République et canton de Genève

Grand Conseil

No 30/V

Vendredi 13 juin 1997,

nuit

Présidence :

Mme Christine Sayegh,présidente,

puis

M. René Koechlin,premier vice-président

La séance est ouverte à 20 h 40.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Florian Barro, Thomas Büchi, Claire Chalut, Erica Deuber-Pauli, Pierre Ducrest, Marlène Dupraz, Catherine Fatio, Jean-Pierre Gardiol, Michel Halpérin, Dominique Hausser, Claude Howald, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Vesca Olsommer, Jean Opériol, Jean-Pierre Rigotti et Philippe Schaller, députés.

3. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

IU 355
4. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Max Schneider : Air pur et compostage. ( ) IU355
Mémorial 1997 : Développée, 4241.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. A la première question posée par M. Schneider concernant l'amélioration de la qualité de l'air à Genève... (M. Max Schneider arrive dans la salle du parlement.) Ah, le voilà qui arrive, un peu essoufflé, certes, mais présent, ce qui est l'essentiel !

M. Schneider s'inquiétait que les chiffres fournis représentent des moyennes et qu'ils puissent, de la sorte, être interprétés. Les données contenues dans le rapport 1996 sur les mesures de la qualité de l'air à Genève, rapport qui a d'ailleurs été adressé au Grand Conseil mercredi 11 juin, répondent, en fait, à l'interpellation de M. Schneider. Dans ce rapport, trois tableaux indiquent l'évolution de la teneur en dioxyde d'azote mesurée par les trois stations représentatives de l'espace urbain, à savoir : l'Ile, Sainte-Clotilde et Wilson, et confirment que la pollution a encore baissé ces dernières années.

Le premier, intitulé «Dioxyde d'azote : nombre de dépassements annuels de la valeur limite journalière», montre sans ambiguïté une diminution importante des dépassements lors des six dernières années.

Le second intitulé «Dioxyde d'azote : moyenne mensuelle», et le troisième, «Dioxyde d'azote : nombre de dépassements mensuels de la valeur limite journalière», se limitent à l'analyse de l'indicateur pendant les mois d'hiver, de décembre 1993 à mars 1996. Ces deux derniers tableaux indiquent que depuis ces trois dernières années nous enregistrons, pendant la période hivernale, une stabilisation de la moyenne mensuelle de la teneur en dioxyde d'azote, avec, cependant, une diminution du nombre d'événements pour lesquels la valeur limite est dépassée. Cette évolution notable de l'amélioration de la qualité de l'air devra être confirmée par l'étude des indicateurs pendant les prochaines années.

Voilà, Monsieur Schneider, ma réponse à votre première question. Je comprends bien que vous n'ayez pas encore eu le temps de lire le rapport mais vous avez tout de même pris le temps de lire la «Tribune de Genève». Elle est certes intéressante - elle peut l'être - mais, dans le cas particulier, c'est en lisant le rapport que vous auriez pu trouver les réponses à vos questions. Il m'est agréable de souligner que l'amélioration est encore plus importante que vous ne l'imaginiez !

Je réponds comme suit à votre deuxième question concernant le Nant-de-Châtillon. Dans le cadre de la restructuration des déchets à Genève, plusieurs commissions ont été mises en place, notamment la commission globale des déchets et sa sous-commission de valorisation des déchets organiques. Cette dernière est composée de représentants de communes et groupements qui ont des projets d'installation, de membres de l'administration cantonale et de la Ville de Genève, de la Chambre genevoise d'agriculture ainsi que d'un représentant des milieux de la protection de la nature. Le but est d'établir un concept global de gestion des déchets organiques du canton.

Cette commission doit rendre le concept précité pour le mois de juin de cette année. Pour ce faire, elle s'était assuré le concours d'un collaborateur externe, malheureusement appelé rapidement à une autre fonction importante. Il a donc dû cesser soudainement son activité, ce qui a entraîné un retard de quelques mois dans les travaux de la commission.

Un mandataire a repris le dossier au début juin; il fournit l'appui scientifique et logistique à la commission, qui entend publier son rapport pour fin octobre malgré les problèmes auxquels je viens de faire allusion. Nous répondrons donc aux motions 912-A et 1050 que vous avez déposées.

La technique de méthanisation est également examinée dans ce rapport. Pour ma part, j'ai reçu des entreprises privées qui ont présenté des projets de méthanisation, cela m'a conduit à annoncer un chiffre de référence de l'ordre de 10 à 12 millions pour l'installation que nous pourrions mettre en place au Nant-de-Châtillon.

Ainsi, vu les odeurs pestilentielles de l'installation du Nant-de-Châtillon, je proposerai, lors d'une prochaine séance du Conseil d'Etat, d'entreprendre des négociations avec des partenaires privés pour réaliser la méthanisation sur ce site. Si ces négociations n'aboutissaient pas, alors nous examinerons un projet de loi pour demander un crédit d'investissement. Mais, dans cette affaire, j'ai l'impression que nous pourrions nous diriger vers un partenariat entre l'Etat et des entreprises spécialisées dans ce domaine.

Voilà, Monsieur le député. Je crois que nous pouvons aller de l'avant dans le dossier du Nant-de-Châtillon sans même avoir tout réglé quant au concept global. Il y a une réserve énergétique qui n'est pas à sous-estimer. Mon collègue, M. Joye, vous a dit, en commentant le rapport qu'il vous a remis, à quel point il avait le souci d'utiliser toutes les sources d'énergie dont nous disposions. Cette réserve n'est peut-être pas spectaculaire, mais elle n'est pas négligeable : non seulement elle permet d'approvisionner et de fournir l'énergie nécessaire à l'installation en question, mais, en plus, il en reste. C'est une raison supplémentaire de nous intéresser à ce projet.

Cette interpellation urgente est close.

M 1134
5. Proposition de motion de Mmes et MM. Luc Barthassat, Claude Blanc, Jean-Luc Ducret, Henri Duvillard, Bénédict Fontanet, Jean-Claude Genecand, Nelly Guichard, Olivier Lorenzini, Pierre Marti, Jean Opériol, Martine Roset, Philippe Schaller, Pierre-François Unger et Jean-Claude Vaudroz concernant la Fondation de Genève pour le patrimoine. ( )M1134

EXPOSÉ DES MOTIFS

La patrimoine bâti est un élément essentiel de notre société, de notre mémoire, dont nous sommes tous dépositaires.

Les Journées du patrimoine organisées par l'Etat et la Ville de Genève démontrent, par leur succès, l'intérêt des Genevois pour leur passé et leurs bâtiments.

Aujourd'hui, dans le contexte de crise économique que nous vivons, les pouvoirs publics sont contraints de diminuer les crédits attribués à l'entretien des bâtiments. De nombreux immeubles publics ou privés mériteraient une rénovation ou restauration, non réalisée faute de ressources.

Il y a des bâtiments historiques, classés et protégés. Mais il y a aussi ce qu'on appelle «le patrimoine de proximité», c'est-à-dire celui que nous côtoyons tous et qui nous est cher: une vieille église, une ferme, un ancien bâtiment. Il s'agit d'édifices divers, non classés et qui se dégradent. Ni l'Etat, ni les communes, ni les propriétaires n'ont les moyens de les entretenir seuls. Que faire?

Une réponse pourrait consister en la création d'une Fondation pour le patrimoine, de droit public ou de droit privé, sur le modèle de celle mise en oeuvre pour les arts et la culture, mais donc dédiée aux bâtiments anciens.

Quelles seraient les ambitions de cette Fondation pour le patrimoine?

- d'abord que tout Genevois s'approprie son patrimoine. Il s'agit d'un héritage commun, porté d'ailleurs par les Journées du patrimoine;

- ensuite participer à la relance d'un secteur économique profondément touché par la crise et, par là, recréer des emplois dans le bâtiment;

- développer un savoir-faire, notamment par la mise en oeuvre de métiers qui tendent à la disparition (par exemple: ferronnerie, ébénisterie, tailleur de pierre, crépissage, etc.);

- associer les écoles de formation professionnelle avec toutes les facettes et tous les métiers que ces projets de rénovation permettront d'initier;

- intéresser les historiens de l'art, les photographes et autres métiers du graphisme, de l'édition.

Comment le système pourrait-il fonctionner?

En leur qualité de principaux propriétaires du patrimoine, l'Etat et les communes auraient la responsabilité de proposer des projets de rénovation ou restauration susceptibles de s'incrire dans une démarche globale d'animation.

Pour les propriétés privées (plafonnées par exemple à 40% des interventions de la fondation), les choix s'effectueraient au sein d'un comité qui travaillera en symbiose avec les collectivités publiques.

Les préavis pour les projets retenus tant publics que privés seront transmis au Conseil de la Fondation qui décidera.

La place des associations de défense et de mise en valeur du patrimoine devra être déterminée.

Quel intérêt les entreprises peuvent-elles trouver dans la réhabilitation du patrimoine «de proximité»?

Depuis longtemps, les sponsors aux Etats-Unis mettent à disposition des sommes pour la construction, la transformation ou la rénovation d'un monument, d'un musée, d'une façade de rue, qui profitent à tout le monde. En Grande-Bretagne, il existe la «National Trust britannique», institution nationale privée dont s'inspire ce projet, et qui a ouvert la porte à des dizaines de milliers d'adhérents. Elle existe depuis plus d'un siècle.

A Genève, des entreprises pourraient être intéressées à un partenariat, en faisant connaître ce parrainage associé à un mécénat populaire et social. Des exemples peuvent déjà être cités à Genève, telles la rénovation des façades d'Uni-Dufour, de la salle Arditi-Wilsdorf, ou encore la fondation créée à l'époque pour la rénovation de la barque «Neptune».

Quelles seraient les retombées économiques de cette initiative?

La fondation nouvellement créée permettrait l'ouverture de nouveaux chantiers de restauration dans le domaine du bâtiment, durement touché par la crise économique, et assurerait la création de nouveaux emplois. Toute initiative ayant ces objectifs devrait être étudiée et mise en oeuvre.

De plus, alors que nous sommes en perte de sens, le retour aux symboles forts que véhicule le patrimoine de proximité, avec ses traditions artisanales et culturelles, s'inscrit dans ce courant de pensée.

Afin de concrétiser ce projet, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de transmettre cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Débat

M. Bénédict Fontanet (PDC). A la demande de Daniel Ducommun qui m'a prié de lui expliquer lentement les choses, si tant est que son esprit de banquier averti puisse comprendre quoi que ce soit... Mais je comprends qu'après la pause de 20 h cet exercice soit un peu difficile pour lui ! (Rires et remarques.)

La présidente. Restez sérieux, Monsieur Ducommun !

M. Bénédict Fontanet. On ne se rend pas suffisamment compte des effets nuisibles de la salade lyonnaise du restaurateur d'à côté ! (Rires.)

Le patrimoine bâti - et ce n'est pas M. Lescaze qui me contredira - est un élément essentiel de notre mémoire et de notre vécu collectif...

Une voix. Absolument ! (Rires.)

La présidente. Les rires radicaux sont communicatifs !

M. Bénédict Fontanet. Madame la présidente, tant que je ne les fais pas pleurer et qu'ils rigolent, c'est bon signe ! (L'orateur est pris d'un fou rire. Rires de l'assemblée.)

La présidente. Monsieur Ducommun, retenez-vous !

M. Bénédict Fontanet. Personne, dans mon groupe, ne voulait présenter cet objet. Comme d'habitude, on m'a dit : «Toi qui causes facilement, vas-y !». Résultat des courses : tout le monde rigole ! (Rires.) Et personne ne semble en avoir «rien à battre» de cette motion importante pour l'avenir de la République et de la cité... (Les rires redoublent. Applaudissements.)

La présidente. Je vais donc la mettre au vote immédiatement !

M. Bénédict Fontanet. Madame la présidente, dans ces circonstances, puisque tout le monde rit, et partant du principe que chaque député connaît par coeur chacun des objets qui reviennent pour la douzième fois dans le cadre de notre ordre du jour tant nos débats avancent vite... (Rires.)

La présidente. Absolument !

M. Bénédict Fontanet. La République recule, mais nos débats avancent... (Rires.) Je vous suggère donc de soumettre cette motion au vote de ce Grand Conseil. Je remercie d'ores et déjà mes collègues, qui ont beaucoup de patience et les «zygomatiques» tendus, et dont je ne veux pas abuser davantage, de bien vouloir voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant la Fondation de Genève pour le patrimoine

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le patrimoine bâti comme un élément essentiel de notre société et de notre mémoire, il s'agit de nos racines, de notre cadre de vie, de notre milieu culturel, de notre héritage commun;

- l'intérêt que porte de plus en plus la population genevoise au patrimoine, preuve à l'appui le succès des Journées du patrimoine organisées par l'Etat et la Ville de Genève;

- les moyens financiers insuffisants pour l'entretien, la restauration et la rénovation de certains bâtiments anciens;

- la crise frappant durement le secteur du bâtiment et la nécessité de créer de nouveaux emplois;

- la volonté de sauvegarder certains anciens métiers du bâtiment,

invite le Conseil d'Etat

à étudier et à proposer la création d'une Fondation de Genève pour le patrimoine, de droit public ou de droit privé, en tenant compte des propositions suvantes:

1. Les ressources de cette fondation devraient être constituées par:

- des contributions volontaires ou extraordinaires des collectivités publiques ou d'autres organismes;

- des sponsors, personnes morales ou physiques, qui pourraient voir leur nom inscrit;

- de dons, de legs et autres cessions;

- d'adhérents individuels.

2. Ces ressources seraient affectées à la réalisation de projets d'entretien, de renouvellement, de restauration de bâtiments anciens.

3. Cette fondation devrait être administrée par un conseil. Sa mission serait d'assurer la bonne gestion de la fondation et des fonds qui lui seraient confiés.

4. Un comité de choix de projets, composé de représentants des milieux professionnels du bâtiment (patronaux et syndicaux) et des collectivités publiques, donnerait des préavis sur les projets à réaliser.

5. Des propositions de projets à soutenir pourraient être formulées par toute personne physique ou morale, ou par un groupement. Sur la base d'un dossier élaboré, le comité de choix de projets déposera sa proposition avec son préavis au Conseil de fondation qui décidera. Grâce aux ressources réunies, la fondation financera le ou les projets retenus. Elle rendra compte publiquement des réalisations, en associant les contributeurs, le public, les milieux professionnels concernés et les autorités.

M 1031-A
6. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et M. Sylvia Leuenberger, Fabienne Bugnon et Chaïm Nissim sur les tarifs des SIG. ( -) M1031
Mémorial 1995 : Développée, 6590. Renvoi en commission, 6592.
Rapport de majorité de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission de l'énergie et des Services industriels
Rapport de minorité de M. Chaïm Nissim (Ve), commission de l'énergie et des Services industriels

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ce n'est pas moins de 4 semaines qui ont été consacrées à l'examen de la motion 1031 sur les tarifs SIG (20 septembre, 27 septembre, 4 octobre, 1er novembre).

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, M. Genoud, directeur de l'OCEN, M. Beck, adjoint au directeur de l'OCEN, et Mme Boissier, collaboratrice à l'OCEN, ont assisté le travail des commissaires placés sous les présidences de MM. Chaïm Nissim et Roger Beer.

Les commissaires ont reçu une abondante documentation très complète.

Rappel

La motion invite le Conseil d'Etat à étudier les tarifs de vente de gaz en gros aux autoproducteurs et l'achat de l'électricité produite dans le but de coordonner ces différents tarifs, le but étant de favoriser l'essor des autoproducteurs.

Déroulement des travaux

L'enjeu de la motion a d'emblée recueilli l'intérêt de l'ensemble. Les autoproducteurs sont aujourd'hui placés sous les feux de l'actualité. Certains n'hésitent pas à y voir une production d'électricité qui constitue une alternative à la production d'électricité d'origine nucléaire.

Audition de M. Challandes

Afin de se rendre compte concrètement des expériences du couplage chaleur-force, la commission a auditionné M. Challandes, ingénieur-conseil, et des représentants du bureau Riedweg et Gendre.

Comme le coût de l'investissement pour un couplage chaleur-force est cher, il ressort d'emblée que les tarifs du gaz sont meilleur marché et le prix de rachat de l'électricité produite plus élevé.

Beaucoup de projets sont étudiés en Suisse, mais peu sont réalisés. Une solution est d'étendre cette technique à tout un quartier.

Pour répondre concrètement à la première invite, on devrait pouvoir payer à Genève 20% plus cher l'électricité produite par un autoproducteur, par rapport au prix de vente de l'énergie.

Un argument de la solution chaleur-force pour Genève est de garantir à notre canton une plus grande autonomie d'approvisionnement électrique, ce d'autant plus que plusieurs chaudières de quartier sont à changer aujourd'hui (Onex, Meyrin, La Praille).

Les représentants du bureau Riedweg et Gendre présentent l'installation chaleur-force Vidollet-Genêts, qui ne s'avère pas intéressante pour des raisons de tarifications et de quantités d'énergie utilisées dans ce lieu. Il n'y a pas de possibilité d'autoconsommer l'électricité, il faut la revendre intégralement aux SIG. Avec les prix d'énergie actuels, l'installation est déficitaire.

Depuis 1991, le prix de vente de l'électricité a augmenté et le prix de rachat a stagné. L'autonomie d'une installation serait atteinte avec des turbines électriques de 50 MW.

Les commissaires se sont rendu compte des difficultés d'installer des autoproducteurs à Genève, pour des questions d'amortissements et de tarification.

La question du rejet du CO2 a été abordée. En effet, ces autoproducteurs brûlent du gaz et, par conséquent, augmentent les rejets de CO2 globaux et contribuent donc à renforcer l'effet de serre.

Audition de M. Urs Naef, de l'office fédéral de l'énergie

M. Naef était secrétaire de la commission qui a traité les questions des conditions de raccordement des autoproducteurs. Les bases légales sont expliquées aux commissaires. Les principes pour les conditions de raccordement sont les suivantes:

a) obligation d'acheter cette énergie dans le réseau;

b) payer un prix pour cette énergie;

c) le droit transitoire pour la mise en vigueur de ces principes est de 3 ans.

La mise en vigueur se fait au moyen de contrats privés. M. Naef dit que la législation cantonale pourrait être plus généreuse. La politique énergétique suisse soutient la chaleur-force couplée. Enfin, les installations chaleur-force de secours sont exclues.

Audition de M. Genoud et de M. Beck, de l'OCEN

Ils rappellent les textes en vigueur. Ils attirent l'attention des commissaires sur le rôle des SIG, qui doivent assurer la puissance manquante.

M. Genoud présente ce qui se passe dans la réalité. Les constructeurs vont faire de l'énergie, qu'ils ne pourront pas vendre et, en plus, on leur demande de racheter de l'énergie ! Les SIG n'ont pas à subventionner les installations chaleur-force.

Il faut nuancer entre petites et grandes installations. La réflexion devrait aller plus loin qu'une solution de type tarifaire. De plus, la gestion de l'autoproduction devrait être prise en compte par le distributeur.

De la discussion, ressort que ce sont des solutions techniques qu'il faudrait trouver, avant d'envisager des solutions financières.

Audition des SIG

M. Fatio, directeur des SIG, M. Florio, secrétaire général, et M. Juillerat

Tout en soulignant l'intérêt de cette motion, ils relèvent le besoin d'être cohérent par rapport aux différents projets, en fonction de contraintes et de vision que l'on a. A ce stade de la présentation, ils rappellent qu'une position sur les autoproducteurs avait été prise et décrite dans le cadre du rapport Logilab.

Cette motion semble être même redondante par rapport à ce que les SIG se sont fixé comme politique. M. Fatio déclare qu'actuellement il n'y a pas besoin de prendre des mesures supplémentaires par rapport à ce qui existe pour promouvoir des projets dans l'autoproduction. Il rappelle que, lorsque le besoin de chaleur n'est pas suffisant par rapport à la production d'électricité, ces réalisations ne sont pas favorables, un élément qui n'est pas acceptable dans la tarification actuellement, pour les entreprises qui envisagent du chaleur-force, car elles veulent garder la connexion avec le réseau comme groupe de secours. Actuellement, les SIG ne peuvent rien facturer à quelqu'un qui ne consomme rien, alors qu'ils représentent une prestation de secours. Le risque est de voir cette charge répartie sur les autres clients.

M. Florio précise que le calcul économique est différent pour un autoproducteur qui produit prioritairement pour ses propres besoins, par rapport à celui qui produit essentiellement pour refouler sur le réseau: l'élément de référence est le prix de rachat des SIG.

Il manque dans cette motion la préoccupation du fait que les autoproducteurs devraient aussi contribuer au maintien de l'infrastructure globale de l'alimentation électrique. Les SIG, même s'ils ne vendent pas d'électricité, doivent facturer 250 millions de francs, car ils offrent une valeur ajoutée en terme de service.

Conclusion

Sur la base de ces diverses auditions et la visite, une discussion approfondie s'en est suivie.

La majorité des commissaires reconnaissent l'intérêt du couplage chaleur-force, mais pas au travers de cette motion incomplète et redondante avec ce qu'offrent les services des SIG.

Plusieurs points d'importance, comme celui du rôle des SIG, ou du prix de vente, ne sont pas traités dans cette motion.

Enfin, la promotion hors de tout cadre de la cogénération entraîne des charges supplémentaires de CO2 renforçant l'effet de serre. Une centrale de 50 MW, représente 240 000 t de CO2 de charges supplémentaires pour notre région. Aucune réponse à cette préoccupation n'a été donnée.

C'est par 7 voix (L, R, PDC) contre 6 (AdG, S, Ve) que cette motion est refusée.

(M 1031)

proposition de motion

sur les tarifs des SIG

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que pour se désengager du nucléaire, l'une des voies les plus rapides à explorer est l'autoproduction locale décentralisée;

 l'article 21A de la loi sur l'énergie L 2 30, qui fixe les conditions de rachat du courant des autoproducteurs;

 le fait que plusieurs autoproducteurs pourraient acheter du gaz aux SIG pour leur revendre ensuite de l'électricité produite au moyen de ce gaz,

invite le Conseil d'Etat

 à étudier, en concertation avec les SIG, les tarifs de vente de gaz en gros aux autoproducteurs, ainsi que les tarifs d'achat de l'électricité produite, de manière à mieux coordonner ces différents tarifs, et à favoriser ainsi l'essor des autoproducteurs;

 à faire rapport au Grand Conseil sur les résultats de cette étude.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

1. Introduction

Le premier considérant le montre bien, cette motion s'inscrit clairement dans le cadre général du programme écologiste qui vise à sortir du nucléaire. C'est là précisément ce que nous demande, est-il besoin de le préciser, une majorité de la population de ce canton, comme 4 consultations populaires l'ont déjà montré.

Lorsqu'on réfléchit de manière concrète aux manières d'assurer concrètement notre approvisionnement en électricité, en se passant des 35-40% qu'assure aujourd'hui le nucléaire, 3 grandes catégories de mesures qui ont des potentiels et des coûts à peu près égaux viennent à l'esprit. Les 3 sont reprises d'ailleurs, en bonne logique, par la CCE 96 (conception cantonale de l'énergie, encore en consultation). Chacune de ces 3 mesures séparément peut assurer environ 10-15% de notre approvisionnement, toutes ensemble peuvent donc réduire notre dépendance de 35-40%, la part du nucléaire.

Dans cette introduction, je veux vous résumer brièvement les 3 sortes de mesures, les lecteurs intéressés se reporteront au glossaire en fin de rapport pour mieux comprendre les abréviations et avoir une idée plus précise des modifications tarifaires et politiques qui seront nécessaires pour encourager ces mesures.

1.1. Les mesures de DSM, ou économies d'énergie chez le client

Le DSM a l'avantage de ne pas polluer du tout. Avec les mesures de DSM de premier niveau, les moins chères, on peut économiser 5% environ de notre consommation. Ces mesures ont un coût qui est voisin de celui du nucléaire français, soit de 5-10 c/kWh économisés, contre 7 c pour les kWh importés de France. Les mesures de DSM de 2e niveau sont plus chères, comme le montre bien la CCE 96. On peut évaluer leur coût à 20 c/kWh économisés, et leur potentiel à 10% environ de notre consommation actuelle. La CCE 96 rejoint assez bien les propositions des écologistes quant au coût et au potentiel des mesures de DSM. Le seul problème c'est qu'elle se refuse à envisager un financement, parce qu'entre le développement durable qui postule une augmentation des tarifs et le néolibéralisme qui postule juste le contraire, la CCE 96 ne parvient pas à faire son choix (voir développements ci-dessous).

1.2. Les nouveaux barrages et l'amélioration des barrages existants

De nombreuses mesures sont actuellement à l'étude, à Verbois, à Chancy-Pougny et à Conflans. Ces mesures produisent des kWh propres, qui coûtent un peu plus cher que les kWh nucléaires français (12 c par exemple pour Conflans au lieu de 7 pour les kWh nucléaires), mais les SIG seraient prêts à financer ces mesures sur leur budget, dans la mesure où les tarifs peuvent suivre. Le potentiel est important, 10% à 15% de notre consommation actuelle. Malheureusement, le temps de construction est très long, il faut 15 ans pour construire un nouveau barrage. Et un barrage n'est pas totalement sans problèmes pour l'environnement, c'est la raison pour laquelle les barrages ne viennent qu'en 2e position dans notre liste.

1.3. Les CCF (couplages chaleur-force) et les centrales à gaz

C'est l'objet de notre motion. Les CCF sont de gros moteurs diesel, installés dans une cave, à côté de la chaufferie traditionnelle, qui fonctionnent au gaz ou au mazout. Le moteur entraîne une génératrice, qui produit du courant. De plus, la chaleur produite chauffe de l'eau, qui sert à chauffer l'immeuble ou l'usine par l'intermédiaire de radiateurs classiques. L'avantage par rapport aux centrales thermiques conventionnelles, c'est qu'ici vous utilisez tout, l'électricité (1/3 de l'énergie primaire est transformé en courant) et la chaleur (les 2 autres tiers), ce qui vous donne un rendement exergétique bien meilleur qu'une chaufferie ou qu'une centrale thermique conventionnelles. La CCE 96 prévoit, là aussi, un potentiel pour les CCF, analogue à celui prévu par les écologistes dans leur plan d'il y a 3 ans pour sortir du nucléaire. Le problème là aussi, comme dans le cas du DSM ci-dessus, c'est qu'elle ne prévoit aucun financement. La loi L 2 30 en effet, à son article 21 A, alinéa 3b, dispose:

lorsqu'il s'agit d'électricité issue de sources d'énergie non renouvelables, le tarif de rachat minimal est fondé sur les prix moyens de production de l'électricité équivalente, en tenant compte de la puissance, de la période de livraison et de l'impact des émissions de l'installation sur l'environnement.

Ce qui signifie, pour Genève, un tarif de rachat du courant entre 3 et 11 c, le même que celui de nos achats à EOS. Or, certains CCF, ceux qui ne disposent pas déjà d'un réseau de chauffage à distance, ou ceux de petite taille, produisent un courant qui revient à 10 c environ, ils ne sont donc pas rentables à Genève. A Bâle, par contre, un canton véritablement anti-nucléaire, le tarif de rachat du courant aux CCF a été fixé entre 7 et 25 c, selon l'heure et la saison, ce qui fait qu'à Bâle de nombreux couplages chaleur-force se sont construits depuis 10 ans.

2. Nos travaux en commission

La commission de l'énergie a commencé ses travaux en allant visiter une installation de couplage chaleur-force, au Vidollet. Nous avons pu constater que cette installation est relativement peu bruyante, très bien insonorisée, on peut discuter dans la salle où se trouve le moteur, à condition de laisser les portes de l'insonorisation fermées. Nous avons pu constater aussi, en posant des questions, que la meilleure rentabilité financière pour un CCF est obtenue au-delà de 4000 heures de fonctionnement par an. Pour cela, il faut veiller à dimensionner celui-ci pour qu'il donne 1/3 environ de la puissance maximale nécessaire au chauffage de l'immeuble, les 2 autres tiers devant être fournis par la chaufferie traditionnelle, les jours les plus froids de l'année. Et même comme cela, nous avons vu ci-dessus qu'avec les tarifs actuels le surcoût d'une telle installation est très difficile à amortir. (Ce problème de dimensionnement s'est posé à l'hôtel de police, où le CCF, surdimensionné, perd de l'argent chaque année.)

Lors de notre 2e séance, nous avons entendu 3 ingénieurs, sur cette question des tarifs. Le premier, M. Challandes, nous a dit qu'à son avis si on augmentait les tarifs de rachat du courant de 20%, et que simultanément on diminuait les tarifs de vente du gaz de 20% aussi, les CCF deviendraient rentables à Genève. Le 2e, M. Riedweg, nous a dit qu'il faudrait augmenter les tarifs de rachat de 50%. Le 3e, M. Genoud, de l'OCEN, a eu une suggestion intéressante: il voulait que nous renvoyions cette motion au Conseil d'Etat, ce qui lui permettrait d'étudier une de ses idées. A son avis, on n'aurait pas besoin de toucher aux tarifs, on pourrait étudier une solution plus participative, dans laquelle le CCF installé à la cave pourrait vendre son courant aux locataires qui habitent l'immeuble, non pas au tarif EOS mais directement au tarif de vente, soit entre 11 et 25 c/kWh. Cela serait un partenariat avec les SIG, et le CCF à ce tarif-là deviendrait rentable, cela va de soi. Mme Barberat était intéressée par cette solution, pour encourager une étude dans ce sens il aurait fallu amender un peu la motion, qui ne prévoyait pas d'autre alternative que des tarifs adaptés. Nous aurions pu l'amender comme suit:

 A étudier, en collaboration avec les SIG, une adaptation des tarifs ou toute autre méthode participative, qui soit de nature à encourager les autoproducteurs...

Cet amendement n'aurait posé de problème à personne, et il aurait été le bienvenu, d'autant plus que la notion d'autoproducteur n'est pas claire dans la loi actuelle, le rapport du Conseil d'Etat aurait pu la clarifier un peu. En effet, personne ne sait très bien si «autoproducteur» veut dire qu'il peut vendre tout son courant, ou seulement les excédents, au tarif recommandé par la loi, et cette différence est d'importance, toute la question de la rentabilité se cache là derrière... Selon la tournure des débats au Grand Conseil, la minorité se réserve la possibilité de revenir avec cet amendement.

Notre commission a interviewé ensuite M. Fatio, qui nous a dit les choses suivantes: d'une part, les SIG ne sont pas emballés à l'idée de voir baisser encore leurs ventes, du fait de cette concurrence des autoproducteurs. Mais ils pourraient s'y résoudre si ces autoproducteurs consomment au moins du gaz. (Ou si on les autorisait à augmenter leurs tarifs pour compenser la perte due à la mévente, ce qui est parfaitement possible, note de la claviste !)

Jusqu'ici les choses allaient assez bien, c'est ensuite qu'elles se sont gâtées, à cause du fait que nous sommes pris dans une gangue politicienne qui nous empêche de réfléchir. Qu'on en juge:

3. Le problème de la pollution supplémentaire des CCF

Tous les intervenants que nous avons vus convergeaient sur un point: les CCF polluent plus en termes de CO2 émis que les chaufferies traditionnelles de même puissance. Les experts interviewés nous ont dit que cette pollution supplémentaire pouvait atteindre 33%, selon les principes de la thermodynamique. En effet, une chaufferie traditionnelle chauffe de l'eau avec un rendement de 95% environ, alors qu'un moteur de camion, par le fait qu'il transforme 1/3 de son énergie en électricité, il ne reste que 66% pour la chaleur, soit 1/3 de moins qu'une chaufferie traditionnelle. M. Krebs, l'ancien chef du service de l'énergie de la Ville, a refait un calcul différent, qui tient compte des pertes, et arrive ainsi à un supplément de pollution de 60%, pour les CCF intégrées à un réseau de chauffage à distance. Certains experts du programme RAVEL, qui sont, eux, plus favorables aux CCF, pensent que ce supplément peut être, dans certains cas, bien réduit (voir graphique page 14), lorsque des circonstances favorables se présentent. Mais il n'en reste pas moins que, quelles que soient les sources, la chose est indéniable: les CCF polluent plus que les chaufferies traditionnelles.

(N. B.: Dans la plupart des pays, comme par exemple en Allemagne ou en France, une grande partie du courant est d'origine fossile, surtout vers midi en hiver. Dans ces pays-là, les CCF amènent une réduction globale des émissions, comme on peut le lire dans le dernier numéro de la «Revue polytechnique». Mais en Suisse cela n'est pas vrai, parce que notre production fossile est minime.)

Certes, le rendement exergétique global est bien supérieur, mais sur place, à Genève, la pollution augmente. Au bout de quelques séances, M. Burdet, énervé, a pris appui sur cette réalité pour «shooter» notre motion. Peu lui importait à ce moment-là que la CCE 96, proposée par son Conseil d'Etat monolibéral, propose de construire de nombreux CCF pour 30 à 60 MW électriques. Tout à coup cette pollution supplémentaire lui semblait très dangereuse: «L'effet de serre menace l'humanité, et vous les écolos vous voudriez l'augmenter encore? Votre peur névrotique du nucléaire vous entraîne par superstition stupide dans des catastrophes plus graves encore !»

Il convient d'étudier avec sérieux ce handicap des CCF. Il convient d'apprécier les pour et les contre, dans le respect du principe de proportionnalité. De toute évidence, si les CCF polluent plus, c'est parce qu'en plus ils produisent un produit plus noble: de l'électricité. Ce produit est intéressant à double titre:

- Tout d'abord, il permet, si le CCF est bien dimensionné, de produire du courant moins cher que celui que pourraient vendre les SIG: c'est la raison pour laquelle plusieurs gros consommateurs étudient présentement cette possibilité qui, si elle s'avère économiquement intéressante, leur permettra de s'affranchir des SIG et de faire des économies. Les TPG, par exemple, envisagent un projet au Bachet, Glaxo a déjà sauté le pas, d'autres hésitent encore. Cet intérêt strictement économique que certains portent aux CCF pourrait rejoindre l'intérêt des écologistes qui, eux, veulent réduire notre dépendance du nucléaire. De plus, la libéralisation des marchés va, elle aussi, dans ce sens.

- Ensuite, il y a l'intérêt écologique. Certes, les CCF polluent plus en CO2, mais, d'un autre côté, ils nous permettent de nous affranchir d'une partie de notre dépendance du nucléaire - suisse ou importé, cette dernière source étant elle aussi problématique au point de vue de l'environnement, comme le montrent plusieurs indices sérieux: le refus des assurances de couvrir le risque d'un accident toujours possible, l'impossibilité de trouver une solution au problème des déchets, le problème du coût du démantèlement des centrales, etc. Tous ces facteurs doivent, eux aussi, être appréciés pour dessiner les contours d'une bonne politique. On ne peut, en effet, accepter les propositions de la CCE 96, concernant de très nombreux CCF à Genève, lorsqu'elles viennent du Conseil d'Etat, et refuser d'étudier des modifications tarifaires qui rendraient ces développements possibles, lorsqu'elles viennent des partis de l'alternative !

- Il convient enfin de relativiser cette pollution supplémentaire en CO2, tous les combustibles polluent, mais tous n'ont pas la même utilité. Lorsqu'on sait, par exemple, qu'un bus pollue quatre fois moins que des voitures par km/passager, on se dit qu'il reste de la place pour diverses économies dans ce domaine, et que toutes les pistes doivent être explorées.

Conclusion: Si les Bâlois ont décidé de racheter le courant provenant des CCF à un prix aussi avantageux, c'est sans doute qu'ils avaient des raisons. Kaiseraugst en est une. L'économie une autre. Si cette motion pouvait trouver un moyen d'encourager ces derniers sans aggraver la santé financière des SIG, des formules participatives de financement, comme le proposait M. Genoud, son but serait atteint. C'est, du reste, ce qui est proposé dans la CCE 96, dans la fiche technique 1.3, au chapitre environnement:

«Substituer une part de l'électricité importée par de l'électricité produite localement au moyen de centrales chaleur-force.»

La minorité vous encourage donc à accepter la présente motion, au besoin avec l'amendement évoqué ci-dessus, et à la renvoyer au Conseil d'Etat.

Développements et définitions

DSM: Demand Side Management, ou économies d'énergie financées par la compagnie d'électricité, chez le consommateur, c'est-à-dire du côté de la demande.

Dans les pays où ces mesures sont appliquées (USA compagnies privées, SI de Lausanne et Zurich), la compagnie vendeuse commence par obtenir l'autorisation de l'autorité de surveillance de hausser légèrement les tarifs. L'argent ainsi gagné permet des investissements dans des mesures d'économie d'énergie. Le client de la compagnie vendeuse consomme quelques pour-cent de kWh en moins, mais il les a payés quelques pour-cent plus cher: sa facture reste inchangée. La compagnie d'électricité y gagne, elle peut repousser certains investissements coûteux: elle se transforme ainsi en prestataire de services. Elle n'a plus comme but unique de fournir toujours plus de courant, mais tente d'en faire économiser.

Il va de soi, pour les députés qui auront suivi cette explication, que ces mesures de DSM ne peuvent être intéressantes pour les compagnies d'électricité que dans la mesure où l'autorité de surveillance leur permet de hausser leurs tarifs pour les financer. Autrement, elles perdent de l'argent deux fois, une fois à cause du manque à gagner, une deuxième fois en devant financer des mesures qui leur font perdre de l'argent ! Or le Conseil d'Etat, jusqu'ici, refusait toute hausse, ce qui, par là même, condamne ces mesures irrévocablement.

Exergie, rendement exergétique

C'est une mesure de la qualité de l'énergie. L'électricité, énergie noble, peut être transformée en énergie mécanique avec un rendement de presque 100%. Les énergies utilisées à température plus basse, comme le gaz ou le mazout, ne peuvent, elles, être transformées en courant ou en travail mécanique qu'avec un rendement de 50% environ. On dit donc que l'électricité est deux fois plus noble que le gaz, et la vérité des coûts reflète ce rapport. Le rendement exergétique des CCF est particulièrement intéressant, c'est la raison pour laquelle la Confédération les encourage, s'ils sont couplés avec des pompes à chaleur, selon le schéma ci-dessous, qui montre qu'ainsi on peut réduire la pollution et produire du courant en plus:

(Le schéma ci-dessous est tiré du manuel RAVEL, édité par la Confédération. Il explique bien pourquoi la Confédération encourage ces installations. M. Naef, de l'OFEN, nous l'a aussi répété. Malheureusement, en pratique, ce schéma souffre de plusieurs problèmes, il manque l'énergie grise, la chaufferie complémentaire et le stockage, il faut le considérer plus comme un schéma de principe que comme un schéma à réaliser concrètement.)

Encore des calculs...

En fin de séance et dans une ambiance de confusion, M. Genoud nous a pondu un calcul, à ma demande, qui s'est avéré, hélas, faux. Ma question était: «Dans un immeuble d'une vingtaine d'appartements, comme celui du Vidollet, avec une trentaine de locataires et une chaufferie traditionnelle de 200 kW environ, comment pourrait-on évaluer la pollution supplémentaire due à un éventuel CCF, en termes de voitures? En d'autre termes, combien de locataires devraient se passer de voiture s'ils voulaient compenser le fait qu'ils ont un CCF dans leur cave ?» M. Genoud nous a fait un calcul sur un coin de table, à l'issue duquel il nous a annoncé qu'une chaufferie traditionnelle polluait autant que 160 voitures, et que, donc, un tiers en plus ça faisait autant que 53 voitures, ce qui est énorme pour un immeuble de 30 personnes ! Ce calcul était faux pour 2 raisons: d'abord, une chaufferie traditionnelle de 200 kW pollue autant que 33 voitures et non 160 (à 15 000 km/an et 8 l/cent). Ensuite, il faut prendre la moitié de ces 33 voitures pour la partie CCF du système de chauffage, soit 17 voitures, ensuite, sur ces 17 voitures, il faut prendre un tiers en plus, soit 6 voitures supplémentaires, ce qui semble tout à coup plus raisonnable que les 53 voitures ci-dessus !

Débat

La présidente. Reprenez vos marques, Mesdames et Messieurs les députés ! Ne dépensez pas inutilement votre énergie !

M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de majorité. Le débat ne porte pas sur la nécessité du couplage chaleur/force. En refusant la motion, il s'agit en fait de ne pas être contre les installations chaleur/force, mais d'intervenir dans la loi cantonale par rapport aux tarifs. (La présidente agite la cloche.)

Vous savez qu'un arrêté fédéral d'«Energie 2000» encourage justement l'utilisation de ces couplages auxquels nous sommes tout à fait favorables. Par contre, la motion ne fait qu'entrevoir la possibilité d'encourager ces couplages par rapport aux tarifs. La loi cantonale actuelle - on l'a constaté dans le cadre des débats - étant floue, cette motion n'apporte absolument rien si ce n'est qu'elle est redondante par rapport à ce qui existe déjà. Les Services industriels sont actifs au sujet des tarifs.

Dans le cadre de cette étude, nous avons également remarqué que la motion n'apportait rien aux réflexions de fond, à savoir : le rôle des Services industriels par rapport à la politique tarifaire et ce qui va se passer avec l'ouverture des marchés. Il y a aussi les questions que l'on s'est posées sur le CO2, je veux parler de l'effet de serre - vous savez que tout le monde s'active à dénoncer cet effet de serre. Mais si l'on brûle du gaz, on augmente les rejets de CO2 dans l'atmosphère. Nous devons également faire attention à cela.

Suite à ces nombreuses questions restées sans réponse et étant donné que cette motion est redondante, la commission a décidé de la refuser.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le rapporteur de majorité. (Rires et remarques.)

La présidente. Vous pourriez peut-être expliquer les calculs de voitures en page 15 !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Non, je ne vais pas vous infliger les calculs de voitures : c'est un détail, Madame la présidente !

Le programme écologiste pour sortir du nucléaire comprenait trois volets. Le DSM, qu'on peut appeler en français «les économies d'énergie»; les nouveaux barrages - et la rénovation des barrages existants - et les couplages chaleur/force. A eux trois, ces volets devaient nous sortir du nucléaire dans dix à quinze ans, chacun à raison d'un tiers.

La conception cantonale de l'énergie reprend ces mêmes trois volets avec les mêmes proportions. Elle met simplement davantage l'accent que le programme écologiste sur les couplages chaleur/force, parce qu'il s'avère que ce troisième volet est le moins cher. La conception cantonale de l'énergie se penche davantage sur les économies que sur l'écologie, ce qui est tout à fait normal. N'empêche qu'une bonne convergence existe entre le texte de la conception cantonale et le programme écologiste, et il est donc possible de discuter, car nous cherchons tous à concilier économies et écologie, ou, comme le dit M. Joye dans la conception : «...à concilier les impératifs de la libéralisation de marché avec ceux du développement durable.»

M. Pierre Vanek. Sauf moi !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Exact, sauf Vanek ! Vous n'êtes pas d'accord, mais à part vous il y a une bonne convergence entre les autres forces politiques de ce Grand Conseil à ce sujet.

Nous pensions encourager les couplages chaleur/force par une politique tarifaire en copiant - en beaucoup moins poussé - ce qui se fait à Bâle-Ville. Comme vous le savez on y rachète le courant des couplages chaleur/force - cela dépend des heures et des saisons - à 25 centimes pour le meilleur tarif, alors qu'à Genève il est à 11 centimes.

M. Genoud, chef de l'OCEN, avait des idées un peu différentes : il voulait proposer un partenariat entre les SIG et les autoproducteurs et redéfinir - cela a été dit tout à l'heure par le rapporteur de majorité - la définition même de l'autoproducteur. Nous n'avons jamais très clairement su, dans la loi actuelle, ce qu'était un autoproducteur et où était la frontière entre un autoproducteur et l'extérieur... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Dupraz, si quelqu'un possède un couplage chaleur/force dans sa cave, va-t-il vendre uniquement le surplus ou le tout ? A quel tarif et à qui ? Ce sont ces critères qui définissent un autoproducteur !

Pour aller dans le sens de M. Genoud qui voulait un partenariat, nous avons proposé un amendement tout à fait justifié, figurant en page 10 de mon rapport. Il remplacerait l'invite existante, sa teneur est la suivante :

« - à étudier, en collaboration avec les SIG, une adaptation des tarifs ou toute autre méthode participative, qui soit de nature à encourager les autoproducteurs;»

Cela sous-entendrait que l'idée de M. Genoud pourrait être incluse dans notre motion. Un relatif consensus s'est fait jour en commission, jusqu'à ce que M. Burdet stoppe les débats et décide qu'en raison du surcroît de CO2 produit par les couplages chaleur/force par rapport aux chaufferies traditionnelles il fallait bloquer cette motion et la «shooter».

Ce faisant il a oublié deux choses.

Premièrement, s'il est vrai que les couplages chaleur/force mal dimensionnés - comme celui de l'hôtel de police fortement surdimensionné - polluent plus qu'une chaufferie traditionnelle, ce n'est pas vrai dans tous les cas. En effet, nous avons visité - les membres de la commission des travaux - une installation couplage chaleur/force à la rue du Stand qui va chauffer l'hôtel des finances. Etant bien dimensionnée et intelligemment construite, elle offre tous les avantages possibles sur le plan écologique, sur le plan énergétique et sur le plan économique.

M. Burdet a également oublié que si un couplage chaleur/force pollue davantage en CO2 il produit tout de même du courant électrique, ce qui n'est pas négligeable. En outre, la conception cantonale de l'énergie va encore plus loin que nous dans le domaine du couplage chaleur/force. M. Burdet a oublié que c'est tout de même M. Joye, conseiller d'Etat de l'Entente, qui l'a proposé.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose d'accepter cette motion, au besoin en l'amendant. Vous n'êtes d'ailleurs pas obligés de vous en tenir à l'amendement qui figure en page 10; vous pouvez le modifier. Mais il serait un peu bête de «shooter» cette motion aujourd'hui, alors que la conception cantonale de l'énergie va dans le même sens.

Toujours est-il que même si vous deviez la «shooter», ce ne serait pas très grave puisque, de toute façon, la politique cantonale va dans le même sens. M. le rapporteur de majorité n'a donc pas tout à fait tort de dire qu'elle est en grande partie redondante.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement de M. Nissim, en remplacement de l'invite N° 1, dont le texte est le suivant :

« - à étudier, en collaboration avec les SIG, une adaptation des tarifs ou toute autre méthode participative, qui soit de nature à encourager les autoproducteurs;»

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cet amendement est rejeté par 33 non contre 20 oui.

M. Max Schneider (Ve). Même si cette motion n'est pas formulée dans les termes adéquats - comme l'a dit mon collègue Chaïm - même si certaines invites devraient être modifiées, il me semble que ce serait une grave - très grave - erreur d'écouter les pronucléaires de la commission de l'énergie...

La présidente. Nous en sommes au vote ! Présentez-vous un amendement ?

M. Max Schneider. Oui, Madame ! Mais j'aimerais bien pouvoir m'expliquer auparavant !

La présidente. Oui, mais c'est une motion, et il n'y a pas plusieurs débats !

M. Max Schneider. Oui, mais nous en sommes au vote, et je peux encore m'exprimer sur le vote qui va avoir lieu ! (Commentaires.)

Madame la présidente, je vous propose de renvoyer cette motion en commission, et je voudrais en expliquer la raison.

M. John Dupraz. C'est de la triche !

La présidente. C'est de la triche, dit M. Dupraz, mais je vous laisse tout de même vous exprimer sur le renvoi en commission !

M. Max Schneider. Merci, Madame la présidente !

Je pense que refuser cette motion c'est tout simplement faire le jeu des pronucléaires de ce parlement. D'ailleurs, la commission de l'énergie est dirigée par une femme pronucléaire. Ceux qui ont «shooté» cette motion, notamment M. Burdet, sont des pronucléaires convaincus, et si on continue dans cette voie... (Manifestation. La présidente agite la cloche.) ...en balayant toutes les propositions intelligentes... (Rires.) ...faites par la commission de l'énergie, nous n'irons pas loin. Nous sommes en outre prêts à trouver un consensus en modifiant les invites selon les voeux des uns et des autres pour maintenir le dialogue entre les Services industriels, les régisseurs, les associations de locataires. Cela, dans le but de répondre aux souhaits de la majorité de la population : sortir de notre dépendance nucléaire.

Les trois priorités fixées par M. Chaïm Nissim ce soir : les économies d'énergie, les énergies renouvelables et les couplages chaleur/force relèvent d'une logique imparable. Nous devrons bien nous y conformer, que cela nous plaise ou non ! Voilà pourquoi, si l'amendement de mon collègue ne vous satisfait pas, je vous propose quand même, au nom d'une certaine...

Une voix. Raison !

M. Max Schneider. ...raison, et pour être cohérents avec notre article constitutionnel, de ne pas suivre les pronucléaires de cette commission et d'accepter le renvoi de cette motion en commission.

Mme Janine Berberat (L). Tout d'abord, je vous rappelle, Monsieur Schneider, que ce n'est pas moi qui présidais, lorsque nous avons travaillé sur cette motion. Vous n'avez donc pas pu subir mon influence !

Une voix. On s'en fout !

Mme Janine Berberat. Ensuite, je vous précise que tous les gens qui ne sont pas pour Contratom ne sont pas forcément des pronucléaires à 100%. Il y a une marge entre les deux : on peut être pour le nucléaire avec modération.

Enfin, je vous rappelle - je n'étais pas présidente mais, comme vous, simple députée - que vous avez pratiquement renoncé à cette motion en commission tellement vous la trouviez mauvaise... Vous n'aviez même plus d'arguments, et aujourd'hui vous nous exhortez à soutenir absolument cette motion. Il me semble que vous n'êtes pas vraiment dans le coup !

Enfin, à mon avis, vous faites une erreur en voulant à tout prix lier les couplages chaleur/force à la lutte contre le nucléaire. Vous devriez prendre un peu de distance et laisser plus de chances aux énergies renouvelables en ne les associant pas forcément à la lutte contre le nucléaire. C'est l'objet d'un débat différent.

M. Pierre Vanek (AdG). (Brouhaha.)

Une voix. Fermez Creys-Malville !

La présidente. Nous en sommes au renvoi en commission !

M. Pierre Vanek. C'est sur ce sujet que j'entendais m'exprimer. Je ne crois pas que je puisse être soupçonné de faire partie des pronucléaires de la commission de l'énergie...

Une voix. Quoique !

M. Pierre Vanek. Je ne suis même pas «modérément pour le nucléaire», comme Mme Berberat l'a avoué spontanément, ce dont nous avons pris note.

Je suis radicalement... (Rires et remarques.)

La présidente. Absolument ! (Rires.)

M. Pierre Vanek. ...opposé au nucléaire, comme la majorité de nos concitoyennes et concitoyens.

Le rapporteur de minorité a précisé qu'il n'était pas indispensable que cette motion soit votée, du fait que ce débat devrait être repris dans le cadre plus général du débat nécessaire à propos de la conception cantonale de l'énergie. Effectivement, du point de vue de la structuration des débats de la commission, il n'y a pas de raison qu'une motion - qui a ses qualités et ses défauts, comme l'ont reconnu les uns et les autres - fasse des allers et retours continuels entre le plénum et la commission. Ce n'est pas forcément le meilleur moyen de travailler. Si mes amis Chaïm Nissim et Max Schneider veulent soumettre de nouvelles propositions à ce parlement sur ce sujet, qu'ils le fassent en présentant une autre motion ! Le ping-pong avec celle-ci ne me semble pas utile.

Personnellement, je ne voterai donc pas le renvoi en commission.

La présidente. La demande de renvoi en commission est-elle maintenue ?

M. Max Schneider (Ve). En accord avec mon collègue Chaïm Nissim et suite aux aveux de Mme Berberat, je renonce à demander le renvoi en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

RD 277
7. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil communiquant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan localisé de quartier n° 28760-540, situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de la commune de Vernier. ( )RD277

1. Au début des années 1990, une réflexion urbanistique s'est engagée, tendant à une meilleure utilisation du sol d'un secteur, sis en 5e zone de développement 3, sur le territoire de la commune de Vernier, en forme de triangle, compris entre les voies CFF et l'avenue de l'Ain, à proximité du pont de l'Ecu et desservi par la rue Jean-Simonet.

2. En date du 19 décembre 1994, le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après: département) a finalement été saisi d'une demande de renseignement no 17024, ayant pour objet l'édification de deux immeubles sur, d'une part, la parcelle no 3155, propriété de la Fondation d'habitation à bon marché (ci-après: FHBM), requérante, et d'autre part, la parcelle no 3158, propriété de l'Etat de Genève.

 La réalisation de ce projet impliquerait, pour l'essentiel, la destruction d'un immeuble existant comportant 12 logements HBM de 4 pièces, au profit de 2 immeubles comportant 63 logements HBM, soit la création de 51 nouveaux logements de ce type.

4. Le 23 octobre 1995, cette requête no 17024 a reçu une réponse positive, nonobstant le préavis négatif du conseil administratif de la commune de Vernier. Peu auparavant, dans le cadre de l'instruction de cette requête, une audition du conseil administratif de cette commune avait eu lieu au siège du département des travaux publics et de l'énergie en présence des conseillers d'Etat MM. Philippe Joye et Claude Haegi. Un consensus sur l'objectif principal n'avait cependant pas pu être trouvé. Les motifs de la position adoptée par la commune de Vernier ne seront, à ce stade, pas explicités plus avant, afin d'éviter d'inutiles redites.

3. La réalisation des immeubles envisagés par cette requête supposant, en raison de l'inclusion dans la zone de développement des terrains concernés, qu'un plan de localisé de quartier régissant le secteur soit préalablement adopté avant la délivrance de toute autorisation selon les normes de cette zone, le département des travaux publics et de l'énergie a, en date du 24 novembre 1995, élaboré le projet de plan localisé de quartier cité en titre, qui modifie pour partie le plan d'aménagementno 27760-540, adopté le 24 juin 1987 par le Conseil d'Etat et aujourd'hui réalisé.

 Au fond, ce plan tend à la réalisation de deux immeubles sur les terrains précités, l'un de 3, l'autre de 4 niveaux sur rez + rez inférieur. Si, dans l'ensemble, les immeubles prévus sont affectés au logement, des activités sont toutefois possibles au rez-de-chaussée. Enfin, 94 nouvelles places de parc sont envisagées, dont 82 en sous-sol. L'indice d'utilisation du sol pour l'ensemble du périmètre est de 0,9.

5. Le projet de plan localisé de quatier no 28760-540 a été soumis à l'enquête publique de préconsultation du 22 avril au 22 mai 1996. Il a suscité deux observations. L'une émanant de l'Association pour les intérêts des cyclistes (ASPIC), qui demandait la création d'une liaison cyclable le long des voies CFF. Le projet de plan a été amendé en ce sens.

6. Le conseil administratif de la commune de Vernier est l'auteur de la seconde observation.

 En résumé, la commune de Vernier soulignait tout d'abord ses grands efforts dans le domaine de l'accueil, sur son territoire, des logements de type HBM, raison pour laquelle elle se refusait «absolument à accroître le parc d'immeubles HBM sur son territoire». Elle s'opposait ensuite au principe même de la densification de son territoire à cet endroit précis, destiné, à son avis, à devenir «un espace de dégagement» en fonction du développement prévisible du quartier. Enfin, le projet de plan précité ne mentionnait aucun type précis de mesures propres à protéger efficacement l'endroit des nuisances sonores, le secteur étant déjà particulièrement défavorisé de ce point de vue.

 Pour ces trois motifs, la commune de Vernier concluait à ce qu'il soit renoncé à la réalisation de ce plan.

7. En date du 18 juin 1996, le conseil municipal de la commune de Vernier, par 31 voix et 2 abstentions, a décidé de délivrer un préavis défavorable à ce projet de plan.

 Dans sa lettre d'accompagnement communiquant cette décision au département, le conseil administratif de cette commune a résumé les motifs à l'appui de cette position de la manière suivante:

«- refus total de voir implanter de nouveaux immeubles dans une zone particulièrement désavantagée au point de vue des nuisances sonores (route de Vernier, avenue de l'Ain, viaduc de l'Ecu, liaison CFF Cornavin-Cointrin);

- refus d'une implantation supplémentaire d'immeubles HBM, car contraire au désir d'une mixité réelle des types de population au sein de la commune.»

 Ces griefs rejoignaient donc ceux invoqués à l'encontre de la demande de renseignement no 17024.

8. La procédure d'opposition a été ouverte du 16 décembre 1996 au 16 janvier 1997.

9. Le 14 janvier 1997, la commune de Vernier a déclaré former opposition au projet de plan susvisé.

 La commune de Vernier reprenait ses arguments plus haut évoqués, soulignant en particulier qu'elle accueillait sur son territoire plus de 40% de la population totale HBM du canton. Elle relevait notamment que «les populations résidant dans les logements HBM ont des répercussions non négligeables sur le tissu social de leur quartier et nécessitent la mise en place de réseaux de solidarité et d'aide beaucoup plus importants que d'autres types de population» et qu'à ce titre, le quartier de Châtelaine-Libellules serait «complètement saturé».

10. L'article 6 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (L 1 11; ci-après: LGZD), traite de la procédure d'adoption des plans localisés de quatier en zone de développement. L'alinéa 9 de cette disposition stipule ce qui suit:

 «Toutefois, dans l'hypothèse où une commune a formé une opposition au projet et que le Conseil d'Etat entend la rejeter, il en saisit préalablement le Grand Conseil qui statue sous forme de résolution. Si l'opposition est acceptée, le Conseil d'Etat doit modifier le plan en conséquence. Il est ensuite procédé conformément à l'alinéa 8.»

 Le présent rapport a pour objet de vous communiquer le texte de l'opposition de la commune de Vernier et de vous expliciter les motifs pour lesquels cette opposition nous paraît devoir être écartée.

11. De l'avis de notre Conseil, ces griefs sont, en effet, mal fondés pour les motifs qui suivent.

- Les terrains compris à l'intérieur du périmètre du projet de plan contesté sont sis en zone de développement 3 depuis le 29 juin 1957, date d'adoption de l'ancienne loi sur le développement de l'agglomération urbaine genevoise, devenue loi générale sur les zones de développement. Cette zone permet l'édification de constructions dont la hauteur de la ligne verticale du gabarit peut atteindre 21 m. Le plan directeur cantonal, adopté le 15 septembre 1989 par le Grand Conseil et approuvé le 22 mai 1991 par le Conseil fédéral, préconise, pour une telle zone, une densité minimale de 1,2 (voir page 131 de ce document).

 Le projet de plan localisé de quatier querellé vise à permettre la construction de 63 nouveaux logements HBM. Il s'inscrit dans le cadre de la loi pour un plan d'urgence-logements, du 21 juin 1991 (I 4 40), en particulier en prévoyant un indice d'utilisation du sol et des gabarits tenant compte de l'environnement bâti et préservant des espaces libres en suffisance, conformément aux critères de qualité définis à l'article 8, alinéa 2. Les terrains de l'Etat se prêtant à la réalisation de tels logements (art. 2, al. 2) ne sont pas si nombreux que l'on puisse se permettre de les sous-utiliser, compromettant ici l'objectif principal poursuivi par la loi précitée de 1991, à savoir la création de 3 000 logements HBM d'icil'an 2000.

- L'indice de 0,9, au lieu de 1,2 comme le prévoit en principe le plan directeur cantonal pour les terrains sis en zone de développement, est tout à fait raisonnable. On ne saurait, en particulier, parler d'«entassement des gens», comme l'affirme sans autre l'opposante.

- La question du bruit a été examinée avec beaucoup d'attention par le service de l'écotoxicologue cantonal (section d'acoustique environnementale), service spécialisé en la maitère, qui, en date du 7 décembre 1995, a délivré un préavis favorable à ce plan. Ce dernier attribue le degré de sensibilité au bruit III aux terrains compris dans son périmètre et sa légende indique ce qui suit:

«Autant que possible, les mesures nécessaires seront prises pour protéger de manière suffisante des nuisances sonores l'ensemble du périmètre et les constructions existantes maintenues. Par ailleurs et conformément aux articles 31 et 32 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, les typologies des appartements projetés devront tenir compte de l'exposition au bruit et toutes les dispositions constructives adéquates seront prévues prioritairement au niveau des façades».

 C'est donc au stade de l'autorisation de construire que seront prises les mesures adéquates pour que les valeurs limites d'immission du degré III soient respectées, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre aux architectes pour trouver les meilleures solutions. Le projet de plan querellé n'a pas entendu fixer, à ce stade de la procédure, les mesures architecturales de détail indispensables à la protection contre le bruit. Il y a lieu de souligner, à ce propos, que si l'article 25, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'environnement, du 7 octobre 1983, ne s'applique pas exclusivement à la phase de la procédure où l'autorité compétente se prononce sur l'autorisation de construire, «cela ne signifie pas pour autant que toutes les mesures de limitation des émissions - en matière de construction, d'équipement et d'exploitation (voir art. 12, al. 1, lettres b et c LPE) - doivent être étudiées en détail par l'autorité de planification et ordonnées par elle; celle-ci peut, suivant la nature du projet, se borner à examiner de façon générale si l'implantation à l'endruit prévu est admissible ou non au regard des prescriptions du droit fédéral de la portection de l'environnement» (ATF du 28 novembre 1996, Dames P. c/Conseil d'Etat genevois, pages 8 et 9, relatif au plan localisé de quatierno 28693-540, situé chemin de Montfleury sur le territoire de la commune de Vernier).

 Il résulte clairement du préavis du service précité que les exigences posées par l'article 25, alinéa 1, LPE pourront être respectées par la prise de mesures adéquates lors de la phase de la délivrance des autorisations de construire. L'opposante ne fait qu'alléguer des considérations générales, selon lesquelles, en substance, le secteur concerné serait «sinistré» en matière de bruit et le projet de plan querellé ne comporte pas de mesures conscrètes permettant de résoudre cette question. Elle n'apporte cependant aucun motif objectif et d'intérêt public supérieur, de nature à amener le Conseil d'Etat à ne pas suivre le préavis du service de l'écotoxicologue cantonal, spécialisé en la matière.

- Enfin, l'ensemble des mesures antibruit à charge des constructeurs aura pour conséquence un certain renchérissement du coût de construction des immeubles en cause, ce qui aura immanquablement des répercussions sur le prix des loyers. Il est ainsi clair qu'une partie non négligeable des logements HBM envisagés devront l'être au loyer le plus élevé, par exemple à 3 200 F/pièce. A titre indicatif l'office financier du logement signale que le barème d'entrée s'élève, dans ce cas, à 94 165 F de revenu brut maximum pour une famille de 4 personnes occupant un logement de 5 pièces. En cours de bail, ce revenu pourra même augmenter d'environ 20 000 F au maximum, avant le paiement d'une surtaxe.

 C'est dire que le revenu familial des futurs locataires qui pourront loger dans ces immeubles sera loin d'être insignifiant et que le principe d'une certaine mixité de la population recherché par la commune de Vernier sera ménagé.

Au vu des considérations qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport et à statuer sous forme de résolution, selon le projet qui figure en annexe au présent rapport, sur l'opposition formée par la commune de Vernier, conformément à l'arti-cle 6, alinéa 9 LGZD.

Annexes: 1. Acte d'opposition de la commune de Vernier du 14 janvier  1997 et projet de plan localisé de quartier no 28760-540.

  2. Projet de résolution concernant l'opposition formée le  14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan  localisé de quartier no 28760-540, situé rue Jean-  Simonet, sur le territoire de cette commune.

PROJET DE RÉSOLUTION

concernant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la communede Vernier au projet de plan localisé de quartier no 28760-540,situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- le projet qui fait l'objet de la demande de renseignement no 17024, tendant à l'édification de deux immeubles sur, d'une part, la parcelle no 3155, propriété de la Fondation d'habitation à bon marché (ci-après: FHBM), requérante, et d'autre part, la parcelle no 3158, propriété de l'Etat de Genève;

- le fait que la réalisation de ce projet permettra la création de 51 nouveaux logements HBM;

- le projet de plan localisé de quatier no 28760-540, dressé le 24 novembre 1995, et modifié à 5 reprises, la dernière fois le 5 juin 1996, par le département des travaux publics et de l'énergie;

- le préavis défavorable à ce projet de plan émis par le conseil municipal de la commune de Vernier, en date du 18 juin 1996;

- l'opposition formée par le conseil administratif de la commune de Vernier à l'encontre de ce projet de plan, en date du 14 janvier 1997;

- l'article 6 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, lequel prescrit au Conseil d'Etat, lorsqu'il entend rejeter une opposition formée par la commune, de saisir préalablement le Grand Conseil, qui statue sous forme de résolution;

- les motifs retenus dans le rapport du Conseil d'Etat, communiquant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan localisé de quartier no 28760-540, situé à la rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune,

invite le Conseil d'Etat

à rejeter l'opposition formée par la commune de Vernier, en date du 14 janvier 1997, au projet de plan localisé de quartier no 28760-540, situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

Débat

M. Christian Ferrazino (AdG). On ne peut prendre acte de ce rapport, après ce que nous avons évoqué hier, à savoir la récente décision du Tribunal fédéral critiquant notre législation, ou plus exactement la législation que nous n'avons pas en matière d'autorité de recours devant connaître des oppositions de ce genre. On ne peut pas traiter à la légère des oppositions faites, en l'occurrence, par une commune contre un plan localisé de quartier. Je suggère de renvoyer ce rapport en commission, pour que nous puissions ne serait-ce qu'entendre les opposants - ils ont tout de même le droit d'être entendus - et nous déterminer sur cette opposition.

On ne peut pas prendre acte de ce rapport comme on envoie une lettre à la poste. Il faut donc tenir compte de la décision du Tribunal fédéral et de la volonté du Conseil d'Etat, annoncée par M. Maitre tout à l'heure, de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi sur ces questions. Nous pourrons ainsi réexaminer cette opposition en commission, dans l'attente que ce projet nous parvienne.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Pour des questions formelles, il est bon de ne pas accepter ce rapport maintenant.

Sur le fond, la proposition consistant à modifier une partie des anciens immeubles HBM est tout à fait raisonnable. Elle représente un équilibre entre le désir de garder une partie des logements à des prix très bas et celui de mieux tenir compte des questions liées aux nuisances de bruit pour l'autre partie des logements, à l'emplacement exact de cette parcelle. J'aimerais donc que la commission traite ce projet le plus rapidement possible pour pouvoir enfin liquider une affaire qui date.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission d'aménagement du canton est adoptée.

I 1985
8. Interpellation de M. Chaïm Nissim : Incendie de Verbois (100 millions de dégâts). L'accident n'était-il pas évitable ? ( )I1985

M. Chaïm Nissim (Ve). En février 1996, j'ai été triste en apprenant l'incendie de Verbois; triste en raison des 100 millions de dégâts, mais surtout triste pour la perte de 100 mégawatts de puissance renouvelable propre. J'ai personnellement ressenti très fort la perte de toute cette énergie propre.

Mais ma tristesse s'est transformée en énervement, lorsque j'ai rencontré une personne - je ne la nommerai pas - qui est responsable des Services industriels...

Une voix. Le nom !

M. Chaïm Nissim. Il m'a montré des plans et des schémas. D'après ses dires, si le poste de télécommande de la rue du Stand avait été construit et conçu selon les règles de l'art, il aurait inclus un voyant pour indiquer si le disjoncteur de Verbois était ouvert ou non. Sachant que le disjoncteur était resté bloqué, la personne concernée aurait ainsi évité de fermer les vannes.

Cela m'a énervé, car pour moi cela relève d'une responsabilité humaine. Cet incendie n'était pas inévitable, il est dû à une faute de conception.

Dès lors, Monsieur Joye, je veux vous poser trois questions précises :

1) Est-il vrai que ce poste de télécommande ne possédait pas un tel voyant permettant à un opérateur de connaître l'état du disjoncteur ?

2) Si ce voyant avait existé, l'incendie aurait-il pu être évité ?

Une voix. Trois !

M. Chaïm Nissim. Je laisse tomber la troisième question pour l'instant, mais j'ai une question subsidiaire à vous poser, Monsieur Joye.

En raison de la technicité de ce sujet et parce que ce n'est pas forcément simple pour vous d'obtenir ces informations, je vous suggère de lancer un simple coup de téléphone à M. Fatio pour obtenir un rendez-vous avec moi, au poste de la rue du Stand. J'examinerai par moi-même la chose avec l'aide d'une personne apte à manipuler cet appareil. Je verrai bien si ce voyant existe ou non et si l'incendie aurait pu être évité. Au lieu de répondre à mes questions, je vous propose donc de m'obtenir ce rendez-vous.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je ne peux accorder de crédit à des déclarations faites par des personnes anonymes. Mais je vais tout de même tâcher d'obtenir ces renseignements.

De prime abord, il me semble que la conception du central de la rue du Stand est excellente. Je n'ai en tout cas jamais entendu de plainte à ce sujet, mais je répondrai à vos questions après m'être renseigné par la voie officielle auprès de M. Fatio.

La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

I 1986
9. Interpellation de M. René Longet : Renouvellement du poste de l'archéologue cantonal. Procédures. Orientations. Moyens. ( )I1986

M. René Longet (S). A certains moments de nos débats, nous avons évoqué l'histoire. L'archéologie est un outil indispensable à la connaissance du passé, connaissance du passé elle-même indispensable à la connaissance du présent. L'archéologie est un domaine scientifique qui a toujours intéressé les Genevois, qui a toujours eu droit de cité chez nous : cela est heureux et doit continuer.

Comme vous le savez, l'archéologue cantonal actuel, M. Bonnet, est en train de préparer sa retraite - elle sera certainement très active - et j'aimerais saisir cette occasion pour lui rendre hommage pour son immense travail et ses réussites. Il a restitué des sites, rénové la connaissance de notre passé, réhabilité un certain nombre de notions et de monuments, et son passage dans cette fonction aura des effets durables.

Monsieur Joye, j'aimerais savoir comment va se passer sa succession et comment va se faire la suite du programme et de la gestion du patrimoine. Patrimoine important, loin d'être complètement exploré et qui manque encore cruellement de moyens. M. Bonnet est actuellement à la tête du service cantonal d'archéologie qui compte une bonne douzaine de collaboratrices et de collaborateurs. C'est un service qui fait un travail excellent et efficace, mais, comme vous le savez, l'archéologie comprend en gros trois époques différentes : le médiéval - domaine représenté par M. Bonnet; l'antiquité - Genève, cité romaine avec son centre-ville, ses routes, ses villas, etc.; la préhistoire - avec le patrimoine de sites exceptionnels sur les rives du Léman et des alentours. Certains ont été découverts voici cent vingt ou cent trente ans déjà et d'autres attendent encore de l'être.

Ma première question, Monsieur Joye, est de savoir si l'on va veiller à un juste équilibre entre ces trois époques pour lesquelles des approches différentes s'imposent. En effet, certaines de ces époques ne connaissaient pas l'écriture, donc la seule source de recherches est le terrain. Par contre, d'autres sont plus riches en sources variées. Les approches sont naturellement fonction de ces possibilités.

Je souhaite que l'équilibre soit respecté entre ces trois domaines et qu'aucune époque ne soit négligée. Par exemple, la spécialisation du titulaire ne doit pas être une raison de mettre la priorité sur l'une ou l'autre de ces trois époques.

Ma deuxième question, Monsieur Joye, porte sur la manière dont vous allez définir le cahier des charges du nouveau titulaire. Sera-ce le même ? Sera-t-il lié à une fonction de recherche universitaire ? Sera-t-il uniquement «administration cantonale» ? Des restructurations sont-elles envisagées ou non ? (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Ma troisième question est la suivante : quelles sont, dans les grandes lignes, les intentions du Conseil d'Etat par rapport à une planification à plus long terme ? En effet, ces recherches ne peuvent pas être menées sur une année; ce sont des programmes relativement longs, qui ont du mal à être financés, car ils sont liés aux possibilités de crédits de recherche fédéraux, universitaires et autres. Pouvez-vous me donner des éléments quant à l'envergure de l'enveloppe financière envisagée par le Conseil d'Etat pour les prochaines années ?

Un dernier point me paraît être très important. Je me tourne plus spécialement vers la discipline préhistorique. Tout récemment, la thèse d'un archéologue bien connu de notre canton - la relève dans ce domaine - a été présentée à Genève. Il y fait état non seulement de l'extraordinaire richesse du patrimoine archéologique lacustre mais aussi des très gros risques de destruction. En effet, certains sites ne sont pas explorés; et d'autres, pas entretenus. J'aimerais savoir si le Conseil d'Etat est conscient de ces risques. S'il l'est, que compte-t-il entreprendre ? Sinon, de quelle manière serait-il d'accord de se laisser informer par les experts qui, eux, sont très en souci, car ce patrimoine sera perdu à jamais. Ce patrimoine, ce sont autant de bibliothèques qui disparaissent dans les sables mouvants des bords du lacs...

Voilà les questions que je voulais vous poser, Monsieur Joye, en vous précisant que ce domaine n'est pas du tout accessoire. C'est véritablement la garantie pour nous d'accéder aux sources de notre passé.

Une dernière question me vient à l'esprit : elle demande un regard sur la Ville de Genève. Les musées étant municipaux, encore que cela pourrait être rediscuté, comme vous le savez, j'aimerais savoir dans quelle mesure on peut aider à une meilleure exposition et une meilleure visibilité de ces découvertes. Malheureusement, beaucoup de ces découvertes sont entreposées dans des hangars, le musée d'histoire de Genève n'ayant pas suffisamment d'espace pour exposer.

Que peut-on faire pour montrer de manière moderne et dynamique un certain nombre d'éléments qui seraient autant d'images vivantes du passé ? La muséographie d'aujourd'hui permettant des mises en scène tout à fait extraordinaires, cela engendrerait des retombées pédagogiques, touristiques et culturelles non négligeables. Je trouve dommage que beaucoup de ces richesses restent dans des caves et des placards, tout simplement parce qu'aucune politique de valorisation n'est menée dans ce domaine et par manque de moyens financiers. C'est une coopération qu'il faut instaurer entre l'Etat, qui a la haute main sur le service de l'archéologie et qui, via l'université, maîtrise le côté recherche et la Ville de Genève qui, elle, dispose d'une bonne partie des collections dans son musée.

Je vous remercie d'avance d'une réponse circonstanciée.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Si vous êtes d'accord, je vais d'abord traiter... (L'orateur est gêné par les bavardages.) Monsieur Marti, vous m'excuserez, mais je ne peux pas parler dans ce bruit !

La présidente. Monsieur le député Marti !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Cette question sur l'engagement du successeur de M. Bonnet est très délicate. En préambule, je dirai que je ne suis pas certain qu'il soit de très bon goût de parler de sa succession, alors qu'il ne doit partir qu'au mois de septembre de l'année prochaine. Néanmoins, je tenterai de répondre du mon mieux à cette question.

J'aborderai auparavant la question sur «le regard sur la Ville de Genève ou comment aider à une meilleure visibilité des découvertes». Des quantités de pièces seraient entreposées dans les caves des musées. A mon avis, cette affaire concerne surtout la Ville de Genève qui, je vous le rappelle, compte trente-trois musées, si je ne me trompe pas. La qualité de ses expositions - prenez le Musée des sciences, le Musée de l'horlogerie, le Musée de l'Ariana - est admirable. Très peu de villes peuvent se targuer d'avoir autant investi par habitant pour leurs collections que Genève. Ce sont des montants faramineux, rien que du point de vue des transformations immobilières. Je suis d'accord avec vous, Monsieur Longet, ce n'est pas la garantie d'une grande qualité muséographique, mais il faut souligner tout de même que la Ville de Genève a déployé ces vingt dernières années de gros efforts pour ses musées, comme aucune collectivité au monde ne l'a jamais fait.

Je reviens à l'affaire de M. Bonnet. Vous avez fait la distinction entre les trois principales époques : le médiéval - représenté par M. Bonnet - l'antiquité romaine - vous n'avez pas cité de nom - et la préhistoire - vous vous êtes un peu «mouillé» au point 4 de votre question... Le patrimoine préhistorique est effectivement exceptionnel. Par exemple, en cas de projet, une servitude de 500 000 F est prévue pour faire des recherches au port de Corsier. Les trois domaines précités, me semble-t-il, ont été largement pris en compte.

Il est nécessaire, comme vous le dites très justement, de respecter l'équilibre entre ces trois domaines - plus récente, l'archéologie n'en fait pas partie - et je pense que vous avez tout à fait raison de mentionner les différentes méthodes d'approche.

La spécialisation du titulaire semble vous inquiéter. A la quatrième question, vous vous référez à la thèse d'un auteur sur les richesses archéologiques en voie de disparition. D'une part, vous dites qu'il faut veiller à ce que la spécialisation du titulaire n'ait pas une influence, tout en mentionnant que M. Bonnet s'occupe des questions médiévales, et, d'autre part - si je lis entre les lignes - qu'il faudrait engager l'auteur de cette thèse.

Là ne réside pas le problème. A mon avis, le problème est de trouver un homme qui soit un leader. Et dans ce domaine, Charles Bonnet l'a incontestablement été. Si nous trouvons un homme - ou une femme, vous avez raison, Madame Calmy-Rey - de son gabarit, je vous assure que nous serons garantis que les efforts seront poursuivis. M. Bonnet a en effet fourni des efforts incroyables dans tous les domaines touchant à l'archéologie.

Pour ce qui est du cahier des charges, je puis vous assurer que nous l'élaborerons de façon aussi large que possible, précisément pour ne pas tomber dans une querelle de clocher entre les préhistoriens, les médiévistes et les romanisants. Mais je ne suis pas en mesure de vous dire si nous allons lier ce cahier des charges à une fonction universitaire ou à une fonction de recherche.

Si nous avons la chance d'avoir une personne du gabarit de M. Bonnet - il suffit de se référer à ses activités au Soudan - dont le programme de recherche est captivant ou si elle a une fonction universitaire intéressante ou une fonction au Fonds national de la recherche scientifique - M. Bonnet a été vice-président de ce fonds - nous n'aurons pas de problème, et le cahier des charges sera large.

S'agissant de votre troisième question concernant les intentions du Conseil d'Etat sur le programme de recherches, je vous avoue que je ne suis pas en mesure d'y répondre maintenant. Je parlerai certainement du cahier des charges de l'archéologue avec mes collègues du Conseil d'Etat, et je vous assure que nous tiendrons compte de tous les éléments le plus intelligemment possible.

Enfin, s'il est vrai que l'antiquité préhistorique - c'est le sentiment de beaucoup de personnes dans le domaine de l'archéologie à Genève - est très intéressante, nous avons également énormément à faire dans des zones où les risques d'ensablement, comme vous le dites, en particulier dans le domaine médiéval et de l'antiquité romaine, sont très grands.

Je voudrais souligner encore l'excellente qualité des expositions archéologiques et, en particulier, celle des fouilles sous la cathédrale, toujours citées en exemple.

En conclusion, M. Bonnet a été nommé membre-associé - il faut être français pour être membre direct - de l'Institut de France. Il va être intronisé officiellement à cette charge prochainement; une épée doit être réalisée à cet effet. Monsieur Longet, je vous propose de faire un don pour acheter son épée, de même qu'à nous tous ici. C'est un tribut minimum envers M. Bonnet qui est un homme en excellente santé et a encore beaucoup de choses à faire. Je ne voudrais pas manquer de le féliciter pour l'ensemble de son action.

M. René Longet (S). Je vous remercie, Monsieur Joye, de certaines de vos réponses, mais il semble que vous ayez entendu une partie de mes propos et pas l'autre. Loin de moi l'idée de faire des projections sur des personnes. J'ai simplement voulu rendre un hommage appuyé - je ne doutais d'ailleurs pas que vous fassiez de même - à M. Bonnet. Je sais parfaitement qu'il est encore en fonctions et que sa retraite sera fort active. Nous sommes tous d'accord sur ce point; aucun Genevois ne manquera de gratitude à son égard, car c'est effectivement un homme exceptionnel.

Il n'est pas question de le remplacer avant terme, mais de prévoir. Il me semble d'ores et déjà important de savoir que l'excellent travail qui s'est fait - souvent aussi à contre-courant et avec des moyens fragiles - puisse se poursuivre. J'ai donc mis le doigt sur certains éléments par rapport à l'avenir, totalement indépendants de qui que ce soit. Nous sommes bien d'accord, du reste, sur les qualifications souhaitables requises.

Monsieur Joye, j'ai cité un article relatif à la préhistoire, parce que je voulais vous rendre attentif au risque de disparition de certains sites. C'est précisément sur ce point que vous ne m'avez pas répondu, et ce silence m'inquiète dans la mesure où je sais que ces sites disparaissent de manière irréversible. Ce sont quelques milliers d'années d'histoire qui s'envolent, parce qu'il nous manque les 10, 20, 50 ou 100 000 F nécessaires pour des programmes de repérage et de sauvetage, qu'il s'agisse de sites préhistoriques - ceux du bord du lac - ou de sites médiévaux, sur le reste du territoire. C'est tout aussi dommage pour les uns que pour les autres.

Monsieur Joye, je tiens simplement à sortir l'archéologie du statut précaire dont elle souffre encore. J'aimerais qu'elle soit une science et une activité reconnue, à Genève, à sa juste valeur. Après l'hommage rendu à l'homme - M. Bonnet - je souhaite que la structure mise en place permette à toutes ces activités une stabilité à long terme. On ne peut pas encenser les personnes et ne pas se rendre compte qu'elles ont dû se battre toute leur vie pour avoir le minimum pour fonctionner. M. Bonnet a donné énormément dans des conditions dont nous ne devons pas être fiers. Nous le sommes de son action, mais pas des moyens que nous lui avons donnés. J'aimerais que cela soit différent à l'avenir.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Tout d'abord, c'est le Grand Conseil qui fixe le montant qu'il entend allouer à un service plutôt qu'à un autre. Quant à moi, je suis tout à fait partisan que l'on inscrive au budget d'importantes sommes pour l'archéologie.

Ensuite, le service archéologique de l'Etat de Genève est un service modeste peut-être, mais, si l'on compare ses moyens par habitant à ceux d'autres services - je ne parle même pas de la France ou des autres pays, car là c'est la catastrophe totale - c'est un service dans lequel ont été investis des centaines de milliers de francs, pour ne pas dire des millions, compte tenu de tout ce qui a été fait en parallèle à la rénovation d'églises telles que Saint-Pierre ou Saint-Gervais. Des efforts énormes sont donc effectués.

Par ailleurs, la tâche de l'archéologue, quel qu'il soit, est toujours délicate, et M. Bonnet a toujours su bénéficier d'un certain sponsoring privé. Il y a longtemps, dans ce domaine, que des opérations sont effectuées avec des particuliers. Mais M. Bonnet ne s'en vante pas.

Enfin, vous avez raison, M. Bonnet a donné de sa personne, de son énergie et peut-être même de ses moyens pour aider l'archéologie genevoise. Mais le financement alloué à l'archéologie genevoise est à un niveau décent, je tiens à le dire. On peut toujours souhaiter plus, et si vous voulez plus je suis tout à fait d'accord de souscrire au projet de loi que vous présenterez, mais il faudra faire un arbitrage.

Cette interpellation est close.

PL 7582
10. Projet de loi du Conseil d'Etat concernant la Chambre de conciliation et d'arbitrage (J 1 15). ( )PL7582

LE GRAND CONSEIL,

vu les articles 30, 31, 33 à 35 de la loi fédérale sur le travail dans les fabriques, du 18 juin 1914;

vu l'article 72, alinéa 2, lettre b, de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964;

vu les articles 319 à 362 du code des obligations,

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Organisation et compétences dela Chambre de conciliation et d'arbitrage

Article 1

1 La présente loi institue une Chambre de conciliation et d'arbitrage (ci-après: la chambre) en qualité d'organe officiel chargé de :

a)  prévenir et concilier, dans la mesure du possible, les différends d'ordre collectif qui peuvent s'élever sur les conditions de travail, y compris en application de la loi fédérale sur l'égalité, du 24 mars 1995, ainsi que sur l'interprétation et l'exécution de conventions collectives ou de contrats-types de travail, notamment entre :

1o un employeur et ses travailleurs,

2o un employeur et une ou des associations de travailleurs,

3o plusieurs employeurs ou associations d'employeurs et une ou plusieurs associations de travailleurs;

b)  provoquer la conclusion de conventions collectives de travail entre intéressés (art. 356 CO);

c)  rédiger des contrats-types de travail (art. 359 CO);

d)  trancher les différends d'ordre collectif par une sentence arbitrale.

2 La chambre est indépendante de l'administration.

Art. 2

Les compétences de la chambre s'étendent à toutes les entreprises soumises ou non à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964.

Art. 3

1 La chambre est composée :

a)  d'un juge à la Cour de justice;

b)  de 4 juges assesseurs (2 employeurs et 2 travailleurs) et de leurs suppléants (4 employeurs et 4 travailleurs) nommés par les conseils de prud'hommes.

2 Elle est présidée par le juge à la Cour de justice ou par son suppléant, assisté d'un fonctionnaire du greffe de la chambre pour tenir le procès-verbal.

3 Les limites d'âge concernant l'éligibilité des juges assesseurs sont fixées selon la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941.

Art. 4

1 Tous les 6 ans, au début de chaque législature prud'homale, la Cour de justice désigne celui de ses membres qui fait partie de la chambre et en assume la présidence. Les autres juges de la Cour de justice peuvent suppléer le président ainsi nommé en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier et pendant les féries judiciaires.

2 Les juges assesseurs et leurs suppléants sont désignés de la manière suivante :

a)  aussitôt après la prestation de serment qui suit leur élection, les employeurs et les travailleurs des conseils de prud'hommes sont réunis en assemblées générales distinctes par les soins du greffe des prud'hommes, selon la loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990;

b)  chacune de ces assemblées nomme ses deux délégués et ses quatre suppléants. L'ordre des suppléants est donné par le nombre de voix obtenues par chaque candidat et, en cas d'égalité de suffrages, par l'âge;

c)  les suppléants remplacent dans l'ordre de leur nomination les délégués en cas d'absences (notamment maladie, vacances, récusation motivée) annoncées à la chambre en temps utile;

d)  si, dans l'intervalle des élections de prud'hommes, le nombre de postes vacants de juges assesseurs et de suppléants atteint la moitié du chiffre total pour les employeurs ou pour les travailleurs, une assemblée générale doit être convoquée afin de pourvoir aux remplacements.

3 Les mandats du président, des juges assesseurs ainsi que de leurs suppléants sont renouvelables.

Art. 5

Le greffe de la chambre est réglé selon la loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943.

CHAPITRE II

Conciliation et arbitrage

Art. 6

1 La chambre intervient soit d'office, soit à la requête d'autorités ou d'intéressés. Le règlement d'exécution détermine la procédure applicable.

2 En cas de conciliation, les transactions auxquelles les parties ont acquiescé ont le même effet que les jugements rendus par les tribunaux ordinaires du canton.

3 A défaut de conciliation, la chambre émet une recommandation à l'intention des parties.

4 Le Conseil d'Etat peut également, s'il le juge opportun ou si les parties le lui demandent, tenter une nouvelle et dernière conciliation ou encore désigner un médiateur.

Art. 7

1 La chambre peut, sur demande des parties ou avec leur approbation, se constituer en tribunal arbitral.

2 La procédure arbitrale est librement déterminée par les parties. L'article 24 du concordat intercantonal sur l'arbitrage, du 27 mars 1990 (ci-après: le concordat), est au surplus applicable.

3 L'adoption et l'exécution des sentences arbitrales sont réglées par le concordat.

4 Les sentences arbitrales sont susceptibles de recours en nullité et en révision conformément aux articles 36 à 43 du concordat.

CHAPITRE III

Dispositions communes

Art. 8

Les débats devant la chambre ont lieu à huis clos.

Art. 9

1 Pendant toute la durée de la procédure, les parties sont tenues de s'abstenir de toute publicité et de toutes mesures de représailles telles que suspension générale ou partielle du travail, grève, lock-out, boycott.

2 Si elle le juge opportun, la chambre renseigne le public par voie de communiqué de presse sur le résultat de son intervention.

3 Celui qui enfreint l'alinéa premier sera puni des peines de police, conformément aux dispositions de la loi pénale genevoise, du 20 septembre 1941, sans préjudice des autres peines prévues par les lois pour des infractions déterminées.

Art. 10

1 La procédure est en principe gratuite pour les parties.

2 Selon les circonstances, la chambre peut toutefois mettre tout ou partie des frais et débours à la charge des parties.

Art. 11

Les requêtes et autres pièces, les procès-verbaux, recommandations, transactions conciliatoires et sentences sont conservés en original au greffe de la chambre.

Art. 12

Les personnes désignées à l'article 3 de la présente loi, ainsi que le médiateur, sont tenus de garder le secret absolu sur les renseignements, documents et pièces dont ils ont connaissance dans les fonctions que la présente loi leur confère.

Art. 13

Les membres de la chambre reçoivent des jetons de présence suivant le tarif fixé par le Conseil d'Etat pour les commissions judiciaires.

Art. 14

1 Les personnes citées par la chambre sont tenues, sous peine d'amende, de comparaître, de prendre part aux débats et de fournir tous renseignements.

2 En cas d'infraction, elles sont passibles d'une amende pouvant s'élever à 1 000 F et 5 000 F en cas de récidive. Cette amende est prononcée par la chambre.

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Art. 15

Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi.

Art. 16

Sont abrogées :

a)  la loi sur les salaires et les conflits collectifs, du 26 mars 1904 (J 1 15);

b)  la loi instituant à titre temporaire une commission de conciliation en matière de salaires, du 23 janvier 1915 (J 1 17);

c)  la loi concernant l'institution d'un office permanent de conciliation et suspendant provisoirement l'application de la loi du 26 mars 1904 sur les salaires et les conflits collectifs, du 21 septembre 1918 (J 1 19).

Art. 17

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

La loi s'applique aux requêtes dont l'office cantonal de conciliation était saisi au moment de son entrée en vigueur.

Art. 19

1 La loi pénale genevoise, du 20 septembre 1941, est modifiée comme suit :

Art. 37, al 1, 54o (nouveau)

54o ceux qui ont contrevenu à la loi concernant la Chambre de conciliation et d'arbitrage et à son règlement d'application.

*

* *

2 La loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943, est modifiée comme suit :

Art. 4 (nouvelle teneur)

Le service fonctionne comme greffe et secrétariat de la Chambre de conciliation et d'arbitrage en préparant les audiences et en fournissant un secrétaire qui tient le procès-verbal.

Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Le service reçoit et examine toutes les réclamations qui lui parviennent et qui sont de la compétence de la Chambre de conciliation et d'arbitrage.

Art. 5, al. 2 (nouvelle teneur)

2 S'il s'agit de différends d'ordre collectif, il constitue le dossier, réunit la documentation nécessaire et transmet le tout à la Chambre de conciliation et d'arbitrage.

Art. 5, al. 3, dernière phrase (nouvelle teneur)

3 ... Sur la base de cette enquête et pour autant qu'entre-temps un accord ne soit pas intervenu, il soumet un rapport à la Chambre de conciliation et d'arbitrage.

Art. 5, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Lorsqu'il résulte d'un rapport du service que les conditions de travail et de salaires dans un établissement ou dans une profession donnée sont réellement insuffisantes, la Chambre de conciliation et d'arbitrage peut intervenir d'office.

Art. 6, al. 2 (nouvelle teneur)

2 En cas de défaut non excusable, elles peuvent être citées à leurs frais devant la Chambre de conciliation et d'arbitrage.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La situation économique actuelle, et les tensions qui en découlent, rendent indispensables les instruments permettant de prévenir et régler les conflits collectifs de travail.

Depuis le début de ce siècle, la concertation ainsi que la conciliation de tels conflits ont été placées dans les mains de l'office cantonal de conciliation qui a su, à de nombreuses reprises, trouver des solutions satisfaisantes dans des situations où la paix sociale se trouvait menacée.

Un examen attentif des dispositions légales et réglementaires en vigueur en ce domaine révèle toutefois une situation juridique peu satisfaisante. En effet, l'office cantonal de conciliation a été créé le 21 septembre 1918 par une loi provisoire. L'adoption d'une base légale formelle et durable, accompagnée d'un rafraîchissement des dispositions régissant cet office, s'avère dès lors nécessaire. En outre, compte tenu de l'entrée en vigueur, le1er juillet 1996, de la loi fédérale sur l'égalité, et du fait que le Conseil d'Etat a confié à l'office cantonal de conciliation les litiges relatifs aux conflits collectifs de travail découlant de l'application de cette loi, l'adoption d'une base légale incluant cette nouvelle compétence est d'autant plus pressante. En pratique, il se révèle également indispensable de préciser la portée juridique des transactions conciliatoires passées devant la chambre.

C'est pourquoi, nous soumettons aujourd'hui à votre attention un projet de loi-cadre énonçant les principes applicables et abrogeant l'ancienne réglementation en la matière.

Il est à noter que le caractère informel de la procédure suivie par l'office sera largement maintenu. La pratique a en effet démontré que c'est précisément cet aspect informel qui a garanti le succès de cette institution. Outre la conciliation et l'arbitrage, ce projet prévoit la possibilité de faire appel à un médiateur.

Quant au changement de nom de l'office, il se justifie par le fait qu'au cours des années s'est révélée une certaine tendance à confondre l'office de conciliation avec une entité administrative. En s'appelant dorénavant Chambre de conciliation et d'arbitrage, une telle confusion ne sera plus possible.

Avant d'aborder les commentaires article par article, il est à souligner que les modifications proposées n'entraînent aucun coût supplémentaire au budget de l'Etat.

Commentaires article par article

Article 1 - Constitution et tâches

A l'exception de modifications rédactionnelles mineures, cette disposition reprend l'article premier du règlement J 1 19.03. Elle inclut également la compétence de la chambre de connaître des conflits collectifs découlant de l'application de la loi fédérale sur l'égalité.

Il est à noter que la chambre est indépendante de l'administration.

Article 2 - Compétences

Cette disposition est également reprise du règlement J 1 19.03 (art. 2). Elle fixe les compétences de la chambre dans une base légale claire.

Article 3 - Composition

Là encore, peu d'innovations, à l'exception toutefois d'une précision à l'alinéa 3 concernant les limites d'âge pour l'éligibilité en tant que juge assesseur. Celles-ci sont en effet fixées en référence à la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941. Pour le reste, cette disposition reprend l'article 3 du règlement J 1 19.03.

Article 4 - Désignation du président et des juges

L'alinéa premier de cet article prévoit dorénavant une périodicité de six ans pour la désignation du président et des juges de la chambre, au lieu de trois ans comme c'était le cas jusqu'à présent. Ce changement est motivé par un souci d'harmonisation avec la durée du mandat des juges assesseurs selon la législation sur les prud'hommes et par souci de stabilité, gage de confiance pour les partenaires sociaux.

Pour le reste, cet article reprend l'article 4 de l'ancien règlementJ 1 19.03, à l'exception de quelques modifications rédactionnelles mineures.

Article 5 - Greffe de la chambre

Cet article renvoie à la loi sur le service des relations du travail. Il ne s'agit là que de la confirmation d'une situation existante.

Article 6 - Conciliation

Alinéa 1

Cet alinéa maintient le principe selon lequel la chambre intervient soit d'office, soit à la requête d'autorités ou d'intéressés. Ce principe figure dans les mêmes termes à l'article 5, alinéa 1, du règlement J 1 19.03.

Alinéa 2

Cette disposition est nouvelle. Elle exprime clairement que les transactions conciliatoires ont valeur de jugement et sont susceptibles d'exécution forcée.

Alinéa 3

Cette disposition, bien que nouvelle, correspond à la pratique de l'office qui, en cas d'échec de la conciliation, émet une recommandation à l'intention des parties.

Alinéa 4

Cet alinéa reprend le principe contenu à l'article 13 du règlementJ 1 19.03 en réservant au Conseil d'Etat le pouvoir d'intervenir, s'il l'estime nécessaire ou si les deux parties le lui demandent, pour une ultime tentative de conciliation. Il est à relever que cette procédure a déjà souvent été sollicitée et a fait la preuve de son efficacité. Le Conseil d'Etat disposera également de la possibilité de désigner un médiateur. Il s'agit en effet de n'écarter aucun moyen permettant de trouver, même dans les cas les plus délicats, une solution amiable satisfaisant les parties.

Article 7 - Arbitrage

Conformément à l'article 16 du règlement J 1 19.03, l'office cantonal de conciliation peut d'ores et déjà rendre des sentences arbitrales. Le présent article 7 maintient cette procédure. Il précise en outre que c'est sur demande des parties ou avec leur approbation que la chambre peut se constituer en tribunal arbitral. Au surplus, cette disposition renvoie à l'application du concordat intercantonal sur l'arbitrage.

Article 8 - Huis clos

Cet article constitue une codification de la pratique, le principe du huis clos étant largement appliqué.

Article 9 - Interdiction de publicité et mesures de représailles

Cette disposition est reprise de l'article 20 du règlement J 1 19.03. Il est, en effet, essentiel que pendant toute la durée de la procédure devant la chambre, aucune publicité ou mesures de représailles n'interviennent. L'alinéa 2 de cet article est nouveau. Il s'inspire de dispositions similaires rencontrées dans d'autres lois cantonales et donne compétence à la chambre de renseigner le public par voie de presse, si elle le juge nécessaire.

Article 10 - Gratuité de la procédure

Cette disposition confirme le principe selon lequel la procédure est gratuite. Toutefois, le règlement peut préciser que certains frais relatifs à l'administration des preuves peuvent être mis à la charge des parties.

Article 11 - Conservation des actes de procédure

Article 12 - Secret de fonction

Bien que ne figurant pas dans l'actuel règlement, ces deux dispositions constituent également une codification de la pratique devant la chambre.

Article 13 - Indemnités

Cette disposition reprend l'article 17 du règlement J 1 19.03 en précisant que le tarif applicable est celui fixé par le Conseil d'Etat pour les commissions judiciaires.

Article 14 - Personnes citées et pénalités

Cette disposition figurait à l'article 18 du règlement J 1 19.03.

* * *

Compte tenu de ce qui précède, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.

Préconsultation

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le groupe socialiste est quelque peu déçu par ce projet de loi qui nous propose, en quelque sorte, un «rafraîchissement». Le problème est que ce rafraîchissement porte sur une loi datant de 1918. Nous aurions pu espérer une modification des structures de l'actuel office cantonal de conciliation un peu plus offensive.

Vous voyez dans le commentaire, article par article, qu'en fait les modifications proposées par le Conseil d'Etat ne sont que des formalisations d'articles actuels.

Par contre, le Conseil d'Etat fait une avancée qui me laisse assez perplexe : elle consiste à confier à la Chambre de conciliation et d'arbitrage la tâche de tenter de concilier les conflits relatifs à la loi sur l'égalité. Je suis un peu étonnée, M. Ramseyer ayant beaucoup tardé à nous présenter un projet de loi relatif à la conciliation en regard des conflits liés à la loi sur l'égalité. Peut-être savait-il que M. Maitre allait proposer la résolution des conflits liés à la loi sur l'égalité par la Chambre de conciliation et d'arbitrage, mais c'est peut-être aller un peu trop vite en besogne.

Je ferai un petit commentaire sur ce qui nous est proposé. Par exemple, il est recommandé une interdiction de publicité et de mesures de représailles, à l'article 9 de ce projet de loi. C'est là aussi aller trop vite en besogne. Il est vrai que lors d'un conflit collectif les parties doivent s'abstenir de toute publicité sur les affaires qui sont soumises à l'office cantonal de conciliation, mais s'il y a interdiction de publicité et de mesures de représailles, il serait également utile de convenir aussi d'une suspension de toutes les mesures qui sont avancées par le patronat, telles que les menaces de licenciement. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Ainsi cet article n'aurait pas ce caractère unilatéral un peu préoccupant.

Nous soutiendrons, malgré tout, évidemment, le renvoi de ce projet de loi en commission judiciaire.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

PL 7594
11. Projet de loi de Mmes et M. Fabienne Blanc-Kühn, Micheline Calmy-Rey, Pierre-Alain Champod et Claire Torracinta-Pache en faveur d'essais-pilotes en matière d'assurance-chômage pour favoriser le partage du travail. ( )PL7594

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La présente loi a pour but d'encourager les essais-pilotes entrepris par le canton, avec l'appui de l'assurance-chômage fédérale, pour combattre le chômage par un partage du travail.

Art. 2

1 En cas de chômage élevé, général ou dans une branche particulière, le canton verse des allocations spécifiques et accorde des allégements fiscaux encourageant des essais-pilotes destinés à éviter le licenciement ou susciter l'engagement de personnes, par des programmes de réduction concertée du temps de travail.

2 Les essais-pilotes répondent aux conditions-cadres fixées par la présente loi.

3 Le canton sollicite l'appui de l'assurance-chômage fédérale aux essais-pilotes, au titre de l'article 110a de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (LACI).

Art. 3

1 La réduction concertée est réalisée lorsqu'un employeur ou une association d'employeurs conclut une convention collective de travail de branche ou d'entreprise avec une association de travailleurs représentative prévoyant une réduction significative du temps de travail.

2 La réduction doit atteindre, pour une partie ou pour tous les salariés concernés, au moins 10% et au maximum 50% de la durée hebdomadaire du temps de travail.

3 La convention collective doit être conclue pour une durée minimale d'un an, renouvelable.

4 Dans la fonction publique, la convention peut être remplacée par un accord-cadre analogue conclu entre les associations de travailleurs représentatives et l'autorité.

Art. 4

Les salariés concernés doivent accepter la convention collective ou l'accord-cadre, par un vote majoritaire.

Art. 5

1 L'employeur concerné augmente le nombre de personnes qu'il emploie ou renonce à des licenciements économiques avérés inévitables, proportionnellement à la réduction du temps de travail convenue.

2 Quand la convention collective ou l'accord-cadre existaient au préalable, le nombre des nouveaux emplois créés ou des licenciements évités figure dans un avenant.

3 Quand la convention collective ou l'accord-cadre sont créés pour favoriser le partage du travail, le nombre de nouveaux emplois créés ou des licenciements évités figurent dans le texte conventionnel.

Art. 6

1 Lorsque le but de la réduction est d'éviter des licenciements, les salariés concernés doivent en règle générale participer à des mesures de formation continue et de recyclage reconnues, permettant l'acquisition de nouvelles qualifications professionnelles.

2 Lorsque la réduction du temps de travail a pour but la création de nouveaux emplois, les partenaires sociaux peuvent prévoir la participation à des mesures de formation continue et de recyclage.

Art. 7

La convention collective ou l'accord-cadre règle, pour sa durée et à son échéance, les conséquences de la réduction du temps de travail sur les conditions de travail, dans le respect des usages salariaux et professionnels en vigueur dans le secteur économique concerné à Genève.

Art. 8

1 La réduction concertée du temps de travail selon la présente loi peut donner lieu, à titre d'essai-pilote, au versement d'allocations cantonales de chômage et à des allégements fiscaux cantonaux.

2 L'autorité compétente décide du montant des allocations et de l'importance de l'allégement.

3 Les allocations et les allégements sont accordés pendant un délai minimal d'un an, pouvant être prolongé de deux périodes d'un an, moyennant renouvellement de la convention collective ou de l'accord.

4 Le versement des allocations s'effectue d'avance mensuellement à l'employeur et prend fin à l'échéance de la convention collective.

Art. 9

1 Les licenciements économiques sont interdits pendant la durée de la convention collective ou de l'accord.

2 Si la réduction du temps de travail vise la création de nouveaux emplois, 70% de ceux-ci doivent être occupés par des personnes sans emploi, bénéficiaires ou non des prestations de l'assurance-chômage.

Art. 10

Les salariés dont le contrat de travail est résilié, pendant ou à l'échéance de la convention collective ou de l'accord-cadre, ont droit, moyennant accord de l'assurance-chômage fédérale, à une indemnité calculée sur le salaire assuré avant la réduction du temps de travail, lorsque celle-ci a entraîné une baisse de salaire.

Art. 11

L'employeur ayant enfreint la convention collective ou l'accord-cadre peut être tenu, par décision de l'autorité, de restituer les allocations versées et de rembourser au salarié l'éventuelle réduction de salaire intervenue.

Art. 12

1 L'office cantonal de l'emploi est l'autorité compétente.

2 La convention collective ou l'accord-cadre est soumis à l'office cantonal de l'emploi qui décide de l'octroi des allocations cantonales et des allégements fiscaux, à titre d'essai-pilote.

3 L'office consulte préalablement à sa décision une commission tripartite des essais-pilotes, par délégation du conseil de surveillance du marché de l'emploi, instauré par la loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992.

Art. 13

1 Le Conseil d'Etat soumet la loi à une évaluation tous les 3 ans.

2 Il adresse au Grand Conseil un rapport des conclusions évaluant les mesures prises.

EXPOSÉ DES MOTIFS

A. Introduction générale

1. Les essais-pilotes

L'article 110a (nouveau) de la loi fédérale sur l'assurance-chômage et insolvabilité (LACT) permet dès le 1er janvier 1997 la conduite d'essais-pilotes de durée limitée dérogeant à la loi, dans la mesure où ils servent à expérimenter des nouvelles mesures concernant le marché du travail. Afin de clarifier notre démarche, nous nous permettons de citer l'article 110a de la LACI intitulé «Essais-pilotes»:

1 Après consultation de la commission de surveillance, l'organe de compensation peut autoriser des essais-pilotes de durée limitée dérogeant à la loi. De tels essais peuvent être admis dans la mesure où ils servent à expérimenter de nouvelles mesures concernant le marché du travail ou favorisent la flexibilisation du temps de travail pour maintenir des emplois ou en créer.

2 Des dérogations aux articles premier à 6, 8, 15, 18, 22 à 27, 30, 51 à 58 et 90 à 121 sont exclues.

3 Les essais-pilotes ne doivent pas entraver les droits des bénéficiaires de prestations prévus par la loi.

L'impossibilité de dérogation mentionnée vise les dispositions applicables de la législation sur l'AVS, le droit à l'indemnité, l'aptitude au placement, le travail convenable, l'étendue du droit à l'indemnité, les critères pour les indemnités journalières, la suspension du droit à l'indemnité, l'indemnité en cas d'insolvabilité, les dispositions d'organisation.

L'organe de compensation est compétent pour autoriser les essais-pilotes, mais il doit consulter au préalable la commission de surveillance. Vraisemblablement, il s'agit ici de la commission fédérale de surveillance du fonds de compensation (art. 89 LACI).

Les essais-pilotes ne doivent pas entraver les droits des bénéficiaires de prestations de la loi. Selon le Message du Conseil fédéral à l'appui de la deuxième révision partielle de la LACI, du 29 novembre 1993, page 28, cette disposition doit permettre aux autorités du marché du travail de «tester l'efficacité de mesures novatrices dans le cadre d'un projet-pilote».

2. Essais-pilotes et partage du travail

Il ne fait pas de doute, à cet égard, que le partage du travail constitue une idée novatrice méritant des essais-pilotes. En effet, la concrétisation de l'idée générale du partage du travail butte souvent sur deux pierres d'achoppement, la prise en charge du coût salarial en cas de réduction d'horaire, d'une part, et l'existence d'une réelle embauche compensatoire, d'autre part. L'objectif de la compensation du coût salarial supplémentaire a entraîné l'idée du «2e chèque» (Guy Aznar). Quant à l'embauche compensatoire elle ne peut guère s'imaginer que comme contrepartie, soit aux aides étatiques accordées en faveur de la réduction du temps de travail pour atténuer le chômage, soit à un sacrifice financier des travailleurs.

Toujours est-il que les efforts visant au partage du travail, c'est-à-dire de la réduction du temps de travail contre la création d'emplois, sont passés du stade de l'imagination à celui des premières réalisations. Ainsi, le Conseil régional de Rhône-Alpes a adopté récemment un dispositif d'aides aux entreprises réduisant le temps de travail de leurs employés et créant, parallèlement, de nouveaux emplois. Il s'agit d'une première en France. Les primes seront attribuées sur trois ans et peuvent atteindre jusqu'à 90 000 FF si les embauches correspondent à au moins 10% de l'effectif original.

Par ailleurs, et sur proposition de la formation politique UDF, l'Assemblée nationale française a adopté, le jeudi 30 mai 1996, une loi sur la réduction du temps de travail. Une entreprise réduisant de 10% ou de 15% la durée du travail et augmentant dans les mêmes proportions ses effectifs - le niveau étant maintenu durant deux ans - bénéficiera d'une réduction dégressive des charges (cotisations de Sécurité sociale) durant sept ans sur toutes les rémunérations des salariés concernés par la diminution des horaires. Cette réduction, cumulable avec une ristourne sur les bas salaires, sera de 40% la première année pour une réduction des horaires de 10% et de 30% les six années suivantes. L'allégement sera respectivement de 50% et de 40% pour une réduction de 15%er.

Nos références ne sont pas uniquement françaises et nous vous rappelons aussi le dépôt, en juin 1996, d'une motion socialiste concernant des mesures incitatives dans le but de favoriser des expériences de partage du travail.

Il serait tentant d'imaginer, sur le plan cantonal, la mise sur pied d'un programme général de partage du travail avec versement d'aides et d'une embauche compensatoire. Mais il serait également possible d'imaginer, à une échelle plus réduite, la mise sur pied d'essais-pilotes LACI visant le même objectif à une échelle expérimentale et partielle, applicable dans les secteurs publics et privés. Il ne fait pas de doute qu'il s'agirait là de mesures de marché du travail novatrices, pouvant être entreprises à titre expérimental dans le cadre de l'article 110a LACI. Leur mise en oeuvre nécessitera toutefois une volonté politique correspondante.

3. Les conventions collectives de travail (CCT) et les accords-cadres pour une réduction concertée du temps de travail

L'idée essentielle du présent projet de loi est de favoriser la réduction volontaire du temps de travail pour créer de nouveaux emplois ou éviter des licenciements. L'instrument de la réduction serait une CCT, approuvée par un vote majoritaire des salariés concernés. Dans la fonction publique, la CCT peut être remplacée par un accord-cadre avec les organisations syndicales représentatives.

La réduction du temps de travail s'accompagnera d'allocations cantonales de chômage spécifiques, avec le concours, si possible, de l'assurance fédérale, de même que des allégements fiscaux. Ce modèle de réduction doit entraîner une embauche compensatoire ou une renonciation avérée à des licenciements économiques.

Les coûts du modèle sont maîtrisables. L'assurance-chômage épargne des indemnités de chômage. Par ailleurs, il est vraisemblable que les cours de formation continue et de recyclage dispensés dans le cadre de tels programmes seront plus efficaces et adaptés, car beaucoup plus proches des besoins des salariés et de l'entreprise.

Le modèle entraînera, certes, des coûts pour l'employeur en raison de la réduction du temps de travail. Toutefois, les partenaires sociaux devront débattre de la répercussion de ces coûts, les aides cantonales étant destinées à les alléger. L'employeur aura néanmoins plusieurs avantages. Il s'épargnera le coût de plans sociaux. Les cours de formation et de recyclage lui permettront de limiter ses propres efforts, notamment pour l'initiation des salariés nouvellement engagés. Enfin, le non-licenciement associé à la formation permettront de renforcer l'identification et la motivation des salariés concernés avec leur travail, ce qui est source de gains de productivité pour l'entreprise.

Que se passera-t-il à la fin de la période de réduction du temps de travail? Dans la plupart des cas, on peut s'attendre à ce que la réduction soit maintenue et que les partenaires sociaux négocieront sur la répartition de la charge représentée par la fin des aides cantonales. L'idée essentielle de ce projet de loi est de lutter contre le chômage en favorisant la réduction volontaire du temps de travail pour créer de nouveaux emplois ou éviter les licenciements.

4. Partage du travail et liberté du commerce et de l'industrie

Il convient de souligner que le projet de loi ne vise pas, en tant que tel, un programme général de réduction du temps de travail. Il s'agit bien plutôt de mesures spécifiques de politique sociale, liées à l'assurance-chômage fédérale et cantonale. Ces mesures visent en effet à encourager les entreprises soit à engager des personnes sans emploi, soit à ne pas licencier des personnes déjà employées en associant les employeurs, l'Etat et les salariés à cet effort. A ce titre, ces mesures ne poursuivent pas un but de politique économique, visant à avantager certaines branches de l'activité lucrative ou certaines formes d'exploitation. Elles visent au contraire un but positif de politique sociale, soit la lutte concrète contre le risque du chômage. De plus, la mesure est temporaire. Enfin, la loi ne contient que des mesures non contraignantes, les allocations et allégements qu'elle prévoit constituant des mesures d'encouragement dans la lutte contre le chômage. A ce titre, elles sont sans autre autorisées.

Rappelons que Genève a toujours exprimé son attachement à l'Europe. Or, l'article 92 du Traité de Rome, visant à proscrire les aides étatiques aux entreprises, les admet pour les entreprises qui engagent des chômeurs ou créent des places de formation. L'aide publique peut s'élever jusqu'à 40% à 50% des salaires concernés. Les aides publiques visant à éviter les licenciements sont également envisageables, mais pendant une durée limitée, condition qui est réalisée en l'espèce. On relèvera également qu'il ne viendrait à personne l'idée de soutenir que la réglementation actuelle de la LACI sur les indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, c'est-à-dire le chômage partiel (art. 31-41 LACI), violeraient la liberté de commerce et d'industrie, Or, le principe d'indemnisation des essais-pilotes a d'évidentes analogies avec le chômage partiel.

B. Commentaire article par article

Article 1

Il s'agit d'un rappel de la disposition fédérale de la LACI (art. 110a) autorisant les cantons à la mise sur pied d'essais-pilotes. Ceux-ci pourraient être financés sous la forme de prêt de la Confédération.

Article 2

La notion de chômage élevé mérite d'être précisée; il a été admis qu'un taux de chômage général ou dans une branche particulière de 4% était un taux élevé.

Article 3

L'instruction permettant la réduction du temps de travail serait la convention collective de travail permettant ainsi d'assurer l'accord des partenaires sociaux et des travailleuses et travailleurs concernés. Afin de limiter des accords conventionnels prévoyant une réduction du temps de travail tout en bénéficiant d'aides cantonales, la durée de la CCT doit être d'une durée minimale d'un an.

Article 4

L'atout indispensable pour réaliser une diminution du temps de travail doit se faire avec l'accord explicite des travailleuses et travailleurs de l'entreprise ou de la branche; cette disposition remplit aussi les exigences posées par la loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises.

Article 5

L'employeur concerné, s'il est au bénéfice d'aides cantonales, doit s'engager sur le résultat, c'est-à-dire éviter des licenciements ou créer de nouveaux emplois. Cet article permet la vérification de l'essai-pilote de réduction du temps de travail.

Article 6

Cette disposition vise la mise à profit du temps libéré pour le recyclage et la formation; elle s'insère dans le même esprit que la nouvelle loi fédérale sur le chômage.

Article 7

Le niveau des salaires doit continué à être fixé dans le cadre des relations conventionnelles actuelles. La référence aux usages salariaux et professionnels réaffirme notre volonté de n'ouvrir la brèche à une baisse inconsidérée des salaires au prétexte que le taux de chômage est élevé dans une branche ou une entreprise, alors que, par ailleurs, ces mêmes entreprises seraient au bénéfice d'aides cantonales.

Article 8

Cette disposition a un caractère incitatif envers les entreprises. Toutefois les 2 mesures cumulées ne devraient pas dépasser la totalité de la perte salariale subie par les travailleuses et les travailleurs. Le financement de l'allocation cantonale est prévu par la somme de 10 millions de francs figurant dans le budget annuel du canton, le montant des allégements fiscaux restant à déterminer par l'autorité fiscale.

Article 9

La LACI prévoit le financement des essais-pilotes, mais la charge chômage est réduite par l'engagement de personnes préalablement chômeuses.

Article 10

Les indemnités chômage représentent actuellement 70 ou 80% du dernier salaire assuré. En cas de réduction du temps de travail, il se pourrait qu'une baisse de salaire ait été négociée, démontrant une démarche participative des travailleuses et des travailleurs; ces personnes seraient pénalisées financièrement en cas de perte d'emploi, leurs indemnités chômage étant calculées sur le salaire fixé après la diminution du temps de travail. Il convient donc de pouvoir interpeller l'autorité fédérale pour les plus bas salaires.

Article 11

Cette disposition affirme la nécessité de contrôler d'éventuels abus de la part d'employeurs peu scrupuleux.

Article 12

Cette disposition rappelle la nécessité de maintenir le contrôle paritaire, par le biais des conventions collectives de travail, sur l'ensemble de la branche économique concernée.

Préconsultation

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Ce projet de loi est le résultat d'une étroite collaboration entre la Communauté genevoise d'action syndicale et le parti socialiste genevois.

M. Andreas Saurer. Ah, oui ?

Mme Fabienne Blanc-Kühn. Oui, Monsieur Saurer !

Il concrétise une nouvelle disposition de la loi fédérale, l'article 110 de la loi sur le chômage, autorisant les cantons à mettre sur pied des essais-pilotes de durée limitée, dans la mesure où ceux-ci expérimentent des moyens nouveaux concernant le marché du travail. Le but général visé est donc bien soit la création de nouveaux emplois soit le maintien d'emplois existants en évitant de licencier.

Ces essais ne doivent pas entraver les droits des bénéficiaires à l'assurance-chômage. L'idée essentielle est de favoriser la réduction volontaire du temps de travail pour créer de nouveaux emplois ou éviter des licenciements. L'instrument permettant la réduction serait une convention collective de travail approuvée par un vote majoritaire des salariés concernés.

Dans la fonction publique, la convention collective serait remplacée par un accord-cadre avec les organisations syndicales représentatives. La réduction du temps de travail s'accompagnera d'allocations cantonales spécifiques avec le concours, si possible, de l'assurance fédérale, de même que d'allégements fiscaux. Ce modèle de réduction doit entraîner une embauche compensatoire ou une renonciation à des licenciements économiques.

Si ce projet de loi peut être perçu dans le cadre de mesures défensives, comme le maintien d'emplois existants, il est offensif dans la volonté de faire préciser une nouvelle disposition fédérale, au demeurant très volontariste dans son but général, mais imprécise dans les modalités de financement des essais-pilotes, notamment.

Notre projet de loi en fait l'interprétation suivante :

La Confédération intervient financièrement par le biais des indemnités versées aux chômeuses et chômeurs, 70 ou 80% du dernier salaire, si des licenciements sont évités par la réduction du temps de travail dans une entreprise ou dans un secteur économique. L'éventuelle perte salariale pourrait être prise en charge par l'Etat.

D'autre part, beaucoup plus proches des salariés et de l'entreprise, les programmes de formation continue et de recyclage dispensés seront plus efficaces et plus adaptés. Les coûts du modèle sont donc maîtrisables. La réduction du temps de travail entraînera des coûts pour l'employeur, mais les partenaires sociaux auront la possibilité de débattre de la répercussion, les aides cantonales n'intervenant qu'en terme d'allégement ne se substituent pas à la volonté des travailleuses et des travailleurs et de l'entreprise. L'employeur s'épargnera le coût de plans sociaux.

Ce modèle de réduction du temps de travail aura une durée limitée, définie dans la convention collective de travail existante ou dans celle qui aura été négociée sur l'unique objet de la réduction du temps de travail. L'accord doit être négocié par les associations syndicales et patronales quand les relations conventionnelles existent. Dans le cas contraire, par l'assentiment du personnel et de l'entreprise.

La présidente. Nous sommes en débat de préconsultation, Madame !

Mme Fabienne Blanc-Kühn. Il ne s'agit pas de verrou mais bien de participation à l'accord des parties concernées.

Le but recherché est que la réduction du temps de travail soit maintenue, ce qui nécessitera un nouvel accord des partenaires sociaux sur la répartition de la charge financière préalablement assumée par l'Etat.

Ce projet de loi vise donc des mesures spécifiques liées à la politique sociale, à l'assurance-chômage, fédérale et cantonale. Il ne s'agit donc pas d'un programme de politique économique qui pourrait avantager certaines branches ou certaines formes d'exploitation, et il n'y a pas de violation de liberté de commerce et de l'industrie.

Nous vous demandons donc de voter ce projet de loi, et nous vous en remercions.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Chaque poussée de chômage relance ce débat fondamental : qu'attend-on pour trouver des idées nouvelles afin de donner du travail à tous ? Le partage du travail est un concept très en vogue, mais pas encore suffisamment étayé par de nombreuses réalisations concrètes.

De ce fait, la formule est séduisante, mais elle fait apparaître certains obstacles dans sa concrétisation. Il existe des niches où l'action publique et celle des partenaires sociaux peuvent aider à mieux répartir le travail. Il faut saisir les opportunités pour soutenir les démarches innovantes.

Dans cet esprit, le projet de loi s'efforce d'attribuer des moyens financiers tels que des allocations spécifiques ou des allégements fiscaux, afin de créer des conditions favorables à ces nouvelles alternatives pour l'emploi. Mais il faut prendre conscience que cette proposition suscite des interrogations dans le monde économique et qu'elle représente un coût pour la République. Cependant, le sujet est capital : il est l'espoir de certains, le devenir d'autres et la réalité de demain.

Le groupe radical vous recommande de renvoyer ce projet en commission de l'économie, afin de débattre de sa forme.

M. David Hiler (Ve). Depuis déjà longtemps, dans les pays qui nous entourent, le débat sur le partage du travail est engagé. Les premières réalisations existent aussi, en particulier en Allemagne. La discussion est évidemment vive et difficile, parce que, tout le monde le sait aujourd'hui, ce n'est pas le principe du partage du travail qui pose problème, mais plutôt de savoir qui, entre guillemets, en paye le coût. Pour certains la réponse est assez simple - on l'a encore entendu récemment dans un débat : si l'on passe de quarante à trente-deux heures, il leur semble normal de payer trente-deux heures. Pour d'autres, au contraire, il faut continuer à payer quarante heures.

Poser le débat de cette manière c'est se condamner à l'échec, et pour longtemps. Partout où ce type de mesures est véritablement mis en oeuvre, on s'aperçoit qu'il y a compromis, que ce compromis est négocié et qu'il exige généralement une intervention à un titre ou à un autre des pouvoirs publics.

Bien que ne partageant pas forcément tout ce qui figure dans son exposé des motifs, nous sommes très favorables à ce projet de loi et, en tout cas, à son renvoi en commission de l'économie. Cela d'autant plus qu'il rejoint la deuxième invite de la motion que nous discuterons plus tard concernant la création, par l'Etat de Genève, d'un fonds permettant à l'Etat d'intervenir dans des négociations du secteur privé pour que des compromis en cours puissent aboutir.

Il faut savoir que cette question est extrêmement délicate. Le débat assez vif, mené à l'égard de certaines mesures, en France notamment, démontre qu'il faut discuter. Et c'est le bon moment de le faire, parce que ce débat est en train de prendre - avec un peu de retard, car la crise est arrivée à Genève plus tard qu'en France, tant mieux pour nous d'ailleurs - de l'ampleur. Il est passionnant du reste de voir le nombre d'articles qui paraissent en faveur ou contre le partage du travail.

La crise est là; elle s'installe. Par conséquent, nous devons nous pencher sur ce problème. Il est faux de prétendre qu'il n'y a pas d'expériences en la matière au sens strict sur le plan social. Il y en a, mais pas dans notre pays. De ce point de vue, je me permets de dire que tant le rapport du Conseil d'Etat sur le partage dans la fonction publique que celui du Conseil administratif de la Ville de Genève - qui est fait depuis plusieurs mois - devraient être maintenant «mis sur la table». En effet, ces informations sont extrêmement importantes, en particulier le document commandé par la Ville de Genève, qui comprend une synthèse de toutes les expériences qui ont été faites et qui sont documentées par des articles. Il faut absolument que nous parlions sur des bases concrètes.

Nous nous réjouissons donc du dépôt de ce projet de loi qui devra très probablement subir un certain nombre de modifications au sein de la commission de l'économie pour devenir parfaitement opérationnel.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le projet de loi 7594 ainsi que la motion suivante, 1123, posent en réalité le même problème. Ces deux objets cherchent, par des voies à la fois différentes et communes, à résoudre le problème qui est discuté aujourd'hui. Les avis sont assez contradictoires et tranchés. Il ne faut pas céder à la tentation de croire que le partage du temps de travail peut se décréter. Mais il ne faut pas céder non plus à la tentation d'être convaincu que l'immobilisme est la seule réponse dans ce domaine.

Nous amorçons un nouveau type de civilisation, et nous nous dirigeons vers une conception non de plein-emploi mais de pleine-activité, ce qui est bien différent. Dans ce contexte, selon les secteurs et de manière négociée, certaines hypothèses et réalisations peuvent parfaitement être considérées s'agissant du partage du temps de travail.

Pour le Conseil d'Etat, cette réflexion comporte deux volets : la fonction publique, pour laquelle le Conseil d'Etat peut intervenir en tant qu'employeur, et l'ensemble de l'économie privée, dans laquelle l'Etat peut intervenir comme catalyseur ou comme incitateur sur la base de dispositifs ou de mécanismes dont il pourrait disposer; il en existe quelques-uns. Ils sont d'une utilisation extrêmement difficile, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à avancer. C'est certainement en renonçant à avancer que l'on rend les choses encore plus difficiles.

Nous avons choisi deux pistes :

Une réflexion a été menée s'agissant de la fonction publique, dans le cadre d'un groupe de travail paritaire, avec les syndicats représentatifs de la fonction publique. Un rapport a été effectivement rendu; il contient un certain nombre d'hypothèses toutes intéressantes, mais qui se heurtent à ces questions :

Quel est l'effort ? Qui le supporte ? Respectivement, qui le partage ?

En effet, il ne suffit pas de parler du partage du temps de travail; il est plus important et plus difficile de parler du partage de l'effort qui conduit à des solutions valables. Notre collègue, Guy-Olivier Segond, est en charge de ce dossier, en ce qui concerne le volet «fonction publique», et le Conseil d'Etat attend un certain nombre de propositions sur la suite qui sera donnée. Ces propositions sont liées, ce qui explique que cela prenne du temps, au débat que nous avons voulu engager de manière plus générale et pour lequel nous avons recours au Conseil économique et social. Vous savez que ce dernier est chargé d'un mandat concernant l'ensemble de cette problématique et des pistes qui peuvent valablement être explorées et qui pourraient être opérationnelles à Genève. Nous souhaitons qu'un large débat soit engagé par le Conseil économique et social. Il s'y est employé, et ce débat est aujourd'hui en cours. C'est d'ailleurs dans ce cadre que s'inscrit le mandat confié par la Ville de Genève pour faire l'inventaire de l'ensemble des solutions. C'est déjà un matériel très utile et très important pour la réflexion à mener.

Vous le savez, le Conseil économique et social ne pourra pas terminer ses travaux avant la fin de cette année ou le début de l'année prochaine. Dans ce contexte, on peut se demander s'il est opportun de renvoyer ces textes tels quels à la commission de l'économie. Cela pourrait être utile pour inviter les responsables de ce dossier du Conseil économique et social à venir devant la commission faire un premier point de la situation, afin que ce conseil puisse tenir compte d'un certain nombre de sensibilités, d'avis et, le cas échéant, de propositions faites par votre parlement.

Voilà les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat est d'accord que ces deux textes, le projet de loi 7594 et la motion 1123, soient renvoyés à la commission de l'économie.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.

M 1123
12. Proposition de motion de Mmes et MM. David Hiler, Fabienne Bugnon, Sylvia Leuenberger, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Chaïm Nissim, Vesca Olsommer, Andreas Saurer et Max Schneider concernant le soutien aux entreprises réduisant l'horaire de travail et l'ouverture de négociations en vue de la création d'au moins 2000 emplois dans les services publics par une réduction de 10% du temps de travail. ( )M1123

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- qu'une claire priorité doit être donnée à la lutte contre le chômage et l'exclusion;

- que la diminution substantielle de la durée du travail est la mesure la plus efficace pour lutter contre le chômage;

- que la mise en oeuvre du partage du travail bute sur la diminution du salaire, la nécessité de compenser cette baisse de revenus pour les bas salaires et la difficulté de financer une telle compensation;

- que l'Etat employeur doit donner l'exemple;

invite le Conseil d'Etat

1. à lui présenter un projet de loi permettant de soutenir les entreprises qui pratiquent une diminution substantielle de la durée du travail dans le cadre d'un accord entre partenaires sociaux. L'intervention du canton a pour but de favoriser la compensation de baisses de revenus pour les bas salaires.

2. à entrer en négociation avec les syndicats et les associations représentatives des salariés du service public en vue d'une réduction de la durée du travail de 10% et la création simultanée de 2000 emplois à l'Etat, dans les établissements publics autonomes et dans les établissements publics médicaux, selon les modalités figurant dans l'exposé des motifs du présent projet de motion.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La dimension structurelle de la crise n'échappe plus à personne. Sans contester le bien-fondé des mesures récemment adoptées par le Grand Conseil pour favoriser le maintien ou la création d'entreprises, nous sommes obligés de constater qu'elles sont parfaitement insuffisantes au regard de la gravité du chômage.

Le traitement social du chômage est certes exemplaire à Genève. Mais pour combien de temps? Si le nombre des sans-emploi devait encore augmenter ces prochaines années ou simplement se stabiliser à un niveau élevé, on peut craindre que l'Etat, étouffé par le poids de la dette, ne puisse plus maintenir intégralement ses prestations actuelles. Dans ce cas, en effet, un jour vient inévitablement où la dette pèse trop lourd dans le budget, restreignant d'autant les prestations de l'Etat dans le domaine social en particulier.

A Genève, l'exclusion ne concerne encore heureusement qu'une petite partie de la population (c'est déjà trop), mais elle pèse comme une menace sur une frange non négligeable de la société. Le principal danger réside aujourd'hui dans la déchirure sociale. Pour y parer, les écologistes européens proposent depuis longtemps une politique qu'ils ont résumée par le slogan: «Travailler moins pour travailler toutes et tous et vivre autrement».

Il ne fait aucun doute aujourd'hui que seul le partage du travail peut avoir un effet massif sur le chômage. Le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs lui-même admis lorsqu'il a présenté son bilan de demi-législature. Hélas, on en est, comme souvent, resté aux déclarations d'intention. Relevons en particulier que les négociations prévues entre le Conseil d'Etat et le Cartel sur la réduction de la durée du travail dans le service public n'ont jamais été entamées. Notons également que l'Etat peut, à l'heure actuelle, accorder des abattements fiscaux à des entreprises s'installant dans le canton. En revanche, il ne pourrait prendre la même mesure en faveur d'entreprises, déjà installées, qui réduiraient la durée du travail dans le but de sauver ou de créer des postes de travail.

Le partage du travail est la mesure la plus efficace contre le chômage

Le partage du travail est la mesure la plus efficace contre le chômage, mais il n'est pas facile à mettre en oeuvre. Pour que la réduction du temps de travail ait un impact sur le taux de chômage, elle doit être importante: 10% au minimum, 20% dans l'idéal. Au-dessous, les gains de productivités et les heures supplémentaires absorbent tout.

Or, beaucoup d'entreprises (notamment, la plupart des PME) n'ont pas les moyens de réduire significativement la durée du travail sans réduire proportionnellement les salaires. Les collectivités publiques sont, nous le savons trop bien, dans la même situation. L'Etat pourrait certes augmenter la ponction fiscale en imposant davantage les gros revenus et la fortune. Nous restons favorables à de telles mesures à l'heure où les revenus du capital s'accroissent au détriment de ceux du travail. Nous constatons toutefois que toutes les propositions allant dans ce sens se heurtent à un refus pour des raisons idéologiques et à cause du risque d'évasion fiscale. Il se pose également une question d'équité entre les salariés du secteur public et du secteur privé. On ne voit pas bien, en effet, comment dans la situation actuelle les salariés du privé pourraient arracher la semaine de 32 ou de 36 heures sans une baisse, au moins partielle de salaire. Quant à financer l'entier de la compensation de la baisse de revenus dans l'ensemble de l'économie par une augmentation de la fiscalité directe, il ne faut simplement pas y penser. Le rapport de force étant ce qu'il est, nous avons le choix entre:

- nous accrocher à des idéaux irréalisables - une diminution massive du temps de travail sans diminution de salaire -, acceptant en fin de compte que la situation sociale continue à se dégrader et le chômage à croître;

- formuler des propositions qui tiennent compte de la situation économique et du rapport de force politique pour constituer une alternative solidaire réaliste, à opposer aux différentes variantes néolibérales, qu'elles émanent d'un gouvernement mono ou multicolore.

S'il est impossible d'espérer faire aboutir aujourd'hui des revendications comme les 32 heures pour tous sans réduction du salaire, il n'est pas plus réaliste de demander à tous les salariés de réduire leurs revenus d'un cinquième. Pour nombre d'entre eux une telle baisse de revenu est insupportable. D'autre part, cette baisse aurait probablement des conséquences macroéconomiques négatives. Dans un sens ou un autre, il faut se garder de demander l'impossible, parce que, pendant que l'on glose, la déchirure sociale s'accentue. En fait, toutes les expériences actuelles du partage du travail en Europe se fondent sur des compensations partielles de la baisse du revenu du salarié, par l'entreprise et, dans certains cas, par les pouvoirs publics.

Le partage du travail exige un compromis social

Pour sortir de ce dilemme, les propositions présentées au Parlement européen et défendues notamment par Michel Rocard sont certainement intéressantes. Elles consistent à favoriser le partage du travail en modulant les charges sociales en fonction de la durée du travail. On allège les charges sociales pour les heures inférieures à la durée du travail que l'on souhaite encourager. On les alourdit pour les heures travaillées en sus. Avec un bémol, tout de même, si ces mesures s'avèrent incitatives, on est obligé de trouver un complément de financement pour les assurances sociales, par exemple par une taxe sur l'énergie, comme le proposent les Verts suisses.

Compte tenu des particularités du système politique helvétique, il est peu probable qu'une telle solution soit praticable en Suisse avant de longues années. C'est pourquoi il convient, dans la mesure des possibilités budgétaires du canton, de trouver des solutions à l'échelle locale.

Dans ce contexte, le partage du travail exige un compromis social, dûment négocié, branche par branche, voire entreprise par entreprise. Dans certains cas, lorsque les salaires de la branche sont modestes, les partenaires sociaux ne peuvent trouver un accord que si l'Etat intervient pour financer une compensation modulée en faveur des bas et des moyens salaires. Il serait évidemment logique que ce soit la caisse d'assurance-chômage qui intervienne en premier lieu.

Il ne paraît pas inutile toutefois que le canton puisse donner un coup de pouce lorsqu'un accord permettant de créer ou de sauvegarder des emplois est proche d'aboutir. D'une manière ou d'une autre, tout emploi sauvegardé ou créé a un impact positif sur les enveloppes budgétaires de l'aide aux chômeurs en fin de droit ou du RMCAS.

Nous demandons donc au gouvernement de présenter un projet de loi donnant la possibilité à l'Etat de soutenir financièrement les entreprises réduisant d'au moins 10% la durée du travail, sur la base d'un accord négocié avec leur personnel. Dans une première étape, la somme mise à disposition, 20 millions de francs par exemple, devrait être suffisante pour encourager des expériences pilotes à une large échelle. L'aide peut passer par des abattements fiscaux ou une subvention de durée déterminée. Elle a pour but de limiter la baisse des revenus pour les bas et moyens salaires et de rendre ainsi l'accord acceptable.

Dans notre esprit, un tel projet de loi devrait être accompagné d'une source de financement, fondée sur des impôts ou des taxes visant les grands bénéficiaires de la situation actuelle, soit les actionnaires et les cadres supérieurs dont la rémunération tend à prendre l'ascenseur. Nous laissons toutefois le Conseil d'Etat juge de l'opportunité politique d'une telle solution, car à trop charger le bateau, on risque le naufrage. Compte tenu de l'urgence de la situation, il nous paraît difficile de faire dépendre directement l'application de mesures en faveur du partage du travail, de décisions de nature fiscale. Cela tout particulièrement dans un canton où la fiscalité a effectivement un caractère redistributif marqué.

Pour une diminution de 10% de la durée du travail dans le service public

L'Etat employeur peut et doit donner l'exemple et c'est pourquoi nous proposons une diminution de 10% de la durée du travail dans le service public. Cette diminution peut prendre la forme d'une diminution hebdomadaire de la durée du travail (36 heures), d'un allongement des vacances, de semestres ou d'années sabbatiques, selon la nature du poste et les souhaits des salariés du service public.

Nous ne proposons pas un diktat du Conseil d'Etat, qu'il soit monocolore ou non, mais bien la définition d'une prise de position de l'employeur en vue de l'ouverture de négociations avec les syndicats et les associations représentatives des salariés du service public.

Etant donné la suppression massive de postes à laquelle il a déjà été procédé, le partage du travail dans la fonction publique ne doit pas avoir pour objet de faire des économies, mais de créer des emplois. Entre 1991 et 1996 en effet, 2779 postes ont été supprimés, soit 9% des postes existant en 1991 (postes complets selon budgets pour le personnel de l'Etat, des établissements publics autonomes et des établissements publics médicaux).

L'approche proposée est la suivante: les salariés du service public acceptent une réduction de la durée de travail de 10% selon le principe de la réduction proportionnelle des salaires; l'Etat s'engage en échange à rétablir les mécanismes salariaux et à créer au moins 2000 postes à l'Etat, dans les établissements publics médicaux et les établissements publics autonomes. Une compensation dégressive de la perte du revenu mensuel est prévue pour les bas et moyens salaires, définis en fonction du salaire médian à Genève (5000 F en 1994). En d'autres termes, ceux dont le salaire brut total est inférieur au salaire médian genevois recevraient une compensation intégrale. Au-dessus de ce niveau, la compensation diminuerait graduellement jusqu'à devenir nulle. Cette dégressivité est nécessaire pour maintenir une certaine cohérence dans la grille des salaires de l'Etat.

Dans notre esprit, les postes à temps partiel ne doivent pas être affectés par la diminution d'horaire. A savoir, par exemple, qu'une personne travaillant aujourd'hui à mi-temps continuerait à travailler 20 heures par semaine.

Les compensations proposées sont supportables sur le plan budgétaire. Les travailleurs du service public genevois jouissent pour la plupart d'un haut degré de formation, qui s'accompagne d'une rémunération correspondante. Dans la fonction publique, les salaires bruts inférieurs au salaire médian genevois ne représentent qu'une petite minorité. D'autre part, le système des annuités et la prime de fidélité font qu'une réduction de 10% du salaire dégage à court et même à moyen terme une économie nettement supérieure à la somme exigée par l'embauche de nouveaux salariés. Cette «cagnotte» peut être sensiblement augmentée, si l'on a soin de n'engager que des hommes et des femmes du terrain, à l'exclusion des cadres et des «petits chefs», dont la prolifération a été critiquée à juste titre par les syndicats.

L'impact global d'une telle mesure devrait, il est vrai, être soigneusement évalué en prenant compte de l'impact sur les recettes fiscales, les répercussions sur les budgets d'assistance et le traitement social du chômage. Il faudrait également mesurer les effets induits positifs sur l'ensemble de l'économie de la création de 2 000 emplois.

La diminution du temps de travail doit s'accompagner du rétablissement des mécanismes salariaux

Disons-le clairement: les Verts excluent toute possibilité de demander aux salariés de la fonction publique la diminution du temps de travail et du salaire sans que soit garantie l'application future des mécanismes salariaux. On sait en effet que le salaire réel dans la fonction publique a baissé de plus de 8% depuis le début de la crise. Nous ne nions pas que la grille des salaires de la fonction publique a été négociée alors que le marché du travail et le rapport de force social étaient très favorables aux salariés du service public. C'est ce qui explique qu'un important sacrifice ait pu être consenti sans conséquences sociales insupportables. Mais cette détérioration ne peut pas se poursuivre indéfiniment. La reprise de l'indexation, des annuités et de la progression de la prime de fidélité se justifie donc parfaitement dans le cadre d'une réduction de la durée du travail de 10%.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à ce projet de motion.

Débat

M. David Hiler (Ve). J'interviendrai cette fois uniquement sur le volet concernant le secteur public. Nous souhaitons que l'Etat-employeur cherche avec les associations représentatives de la fonction publique des solutions pour introduire le partage du travail dans la fonction publique et l'ensemble du secteur public.

Mais, à l'évidence, les difficultés, ici, apparaissent de façon plus concrète et plus claire. Aujourd'hui, l'employeur n'a certainement pas les moyens de décréter la semaine de trente-six heures en prenant la différence à sa charge, c'est-à-dire en maintenant les salaires au même niveau. Nous le savons; nous connaissons le déficit de l'Etat de Genève; une telle mesure n'est pas envisageable. Nous souhaitons seulement parvenir à protéger un certain nombre de gens dans le cadre du passage de quarante à trente-six heures de travail.

Nous avons ciblé les personnes gagnant moins de 5 000 F. Ce chiffre ne relève pas du hasard : 5 000 F est un salaire médian à Genève. Environ 50% des gens gagnent 5 000 F ou moins et vice versa, à plein temps. C'est pourquoi nous avons choisi ce chiffre. Nous vous suggérons donc une prise de position de négociation du Conseil d'Etat : celle que le parlement recommanderait au Conseil d'Etat.

Cette négociation comporte un autre aspect : savoir comment il faudra moduler les salaires de plus de 5 000 F. Nous le disons sans état d'âme : les personnes qui ont un salaire de 8 000 F diminué de 10% pourraient supporter ce sacrifice. C'est un peu plus délicat quand on se rapproche du seuil des 5 000 F. Cela implique une discussion intéressante, importante, et représente l'enjeu de négociation.

Mais - et j'insiste sur ce point - nous ne ferons pas avaler à la fonction publique une diminution du temps de travail, dont une large part, au niveau du coût, serait assumée par les fonctionnaires, si elle n'a pas pour but de créer des emplois. C'est pour cela que cette motion dit clairement et nettement que le but de l'opération est d'en créer un certain nombre; nous avons dit deux mille, et nous sommes à peu près certains que notre proposition est réalisable.

Mais elle comporte un bémol dont il faudra discuter. Jusqu'à présent, le salaire réel de la fonction publique a été baissé de 10%, et il paraît alors difficile de demander à la fois une diminution du salaire réel par des non-compensations de l'indexation, tout en demandant pour une majorité des salaires de la fonction publique une diminution de 10% correspondant à une diminution de 10% du temps de travail.

Nous pensons que cette proposition doit être soigneusement étudiée en commission. L'essentiel de cette motion devrait être discuté en commission des finances, puisqu'elle concerne la fonction publique; l'autre volet pouvant parfaitement être débattu dans le cadre de l'étude du projet socialiste à la commission de l'économie. Je vous suggère donc de renvoyer ce projet à la commission des finances, et vous remercie du bon accueil que vous lui ferez.

M. Pierre Kunz (R). Les radicaux se sentent tout à fait prêts à débattre de l'importante question du partage du travail. Ils acceptent donc la motion 1123 avec intérêt.

Une voix. Hypocrite !

M. Pierre Kunz. Mais ils entendent d'emblée écarter les illusions. La diminution du temps de travail ne constitue pas intrinsèquement une mesure efficace pour la création d'emplois, si elle ne s'accompagne pas, pour l'employeur, de gains même minimes de productivité. Ces gains ne sauraient être obtenus sans réduction parallèle des rémunérations. C'est vrai pour les entreprises privées, c'est vrai aussi pour les entreprises publiques.

Par ailleurs, les radicaux entendent dire clairement que s'ils s'associent à l'idée d'une réduction de 10% de la durée du travail et des revenus, dans les services publics, ils ne partagent pas le projet de création d'un nombre d'emplois fixés à deux mille, d'une manière parfaitement arbitraire, par les motionnaires.

Les objectifs de rationalisation du fonctionnement de l'Etat ne sauraient s'accommoder d'une telle décision, d'un tel a priori. Devront être créés les emplois qui s'avéreront, suite à cette modification des horaires de travail, nécessaires au fonctionnement efficace des services publics. Car les emplois fictifs, il faut le souligner, ne peuvent pas satisfaire ceux qui les occupent.

De surcroît, si on se donne la peine d'analyser les conséquences économiques de ces emplois fictifs, eh bien, on s'aperçoit qu'ils détruisent les vrais emplois, ceux qui contribuent à l'élévation ou au maintien du niveau de vie de la collectivité, à l'amélioration de son cadre d'existence.

S'agissant des aides incitatives que l'Etat pourrait imaginer, afin de favoriser le partage du travail dans le secteur privé, les radicaux préconisent une approche individualisée, tenant compte bien évidemment des conditions d'exploitation propres à chaque entreprise, mais aussi une approche respectueuse des aspirations personnelles des employées et des employés. Les radicaux ne sont donc pas favorables, pour le secteur privé, à des décisions de caractère linéaire et corporatiste. Pour rester efficaces, ces aides devraient, d'une manière générale, être dirigées selon nous en priorité vers les travailleurs, et non vers les entreprises. Il nous paraît dès lors que le procédé des ristournes d'impôts aux personnes physiques, appelé aussi «impôts négatifs», devrait être étudié avec soin, car ce procédé qui concerne les bas revenus favorise non seulement le partage du travail mais aussi le retour en emploi des chômeurs.

Avant de conclure, je tiens à dire que les radicaux contestent vigoureusement les affirmations - je ne mets pas M. Hiler en cause - de ceux qui prétendent que le travail est limité; qu'il n'est désormais plus disponible en quantité suffisante. C'est faux ! C'est tout faux ! C'est archifaux ! Le travail est disponible en quantité illimitée. Ce qui manque, c'est une meilleure flexibilité du marché du travail; et ce qui fait obstacle c'est l'insuffisance de moyens financiers destinés à rémunérer les emplois aux conditions exigées.

Tout cela montre d'ailleurs bien que le problème du partage du travail est avant tout, indépendamment des problèmes pratiques et organisationnels, un problème de partage des revenus.

Mesdames et Messieurs, un mot encore pour dire que les radicaux ont apprécié la manière réaliste et mesurée avec laquelle les Verts ont rédigé leur motion.

M. David Hiler. Ça devient compromettant pour nous !

M. Pierre Kunz. J'en suis désolé !

Cette mesure et ce réalisme contrastent avec les textes que l'opposition soumet souvent en matière d'emploi et de partage du travail à ce Grand Conseil. L'esprit d'ouverture qui sous-tend la motion 1123 mérite d'être salué, car il y a là matière à optimisme quant à la réalisation de l'objectif poursuivi. (Rires et remarques.)

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Permettez-moi de débuter mon intervention en regrettant le peu d'intérêt manifesté par ce Grand Conseil, en particulier sur les bancs d'en face...

Une voix. Ils n'y connaissent rien !

Mme Micheline Calmy-Rey. Je ne pense pas qu'ils n'y connaissent rien, mais ce sujet pourtant fondamental n'a pas suscité de réflexion de leur part.

Une voix. Mais si !

Mme Micheline Calmy-Rey. A vous entendre, on n'en a pas l'impression !

Pourtant, je le répète, ce sujet est fondamental. En effet, autour du travail se joue, Mesdames et Messieurs, la question sociale de cette fin de siècle, c'est-à-dire la réorganisation de l'articulation des rapports entre le marché, l'Etat et la société civile.

J'aimerais faire trois constats, avec lesquels M. Kunz ne sera certainement pas d'accord, mais comme il a parlé avant moi, il ne pourra pas me contredire - l'avantage est pour moi... (Rires.)

- Le travail manque ou, plutôt, il n'y a pas suffisamment d'emplois. Concurrence accrue, progrès technologiques : on produit de mieux en mieux, de plus en plus, avec de moins en moins de gens. A Genève, ce sont près de trente mille places de travail qui ont été perdues depuis le début de la crise. Dans les services publics aussi, les effectifs ont été diminués.

- La dissociation de la croissance et de l'emploi. On nous avait appris - et on continue de nous dire - que le retour prochain de la croissance va progressivement absorber le chômage. Aujourd'hui, nous devons l'admettre, la croissance génère moins d'emplois. Une étude universitaire a récemment démontré que même en cas de forte croissance un chômage d'environ 4% subsisterait encore. Le chômage comporte une part structurelle qui ne doit rien à la crise et que les méthodes habituelles, c'est-à-dire les possibilités de déversement des emplois d'un secteur sur l'autre et la relance par la consommation, ne résorberont pas.

- Les limites des possibilités de réinsertion. Toutes les politiques de lutte contre le chômage ont reposé sur une certitude : en étant mieux préparé, on peut se réinsérer. Or, au mieux, les politiques de réinsertion constituent aujourd'hui un jeu de chaises musicales qui repose sur le principe suivant : «J'ai trouvé un travail, c'est le tien !». En conséquence, il faut admettre que cette crise n'est pas ponctuelle et que l'interrogation centrale devient alors celle des rapports entre le revenu et le travail et, corrélativement, celle des rapports entre inégalités et justice sociale.

Nous sommes, Mesdames et Messieurs, victimes d'une grave panne de notre système de redistribution des richesses. Le travail salarié a servi de critère à la redistribution des richesses en quasi-exclusivité jusqu'à aujourd'hui; dès lors que le travail salarié vient à manquer, le plein-temps à plein salaire devient aussi un privilège, et de plus en plus de gens ont besoin de l'aide de l'Etat simplement pour pouvoir vivre.

Dans une telle situation, les vieilles rengaines n'ont plus cours, telles que celles assénées par M. Kunz; elles sont hors de propos. Réduire l'Etat n'est pas du tout une solution, c'est même une mesure contre-productive.

Il faut mettre en place des stratégies offensives, dans lesquelles l'Etat a toute sa place comme acteur; stratégies fondées sur des idées neuves. Le partage du travail en est une. Les facteurs clés du succès d'un tel modèle sont réunis dans le projet de loi socialiste et dans la motion déposée par les Verts. Ces facteurs clés sont les suivants :

1) Des décisions prises démocratiquement, à la suite de négociations avec les acteurs concernés et avec l'intervention de l'Etat.

2) Une réduction du temps de travail relativement importante. Les socialistes sont plutôt favorables à une diminution de 20% du temps de travail, alors que les Verts envisagent 10%. Une réduction du temps de travail doit conduire, au moins pour moitié, à de nouvelles embauches.

3) Pas d'augmentation du coût unitaire pour les entreprises. C'est possible si les économies réalisées par les caisses de chômage sont affectées exclusivement au financement des réductions du temps de travail. C'est également possible au moyen d'un financement par les salariés, compensé pour les bas et moyens revenus comme le proposent les Verts. Ces deux mesures ne sont d'ailleurs pas incompatibles; elles peuvent être utilisées en complémentarité.

La motion et le projet de loi prévoient pour l'Etat un rôle expérimental : c'est une bonne proposition, car les services publics connaissent une pression considérable et tous les besoins ne sont pas satisfaits aujourd'hui. De plus, la politique de baisse des effectifs qui a été menée a conduit à des dysfonctionnements dans certains services. Des réengagements seront très certainement nécessaires et utiles.

Le modèle proposé au travers du projet de loi déposé par les socialistes, qui est plus concret, et au travers de la motion, qui pose des principes plus larges, a des avantages évidents : il permet de négocier la flexibilité sans précarité et d'alléger le chômage. Nous sommes bien entendu favorables au renvoi de la proposition de motion en commission.

M. Armand Lombard (L). Puisque mon collègue Kunz ne peut pas répondre à Mme Calmy-Rey, je me permettrai de le faire moi-même, mais probablement avec des propos différents, même s'ils ne sont pas si éloignés. Du reste, la position des uns et des autres n'est pas si éloignée que cela.

Chacun s'accuse de ressortir les vieilles rengaines. Mais, Madame Calmy-Rey, vos propos en contiennent aussi, de même que ceux de M. Kunz, même si c'est dans une moindre mesure.

Je veux m'en tenir à la forme, car tout le monde est d'accord sur le fondement. C'est la façon d'aborder le problème qui diverge, ainsi que la façon de le résoudre. Chacun prend des pincettes en abordant cette discussion difficile et reste sur ses gardes. J'espère que le travail en commission permettra de progresser dans ce dossier.

Tout le monde reste sur la défensive. Je me permets, pour le prouver, de reprendre rapidement les trois critères évoqués par Mme Calmy-Rey que l'on peut voir d'une manière ou d'une autre.

Le travail manque : oui, car il y a des milliers de chômeurs; non, car il reste beaucoup de travail à effectuer sur la terre. Que ce soit en Chine - ce qui est plus facile - ou ailleurs, nous avons beaucoup de travail à faire pour améliorer les conditions de vie. Les réserves de travail sont énormes de par le monde, mais elles se trouvent dans des secteurs inexplorés et non dans les domaines traditionnels. Il faut chercher le travail là où il est; il faut le créer, voire le débusquer en exploitant de nouvelles pistes. Donc le travail manque, mais il ne manque pas vraiment si on va le chercher.

Croissance et emploi : ça peut aller ensemble comme le contraire. Ce qui est important c'est la qualité de cette croissance. Pour une grande chaîne de montage de l'industrie lourde, s'il y a plus de croissance, il n'y aura pas plus d'emplois. Mais une croissance plus qualitative peut permettre une augmentation des emplois. Cette affirmation est vraie et fausse à la fois, tout dépend si on en fait une question de fond ou de forme. La croissance ne peut pas être aussi forte que par le passé, mais elle peut engendrer des augmentations de travail dans de nouvelles conditions. Mme Calmy-Rey a affirmé que même par forte croissance le chômage ne descendrait pas au-dessous de 4%. A mon avis, c'est faux : il descendra bien en dessous, en raison, déjà évoquée, des fantastiques réserves de travail. Seulement, elles demandent des trésors d'innovations et de dynamisme. Ce n'est certainement pas sur les bancs de ce Grand Conseil, vu l'envergure de nos débats, que nous pourrions augmenter de 4% quelque croissance que ce soit.

La limite de réinsertion : nous disposons de formations formidables et des efforts inouïs sont fournis par l'université pour rechercher de nouvelles solutions de réinsertion, de nouveaux moyens pédagogiques, psycho-pédagogiques et pour créer des structures de formation d'adultes. Ces pistes sont intéressantes, mais il faut les étudier et les concrétiser pour permettre la réinsertion des chômeurs. On dit assez qu'il ne sera pas possible d'exercer le même métier toute sa vie. Si c'est vrai - l'hypothèse est assez gratuite - il faut accentuer le domaine de la formation pour permettre aux chômeurs de se réinsérer. Il faut encore faire de gros efforts dans ce domaine, mais nous en recueillerons les fruits.

C'est pour toutes ces raisons que je me réjouis du renvoi en commission de ce projet et de tout projet sur ce sujet. Le rôle expérimental social de l'Etat : lorsque j'étais petit, mon père s'en félicitait. Je n'en ai pas l'expérience. La fonction publique est tellement en retrait qu'elle n'ose pas faire les essais qui sont absolument nécessaires. Je souhaite que cela soit également une piste de développement.

M. René Ecuyer (AdG). L'Alliance de gauche est favorable au renvoi en commission de cette motion.

A notre avis, la lutte contre le chômage passe immanquablement par une diminution importante de la durée de travail. Ce n'est pas une diminution de deux ou trois heures par semaine qui réglera le problème. En effet, avec deux ou trois heures en moins vous trouverez le moyen, Messieurs les patrons, de faire travailler le personnel toujours plus vite. Il faut une diminution drastique de l'horaire de travail, et c'est pratiquement possible sans diminution de salaire.

Je m'explique. Les gains de productivité de ces vingt dernières années ont profité à qui ? Pas aux travailleurs, en tout cas ! Les entreprises ont mis des milliers de personnes au chômage, elles ont baissé les salaires et proposé des emplois précaires.

Dans ce canton, la proportion des millionnaires a augmenté autant que la proportion des chômeurs. C'est dire qu'il y a de l'argent pour lutter contre le chômage. L'autre jour, j'ai entendu M. Kunz dénigrer les mesures du traitement social du chômage. Eh bien ! aujourd'hui, le partage du travail est une mesure de lutte contre le chômage, avec laquelle nous sommes parfaitement d'accord d'entrer en discussion.

L'Etat dans cette affaire peut montrer l'exemple, et il doit le faire.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Il faut distinguer un certain nombre de cas de figure assez différents. C'est ce qui rend ce problème excessivement complexe.

Dans le secteur privé, existent trois types d'entreprises :

- Celles dont hélas on ne parle pas : celles qui ont un volume de travail qui correspond au nombre d'heures que peuvent absorber et produire leurs employés et dont les fluctuations d'effectifs sont modestes. Certaines d'entre elles sont en croissance.

- Celles dont on parle : les entreprises dont la situation est assez difficile. Ce sont les entreprises pour lesquelles il y a objectivement un manque de travail. Dans ce cas, on peut parler de partage du temps de travail, mais, en réalité, on devrait parler du partage du «manque» de travail ! Ce sont les modèles qui ont été expérimentés. Volkswagen est un exemple de préservation du nombre d'emplois par le partage du travail de façon à équilibrer et à répartir le manque de travail.

- Celles, enfin, qui ont un surplus de travail et qui, en raison d'un relatif manque de flexibilité - je rejoins M. Kunz sur ce point - de notre marché de l'emploi, accumulent des heures supplémentaires. C'est un réel problème de voir ces entreprises accumuler des heures supplémentaires, alors que ce surplus de travail pourrait créer des emplois nouveaux.

Pour ce qui est de l'Etat, les paramètres à gérer sont également très complexes car contradictoires. Il faut réaliser des économies : c'est évident. Une partie prépondérante du budget de l'Etat est constituée par la masse salariale. Il faut donc forcément réaliser des économies aussi sur cette masse salariale. Et il n'est pas très facile de créer des emplois par un partage du temps de travail tout en réduisant la masse salariale. C'est un peu la quadrature du cercle. La marge de manoeuvre existe, mais elle est très étroite. Il faut simplement en être conscient.

Dans la fonction publique se pose un autre problème, à certains égards un peu analogue à celui du secteur privé : on regorge d'heures supplémentaires que l'on ne parvient pas à répartir en emplois nouveaux. C'est un problème lié au statut de la fonction publique. Il est extrêmement difficile de créer des emplois dans la fonction publique, par une réduction du temps de travail, connaissant la rigidité du statut de ces emplois. Nous devrions mener une réflexion liant les mécanismes de réduction d'horaires de travail, le partage du temps de travail et l'assouplissement du statut de la fonction publique.

J'en viens à une conclusion d'ordre pratique. M. Hiler a suggéré que la motion 1123 soit renvoyée à la commission des finances. La deuxième invite de la motion est tout à fait pertinente dans le cadre du travail de la commission des finances et même, probablement déjà, dans le cadre du budget 1998, car un certain nombre de réflexions pourraient être utiles à cet égard. Nous pourrions procéder ainsi, si vous êtes d'accord, et renvoyer la motion 1123 à la commission des finances, laquelle pourrait traiter rapidement la deuxième invite, à charge pour elle de renvoyer le tout à la commission de l'économie qui aurait pour mission de faire la synthèse. Cela me semble être une approche correcte. En effet, s'ils sont utiles pour le budget 1998, nous aurions bien tort de nous passer des enseignements que nous pourrions tirer de la discussion en commission des finances sur la deuxième invite de la motion du groupe des Verts.

C'est la raison pour laquelle un passage devant la commission des finances me semble absolument justifié.

M. David Hiler (Ve). Nous nous rallions à cette proposition. Il nous paraît surtout important que le débat sur la fonction publique ait lieu en commission des finances, et que le rapport général comprenant les deux invites soit traité en commission de l'économie. La procédure telle qu'elle vient de nous être proposée par M. Maitre nous paraît parfaitement correcte.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des finances.

M 1127
13. Proposition de motion de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Pierre Meyll et Gilles Godinat sur la politique d'utilisation des zones industrielles. ( )M1127

LE GRAND CONSEIL,

vu les très graves difficultés auxquelles le secteur secondaire genevois est actuellement confronté;

attendu que ce secteur est frappé plus durement par la crise en raison de l'importance que revêt le coût de la main-d'oeuvre comme facteur de production des biens produits dans notre pays, sans parler du niveau élevé du franc suisse qui rend la compétitivité des produits suisses très difficile pour nos entreprises;

qu'il est par conséquent primordial que celles-ci et les nouvelles entreprises du secteur secondaire puissent bénéficier de terrains et locaux industriels et artisanaux bon marché pour compenser partiellement les inégalités auxquelles elles sont confrontées par l'ouverture des marchés;

que les petites et moyennes entreprises, tout particulièrement les entreprises artisanales, qui constituent un élément important de notre économie, éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des terrains et locaux bon marché leur permettant de déployer leurs activités;

qu'en raison de la pénurie de terrains et de locaux industriels bon marché, il convient de veiller à ce que les terrains et locaux affectés à des activités industrielles et artisanales ne soient pas bradés ni mis à disposition d'entreprises poursuivant d'autres activités offrant un meilleur rendement et leur permettant de payer les charges foncières ordinaires pour leurs besoins en terrains ou locaux;

que cela est particulièrement vrai pour les locaux libérés par des entreprises en cessation d'activités et qui ont été construits il y a un certain temps, qui sont souvent totalement amortis et qui peuvent être reloués très bon marché (par rapport aux locaux vides de construction récente) pour autant qu'ils ne soient pas accaparés par des entreprises à haut rendement qui font monter les prix de location;

que, dans ces conditions, les dérogations accordées dans les zones industrielles ou artisanales à des activités étrangères à ces zones ne sont pas compréhensibles;

que des terrains et locaux industriels et artisanaux sont, en effet, mis à disposition ou convoités pour des expositions de voitures qui sont le type d'utilisation de terrains à exclure en zone industrielle (voir APA 12629, zone industrielle du Bois-de-Bay, APA 12717 au chemin de la Marbrerie sur un terrain de la FIPA, requête 94697 pour une halle d'exposition de voitures sur le terrain industriel de Verntissa, à Vernier) ou pour des activités relevant de la vente de détail (requête 94727 portant sur l'affectation de deux étages d'un bâtiment industriel dans la ZODIM pour un centre commercial, requête 94728 pour un parking à la rue Boissonnas dans la zone de la FIPA, etc.),

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur:

- les dérogations accordées dans les zones industrielles et artisanales au profit d'activités qui ne répondent manifestement pas aux normes de ces zones;

- les réserves de terrain et locaux dont disposent l'Etat et les collectivités publiques (notamment les communes et la FIPA) pour des activités industrielles et artisanales;

- la politique qu'il entend poursuivre pour mettre à disposition ou faire bénéficier les entreprises du secteur secondaire, tout particulièrement les petites entreprises et les artisans, de terrains et locaux bon marché.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). Nous continuons à être extrêmement préoccupés par l'affectation et l'utilisation des zones industrielles.

Le secteur secondaire genevois est certainement l'un des secteurs économiques les plus frappés dans notre canton. Par ailleurs, on sait que les petits artisans, les petites entreprises, ont énormément de difficulté à trouver des terrains et des locaux bon marché. Le seul espoir, pour ce type d'activités, est de trouver des terrains et des locaux à des prix abordables dans les zones industrielles.

A la lecture de la «Feuille d'avis officielle», nous constatons que des dérogations continuent à être accordées dans des zones industrielles, dérogations qui paraissent difficilement compréhensibles. Je regrette l'absence de M. Joye, ce soir, et je ne sais pas si M. Maitre connaît ces différents dossiers. Par exemple, le terrain industriel de Verntissa, à Vernier, a été transformé en parc d'exposition de voitures d'occasion, alors que le Conseil d'Etat a toujours déclaré, que ce soit au sujet des terrains occupés dans la zone de la ZIPLO à Plan-les-Ouates ou le projet de parking de Honda à Meyrin, que l'on cesserait d'utiliser des terrains industriels pour des aires de stationnement et d'exposition de voitures d'occasion. Voilà un cas tout à fait précis.

On peut également constater que dans la zone de la ZODIM, à Meyrin, on a délibérément créé deux périmètres distincts. L'un, précisément, pour des activités commerciales, l'autre pour des activités industrielles, ce qui a amené ce Grand Conseil à refuser le projet de déclassement au profit de Jumbo ou de la société Obirama. Entre-temps, Obirama a finalement solutionné...

M. Claude Blanc. Résolu !

M. Christian Grobet. Merci ! ...résolu son problème en reprenant, sauf erreur, la parcelle Martini-Rossi, ce qui démontre qu'il y avait une possibilité sur place, mais peut-être que cela coûtait un peu plus cher - je n'en sais rien... (L'orateur est interpellé par M. Maitre.) Non, Monsieur Maitre, je connais bien les terrains du périmètre commercial de la ZODIM. Obirama n'était effectivement pas propriétaire du secteur résiduel. Bref, puisque vous parlez de déclassement, la procédure qui devrait être suivie est la suivante : le Grand Conseil se prononce sur l'opportunité de déclasser un périmètre ou non, mais il ne procède pas à ces déclassements par voie dérogatoire.

On peut ainsi voir qu'une autorisation de construire a été délivrée pour un centre commercial au lieu d'un bâtiment industriel, ce qui ne correspond absolument pas aux normes de cette zone.

J'ai donné quelques exemples, et cette liste n'est certainement pas exhaustive. Vous-même aviez, lors d'une précédente intervention de l'Alliance de gauche, fait part de votre étonnement, lorsqu'une compagnie d'assurances s'était installée dans un bâtiment industriel aux Acacias. Effectivement, un certain nombre d'autorisations délivrées ne sont pas conformes aux normes de la zone, et nous aimerions que le Conseil d'Etat dise clairement ce qu'il en est. Car il ne semble pas, au vu des dérogations accordées, que la pratique corresponde aux déclarations qui ont été faites par le Conseil d'Etat...

Présidence de M. René Koechlin, premier vice-président

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Après avoir écouté les propos tenus par M. Grobet, et après une lecture attentive de la motion, je prétends que vous méconnaissez les problèmes de nos industriels. Nous pouvons considérer que cette motion est certainement pavée de très bonnes intentions, mais elle nous semble par trop suspicieuse de la politique menée en matière de zones industrielles, tant par le Conseil d'Etat que par la Fondation des terrains industriels de Genève, la FTI, anciennement la FIPA.

S'agissant du troisième considérant, je relèverai que la FTI, dans le cadre de l'application de la loi générale sur les zones de développement industriel a, en fait, tout pouvoir pour contrôler les prix pratiqués en matière de vente de terrain de particulier à particulier. Le droit de préemption, aux termes de cette loi, est acquis à l'Etat. D'autre part, la rente des droits de superficie oscille toujours aux environs de 12 à 15 F le m2 par année, ce qui, même dans la conjoncture difficile que nous vivons, reste d'un niveau très favorable et apprécié par l'ensemble des superficiaires.

Je me permets de m'étonner du quatrième considérant, compte tenu des dizaines de milliers de m2 de plancher qui sont aujourd'hui à disposition des utilisateurs potentiels. C'est d'ailleurs devenu un lieu commun d'affirmer qu'à Genève et en zone industrielle il y a pléthore de locaux vides.

En ce qui concerne le cinquième considérant, le paradoxe veut que, précisément, bien des locaux, quand ils trouvent preneurs, soient pratiquement bradés comme vous le mentionnez, ce qui semble mettre les motionnaires dans la confusion. Je dis «confusion» car, jusqu'à preuve du contraire et toujours en zone industrielle, ces locaux bradés ne le sont qu'en faveur d'entreprises compatibles avec lesdites zones, à l'exclusion de sociétés de type tertiaire.

Enfin, s'agissant des trois derniers considérants de cette motion, il est important de rappeler que l'Etat et la Ville ont récemment reçu d'un groupe de travail ad hoc un rapport concernant ce qu'il est convenu d'appeler «la mixité des zones industrielles». Le Conseil d'Etat, à ma connaissance, s'est publiquement expliqué sur sa politique qui reste évidemment très restrictive en matière de mixité, l'accent étant maintenu sur des entreprises du secteur secondaire.

A mon avis, cela ne doit d'ailleurs pas empêcher la FTI d'être attentive à la demande des industriels qui en appellent eux-mêmes et spontanément à une certaine mixité, estimant que les activités telles que guichets bancaires, postes, crèches, garages, pourquoi pas centres d'alimentation - liste exemplative non exhaustive - peuvent faire partie de ce qu'il est convenu d'appeler la cohérence du fonctionnement d'une zone industrielle. Je crois d'ailleurs savoir que la commission d'aménagement avait décidé, l'an dernier, de pousser sa réflexion sur la problématique de cette mixité dont elle est régulièrement saisie par des projets de lois concernant des modifications d'affectation des zones industrielles.

Il me semble - c'est le seul point d'intérêt - que cette motion doit être renvoyée à la commission d'aménagement pour y être discutée, démarche que notre groupe soutiendra.

M. Pierre Kunz (R). Même si les radicaux ne s'associent pas aux considérants de la motion 1127, ils vous recommandent de la renvoyer en commission, et, si possible, en commission de l'économie.

Ils trouvent utiles et intéressantes les trois invites formulées par les motionnaires. J'ai indiqué que les considérants ne nous satisfaisaient pas. En effet, nous ne pensons pas que les terrains et les locaux à vocation industrielle ne soient pas disponibles en quantité suffisante. Nous ne pensons pas non plus qu'ils soient à un prix excessif.

Chacun sait, par contre, que les radicaux contestent depuis de nombreuses années la politique générale menée en matière de zones industrielles, qui ne répond plus de manière suffisamment efficace aux nécessités économiques actuelles. Par ailleurs, nous constatons qu'au cours des dernières années les décisions de dérogation prises par le Conseil d'Etat ont amené des éléments d'incertitude et des formes qu'on peut qualifier de «distorsions de concurrence» qui commencent à peser sur le comportement de certains acteurs économiques.

Il est donc bon de faire le point sur ces questions, et, qui sait, peut-être parviendrons-nous en commission, avec l'aide du Conseil d'Etat, à faire de cette motion le point de départ de la nécessaire réforme de notre politique en matière de zones industrielles.

M. Hervé Dessimoz (R). Je ne vais pas compléter l'intervention de mon collègue Kunz.

Je veux simplement dire à M. Grobet que Jumbo a effectivement trouvé à Meyrin une solution provisoire. L'ancien Obirama se trouve sous une tente qui a failli s'effondrer cet hiver, et les acheteurs ont dû évacuer les lieux en catastrophe, lorsque la neige s'est mise à peser trop fortement sur cette construction provisoire. La commune de Meyrin a approuvé cette construction, à l'époque, sur la parcelle Fiat - vous étiez un de ceux qui évoquaient les aspects contestables de ce projet, notamment le prix du terrain. Le groupe Maus étudie actuellement une autre solution de reconstruction sur un site localisé vers l'ancienne construction qui a brûlé. Ce projet est à l'étude, il n'est pas encore achevé, et j'espère - je vous ai écouté avec attention - qu'en temps utile vous saurez défendre ce projet plus modeste, qui se trouve cette fois-ci dans le lieu que vous défendiez à l'époque. Je tenais simplement à apporter cette précision.

M. Christian Grobet. Merci !

Mme Alexandra Gobet (S). Pourquoi ce parlement si transparent, tel le nôtre, ne se pencherait-il pas de nouveau - je dirais presque «une fois de plus» sur cet objet, cette fois général et abstrait, à propos de l'affectation des zones industrielles ?

M. Joye nous y a invités à plusieurs reprises de façon informelle, à la commission de l'aménagement, lorsque nous avons travaillé sur ce sujet. Le malheur a voulu que les projets de lois concrets qui sont venus ensuite - M. Kunz l'a rappelé tout à l'heure - ne suivent pas précisément les quelques critères d'attribution qui avaient été forgés péniblement à la commission de l'aménagement.

Dans la perspective de la législature à venir, le groupe socialiste réitère son attachement à voir les zones industrielles réservées aux destinataires qui en ont prioritairement besoin : les industries. Cela dit, Genève n'est pas une ville morte. Le parlement sera bientôt renouvelé, et nous sommes d'accord de réajuster la réflexion au niveau de l'ensemble des groupes politiques à la commission de l'aménagement.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Cet objet devrait de toute évidence être renvoyé en commission, probablement de l'aménagement, Monsieur Kunz. Il pourrait être traité dans le cadre de la commission de l'économie dans la mesure où le devenir de nos zones industrielles concerne la politique économique. Mais il me semble que cet objet doit être traité en commission de l'aménagement, compte tenu des discussions déjà engagées dans cette commission sur le projet de loi actuellement traité et de la nécessité de débattre de manière approfondie du rapport du groupe de travail auquel nous avons fait allusion et qui montre une assez bonne approche pluridisciplinaire sur ces questions. Nous aurons l'occasion, à ce moment-là, de fixer véritablement une doctrine sur la base d'un rapport.

Je souhaite que ce Grand Conseil puisse prendre connaissance de manière approfondie et dépassionnée du rapport du groupe de travail que le Conseil d'Etat a accepté et dont nous souhaitons débattre devant la commission de l'aménagement. En effet, ce rapport arrive à des conclusions qui me paraissent parfaitement saines. On distingue des situations très différentes :

1) selon que l'on a affaire à des zones industrielles résiduelles - appelons-les comme ça, par raccourci de langage - qui se trouvent à Genève et où les problèmes sont de nature totalement différente dès lors que l'on se trouve dans des quartiers structurés, ou en voie de l'être;

2) selon que l'on a affaire à des zones en périphérie de la Ville de Genève, par exemple la ZODIM, à laquelle on a fait allusion et qui, si on connaît bien la réalité de terrain, sont aujourd'hui déjà des zones mixtes, de fait. Il y a lieu, en effet, de ratifier en droit ce qui existe déjà dans les faits. On demande là un peu plus de souplesse.

3) enfin, il y a lieu de garder comme objectif que les grandes zones industrielles de développement - Meyrin/Plan-les-Ouates, Mouille/Galand, Meyrin/Satigny - soient des zones où l'affectation industrielle reste claire. A ce propos, et vous le savez bien, s'agissant de la zone industrielle de Plan-les-Ouates dans son extension, il y a un projet qui n'est évidemment pas industriel et qui, s'il devait être admis et traité, ferait l'objet d'une loi de déclassement soumis devant votre Conseil : je veux parler du projet d'un centre commercial Coop. A cet égard, les décisions définitives ne sont pas encore prises, mais de toute évidence la parole appartient au Grand Conseil, car ce projet ne pourrait se réaliser que par le biais d'un déclassement.

Monsieur Grobet, le projet Obirama devra aussi probablement être traité par le biais d'un déclassement. En effet, la parcelle sur laquelle Obirama pourrait s'installer - c'est à mon avis un emplacement tout à fait correct - derrière les anciennes usines Martini-Rossi, aujourd'hui Bacardi, est une parcelle pour laquelle il n'y a pas d'extension quant à l'affectation, à la différence de la parcelle d'à côté qui est située en zone industrielle de développement avec affectation commerciale possible. Sur cette parcelle, cette affectation commerciale possible n'existe pas. Dès lors, nous devrions agir soit par voie de dérogation soit par voie de déclassement. Il me paraît préférable - mais je n'engage pas le Conseil d'Etat qui n'en a encore pas délibéré - d'agir dans la transparence, par une loi de déclassement mettant à jour le régime des zones dans ce secteur. Nous obtiendrons ainsi un ensemble cohérent, dans ce secteur, pour permettre au projet Obirama d'aboutir.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.

M 1140
14. Proposition de motion de Mmes et MM. Armand Lombard, Pierre Kunz, Jean-Claude Vaudroz, Jean-Philippe de Tolédo, Geneviève Mottet-Durand, Jacques Boesch, Marie-Françoise de Tassigny, Nelly Guichard, Elisabeth Häusermann, David Hiler, Micheline Calmy-Rey, Fabienne Blanc-Kühn et Janine Hagmann concernant une gestion régionale du soutien public au capital-risque. ( )M1140

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le besoin de gérer de façon partenariale, entre entreprises, secteur public et société civile, la création d'emplois et le développement d'un tissu socio-économique;

- la nécessité de soutenir des projets entrepreneuriaux, par l'apport de fonds propres de lancement, dits capital-risque;

- que la région formée par la Suisse occidentale permet une gestion du développement innovant, grâce à un bassin de population de 1,5 à2 millions d'habitants;

- le soutien apporté par de nombreux cantons et autres pouvoirs publics au capital-risque,

invite le Conseil d'Etat

1. à établir dans un délai de 2 ans un Conseil régional du capital de lancement ou toute autre institution remplissant les mêmes fonctions, disposant d'un capital de dotation pour assurer son fonctionnement;

2. à coordonner, par un pool ou réseau de compétences professionnelles apolitiques, les soutiens publics romands au capital-risque afin de rechercher les synergies les meilleures; le cas échéant, par la création d'un fonds romand d'investissement, et avec l'appui des banques cantonales;

3. à lui proposer toute mesure législative utile pour abolir les concurrences fiscales, immobilières, etc., intercantonales dans le développement économique afin de créer en 5 ans une politique régionale commune de développement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

De nouveaux projets créatifs

Un des moyens les plus sûrs d'améliorer le potentiel économique d'une région est de permettre la naissance de nouveaux projets, le développement de services créatifs ou de produits innovants. Ces projets sont les signes d'une vitalité éduquée de notre région de Suisse occidentale, romande ou lémanique. Avec des voies nouvelles, une dynamique économique et sociale se crée qui a tant manqué dans les années de grande satisfaction de l'après guerre et des Trente glorieuses.

Créer des emplois en créant des entreprises

Des emplois disparaissent lorsque s'éteint la flamme de la recherche et du développement. Mais des emplois se créent lorsque l'on stimule ce caractère privilégié de notre région, celui de l'innovation, de la culture technologique et sociale de pointe, de la curiosité pour les améliorations du bien-être de la société.

Du capital de lancement plutôt que du capital-risque

On a tort de conserver l'expression capital-RISQUE dans un secteur où les techniques de gestion permettent de suivre une entreprise naissante de manière à réduire ces risques qui paraissent inhérents à son développement. Les progrès sont grands depuis les tribulations des venture capitalists des années 80 pour inverser un taux de mortalité d'entreprise innovante de 80% dans les trois premières années d'existence, et assurer un suivi structuré qui permet, dès lors, de parler de capital de LANCEMENT, autrement plus positif.

Du capital-risque régional

Les gouvernements cantonaux de Suisse occidentale se sont tous intéressés au développement du capital-risque. La défection des grandes banques commerciales suisses dans ce secteur les y a incités.

Le tissu financier doit prendre une forme nouvelle et se recomposer, de façon partenariale :

- avec les investisseurs privés, ces «business angels» comme on les appelle aux Etats-Unis et qui ont réuni, en 30 000 clubs informels, plus de 20 milliards de dollars en apport capital-risque en 1995, avec aussi les institutions de prévoyance qui doivent privilégier l'investissement dynamique régional sans le maintien duquel le versement de ses rentes de vieillesse ne pourra jamais être assumé dans 10 ou 20 ans;

- avec les entreprises qui stimulent des équipes de recherche et qui renouvellent leur gamme de produits ou de services de peur de se retrouver avec un outil dépassé;

- avec l'apport public d'un Etat responsable de développer l'infrastructure de la communauté, que ce soit pour le logement, pour la circulation, les transports publics, la distribution énergétique ou que ce soit pour le maintien d'un tissu socio-économique en santé avec des emplois offerts et des marchés ouverts.

L'investissement régional de capital-risque ou de capital de lancement permet de stimuler l'emploi et de freiner, voire d'éradiquer grâce à une série de moyens judicieux, le chômage, cette anomalie scandaleuse d'une démocratie socio-libérale.

L'investissement dans ce qui est neuf et prospère, suivi avec des indicateurs et des outils compétents pour devenir un succès, est aussi une source de financement futurs. Les gains à réaliser sur des mises de fonds dans de jeunes entreprises dynamiques seront des véhicules profitables et positifs pour le financement des projets suivants. Il est nécessaire de rétablir cette dynamique de financement qui a quitté nos moeurs dans l'explosion économique facile des années 50 à 80.

Mise en commun régionale

Ces supports financiers accordés au capital-risque par des cantons bien intentionnés ne seront en place et prêts à bonne utilisation que lorsqu'ils seront basés sur une région complète et diversifiée. 200 000 habitants n'est pas la norme d'une société qui, en réseau décentralisé, organise sa vie et son développement à une échelle européenne ou même mondiale. La référence de masse critique actuelle est de l'ordre de 1 à 2 millions d'habitants. Cela représente la région lémanique et l'arc jurassien, regroupés en Suisse occidentale et, pourquoi pas, avec leurs voisins proches.

Les luttes fratricides sont à bannir pour obtenir chez soi, dans son canton, telle entreprise étrangère, pour attirer telle main-d'oeuvre de qualité, sont à bannir. La région est la norme qui permet le maintien de l'emploi et le developpement d'une société en santé. La coordination des entreprises du bassin d'emploi d'une région est désormais une règle de base d'existence équilibrée d'une communauté.

Certes, il ne s'agit pas de tout centraliser et alourdir. Une bureaucratie supplémentaire pourrait bien tuer définitivement notre région. A chacun sa spécificité, sa niche particulière de compétence ou de marché.

Mais que l'on coordonne, dans le cadre d'une politique de développement commune, élaborée ensemble ! Que les offres alléchantes pour l'accueil ou le développement soient développées dans un cadre commun et que les péréquations souhaitables soient mises en place pour que chacun profite d'un développement et pas un seul seulement.

L'urgence est grande

Les gouvernements doivent agir vite.

La présente motion est en phase d'être déposée dans tous les cantons romands à l'instigation du Forum interparlementaire romand (FIR), qui regroupe des parlementaires de tous les cantons.

Une crise structurelle est le meilleur moment pour créer de nouveaux instruments performants. La coordination des efforts de capital-risque est un aspect de cette dernière. Il s'agit d'utiliser comme une des pierres de l'édifice d'un développement actif, créateur d'emplois, de confiance dans les qualités de notre région et de plaisir d'améliorer le mieux-être de tous.

Débat

M. Armand Lombard (L). Après avoir fait, comme on dit, «un tour des popotes» de ce Grand Conseil, tout le monde est d'accord de demander, sans discussion, le renvoi de ce projet à la commission de l'économie qui dès lundi étudiera ce projet.

Je demande donc un vote immédiat sur le renvoi en commission.

Présidence de Mme Christine Sayegh, présidente

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.

M 1052-A
15. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Jean Spielmann et Pierre Vanek concernant des indemnités de chômage partiel touchées indûment par des employeurs. ( -) M1052Rapport de M. Bernard Clerc (AG), commission de l'économie
Mémorial 1996 : Développée, 2053. Renvoi en commission, 2063.
Rapport de Mme Claire Chalut (AG), commission de l'économie

La commission de l'économie a, lors de sa séance du 7 avril 1997, étudié la proposition de motion susmentionnée. Au cours de cette séance, le département de l'économie publique (DEP) nous a fait part de quelques éléments de réponse. Jugeant de la pertinence et de l'importance de certaines questions soulevées par cette motion, le président du DEP suggère à la commission de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin que ce dernier puisse y répondre, documents nécessaires à l'appui. La commission, après discussions, a décidé à l'unanimité de renvoyer celle-ci au Conseil d'Etat.

Cependant, il faut rappeler que cette motion a été élaborée à la suite de la constatation d'un certain nombre de cas concrets, comme celui du promoteur Magnin, lequel a touché des indemnités de chômage partiel alors qu'il disposait toujours de chantiers en cours de construction.

En effet, s'il est souvent fait mention d'abus de la part des chômeurs, il est plus rarement fait allusion aux abus faits par des employeurs. Il faut bien constater que les contrôles ne semblent pas toujours correctement effectués. Ils ont été faits, durant une période, par une seule personne, qui se trouvait par ailleurs en emploi temporaire !

Le DEP nous informe que les entreprises peuvent, en faisant la demande auprès de l'office cantonal de l'emploi, recourir à des réductions d'horaire en précisant le nombre de personnes concernées par cette mesure, le secteur de l'entreprise et la durée probable des difficultés et le pourcentage de l'horaire de travail, qui peut s'échelonner entre 20% et 85%. La réduction peut aller jusqu'à 12 mois sur une durée totale de 2 ans. Lorsque le pourcentage dépasse 85%, la mesure ne peut dépasser 4 mois sur une période de 2 ans, le but étant d'éviter à l'entreprise de devoir, à défaut, déposer le bilan.

La difficulté est que les entreprises disposent du choix de la caisse: les entreprises qui figurent sous la juridiction syndicale choisiront, de préférence, la caisse syndicale. Les risques d'aménagement et d'entente pourraient survenir entre employeurs et caisses, alors que ces dernières, faut-il le rappeler, sont censées exercer des contrôles sur les entreprises.

Le DEP précise également que le risque zéro n'existe pas et que les exemples soulevés par la motion ont été débusqués à la suite de tels contrôles. L'OFIAMT a été obligé d'intervenir à la suite de plusieurs cas d'abus. Les nouvelles directives pour l'obtention de réduction d'horaire sont rendues, aujourd'hui, plus difficiles.

Quelles sanctions en cas d'abus ?

Il faut distinguer deux types de sanctions : soit la restitution, en tout ou partie, des indemnités versées, soit une plainte pénale, selon la nature de l'infraction commise (faux dans les titres ou violation des dispositions pénales de la loi fédérale sur l'assurance-chômage). Les deux actions peuvent être cumulées. Les procédures sont souvent très longues et, comme cela se pratique en droit pénal administratif, les autorités d'instruction, ne considérant pas toujours ces procédures de manière urgente, délivrent une ordonnance de condamnation, ce qui prive ces affaires du caractère exemplaire.

D'autre part, le DEP donne quelques chiffres relatifs aux décisions en matière de réduction d'horaire pour l'année 1995 :

- la caisse cantonale a rendu 412 décisions en matière de réduction et a versé un total de 8,570 millions de francs;

- les caisses syndicales ont rendu 47 décisions et ont versé 5,519 millions de francs.

D'autre part, une enquête menée auprès de diverses caisses du canton, pour l'année 1995, a montré que:

- 1 520 contrôles, sur dossier, avaient été effectués par la caisse cantonale et 4 ont été faits par les caisses syndicales;

- 73 contrôles, sous forme de visites, ont été effectués par la caisse cantonale, 7 par les caisses syndicales.

Il est clair qu'il ne faut pas légiférer en fonction des seuls abus, mais il conviendrait de se doter des moyens suffisants pour les contrôles.

La question est loin d'être close et la matière importante. Ce sont là les raisons pour lesquelles la commission a décidé, à l'unanimité - et nous vous y invitons également, Mesdames et Messieurs les députés - de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Débat

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur ad interim. Je tiens simplement à signaler que la commission est unanime pour renvoyer ce projet au Conseil d'Etat. Nous souhaitons que les réponses à nos questions soient données dans des délais raisonnables.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant des indemnités de chômage partieltouchées indûment par des employeurs

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

1. à lui présenter un rapport sur les prestations versées par la caisse cantonale et les autres caisses genevoises de chômage aux employeurs dans le cadre des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail et en cas d'intempéries, en répondant plus particulièrement aux questions suivantes:

- combien de décisions d'octroi d'indemnités de réduction de l'horaire de travail ont été prises depuis 1991?

- quel a été le montant des indemnités versées?

- combien de décisions ont fait l'objet d'un contrôle tant quant aux conditions d'octroi qu'au respect des exigences relatives à l'horaire réduit?

- combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'une annulation et d'une demande de restitution des indemnités versées indûment? Dans combien de cas les indemnités indûment perçues ont-elles été remboursées et dans combien de cas ne l'ont-elles pas été?

- combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'un recours de la part de l'OFIAMT et avec quel résultat?

- combien de décisions de restitution d'indemnités ont donné lieu à des amendes ou des poursuites pénales?

2. à donner toutes les explications utiles relatives aux cas des prestations indûment touchées par certains employeurs, dont le promoteur immobilier visé par la présente motion (date de la décision ordonnant la restitution des indemnités et motifs pour lesquels l'office de l'emploi n'a pas encore statué), et les suites données à ce propos;

3. à lui soumettre une proposition de modification de la législation cantonale assurant un statut autonome à la caisse cantonale de chômage, conforme à son statut de caisse publique, en lui accordant les compétences décisionnelles résultant de la loi fédérale de chômage avec l'institution de voies de recours directes auprès de la commission de recours en matière de chômage et non auprès d'un service de l'administration.

R 334
16. Proposition de résolution de Mme et M. Pierre-Alain Champod et Fabienne Blanc-Kühn concernant le chômage et les allocations familiales. ( )R334

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'an dernier notre Grand Conseil a voté une nouvelle loi sur les allocations familiales. Cette nouvelle législation conditionne l'octroi des allocations d'encouragement à la formation - pour les jeunes de 18 à 25 ans qui poursuivent des études ou un apprentissage - à la situation financière des parents.

L'introduction de ce critère de ressources a pour conséquence une diminution des allocations de chômage des personnes qui ont des enfants aux études ou en apprentissage et qui ont un revenu supérieur aux normes fixées par la loi genevoise sur les allocations familiales.

Les indemnités de chômage représentent le 70% du salaire assuré. Ce taux est porté à 80% du salaire assuré pour les personnes qui ont des enfants à charge. L'ordonnance considère qu'un enfant est à charge s'il donne droit à des allocations familiales ou d'encouragement aux études (art. 33 OACI). L'application stricte de cette disposition a pour conséquence que les chômeurs et chômeuses qui ont un enfant aux études ou en apprentissage ne touchent que le 70% de leur dernier salaire si leur revenu est en dessus des normes fixées par la législation genevoise sur les allocations familiales.

A partir du 1er janvier 1997, ces chômeurs sont doublement pénalisés, non seulement ils ne bénéficient plus des allocations de formation, mais en plus leurs indemnités de chômage passent de 80% à 70% de leur salaire assuré.

Cette diminution des prestations de chômage n'a pas été voulue par les députés genevois et ne correspond pas à la volonté du législateur fédéral. En effet, le commentaire du projet d'ordonnance sur l'assurance-chômage du 21 septembre 1995 précise à propos de l'article 33 que: «chaque personne ayant une obligation d'entretien envers un enfant touche une indemnité au taux de 80%».

Compte tenu de ce qui précède, il serait souhaitable que le Conseil fédéral prenne en compte la législation particulière du canton de Genève et modifie l'ordonnance de la LACI pour permettre à l'ensemble des chômeurs qui ont des enfants de moins de 25 ans, qui poursuivent des études ou un apprentissage et qui sont à leur charge, de toucher des indemnités de chômage représentant le 80% de leur salaire assuré.

Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement cette résolution.

Débat

M. Pierre-Alain Champod (S). L'an dernier, le Grand Conseil a voté une nouvelle législation sur les allocations familiales. Dans le cadre de cette refonte des allocations familiales, le versement des allocations pour les personnes ayant des enfants de plus de 18 ans qui poursuivent des études ou un apprentissage a été transféré des caisses d'allocations familiales au service des bourses d'étude et d'apprentissage.

Dans les travaux que nous avions effectués à cette époque, nous avions également instauré une clause de revenus pour bénéficier de cette allocation de 220 F pour les personnes ayant des enfants âgés de 18 à 25 ans. Lorsque nous avons voté ce projet de loi, aussi bien en plénière que dans les discussions en commission, nous n'avions pas imaginé qu'il pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour un certain nombre de parents qui sont au chômage.

Il convient ici de rappeler que les personnes ayant des enfants à charge et qui sont au chômage touchent 80% de leur dernier salaire; celles qui n'en ont pas ne touchent que 70%. Comment la notion d'enfant à charge est-elle définie par la loi ? L'article 33 du règlement d'application de la LACI stipule : «...qui a une obligation d'entretien envers des enfants si l'assuré a droit à des allocations pour enfant ou de formation professionnelle en vertu du droit cantonal sur les allocations familiales.»

A partir de ce que je viens de dire, deux situations se présentent :

- Les personnes qui sont au chômage dont le revenu familial dépasse les limites donnant droit aux 220 F d'allocations. Ces personnes touchent 70% seulement de leur indemnité de chômage, les autorités fédérales considérant qu'elles n'ont pas d'enfant à charge.

- Les personnes qui entrent dans les limites de revenu fixées par la législation genevoise. Actuellement, les caisses de chômage versent 80% du dernier salaire, mais cette décision des caisses genevoises est contestée par l'OFIAMT. En effet, le règlement stipule que la prestation doit venir de la loi des allocations familiales. Or, à Genève, elle vient de la loi sur les allocations et les bourses d'études.

En conséquence - et c'est le but de cette résolution - notre Grand Conseil doit rendre les autorités fédérales attentives à ce problème pour bien montrer que la volonté du législateur genevois n'était pas de priver les personnes ayant des enfants entre 18 et 25 d'une partie des indemnités de chômage.

D'autre part, je vous signale que des parlementaires genevois qui siègent à Berne sont également intervenus dans le même sens que cette résolution.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce soir cette résolution au Conseil fédéral.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Souvent, pour un nouveau progrès social, la pratique d'une loi met en lumière quelques contradictions face aux objectifs initiaux. Cela est regrettable, car cela concerne des familles qui se trouvent déjà en situation de fragilité suite au chômage.

En effet, la prise en compte de la nouvelle loi genevoise en matière d'allocations familiales montre que son interprétation au niveau fédéral pénalise les chômeurs genevois. Cela est certainement dû à une incompréhension des législateurs fédéraux.

Il est donc impératif de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral pour qu'il puisse reconsidérer la LACI. C'est la recommandation expresse du groupe radical.

M. Bernard Clerc (AdG). Nous ne serions pas en train de discuter de cette résolution si nos amendements, lors du débat sur la loi sur les allocations familiales, avaient été suivis, notamment celui prévoyant le rétablissement des allocations familiales jusqu'à l'âge de 25 ans.

Alors, évidemment, si on part d'une modification comme celle-là et qu'elle induit par la suite un certain nombre de conséquences en cascade, il ne faut pas s'étonner que l'on soit contraint d'essayer d'autres mesures telles que cette résolution dont on peut d'ailleurs malheureusement douter qu'elle débouche sur quelque chose de positif.

Nous la soutiendrons néanmoins, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, mais, une fois encore, nous avons la démonstration que la fameuse théorie selon laquelle il faut donner à ceux qui en ont besoin - en l'occurrence, on a supprimé les allocations familiales à six mille jeunes sous prétexte de ne donner qu'à ceux qui étaient dans les normes des allocations d'apprentissage et de bourses d'études - engendre un cumul de désavantages en cascade qui se portent sur une partie de la population, notamment la classe moyenne.

Cette résolution permet justement de faire cette démonstration. C'est la raison pour laquelle je tenais à mettre ces éléments en évidence.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Il est exact que la nouvelle loi cantonale sur les allocations familiales a créé des distorsions dans l'application de la législation fédérale en matière d'assurance-chômage, en particulier au regard de la nouvelle ordonnance d'application de la LACI révisée. Le problème est donc réel. Il a été débattu dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi avec les partenaires sociaux.

Je suis en mesure de vous indiquer que le 9 avril 1997 le Conseil d'Etat est intervenu auprès de M. Delamuraz pour lui demander de mettre en chantier une révision de l'ordonnance. Par courrier du 2 mai 1997, M. Delamuraz m'a répondu en disant qu'il était conscient du problème de l'existence de cette inégalité de traitement entre assurés, et qu'une modification des dispositions de la LACI et de l'OACI devait être envisagée à brève échéance.

Dans ce contexte, cette résolution est utile pour deux raisons.

D'abord, parce qu'elle montre que le parlement appuie cette démarche du Conseil d'Etat et, ensuite, parce qu'elle peut avoir pour effet de confirmer ce que nous avons l'intention de dire à l'autorité fédérale : il n'est pas nécessaire de modifier la loi - ce qui serait de toute évidence trop long - il suffit de traiter ce point au niveau de l'ordonnance pour arriver au résultat souhaité.

Cette résolution devrait effectivement être renvoyée non pas aux Chambres fédérales, Monsieur Champod, mais directement au Conseil fédéral, et nous en appuierons son soutien.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant le chômage et les allocations familiales

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que la législation sur le chômage prend en compte les enfants à charge dans la fixation des indemnités;

- que la nouvelle législation genevoise sur les allocations familiales entrée en vigueur le 1er janvier 1997 conditionne l'octroi des allocations d'encouragement à la formation à la situation financière des parents;

- que cette nouvelle législation sur les allocations familiales pénalise une partie des chômeuses et des chômeurs genevois qui ont des enfants en études ou en apprentissage,

invite le Conseil fédéral

à modifier l'ordonnance de la loi sur le chômage afin de considérer comme charge de famille les jeunes adultes qui poursuivent des études ou un apprentissage indépendamment du fait que leurs parents soient au bénéfice d'une allocation d'encouragement à la formation.

 

La présidente. Nous passons au point 34 de notre ordre du jour, réplique de Mme Fabienne Blanc-Kühn à la suite de la réponse orale du Conseil d'Etat à son interpellation 1980, «La SIP de demain : quel futur pour les travailleuses et les travailleurs ?». Mme Fabienne Blanc-Kühn, vous avez la parole !

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). La SIP ayant une longue histoire, je répliquerai lors d'une session ultérieure.

La présidente. Bien, nous agenderons de nouveau votre réplique !

PL 7611
17. Projet de loi de Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Vesca Olsommer et Erica Deuber-Pauli sur le partenariat. ( )PL7611

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Sont partenaires au sens de la présente loi 2 personnes reconnues comme tels par l'autorité compétente.

2 La reconnaissance est accordée sur requête commune de 2 personnes qui:

a)

sont majeures;

b)

sont capables de discernement;

c)

ne sont pas mariées, ni déjà partenaires au sens de la présente loi;

d)

sont domiciliées dans le canton ou s'apprêtent à y prendre domicile;

e)

s'engagent à faire ménage commun;

f)

se reconnaissent mutuellement le droit de partager la demeure commune et

g)

s'engagent à contribuer chacune dans la mesure de ses moyens aux besoins de leur ménage et à se prêter assistance et secours.

3 Les engagements doivent résulter d'un acte écrit. Cet acte peut être signé devant un officier d'état civil.

4 L'officier d'état civil du domicile genevois de l'un des requérants est compétent pour enregistrer les engagements et accorder la reconnaissance.

5 La commune délivre une attestation de partenariat sur demande de l'un des partenaires.

Art. 2

1 Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant l'officier d'état civil de leur domicile ou du lieu de leur ménage commun. L'officier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

2 La commune est compétente pour révoquer la reconnaissance des partenaires dès lors que l'une de ses conditions fait défaut, notamment en cas d'absence prolongée de vie commune.

3 La suspension de la vie commune en vue de fréquenter une école ou motivée par le service militaire, le placement dans un hospice, un hôpital, une maison de détention ou toute autre institution ainsi que le transfert du ménage commun des partenaires hors du canton, ne constituent pas des motifs de révocation de la reconnaissance.

Art. 3

1 Les dispositions légales et réglementaires concernant les conjoints s'appliquent par analogie aux partenaires dans tous les domaines régis par le canton.

2 Le canton reconnaît le statut de partenaire de toute personne enregistrée comme tel ou au bénéfice d'un certificat de vie commune dans un autre canton ou pays.

Art. 4

1 A défaut de stipulation contraire les dispositions du code civil suisse concernant le régime de la séparation de biens (art. 247 à 251CCS) s'appliquent par analogie à la jouissance et à l'administration des biens des partenaires.

2 Le partenaire titulaire du bail ou propriétaire du logement commun ne devra sans le consentement exprès de l'autre partenaire ni résilier le bail, ni aliéner le logement commun, ni affecter par d'autres actes les droits dont dépend celui-ci. Les obligations envers le bailleur et les droits de celui-ci sont réservés.

3 Cette obligation cesse à l'expiration d'un délai de6 mois au moins après enregistrement officiel de la déclaration ou décision mettant fin au partenariat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les modes de vie ont subi ces dernières décennies en Suisse comme ailleurs de profondes mutations qui ont conduit à un décalage croissant entre le droit et la réalité sociale.

Le mariage n'est, de loin, plus la seule forme de vie en commun pour deux personnes. Les communautés familiales composées des parents et enfants de plusieurs générations ont presque disparu. De nombreux ménages familiaux formés par des couples mariés ne vivent plus avec des enfants âgés de moins de 18 ans. Le nombre des divorces augmente. De plus en plus de personnes choisissent de vivre en communauté avec d'autres personnes ou de partager à deux le «toit, la table et le lit» ou seulement le «toit et la table» sans convoler en mariage. Quant au «concubinage homosexuel il tend à se normaliser». Selon un sondage effectué en Suisse en juin 1995, une majorité des personnes interrogées est favorable à l'égalité des droits des homosexuels.o

Or, aucune de ces formes de vie commune ne fait l'objet d'une réglementation, voire d'une attention quelconque de la part du législateur suisse, ce qui expose ceux et celles qui les ont choisies à des difficultés majeures. Ce n'est qu'en matière de saisie pour dettes ou d'assistance publique que l'Etat, non sans une certaine hypocrisie, reconnaît de facto la vie commune hors mariage en réduisant par exemple les prestations de l'Hospice général et de l'assistance juridique d'une personne qui partage son appartement avec un partenaire dont on peut attendre qu'il contribue à son entretien, ou en matière de prétentions alimentaires après divorce, puisque celles-ci s'éteignent à l'égard d'un ex-conjoint qui vit en concubinage depuis cinq ans ou plus (ATF 109 II 188 et suivants).

Le présent projet de loi ne vise pas à réglementer toutes les formes de vie commune hors mariage mais à offrir à ceux et à celles qui ont choisi de vivre à deux sans se marier, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé, les aménagements nécessaires à l'épanouissement et la protection de leur communauté et les mêmes avantages fiscaux qu'aux couples mariés.

Deux personnes qui vivent ensemble sans être mariées se voient confrontées tous les jours à des réglementations qui font obstacle à l'épanouissement de leur vie commune tandis que les conjoints mariés bénéficient de nombreux aménagements et facilités même s'ils ne vivent plus sous le même toit, n'ont pas d'enfants ou ne sont plus unis que par le parchemin qui consacra leur union.

Ainsi, seul le conjoint marié et les «proches», membres de la famille, sont autorisés selon la loi actuelle à Genève à entourer le mourant à l'hôpital «sans contrainte d'horaire et dans un environnement approprié» ou à s'opposer à un internement psychiatrique ou encore à obtenir du médecin traitant des informations sur l'état de santé du malade tandis que le ou la partenaire qui partage la vie, le toit et peut-être même le lit du malade est privé-e de ces aménagements et traité-e en étranger-ère. La vie intime des deux partenaires non mariés n'est pas protégée et peut être exposée lors d'un procès civil, pénal ou administratif, car seul le conjoint marié ou divorcé et les proches, membres de la famille, peuvent refuser de témoigner. Quant aux statuts de la Caisse de pension des fonctionnaires du canton de Genève, ils n'autorisent pas la désignation du partenaire de vie comme bénéficiaire privilégié des prestations. Enfin, selon la législation cantonale actuelle, le survivant non marié doit s'acquitter au décès de sa compagne ou de son compagnon de vie, s'il a été institué héritier et que les héritiers légaux ne s'opposent pas au testament, d'un impôt sur la succession pouvant aller jusqu'à 54% alors que le conjoint sans enfant n'est taxé qu'à 9%, même si, par hypothèse, il ne partage plus depuis longtemps le même toit que le défunt.

Un souci élémentaire d'humanité exige que, dans tous ces domaines, la personne qui partage votre vie soit assimilée à un «conjoint».

Le présent projet de loi ne touche pas aux domaines des permis de séjour, de l'adoption ou du droit des successions, qui sont de la compétence exclusive de la Confédération. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'attendre une réglementation de la vie en commun hors mariage au niveau fédéral pour accorder aux partenaires non mariés, qui vivent ensemble et se promettent aide et assistance, les mêmes facilités qu'aux conjoints mariés dans tous les domaines qui sont régis par le droit cantonal. Le présent projet de loi ne vise qu'à compléter la législation cantonale en étendant aux partenaires non mariés, dûment enregistrés auprès de l'officier d'état civil, les droits et obligations qu'elle confère ou impose aux conjoints mariés. Il s'agit donc de l'exercice par le canton d'une constellation de compétences cantonales, et en l'occurrence en vue d'adapter la législation existante à l'évolution des esprits.

Rappelons que le canton de Berne a adopté récemment une disposition qui va dans le même sens. L'article 13, alinéa 2, de sa nouvelle constitution garantit en effet à chacun «la liberté de choisir une autre forme de vie en commun». Le professeur Walter Kälin et Urs Bolz commentent cet article comme suit:

«L'alinéa 2 consacre un nouveau droit fondamental. Le mariage n'est (plus) la seule forme de vie en commun pour un couple. C'est pourquoi l'alinéa 2 consacre le droit d'opter pour une autre forme de vie en commun. Ce droit n'appartient pas uniquement aux partenaires de sexes différents. C'est dire que les communautés d'homosexuels ou de lesbiennes bénéficient également de la garantie de l'alinéa 2. De l'avis de la commission, seules les formes de vie en commun durables sont visées par l'alinéa 2. L'article 10, alinéa 1, protège les autres formes de partenariat des discriminations. (...) L'article 13 va plus loin que l'article 10, alinéa 1, notamment en ce sens qu'il laisse entendre que les formes de vie en commun doivent être préférées à la vie en solitaire.»

«Le législateur cantonal est naturellement lié par le droit fédéral dans ce domaine également. Par conséquent il faut se référer au Code civil suisse et non à l'article 13, alinéa 2, pour savoir si les couples d'homosexuels peuvent se marier ou adopter des enfants (voir message concernant la garantie de la Constitution, FF 1994 I 407). Seules les formes de vie en commun ne violant pas le droit pénal sont garanties.»

Les Länder allemands de Brandebourg, Thuringue et Berlin consacrent eux aussi dans leur constitution la protection des communautés de vie hors mariage. Une proposition analogue a été approuvée par la majorité de la Commission constitutionnelle d'Allemagne en vue d'une modification de la loi fondamentale allemande. Aussi bien la Cour constitutionnelle allemande que la Cour suprême hollandaise ont jugé que, si les couples homosexuels ne sont certes pas autorisés à se marier, l'absence de législation accordant à ce genre de partenariat une reconnaissance juridique pouvait être contraire à la constitution. La Cour constitutionnelle italienne a, quant à elle, invité le législateur en juin 1993 déjà à créer les conditions légales de la reconnaissance des communautés de vie hors mariage.o La Hongrie connaît depuis fort longtemps une loi sur «la vie commune» qui accorde aux couples non mariés vivant de manière continue une communauté de vie et de lit à peu près les mêmes droits et obligations qu'aux conjoints mariés. Suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle hongroise du 8 mars 1995,o le Parlement hongrois a décidé le 21 mai 1996 d'étendre cette loi aux partenaires homosexuels.o En 1994, l'Espagne a institué l'égalité de traitement des partenaires non mariés d'un défunt avec les conjoints mariés pour la reprise d'un bail.o A ce jour, 70 communes des Pays-Bas, 35 villes ainsi que les régions de Valence et des Asturies en Espagne,o Pise,o Anverso et six districts de Paris ont créé des institutions sous la dénomination de «certificat de vie commune» ou «partenariat enregistré» ouvertes aux couples non mariés faisant ménage commun, avec des conséquences juridiques diverses.

Compétences cantonales

La compétence de légiférer en matière civile appartient à la Confédération (art. 64, al. 2, Constitution fédérale). Le droit des personnes et de la famille, en particulier le mariage et l'adoption, relève typiquement du droit civil. Il est admis que la Confédération a épuisé sa compétence et que les cantons ne peuvent plus légiférer dans ce domaine. Les avis sont toutefois partagés quant à savoir si les cantons conservent dans ce domaine, en vertu de l'article 6, alinéa 1, du Code civil suisse (CSS) la compétence d'édicter des règles de droit public, c'est-à-dire des dispositions servant principalement (mais non exclusivement) l'intérêt général pour autant que l'intérêt public soit pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil ni n'en contredisent le sens ou l'esprit. Le projet de loi satisferait en tout cas à ces conditions puisqu'il ne touche pas au domaine du mariage et de l'adoption et poursuit un intérêt public aussi légitime que celui qui tend, par exemple, à promouvoir l'égalité entre l'homme et la femme.

Cependant, l'institution sociale du «partenariat enregistré« ne relève à notre avis pas de l'article 6, alinéa 1, CCS puisque les dispositions proposées n'y attachent aucun effet de droit civil et ne touchent pas au mariage. Il ne s'agit pas non plus d'un passage obligé pour être autorisé à vivre ensemble, puisque deux personnes vivant ensemble restent libres de requérir ou non l'enregistrement de leur vie commune. Ce projet de loi relève du seul domaine des compétences cantonales (fonction publique, fiscalité, santé, instruction, procédure civile, administrative et pénale, assistance publique, etc.) que les cantons peuvent réglementer comme ils l'entendent en tenant compte de la réalité sociale. Ils peuvent faire dépendre des droits et obligations dans ces domaines-là d'une situation patrimoniale ou sociale particulière, par exemple du nombre des enfants, ou encore de l'existence ou de l'absence de vie commune, ce qui se fait déjà en matière d'assistance publique. L'enregistrement des personnes qui souhaitent bénéficier de la loi ne sert qu'à garantir une certaine sécurité juridique dans son application, car sans enregistrement il serait difficile de déterminer sans risque d'arbitraire qui satisfait aux conditions fixées par la loi pour bénéficier de ses avantages, si deux personnes vivent ensemble de manière durable, s'ils ont pris des engagements de solidarité entre eux, etc. On peut enfin relever qu'en donnant son approbation au nouvel article 13, alinéa 2, de la Constitution bernoise, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, qui garantit «la liberté de choisir une autre forme de vie en commun», le Conseil fédéral a reconnu aux cantons la compétence de légiférer pour protéger certaines formes de vie commune hors mariage de toute discrimination.

Méthodes

Deux méthodes s'offrent au législateur pour atteindre le but visé par le projet de loi, à savoir conférer sur le plan cantonal aux partenaires reconnus les mêmes droits et obligations qu'aux conjoints. La première méthode consiste à décréter que toutes les dispositions cantonales légales et réglementaires concernant les conjoints s'appliquent par analogie aux partenaires, ce qui signifie que les droits et obligations qu'une loi ou disposition cantonale accorde ou impose à un conjoint marié sont automatiquement accordés ou imposés aussi aux partenaires reconnus au sens de la nouvelle loi qui prime les dispositions légales antérieures. C'est la voie choisie ici (voir art. 3, al. 1). Elle est la plus simple et la plus concise. L'autre méthode consiste à rechercher dans la législation cantonale et dans les règlements et dispositions statutaires des établissements publics les éléments qui visent à accorder aux conjoints des droits et obligations particuliers sur le plan cantonal et d'ajouter après chaque occurrence de «conjoint»: «et partenaire reconnu». Il appartiendra à notre avis à la commission de se déterminer sur la méthode à adopter.

Il serait également possible d'accompagner la modification de la loi par une modification de la constitution à l'image de ce qui a été fait dans le canton de Berne, certes à l'occasion d'une révision totale. Ainsi on pourrait par exemple compléter l'article 2B de la Constitution genevoise qui dispose que «la famille est la cellule fondamentale de la société. Son rôle dans la communauté doit être renforcé», par une disposition qui pourrait avoir la teneur suivante: «Les formes de vie en commun hors mariage sont protégées; les conjoints et partenaires reconnus sont égaux en droit; la loi règle les conditions de reconnaissance des partenaires». Mais nous pensons que cela n'est ni nécessaire ni utile puisque la modification légale souhaitée, n'ayant aucune incidence sur le droit civil, ne porte pas atteinte à la prééminence du rôle de la famille.

Commentaire article par article

Article 1: L'emploi dans la législation cantonale des termes partenariat ou partenaires renvoie à une notion dont le contenu doit être précisé. La solution proposée consiste à accorder, sur demande, une reconnaissance officielle aux relations hors mariage de deux personnes lorsque certaines conditions, limitativement énumérées à l'alinéa 2 de la loi, sont respectées. Parmi ces conditions figure un engagement formel d'assistance mutuelle car l'extension aux partenaires des facilités accordées aux conjoints ne nous paraît justifiée qu'en raison d'une communauté de vie fondée sur la solidarité.

L'autorité la plus appropriée pour enregistrer cet engagement de solidarité, vérifier si les conditions du partenariat sont réalisées et accorder la reconnaissance nous semble être l'officier d'état civil de la commune de domicile genevoise de l'un des partenaires qui sera aussi compétent pour délivrer l'attestation de partenariat nécessaire pour faire valoir les droits qui y sont attachés. L'un des deux futurs partenaires devra déjà être domicilié à Genève avant de pouvoir obtenir la reconnaissance par un officier d'état civil de notre canton.

Article 2: Le partenariat prend fin soit parce que les conditions énumérées à l'article 1, alinéa 2, de la loi ne sont plus remplies, ce qui entraînera la révocation de sa reconnaissance par la commune, soit parce que les partenaires décident de se séparer. Et comme il faut être deux pour vivre ensemble, il suffira qu'un seul des partenaires déclare à l'officier d'état civil vouloir mettre fin à la communauté de vie pour que le partenariat prenne fin. Si les effets liés à la reconnaissance du partenariat, comme par exemple les avantages fiscaux ou les facilités de visite dans les hôpitaux, prennent fin le jour de la révocation ou déclaration de résiliation, d'autres effets subsisteront jusqu'à l'échéance d'un certain délai. Ce sera le cas des droits liés à l'usage du logement (voir art. 4, al. 3), car il est inconcevable qu'un partenaire puisse mettre sa compagne ou son compagnon à la porte par une simple déclaration unilatérale. Quant aux effets patrimoniaux ils subsisteront, comme en matière de liquidation du régime matrimonial ou d'une société, jusqu'à l'issue d'une procédure de liquidation des biens.

Article 3: Cet article constitue le corps de la loi. Il définit les effets liés à la reconnaissance des partenaires.

Article 4: Cet article règle, d'une part, les effets patrimoniaux de la communauté des partenaires en renvoyant à des dispositions du droit civil fédéral concernant les conjoints. Mais celles-ci ne s'appliqueront qu'à titre subsidiaire si les partenaires n'ont pas pris d'autres dispositions et seulement à titre de droit cantonal supplétif. D'autre part, il institue une interdiction de droit public faite aux partenaires de résilier le bail, d'aliéner le logement commun ou de restreindre par d'autres actes juridiques les droits dont dépend le logement commun. Cette interdiction ne prendra fin que six mois après la fin du partenariat. En outre, elle ne déploiera d'effets qu'entre les deux partenaire, et ne pourra pas être opposée au bailleur, puisque le droit cantonal ne peut restreindre des droits civils de celui-ci régis exclusivement par le droit fédéral (Code des obligations) mais liera les partenaires entre eux. En d'autres termes, le partenaire qui est seul titulaire du bail du logement commun pourra valablement résilier celui-ci, sans l'accord de l'autre partenaire, mais il s'exposera à devoir réparer le préjudice subi par le partenaire lésé du fait de la résiliation non autorisée par celui-ci du bail.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer le présent projet en commission pour examen plus approfondi.

Préconsultation

M. René Longet (S). Vous l'aurez compris, c'est un projet de loi qui introduit au sein de ce parlement un thème de société, un thème qui pose les problèmes politiques d'une façon à laquelle nous ne sommes pas nécessairement accoutumés. Ce problème de société touche de nombreux habitants de ce canton, au-delà de leurs préférences politiques et partisanes, au-delà de leur âge, au-delà de leur nationalité, au-delà de leur sexe. Ces habitants comptent sur nous - élus de la population, c'est notre rôle d'être à l'écoute - pour résoudre les problèmes concrets qu'ils subissent dans leur vie de tous les jours.

Mesdames et Messieurs, dans notre société libérale - sur ce plan, nous, socialistes, sommes en accord avec une conception libérale de l'existence; je dis bien sur ce plan... - les individus choisissent et le projet de loi est le reflet... (Brouhaha.) ...de la liberté de choix; des choix de vie faits par les personnes qui composent une société. Des individus parfaitement honorables choisissent de vivre seuls - mieux vaut être seul que mal accompagné, dit-on parfois. D'autres choisissent la voie séculaire, millénaire du mariage...

Nous sommes tous conscients que ces deux situations n'épuisent pas le sujet. Vivre seul n'est pas nécessairement satisfaisant. (Brouhaha.) Bien, j'attends un peu que cela se calme...

La présidente. Nous continuons !

M. René Longet. Vivre seul n'est pas forcément un choix; vivre marié, non plus. Alors, c'est à nous de prendre acte de l'évolution de la société et de considérer aussi que, si nous sommes nombreux ici à avoir choisi la forme du mariage, cette forme ne se signale pas, statistiquement en tout cas, par un taux de succès spectaculaire. Ce n'est pas à nous de dire comment les gens doivent organiser leur vie; c'est encore leur libre choix.

C'est cela la société civile dans sa créativité et sa liberté. Tout à l'heure, les libéraux avaient l'air de penser qu'ils ne se sentaient pas concernés par cette réflexion, mais, je le répète, la créativité de la société libérale devrait aussi vous concerner ! Cette créativité a réagi concrètement en inventant de nouveaux modes de vie, de nouveaux modes de fonctionner. Certaines personnes - plus nombreuses que vous ne le pensez - qu'elles soient du même sexe ou non - j'insiste sur ce point - partagent des biens, un logement, une vie ou une partie de la vie sans pouvoir ou vouloir choisir la seule forme du mariage. C'est ce problème que nous devons non régler mais assumer, dans la justice.

Voilà quelques décennies, dans de nombreux cantons, cette forme de vie qui s'appelait autrefois le concubinage était réglementée par la négative. Il était interdit de vivre ensemble sans être marié. Aujourd'hui nous sommes passés par une phase où cela ne regarde plus le législateur, et plus aucun canton en Suisse ne gère cet état de chose par la négative. Maintenant, nous devons réglementer certains états de fait de façon positive, en constatant que le fait de vivre ensemble crée des droits, des obligations, que l'on ne peut pas casser comme cela; crée des proximités qu'il faut reconnaître. Il faut accompagner les personnes malades et être considéré comme un proche, comme un partenaire. Il faut savoir que des personnes ont acquis des biens ensemble et il faut reconnaître la propriété de ces biens tout autant que ceux qui ont signé des contrats. Il faut que la législation mette en forme ce que la vie a créé, la vie de notre société d'aujourd'hui, ni plus ni moins.

Encore un mot. J'ai entendu ce commentaire : il ne s'agit aucunement d'un mariage bis, ni de faire comme si les gens étaient mariés, une sorte de mariage au rabais. Cela ne nous intéresse aucunement. L'objectif est de reconnaître les situations telles qu'elles sont et de faire droit à la réalité. Il est peut-être possible de résoudre les problèmes autrement. La seule chose que nous ne pourrions pas admettre serait de ne pas les résoudre du tout.

Nous vous proposons de traiter la suite en commission.

M. Bernard Lescaze (R). J'aimerais vous convaincre de la nécessité d'un tel projet de loi. En effet, cette loi est nécessaire pour différentes catégories de personnes et pas seulement celles auxquelles certains pensent immédiatement. (Rires.) Un certain nombre de personnes âgées ne souhaitent pas se marier pour des raisons évidentes. Elles vivent ensemble et ont besoin, en fin de vie, d'avoir quand même, d'une certaine manière, une reconnaissance des liens qu'elles ont eus. Ne serait-ce que pour elles, ce projet de loi est nécessaire.

Il est vrai que les compétences cantonales dans ce domaine sont très faibles. Il est vrai également que les initiateurs de ce projet souhaitent que ce type de partenariat ait des droits et des devoirs, notamment des devoirs en matière fiscale. Il n'est pas question de ne donner que des droits.

Je dois le dire, j'ai été stupéfait de lire, il y a quelque temps, dans un grand quotidien de la place, la déclaration, sous la plume d'un journaliste que je pensais mieux inspiré, selon laquelle le seul but du mariage était la procréation et la survie de l'espèce... (Rires et remarques.)

Une voix. Des noms ! Qui a la plume inspirée ? (Rires.)

M. Bernard Lescaze. A ceux qui ironisent sur les buts du mariage je rappellerai que le député Hiler a lui-même répondu dans le même journal, le lendemain, que le nombre d'enfants nés hors mariage ne cessait, à Genève même, de s'accroître.

Je pourrai continuer en vous donnant non pas un cours de droit romain - vous vous ennuieriez tous - mais en vous signalant qu'à d'autres époques que la nôtre existaient différents liens juridiques du mariage, et que certains liens du mariage en droit romain étaient absolument indissolubles, notamment la confarreatio pour le mariage des patriciens; il y avait d'autres types d'union moins strictes telles que le coniubium. Il n'y a donc aucune raison que notre société ne soit pas aussi imaginative.

Bien entendu, nous n'en sommes pas là. Ce soir, nous proposons de modifier ce qui est de notre compétence cantonale de manière tout à fait modeste, mais malgré tout innovatrice et créatrice. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de faire bon accueil à ce projet. Pour une fois, c'est un projet de loi qui ne coûtera rien à l'Etat et à la collectivité, mais il rendra de grands services à de très nombreux citoyennes et citoyens qui payent des impôts.

Je vous remercie de le renvoyer à la commission judiciaire.

M. Bénédict Fontanet (PDC).

M. Olivier Lorenzini. Dis la vérité, Ben ! (Rires.)

M. Bénédict Fontanet. J'ai bien commencé la séance, je tâcherai de bien la finir ! J'essayerai d'être plus sérieux; le ton adopté par M. Lescaze m'apparaît plus judicieux que la franche rigolade à laquelle m'invite le président du groupe démocrate-chrétien, qui, chacun le sait, ne manque pas d'humour et de finesse... N'est-ce pas, mon cher Olivier ? (Rires.)

M. David Hiler. La finesse !

M. Bénédict Fontanet. Ce projet de loi nous interpelle certes, mais il nous surprend un peu. En effet, on nous dit que le mariage est quelque chose de particulièrement compliqué et difficile et qu'il est insupportable de se marier. Je peux comprendre qu'il y ait des réfractaires, mais le droit du mariage a quand même beaucoup évolué ces dernières années. Il est relativement simple de se marier, il est relativement simple - et il le sera plus encore bientôt - de divorcer. (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.) Quelqu'un dans ce Grand Conseil pourra-t-il une fois expliquer à M. Dupraz que les avocats ne sont pas subventionnés contrairement aux agriculteurs ? (Rires et applaudissements.) Avec la grande gueule qu'il a, M. Dupraz a vraiment raté sa vocation ! John, tu viens quand tu veux chez moi à l'étude pour y faire un stage, mais tu seras payé comme les stagiaires normaux : sans subvention ! (Rires.)

M. John Dupraz. Mon fils est en train de passer ses examens !

La présidente. On va recibler le débat ! Si vous permettez, nous parlions de partenariat !

M. Bénédict Fontanet. S'agissant des couples hétérosexuels en tout cas, le fait de se marier ou non est un choix. Il est un peu curieux que certains veuillent faire supporter ce choix à la société. En effet, de l'institution du mariage découlent aujourd'hui de nombreuses conséquences juridiques dans le domaine du droit de la sécurité sociale notamment, dans celui du droit de la famille, et en instituant en lieu et place un mariage bis ou ter, Monsieur Lescaze, on complique quand même singulièrement la tâche des autorités qui sont censées appliquer tout le tissu de lois existantes.

Alors, d'accord, on peut vouloir se marier ou non. J'estime que c'est un choix. J'en ai fait l'expérience et, pour l'instant, je ne la regrette pas. Cela ne me semble pas si compliqué...

Une voix. Et Claude Blanc !

M. Bénédict Fontanet. Claude Blanc ignore totalement de quoi il s'agit ! (Rires.) Inventer un concept difficile à cerner dans les faits comme celui du partenariat pour imposer un certain nombre de choses qui engendreraient toute une série de conséquences résultant d'autres législations est un exercice périlleux ! Ce sont les autorités et la société qui supporteront les conséquences d'un choix de type personnel, ce qui n'est pas juste. Cela me surprend, et je ne suis pas certain - je ne veux pas faire de juridisme, ce soir, et je serais bien incapable de citer les auteurs romains que M. Lescaze cite avec beaucoup d'érudition - qu'il soit possible d'inventer une sorte de mariage bis.

Alors, refaisons le droit du mariage au plan fédéral ! Inventons d'autres pistes ! Mais je ne crois pas souhaitable de le faire pour les couples hétérosexuels.

Les couples homosexuels n'ont pas ce type de choix; après tout, même si ce n'est pas un choix de leur part, je ne crois toutefois pas qu'il faille mettre une institution spécifique en place. Mais je suis sensible à l'aspect droit des successions et à celui de la sécurité sociale en matière de rentes pour des personnes qui ont passé toute une vie ensemble. Il m'apparaît que les conséquences de notre législation - de droit fiscal notamment - sont excessives et qu'il n'est pas normal, lorsque l'un des deux partenaires d'un couple homosexuel vient à décéder, que l'autre doive payer 54% d'impôts sur les biens qui lui sont légués si les dispositions nécessaires n'ont pas été prises au préalable.

S'agissant des autres, soit des couples hétérosexuels, je pars du principe qu'il s'agit d'un choix et que ceux qui choisissent de continuer à vivre sans se marier doivent en assumer les conséquences, parce qu'après tout cela n'est quand même pas aussi insurmontable que cela !

Une voix. Absolument ! (Rires.)

M. Olivier Lorenzini. Bravo !

M. David Hiler (Ve). Il ne nous incombe pas de décider quelle est la bonne ou la mauvaise manière de vivre ensemble. Nous sommes forcément à la traîne de l'évolution sociale réelle dans certains cas, et, à un moment donné, cette évolution s'étant imposée sans que personne n'ait fait de grands discours, simplement parce que c'est le choix de nombreuses personnes, il faut en tirer les conséquences.

Il est vrai qu'un certain nombre de couples, qu'il s'agisse de couples hétéro ou homosexuels - ou même d'autres types d'associations - ont des liens solides et doivent aussi, ayant vécu longtemps ensemble, avoir un certain nombre de droits. Nous devons introduire ces droits dans la législation et les consacrer. C'est dans ce sens que vont les choses, même si, comme le pense M. Fontanet, il y a un modèle unique reconnu par l'Etat et que les autres sont des modèles tolérés, mais non reconnus par l'Etat, puisqu'ils sont - c'est ce qu'il sous-entend - quelque peu déviants par rapport à une norme.

Evidemment, vous comprendrez bien que les écologistes ne peuvent pas suivre ce genre de raisonnement... Je ne vous ferai pas un dessin ! Nous souhaitons vivement que ce projet soit renvoyé en commission, et, surtout, qu'il soit adopté dans des délais raisonnables. Je crois, en effet, que ce parlement compte une majorité de députés qui sont prêts à aller de l'avant et à consacrer une évolution de fait. On voit mal comment un retournement pourrait se produire ces prochaines années.

M. Armand Lombard (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne suivrai pas M. Hiler dans ses conclusions, parce que je crois que chaque société a sa vie à créer, ses structures à établir, une voie médiane à tracer indiquant la direction dans laquelle elle veut évoluer. Les sociétés ont leurs règles à poser pour indiquer aux gens cette direction et dans quel sens va évoluer la société.

Bien sûr, et là je suis encore M. Hiler, la société doit évoluer. Par conséquent, ces règles doivent évoluer aussi pour confirmer la direction qui est prise. Ce que faisaient les Romains, Monsieur Lescaze, ça m'est assez égal, et je ne les prendrai pas en exemple, moi-même. Parce qu'à force de permettre à leur société toutes les expériences, toutes les diversions et, finalement, toutes les perversités, l'empire romain, je vous rappelle dans quel état il a terminé et dans quels jeux lubriques il a réussi à s'enfiler... (Rires.)

La reconnaissance de couples non liés par les liens du mariage nous paraît sortir de la ligne poursuivie par notre société, et compliquer singulièrement, sans raison véritable, son fonctionnement et la clarté de son développement.

La stratégie à long terme de notre société, c'est d'établir des règles ouvertes, mais strictes, de vivre, d'améliorer la vie de tous et de survivre par la procréation... (L'orateur est interpellé.) Oh, ne faites pas les mijaurées ! C'est bien le cas ! Qu'elles sont mijaurées ces socialistes !

La stratégie du projet de loi me semble être beaucoup plus limitée. Il s'agit simplement de tenter de permettre à toutes sortes de formations de couples de jouir d'avantages fiscaux et matériels dans la société. Pour moi, ce n'est pas l'objectif de vie d'une société à long terme. Ce sont des améliorations ou des arrangements intérieurs.

Bien sûr, il appartient à chacun de savoir comment il va vivre. Pour nous, le mode de fonctionnement que nous choisissons est celui d'une société qui vivra selon les règles du mariage et qui poursuivra ainsi. A l'évidence, dans les accommodements possibles, on pourra prévoir des modalités, afin de régler des problèmes - pas mineurs pour les gens qui les vivent - mais mineurs par rapport aux objectifs de la société tels que ceux que M. Fontanet a très bien décrits. Pour ceux-là peut-être faudrait-il aller en commission pour les régler.

Pour ma part, je dois avouer que l'aspect fondamental de ce projet m'est totalement contraire et que, par conséquent, je m'y opposerai.

M. Gilles Godinat (AdG). Je dois avouer que je suis un petit peu surpris, Monsieur Lombard. Vous avez effectivement l'air de préférer le partenariat économique, voire bancaire...(Rires.) ...au partenariat naturel et social de la société civile. Je suis un peu choqué, je vous l'avoue, de voir qu'un parti prétendument libéral, qui porte une étiquette voulant mettre en avant la liberté, soit aussi restrictif, normatif, voire calviniste sur les bords... (Rires.) Dans la logique d'un parti qui prône la liberté, je trouve cela quelque peu contradictoire et paradoxal !

En ce qui me concerne et en ce qui concerne probablement notre groupe, nous sommes favorables à l'auto-organisation; nous sommes favorables à l'émancipation, et nous pensons que les gens sont assez grands pour savoir ce qu'ils doivent faire.

Nous sommes ici pour discuter des règles, mais les principes qui doivent nous guider sont : l'égalité de traitement, la démocratie et le respect de chacun.

Une voix. Bravo !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Unis non pas pour le meilleur et pour le pire, mais pour la circonstance, quelques députés proposent d'offrir aux hétérosexuels et homosexuels un statut présentant les mêmes avantages que le mariage.

Le débat promet d'être chaud. S'il n'est certes pas interdit de réfléchir aux différentes propositions qui sont faites par les auteurs de ce projet de loi - évolution des moeurs oblige - il faudra se garder de ne pas tomber dans le travers consistant à faire passer les gens qui oseront encore se marier pour des marginaux ! (Rires.)

Quoi qu'il en soit, ce projet de loi renvoyé en commission devra faire l'objet d'une étude très approfondie. A notre sens, il conviendra tout d'abord de vérifier, au niveau juridique, la conformité du projet de loi par rapport au droit fédéral. Il conviendra ensuite d'évaluer les incidences financières et fiscales des différentes propositions, car, contrairement à divers avis exprimés, il ne nous paraît pas évident que ce projet de loi soit neutre au sujet des finances.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

 

La présidente. Allons-nous traiter encore le point 36 ?

Des voix. Oui ! Non !

La présidente. Il me semble que nous pourrions le faire ! Je fais cette proposition. Vous êtes peu nombreux, donc nous ne traiterons pas le point 36.

La séance est levée à 23 h 10.