sans l'enthousiasme et sans un certain engagement, nous n'y arriverons pas. Je vous demande donc de voter ce projet avec enthousiasme.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 6.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement sur l'article 7. Monsieur Charbonnier, vous avez la parole.

M. Alain Charbonnier (S). Depuis les travaux de la commission, le département de l'économie a pris des mesures pour lutter contre le chômage... Entre autres, parmi ces dix mesures, figure la charte pour l'emploi... Je dirai, sur le ton de la boutade, que «ça ne mange pas de pain». Quoi qu'il en soit, nous tenons à ce que cette mesure figure dorénavant dans les projets de lois que l'Etat subventionne. Nous pensons que c'est une bonne chose d'ajouter à l'article 7, lettre f), la notion de charte pour l'emploi, pour que les entreprises qui pourront démarrer grâce aux incubateurs participent, dans la mesure de leurs possibilités, à l'engagement de chômeurs et à la formation.

M. Souhail Mouhanna (AdG). L'intervention enflammée de M. Lamprecht, concernant les bienfaits attendus de ce projet de loi, est dans la droite ligne de toutes les interventions qui sont faites dans ce Grand Conseil, à chaque fois qu'on essaye de nous «vendre» un projet...

Et j'imagine que ce qui avait été dit à l'époque pour Start-PME ressemble parfaitement à ce que nous venons d'entendre...

Que s'est-il passé ? Start-PME a été subventionnée à hauteur de plusieurs dizaines de millions - 80 millions, je crois, ramenés à 50 millions - et les résultats sont plus que mitigés, je dirai même très en dessous du minimum imaginable... Pourtant, les besoins sont évidents pour tout le monde - il n'est que voir le projet de budget 2004 dont nous avons discuté hier...

Par ailleurs, il est dit dans l'exposé des motifs que le Conseil d'Etat souhaite mettre de l'ordre dans le dispositif des mesures de soutien aux entreprises - qui sont nombreuses... Je trouve anormal qu'on nous propose de voter aujourd'hui un projet à hauteur d'une dizaine de millions - pour une courte durée, certes - alors que rien n'a encore été fait pour mettre de l'ordre dans ce dispositif.

C'est la raison pour laquelle, nous nous opposerons à ce projet, parce que nous attendons un projet du Conseil d'Etat pour un nouveau dispositif en faveur de création d'entreprises et de soutien à l'emploi et à la recherche.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je n'ai pas vraiment compris le rapport entre votre intervention et l'amendement déposé par le parti socialiste... Monsieur Pagani, vous avez la parole, sur l'amendement seulement, s'il vous plaît.

M. Rémy Pagani (AdG). Bien évidemment, je parlerai de l'amendement, car il pose une question importante aux députés...

Mais, au préalable, j'aimerais juste dire à Mme Loly Bolay - je ne sais pas ce qu'elle a entendu de la bouche de nos représentants au sein de la commission - que Mme Wenger, pendant plusieurs séances, s'est opposée à certains articles de ce projet de loi, et je crois qu'elle a été l'expression de notre travail au sein de l'AdG.

Cela étant, Monsieur le président, j'ai lu comme vous dans la presse cette charte pour l'emploi... Je dois avouer que cela m'a interpellé, et je me suis dit que c'était un acte politique important... Je me suis toutefois demandé quelle était la raison de cette charte... Si elle avait été établie pour résoudre les problèmes de chômage ou si le gouvernement avait tout à coup pris conscience que les choses n'allaient pas être si faciles que cela... En réfléchissant bien, j'ai pensé que le gouvernement se préoccupait de ce qui va arriver en juin de l'année prochaine, je veux parler de l'ouverture du marché de l'emploi à l'ensemble de la main d'oeuvre européenne... Il tente donc de mettre un dispositif en place et d'y associer un certain nombre de grandes entreprises, pour qu'elles engagent les personnes qui sont au chômage sur le marché local. Je trouve cette action honorable, mais à rebours du bon sens. Le bon sens commanderait qu'on se préoccupe d'abord des problèmes actuels que nous connaissons dans notre République et, après, qu'on mette en place des dispositifs pour influer, si faire se peut, ces phénomènes.

Je donnerai un exemple en matière d'emploi: la destruction de l'entreprise Swissair, qui a mis sur le tapis plusieurs sociétés, notamment Swissport, à l'Aéroport de Genève - c'est tout près: à 3 kilomètres d'ici - Gate Gourmet et d'autres... Que sont devenues ces entreprises ? Un certain nombre de transnationales financières, comme Texas Pacific, sont venues accaparer ces industries - qui étaient une richesse pour notre pays - et elles font maintenant pression sur les travailleurs pour faire baisser les salaires et faire un profit exagéré. En l'occurrence, Gate Gourmet tente de baisser les salaires de 13%... Il ne s'agit pas d'une baisse de 1 ou 2%, mais bien de 13%, avec une augmentation des horaires, alors que, dans le cadre de difficultés économiques, la logique voudrait que les horaires soient diminués pour essayer de répartir le travail entre tous !

C'est la logique qui prévaut à l'heure actuelle, Monsieur le président, et votre charte pour l'emploi ne combat aucunement cette logique !

Pour nous, si des emplois doivent être créés dans ce canton, ils doivent être attribués à des personnes de la région - je parle de «région» volontairement - pour qu'elles puissent y travailler et y vivre dignement ! Malheureusement, vu les tendances actuelles du marché, nous en sommes loin ! En effet, de plus de personnes s'appauvrissent: bien qu'elles travaillent à plein temps, elles n'arrivent plus à vivre dignement ! Les working poorsatteignent 9% de la population active, ce qui est tout de même un comble !

De ce point de vue, nous ne sommes pas favorables à n'importe quel type d'emplois dans notre canton... Nous voulons des emplois qui soient pérennes, qui traduisent une volonté de maintenir une certaine productivité à l'avenir, et socialement utiles. Malheureusement, un certain nombre de facteurs nous font dire que nous n'allons pas du tout dans cette direction. Alors, on peut bien mettre - ça ne mange en effet pas de pain - cette charte pour l'emploi dans ce projet de loi - cela fera plaisir à certains... Toujours est-il que cela ne permettra pas de protéger l'ensemble du marché du travail, comme nous le souhaitons - et pas seulement les travailleurs de ce pays - de ceux qui veulent spolier les travailleurs, notamment en s'attaquant à leurs salaires ! Et nous verrons bien quelles en sont les conséquences à la fin de l'année !

M. Blaise Matthey (L). Pour des raisons évidemment totalement différentes de celles que vient d'évoquer M. Pagani, je propose le rejet de cet amendement, non pas que la problématique soulevée soit sans pertinence, seulement la charte pour l'emploi a été signée par des grandes organisations, et le sujet de ce soir porte sur l'incubation d'entreprises. Je vous prierai simplement de rester au niveau concerné, et, en l'occurrence, nous ne sommes pas du tout au même niveau. Vous introduisez aujourd'hui - sans en avoir discuté d'ailleurs au préalable en commission - une dimension qui n'a rien à voir avec celle que nous poursuivons !

Nous poursuivons tous un objectif parfaitement louable, celui, à terme, de ne pas manquer un certain nombre d'occasions dans le domaine de l'emploi. Et, pour ce faire, il faut prioritairement que les incubateurs se construisent autour de leur vocation essentielle, qui est précisément la recherche technologique appliquée. En introduisant toute une série de paramètres beaucoup trop précis, s'adressant à d'autres organisations, vous commencez à charger un projet qui doit essentiellement valoir par sa souplesse, qui doit être tourné vers cette capacité d'innovation qui sera celle des personnes ayant la charge d'incubateurs.

Alors, tout en respectant le contenu de la charte, tout en partageant le souci qui est le vôtre à l'égard de l'emploi, je vous prie de ne pas mélanger les niveaux.

C'est la raison pour laquelle je vous suggère, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cet amendement.

M. Christian Brunier (S). Monsieur Matthey, vous êtes un peu l'homme qui a la faculté de remonter le temps... En effet, vous nous accusez de ne pas avoir débattu de cette question en commission, alors que vous savez très bien que nous avons voté le projet de loi sur les incubateurs et qu'on nous a ensuite parlé de la charte pour l'emploi. N'en connaissant pas l'existence - nous ne sommes pas dans la confidence du chef du département, en tout cas pas à ce point... (Rires.)- nous ne pouvions pas vous en parler ! Le parti socialiste a l'habitude de travailler sur des choses concrètes, et pas dans le vide !

La charte pour l'emploi - notre chef de groupe l'a dit - est une mesure qui ne mange pas de pain, mais c'est un symbole. C'est vrai ! La charte en tant que telle ne représente pas grand-chose, mais, certaines entreprises, signataires de cette charte - heureusement ! - ont envie d'agir avec cohérence. Depuis qu'elles l'ont signée - et vous le savez très bien - elles ont décidé de la concrétiser, et réfléchissent aux actions à mettre en oeuvre pour engager des chômeurs. A travers les symboles, on dégage parfois des dynamiques, et je pense que cet amendement va aussi dans ce sens.

Et puis, on ne peut pas toujours dire que ce sont les PME et les PMI qui créent les emplois - certes, ce sont les PME et les PMI qui créent le tissu économique de ce canton - et dire dans le même temps que la charte pour l'emploi ne concerne que les grandes entreprises ! Les PME et les PMI peuvent aussi agir dans le cadre de cette charte pour l'emploi. Les entreprises, à tous les niveaux, doivent se mobiliser pour lutter contre le chômage que nous connaissons aujourd'hui. Et cet amendement donne une impulsion à ce niveau.

Monsieur Pagani, vous ne pouvez pas vous contenter de dire continuellement qu'il faut lutter contre le chômage. La lutte contre le chômage n'est pas un slogan: il faut aussi agir !

Vous dites que ce projet d'incubateur ne sera pas efficace, et vous vous y opposez ! Vous dites que la charte pour l'emploi, c'est du pipeau, et vous ne la soutenez pas ! Il faut savoir ce que vous voulez: il n'y a pas de recette miracle pour lutter contre le chômage ! Ce n'est pas en scandant des slogans que vous allez diminuer le nombre de chômeurs dans ce canton, mais en prenant un certain nombre de dispositions !

Et, de grâce, arrêtez de nier le vote récent de la population suisse en faveur des bilatérales: en revenant sans cesse sur ce sujet, vous insultez la démocratie ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Est encore inscrit, M. le député Catelain, à qui je donne la parole, et, ensuite, nous passerons au vote.

M. Gilbert Catelain (UDC). L'idée de l'amendement socialiste visant à introduire dans la loi la charte de l'emploi n'est pas mauvaise, en effet. Comme cela a été dit, ça ne mange pas de pain...

Mon seul souci, c'est que la loi va s'en trouver alourdie... (Exclamations.)Je vous signale que vous pourrez changer cette charte quand vous le voulez... Si ça se trouve cela sera le cas dans deux ans, et elle figurera toujours dans la loi. Et le principe restera! On pourrait bien sûr voter maintenant l'introduction de cette charte dans la loi sur la base de son contenu d'aujourd'hui, mais si elle devait être modifiée par la suite et que des obligations nouvelles sont introduites, la loi en serait pervertie !

Le principe de précaution nous conduit à renoncer à votre amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer... Monsieur Pagani, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Trente secondes seulement, Monsieur le président ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Si vous ne me laissez pas parler, vous n'allez que prolonger le débat ! Et j'ai le droit de prendre la parole trois fois...

Cela étant, je trouve que vous avez du toupet de nous donner des leçons en matière de lutte contre le chômage, alors que M. Leuenberger, encore récemment, a sabré huit cents emplois dans le secteur de la Poste ! (Exclamations.)Vous devriez balayer devant votre porte avant de critiquer les autres !

Le président. Merci, Monsieur le député, qui avez effectivement le droit de prendre la parole trois fois... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)S'il vous plaît ! S'il vous plaît, on se calme ! Tout va bien ! Je vous soumets maintenant l'amendement proposé par le parti socialiste, à l'article 7, lettre f), consistant à ajouter à la fin de la phrase, «et adhèrent à la charte pour l'emploi», ce qui donne: «possèdent une potentialité de créations d'emplois et adhèrent à la charte pour l'emploi.» Nous allons procéder au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 36 non contre 30 oui.

Le président. Toujours à l'article 7, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Robert Iselin, consistant à ajouter une lettre g), nouvelle, dont la teneur est la suivante: «sont menées, sur le plan industriel et commercial, par de jeunes capitaines d'industrie au dynamisme avéré.» Je vous soumets cet amendement au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 5 oui et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour la bonne règle, je vous soumets l'article 7, tel qu'il figure dans le rapport, à main levée.

Mis aux voix, l'article 7 est adopté.

Mis aux voix, l'article 8 est adopté, de même que les articles 9 et 10.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Georges Letellier à l'article 11, alinéa 6... (Le président est interpellé par M. Pagani.)Vous avez déjà pris la parole trois fois, Monsieur le député... Vous avez le droit de prendre la parole trois fois par débat, et vous l'avez prise pour la troisième fois en deuxième débat... C'est juste, n'est-ce pas ? Ah, non ! Vous avez raison, Monsieur le député Pagani, vous avez encore le droit de prendre la parole une dernière fois en deuxième débat !

M. Rémy Pagani (AdG). Je sais encore compter, Monsieur le président !

J'ai bien entendu la proposition de M. Lamprecht par rapport à cet article. Je trouverais intéressant que M. Lamprecht nous explique plus en détail sa proposition de rapport... Car nous pensons que nous devons exercer un contrôle assez pointu sur ces incubateurs, notamment suite à l'expérience que nous avons faite avec Start-PME qui, si elle n'a pas été catastrophique, n'a pas été très heureuse, comme l'a dit mon collègue Souhail Mouhanna. Je demande donc à M. Lamprecht qu'il nous précise sa pensée par rapport à cet amendement.

Le président. La parole est à M. le député Bernard Annen, puis à M. le conseiller d'Etat, M. Carlo Lamprecht. Allez-y Monsieur le député !

M. Bernard Annen (L). Deux mots pour vous dire qu'on ne peut que constater à quel point notre règlement est dépassé... Mme Bolay disait justement que nous étions en train d'étudier un certain nombre de propositions pour le modifier, ce qui est nécessaire...

Monsieur le président, M. Pagani a effectivement le droit de prendre trois fois la parole, par amendement. Il était donc dans son droit ! Si M. Pagani veut continuer à détourner le règlement ou l'esprit du règlement, il peut encore déposer un amendement, comme ça il aura encore le droit d'intervenir à trois reprises...

C'est comme cela que nous devons interpréter ce règlement, et il est temps qu'on en change !

Le président. Monsieur Alberto Velasco, vous avez la parole, mais soyez bref: je crois que tout a été dit...

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, je ne peux qu'intervenir après les propos de M. Annen !

Nous sommes saisis d'un projet de loi, et une loi est quelque chose de contraignant pour les citoyens. Il est donc normal qu'elle soit étudiée en profondeur et que les députés puissent s'exprimer largement à son sujet. Monsieur Annen, une fois que la loi sera votée, il faudra l'appliquer. Alors autant en débattre dans ce parlement et perdre une heure de plus s'il le faut, parce que la loi, elle, sera en vigueur pour des mois ou des années !

Monsieur Annen, je vous prie de considérer que la démocratie vaut bien la peine qu'on s'y attache et qu'on se donne le temps de débattre !

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de ne pas trop faire de digressions sur le règlement de notre Grand Conseil, sinon le débat va durer trois heures de plus...

Monsieur le conseiller d'Etat, Carlo Lamprecht, vous avez la parole.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Avant de répondre à la question de M. Pagani, je dirai un mot à M. le député Mouhanna...

Monsieur Mouhanna, vous écrasez systématiquement Start-PME, mais je peux vous fournir des témoignages écrits d'entreprises qui ont réussi, qui ont créé des emplois et qui sont à la pointe dans leur domaine, grâce à Start-PME! (Commentaires.)Oui, oui, je pourrai vous les montrer ! Et vous savez très bien que dans toute entreprise active dans ce domaine, il y a une prise de risques et que certains projets marchent et d'autres pas. Il n'y a pas que des échecs ! Vous insistez sur les effets négatifs de Start-PME, comme si les résultats étaient une catastrophe... Je vous fournirai des témoignages et des chiffres pour vous montrer ce que Start-PME a apporté à l'économie genevoise !

Par rapport à l'amendement de M. Letellier et à la question de M. Pagani, je propose que la direction de l'incubateur soumette un rapport d'activité chaque année et vienne le commenter devant la commission de l'économie. Cela permettra aux uns et aux autres de poser les questions idoines pour que les choses soient claires. C'est dans ce sens que j'accepte cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je reformule l'amendement pour que les choses soient claires. Il concerne l'alinéa 5 ou l'alinéa 6 ? L'alinéa 5, si j'ai bien compris ! Monsieur Letellier, retirez-vous votre amendement ? Vous avez la parole, mais vous devez d'abord appuyer sur votre bouton pour cela...

M. Georges Letellier (UDC). Je m'exprime à double titre, d'abord comme commissaire de la commission de l'économie et, ensuite, en tant que patron d'entreprise... Heureusement, j'ai une entreprise qui marche et que je gère au plus près... (Commentaires.)Je peux donc parler de mes soucis par rapport à ce qui est proposé en connaissance de cause.

Je n'ai rien à dire contre le projet lui-même... Je le trouve fantastique pour l'avenir de Genève. Je n'ai rien à dire sur le rapport de Mme Bolay, qui a fait un très bon boulot.

Par contre, en tant que chef d'entreprise, j'aimerais vous faire comprendre que nous parlons d'un incubateur qui va rendre un rapport annuel, alors que je parle d'un rapport fait par l'entreprise incubée, c'est-à-dire par le responsable direct. Le contenant et le contenu ! Le responsable direct doit s'exprimer en fonction de l'évolution de ses travaux. Il doit donner des résultats au peuple, et le peuple, c'est nous !

C'est tout ce que j'ai à ajouter. Je suis d'accord sur l'essentiel.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pardonnez-moi, mais vous n'avez pas répondu à ma question... Je vous demandais si, compte tenu de la proposition faite par M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht, vous mainteniez votre amendement ? Vous le retirez ? D'accord !

Il s'agit donc de modifier l'article 11, alinéa 5, de la manière suivante, ce qui donne: «La direction de l'incubateur présente tous les ans au Grand Conseil un rapport d'activité et en répond devant la commission de l'économie.»

C'est bien cela ? Je vous soumets donc cet amendement au moyen du vote électronique. Monsieur Letellier, vous voulez vous exprimer ? Bien, vous avez la parole.

M. Georges Letellier. J'ai une question à poser à M. le conseiller d'Etat... Qu'entendez-vous par «direction» ? (Exclamations.)S'agit-il des éminences grises ou de la personne qui conduit le projet ? (Commentaires.)

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je précise ma pensée: il s'agit de la direction de l'incubateur...

Le président. Bien, je viens de vous lire cet amendement... Monsieur Mouhanna, vous voulez vraiment la parole ? Bien, mais alors, brièvement ! Vous avez la parole.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je ne crois pas que les interventions que vous appelez de vos voeux soient plus utiles ou plus importantes que celles qui sont issues de nos rangs, Monsieur le président !

Je voulais simplement suggérer de remplacer «la direction» par «les responsables», pour qu'il n'y ait pas de confusion...

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cet amendement modifié... Je vous le relis, pour plus de sûreté, mais permettez-moi tout de même de vous dire que ce travail ne se déroule pas dans les meilleures conditions. Je le cite donc: «Les responsables de l'incubateur présentent tous les ans au Grand Conseil un rapport d'activité et en répondent devant la commission de l'économie.» Je le répète nous procédons au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté 35 non contre 30 oui et 5 abstentions.

Le président. Pour la bonne forme, je vous soumets l'article 11, tel qu'issu des travaux de commission.

Mis aux voix, l'article 11 est adopté.

Mis aux voix, l'article 12 est adopté, de même que l'article 13 (souligné) et son annexe.

Troisième débat

Le président. Monsieur Weiss, vous voulez la parole ? Allez-y !

M. Pierre Weiss (L). Compte tenu de la déclaration de M. Pagani disant qu'il s'abstiendrait et de son vote initial - il a voté non - j'aimerais savoir de quelle façon il va se comporter pour le vote final... Je demande donc l'appel nominal... (Exclamations.)

Le président. Êtes-vous soutenu, Monsieur le député ! (Appuyé.)Bien, il en sera fait ainsi. Monsieur Letellier, vous voulez la parole ? Vous l'avez !

M. Georges Letellier (UDC). J'aimerais remercier mes collègues de la droite pour leur vote positif sur mon amendement... (Rires.)Cela caractérise bien le boycott dont fait l'objet l'UDC ! (Exclamations.)

Dès qu'un sujet concerne l'économie, vous ne voulez pas qu'on y touche ! (Commentaires.)Vous voulez vous réserver certains sujets, et nous n'avons rien à dire ! Mais cela ne durera pas ! (L'orateur est interpellé.)Non, non, il faudra mettre les billes en place ! (Exclamations.)

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne crois pas me souvenir des choses qu'on nous reproche aujourd'hui...

Heureusement, nous sommes un certain nombre de députés de l'Alliance de gauche, et nos commissaires, même s'ils défendent leur point de vue, en rapportent au caucus - comme c'est d'ailleurs le cas pour l'ensemble des députés. Nous avons eu une discussion à ce sujet au caucus, qui, dans un premier temps, nous a conduits à nous abstenir sur ce projet - j'explique notre position à M. Weiss, car il semble qu'il ne l'ait pas comprise... Et puis, dans un second temps, par rapport au débat d'aujourd'hui, nous avons été convaincus par un certain nombre d'arguments - que des députés de notre groupe avaient fait valoir lors du caucus - et qui nous conduisent maintenant à nous y opposer - c'est bien la preuve que nous avons eu un débat démocratique et de son importance. Nous craignons en effet que ce projet ne fasse courir trop de risques - je ne veux pas revenir sur le fond - à l'université et, de manière générale, à notre économie.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Le débat et les votes qui sont intervenus tout à l'heure montrent bien que l'abstention n'était plus de mise, dans la mesure où la droite, qui a renvoyé le projet de budget au Conseil d'Etat, qui a voté les douzièmes provisoires, qui s'apprête à s'attaquer à toutes les ressources et les recettes de l'Etat - parce qu'elle veut encore faire des cadeaux aux milieux qui lui sont proches - trouve tout à coup normal de distribuer des millions et des millions! Il s'agit tout de même de 50 millions de capital pour moins de deux cents emplois, pour ce qui est de Start-PME ! C'est trop cher !

Et, dans le même temps, elle cherche à bloquer et même supprimer des centaines, voire des milliers, d'emplois dans la fonction publique, ce qui augmentera encore le nombre de chômeurs à Genève, alors que les besoins de la population sont en augmentation!

Eh bien, non: nous n'allons pas entrer dans ce jeu ! Nous prenons rendez-vous dans quelque temps, et nous verrons bien que tout ce qui a été dit par rapport aux résultats mirifiques attendus et sur l'avenir de Genève ne sera pas concrétisé ! Une fois de plus, ce sont des paroles en l'air ! Nous prenons date ! Vous verrez bien que nous avions raison !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote de ce projet de loi en troisième débat par appel nominal. Le vote est lancé.

La loi 9067 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9067 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 8 non et 4 abstentions.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons nos travaux avec les points à traiter en urgence, comme vous l'avez défini, hier à 17h. Nous prenons donc le point 46 de notre ordre du jour.

M 1328-B
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Florian Barro, Jacques Béné, Thomas Büchi, Michel Parrat sur la politique du Conseil d'Etat pour la production de logements

Débat

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. Je suis optimiste de nature, je pense donc que ce débat sera plus court que le précédent, sur les incubateurs... (Commentaires.)

Cette motion illustre bien les difficultés que nous avons à aborder le problème du logement. Sur mon trajet de ce matin, à la place du Bourg-de-Four, j'ai vu la manchette du GHI... (Exclamations.)...qui titrait: «Le logement victime de lois dépassées...» (Exclamations.)Cela m'a inspiré...

Cette motion date de l'an 2000. Il a fallu à peu près trois ans, pour des raisons assez obscures - j'en prends à témoin les membres de la commission du logement - pour obtenir ce rapport. Nous avions voté le premier rapport à l'unanimité lors de la séance de commission du 27 novembre 2000. Mais nous mettons tellement de temps pour effectuer nos travaux que la situation s'est dégradée entre-temps et la pénurie de logements encore plus importante qu'avant. C'est la raison pour laquelle, lors de la séance plénière du 29 août 2003, nous avons renvoyé cette motion à la commission du logement, et cette dernière y a ajouté une invite, votée à la majorité, demandant au Conseil d'Etat, je cite: «d'assouplir sa pratique en matière de répartition entre logements subventionnés et logements non subventionnés de manière à favoriser la relance de la construction de logements.» Je veux parler de la célèbre règle dite des «deux tiers/un tiers», qui nous occupe depuis très longtemps...

J'aimerais tout de même vous rappeler que nous avons fait un progrès... En effet, au début de cette législature, nous avons dû examiner deux projets de lois symétriquement opposés: un de la droite, qui demandait d'inscrire dans la loi deux tiers de logements du secteur libre et un tiers de logements sociaux - je simplifie... - et un de la gauche qui demandait le contraire, soit d'inscrire dans la loi un rapport rigide: deux tiers de logements sociaux et un tiers de logements dans le secteur libre, ce qui était tout à fait défavorable à l'évolution du marché. Les deux blocs - gauche et droite - se sont entendus pour retirer leurs projets de lois, faisant ainsi preuve d'un certain pragmatisme.

Lors de nos derniers travaux de commission, vous n'avez effectivement pas voulu de cette nouvelle invite... Ce n'est pourtant qu'une invite qui demande au gouvernement d'assouplir sa position dans les zones de développement par rapport à cette règle. Ce n'est certes pas la panacée, qui va, à elle seule, résoudre la pénurie de logements, mais c'est une des mesures, qui, ajoutées les unes aux autres, pourrait permettre d'améliorer la situation.

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, je vous propose de voter les conclusions de la majorité.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Comme vous l'avez dit, Monsieur Barrillier, cette motion date de l'an 2000... Mais ce qui a changé entre-temps, ce ne sont pas du tout les conditions de logement... Ce qui a changé, c'est la majorité ! A l'époque, nous étions majoritaires, et, suite au changement de majorité, vous en avez profité pour revenir sur le vote de la motion. C'est cela qu'il faut dire ! Les conditions dans ce domaine n'ont pas changé. On ne peut pas dire qu'il y avait beaucoup de logements libres en 2000 et qu'il n'y en a plus en 2003: ce n'est pas du tout ça ! Comme je viens de le dire, vous êtes revenus sur le vote de cette motion parce que vous étiez devenus majoritaires ! Et c'est bien dommage !

Deuxième point. En effet, Monsieur Barrillêt...

Une voix. Barrillier !

M. Alberto Velasco. Barrillier... Parfait, je corrige ! (Rires.)...un consensus avait été trouvé, ici en plénière, entre la gauche et la droite, pour retirer simultanément les projets de lois 8498 et 8527 - comme vous l'avez évoqué. Et je trouve que vous faites preuve d'une certaine mauvaise foi en revenant sur cette motion en donnant le même argument, après que nous avons accepté, de part et d'autre, de retirer ces deux projets de lois !

Je cite l'invite qui figure à la fin de votre rapport: «invite le Conseil d'Etat à assouplir sa pratique actuelle de répartition entre logements subventionnés et logements non subventionnés de manière à favoriser la relance de la construction de logements». En effet, vous ne mentionnez pas que vous voulez un tiers de logements sociaux et deux tiers de logements dans le secteur libre, mais vous savez bien que c'est l'idée de votre invite !

Vous vous demandez pourquoi nous nous opposons à cette répartition, l'important étant de construire des logements... C'est votre argument, n'est-ce pas ? (Commentaires.)Seulement, nous pensons qu'étant donné la répartition sociale des habitants de ce canton et leur revenu, cette répartition devrait être inversée. En effet, une large majorité de la population genevoise n'a pas accès aux logements du marché libre. Celui-ci ne répond donc pas aux besoins de la population, car il ne correspond pas à la demande. Et d'ailleurs, vous voyez bien que les chiffres, qui nous ont été fournis en commission par le département et qui figurent dans mon rapport, le montrent ! 63,66% des demandeurs ont un revenu inférieur à 60 000 F et 24% ont un revenu qui se situe entre 60 et 90 000 F. Et vous savez très bien que les prix des logements qui se construisent dans le marché libre ne correspondent pas à ce type de revenus ! A partir de là, nous disons simplement qu'il faut construire des logements pour les personnes qui en ont besoin, à des prix qui correspondent à leurs possibilités financières.

D'autres chiffres intéressants qui nous ont été fournis en commission montrent que dix mille neuf cent soixante-trois logements ont été mis en location au bénéfice de la LGL entre 1992 et 2002 et, pour la même période, vingt mille quatre cent cinquante-deux logements libres ont été construits ! Et, si vous faites le rapport, Monsieur Barrillêt...

Des voix. ...llier !

M. Alberto Velasco. ...llêt... Je n'y arrive pas ! (Exclamations. L'orateur est interpellé.)Si vous faites le rapport, cher collègue... C'est plus facile, n'est-ce pas ? (Rires.)...sur le total des logements mis en location durant cette période: cela donne 35% de logements au bénéfice de la LGL et 65% de logements dans le secteur libre. Le département a bien appliqué la répartition des deux tiers/un tiers, durant cette période, mais dans l'autre sens ! Et vous vous plaignez ? Je ne vois vraiment pas de quoi vous vous plaignez ! C'est nous qui devrions nous plaindre, parce que la répartition de deux tiers de logements sociaux pour un tiers de logements dans le secteur libre n'est pas appliquée !

En ce qui nous concerne et par gain de paix - puisque les deux projets de lois ont été retirés - je vous propose de rejeter la motion telle qu'elle nous est soumise aujourd'hui et de voter la motion d'origine.

Mme Michèle Künzler (Ve). Faut-il le rappeler encore une fois: cette motion a été votée à l'unanimité ! Elle invite le Conseil d'Etat à procéder à une analyse de la demande de logements et de définir une politique adéquate en matière de production et de rénovation de logements. Tout le monde peut être d'accord sur ces points.

Mais, en fait, un oeuf de coucou a été déposé dans cette motion, puisqu'on y a ajouté une invite qui n'est pas anodine... En effet, nous avions demandé que soient étudiés les besoins en logements... Eh bien, on nous donne déjà la réponse: la suppression de la répartition des deux tiers/un tiers, ou, pour le moins, l'assouplissement de cette règle ! Et on explique dans l'exposé des motifs que: tout le monde devrait être d'accord sur ce point, car, en retirant simultanément les deux projets de lois en question, les deux blocs reconnaissaient implicitement la nécessité d'introduire plus de souplesse dans la répartition entre les deux catégories de logements... Ce n'est pas le cas, et c'est préjuger de notre réponse ! Pour nous - et pour la gauche qui a accepté de retirer ces projets - cela veut dire que ce n'est pas une bonne chose d'inscrire cette règle dans la loi...

Et je rappelle que les Verts n'ont signé ni l'un ni l'autre de ces projets ! Car, pour nous, ce n'est pas le fond du problème... En effet, le problème du logement ne se résume pas à: logements subventionnés et logements du secteur libre et à la règle des deux tiers/un tiers. C'est un problème beaucoup plus vaste dans lequel il faut inclure la PPE, les coopératives, les HM, etc.

En ce qui nous concerne, nous refuserons cette motion telle qu'elle est proposée, d'une part, parce qu'elle n'apporte rien et, d'autre part, parce qu'il ne faut pas supprimer la règle des deux tiers/un tiers, qui n'est du reste pas strictement appliquée, comme l'a rappelé M. Velasco. En effet, on construit bien plus de logements dans le secteur libre que de logements subventionnés. En zones de développement, le rapport est de 50%, mais, dans toutes les autres zones, tous les logements sont sur le marché libre. Le nombre de logements sur le marché libre est donc bien plus élevé.

Tant que ne sera pas résolue la question d'un socle de logements à loyers modérés, nous pensons qu'il ne faut pas changer les règles actuelles. Quand on aura trouvé un nouveau projet qui nous rassemble, nous le voterons.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Lors de son premier passage en commission, cette motion avait fait l'objet d'une sage unanimité, comme cela a été dit plusieurs fois...

Le Conseil d'Etat, dans sa pratique en matière de logements sociaux, a toujours fait preuve de pragmatisme et non d'une attitude doctrinaire, ce qui montre une sagesse certaine...

L'excellent rapport de M. Velasco montre, chiffres à l'appui, de façon argumentée, étayée, combien il était utile que la pratique actuelle soit maintenue pour permettre la construction de logements pour tous.

L'invite nouvellement ajoutée vient rallumer vainement le feu. En effet, une motion n'a aucune force contraignante, et le Conseil d'Etat peut en faire ce qu'il veut... Je ne doute pas que, sur ce sujet, il ne variera pas dans sa pratique qui est frappée au coin du bon sens.

Les députés de l'Entente, qui sont figés dans leur logique, voteront cette motion, mais d'autres projets, ô combien importants et contraignants, les attendent ! Des lois, des initiatives, qui, elles, auront une force. Citons, l'initiative 120, la loi 8884 sur les transports publics, pour exemples ! Pourquoi déclarer la guerre aux locataires, aux usagers des transports publics ? Ce sont des combats perdus d'avance !

En votant cette motion, les députés de l'Entente contribuent à devenir les fossoyeurs de leur propre majorité, à terme... Ce qui ne peut que nous réjouir, mais ne m'empêche pas de regretter l'unanimité qui avait été trouvée autour de la proposition de motion, dans sa version première et consensuelle.

M. René Ecuyer (AdG). Je vous invite à suivre les conclusions du rapport de minorité...

C'est l'envers du bon sens, Monsieur Barrillêt ou Monsieur Barrillier... (Rires et exclamations)Barrillier, d'accord ! (Commentaires.)Vous dites dans votre rapport que le nombre de logements construits a diminué entre 1997 et 2002... C'est une lapalissade ! On ne peut que le constater ! Et pour pouvoir construire davantage de logements, vous avez trouvé la solution: une plus grande souplesse dans l'application des quotas de logements sociaux et de logements du marché libre !

M. Velasco compare le nombre de logements sociaux mis sur le marché en 1997 et en 2002... Eh bien, il y a infiniment moins de logements sociaux mis sur le marché en 2002 - la moitié - qu'il n'y en avait en 1997 !

Monsieur Barrillier, vous prétendez que votre amendement va permettre de construire plus de logements... D'abord, vous n'en avez pas la preuve ! Vous dites que la construction de logements sera favorisée par une application plus souple de la règle des deux tiers/un tiers... Rien ne nous le prouve !

Ce qui est vrai, c'est que la demande de logements concerne essentiellement les logements sociaux ! Et vous, vous proposez de diminuer la contrainte pour les promoteurs ! Mais, ce faisant, vous allez augmenter la contrainte pour les locataires, qui seront obligés de se rabattre sur des logements à des prix élevés, trop élevés pour eux ! Allez à l'office des poursuites et des faillites ou au Tribunal des baux et loyers, et vous verrez le nombre de personnes qui ne sont pas en mesure de payer leur logement ! C'est bien cette catégorie de logements - les logements sociaux - qui fait cruellement défaut à ces personnes.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser cette motion telle qu'amendée. Je pense qu'il conviendrait de garder la règle de la répartition des deux tiers/un tiers, qui n'est qu'une intention, puisqu'on vient de nous dire qu'une motion n'avait pas force de loi, pour montrer notre intention.

Moralité: je vous propose de suivre les conclusions du rapport de minorité !

M. Hugues Hiltpold (R). Il me semble utile de rappeler en préambule - ce qui a été fait par le rapporteur de majorité - que deux projets de lois, un émanant de l'Entente et l'autre de l'Alternative, relatifs à la problématique de la règle de répartition des deux tiers/un tiers, ont été retirés parce nous étions partis du principe qu'il ne fallait précisément pas légiférer en la matière. Mais cela ne veut pas dire que la pratique courante appliquée par le Conseil d'Etat, qui prévoit deux tiers de logements subventionnés et un tiers de logements dans le secteur libre construits dans les zones de développement, est cautionnée par l'ensemble de ce parlement. Elle ne l'est pas !

Partant de là, l'invite qui est ajoutée dans cette motion demande simplement au Conseil d'Etat d'assouplir la pratique en cours: ni plus ni moins ! Elle n'a aucune force contraignante ! Elle ne fixe aucun plafond, aucun plancher. Elle demande juste que cette pratique soit assouplie ! Il faut prendre cette nouvelle invite comme un signal politique.

C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et à voter le rapport de majorité.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Pour les démocrates-chrétiens, l'aller-retour de cette motion en commission du logement était tout à fait salutaire. En effet, il nous paraît indispensable que le gouvernement assouplisse sa politique en matière de logements sociaux, soit la fameuse règle des deux tiers/un tiers.

Madame la députée Künzler, vous dites que le problème du logement ne se résume pas à cela, vous avez certainement raison... Mais il en est incontestablement une des composantes importantes. Toute une série de contraintes et de conditions doivent être réunies pour permettre la construction de logements, et cette règle de répartition en est une.

C'est un problème important non seulement pour les investisseurs - cela a été dit - mais aussi pour certaines communes. A cet égard, j'aimerais vous demander de vous projeter un peu dans le temps, puisque nous serons amenés à examiner prochainement le rapport divers 513 - au point 125 de notre ordre du jour - rapport du Conseil d'Etat qui traite du quartier de la Pralée, chemin des Bossons, et, notamment - notamment - de la fameuse opposition de la commune d'Onex pour l'aménagement de ce quartier... Si je félicite le Conseil d'Etat d'être ferme dans ce dossier, car les conditions idéales sont réunies pour y construire des logements, et notamment parce que l'Etat possède un certain nombre des parcelles concernées, le point de vue de la commune d'Onex doit être retenu: c'est incontestable ! Or, l'opposition formulée par la commune d'Onex se base essentiellement sur la problématique de la répartition des catégories de logements. Car, s'il y a une commune à Genève qui a déjà fait des efforts considérables en matière de logements sociaux, c'est bien la commune d'Onex ! Cela mérite d'être souligné ! Alors, quand la commune exprime son souhait de voir diversifier l'habitat qu'elle est prête à recevoir, je pense que cette demande est parfaitement légitime.

En ce qui nous concerne, nous étudierons cette demande avec attention en commission d'aménagement, sans pour autant renoncer - je l'annonce d'ores et déjà, de façon que nos propos ne soient pas mal interprétés: n'est-ce pas, Monsieur Pagani ? - à la construction de logements. Merci: j'aimerais bien que cela soit noté !

Je le répète, nous pensons qu'un assouplissement dans ce domaine est indispensable non seulement pour répondre aux voeux de certains investisseurs, aux voeux de certains propriétaires, mais, également, pour répondre aux voeux de certaines communes.

M. Rémy Pagani (AdG). Il m'arrive de rêver, mais il m'arrive aussi de cauchemarder...

En l'occurrence, cette motion ne fait qu'alimenter les cauchemars qui m'accablent de temps en temps en constatant que la ville - et sa périphérie - est réservée aux riches, à ceux qui ont les moyens de se payer des logements au centre-ville. (Brouhaha.)Les pauvres étant éjectés non pas à la périphérie mais à l'extérieur de nos frontières, c'est-à-dire en zone frontalière... (Le président agite la cloche.)

Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien le risque que prend notre collectivité en portant atteinte à un des rôles de l'Etat qui consiste à maintenir un équilibre dans la population. Même si j'en conviens, Monsieur Portier, dans certains secteurs il y a des déséquilibres - qui ont été créés parce que d'autres communes n'ont pas voulu faire les efforts nécessaires: je pense par exemple à Cologny - en supprimant la règle de répartition des deux tiers/un tiers, vous voulez donner un signe politique au gouvernement qui revient à dire que le rôle essentiel de l'Etat qui consiste à maintenir l'équilibre des populations en ville n'est plus de mise... En ajoutant cette invite, vous dites que l'Etat ne doit plus laisser construire, de manière déterminée, deux tiers de logements pour la majorité de la population - je ne parle même pas des pauvres - et un tiers pour la minorité.

Même si vous avez accepté de retirer votre projet de loi qui légiférait en matière de répartition, nous estimons que cette motion amendée exprime votre volonté politique - qui sera bien évidemment ratifiée ce matin par votre majorité - de faire en sorte que la ville soit essentiellement habitée par les riches - voire des moins riches - et d'en exclure les pauvres. Il n'y aura pas de mur dressé entre les pauvres et le reste de la population, mais il y aura une zone étanche - la zone agricole qui sera appelée zone de verdure - et les pauvres auront le loisir d'habiter à l'extérieur de nos frontières...

Mon cauchemar se terminait de la manière suivante - c'est déjà en partie le cas: les pauvres - c'est-à-dire la majorité de la population - descendaient en ville pour faire des razzias... Expulsés de la ville, tous devaient habiter de l'autre côté de la frontière... Je ne pourrai que le déplorer !

M. Jacques Baud (UDC). Deux tiers/un tiers... Pourquoi pas vingt-quatre tiers ! (L'orateur est interpellé.)Tu te tais ! (Rires et exclamations.)C'est une aberration totale !

On se rend compte d'une chose dans le monde entier, tous les quartiers dits «sociaux» sont un échec absolu ! C'est prouvé, que ce soit en France, aux Etats-Unis, et, même en Suisse: le logement social devient une monstruosité ! C'est l'exclusion des pauvres qui sont parqués... C'est inadmissible ! C'est inacceptable ! Les pauvres ont le droit d'être logés comme tout un chacun ! Faire du logement dit «social», c'est vouloir les mettre à l'écart, les regrouper pour mieux les surveiller ! C'est cela votre vision de la société ? Non, Mesdames et Messieurs les députés, la règle de répartition des deux tiers/un tiers n'est pas une bonne chose, ni moralement ni physiquement ! Parce que construire pour les pauvres, cela signifie construire bon marché ! Je le répète, cela revient à les parquer !

Cette motion n'est certes pas le paradis, mais nous la suivrons: elle est un moindre mal...

M. Olivier Vaucher (L). Tout à l'heure, le rapporteur de minorité, M. Velasco, expliquait que ce qui avait changé depuis le premier dépôt de cette motion, c'était la majorité de ce parlement...

Certes, il a raison - la majorité a changé - mais j'aimerais tout de même dire à M. le député Velasco qu'entre-temps la situation du logement à Genève a aussi changé... Elle a même dramatiquement changé ! Jour après jour, la situation est de plus en plus tendue, et les problèmes sont beaucoup plus aigus.

Mme la députée Künzler dit qu'il faut demander que soient faites des études sur les possibilités dans ce domaine... Mesdames et Messieurs les députés, je pense, pour ma part, qu'il est temps d'agir ! Ce n'est plus le moment de faire des études en long, en large et en travers ! Je sais que certains, même au sein des comités des fondations HBM, se font un plaisir de faire des études «sur le dos» du logement social, ce qui est inacceptable ! On ne peut pas freiner la construction de logements sociaux, sous prétexte de faire des études démographiques, architecturales, etc.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut agir aujourd'hui et vite ! Une chose est certaine... (L'orateur est interpellé.)Vous me laissez parler, Monsieur ? Cela ne vous dérange pas ? Merci beaucoup ! Une chose est certaine, c'est que les promoteurs - nous le savons - ne veulent malheureusement plus construire de logements HLM, car ils ne sont plus en mesure de le faire, financièrement parlant: c'est un état de fait !

Nous devons donc trouver des solutions pour permettre non seulement à l'Etat de construire des logements sociaux mais aussi à des privés. Il faut donc rééquilibrer l'application de la règle de répartition des deux tiers/un tiers, pour permettre à d'autres que l'Etat de construire. Comme vous le savez Mesdames et Messieurs les députés, la situation des finances de l'Etat n'est pas particulièrement saine et il ne peut pas se substituer à l'ensemble des constructeurs de la République.

Je rappelle que l'année prochaine de très nombreux logements sociaux vont enfin être mis sur le marché: c'est l'aboutissement d'opérations immobilières qui ont pris une dizaine d'années. La proportion des logements sociaux va s'en trouver améliorée. Cet aspect a en effet été évoqué par certains intervenants qui ont insisté sur le faible nombre de logements sociaux qui avaient été mis sur le marché... C'est vrai jusqu'en 2000, mais la tendance s'inverse depuis deux ou trois ans, et l'équilibre sera rétabli ces prochaines années.

Je prétends, Mesdames et Messieurs les députés - je l'ai déjà dit, mais je pourrai l'enregistrer pour vous le répéter encore et encore - que nous avons besoin aujourd'hui de toutes les catégories de logements, et ce, de manière égale. Je vous donne un simple exemple: les internationaux ! Nous sommes régulièrement interpellés par les internationaux qui nous disent que, si nous ne leur trouvons pas de logements, ils seront obligés de quitter Genève... Monsieur Pagani, est-ce ce que vous souhaitez ? Soyez raisonnable, cette invite est normale, elle est d'actualité !

Je vous invite à voter ce projet aujourd'hui, pour que nous puissions agir dans les plus brefs délais.

M. René Ecuyer (AdG). Nous avons entendu quelques monstruosités à propos desquelles je ne peux pas ne pas réagir...

Il faudrait déjà expliquer à M. Baud ce que sont des logements sociaux... Ce ne sont pas des logements pour pauvres! Ce sont des logements qui correspondent aux possibilités des familles qui vont y loger. Il ne s'agit pas de les parquer ! Et il faut bien qu'ils puissent se loger: c'est un minimum ! Les logements sociaux, ce sont des logements pas cher: tout simplement !

Je suis tout de même sidéré d'entendre M. Portier s'exprimer au nom des communes et dire qu'elles devraient pouvoir construire des logements dans le secteur libre... Mais la vocation des collectivités publiques, c'est de mettre des logements à la disposition de ceux qui en cherchent, à la portée de tous !

Or, j'ai entendu M. Olivier Vauthier, Vaudier, Vaucher - je ne sais plus (Rires.): il y a Barrillier et il y a Vaucher ! (Commentaires.)- parler d'égalité entre logements du secteur libre et logements sociaux... Mais la demande est bien plus forte pour les logements sociaux ! Deux tiers: on ne demande pas plus ! Renseignez-vous auprès de l'office cantonal du logement: les demandeurs de logements sociaux, je le répète, sont plus nombreux. En disant que les besoins sont aussi grands en logements sociaux qu'en logements du secteur libre, vous dites une contrevérité !

Monsieur Portier, vous prétendez défendre les communes qui veulent construire des logements dans le secteur libre... Je ne vois pas quelles sont les communes qui vont en construire ! C'est votre intention, à Veyrier ? Vous voulez mettre des logements à disposition des personnes qui ont les moyens de se payer des logements dans le secteur libre, alors qu'il y a des gens, dans votre commune, qui cherchent des appartements bon marché ? Je suis sidéré par vos propos !

Je le répète, je soutiens le rapport de minorité.

M. Alain Etienne (S). J'aimerais également revenir sur l'intervention de M. Pierre-Louis Portier...

Il parle du cas d'Onex, sur lequel nous pourrions être bien évidemment d'accord, car cette commune a déjà fait un effort considérable en la matière, comme d'autres communes suburbaines, du reste. Mais je rappelle que cet effort en matière de logements sociaux doit être équitablement réparti sur l'ensemble du territoire - point auquel nous sommes attentifs. Je constate que certaines communes de notre canton ne font pas toujours l'effort demandé.

Nous avons eu tout un débat au sujet des secteurs de Cologny - Frontenex la Tulette - où nous aurions pu créer une zone de développement sur laquelle auraient pu être construits de nombreux logements, car le potentiel à bâtir était important... Mais vous vous êtes opposés à ce projet et vous avez décidé d'y laisser construire des villas !

Alors, je vous renvoie à vos contradictions !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'aimerais vous dire, Monsieur Portier, que je suis tout à fait d'accord avec votre position selon laquelle il faudrait assouplir la politique en matière de logements sociaux. Seulement l'invite de la motion ne demande pas cela: elle demande d'assouplir la politique en matière de logements du marché libre, ce qui n'est pas la même chose ! Mais je veux bien l'accepter...

Monsieur Baud, vous avez parlé de vingt-quatre tiers... Or, ça fait huit entiers, soit 800%... Et nous, nous ne demandons que 75% !

Vous dites aussi qu'il ne faut pas parquer les pauvres n'importe où... Je suis d'accord avec vous: il faut les parquer chez les riches ! (Rires et exclamations.)Notre conseiller d'Etat a voulu parquer des pauvres à Cologny, et vous avez pu voir ce qui s'est passé... Je suis d'accord avec vous sur ce point ! Alors, faites une motion et faites campagne pour que les déclassements proposés par M. Moutinot dans certains secteurs du canton soient acceptés ! Les pauvres ne doivent en effet pas forcément être logés à Vernier ou ailleurs, rassemblés comme dans une réserve ! Nous sommes opposés à de telles réserves pour pauvres, tout comme vous, Monsieur !

Monsieur... Comment s'appelle-t-il, déjà ?

Une voix. Vaucher !

M. Alberto Velasco. Monsieur Vaucher, vous dites que nous avons besoin de toutes catégories de logements... Je suis également d'accord avec vous, Monsieur Vaucher, seulement il y a un petit problème: c'est que tout le monde, quel que soit son revenu - je dis bien: quel que soit son revenu - a droit à un logement, pour respecter l'égalité de traitement... Mais il se trouve - je l'ai dit tout à l'heure - que les deux tiers de la population ont des revenus qui ne leur permettent pas d'accéder à n'importe quel loyer... C'est la raison pour laquelle nous devons appliquer la règle de la répartition !

Monsieur Vaucher, je préférerai que la République de Genève n'ait pas de politique sociale en matière de logement et que tout le monde ait un emploi et un salaire convenable qui permette à chacun d'avoir accès à un logement du marché libre, sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale. C'est bien parce qu'il y a des problèmes en matière de salaires et que les gens n'y arrivent pas que l'Etat doit les aider sur le plan social !

Le jour où chaque citoyen de ce canton... (Exclamations.)...aura un revenu acceptable, j'en serai heureux, car l'Etat fera des économies, et son budget s'en trouvera allégé... Mais nous n'en sommes pas encore là, Monsieur Vaucher ! Pour l'instant, l'Etat doit faire en sorte de protéger les pauvres et les personnes les plus fragiles. Leur procurer un logement en fonction de leur revenu est justement une de ses missions, en regard de l'égalité de traitement !

Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, à refuser les modifications qui ont été apportées à la motion 1328.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. Je suis surpris en bien de la modération des débats de ce matin... Je ne sais pas si c'est parce qu'il est tôt, mais j'ai trouvé qu'il était plutôt confortable de discuter dans ces conditions - ce qui n'est pas habituel en matière de logement...

Je distribue un bon point à Mme Künzler - c'est le privilège des rapporteurs de pouvoir commenter et apprécier les interventions... - qui a rappelé à juste titre que la politique du logement devait être pensée globalement. Pour trouver des solutions et mener une bonne politique en matière de logement, plusieurs instruments existent et il ne faut en négliger aucun, notamment l'aménagement du territoire. Mais nous n'allons pas refaire tout le débat, maintenant...

L'invite que la majorité de la commission vous propose d'accepter n'est qu'un des éléments susceptibles d'améliorer la situation: elle demande un peu plus de souplesse, ce qui permettrait effectivement d'éviter les ghettos en favorisant la mixité et d'éviter d'avoir une vision manichéenne des pauvres... A vous entendre, on dirait que tout le monde est pauvre dans cette République ! Je vous rappellerai juste en passant, mon cher collègue, que 1% des contribuables, dont le revenu est de 300 000 F et plus, payent 70% des impôts, ce qui permet aussi d'alimenter la politique sociale du logement !

Je vous invite donc à voter le rapport de majorité. Tout a été dit, ce matin...

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les grands axes de la politique du logement ont été définis dans le discours de Saint-Pierre, qui rappelait l'importance d'un logement pour tous, respectant le principe d'une mixité, que l'effort de l'Etat doit porter sur le logement bon marché, notamment le logement coopératif, pour la bonne et simple raison que le rôle de l'Etat est forcément de venir en aide à ceux qui en ont besoin, par conséquent à ceux qui ne peuvent pas se loger au prix du marché sans cette aide.

A partir de là, si on veut obtenir cette mixité, cela implique que l'on ne suive pas strictement les lois du marché. Parce que, très naturellement, les lois du marché imposent aux promoteurs-constructeurs de construire, au moment où ils démarrent leurs projets, ce qui leur paraît le plus intéressant. C'est normal de leur part, et c'est normal que l'Etat intervienne pour veiller à ce que la production de logements réponde à l'ensemble des besoins. Or, la règle des deux tiers/un tiers - dont je ne suis pas l'auteur et qui remonte à plus d'un quart de siècle, qui a été appliquée systématiquement par tous mes prédécesseurs et par tous les Conseils d'Etat, dans toutes les compositions qu'ils ont connues depuis vingt-cinq ans - a précisément pour but d'éviter les ghettos, contre lesquels M. Baud s'insurge, comme moi et comme vous tous ici.

Il faut rappeler que cette règle ne s'applique évidemment qu'en zone de développement, et c'est la raison pour laquelle, si l'on cumule la totalité des logements construits, on arrive grosso modo à l'inverse - comme l'a démontré M. le rapporteur de minorité - parce que, dans les zones villas ou les zones primaires, il n'y a en général pas de logements subventionnés.

Si la règle des deux tiers/un tiers devait par trop être assouplie, on arriverait à produire un seul type de logements, ce qui n'est socialement pas acceptable. D'autre part, cette règle comporte beaucoup d'exceptions, ce qui explique pourquoi on construit beaucoup moins de logements sociaux qu'on veut bien le dire... En effet, lorsque trois immeubles sont construits sur un périmètre, il est relativement facile d'en destiner deux au logement social et un au logement du secteur libre. Lorsqu'il n'y a que deux immeubles construits sur une parcelle, on fait moitié-moitié. Et s'il n'y en a qu'un, il n'est parfois pas destiné au logement social.

Mesdames et Messieurs les députés, si - et là je vous prends tous au mot - vous êtes attachés à la mixité, il ne faut pas, ou en tout cas pas trop, assouplir la règle des deux tiers/un tiers.

La remarque de Mme Künzler est évidemment extrêmement pertinente: je veux parler de la pérennité du logement social. Vous vous en souvenez, j'avais lancé le projet des logements locatifs sociaux pérennes. Compte tenu d'avis très divergents, lors de la consultation, j'ai sollicité la fondation, présidée par M. Barro, d'examiner les résultats de cette consultation et de faire des propositions. M. Barro me les promet pour «tout de suite»... J'espère que cette promesse sera tenue et que nous pourrons reprendre ce débat rapidement.

En ce qui concerne la parcelle d'Onex sur laquelle nous reviendrons, la difficulté réside, Monsieur Portier, dans le fait que la plupart de ces terrains sont en main publique. Or, on me dit - en tout cas, dans vos rangs - qu'il appartient à l'Etat de s'occuper du logement social, de manière que les privés soient plus libres... A ce niveau, vous allez rencontrer une difficulté sur ce périmètre !

Cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que ce n'est pas par dogmatisme que je défends la règle traditionnelle des deux tiers/un tiers. C'est simplement pour répondre à votre souhait à tous d'une véritable mixité dans la production de logements et dans leur répartition géographique sur le territoire cantonal. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Pour que les choses soient claires, nous avons, d'une part, la motion telle qu'issue des travaux de la commission et, d'autre part, la motion annexée au rapport de minorité. Je vais d'abord vous soumettre la motion telle qu'issue des travaux de la commission. Si elle est acceptée, le deuxième vote sera sans objet, et vice versa. Nous procédons donc au vote de la motion telle qu'issue des travaux de la commission au moyen du vote électronique. Le vote est lancé. Monsieur Velasco ? (Commentaires.)Je l'ai dit clairement !

Cette motion est acceptée par 32 oui contre 23 non. (Exclamations.)

Des voix. On n'a pas voté!

Le président. Ecoutez, lorsqu'on est en procédure de vote, ce serait bien de voter ! (Exclamations.)Attendez un peu ! On va commencer par se calmer, et, une fois que tout le monde sera calmé, on pourra discuter ! (Exclamations.)Monsieur Velasco j'ai clairement dit que le vote portait sur la motion telle qu'issue des travaux de la commission. Je l'ai dit deux fois, c'est maintenant la troisième, et je n'aimerais pas avoir à le dire une quatrième fois ! Nous allons donc procéder à ce vote une nouvelle fois, et ce sera la dernière, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la motion 1328 est adoptée par 36 oui contre 32 non.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons nos travaux un quart d'heure, et nous les reprendrons à 10h20.

La séance est levée à 10h05.