République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Baud, Michel Halpérin, Stéphanie Nussbaumer, Jacques Pagan, Albert Rodrik, Pierre Schifferli et Olivier Vaucher, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

M 1555
Proposition de motion de Mmes et MM. Stéphanie Ruegsegger, Jacques Jeannerat, Loly Bolay, Christian Brunier, Gilles Desplanches, Alain-Dominique Mauris, Jean-Michel Gros, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Christian Bavarel, Alain Charbonnier, Pierre Kunz, André Reymond, Luc Barthassat, Christian Grobet concernant les sans-papiers
M 1556
Proposition de motion de Mme et M. Salika Wenger, Rémy Pagani pour la définition d'une politique migratoire qui tienne compte des besoins actuels et futurs du canton

Débat

M. Christian Bavarel (Ve). En ce qui concerne la motion 1555 sur les sans-papiers ou personnes sans statut légal, la première question consisterait dans le fait de savoir qui sont-elles. Qui sont ces personnes sans statut légal à Genève ? Nous avons environ 6000 personnes à Genève qui travaillent principalement dans l'économie domestique. Qu'entend-on par «économie domestique» ? Lorsque l'on emploie cette expression, les gens imaginent des personnes travaillant au service de grands bourgeois. Cela n'est pas le cas.

Les personnes sans statut légal travaillent plutôt pour des gens comme vous et moi, qui avons besoin que quelques heures de ménage soient effectuées à la maison ou qui avons une personne âgée de la famille qui a besoin d'aide, ou, enfin, qui avons des enfants dont il faut s'occuper. Ce n'est pas un secteur d'économie structuré, mais ces personnes permettent à d'autres d'avoir des emplois, d'assumer des fonctions et de trouver un revenu. Leur rôle est donc extrêmement important, notamment lorsqu'il s'agit de familles monoparentales ou de couples où deux personnes travaillent. En outre, il y a encore passablement de gens qui ont besoin de cette aide.

La position des Verts est celle du collectif des sans-papiers à ce sujet. Je rappelle que le collectif des sans-papiers représente l'ensemble des partis de l'Alternative, que vous trouvez aussi l'ensemble des syndicats ouvriers, que vous retrouverez également des associations comme l'Asloca, ou quelques oeuvres d'entraide comme Caritas, le CSP et d'autres. Il y a donc aussi un large front de personnes qui se soucient de ces positions.

La motion qui nous intéresse ce soir a été signée par une grande majorité de la commission de l'économie, qui avait ce sujet à traiter, et qui refait une proposition. Si nous avons signé et si nous suivons cette motion, c'est parce qu'elle constitue un plus dans la reconnaissance de l'existence de ces personnes qui vivent à Genève. Elles se trouvent dans une situation extrêmement précaire, et l'économie en a absolument besoin. Elles sont là, on ne leur reconnaît pas de statut légal, mais elles sont indispensables.

Aujourd'hui, nous avons une politique de migration, en Suisse, qui ne permet pas d'accueillir des gens, qui viennent de pays extra-européens, qui ne soient pas fortement qualifiés. Ces personnes répondent à un besoin de l'économie: celui de personnes peu qualifiées, pour s'acquitter de certaines tâches. Et elles n'arrivent pas à obtenir de statut.

J'aimerais qu'on évite toute confusion avec des personnes requérantes d'asile qui dépendent d'une autre procédure. Nous parlons ici de gens qui sont des travailleurs. Les gens du collectif des sans-papiers, qui ont déposé des dossiers auprès du Conseil d'Etat, nous assurent qu'il n'y a pas de requérants d'asile - déboutés ou pas - parmi ces personnes, qui viennent souvent d'Amérique latine, ce qui est rarement le cas des requérants d'asile en Suisse.

Le groupe des Verts vous invite donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Salika Wenger (AdG). D'abord, j'aimerais demander à tout le monde de m'excuser: je reste assise, parce que je me suis blessée ce matin.

Vous aurez constaté que la motion que nous avons envoyée ne comporte qu'un tout petit exposé des motifs. Cela a tout simplement été une erreur informatique. Je dois dire que je ne maîtrise pas très bien ces outils et cette motion est donc arrivée sans exposé des motifs. Aussi, je vais vous le lire ce soir.

Le président. Monsieur Gros, vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

Mme Salika Wenger. En préambule, j'aimerais préciser que les personnes dont nous parlons ce soir, les sans-papiers, sont des personnes qui fuient la misère sévissant dans leur propre pays. Cette misère est la conséquence des inégalités entre le Nord et le Sud, et ces personnes ne sont pas là pour être humiliées pour le plaisir. Les sans-papiers sont en Suisse, parce qu'ils travaillent et ne sont en aucune manière dépendants d'une aide quelconque, puisque, par définition, ils n'y ont pas droit. N'en déplaise aux xénophobes de tous poils, ils ne sont pas des profiteurs, bien au contraire. Le comble de l'hypocrisie est que la Suisse, ou plutôt l'économie suisse, a besoin d'eux, comme cela se passe dans tous les pays riches, et qu'elle ne saurait se passer de cette main-d'oeuvre, de par le nombre et les activités qu'elle déploie dans les secteurs les plus précaires.

Je veux dire, ce soir, que les sans-papiers sont indispensables à l'économie de ce pays. Dans notre canton, ils et elles sont plus de six mille, et travaillent majoritairement dans l'économie domestique. Ce secteur n'est pas reconnu comme un secteur à part entière de l'économie, et pourtant, il est en pleine expansion. On peut se demander si ce sont les personnes qui travaillent ou si c'est le secteur qui est clandestin. En fait, c'est la conjonction des deux. Ce n'est cependant pas le seul secteur dans lequel les sans-papiers travaillent.

D'après les chiffres cités par le site, il y a six secteurs principaux. L'économie domestique, qui emploie entre quatre et cinq mille personnes; l'hôtellerie et la restauration, trois à quatre cents personnes; la construction, trois à quatre cents personnes, également; l'agriculture et la viticulture, environ une centaine; l'industrie du sexe - expression que je trouve abominable, parce qu'il s'agit tout simplement de prostitution - où l'on recense environ trois cents personnes; enfin, dans l'informatique, on peut trouver à peu près cinq cents personnes sans statut légal.

La différence entre ces pôles est frappante. Ce n'est pas un hasard si les secteurs dans lesquels les conditions de travail sont les mieux réglementés sont aussi ceux qui emploient le moins de travailleurs sans statut légal. Le secteur de l'économie domestique est un secteur où le droit n'existe pas et où les conditions de travail sont extrêmement précaires. Le contrat type prévoit 3 300 F comme salaire minimum pour quarante-huit heures de travail, mais, dans la réalité, c'est tout autre chose. Dans la réalité, dans une très grande majorité des cas, les salaires varient, sans protection sociale, sans couverture d'assurance-accident, perte de gains ou autre, entre 800 et 1 500 F nets, sans charges sociales, pour soixante à quatre-vingts heures de travail par semaine. Si les travailleuses n'ont pas de droits, c'est essentiellement dû à leur statut de résidence ou plutôt à leur absence de statut dans notre canton.

Par conséquent, le secteur de l'économie domestique, pour sortir de la clandestinité, doit d'abord être reconnu comme un secteur économique à part entière. Il est intéressant de voir pourquoi vingt-cinq mille foyers, dans notre canton, ont recours aux sans-papiers, et pourquoi ce secteur est aussi en plein développement. Parce qu'il n'y a pas assez de places d'EMS, parce que les places d'accueil pour les enfants sont rares et que, cette année par exemple, ce sont plus de quatre mille enfants que leurs parents ne pourront pas mettre dans une crèche. Or nombre de ces familles sont monoparentales, et elles n'ont d'autre possibilité que de faire appel à de plus pauvres qu'elles pour garder les enfants. Ces vingt-cinq mille familles, probablement de bonne foi, contribuent à maintenir des milliers de personnes dans la précarité la plus totale.

Tous ces éléments nous prouvent à quel point l'économie suisse a besoin de ces personnes mais n'expliquent certainement pas la volonté de les maintenir dans une précarité absolue. Surtout, cela n'explique pas pourquoi les autorités, tant fédérales que cantonales, ne se donnent pas les moyens de contrôler et de réglementer sans hypocrisie un secteur économique indispensable à ce bon fonctionnement.

Pourquoi tout le monde se contente-t-il de l'arbitraire et de la répression plutôt que de la reconnaissance et de la régularisation que, somme toute, la Suisse doit à ces personnes ? Non pas au compte-gouttes, à la tête du client ou pour se donner bonne conscience, mais tout simplement parce que vivre dignement de son travail, sans être en butte aux tracasseries, à la peur et à l'exploitation, est un droit pour toutes et tous. (Applaudissements.)

Le président. Maintenant que les deux motionnaires se sont exprimés, nous allons faire le débat. Je vois beaucoup de gens inscrits, j'aimerais tout de même qu'on soit bref. On m'avait dit que le débat serait bref.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Soyez rassuré, Monsieur le président, je serai brève.

Je souhaiterais surtout m'exprimer sur la première motion, c'est-à-dire la 1555, qui émane de la commission de l'économie, comme je crois que cela a été rappelé par M. Bavarel. Elle fait suite à de nombreuses auditions et discussions au sein de la commission. Ces discussions ont permis de démontrer que tous les commissaires de tous les groupes représentés dans ce Grand Conseil étaient concernés par cette problématique des sans-papiers mais que tous n'avaient pas la même réponse et qu'en tout cas elle était nuancée selon les partis.

Cette motion est en fait une réponse consensuelle à cette problématique, qui nous concerne tous, et a réuni l'ensemble des partis autour de cette solution. Elle permet de faire un pas en vue de la régularisation au cas par cas des sans-papiers, et j'aimerais relever le fait assez inhabituel dans ce Grand Conseil de l'unanimité au sein de la commission sur un sujet qui est, somme toute, assez sensible, en tout cas pour certains groupes, ou qui aurait pu faire l'objet de débats plus passionnés. Je crois que tout le monde s'est retrouvé autour de l'objectif de trouver une solution rapide à cette problématique et de pouvoir apporter une réponse rapide à toutes les personnes qui attendent cela de nous.

Je vous propose donc d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat afin de donner un signal clair à toutes les personnes qui souhaitent que nous régularisions cette situation, qui n'est pas admissible, que ce soit sur les plans humain, économique ou social. La clandestinité n'est pas une situation acceptable.

Je m'exprimerai très très rapidement sur la motion 1556, qui reprend dans l'ensemble les préoccupations qui sont développées dans la 1555, mais qui va un tout petit peu au delà. J'ai ainsi relevé certains éléments qui ne sont malheureusement pas forcément de la compétence du canton. Ce sont des éléments dont nous avions déjà discuté à la commission de l'économie, et je vous propose de refuser cette motion et d'accepter la précédente.

Le président. La liste est close. Pour des débats qui, soi-disant, devaient être très brefs, parce que tout le monde est d'accord ! C'est comme tout à l'heure, il y a des unanimités et puis on nous fait des choses... (Manifestation dans la salle.)Non ce n'est pas sérieux. Vous n'êtes pas sérieux, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Jean-Michel Gros (L). Je ne sais pas si je fais partie des personnes «pas sérieuses» que vous venez d'évoquer, mais j'aimerais quand même dire deux mots.

Le groupe libéral soutiendra la motion 1555, parce qu'il est extrêmement satisfait de constater qu'enfin un consensus a pu être trouvé, face à cette délicate question des sans-papiers.

En effet, ce printemps encore, il était impossible de trouver un accord... Mais Mme Loly Bolay ne s'intéresse pas au débat des sans-papiers, visiblement... (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Merci, Madame Bolay, de me laisser parler. Je disais, Monsieur Sommaruga, que ce printemps encore, il était quasiment impossible de trouver un accord entre les groupes à ce sujet. C'est ainsi qu'une motion radicale était acceptée et qu'une motion de l'Alternative était renvoyée à la commission de l'économie, après être passée, sans succès, par celle des droits de l'homme. Après des auditions, il faut dire, très intéressantes, des représentants des sans-papiers, des partenaires sociaux, de la conseillère d'Etat en charge du département de justice et police, de la commission tripartite et d'autres encore, un texte recueillant l'assentiment de tous a été trouvé.

Ce texte de motion a fait une juste mesure entre la nécessaire humanité, qui doit nous guider dans cette question, et l'angélisme auquel certains pouvaient être tentés de céder. La commission l'a fait en abordant cette problématique principalement sous l'angle économique. C'était juste de le faire, car force est bien d'admettre que s'il n'y avait aucun besoin économique en la matière, le problème des sans-papiers serait sûrement moins aigu.

La solution trouvée, qui consiste à demander à Berne de fixer des critères d'une régularisation au cas par cas dans le respect des institutions existantes, tout en ajoutant la demande de tenir compte du besoin évident de l'économie en main-d'oeuvre non qualifiée - pensons à l'agriculture, à l'hôtellerie et à tout le secteur des soins - nous semble une démarche judicieuse.

Eviter un éventuel appel d'air, qu'une telle régularisation pourrait provoquer, en luttant plus fermement contre l'immigration clandestine, par le biais de sanctions plus lourdes, nous semble également découler du bon sens.

Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous demande d'accepter ce compromis historique, qui va de l'UDC à l'Alliance de gauche - mis à part deux de ses membres - et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Pour les raisons que je viens d'évoquer, pour concrétiser le consensus de tout ce Grand Conseil, nous vous demandons également de rejeter la motion 1556.

Présidence de Françoise Schenk-Gottret, deuxième vice-présidente

M. Robert Iselin (UDC). L'UDC dont on s'amuse à peindre une image, dans la presse, à la télévision et ailleurs, épouvantable... (L'orateur est interpellé.)Ecoutez, Monsieur Vanek

Une voix. Ne réponds pas ! (La présidente agite la cloche.)

M. Robert Iselin. Malheureusement, moi, on m'a appris, quand quelqu'un d'autre parle, à me taire. C'est dommage que l'on ne vous ait pas appris cela quand vous étiez enfant... (Manifestation dans la salle.)Alors je reprends mon discours. L'UDC supportera toute mesure humaine qui permettra de résoudre un problème qui nous appelle tous et qui nous oblige à faire un examen de conscience.

Nous soutiendrons toute mesure qui, avec sagesse, permettra de résoudre ce problème.

Cela posé, il faut comprendre qu'une régularisation en masse n'est pas acceptable, parce qu'elle risque de déclencher simplement une nouvelle vague, et que ceci est en train de devenir un véritable problème pour ce pays.

Cela dit, avec toute l'humanité possible et imaginable, et en ayant nous-mêmes fait des efforts pour faciliter l'intégration de personnes étrangères dans ce pays.

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

M. Christian Brunier (S). Le programme du parti socialiste est clair: nous demandons la régularisation de tous les sans-papiers qui résident dans notre pays depuis plus de trois ans. Si nous appliquions donc notre programme à la lettre, il est clair que nous soutiendrions la motion 1556, mais nous savons très bien que, vu la configuration actuelle du parlement, cette motion a peu de chances de passer.

Nous vous demandons néanmoins de renvoyer cette motion en commission, car je vous rappelle que la motion sur laquelle nous avons travaillé, et sur laquelle nous sommes arrivés, à la surprise générale, à trouver un compromis, était aussi une motion que vous vouliez refuser au départ.

Je vous propose donc de renvoyer cette motion en commission, pour qu'on la traite avec l'humanité qu'il faut par rapport au sujet qu'elle évoque et qu'on ne la traite pas d'une manière polémique, à la légère, dans un parlement qui a tendance à déraper. La motion doit donc partir en commission, afin qu'elle soit traitée avec sérénité et non avec passion politique. Je vous rappelle qu'il s'agit du sort d'êtres humains qui vivent dans des situations dramatiques, dans une situation d'hypocrisie totale où des gens demandent leur expulsion, alors qu'ils savent très bien que l'économie genevoise et suisse ne pourrait pas vivre sans eux.

Il y a néanmoins un autre projet, qui est minimaliste, par rapport aux idées que nous défendons, mais un projet qui a le mérite, comme certains l'ont dit, d'avoir recueilli un large consensus. C'est vrai que cela fait plusieurs années que nous sommes un peu absolus sur notre programme, parce que nous pensons qu'il est vraiment juste, humainement, qu'il correspond à la réalité économique et sociale de ce pays. Néanmoins, nous savons que, en défendant nos idées de manière absolue, nous avons malheureusement, malheureusement, peu de chances de faire évoluer la situation des sans-papiers.

C'est vrai qu'il y a des gens qui vivent dans notre canton dans des conditions dramatiques, dans la peur de l'expulsion, qui subissent l'exploitation. Nous devons donc essayer de faire progresser leur cause. C'est pour cela que nous avons décidé d'adhérer à ce compromis - minimaliste pour nous, maximaliste pour d'autres - chacun d'entre nous a fait des efforts. Nous pensons qu'un projet voté de manière large et si possible unanime, qui corresponde à la réalité de notre canton, a pas mal de chances de pousser le dossier au niveau fédéral. Cela est la seule chose qui compte.

Par conséquent, nous demandons, comme nous l'avons fait en commission, de mettre de côté les programmes politiques, pour avoir un projet qui sorte ce soir de ce parlement à l'unanimité, et qui aura le mérite d'encourager Berne à entreprendre, enfin, quelque chose sur ce dossier.

L'immobilisme quant à ce dossier est intolérable, parce qu'il y a des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent quotidiennement, et nous ne pouvons accepter cela.

Mme Jeannine De Haller (AdG). Je ne vais pas ajouter grand-chose à ce que certains de mes préopinants de gauche ont dit. En effet, l'Alliance de gauche soutient surtout la motion 1556. Cette dernière demande que l'ensemble des personnes qui travaillent régulièrement soient régularisées.

Je rappelle que ces personnes travaillent mais n'ont pas de statut. Ces personnes ne sont pas des personnes sans-papiers, contrairement à ce qu'on veut laisser croire. En effet, ce sont généralement des personnes qui viennent en Suisse avec leur passeport mais à qui on refuse de donner un statut leur permettant de séjourner ici, ce de façon totalement hypocrite, puisqu'on les emploie, ensuite, dans notre économie, comme cela a déjà été dit auparavant.

Nous vous demandons par conséquent aussi le renvoi de cette motion en commission et, pour ma part, je renverrai la motion 1555 au Conseil d'Etat.

M. Gilbert Catelain (UDC). Concernant la motion 1555, le groupe UDC aura la liberté de vote, et chacun votera en son âme et conscience. (L'orateur est interpellé.)Cela veut dire qu'il n'y aura pas une unité de vote, tout simplement.

J'aimerais rappeler certains faits. En 2002, suite à la crise économique en Amérique du Sud, plus de 480 000 ressortissants sud-américains sont rentrés dans l'espace Schengen. Sur ces 480 000 environ, seuls 60 000 ont utilisé leur billet de retour. Ce qui veut dire qu'en une seule année 420 000 ressortissants sud-américains sont restés en Europe... (L'orateur est interpellé.)...et sont entrés, en partie, en clandestinité, à l'exception de ceux qui ont obtenu la nationalité espagnole.

Je constate que les chiffres qui ont été annoncés par l'Alliance de gauche ne correspondent pas à ceux fournis par le Conseil d'Etat hier. Notamment, ils ne correspondent pas aux chiffres fournis par l'Hospice général, puisque ce dernier estime que 8 à 10 000 personnes, enfants compris, sont des ressortissants clandestins dans le canton de Genève.

Je rappelle que la régularisation n'aura aucun effet sur le travail domestique. En effet, vous savez très bien qu'à partir du moment où ces travailleurs clandestins seront régularisés et auront un permis B ils auront la possibilité de changer d'emploi et seront donc remplacés par d'autres clandestins. Il y a d'ailleurs de fortes chances que la situation soit la même en 2003: cela fera monter à près d'un million le nombre des personnes rentrées clandestinement dans l'espace Schengen, ce notamment en Suisse, puisque 90% des entrées illégales constatées correspondent à des travailleurs clandestins et non pas à des requérants d'asile.

Concernant les travaux domestiques. En effet, les salaires, versés illégalement en rétribution des travaux effectués, sont inacceptables. Il s'agit souvent de salaires variant entre 900 et 1 200 F par mois. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi payer une place de crèche 3 000 F par mois, soit le salaire d'une mère de famille de condition modeste, qui ira travailler pour payer un salaire d'une femme clandestine à 1 200 F par mois, mais cela constitue le sujet d'un autre débat qu'il faudra peut-être discuter dans une autre commission.

La France a également souhaité, en 1996, régulariser les sans-papiers au cas par cas. Elle n'y est pas parvenue. Motif: jamais la France n'est parvenue, parmi les différentes sensibilités politiques, à se mettre d'accord sur les critères de régularisation, et il y a de fortes chances que nous arrivions à la même situation dans notre pays.

Pour ma part, je constate que le Conseil d'Etat ne fait pas appliquer les lois votées démocratiquement dans ce pays. On a dit que le sans-papiers est mal payé, c'est vrai, qu'il n'avait de droit à rien, c'est faux, puisque la jurisprudence fédérale considère le sans-papiers comme un résident, en vertu de l'article 12 de la Constitution fédérale. Le Conseil d'Etat ne s'y est d'ailleurs pas trompé, puisqu'il a récemment répondu à une question écrite en disant que, au 30 juin 2003, 233 adultes clandestins ont demandé une attestation d'assujettissement à l'assurance-maladie. Par conséquent, n'importe quel clandestin, dans ce pays, a le droit d'être assuré au niveau de la caisse maladie, et de demander une subvention de la part des services d'assurance-maladie. (Brouhaha.)

L'économie genevoise pourrait effectivement vivre avec moins de clandestins. Je rappelle qu'il y a 15 000 chômeurs dans ce canton, tout de même. Il y a un traitement du chômage qui est différent de celui que Gerard Schröder a mis en place en Allemagne. En effet, lui, il remet les gens au travail. C'est peut-être aussi un autre débat, mais qui concerne cependant aussi la commission de l'économie.

Quant à la motion 1556, nous ne la soutiendrons pas, c'est clair. Elle va contre une loi votée démocratiquement. On ne peut pas demander à une autorité exécutive de ne pas appliquer la loi.

Pour ma part, je considère que cette motion est un peu un miroir aux alouettes. Je ne m'oppose à ce qu'elle soit renvoyée au Conseil fédéral, mais je me demande ce qu'il en fera, alors que cette motion ne nous éclaire pas, dans son exposé des motifs, sur la situation réelle des sans-papiers à Genève.

M. Rémy Pagani (AdG). Je crois que ma collègue a résumé ma position. Je ne vais donc pas redire la même chose que mes principaux préopinants.

Toutefois, pour que les choses soient claires, je tiens à préciser préalablement certaines des résolutions de notre fraction parlementaire et de l'Alliance de gauche, à savoir principalement que nous sommes pour la légalisation des sans-papiers. Nous estimons en effet que raser les murs, se méfier d'une patrouille de police quand on se trouve à un arrêt d'autobus, amener clandestinement son enfant à l'école, tout cela n'est pas une vie, pour des gens qui ont un travail et qui sont donc reconnus pour leurs compétences, et dont l'économie de notre canton a besoin.

Cela étant, nous sommes aussi pour le refus du dumping salarial et pour le contrôle des salaires. Nous estimons en effet que le salaire n'est pas une marchandise, qu'il constitue le revenu dont les gens disposent pour vivre et qu'il n'y a donc pas de raisons d'organiser du dumping à son sujet. Le phénomène des clandestins fait partie de l'organisation de ce dumping, tout comme, à partir de juin de l'année prochaine, la libéralisation du marché et les bilatérales en feront partie. En effet, cette libéralisation et les bilatérales n'apporteront qu'un bénéfice aux entrepreneurs de ce canton. Vous le verrez bien. On commence d'ailleurs déjà à le voir, puisque le nombre des frontaliers a franchi, en deux ans, la barre des 40 000 personnes, par exemple. Il y a donc une volonté majoritaire dans ce canton de favoriser le dumping salarial, c'est-à-dire la concurrence entre les travailleurs afin de dégager des bénéfices importants.

Pourquoi avons-nous refusé de soutenir la proposition qui semble, à première vue, une proposition de consensus, Mesdames et Messieurs les députés ? J'aimerais prendre un seul exemple pour vous répondre. Des militants conséquents, parmi ceux qui peuplent les bancs de la gauche et de l'Alliance de gauche, se sont battus contre le statut de saisonnier durant des années, parce qu'ils estimaient que ce dernier catégorisait les travailleurs. Il y avait ainsi en effet les bons travailleurs d'un côté, et, de l'autre côté, les mauvais travailleurs, qui eux, n'avaient que le droit au statut de saisonnier. Ce statut ne se contentait pas de catégoriser les travailleurs, il imposait aussi des conditions scandaleuses, notamment celle du refus du regroupement familial.

Or que fait cette motion ? Je lis l'invite, Mesdames et Messieurs les députés: «qu'il soit tenu compte, dans une appréciation réaliste de la situation, des besoins de l'ensemble de l'économie en matière de main-d'oeuvre», jusqu'ici on pourrait être d'accord, «notamment des besoins de main-d'oeuvre non qualifiée venant des pays extra-communautaires».

Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution réintroduit le statut de saisonnier. Et nous l'avons bien vu en commission. Cette résolution se fonde sur le raisonnement suivant: puisqu'à l'intérieur de la communauté européenne, il y a des avantages qui sont donnés aussi à la main-d'oeuvre suisse, on va donc laisser pénétrer sur le marché local une série de travailleurs européens; et si cela ne suffit pas, on ouvrira la porte pour permettre à un certain nombre de travailleurs extra-européens de rentrer sous des conditions précises. Ces conditions figurent intrinsèquement dans cette motion, c'est le statut de saisonnier. On nous a fait tout un discours, lorsqu'il s'est agi de voter les bilatérales; on nous a dit «le statut de saisonnier, nous n'en voulons plus, c'est terminé». Alors qu'en fait, par la bande, avec cette motion, on réintroduit ce statut de saisonnier, qui est inique, Mesdames et Messieurs les députés.

Nous ne participerons pas à cette volonté d'introduire subrepticement un sous-statut et d'inviter le Conseil fédéral à le prévoir. Les travailleurs qui ont les compétences requises doivent pouvoir venir travailler dans notre région. Il n'y a pas de discrimination à faire, et toute discrimination est raciste voire xénophobe, comme cela a été dénoncé par de nombreuses associations internationales.

Le deuxième point sur lequel nous ne sommes pas d'accord concerne la question de la répression. C'est d'ailleurs la dernière invite: «lutter contre l'immigration clandestine pour de nouveaux cas, en sanctionnant plus lourdement l'employeur (sanction pénale) comme l'employé (refoulement), de façon à ne pas favoriser ce phénomène.»

Or ce groupe de personnes ne demandent pas à être régularisées sans identité, en bloc, elles demandent qu'on les reconnaisse dans leur statut, parce qu'elles travaillent chez nous et nous rendent des services importants. C'est de cette considération globale-là qu'il s'agit, bien évidemment. Elles demandent des permis individuels et il n'a d'ailleurs jamais été question d'octroyer à 15 000 personnes un permis collectif. Nous avons proposé la régularisation de l'ensemble de ces clandestins, parce que nous les considérons comme les éléments constituants d'un phénomène nécessaire à l'industrie et au commerce actuels. On nous dit maintenant qu'on va en favoriser certains, on prendra peut-être un millier de personnes, par exemple - à vrai dire je ne sais pas - et puis toutes celles et ceux qui ne satisferont pas à ces critères, déterminés par je ne sais qui, seront réprimés plus fortement qu'aujourd'hui.

Trouvez-vous normal que les personnes, qui travaillent dans l'économie domestique et qui se cachent aujourd'hui, doivent encore plus se cacher, demain, à cause de la motion que vous allez voter ? Pour ma part, je trouve cela anormal.

C'est pour cela que nous refusons de nous associer à cette motion qui, d'une part, ouvre la porte à un nouveau sous-statut pour les employés qui viendront travailler dans notre pays, et qui, d'autre part, invite le Conseil fédéral à renforcer la répression contre des gens cherchant simplement à fuir la misère dans laquelle ils se trouvent pour vivre un peu mieux.

Je trouve que c'est scandaleux de réprimer ce type d'espoir.

C'est pourquoi nous vous proposons de renvoyer les deux motions en commission. Bien évidemment nous ne serons pas suivis. Alors nous vous demandons de renvoyer au moins celle que nous avons déposée, Salika Wenger et moi, pour qu'elle soit traitée en commission, parce que je vous rappelle qu'il y a un débat de fond à mener et que je souhaite qu'il soit mené en commission.

M. Pierre Kunz (R). Revenons aux sans-papiers et n'oublions pas qu'il n'est pas question du tout, ce soir, de frontaliers.

Pour commencer, les radicaux aimeraient rendre hommage à Mme Stéphanie Ruegsegger, qui est à l'origine du texte qui nous occupe dans le cadre de la motion 1555. Elle l'a rédigé dans des délais très brefs et elle a réussi ce tour de force: obtenir l'accord quasi-unanime de l'ensemble de la commission, réunissant deux parties qui s'opposent habituellement sur ce sujet extrêmement délicat qu'est celui des sans-papiers.

Les radicaux s'associent évidemment à la solution proposée presque unanimement, je l'ai dit, par la commission de l'économie. Nous la voterons.

En revanche, notre groupe ne pourra suivre la demande de M. Pagani, concernant la motion 1556. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette motion est irréaliste, elle est inapplicable, parce que contraire au droit fédéral, et elle est surtout contraire à la volonté de la très large majorité des citoyens de ce canton.

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président

M. Pierre Vanek (AdG). Non, je renonce, Monsieur le président.

Le président. M. Vanek... Ah, vous renoncez, bon, d'accord. (Brouhaha.)

M. Pierre Vanek. A la demande générale...

Le président. Non, non, mais, vous pouvez tout à fait renoncer, si vous voulez, cela ne pose pas de problème.

M. Pierre Vanek. Non, j'avais entrepris de renoncer mais, Monsieur le président...

Le président. Je veux respecter votre temps de parole, Monsieur Vanek.

M. Pierre Vanek. J'avais l'intention de le respecter, à tel point que je n'avais pas l'intention de parler, mais puisque vous insistez... (Brouhaha.)...Non, deux mots, parce que je ne veux pas réitérer des choses qui ont été dites par mes préopinants des bancs de l'Alliance de gauche, notamment par Mme Salika Wenger et par Rémy Pagani. Deux choses, simplement. Une, disons, une seule, pour faire encore plus court: il y a un autre fait qui doit être évoqué, c'est la question des droits.

Il y a des travailleurs, dans ce canton. Personne ne le nie. Tout le monde, ici, salue leur utilité pour notre économie, et personne ne nie l'importance qu'ils ont et le fait qu'il faut faire quelque chose pour eux. Cependant, il faut aussi se placer du point de vue des droits de l'homme et des droits des travailleurs. Les conditions d'exercice des droits humains élémentaires ne sont pas réunies pour des gens qui n'ont pas une situation régulière, qui sont pourchassés, qu'on appelle à réprimer encore plus - comme l'a indiqué Rémy Pagani - dans une de ces motions.

Du point de vue de la défense des intérêts des travailleurs, y compris des travailleurs résidant officiellement dans ce canton - de la majorité d'entre nous, de l'ensemble des salariés - il est inadmissible de tolérer des catégories différentes de personnes, qui ne disposent pas des mêmes droits. D'un point de vue syndical, par exemple - j'ai été et je me considère encore comme un syndicaliste - c'est une situation qui est simplement intolérable.

De ce point de vue là, l'affirmation de notre soutien, qui devrait être celui d'une majorité - si on était conséquents dans cette assemblée, par rapport à un certain discours - n'est pas seulement une question d'économie, c'est aussi une question des droits de l'homme, une question des droits des travailleurs. C'est cela qu'il s'agit de respecter et que nous vous invitons à respecter, en votant ou en renvoyant en commission, pour en débattre, la motion 1555.

On nous dit que tout cela est, sous tel ou tel aspect, contraire au droit fédéral. Le droit fédéral est une réalité que l'on cherche à faire évoluer, aussi. C'est d'une motion qu'il s'agit, ici. Le droit fédéral est quelque chose de vivant, sur lequel on intervient régulièrement dans cette assemblée, en cherchant à l'infléchir. Malheureusement, on cherche le plus souvent à l'infléchir dans le sens de ce rouleau compresseur néo-libéral qui limite, précisément, les droits des gens, qui ne tient pas compte de leurs besoins. C'est pourquoi il est parfaitement légitime, dans cette assemblée aussi, de défendre des positions qui vont à contre-courant du cours majoritaire du droit fédéral et de ceux qui cherchent à l'infléchir.

C'est de ce point de vue là que je vous appelle à voter la motion 1556.

Mme Loly Bolay (S). Depuis les années soixante, il y a des sans-papiers, qu'on n'appelait à l'époque pas des «sans-papiers». Aujourd'hui, ces sans-papiers de l'époque sont devenus des gens fréquentables puisque les Espagnols, les Portugais ou les Italiens sont des ressortissants de la communauté européenne. En prévision des bilatérales, des permis leur ont été octroyés, notamment dans l'hôtellerie, dans le bâtiment et, dans une moindre mesure, dans l'agriculture. Pour les non-communautaires, c'est la politique des trois cercles qui s'applique.

Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse ne serait pas devenue le pays qu'on nous envie tous sans sa main-d'oeuvre étrangère. Et s'il y a des clandestins en Suisse, Mesdames et Messieurs les députés, c'est parce qu'il y a du travail en Suisse. Selon les statistiques du SIT, rien que pour la catégorie du travail domestique, vingt-cinq mille personnes y travaillent. Vingt-cinq mille femmes, qui travaillent pour le plus grand bonheur des gens qui les emploient. Des gens qui ne sont au bénéfice d'aucune aide sociale, parce qu'ils n'y ont tout simplement pas droit. J'aimerais quand même dire, ici, qu'il faut que l'on arrête de les traiter de profiteurs, parce que ces gens sont ici pour travailler. Mesdames et Messieurs les députés, ces gens-là vivent avec la peur au ventre dans une ville internationale. Une ville où, tous les jours, on parle des droits de l'homme, on organise des conférences pour traiter des droits de l'homme. Aujourd'hui, c'est vrai, Genève a fait un effort, notamment depuis l'entrée en vigueur de la directive de 2001: en ce qui concerne les expulsions, certains critères sont désormais pris en compte. C'est d'ailleurs pour cela que cent cinquante-deux personnes ont pu bénéficier d'un permis humanitaire, grâce, peut-être, aux efforts fournis par Genève.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste est signataire de la motion 1555. Comme l'a dit mon collègue, M. Brunier, on aurait voulu aller beaucoup plus loin, mais on savait que l'on ne pourrait pas aller plus loin avec la majorité actuelle. C'est un pas en avant, un pas dans la bonne direction. Je vous invite donc à renvoyer la motion 1555 au Conseil d'Etat et celle de l'Alliance de gauche à la commission de l'économie. (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La sagesse voudrait que ce soir, par respect, d'ailleurs, pour les personnes qui sont venues nous écouter, nous ayons à clore ces débats sur un seul texte. Ce serait faire preuve de sagesse. Ce serait faire preuve d'intelligence et de maturité politique. Cette même maturité politique que vous avez démontrée dans vos débats en commission. Il n'est pas trop tard, pour ceux qui ont décidé d'ouvrir un débat plus extrême, mais je ne crois pas que le problème, en adoptant la motion 1555, soit dû à une majorité ou à une autre dans ce Grand Conseil.

Le problème est de concilier des éléments, d'inégale importance, mais tout de même importants. Ces éléments sont d'importance inégale, parce que rien n'est à mettre au-dessus du respect des droits humains, au-dessus du respect de la personne. Quelles que soient les situations, nous avons affaire à des êtres humains qui méritent notre respect. C'est d'ailleurs ce dont vous avez voulu tenir compte dans votre travail en commission.

Il y a aussi un état de droit, que nous devons défendre, même s'il est violé de différentes façons. Cela ne nous permet pas de faire tout ce qu'il pourrait être souhaitable de faire si l'on s'entraînait uniquement dans le premier sentiment.

Et puis, il y a aussi une forme d'hypocrisie dans tout cela, vous l'avez tous relevée. Finalement, dans ce cénacle, tous partis confondus, chacun sait que les personnes qui se trouvent dans la situation que nous évoquons le sont parce que cela en arrange d'autres.

C'est tout cela qui constitue la problématique, et nous ne pouvons pas tout régler d'un trait. C'est pourquoi les efforts faits pour trouver un consensus nous permettant de faire autorité vis-à-vis de l'autorité fédérale, c'est-à-dire de pouvoir arguer d'un appui politique large, est important.

C'est même la raison pour laquelle j'ai envie de demander à ceux qui ont déposé la motion 1556 qu'ils admettent qu'il y a des lieux pour les débats, mais qu'à un moment donné il y a plus important que d'avoir la satisfaction de demander quelque chose de plus, parce que c'est dans un programme politique ou parce qu'on a tel ou tel idéal politique et qu'il est respectable. Ce qui est vraiment important, ce soir, pour toutes les personnes pour lesquelles vous tentez de trouver une solution - tout en voulant d'ailleurs lutter contre la clandestinité et l'illégalité - c'est de faire front ensemble et de démontrer qu'une fois, dans une législature, et sur un problème difficile, vous êtes capables de parler d'une seule voix. En effet, vis-à-vis de Berne, et vis-à-vis de ce que nous, Conseil d'Etat, avons à faire, c'est la plus grande arme et la plus grande force politique que nous puissions arborer, afin que les cas individuels soient jugés d'après les critères et la sagesse politique qui les portent, dans notre canton.

Il n'est pas trop tard, Mesdames et Messieurs les députés, pour faire ce choix, et pour que le débat de ce soir se termine sur un acte politique de maturité, exprimant ainsi le respect que vous témoignez aux personnes qu'il concerne.

Le Conseil d'Etat souhaite qu'on lui renvoie la motion, bien sûr. Au nom du Conseil d'Etat, je tiens à remercier tous les députés qui, à la commission de l'économie, ont su faire la part des choses, oublier les slogans et travailler à une motion qui respecte et les humains et les lois. (Applaudissements.)

Le président. Nous allons procéder au vote. Dans un premier temps, nous voterons sur la motion 1555. Ensuite nous voterons sur la motion 1556, d'abord sur la demande de renvoi en commission, puis, si le renvoi en commission est rejeté, sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

S'agissant de la motion 1555, nous allons voter sur le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion. Nous allons voter par vote électronique, celles et ceux qui acceptent le renvoi au Conseil d'Etat voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé.

(Commentaires. Le président lit les résultats: 59 oui, 3 non et 2 absentions.)

Le président. On me dit que certaines personnes n'auraient pas voté. Je vous propose, pour la bonne forme, de refaire le vote... (Huées.)...à l'appel nominal. Nous allons voter à nouveau par appel nominal demandé par M. Annen. (Appuyé.)Celles et ceux qui acceptent le renvoi au Conseil d'Etat voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1555 est adoptée par 68 oui contre 5 non et 7 abstentions.

Appel nominal

Le président. Nous allons maintenant voter le renvoi en commission de la motion 1556... Madame Gobet Winiger, vous demandez la parole ? Vous l'avez.

Mme Alexandra Gobet Winiger (S). C'est peut-être un peu tard, mais il y a apparemment eu des problèmes de court-circuitage dans les prises de parole.

Il y a eu des abstentions, dans notre groupe, sur la 1555, parce qu'on ne peut pas considérer que l'intensification de la répression, sous forme de refoulement des nouveaux clandestins, soit une solution viable.

C'est la raison pour laquelle il y a eu des abstentions dans notre groupe.

Le président. Merci, Madame Gobet Winiger, vous n'avez pas eu la parole, tout à l'heure, car la liste était close, et, évidemment, lorsque la liste est close, elle est close.

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

Le président. Nous votons sur le renvoi en commission de la motion 1556. Celles et ceux qui acceptent le renvoi de cette motion en commission voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 45 non contre 39 oui.

Le président. Nous allons maintenant voter sur le renvoi de cette motion 1556 au Conseil d'Etat. Celles et ceux qui l'acceptent voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 41 non contre 40 oui.

PL 8857-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. René Koechlin, Jean-Michel Gros modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Commissions)
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R)
Rapport de minorité de M. Antonio Hodgers (Ve)

Premier débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport qui, je crois, met bien en évidence les avantages du nouveau système de répartition des sièges en commission, au niveau du fonctionnement démocratique. En revanche, qu'on me permette de m'arrêter brièvement sur le contenu du rapport de minorité.

M. Hodgers se donne beaucoup de peine, comme toujours, pour tenter de démontrer que le nouveau système est mauvais. Il n'y parvient pas plus qu'il n'y est parvenu lors des débats de commission. Pourquoi ? Eh bien d'abord parce que, au lieu de mettre les éventuelles faiblesses du nouveau système en évidence, il se contente de faire le panégyrique du système actuellement en vigueur.

Il est vrai que le rapporteur de minorité argumente contre le nouveau système, mais ce n'est qu'en faisant fleurir son imagination, et cette floraison consiste dans l'évocation exclusive d'une multitude de dangers qui tiennent plus du fantasme que de la réalité dans l'application du nouveau système. Un système qui, pourtant, fonctionne parfaitement, et depuis longtemps, dans d'autres enceintes législatives.

Soyons clairs, Mesdames et Messieurs les députés, si le rapporteur de minorité manque de crédibilité, en l'occurrence, ça n'est pas parce qu'il n'est pas intelligent. S'il ne parvient pas à nous convaincre, c'est simplement parce que nous savons tous, ici, que le système qu'il défend favorise la minorité dont il fait partie. (Rires.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de minorité. La conclusion du rapporteur de majorité illustre, non pas la courte vue, mais la mauvaise compréhension des systèmes de répartition des sièges en commission. En effet, il ne s'agit pas, à travers ce projet de loi, d'accorder davantage de sièges à une majorité parlementaire ou davantage de sièges à un grand parti.

Par définition, quand il s'agit de représenter une enceinte de cent députés dans un groupe composé de quinze députés, il faut arrondir: on ne peut pas mettre des «virgules de députés», vous en conviendrez. On ne va pas découper des députés en petits morceaux sous prétexte que les radicaux devraient en avoir 2,3: on mettrait alors un tiers de Kunz dans telle commission pour répondre à une représentation parlementaire...

Du moment qu'il faut faire des arrondis, il est clair qu'on s'éloigne de la représentativité de l'assemblée générale. A partir de là, on peut imaginer plusieurs systèmes, qui ne seront jamais parfaits, mais parmi lesquels il faudra choisir le moins pire...

Une voix. Exactement!

M. Antonio Hodgers. On est d'accord. C'est pourquoi le système actuel est basé sur la même logique ou la même façon de calculer la répartition des sièges en plénière. C'est une méthode qui se base sur le système proportionnel qui représente avant tout les blocs apparentés, à savoir, en ce qui concerne notre parlement: l'Alternative, l'Entente et enfin l'UDC. Ce sont les trois blocs apparentés. La répartition se fait donc d'abord par blocs, puis, à l'intérieur de chaque bloc, en fonction des différentes forces représentées.

L'efficacité de ce système tient dans le fait qu'il n'est pas possible, mathématiquement parlant, que la représentativité en commission soit différente de celle qu'il y a en plénière. Pour notre parlement, issu des élections générales de 2001, il n'y a pas de majorité de l'un ou l'autre des grands blocs - de l'Alternative ou de l'Entente - sans l'UDC. Le législateur l'a voulu ainsi. Il n'y a pas de majorité sans l'UDC, et cette logique se retrouve en commission, même si cela peut chagriner certains députés de l'Entente.

Or, avec la proposition qui nous est faite aujourd'hui, l'Entente veut s'attribuer une majorité absolue, c'est-à-dire qu'elle veut s'octroyer huit sièges contre six pour l'Alternative, et un pour l'UDC. Ce que les auteurs de cette proposition n'ont pas vu, c'est que, non seulement, la majorité peut être absolue au lieu de relative - neuf députés de droite contre six de l'Alternative selon la configuration actuelle - mais que, en plus, cette même majorité peut forcer la main jusqu'à dix députés pour la droite contre cinq de gauche. Vous admettrez que cette répartition n'est pas représentative de l'assemblée.

J'ai fait ces calculs sur la base d'un tableau Excel en respectant la logique qui est proposée par MM. Gros et Koechlin. Comme ces derniers, et ils ne sont pas les seuls dans ce parlement, me portent peu de crédibilité, même en matière de mathématiques, j'ai fait vérifier ces calculs par le service des votations et élections, qui les a confirmés, comme vous pouvez le constater dans l'annexe 4.

En outre, cette annexe 4, signée par M. Patrick Ascheri, qui n'est pas tout à fait de notre bord, comme vous le savez, explique que, par ailleurs, si ce système introduit une sur ou une sous-représentation des groupes politiques, il s'agira de déterminer dans quelle commission elle va s'exercer, sachant que la valeur des commissions ne peut pas être considérée comme identique.

Ici aussi, nous sommes d'accord. Nous savons tous qu'il y a des commissions plus importantes que d'autres, parce que les enjeux politiques auxquels elles renvoient sont plus importants que d'autres... (L'orateur est interpellé.)Lesquelles, me demande-t-on ? On le sait bien: les finances, la commission de contrôle de gestion, des commissions qui sont à la base des équilibres de forces dans notre République.

Dans ces commissions, une majorité - qu'elle soit de votre bord ou du nôtre - pourra imposer à la minorité une sur-représentation telle que celle que j'ai évoquée, à savoir de dix contre cinq, alors que la situation, en plénière, n'y correspond pas.

Monsieur Gros, vous dites que c'est faux, j'ai fait des calculs qui sont clairs et qui ont été certifiés par la chancellerie. Si vous voulez contester les conclusions de la chancellerie, libre à vous. C'est vrai que les libéraux sont experts en systèmes mathématiques, vous l'avez déjà prouvé plus tôt aujourd'hui, il n'empêche que ce projet de loi a une réalité. Cette réalité entraîne aussi ceci: sur une législature comme celle qui s'est étendue de 1997 à 2001, où il y avait une courte majorité parlementaire, votre système implique des majorités inversées en commission, forcément.

M. René Koechlin. Non !

M. Antonio Hodgers. Forcément ! Retournez à vos études !

Le président. Monsieur Koechlin, je vous prie de garder votre calme.

M. Antonio Hodgers. Forcément, le système que vous proposez, dans la configuration de 1997, aurait impliqué, sur environ un tiers des commissions, une majorité inversée...

M. René Koechlin. Non !

Le président. Monsieur Koechlin, je vous en prie !

M. Antonio Hodgers. ...ce qui veut dire que, quand il s'agit de la commission des affaires régionales. Le parlement doit se souvenir que le rapporteur de minorité représente en fait la majorité; quand il s'agit de la commission des pétitions, de la même manière, il doit se souvenir que les majorités sont inversées.

Vous introduisez donc un système illogique. Savez-vous pourquoi ? Tout simplement parce que vous vous basez sur le système du Conseil national qui, contrairement au Grand Conseil genevois, n'a pas un unique cercle électoral. Ce qui introduit une logique de répartition en commission qui sera différente. Et autant le système que propose le parti libéral peut fonctionner au niveau national - puisqu'il y a plusieurs cercles au niveau électoral: les cantons - autant notre parlement, élu sur une seule circonscription électorale, ne peut pas fonctionner avec votre proposition.

Il ne s'agit pas ici d'un débat politique, il s'agit d'un débat technique qui peut mener - et je le souligne, puisqu'il est laissé une compétence au Bureau de déterminer à combien de sièges chaque parti a droit dans chaque commission - au scénario selon lequel il n'y a pas de majorité, c'est-à-dire que ce parlement ne trouve pas une majorité pour déterminer qui siège dans chaque commission.

Pour toutes ces raisons, et bien que ce débat soit passablement technique, je vous invite à refuser ce projet de loi.

M. Pierre Vanek (AdG). Il vient d'être dit par le rapporteur de minorité que tout ceci n'était pas une affaire politique. Ce dernier a développé des arguments techniques qui sont parfaitement exacts. M. Koechlin a tort, il s'est énervé, on lui réexpliquera gentiment le raisonnement. Il est évident que ce qui a été proposé par la majorité est susceptible de faire l'objet de toutes les critiques qui ont été adressées, à juste titre, par le rapporteur de minorité.

Là où je ne suis cependant pas le rapporteur de minorité, c'est lorsqu'il dit que cette affaire n'est pas politique. Or, cette affaire est bien une affaire politique. Elle s'inscrit dans le droit fil d'une série de mesures visant à bâillonner la minorité - nous nous sommes d'ailleurs déjà exprimés à ce sujet - sur les interpellations urgentes, sur la suppression des débats de préconsultation et sur toute une série d'autres choses, sous prétexte d'efficacité, pour obtenir une mainmise beaucoup plus forte de votre majorité sur ce parlement et la possibilité de faire passer, avec beaucoup moins d'opposition, un certain nombre de mesures qui répondent à votre programme politique, que je ne qualifierai pas, puisque vous connaissez mon opinion à son sujet.

Ce que M. Kunz nous épargne, c'est un long débat technique. M. Kunz a d'énormes qualités, dont la clarté et la franchise dans ses opinions, et il dit ceci dans son rapport: «La logique et la souplesse du système proposé suffisaient à convaincre les partis bourgeois». Evidemment cette souplesse a convaincu tous les partis bourgeois et les partis de cette majorité, comprenant l'UDC et l'Entente - ou l'Entente s'appuyant sur la béquille de l'UDC.

Au-delà des calculs et des tableaux Excel que certains utilisent avec brio, et ils ont raison de le faire, il y a des choses beaucoup plus simples qui sont écrites dans ce rapport. M. Kunz écrit ceci: «Le nouveau système permet aux groupes composant la majorité de concrétiser leur avantage de manière plus marquée dans les commissions couvrant leurs domaines d'action prioritaires». Bien entendu on laisse le reste. Bien entendu que, dans les domaines que la majorité de droite, appuyée sur l'UDC, ne juge pas prioritaires, on compensera, en laissant un peu plus de place aux députés de l'opposition.

Il y a, dans cela, une intention politique visant à renforcer la mainmise de cette majorité de droite sur ce Grand Conseil ainsi qu'à limiter les possibilités d'expression de l'opinion minoritaire, ce par le biais de la limitation du nombre de députés en commission, et, par voie de conséquence, des compétences réunies, ainsi que de l'eau apportée au moulin des arguments de l'opposition.

L'affaire est toute simple: sommes-nous d'accord d'aller vers une représentation, qui a ses défauts, mais qui est calculée selon une règle arithmétique de proportionnalité en commission - qu'on respecte autant que faire se peut ? Ou bien voulons-nous accepter un nouveau système qui permet aux groupes composant la majorité - je cite encore une fois M. Kunz parce que, contrairement à moi, il a parfois le mérite d'une plus grande clarté (Rires.) -«de concrétiser leur avantage de manière plus marquée dans les commissions couvrant leur domaine d'axe prioritaire ?» Cela veut dire que, dans les domaines qu'ils jugent prioritaires, ils veulent avoir le moins d'oppositions possibles.

Cela n'est pas intelligent, parce que c'est bien, pour une majorité, d'avoir à passer le test de l'opposition dans cette enceinte, avant d'aller affronter celle qu'elle rencontre sur le plan des référendums et qu'elle peut rencontrer sur le plan des mobilisations sociales. C'est bien aussi, pour une majorité, de se rendre compte - mais la vision de M. Kunz ne s'étend peut-être pas jusque là - que les majorités se renversent. Probablement, d'ici quelques années, ce ne seront plus les mêmes majorités qui siègeront. Si une majorité, de gauche et Verte, revenait, elle pourrait être tentée - mais je ne crois pas qu'elle le ferait, parce que, nous l'avons démontré de 1997 à 2001, nous ne mangeons pas de ce pain-là - elle pourrait être tentée d'employer contre vous les armes que vous utilisez à son encontre maintenant.

Cette mesure est parfaitement antidémocratique. L'avantage que vous avez, l'avantage que vous devez concrétiser, c'est une majorité - et avec l'UDC, une large majorité - dans cette enceinte, ainsi qu'une majorité en commission; mais cela ne vous suffit pas, vous en voulez plus. Pourquoi ? Parce que vous êtes incompétents, parce que vous n'arrivez pas à développer vos arguments en commission, parce que vous avez des affaires lucratives trop pressantes qui font que vous ne pouvez pas assister aux réunions de commission ? Pourquoi, avec cette majorité-là - au lieu de bidouiller le règlement pour vous avantager encore - ne vous servez-vous pas de cette majorité pour mettre votre programme politique en oeuvre et répondre, selon vos lumières, aux intérêts des citoyennes et citoyens qui vous ont élus ? (Exclamations.)Vous ne le faites pas ! C'est un aveu de faiblesse et de manque d'intelligence politique. Vous prenez ce chemin, vous voterez probablement cette mesure ce soir, mais je la dénonce ici. Elle est antidémocratique, elle est inacceptable. Pourquoi en aviez-vous besoin maintenant ?

Sous le gouvernement monocolore, Monsieur Kunz, vous n'en aviez pas besoin, l'écart entre les majorités et les minorités en commission n'était pas plus important. Vous avez réussi à faire des propositions et à mener une certaine politique. Bon, les citoyens en ont tiré la conséquence...

M. Pierre Kunz. Laquelle ?

M. Pierre Vanek. Oui, je sais, Monsieur Kunz, que vous étiez à l'époque dans l'opposition, parce que vous considériez que le gouvernement monocolore faisait une politique de centre-gauche et que vous ne votiez pas les budgets. Vous proposiez toute une série de mesures, plutôt du ressort du quarteron de députés UDC qui sont ici. Maintenant, vous vous trouvez plus à l'aise dans cette majorité qu'à l'époque dans celle du gouvernement monocolore. (Brouhaha.).Mais enfin, Monsieur Kunz, Mesdames et Messieurs les députés, à l'époque, vous avez réussi à faire passer un certain nombre de choses, par le biais de quelques propositions politiques, et d'une discipline de vote de votre côté...

Le président. Il est temps de conclure.

M. Pierre Vanek. ...et l'opposition a fait son métier. Je conclus: cette mesure est antidémocratique, c'est un aveu de faiblesse de votre part. Je vous invite, de ce point de vue là - qui devrait vous toucher vous aussi, Messieurs les députés de la droite, et Mesdames, même s'il y en a peu - à refuser cette mesure.

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur de minorité, M. Hodgers, qui est allé au-delà de son travail de rapporteur. Il nous apporte ainsi la preuve que, techniquement, cette méthode de calcul de la répartition des sièges en commission est complètement invraisemblable, et qu'elle pourrait déboucher sur des choses totalement anormales.

Deuxièmement, je crois, moi aussi, que ce projet de loi est politique. Je crois qu'on pourrait lui donner un titre: «le regret du non-apparentement de l'Entente avec l'UDC». Finalement, ce qu'il nous propose, c'est bien ceci: la méthode de répartition des sièges, au sein de cette plénière, se fait d'abord selon les termes des apparentements. Or les députés de la droite proposent que la répartition des sièges en commission ne soit plus effectuée ainsi mais qu'elle se fasse en fonction de deux blocs opposés, alors qu'ils ont refusé l'apparentement avec l'UDC, lors des élections de 2001, pour des raisons qui leur sont propres. Ils voudraient maintenant réunir leur bloc entier avec l'UDC, et j'espère que les électeurs de 2001 apprécieront cela.

Techniquement, je tiens quand même à relever l'aberration de ce système qui tient dans la différence entre certaines commissions dans la répartition des sièges. Je vous laisse imaginer les discussions et négociations, au sein des réunions de chefs de groupe, pour attribuer une valeur aux commissions. Cette notion de valeur des commissions est toute relative, parce que cela dépend des sujets qui y sont en cours. En effet, il y a des commissions qui n'ont pas, ou pratiquement pas, de sujet à l'ordre du jour, d'autres qui en ont une multitude, et qui sont très importants. Tout cela, alors que dans quelques mois, ce ne sera plus le cas. Je vous laisse donc imaginer par quelles négociations il faudra passer, des heures et des heures durant, avant de trouver le moindre accord, à moins qu'il ne s'agisse d'un accord imposé par la majorité.

Techniquement, cela est donc irréalisable, et M. Hodgers nous le prouve mathématiquement, quoi que vous en disiez, Messieurs Koechlin et Kunz. M. Hodgers le prouve, nous risquons de nous retrouver avec des commissions à dix contre cinq.

Si tel est votre idéal de la démocratie, pour notre part, nous ne le partageons pas.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Pour le PDC, ce projet de loi n'est pas un bon projet. Il prétend faciliter la répartition des sièges en commission; il prétend rendre les apparentements plus justes, selon une démonstration arithmétique; en fait, ce projet de loi ne peut pas être plus juste que le système actuel, tout simplement parce qu'il est basé sur le nombre de députés par groupes, non sur la réalité des suffrages de chaque liste politique.

En modifiant le système actuel, les initiateurs de ce projet de loi introduiraient un système de répartition flottant, dans lequel les groupes les plus importants de notre Grand Conseil auraient beau jeu d'influencer le nombre de leurs représentants selon l'importance qu'ils donnent aux commissions. On voit ainsi déjà qu'il y a des regards d'inégalité sur les commissions, on ne peut pas nier cela. On pourrait ainsi voir des blocs monopoliser, par exemple, la commission sociale ou la commission des finances, au hasard, verrouillant les débats démocratiques, pour faire passer en force des objets ou bloquer des projets de lois qui leur déplairaient.

On imagine alors après les débats en plénière qui deviendraient encore plus «foire d'empoigne» qu'actuellement, et ce n'est pas peu dire.

On prétend vouloir être plus efficaces et plus rationnels, en plénière, pour gérer, dans des temps acceptables, nos ordres du jour; le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec ce projet de loi, qui aurait, je le redis, des conséquences en plénière, on raterait vraiment notre cible.

Restons donc pragmatiques, refusons ce projet de loi qui ne ferait qu'augmenter la confusion.

M. Jean-Michel Gros (L). J'aimerais ajouter deux ou trois remarques au rapport qui nous est soumis.

Premièrement, je voudrais vous parler des amendements qui ont été apportés par la commission. Il y en a deux, de moindre importance, qui ont quasiment fait l'unanimité. Le premier consiste à garantir à chaque parti au moins un siège en commission de neuf membres. C'était un oubli de notre part, nous nous en excusons et nous avons bien sûr accepté que ce soit le cas. Le deuxième amendement est secondaire, le troisième me paraît plus important. Cela pour répondre à toutes les accusations qui nous sont faites, notamment par M. Vanek, de politique politicienne, voire revancharde, voire même d'un désir caché que nous aurions de favoriser la majorité bourgeoise. Les libéraux ont immédiatement déclaré en commission que cette loi, si elle était votée, ne serait applicable qu'en 2005, soit lors de la prochaine législature. Il nous semble que c'est là un acte d'honnêteté intellectuelle incontestable, car qui peut prévoir le résultat des prochaines élections ? Personne, en tout cas pas les apprentis sorciers que sont René Koechlin et moi-même.

L'article 2 souligné montre en tout cas que la majorité de la commission désire non pas un correctif pour maintenant, mais un système de répartition plus équitable pour demain. Ce nouveau système s'appuie certes sur du vécu, c'est-à-dire la législature 1997-2001 et celle que nous vivons actuellement, mais pour une justice de répartition pour l'avenir.

J'en viens maintenant au bien-fondé de ce projet. Il est évident que certaines forces, voire certains groupes, sont plus ou moins bien représentés en commissions, par rapport à leur force réelle dans le parlement. Il a été évoqué, dans l'exposé des motifs, que l'Alternative, avec sept sièges sur quinze, détenait 46,66% des sièges, alors qu'elle n'en totalise que 43% au Grand Conseil. C'est vrai que cet exemple mettait des blocs en confrontation et ne reflétait pas les nuances qui pouvaient exister à l'intérieur de ceux-ci. En commission, les démocrates-chrétiens l'ont fait remarquer, insistant sur le fait que chaque parti, voire chaque député, est libre de ses prises de position. C'est en cela que le travail en commission est utile.

Non, il ne faut pas opposer un simple calcul arithmétique bloc contre bloc. Je ne citerai qu'un exemple: comment se fait-il qu'un groupe comme les Verts, avec onze députés, ait une représentation supérieure de cent pour cent à celle de l'UDC, qui compte dix députés ? Oui, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont deux députés dans chaque commission, alors que l'UDC n'en a qu'un. Bien sûr, on me dira qu'on ne peut pas partager un député, M. Hodgers l'a très bien fait tout à l'heure. On ne peut pas en mettre un demi en commission. Eh bien, si, Monsieur Hodgers, si, justement, on peut ! Et c'est l'objet de ce projet de loi. C'est ce qu'on pourrait appeler, et cela fera plaisir à ceux qui sont assis sur les bancs de l'Alternative, «du job sharing». Ce travail à temps partiel impliquerait, par exemple, qu'à la commission de l'économie siègent deux UDC et un Vert, pendant qu'à la commission fiscale siègeraient deux Verts et un UDC.

Cela s'adresse bien entendu à tous les partis, y compris au parti libéral, si jamais il devait encore gagner des sièges en 2005. Cela s'adresse bien sûr aussi à la gauche qui comprendrait son intérêt, si elle faisait abstraction des auteurs du projet, ce qu'à Dieu ne plaise. Il est utile, ici, de citer le président de la commission: «J'estime que ce projet ne provoquera pas une polarisation, tout dépend du résultat des votations. Si la gauche perdait trois à quatre sièges, par exemple, le projet lui permettrait quand même d'obtenir sept sièges dans quelques commissions, alors qu'elle n'en obtiendrait que six avec le système actuel.» Le président cité est bien sûr notre rapporteur de minorité.

Tout ceci m'amène, bien sûr, à ce rapport de minorité ou à son caractère injurieux, sur lequel mes liens d'amitié avec son auteur m'empêchent de revenir. Je souhaite souligner le caractère insolite de sa rédaction. M. Hodgers a, pour prouver le bien-fondé de son argumentation, écrit à un chef de service pour lui demander si son mode de calcul était juste, cela après la clôture des travaux de la commission. Monsieur le président, admettez au moins que l'initiative est étrange. Bref, M. Hodgers a demandé son avis à M. Ascheri après avoir construit une gigantesque hypothèse selon laquelle les commissions, ou en tout cas certaines d'entre elles, pourraient avoir dix députés de droite et cinq de gauche. Nous dénonçons cette manière de faire. Il est inadmissible de demander des rapports après la fin des travaux de commission.

Le groupe libéral se doit de vous recommander d'accepter ce projet de loi.

M. Ascheri, fonctionnaire que nous apprécions beaucoup, s'est cependant trompé sur un point majeur: tout ce qui est énoncé sous la lettre c) doit être conforme à la lettre a). La lettre a) dit explicitement: «le nombre total des sièges de l'ensemble des commissions composées du même nombre de membres est réparti d'abord proportionnellement au nombre de sièges que chaque groupe détient au Grand Conseil.» Tout cela veut dire que le nombre de sièges en commissions variera entre zéro et un. D'ailleurs, il sera intéressant de savoir pourquoi le rapporteur n'a imaginé qu'un rapport de dix contre cinq, suite à ce projet de loi.

En effet, pourquoi, M. Hodgers, selon son schéma, n'a-t-il pas imaginé la droite prendre quinze sièges aux finances et en laisser quinze à la gauche, à la commission des pétitions, M. Ascheri aurait peut-être dit que cela était possible avec ce projet de loi ? Non, Monsieur Hodgers, cela n'est pas possible, puisque les sièges, en commission, sont en priorité répartis proportionnellement au nombre de sièges au Grand Conseil. Le nombre ne variera donc que de zéro à un. Ce système, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas tombé du ciel, il ne vient pas de mars, il ne vient pas de Vénus, non: il vient de plusieurs parlements cantonaux et il vient aussi du parlement fédéral.

Monsieur Vanek, vous ne faites pas partie de la commission, mais vous constaterez que la répartition, dans les commissions, se fait comme ceci: oui, M. Charbonnier a parlé de la difficulté de négociation entre les groupes, pour se répartir ces sièges en commission, oui il y a des difficultés de négociation, et alors ? Si nous ne pouvons plus nous parler...

Le président. Il est temps de conclure...

M. Jean-Michel Gros. ...au début d'une législature, c'est vraiment le comble ! (Manifestation dans la salle.)Ce que je veux dire, c'est que les arguments évoqués par M. Hodgers sont faux, mensongers, et que sa méthode est tout à fait discutable. Pour ces motifs, je vous demande d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Gilbert Catelain (UDC). Je n'ai malheureusement pas entendu tous les propos de M. Gros, c'est dommage parce que je vais intervenir en partie sur ce point-là. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)J'aimerais aussi rendre M. Charbonnier attentif au fait qu'il ferait bien de se méfier de certains préjugés qu'il a vis-à-vis du groupe UDC, parce que, contrairement à ce que vous pensez, vous risqueriez d'être surpris par la décision du groupe.

A première vue, ce projet de loi est très favorable au groupe UDC. Il est en effet discutable qu'une différence d'un siège, dans cette enceinte, puisse se traduire par un doublement de la représentation en commission. Je dirai même que c'est inacceptable, et, sur ce point, je pense que le groupe libéral n'a pas à souffrir de griefs, et que son initiative dans ce domaine est tout à fait louable.

Ce projet de loi a effectivement deux points positifs. D'une part, il permet de rééquilibrer le nombre de commissaires pour les groupes parlementaires, qui ont une représentativité de 10 à 13% dans cette enceinte. D'autre part, et surtout, il permet une meilleure représentation du groupe UDC dans les commissions. Comme vous le savez, c'est un groupe qui monte, et qui, aux prochaines élections, fera plus de 20%...

Une voix. Minimum !

M. Gilbert Catelain. ...donc nous ne sommes pas trop concernés par ce projet de loi.

Malheureusement, ce projet de loi a un talon d'Achille. Il se situe à l'article 179 alinéa 4 lettre c). En effet, selon la répartition choisie, et contrairement à la situation qui prévaut dans cette enceinte, l'Entente pourrait effectivement être majoritaire dans 50% des commissions composées de quinze membres, qui sont les commissions les plus importantes, alors qu'elle n'a pas la majorité dans cette enceinte. Cette situation-là est donc tout aussi inacceptable que la situation présente. Les deux situations sont inacceptables.

Il s'agirait donc de trouver un compromis qui ne devrait concerner que les groupes parlementaires compris entre 10 et 15% de représentativité, où, là, il devrait y avoir une sorte d'alternance: c'est-à-dire que dans une commission de quinze membres, deux membres feraient partie des Verts et un de l'UDC, et inversement, pour la deuxième partie du tableau.

Sur la base de ces explications, le groupe UDC se réserve pour le vote final, mais je pense qu'il risque bien de rejeter majoritairement le projet de loi libéral dans la forme qui lui est proposée ce soir.

Le président. La parole est à M. Koechlin, tout calme, tout calme.

M. René Koechlin (L). Vous savez, Monsieur le président, à quel point je peux garder mon calme, lorsque je prends la parole, que vous me cédez généreusement.

Ce qui me surprend, c'est que les personnes qui se sont exprimées contre ce projet l'ont fait sans l'avoir lu avec suffisamment d'attention. Parce que la lettre c) de l'article 179 alinéa 4, qui vient d'être évoquée par mon préopinant, dit précisément que ce Grand Conseil veille à ce que le total des sièges attribués à chacun des groupes pour l'ensemble des commissions de même composition soit conforme à la règle énoncée sous lettre a). M. Gros vous l'a rappelée tout à l'heure; cette règle est la suivante: «le nombre total des sièges de l'ensemble des commissions composées du même nombre de membres est réparti d'abord proportionnellement au nombre de sièges que chaque groupe détient au Grand Conseil.» Plus clair, je meurs.

Ce projet de loi vise simplement à plus d'équité, à faire en sorte qu'au sein des commissions la représentation de chaque groupe corresponde de façon beaucoup plus stricte à la proportion qui existe au sein de ce parlement.

Malheureusement, M. Hodgers, dans son élan et sa fougue, nous montre des tableaux - annexes 1, 2 et suivantes - qui sont faux. Ces tableaux sont de sa plume et ne correspondent pas du tout aux deux articles de loi. J'aurais aimé que la chancellerie vienne confirmer vos déclarations devant la commission, ce qu'elle n'a pas fait. J'aimerais bien qu'elle vienne confirmer ces déclarations devant moi. La règle que nous proposons est tellement simple, tellement claire, que je m'étonne qu'autant de personnes, parmi vous, ne la comprennent tout simplement pas. Comme l'a rappelé M. Gros tout à l'heure, c'est une règle qui est appliquée dans un certain nombre de parlements comme le nôtre, ainsi qu'aux Chambres fédérales.

Nous avons déposé ce projet de loi, parce que nous estimons qu'il est plus équitable que la manière dont nous répartissons les sièges actuellement dans les commissions. J'en veux pour preuve le fait que, lors de la dernière législature, si l'on avait appliqué la règle que nous appliquons actuellement, l'Alternative aurait eu sept sièges en commission, et nous, de l'Entente, en aurions eu huit. C'était le résultat du calcul actuel. (L'orateur est interpellé.)Non, c'était le résultat de la loi appliquée en 1997. Je le savais parfaitement, Monsieur Hodgers, parce que j'ai été questionné par la chancellerie. J'ai questionné mon groupe, et nous avons accepté de renoncer aux sièges qui nous étaient dus en faveur des Verts, précisément votre groupe, pour que l'Alternative, en commission, possède huit sièges et que l'Entente n'en possède que sept.

Mais c'était une entourloupette, et c'était au bon vouloir de notre groupe et de l'Entente, que nous avons consultée. C'est vous dire à quel point la manière de calculer la répartition des sièges en commission est approximative, si l'on applique les règles actuellement en vigueur dans ce parlement. Elles sont approximatives, elles sont inéquitables, et c'est pour les rendre un peu plus justes, conformément à ce qui se passe dans d'autres parlements et aux Chambres fédérales, que nous avons proposé ce projet de loi.

Naturellement, si la majorité de ce Grand Conseil préfère se conformer à ce qui est moins équitable, c'est son droit. Qu'on se le dise, si ce projet est refusé, Mesdames et Messieurs les députés, je l'affirme ici formellement, cela voudra dire qu'il y a une majorité de députés dans ce Grand Conseil qui préfère les approximations, le flou artistique, en ce qui concerne la représentation des groupes dans les commissions parlementaires.

Je trouve cela lamentable et je le regrette beaucoup.

M. Thomas Büchi (R). Le groupe radical soutiendra le rapport de majorité, cela pour un certain nombre de raisons extrêmement simples, et je ne serai pas long, puisque les arguments ont été abondamment développés. Je voudrais tout de même reprendre ce qu'a dit M. Koechlin.

J'étais présent en 1997, j'étais présent en 1993. Il est vrai qu'en 1997 le calcul actuel a conduit à cette aberration où l'Entente avait la majorité des sièges, et c'est vrai que les libéraux ont cédé un siège aux Verts pour qu'il y ait huit à sept en commission à ce moment-là - ceux qui étaient là à l'époque s'en rappellent très bien. C'est vrai que c'est difficile de trouver le système parfait dans le domaine de la répartition. Il n'empêche qu'il nous semble que le système le plus habile est quand même celui qui représente mathématiquement et qui est le plus proche du vote populaire. C'est d'ailleurs ce que nous vous proposons dans ce projet de loi.

Nous ne pouvons pas, en tant que radicaux, être taxés de malhonnêteté intellectuelle dans le cas présent, puisque si le projet de loi était appliqué immédiatement, nous perdrions des sièges en commission. Nous le soutenons malgré tout, parce qu'il nous paraît plus juste et plus équitable.

Un autre argument: je crois que notre Parlement fédéral fonctionne très bien. Le système de ce projet de loi est aussi très proche du système fédéral, et je crois que c'est une bonne chose que de s'en approcher. Je voudrais encore dire une chose à M. Vanek: j'ai à peu près écouté le monologue injurieux que vous avez fait. (Manifestation dans la salle.)

Le président. Adressez-vous au parlement, Monsieur Büchi ! N'interpellez pas vos collègues !

M. Thomas Büchi. J'espère, Monsieur Vanek, que vous vous comporterez mieux à Berne sur le plan du vocabulaire...

M. David Hiler. Qu'est-ce que cela a à voir avec le débat ?

M. Thomas Büchi. Attendez, Monsieur Hiler...

M. David Hiler. Ce sont des attaques personnelles...

Le président. Adressez-vous au parlement, Monsieur Büchi, et pas à l'un ou l'autre de vos collègues ! Vous êtes en train d'attiser la tension.

M. Thomas Büchi. Monsieur Vanek, vous nous avez injuriés en disant que nous soutenions ce projet de loi, parce que certains membres de l'Entente faisaient de l'absentéisme pour s'occuper de leurs affaires lucratives. Je vais vous dire une chose, Monsieur Vanek: je suis un modeste artisan et chef d'entreprise depuis quinze ans. Je sais ce que veut dire garantir des emplois et chercher du travail. Et si un jour vous aviez travaillé, vous sauriez de quoi on parle en étant chef d'entreprise. (Exclamations. Longs applaudissements.)

Le président. Je vous rends attentifs, Mesdames et Messieurs les députés, que si vous voulez continuer le débat dans un minimum de sérénité il vous faut veiller à éviter certaines manifestations de sympathie ou d'antipathie trop accentuées. Monsieur Vanek, la liste est close. Vous avez été mis en cause, vous aurez la parole, mais après, excusez-moi, à la fin de la liste des orateurs.

M. Robert Iselin (UDC). Pour quelqu'un qui débarque de façon relativement récente dans ce parlement, je trouve que cette discussion relève un peu de celle qui agitait Byzance sur le sexe des anges.

A vrai dire, chaque système a des défauts. Le système actuel en a, l'autre en a aussi, car c'est un peu une mathématique à géométrie variable... En effet, on ne voit pas très bien comment, dans les commissions, où il s'agira de distribuer des sièges dont le nombre est variable, on choisira plutôt les finances, pour l'UDC, qui sera toute contente puisque cela l'intéresse, et pas du tout je ne sais quelle autre commission.

En tout cas, soit l'UDC nous laissera la liberté de vote soit nous voterons contre ce projet, qui, au surplus, c'est vrai, est un problème politique.

Comme je l'ai dit à l'un ou l'autre libéral, actuellement l'UDC fait la balance: eh bien, elle ne va pas la quitter !

M. David Hiler (Ve). J'aimerais tout d'abord intervenir sur quelques points de détail de la discussion.

Le premier point concerne les reproches faits par M. Gros à l'égard du travail du rapporteur de minorité. Si je vous ai bien compris, Monsieur Gros, je vais devoir changer ma méthode de travail, parce que j'ai fait pas mal de rapports de majorité et de minorité dans ce parlement. A réitérées reprises, particulièrement à la commission des finances, je me suis permis de demander un certain nombre de renseignements complémentaires, de demander qu'on vérifie des chiffres, lorsque je rédigeais ces rapports, de sorte que nous n'ayons pas de problèmes factuels en plénière.

M. le rapporteur de minorité a fait ce qu'on fait lorsqu'on est consciencieux. Vous avez la majorité, certes, mais pas encore le pouvoir d'obliger les gens à être aussi nonchalants que vous.

La deuxième remarque porte sur ce qu'a dit M. Koechlin. Vous aviez fait, Monsieur Koechlin, preuve d'élégance, alors je le salue. Simplement, après, nous avons changé la loi, et c'est un épisode que vous oubliez. En effet, la loi s'était avérée mauvaise et nous l'avons donc modifiée, pour éviter que ce qui s'était passé à l'époque ne se reproduise.

Maintenant, il est vrai, et ici on ne peut que saluer le bon sens de M. Iselin, que dans un système où on passe de cent à quinze, il y a forcément approximation, et que le système ne peut pas être parfait. Nous avons la faiblesse de croire, au vu de ce qui a été dit ce soir, que le système proposé par MM. Gros et Koechlin est bien plus mauvais que l'existant, et qu'en conséquence il serait «lamentable», selon les propos de M. Koechlin, de mettre plus d'inégalité aujourd'hui que dans le passé.

J'aimerais quand même vous dire, de façon plus générale, que ce que vous êtes en train de faire n'est pas très intelligent. Tout à l'heure, vous avez supprimé le débat de préconsultation qui existait dans ce parlement depuis l'origine de notre République. Dès le Conseil représentatif, le débat de préconsultation a existé, et il a toujours fonctionné. L'interpellation urgente répondait à des règles beaucoup plus souples, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. On pouvait, et c'est ce qui se passera avec la suppression que vous avez faite, interpeller le Conseil d'Etat à tout moment du débat, sur n'importe quel objet. C'est la preuve qu'un parlement ne peut bien fonctionner que si une écrasante majorité de celui-ci est prête à ce qu'il fonctionne bien. Or c'était le cas. C'était le cas, avant que vous ne vouliez résoudre des problèmes politiques par des méthodes autoritaires sur le règlement.

Dès lors, je peux vous annoncer ce qui va se passer sans aucun doute: nous n'aurons jamais été plus lentement que pendant les deux prochaines années, et vous l'aurez voulu. Lorsque l'on met un couvercle sur une marmite à vapeur, cela finit généralement par sauter. Je ne vous en félicite pas. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de minorité. J'aimerais reprendre assez brièvement certains éléments de ce débat.

Tout d'abord, effectivement, Monsieur Gros, je me suis permis d'approfondir un peu le sujet et d'adresser un courrier à M. Ascheri. Pourquoi ? Si vous étiez honnête - vu que vous avez lu une partie des procès-verbaux de commission, vous pourriez lire une autre partie - vous admettriez que c'est parce que vous avez voulu précipiter le vote en commission. Nous n'avons fait que deux séances sur ce sujet, alors que j'ai fait part, avec toute la retenue qui se doit, en tant que président de cette commission, de certains doutes quant à l'application de cette nouvelle méthode et ce qu'elle pouvait entraîner.

Deuxième chose, que vient également de dire M. Hiler: vous vous trompez complètement, Monsieur Koechlin, et M. Büchi aussi. Si, en 1997, la répartition en commission ne correspondait pas à celle de la plénière, c'est parce que nous étions sous un système de répartition dite «méthode du sautier». Entre-temps, notre parlement, en 1998, a modifié la loi pour introduire le système, actuellement en vigueur, sur une base de calcul qui s'appelle Hagenbach-Bischof. Cette base de calcul est exactement la même que la répartition des sièges en plénière. Ce qui fait que, mathématiquement parlant, il ne peut pas y avoir une autre représentation, en commission, que la représentation qui existe en plénière. Vous le contestez, vous irez refaire vos études de mathématiques, car c'est une vérité absolue.

Troisièmement et sur le seul siège de l'UDC en commission: effectivement, l'UDC a dix sièges en plénière et un seul siège en commission. Les Verts ont onze sièges en plénière et deux sièges en commission. La raison principale, Monsieur Gros, mathématiquement parlant, je vous l'explique, car vous avez vraiment de la peine à ce niveau-là, vous les libéraux: c'est tout simplement parce que les Verts, contrairement à l'UDC, sont apparentés à un bloc important qui est représenté par l'Alternative. Avec dix à onze sièges en plénière, un groupe est près du deuxième siège en commission. Nous, en tant que groupe des Verts, nous étions près, et nous avons bénéficié des suffrages restants de nos collègues socialistes et l'AdG pour obtenir notre deuxième siège, chose dont n'a pas pu bénéficier l'UDC. Avec exactement le même résultat aux urnes de 2001, si l'UDC avait été apparentée à l'Entente - j'ai également fait le calcul - les députés UDC auraient eu deux sièges en commission. Refaites vos calculs ! (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)

Le président. Vous êtes insupportable, ce soir, Monsieur Koechlin. (Commentaires.)

M. Antonio Hodgers. Dernière chose que j'aimerais dire: autant M. Kunz que M. Vanek...

Le président. Je n'ai pas dit tous les soirs...

M. Antonio Hodgers. Tant MM. Kunz que Vanek ont argumenté, l'un pour, l'autre contre, que ce projet de loi favorise la majorité. Or, M. Gros l'a rappelé, je l'ai dit en commission, mais je le répète volontiers ici: le système proposé ne favorise pas une majorité. Si l'on avait toujours la configuration de 1997 - l'Alternative bénéficiait alors d'une courte majorité - nous aurions huit députés de l'Alternative et sept de l'Entente. Avec votre système nous aurions sept députés de l'Alternative, huit de l'Entente, sauf pour une petite majorité des commissions. Donc vous auriez affaibli notre majorité.

C'est ce que je veux dire depuis le départ: on ne sait pas ce qu'il va se passer lors de la 56e législature. Une chose est sûre, c'est que votre système est illogique et peu représentatif de cette assemblée plénière. C'est tout. Je ne veux pas dire que, à travers ce projet de loi, l'Entente renforce son pouvoir et l'Alternative s'affaiblit - de la sorte je suis cohérent par rapport à ce que j'ai dit en commission.

Il n'empêche que vous persistez à introduire, dans le règlement du Grand Conseil, des procédures illogiques. Cela se paie par des ralentissements de nos travaux.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'aimerais prendre M. Hiler au mot. Je prends le pari inverse: je vous garantis que, dès le début de l'année prochaine, Monsieur Hiler, ce parlement avancera nettement plus vite et je vous garantis que nous gagnerons, au minimum, rien qu'avec les deux mesures qui ont déjà été prises, trois heures par session. (Rires. Applaudissements.)On fera les comptes, c'est au Mémorial.

Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui sont convaincus ici par le projet de loi dont nous parlons, ne le sont pas parce qu'ils veulent utiliser ce texte pour écraser la minorité ou leurs adversaires politiques.

Des voix. Non... bien sûr...

M. Pierre Kunz. Ils prétendent simplement que ce système est plus juste et plus équitable. Quant à ceux qui prétendent, paradoxalement, que la démocratie serait bafouée par un système de répartition des sièges en commission - qui est plus juste et équitable, je le rappelle, et qui correspond mieux à la force de chaque groupe - eh bien, il faut leur rappeler que, quelles que soient les mathématiques utilisées en commission pour les raisons qui ont été rappelées, c'est quand même ce Grand Conseil qui vote, en définitive. Alors quelle est cette drôle d'idée qui consiste à dire que la démocratie est bafouée par un système qui, je le répète, est plus proche des réalités en commission ? Dans ces conditions, comment peut-on refuser de passer d'un système qui est imparfait à un système qui l'est un peu moins, qui est plus équitable, et plus souple, aussi ?

J'aimerais quand même rappeler à ces conservatismes qui se font jour ici, une fois de plus, une citation d'Henri Bergson qui est parue dans un excellent journal genevois: «Les grandes erreurs politiques viennent presque toujours du fait que les hommes oublient que la réalité bouge et qu'elle est en mouvement continuel. Sur dix erreurs politiques, il y en a neuf qui consistent simplement à croire que ce qui a été vrai l'est encore aujourd'hui.»

Le président. Avant de passer au vote d'entrée en matière, je donne la parole pour trois minutes à M. Vanek.

M. Pierre Vanek (AdG). J'ai demandé la parole non pas pour me réexprimer, je maintiens tout ce que j'ai dit et tout ce que mes collègues ont dit sur ce projet de loi, mais pour réagir à ce qu'a dit M. Büchi.

Il m'a interpellé huit ou dix fois nommément dans ce débat, se qualifiant lui-même de «modeste artisan». Je ne reviendrai par sur ce point, Monsieur Büchi. Nous avons, dans nos rangs, des artisans qui sont plus modestes que vous aux deux sens du terme. Vous avez employé l'expression suivante, en vous adressant à moi: «si un jour vous aviez travaillé...». Monsieur Büchi, je vous demande de me faire des excuses sur ce point.

Je n'ai jamais gagné ma vie autrement qu'en travaillant, en gagnant un salaire que je mérite. J'ai commencé à travailler il y a une trentaine d'années, avec mes mains, dans une usine de la métallurgie pour un salaire d'apprenti. J'ai continué à y travailler jusqu'à me lancer dans l'enseignement primaire, où, quoi que vous puissiez penser, j'ai aussi travaillé et transpiré, parfois autant voire plus, que quand j'étais derrière mon établi ou ma fraiseuse en usine. Je ne tolère pas qu'on vienne tenir ici des propos cherchant à laisser croire que je suis quelqu'un qui a gagné sa vie en parasite ou sans travailler.

J'ai toujours travaillé, je continue à le faire, il y a peut-être des personnes dans cette enceinte - mais évidemment, je ne m'adresserai pas à des personnes nommément - qui gagnent une part de leur vie sans que ce soit le produit de leur propre travail. Je n'en suis pas, et vous le savez bien.

M. Christian Grobet. Excusez-vous, Monsieur Büchi.

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît.

M. Christian Grobet. Excusez-vous, maintenant ! (Huées. Exclamations.)

Le président. Monsieur Grobet ! S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Monsieur Grobet, s'il vous plaît. Monsieur Büchi, vous avez la parole.

M. Thomas Büchi (R). J'ai deux choses à dire, Monsieur le président.

La première: je ne suis pas franc-maçon, donc il faudra d'abord qu'ils sachent de quoi ils parlent. Je ne connais pas le système de fonctionnement de la franc-maçonnerie. Je le dis clairement ici, et c'est peut-être vous qui devriez vous excuser.

Concernant ce que j'ai dit, Monsieur Vanek, que ça soit bien clair: j'ai aussi commencé à travailler derrière un établi, comme vous. Et ce n'est pas de cela que je parlais. Je parlais du travail de chef d'entreprise... (Brouhaha.)...et c'est autre chose. N'interprétez pas mal ce que j'ai dit. (Exclamations.)

Le président. L'incident est clos. (Exclamations. Brouhaha.)S'il vous plaît. (Le président agite la cloche.)

Nous allons voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Celles et ceux qui l'acceptent voteront oui, les autres voteront non, par vote électronique. Non, M. Letellier n'est pas inscrit, la liste était close. Depuis longtemps, Monsieur Reymond. Vous êtes venu plus tard. Nous allons voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Celles et ceux qui l'acceptent voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront, par vote électronique. Le vote est lancé. Je prie chacun de regagner sa place, de ne voter strictement que pour lui, comme le prévoit notre règlement.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 48 non contre 31 oui.

(Le président lit le point suivant. Brouhaha et exclamations.)

La séance est suspendue à 22h25.

La séance est reprise à 22h30.

M 686-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. Michel Balestra, Hervé Burdet, Hervé Dessimoz, Bernard Dupont, Jean Montessuit, Florian Vetsch et Hermann Jenni pour la prise en considération du facteur "transport professionnel privé de marchandises, de documents et de personnes" dans l'élaboration de la politique des transports à Genève

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de reprendre place, pour faire le point 28, dernier point de notre ordre du jour. Je souhaite que les propos de tous les députés ne dépassent pas leur pensée. Avant qu'il soit pris acte de ce rapport, je donne la parole à M. Deneys.

M. Roger Deneys (S). Je pense que ce rapport mérite quelques mots, malgré l'âge certain de cette motion.

Je voudrais remercier le Conseil d'Etat de son rapport et notamment des remarques qui se trouvent à la page trois. Elles consistent à dire que pour trouver une solution dans le trafic, il est important de trouver des solutions pour que les véhicules de livraison puissent décharger leur marchandise. C'est relativement trivial mais c'est particulièrement intéressant au vu de la motion de l'époque, qui demandait à tenir compte des besoins des transports professionnels privés dans les projets de transports publics et dans les études de circulation. C'est très bien, on ne peut sûrement qu'y adhérer, et, bien entendu, ça n'était pas pour rien que la droite avait déposé ce texte, il y a une dizaine d'années.

Il y a toutefois quelque chose de paradoxal. En effet, si l'on veut favoriser les transports des professionnels, il faut peut-être diminuer les autres types de transports et de déplacements motorisés. En l'occurrence, pour minimiser les autres types de transport, il n'aurait pas fallu voter une loi en faveur de la liberté du mode de transport, qui va exactement à l'encontre de ce que vous demandez dans ce texte.

Comme pour le débat précédent, concernant les stations de mesure de la qualité de l'air, vous, députés de l'Entente, adoptez une politique du pire, qui consiste à demander des choses et, après, à proposer des lois qui vont à leur encontre afin d'empirer la situation. Résultat: les transporteurs professionnels ne voient pas leur situation s'améliorer et la situation actuelle est encore bien plus bouchée qu'il y a dix ans. Voilà ce qui se produit avec une majorité de droite au Grand Conseil.

M. Jean-Marc Odier (R). Je crois que M. Deneys confond un peu tout. Je pense que nous demandons à avoir des passages, comme c'est indiqué à la page 3 du rapport, «d'autoriser le passage de véhicules de transports professionnels». Or si les véhicules ne peuvent pas passer, ça n'est pas seulement parce qu'il y a plus de circulation, mais parce que les voiries de la ville sont systématiquement rétrécies.

Je vais vous donner l'exemple du quai Capo-d'Istria - pour ceux qui ne le situent pas, il se trouve avant la passerelle de la Fontenette. Il n'y a plus qu'une seule voie qui permet d'emprunter la passerelle de la Fontenette, alors qu'il y avait deux à trois voies, auparavant. Cela fait augmenter la longueur de la file de voitures, même sur le boulevard de la Cluse, rendant problématique le passage des services de secours. J'aimerais d'ailleurs bien savoir comment ferait le service d'incendie de la ville de Genève, s'il devait intervenir au Bout-du-Monde, entre 17h et 18h. Je pense que ce dernier n'arriverait pas à circuler par le quai Capo-d'Istria de la passerelle de la Fontenette, et encore moins par le pont de Carouge, en traversant Carouge.

Il faudra donc qu'on m'explique cela. Je pense que vous et moi avons une lecture différente, Monsieur Deneys. Pour ma part, je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse, très tardive certes, mais qui permet de donner une orientation à la façon dont il conçoit la gestion du transport professionnel. Selon ce qu'il nous a d'ailleurs dit en commission, sur le même sujet mais à des occasions différentes, il entend lui donner une importance particulière, de manière à permettre des facilités aux transports professionnels, qu'ils soient de marchandises ou de personnes. Je pense que cela est tout à fait judicieux pour la mobilité à Genève.

M. Roger Deneys (S). Je serai très bref. Je voulais juste ajouter que, d'une part, dans le texte initial, il n'est nulle part fait mention des services de sécurité qui auraient des difficultés d'accès à certains bâtiments, ce qui peut se concevoir dans la circulation actuelle à Genève. D'autre part, ce texte comportait une lacune à l'époque qu'on peut constater aussi chaque jour: il y est uniquement fait mention du trafic motorisé, alors que vous savez très bien que, dans la société dans laquelle nous vivons, le transport de marchandises peut se faire à vélo - je vous parle en connaissance de cause - et qu'il existe d'autres modes de déplacement que la voiture pour réaliser des transports professionnels.

C'est pourquoi, de toute façon, ce texte est, quelque part, dépassé et caduc. On peut donc se féliciter du rapport du Conseil d'Etat. Le texte lui-même n'est pas du tout intéressant et pas du tout pertinent, vu la situation dans laquelle nous nous trouvons à Genève en ce qui concerne la question de la circulation.

Le président. C'est vrai que la motion initiale date d'il y a treize ans et qu'il a donc fallu treize ans au gouvernement pour nous donner une réponse. La parole n'est plus demandée - même si je vois des visages se tourner vers moi...

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

La séance est levée à 22h40.