République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h35, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Nathalie Fontanet, Carlos Medeiros, Jean-Charles Rielle, Eric Stauffer et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Christian Decorvet, Françoise Sapin et Yvan Zweifel.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Monsieur Zacharias, vous avez demandé la parole ? Je pense que c'est une erreur ? (Remarque.) Très bien, merci. Non, ne bougez pas ! Vous savez qu'au parlement, c'est comme à la course de l'Escalade, il ne faut pas perdre les pédales ! (Rires. Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

PL 10962-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Eric Stauffer, Mauro Poggia, Thierry Cerutti, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, André Python, Guillaume Sauty, Olivier Sauty, Florian Gander : Priorité de l'information aux chômeurs genevois!
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de Mme Christine Serdaly Morgan (S)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Revenons aux choses sérieuses ! Nous abordons le PL 10962-A. Le rapport de majorité est de Mme Christine Serdaly Morgan, qui est remplacée par Mme Lydia Schneider Hausser, et le rapport de minorité de M. Sandro Pistis. Je passe la parole à la rapporteure de majorité tout en vous rappelant que ce point est classé en catégorie II, avec quarante minutes de temps de parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet issu des rangs du MCG impose que toute entreprise annonce les postes vacants à l'office cantonal de l'emploi pour donner la primeur aux chômeurs inscrits à cet office. Beaucoup de députés en commission, voire tous, ont estimé que la question de l'engagement des personnes au chômage est importante et qu'elle doit effectivement être discutée. Par contre, le contenu, le ton autoritaire et impératif du projet de loi présenté ici par le MCG, ainsi que ce qu'il demande, ont suscité beaucoup de critiques de la part des députés de la commission ainsi que des personnes et entités auditionnées. (Commentaires.) Voici quelques raisons qui ont transparu lors de ces auditions, sans qu'elles soient exhaustives.

Les PME et les associations ont des réseaux, des bassins de recrutement liés à leur activité et à leur histoire. Souvent, elles délèguent le recrutement et l'examen des candidatures à des agences et, selon les domaines d'action et si les missions sont pointues, elles recherchent des gens dans certains domaines. Ce projet de loi risque de créer un dispositif administratif qui, à un moment donné, peut tourner dans le vide, parce que, quand il y a obligation, il y a besoin de contrôle, de suivi, pour que les postes vacants soient annoncés. Actuellement à Genève, le problème, ce ne sont pas tellement les postes vacants qui doivent être repourvus, c'est que les postes vacants sont surtout situés dans le tertiaire, alors que le chômage structurel et le chômage de longue durée touchent plutôt des personnes recherchant des places dans le secondaire voire dans le secteur artisanal. Qu'on annonce ou non les postes vacants à l'office cantonal de l'emploi, si on ne correspond pas aux critères, c'est difficile.

Un dispositif contraignant dans le domaine du chômage est également néfaste parce qu'il contribue à renforcer la mauvaise image du demandeur d'emploi, à partir du moment où les patrons devraient par obligation recevoir les chômeurs qui se présentent. Considérant le nombre d'offres par comparaison au nombre de chômeurs selon les secteurs, il risque d'y avoir contrainte, et au niveau de la qualité du travail, il pourra y avoir des problèmes ainsi qu'une perte de confiance des employeurs envers le chômage. Voilà plusieurs raisons qui ont poussé la majorité de la commission à refuser ce projet de loi. J'ajouterai que dans l'intervalle, il n'est plus tellement d'actualité. Il l'est peut-être par rapport au secteur privé, mais sachez que, depuis le 21 novembre, le Conseil d'Etat a décidé, dans une directive transversale, de demander à toutes les entités de l'Etat et à toutes les entités subventionnées d'entrer dans un processus similaire d'annonce des postes vacants à l'office cantonal de l'emploi. Donc, bien que ce ne soit pas par le biais de ce projet de loi, c'est déjà fait et c'est déjà en route là où l'Etat proprement dit et l'Etat subventionneur peuvent agir. Ce projet de loi n'est, encore une fois, pas valable en l'état actuel des choses.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, Genève est le canton qui a le taux de chômage le plus élevé de toute la Suisse. Genève est également le canton où l'on trouve le taux le plus élevé de frontaliers venant y travailler. Inversement, l'Ain et la Haute-Savoie sont les deux départements de France dans lesquels on trouve le taux de chômage le plus bas de France. Ce projet de loi a un but: celui de faire face à cette problématique de l'emploi et de pouvoir donner la possibilité à celles et ceux qui sont au chômage de retrouver le chemin du travail. En s'exprimant, la rapporteuse de majorité a omis volontairement de préciser le contenu de ce projet de loi. En réalité, il n'oblige pas l'employeur à prendre contact avec l'employé qui est au chômage: il demande tout simplement que l'employeur annonce en priorité auprès de l'office cantonal de l'emploi une place lorsqu'elle est vacante. Il s'agit juste de s'annoncer auprès de cet office afin que ce dernier puisse éventuellement trouver parmi ses chômeurs un candidat qui pourrait prétendre à cette place. Il est faux de dire que cela forme une contrainte; il est faux de dire que ce projet de loi est autoritaire. Ce texte part d'un bon sentiment; il va dans le sens de la possibilité de trouver des solutions, parce que Genève est quand même le canton qui détient le record du chômage, ce qui n'est pas acceptable aujourd'hui.

C'est pour cela que je vous invite, chers collègues, à soutenir le rapport de minorité, à soutenir un projet de loi finalement assez simple, assez sensé, qui demande qu'un employeur à la recherche d'un futur employé annonce le poste vacant. Il s'agit là en réalité seulement d'une annonce et non d'une obligation de proposer un entretien pour une éventuelle embauche.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que quelque part, les bras m'en tombent ! Par la voix du parti socialiste et de la rapporteuse de majorité, j'entends ce soir la gauche nous dire qu'une annonce préalable, anticipée de quelques jours, à l'office cantonal de l'emploi, va prétériter le patronat. Mais alors, Mesdames et Messieurs les PLR, vous devez vous féliciter de cette intervention, parce que vous avez là un nouveau défenseur du patronat en la personne de la rapporteuse de majorité et - je le déduis évidemment - de l'Alternative ! Incroyable ! Incroyable comme on biaise un débat pour parler de choses extrêmement simples. Je pense qu'il est peut-être bon de les rappeler.

Il ne s'agit pas d'obliger un quelconque employeur à prendre quelqu'un qui vient de l'office cantonal de l'emploi, pour autant, bien entendu, qu'il corresponde au profil recherché. Quoi de plus facile que de faire en sorte qu'il ne corresponde pas, soit dit en passant ? Il s'agit simplement - simplement ! - de faire une annonce préalable, de quelques jours, à l'office cantonal de l'emploi. Mesdames et Messieurs, quoi que vous puissiez dire, ce principe n'est en rien contraire aux accords bilatéraux: on ne parle pas de privilégier l'emploi de qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit. On parle simplement d'annoncer un poste vacant quand on recherche quelqu'un, quelques jours avant l'annonce dans la presse et dans les milieux concernés. Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, c'est là que le débat est faussé, que j'ai de la peine et que je n'arrive plus du tout à entendre la gauche sur ce terrain-là. Je crois qu'il faut être raisonnable, Mesdames et Messieurs ! Je dois féliciter l'Etat, le Conseil d'Etat et le conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, d'avoir finalement pris les bonnes mesures pour le petit et le grand Etat avec cette «contrainte», entre guillemets, qui n'est pas extrêmement contraignante en réalité. Il s'agit de faire ce pas nécessaire pour essayer de permettre aux chômeurs de Genève, aux chômeurs habitant Genève, de retrouver un emploi. Il faut en tout cas au moins les aider à le faire.

Mesdames et Messieurs, le rapporteur de minorité l'a dit, Genève détient le triste record de la Suisse en matière de chômage: 5,5% ! Sans parler de tous ceux qui ne sont plus inscrits à l'office cantonal de l'emploi mais qui sont sans emploi. Voilà, Mesdames et Messieurs, je crois que c'est une mesure de bon sens que de soutenir ce projet de loi, et je vous invite à le faire. Merci ! (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cela a été rappelé dans le rapport, pour ceux qui l'ont lu: le chômage ne laisse personne indifférent; en particulier lorsqu'il touche les jeunes et les personnes âgées de plus de cinquante ans. Pour les premiers, c'est leur arrivée tardive sur le marché du travail ou leur manque d'expérience, avérée ou à tout le moins invoquée par certains employeurs, qui les empêchent de trouver une place. Pour la seconde catégorie, les personnes de plus de cinquante ans, les coûts liés au salaire et aux charges sociales sont souvent un obstacle impossible à surmonter. Le projet de loi qui vous est soumis ce soir est plein de bonnes intentions. (Exclamations.)

Une voix. Mais ?

M. Jean-Marc Guinchard. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions, et c'est un démocrate-chrétien qui vous le dit ! (Commentaires. Rires.) Le premier enfer auquel ce projet de loi mènerait, c'est l'enfer administratif que susciterait l'importance des ressources humaines à injecter dans de multiples contrôles dont l'efficacité n'est en tout cas pas garantie et pas vérifiable. Il y a ensuite un enfer juridique, cela n'a pas été mentionné encore, parce que ce projet de loi n'est pas compatible avec les accords bilatéraux et il induit de surcroît des mesures discriminatoires pour les habitants des autres cantons que celui de Genève. Enfer financier enfin, j'y arrive, parce que le système proposé est coûteux et le caractère dissuasif des amendes proposées qui viseraient les employeurs ne jouant pas le jeu n'est pas non plus prouvé, au contraire. Il vaudrait mieux laisser agir le département, qui a pris une bonne direction depuis quelque temps; il vaudrait mieux laisser ce département agir par des actions de prévention, d'information, d'incitation et de réinsertion. Comme le dit le rapporteur de majorité, il vaut mieux favoriser une dynamique incitative qu'une attitude d'obligation et de sanction. Comme il l'a dit en conclusion également, cette disposition est maintenant obsolète, compte tenu des dispositions fédérales et cantonales déjà prises. Le groupe démocrate-chrétien vous encourage donc à rejeter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, le projet de loi 10962 souhaite que les postes vacants soient annoncés en primeur à l'office cantonal de l'emploi. Est-ce à dire que l'OCE doit devenir le service des ressources humaines de toute la république, ou encore l'agence de placement unique de Genève ?

Des voix. Oui !

M. Boris Calame. Autant l'idée d'inciter à annoncer des places vacantes à l'OCE est souhaitable, autant il n'est pas possible de mettre en place l'annonce obligatoire, car la finalisation d'un contrat de travail est bien souvent une histoire d'affinités entre des personnes et pas simplement une histoire de dossier ou d'expérience exemplaire. Il est démontré que les entreprises, bien souvent, ne passent pas par une annonce officielle de leurs places vacantes, mais qu'elles engagent directement, que ce soit sur la base d'une candidature spontanée, au travers de dossiers conservés ou encore par divers réseaux, qu'ils soient familiaux ou professionnels. Pour d'autres entreprises et employeurs, il s'agit de trouver la perle rare, celle qui donnera une valeur ajoutée au poste à pourvoir. L'employeur pourra s'adresser à une entreprise spécialisée qui lui offrira un accompagnement dans sa recherche et, le cas échéant, un tri préliminaire dans les candidatures. L'OCE n'est pas à même de répondre à l'entier des offres de places vacantes, que ce soit au niveau quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif. Car le monde de l'emploi est divers et varié, avec bon nombre de spécialités qui nécessitent des compétences particulières. Mesdames et Messieurs les députés, nous soutenons bien évidemment l'annonce volontariste des places vacantes à l'OCE, mais la manière proposée par le PL 10962 ne peut nous satisfaire et nous semble juridiquement bien douteuse. Nous vous encourageons à la refuser. Je vous remercie pour votre attention.

M. Serge Hiltpold (PLR). Tout d'abord, je tiens à souligner la qualité du rapport de majorité, établi à l'époque par Mme Serdaly Morgan. Il reflète très bien les travaux de la commission. Il n'est pas le fait d'une opposition gauche-droite, mais simplement d'un certain raisonnement logique et économique contre une proposition presque farfelue, même si je pourrais juger qu'elle part d'une bonne intention.

Que dit le projet de loi ? Il ne s'agit pas juste de publier une offre ! Vous parlez de priorité, mais je vais simplement vous lire les deux articles du projet de loi, pour que tout le monde soit bien au courant: «Les employeurs, entreprises, sociétés, associations ne sont pas autorisés à publier des annonces de recrutement avant d'avoir annoncé le poste vacant auprès de l'office cantonal de l'emploi.» Ensuite, les sanctions: «Tout contrevenant aux dispositions des articles 1 et 2 se verra infliger une amende de 1000 F à 50 000 F.» On n'est pas en train de faire un tout petit projet ! C'est très restrictif ! Je vais développer un petit peu sur la façon de faire quand on engage quelqu'un dans une entreprise.

Il y a quinze ans, avant l'adoption des bilatérales, il y avait un formulaire qui s'appelait le «Nous cherchons». Vous remplissiez le «Nous cherchons» et au bout de vingt-cinq jours vous aviez à peu près vingt-cinq prétendus postulants potentiels. Sur les vingt-cinq postulants, au final, quatre vous répondaient, deux ne venaient pas se présenter. Suite à cela, vous pouviez faire une demande de permis de travail frontalier qui passait par une commission tripartite. Durée du processus: trois mois ! Très bien, ça c'est donc le passé. Aujourd'hui, on est dans la réalité économique: qu'est-ce que vous faites maintenant si vous devez engager du personnel ? Vous ne pouvez pas attendre trois mois, vous prenez vos dispositions avant ! Là, l'Etat n'est pas resté les bras ballants. Il a fait ce qu'on appelle les «allocations de retour en emploi», une mesure très efficace; c'est vraiment la meilleure mesure d'insertion que vous puissiez prendre, parce que vous engagez quelqu'un qui ne correspond pas forcément au profil, mais qui a le temps de s'adapter dans l'entreprise. Vous pouvez donc anticiper, regarder si la personne travaille correctement, car ce que vous demandez, c'est d'avoir un palier avant de l'employer. En Suisse, il y a encore un service pour les employeurs qui a été développé, et ce Service Employeurs est efficace, parce que lorsque vous travaillez à l'Etat et que vous devez placer un chômeur et le vendre à une entreprise, la personne qui veut placer ce chômeur doit être persuasive et se bagarrer pour réussir à placer cette personne. Et je crois que ce Service Employeurs fonctionne plutôt bien.

Cela ne sert à rien de s'écharper sur ce projet de loi, le but est que les gens travaillent, retrouvent un emploi. Pour moi, l'Etat a pris des mesures correctes, et si vous travaillez de nouveau sur des contingents et des processus comme celui-là, que va faire un employeur ? Il va prendre des travailleurs temporaires, des auxiliaires, créer des emplois précaires, et vous n'aurez plus de postes fixes. Pour ces bonnes raisons, je vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler. Il vous reste cinquante-huit secondes.

M. Pascal Spuhler (MCG). Monsieur le président, ce sera relativement bref. Pour traduire la mentalité de cette plénière ce soir vis-à-vis de ce projet de loi, je dirai que quand un âne n'a pas soif, on a évidemment de la peine à lui donner à boire. Il est donc clair qu'aucune mesure ne peut être acceptée dans ce cadre. Or, la demande est toute simple, Mesdames et Messieurs: annoncer les postes vacants ! On peut s'y prendre à l'avance, on sait que les gens vont démissionner, on n'est pas obligé d'attendre trois mois, comme disaient nos préopinants.

Le président. Il vous reste quinze secondes.

M. Pascal Spuhler. Je finis, Monsieur le président. Avec Internet, c'est facile et vous auriez tout à fait pu adopter cette solution, voire la modifier si des termes vous dérangent dans ce projet de loi. Seulement, vous n'en voulez pas, on l'a bien compris !

M. Michel Amaudruz (UDC). Je n'étais pas au Grand Conseil à l'époque où on a traité de cette question, c'est donc avec un oeil un peu extérieur que je considère la problématique qui nous est soumise. Evidemment, on sait bien que c'est à Genève que le taux de chômage est le plus élevé, et si on nous pose la question, dans un élan du coeur, on voudrait bien dire: venons en aide aux chômeurs ! Mais M. Hiltpold a eu raison de rappeler l'histoire du formulaire «Nous cherchons». Vous savez, c'est un peu comme la chasse au trésor: vous cherchez, vous cherchez et il n'y a rien qui vient. Trouver quelqu'un, c'est comme gagner à l'Euromillion, c'est voué à l'échec. Alors ce projet de loi est très gentil dans sa motivation et par la chaleur humaine qu'il répand sur nos concitoyens, mais en fait, c'est un coup d'épée dans l'eau et il est inapplicable. Il n'y a pas besoin de chercher plus loin: lorsque vous cherchez quelqu'un, vous avez besoin de pouvoir l'engager en fonction d'une programmation d'entreprise, c'est-à-dire avec une certaine prévision et non pas en dépendant du pur hasard de personnes qu'un office va vous envoyer en vous certifiant qu'ils sont les meilleurs candidats possibles.

Au fond, indépendamment de l'argumentation européenne et des accords bilatéraux, il y a une question de compétences qui, avec sensibilité ou pas, est l'élément primordial. Et je doute fort, quand bien même l'effort est très louable, que ce soit par ce biais-là qu'on puisse satisfaire les demandes d'emploi. Ensuite, qu'est-ce qui se passera dans la pratique ? Les gens chercheront et trouveront quand même les candidats qui répondront à leurs besoins et qui auront des compétences. Je dirais que ce projet de loi, pour louable qu'il soit, manque totalement son but. Un autre élément est assez déplaisant: c'est la sanction, parce que, vous comprenez, on sort d'un régime «socialo» pour déboucher sur un régime dictatorial. Et chlah ! C'est le fouet qui arrive ! Ce régime de sanction est absolument inadmissible et il traduit une exagération - même si jamais il ne me viendrait à l'idée de déposer un amendement. Mais cette exagération est le reflet de la mauvaise qualité de la loi. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, à la rapporteure de majorité et au conseiller d'Etat, puis nous voterons. Monsieur Pistis, vous avez une minute trente-huit.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme l'a relevé mon préopinant de l'UDC, à aucun moment son groupe n'a proposé d'amendement concernant ce projet de loi. C'est assez regrettable puisqu'il conteste des choses auxquelles il aurait pu apporter des modifications, mais à aucun moment son groupe ne l'a proposé.

Je voudrais quand même revenir sur le but recherché par cette loi. Certains, lorsqu'ils se sont exprimés, ont indiqué qu'elle était très restrictive et qu'il fallait faire passablement de paperasse, voire que ce serait un enfer administratif ou juridique. Je pense que si on le relit attentivement, avec une certaine ouverture d'esprit, ce projet de loi demande tout simplement qu'une annonce auprès de l'office cantonal de l'emploi soit faite par l'employeur ou l'entreprise recherchant un candidat pour une place vacante. C'est tout ! On ne demande pas de faire des entretiens d'embauche; on ne demande pas de faire des entretiens d'évaluation et tout ce qui va avec. C'est une pratique très facile à mettre en place. Il faut juste de la bonne volonté, mais je vois que certains et certaines - ou plutôt certaines et certains - qui se sont exprimés n'ont pas forcément envie d'apporter des solutions, alors que l'on sait que Genève a le taux de chômage le plus élevé de toute la Suisse.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à Mme la rapporteure de majorité. Il vous reste cinq secondes plus le temps de parole de votre groupe.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci... (Remarque.) Non, non, j'ai du temps ! Merci beaucoup, Monsieur le président. Vous dites que d'après moi ce projet de loi est contraignant. Vous avez eu la lecture des articles: si ce n'est pas contraignant, il faudra m'expliquer la signification de ces termes en français ! Ensuite, dire que je porte le drapeau du patronat est quand même un peu exagéré ! (Commentaires.) Pas tout à fait ! Il est vrai que j'engage des gens dans mon activité professionnelle, et je peux vous dire que dans beaucoup d'associations, dans beaucoup d'entreprises locales, nous cherchons à trouver des employés locaux. C'est plus simple, car ces employés connaissent les réseaux locaux; c'est plus simple, car ces personnes habitent plus près de leur lieu de travail. Toutefois, il arrive bien évidemment quelquefois que nous ne trouvions pas de personnes habitant Genève et que nous allions chercher des gens ailleurs, soit parce qu'il n'y a pas les compétences, soit parce qu'il n'y a pas les gens disponibles pour le travail nécessaire. Et c'est là que la frontière et les frontaliers - le Grand Genève - existent aussi, que vous le vouliez ou non ! En tant que socialistes, nous n'avons effectivement pas peur de l'affirmer: ils sont là, le Grand Genève est là ! Vous pouvez vous voiler la face, mais je crois que c'est un faux combat. C'est un combat que vous menez depuis longtemps! Si vous voulez vraiment agir, ce n'est pas vous qui pourrez en décider, car ce sont les patrons - ou certains d'entre eux - qui décident de faire du bénéfice en engageant quelqu'un avec du dumping salarial sur les postes de travail occupés par les étrangers ! Ce n'est pas ce projet de loi qui vous permettra de résoudre cette question: elle sera résolue par des contrôles, par du travail sérieux dans les politiques menées au niveau des conventions collectives, du respect des conditions de travail.

Ensuite, ce projet de loi est assez insultant pour toutes les personnes qui cherchent du travail. En plus, il s'arrête à mi-chemin ! Vous demandez d'annoncer un poste vacant, mais un poste vacant ne veut pas toujours dire que vous allez engager quelqu'un ! (Commentaires.) Ça n'a ni queue ni tête, cette obligation d'annoncer ! On peut avoir des vacances de postes, mais ça ne veut pas dire qu'on aura forcément les finances nécessaires pour un nouvel engagement et qu'on va engager forcément. Cette mesure va provoquer un travail incroyable, pour arriver à quoi ? Franchement, je ne vois pas l'utilité d'un tel texte, et le travail de la commission de l'économie l'a d'ailleurs prouvé, comme c'est écrit dans le rapport. Je crois que c'est un projet de loi inutile et, malheureusement, le MCG n'a pas le courage d'aller assez loin, parce que si vous aviez ce courage, ce sont d'autres mesures que vous proposeriez - contre le dumping salarial que vous réfutez ! (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni. On l'a fait ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat. (Brouhaha. Vifs commentaires.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. S'il vous plaît, Monsieur le président !

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. Bien, merci ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Vifs commentaires.) Puis-je ?

Le président. Monsieur Poggia, vous avez la parole !

M. Mauro Poggia. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais vous dire que l'actuel Conseil d'Etat a pris la pleine mesure de l'inquiétude de la population à l'égard du chômage important qui sévit à Genève, et non pas uniquement ces derniers mois. Nous le savons, c'est un problème récurrent dans notre canton. L'actuel Conseil d'Etat a décidé d'aller plus loin que ce qu'avait fait le précédent. Vous le savez, il y avait antérieurement une directive transversale qui obligeait le petit et le grand Etat, c'est-à-dire les régies publiques, à annoncer les postes vacants. Je dois dire qu'à mon entrée en fonction, j'ai constaté que malheureusement, il n'y avait aucun contrôle et que, finalement, bien que louable, cela restait un voeu pieux: en pratique, on était incapable de vérifier si tous les postes vacants étaient véritablement annoncés, si les personnes présentées correspondaient au profil du poste annoncé et, surtout, si on avait pris la peine de recevoir les candidats.

Depuis lors, avec mon collègue Pierre Maudet en charge de l'économie, nous avons élaboré une nouvelle directive transversale qui, d'abord, a supprimé une commission qui ne travaillait tout simplement pas sur le sujet: cette commission, normalement, devait être saisie lorsqu'on voulait engager un travailleur frontalier au sein du petit et du grand Etat, mais en fin de compte, tout se réglait en amont et cette commission ne travaillait pas. Par contre, nous avons décidé de mettre en place de véritables contrôles, dans le sens où, désormais, quand des postes sont annoncés, cinq candidats au maximum, et sélectionnés avec soin au sein de l'office cantonal de l'emploi, sont présentés aux ressources humaines en charge du recrutement. Ce service doit recevoir les candidats, ce qui est extrêmement important, parce qu'un candidat doit apprendre aussi à se vendre, à vendre ses qualités, ce que nous avons un peu de peine à faire dans notre pays, alors que d'autres ont cette habitude et sont bien plus rodés que nous; c'est un exercice important. Ensuite, il faut qu'il y ait un retour. D'abord, est-ce que le candidat s'est présenté ? Et s'il s'est présenté, pourquoi ne l'a-t-on pas pris ? Et si l'on a pris quelqu'un d'autre, pourquoi l'a-t-on finalement préféré par rapport aux candidats présentés par l'office cantonal de l'emploi ? Ce sont des démarches concrètes, que l'on peut faire dans le cadre du grand et du petit Etat, évidemment, mais aussi, vous l'avez rappelé, Madame le rapporteur de majorité, dans toutes les entités subventionnées. Il y en a grosso modo 250 qui ont reçu la directive de suivre ce processus, parce qu'elles reçoivent de l'argent de l'Etat et doivent rendre la monnaie de la pièce. Encore une fois, il ne s'agit pas pour elles d'engager obligatoirement un résident genevois présenté par l'office cantonal de l'emploi, raison pour laquelle on parle bien de préférence des chômeurs genevois et non pas des résidents genevois, mais il s'agit effectivement pour elles de donner une chance à nos demandeurs d'emploi qui, trop souvent, apprennent tardivement qu'un poste s'est ouvert.

Tout cela a été fait correctement; ce projet de loi part en effet d'un certain bon sens - je serais malvenu de dire le contraire puisqu'un homonyme à moi l'a signé en tant qu'ex-député, mais c'est vrai que sur le terrain, on constate aujourd'hui que, davantage que l'obligation, c'est l'incitation qui est importante, et il est faux de dire que nos chômeurs ne répondent trop souvent pas aux offres faites par le secteur privé. Je pense qu'il s'agit évidemment de regarder tout cela avec beaucoup plus d'attention, et lorsque l'office cantonal de l'emploi sera prêt - bientôt, j'espère - à répondre de manière adéquate à l'interne, au niveau de l'office cantonal de l'emploi, eh bien je suis certain que nous pourrons inciter le secteur privé qui a déjà manifesté une bonne volonté dans ce sens, sur une base volontaire; mais comme l'ont dit certains, il s'agit évidemment de ne pas faire attendre les entreprises des semaines pour ensuite leur proposer des candidats qui ne correspondent pas au profil du poste. L'important est donc que l'office cantonal de l'emploi soit une véritable agence de placement, avec toute l'efficacité qui va avec, pour pouvoir offrir les bons candidats aux entreprises genevoises qui les recherchent. Et ce n'est pas une mesure prise contre les frontaliers, contrairement à ce que vous dites ! Il s'agit d'une simple mesure de bon sens, pour lutter contre le chômage... (Commentaires.) ...et je ne comprends pas qu'une partie de cet hémicycle ne comprenne pas que notre cohésion sociale repose aussi sur une confiance que la population doit avoir en ceux qui gouvernent ce canton. Et ceux qui gouvernent ce canton doivent avoir la responsabilité sociale, précisément, d'éviter que le chômage puis, trop souvent, l'aide sociale, qui sont un fléau l'un et l'autre, ne viennent détériorer la paix sociale à laquelle vous tenez tous. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous en sommes au vote d'entrée en matière... (Remarque.) Allez-y ! (Commentaires.) Mais parlez dans le micro !

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais une motion d'ordre, compte tenu des propos tenus tout à l'heure: je souhaite que le MCG puisse répondre à ces attaques... (Vives protestations.) ...et, le cas échéant, rouvrir ce débat pour quelques instants. Je vous remercie de mettre cela aux voix.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Et M. Lefort, il peut ricaner ! (Commentaires.)

M. François Lefort. Lisez le règlement, Madame Engelberts !

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Sormanni, je vous rappelle que la motion d'ordre peut proposer soit d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote, soit de suspendre et de lever la séance. Il n'y a pas d'autre possibilité, Monsieur. Très bien, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 10962 est rejeté en premier débat par 60 non contre 26 oui et 9 abstentions.

PL 11154-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat de bouclement de la loi 8612 accordant une subvention d'investissement de 7'000'000F destinée à financer le 3e programme de renouvellement des équipements de radiologie conventionnelle des Hôpitaux universitaires de Genève
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de M. Eric Leyvraz (UDC)
Rapport de première minorité de M. Guy Mettan (PDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Weiss (PLR)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au PL 11154-A. Pendant que les rapporteurs s'installent à la table, je salue à la tribune Mme Juliette Buffat, ancienne députée. (Applaudissements.) Je vais de ce pas vous rappeler que nous sommes dans un débat classé en catégorie II, avec cinquante minutes de temps de parole, cinq minutes par personne. Monsieur Leyvraz, vous avez la parole.

M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi 11154 veut procéder au bouclement d'une loi de 2001. Il y a quand même un problème avec ce délai: normalement, un bouclement se fait dans les cinq à six ans qui suivent le dépôt d'un projet de loi. Ici, il y a eu des factures qui ont traîné un tout petit peu ! Les dernières factures ont été enregistrées en 2006 et le préposé a rendu son dossier un peu tardivement, mais encore dans les délais, en 2009. Il est extrêmement difficile de comprendre pourquoi il a encore fallu attendre quatre ans pour que ce dossier revienne à la surface et qu'il nous soit proposé pour son bouclement. Ça, c'est le premier point.

Un autre point nous semble extraordinaire, dans ce projet de loi: un budget de 7 millions de francs pour le renouvellement des équipements de radiologie de l'hôpital de Genève, ce n'est quand même pas rien. Or, ces 7 millions ont été dépensés exactement au centime près; on n'a pas dépensé 6 999 999 F ou 7 000 001 F. C'est au centime près ! Alors, quand on regarde les comptes, on s'aperçoit d'une chose assez extraordinaire, c'est que tout d'un coup on a un flux de magasin pour l'hôpital, sans dossiers ni pièces comptables, qui représente exactement la différence de prix au centime près, parce que ce chiffre se termine par 11 centimes pour arriver au total de 7 millions de francs. C'est quand même un peu extraordinaire qu'on puisse faire des bouclements avec des pièces comptables sans justificatifs pour arriver exactement au chiffre prévu au départ. Ça, c'est quelque chose qui nous paraît inacceptable ! Ensuite, quand on regarde les comptes d'un peu plus près, on voit qu'il y a une fâcheuse confusion entre investissement et fonctionnement; on a beaucoup de peine à comprendre que dans les investissements pour des appareils radiologiques, on trouve des factures de chez Wolf ou de la Pharmacie principale. Ce vote concerne quand même des équipements qui durent environ quinze ans et doivent normalement être remplacés ensuite; c'est-à-dire que vous devrez remplacer ces équipements entre 2016 et 2017. Qu'on vote le bouclement maintenant, qu'on nous le propose seulement maintenant, c'est quand même assez extraordinaire !

Dans le fond, la commission est très fâchée pour deux raisons. D'abord, parce qu'il est impossible de contrôler quoi que ce soit ainsi. Nous faisons confiance et nous sommes bien sûrs que ces appareils ont fonctionné, mais, quand même, nous sommes là pour contrôler si l'argent de l'Etat est bien dépensé. Surtout, nous aimerions que ça ne se reproduise pas ! On nous a promis que ça ne se reproduirait pas, mais malheureusement, il y a encore des projets qui datent de plusieurs années qui nous arrivent à la commission des finances et nous considérons que c'est inacceptable.

Ce vote ne va rien changer du tout et la majorité de la commission vous recommande de voter contre ce projet de loi, contre l'entrée en matière. Ça ne changera rien, l'argent est dépensé et les équipements sont bientôt obsolètes, mais c'est pour bien montrer qu'à un moment donné, il ne faut quand même pas se moquer des citoyens et qu'on doit savoir où est passé l'argent !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, j'avoue que je partage assez largement le constat fait par le rapporteur de majorité. Effectivement, la commission était assez d'accord pour constater que les factures rapportées n'étaient pas toujours claires et ne correspondaient pas exactement à la réalité des choses, en tout cas en apparence. Mais ce n'est pas parce qu'une facture ne correspond pas en apparence à la réalité qu'elle n'est pas vraie et qu'elle est fausse ! En l'occurrence, on n'a pas constaté d'erreurs ou de faussetés dans les factures. Ça, c'est la première chose; du point de vue légal et du point de vue de la bonne foi, tout a été respecté. Il n'y a donc pas de raison de mettre en doute la manière dont les HUG ont traité cet objet.

La deuxième raison qui nous fait voter ce projet de loi, en tout cas moi, est la suivante: le rapporteur de majorité l'a dit, puisque les comptes sont faits, qu'ils ont été approuvés et que ce projet de loi a été approuvé par le Grand Conseil en 2003 et 2005, on ne peut pas se dédire et refuser dix ans plus tard ce que nous avons déjà approuvé auparavant. Il faut quand même garder une cohérence législative et une cohérence en tant que députés, pour aller jusqu'au bout des choses, c'est-à-dire ne pas voter en contradiction avec les votes de 2003 et de 2005. Monsieur Leyvraz, vous qui êtes un ancien président du Grand Conseil, vous devriez être sensible à cet argument ! En revanche, que tout n'ait pas été fait selon les règles, c'est un fait ! Mais comme nous n'y pouvons plus rien changer, je ne vois pas en quoi on pourrait ne pas voter ce projet de loi. Comme vous l'avez si bien dit, qu'on vote pour ou contre, ça ne change rien. Pour des raisons de cohérence législative, donc, je dirai de voter oui.

Comme troisième argument, à titre personnel là aussi, je pense que nous devons encourager l'administration à sortir tout ce qu'elle a dans ses tiroirs, à ne pas nous cacher des choses, fussent-elles désagréables pour elle. Les HUG ont fait l'effort de venir vers nous, au risque et en sachant pertinemment qu'on allait les critiquer: je trouve que c'est une démarche positive de transparence vis-à-vis des contribuables et du Grand Conseil. Il est important que nous puissions maintenir cette confiance entre l'administration et nous, ne serait-ce que pour éviter que celle-ci nous cache des choses et que les générations futures, dans vingt ou trente ans, les ressortent après avoir dormi dessus - parce qu'on doit les ressortir. (Remarque.) A ce moment-là, on découvrira qu'on n'avait pas fait les choses comme il faut au moment où on aurait pu le faire. Donc, encourageons l'administration et - là, je partage le point de vue de M. Leyvraz - faisons-lui les remarques qui s'imposent, mais votons ce projet de loi pour qu'on puisse agir conformément aux lois et à l'esprit législatif de ce parlement.

M. Pierre Weiss (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, quand on a affaire à un député talentueux et expérimenté tel que M. Mettan qui vient de s'exprimer en beaucoup de phrases sur un petit objet, je pense qu'il ne me resterait qu'à me taire, sinon pour dire que je suis, à sa différence, soumis à l'article 24 et que j'ai été et que je suis un utilisateur régulier du matériel en question, comme les choses sont apparentes.

Peut-être que, depuis 2001, les HUG ont été occupés ailleurs en matière de comptabilité et n'ont pas eu le temps de se pencher sur la clôture des comptes de certains investissements. Je le regrette, tout cela a donné à la commission une impression de foutoir, si vous me permettez l'expression, et a amené des réactions de mauvaise humeur. Toutefois, il ne faut pas aller au-delà; je pense qu'en aucun cas, il ne convient de s'opposer à ce crédit de bouclement. Comme l'a dit M. Mettan, aucune erreur n'a pu être constatée; tout au plus pourrait-on imaginer que certains s'abstiennent, pour montrer leur mauvaise humeur, en espérant que des instructions seront dorénavant données par le ministre de tutelle pour qu'on sorte la poussière des tiroirs et qu'il n'y ait plus de surprises de ce genre qui viennent démontrer une mauvaise gestion de l'Etat, ce qui est vraiment désagréable. Je recommande donc le vote de ce projet de loi, avec quelques abstentions, pour démontrer que la mauvaise humeur était bienvenue, et on peut penser qu'une remise à l'ordre sera efficace.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve ça assez extraordinaire: depuis que nous sommes ici, quasiment tous les mois, nous avons affaire à des lois de bouclement qui font état de dépassements. Le plus extraordinaire, c'est celui du barrage du quai du Seujet. Je vous rappelle qu'il y a eu une votation populaire contre ce barrage. Il était annoncé à 100 millions de francs, on a abouti à 180 millions, Mesdames et Messieurs ! On a bouclé le crédit, il y a quelques mois, mais ça fait vingt-cinq ans qu'il est construit ! Je n'ai pas oublié la traversée de Vésenaz: devisée à 30 millions, on est arrivé à 68 millions de francs. En plus, ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'on se trouve dans la situation où de toute façon, qu'on vote ou qu'on ne vote pas, ça ne change rien ! Il y a quand même une réflexion qu'il faudrait mener d'abord, parce que je trouve que des magistrats ne font pas leur boulot: ils doivent surveiller l'administration, ils doivent contenir les dépenses. Mais il y a aussi l'administration qui ne se pose pas de questions; c'est-à-dire qu'elle suit le protocole et qu'elle suit les demandes: après, on verra bien car ce sont d'autres qui boucleront ! Dans ce cas, il y a quelques années que ce projet de loi a été voté et on se dit que ce sont les autres qui boucleront. Mesdames et Messieurs, quelle image donne-t-on aux citoyens et citoyennes ? Après, on se plaint qu'ils hésitent à payer leurs impôts ! Je me tourne vers le gouvernement, je trouve que la responsabilité du gouvernement est de surveiller et de se poser les véritables questions, pas seulement de suivre les dossiers. Malheureusement, certains se contentent de rester dans le domaine stratégique en disant: moi, je ne vais pas mettre les mains sous le capot. Ils ne veulent pas dire «stop», pourtant je sais qu'ils sont avertis: il ne faut pas nous raconter d'histoires, je sais de quoi je parle ! Tout le monde est averti quand l'administration constate qu'il y a un dépassement ! Tout le monde le sait, au niveau de l'exécutif, et ce qu'il y a de critiquable, c'est que l'exécutif ne prend pas ses responsabilités et n'annonce pas les dépassements à la commission des finances. (Commentaires.) Ça aussi, il faut le remarquer ! On a des crédits de bouclement qui ne correspondent à rien qui sont bouclés aujourd'hui, alors que, du point de vue légal, ils devraient être bouclés à la fin des travaux. Pourquoi on attend ? C'est une réflexion globale que je fais ici: pourquoi on attend aussi longtemps avant de boucler ? Parce qu'on est contre la transparence ! On est opposé à ce que les députés fassent leur boulot ! C'est bien là qu'il faut que les questions se posent, les véritables questions, à savoir notre rôle de surveillance de l'exécutif et le rôle de l'exécutif de surveillance de l'administration et de faire le travail à peu près proprement !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quand on regarde ce projet de bouclement qui date de la dernière législature, le premier mot qui me vient à l'esprit est que c'est tellement plus beau quand c'est inutile ! En fait, notre rapporteur de majorité vous l'a dit: que l'on vote ou pas, de toute façon c'est fini. Donc, la question est de savoir si l'on doit ou si l'on ne doit pas marquer un agacement, une mauvaise humeur. Est-ce qu'on doit se battre contre des principes ? Nous savons qu'en tout cas au niveau de l'informatique, tant le département de M. Maudet que d'autres font le nécessaire maintenant pour boucler ces projets, pour qu'on avance, parce qu'il est vrai qu'il y a pas mal de cadavres qui traînent encore dans les placards, comme on dit, mais c'est en voie de résolution. (Rires.)

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, doit-on faire une belle couronne ou doit-on simplement dire que nous ne sommes pas d'accord, que ça ne changera rien ? Quand on vote des projets à 7 millions de francs, ce qui n'est pas rien, il faut aussi de temps à autre dire que nous avons droit au respect des délais légaux qui sont raisonnables et, surtout, que ça nous revienne en respectant le délai de finition des travaux - car nous avons vu que ça a traîné près de quatre ans avant de nous revenir. Raison pour laquelle l'Union démocratique du centre suivra son rapporteur de majorité et vous recommande un minimum de mauvaise humeur - qui ne prêtera pas à conséquence - en n'acceptant pas ce projet de bouclement.

M. Daniel Sormanni (MCG). Chers collègues députés, je dois dire que c'est un sujet intéressant. D'une manière générale, on ne devrait jamais arriver à une situation de ce genre. A un moment donné, on devrait se poser la question, plus que d'une mauvaise humeur, si on a le choix de voter ou pas ces 7 millions de francs. Or, on n'a plus le choix, mais c'est la méthode qui ne joue pas. Je vais donner crédit à M. Pagani - vous lui transmettrez, Monsieur le président - je vais donner crédit à la Ville de Genève: M. Pagani fait un effort considérable pour boucler les crédits et je lui donne quitus là-dessus. Parce qu'effectivement, il n'y a pas si longtemps qu'on a bouclé les crédits des Rues-Basses, pour la galerie technique des Rues-Basses... (Commentaires.) Oui, la gaine technique ! Soit dit en passant, plutôt que de faire une gaine technique aussi grande, peut-être qu'on aurait pu faire un métro, pour éviter les trams sur la route.

Une voix. Ou le CEVA !

M. Daniel Sormanni. Oui, mais le CEVA ne passe pas dans la Vieille-Ville ! Par contre, vous transmettrez aussi à M. Pagani, pour donner des leçons, il faut être exemplaire partout. Alors si je peux accepter ses remarques sur les crédits, je dois quand même remarquer qu'en Ville de Genève, on vote un crédit global pour les investissements. C'est une enveloppe qu'en principe on ne devrait pas dépasser, même s'il peut y avoir quelques variations, parce qu'évidemment, tout ne peut pas être prévu. Mais quand on a 100 millions de francs et qu'à la fin de l'année, on arrive à 154 millions de francs dépensés, ce n'est pas tellement de la rigueur, et je trouve que, pour donner des leçons, il faut être parfaitement dans les clous, dans tous les domaines, en ce qui concerne les investissements. Or, là, force est de constater que ce n'est pas le cas. Mais je pense qu'il y a des méthodes possibles et j'invite la commission de contrôle de gestion - dont je fais d'ailleurs partie - à trouver quelque chose; je pourrais m'y intéresser davantage pour éviter qu'on se retrouve dans des situations telles qu'aujourd'hui. On a parlé du barrage du Seujet, il y en a beaucoup d'autres qui sont probablement cachés dans les armoires.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Michel Ducommun. Il vous reste une minute cinquante.

M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de m'exprimer en une minute cinquante. Ce que je trouve vraiment surprenant, c'est qu'on passe un quart d'heure à vingt minutes pour discuter et arriver à un vote dont on sait qu'il ne changera rien ! (Commentaires.) Donc, on est en train de perdre de notre temps et, de ce point de vue là, j'annonce qu'en tout cas personnellement je m'abstiendrai, et je fais une proposition pour éviter ce genre de situations: lorsqu'il y a un projet d'investissement, qu'il y ait des possibilités de suivi par les commissions de notre Grand Conseil et des possibilités d'intervenir avant un projet tel qu'on nous le propose aujourd'hui, sur lequel, de toute façon, on ne change rien. Donc, soit on décide de se donner le pouvoir de changer un projet en cours d'évolution, soit on décide que les projets tels qu'on nous les propose ce soir sont tellement inutiles et nous font tellement perdre notre temps qu'ils doivent disparaître. (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole aux deux rapporteurs qui l'ont demandée et au conseiller d'Etat, puis nous voterons. Monsieur Mettan, c'est à vous.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Juste trois petites précisions. D'abord à M. Pagani, pour lui dire qu'il y a eu zéro franc de dépassement dans ce projet de loi. Donc, toute son argumentation tombe, parce que là, il n'y a absolument pas de dépassement. Pour lui rappeler aussi que même dans les meilleures administrations du monde, comme celle de la Ville de Genève, il arrive qu'il y ait des dépassements ! (Rires.) Par exemple au parc des Eaux-Vives ou à l'hôtel Métropole. Ça arrive même aux meilleures administrations ! C'est quelque chose d'humain et qui peut arriver à tout le monde. (Rires.) Mais là, il y a eu zéro dépassement !

La deuxième chose, c'est un petit coup de canif à la commission. La commission des finances n'a pas voulu poser de questions aux HUG: elle avait des doutes concernant ces factures, mais elle a refusé d'entendre les HUG là-dessus. C'est une des raisons pour lesquelles je vote ce projet de loi: si nous avions fait correctement notre travail, nous aurions posé des questions aux HUG. Nous aurions dit «c'est bon» ou «ce n'est pas bon», mais nous aurions jugé en tout état de cause, ce que la commission n'a pas voulu. C'est donc à mettre au passif du Grand Conseil.

Enfin, en refusant ce projet de loi, la troisième chose qui me gêne, c'est de punir les fonctionnaires qui, aujourd'hui, ont eu le courage de venir nous présenter ce projet difficile à défendre, alors qu'ils ne sont pas les coupables, parce que les coupables, c'étaient leurs prédécesseurs dont on a oublié le nom depuis longtemps. Il n'y a donc pas de raison non plus de punir des non-coupables pour ça.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Guy Mettan. C'est fini, j'ai tout dit, Monsieur le président, merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous en prie.

M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est beaucoup plus important qu'il n'y paraît. C'est un vote que nous allons faire sur le principe, sur notre rôle de surveillance en tant que députés. Je ne suis pas d'accord avec vous, chers collègues, quand vous nous dites que, de toute façon, on ne peut rien changer et qu'il faut donc voter oui: c'est un satisfecit à l'à-peu-près et c'est accepter le manque de surveillance. Ça ne joue pas ! Vous nous dites que tout est en ordre, que les comptes sont justes: ce n'est pas vrai du tout ! Parce que pour arriver à un chiffre juste, nous avons un flux de magasin HUG, pour lequel il n'y a pas de dossier, pour lequel il n'y a pas de pièces comptables et pour lequel on a juste un chiffre pour équilibrer les comptes. C'est tout simplement scandaleux et c'est inacceptable ! Peu importe le montant, quand vous faites de la comptabilité, si vous avez un écart de cinq centimes, vous les cherchez désespérément pour que ça joue ! Là, c'est tout simplement inacceptable et pour le principe, il ne faut pas accepter ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve étonnant que le rapporteur de majorité fasse l'aveu de la vertu de son manque de curiosité. C'est une drôle de façon d'envisager son rôle de rapporteur de majorité, mais après tout, on n'en est pas ici à un paradoxe près. Je rappellerai que les rapports ont été déposés en août 2013, et nous sommes en décembre 2014. Je m'étonne qu'il n'ait pas encore proposé un renvoi à la commission de contrôle de gestion pour vérifier les factures. Je pense que ce serait peut-être faire oeuvre utile que d'agir dans cette direction. Est-ce que vous me suivriez, Monsieur le rapporteur de majorité ? (Commentaires.) Bon, je n'en fais pas la proposition formelle !

Le président. C'est gentil, merci beaucoup ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, croyez bien que le gouvernement cantonal a pris bonne note des conseils qui lui sont donnés par un membre d'un gouvernement communal, même s'il est cocasse qu'il soit reproché au précédent gouvernement de ne pas avoir remarqué un dépassement qui n'existe tout simplement pas. Bien, je vous demande simplement de revenir sur ce mouvement de mauvaise humeur de juin 2013, qui se justifiait sans doute parce que c'est vrai qu'on ne peut pas attendre aussi longtemps pour vous présenter un projet de loi de bouclement, même s'il faut rappeler que ce projet a permis de passer de 35 salles d'examen de radiologie conventionnelle à 24 salles de radiologie, dont les patients genevois bénéficient; c'était un investissement dont Genève et les HUG avaient besoin et cet argent a été bien dépensé.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vous soumets le vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11154 est adopté en premier débat par 54 oui contre 16 non et 24 abstentions.

La loi 11154 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11154 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 41 oui contre 18 non et 33 abstentions.

Loi 11154

PL 11327-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Roger Deneys, Irène Buche, Jean-Charles Rielle, Christian Frey, Salima Moyard, Cyril Mizrahi, Isabelle Brunier, Thomas Wenger, Romain de Sainte Marie, Caroline Marti modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (800F de plus par mois pour la dignité des emplois de solidarité)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
Rapport de majorité de M. Frédéric Hohl (PLR)
Rapport de première minorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Salika Wenger (EAG)
M 2172-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Esther Hartmann, Roger Deneys, François Lefort, Irène Buche, Salima Moyard, Brigitte Schneider-Bidaux, Melik Özden, Marion Sobanek, Jean-Louis Fazio : Emplois de solidarité - du changement !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
Rapport de majorité de M. Frédéric Hohl (PLR)
Rapport de première minorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Salika Wenger (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 11327-A et à la M 2172-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Frédéric Hohl (PLR), rapporteur de majorité. J'ai de la peine à entendre ce que vous avez dit, mais je crois que c'est à moi !

Le président. J'ai dit que je vous passais la parole, pour autant qu'il y ait du silence.

M. Frédéric Hohl. Merci beaucoup ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de présenter le rapport de majorité sur le projet de loi et la motion concernant les emplois de solidarité. Nous nous sommes réunis à six reprises pour parler de ces deux projets. De quoi s'agit-il ? Mesdames et Messieurs les députés, chaque mois, environ 45 chômeurs en fin de droit s'inscrivent à l'Hospice général. Pour répondre à ce problème, en 2007, l'Etat a créé les EdS, les emplois de solidarité, pour sortir de l'aide sociale 1000 à 1500 chômeurs en fin de droit, sur les 6000 personnes qui en bénéficient. Aujourd'hui, en décembre 2014, il y a 700 bénéficiaires d'emplois de solidarité qui travaillent exclusivement dans les associations et les entités paraétatiques. Pour la majorité des collaborateurs en EdS, vous ne pouvez pas avoir des exigences trop élevées ou un cahier des charges trop ambitieux: ces collaborateurs sont fragiles, pour la plupart; ils ont besoin de quelqu'un qui leur tende la main, sans les contraindre de manière économique, comme on le fait peut-être dans la vraie vie. Les EdS, c'est un acte de solidarité dont nous devons et pouvons tous être fiers. Mesdames et Messieurs les députés, le premier but de l'Etat est de rendre la dignité humaine à toutes ces personnes qui sont, pour la plupart, heureuses de se lever le matin pour aller travailler. La deuxième raison d'être de ces EdS, c'est également de remettre le pied à l'étrier, de permettre à ces personnes de revenir sur le marché de l'emploi, pour une petite partie d'entre elles - mais l'idée est de le faire pour tous.

Nous avons bien sûr parlé principalement des salaires de ces EdS, pour lesquels on peut distinguer trois paliers. Le premier, le plus petit salaire des EdS, est de 3225 F; le salaire pour plus de la moitié des salariés EdS est de 3725 F et certains salaires vont jusqu'à 4225 F. Il faut ajouter un coaching, parce que vous imaginez bien qu'il faut un accompagnement, et on compte en moyenne cinq heures de coaching par collaborateur. Si vous faites une moyenne de 700 collaborateurs fois cinq heures de coaching par mois, on arrive à un investissement en coaching d'environ 4 millions de francs, et c'est tant mieux, parce qu'on a besoin de le faire.

Petit historique: en automne 2013, les syndicats ont sauté sur l'occasion de la grande discussion du salaire minimum. La polémique a notamment démarré car ils ont incité l'association Partage à faire grève en invoquant justement le salaire minimum. Résultat des courses, nous avons eu dix-sept licenciements et quinze collaborateurs EdS qui se sont retrouvés sur le carreau. Nous avons mené six séances en commission de l'économie pour parler de cela et nous avons reçu beaucoup d'acteurs correspondant à toutes les personnes qui tournent autour des EdS, et une des impressions de la majorité, en discutant avec les syndicats, est que la chose vraiment importante, c'était le fameux salaire minimum, les 4000 F; on entendait moins parler des collaborateurs en EdS. Suite à cette opération, les socialistes et les Verts ont déposé un projet de loi et une motion. Que demande le projet de loi ? Il demande une augmentation de salaire de 800 F, ce qui fait passer le salaire minimum à 4025 F pour un collaborateur sans aucune expérience, à 4525 F pour un collaborateur avec un CFC et à 5025 F au minimum pour un collaborateur avec une formation supérieure et des responsabilités. Ensuite, la motion qui traite le même sujet demande également une relation avec les conventions collectives de travail. Nous estimons que les emplois de solidarité et le marché de l'emploi que l'on connaît ne sont pas exactement la même chose et qu'il est difficile de comparer. Nos débats ont principalement porté sur le salaire en EdS, sur le salaire minimum ensuite et sur la différence entre le marché du travail et les EdS, ainsi que sur les revendications salariales des syndicats. Les auditions ont été nombreuses, nous avons notamment reçu le directeur du service des emplois de solidarité qui a relevé que la grande majorité des salariés en EdS ont un revenu supérieur à celui dont ils disposent pendant leur période de chômage. Remarquez également que 71% des salariés n'ont aucune formation reconnue et que, pour la plupart, ils cumulent les difficultés: plus de 55 ans, ce peut être une difficulté; expression orale, expression écrite; des lacunes dans la formation et des situations précaires. C'est là ce que vous trouvez dans mon rapport, c'est-à-dire les explications du directeur des EdS. Le Conseil d'Etat nous a également indiqué que le projet de loi et cette motion auraient pour conséquence malheureuse de faire capoter tout le dispositif.

Mesdames et Messieurs, sur les 700 EdS, bien évidemment, il y a des exceptions: bien évidemment qu'il y a des gens qui ne devraient pas être en EdS, qui devraient avoir un autre travail, qui devraient avoir un autre salaire, et une des missions des collaborateurs qui suivent et qui «coachent» ces personnes, c'est justement de les en sortir et de leur proposer autre chose pour qu'elles puissent entrer dans le monde de l'entreprise. La question qui s'est posée plusieurs fois, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'aujourd'hui, le salaire moyen à l'Etat, c'est 9700 F. (Commentaires.) C'est assez simple, si on met le même salaire pour tout le monde, prenez un collaborateur qui vient avec un curriculum vitae du marché de l'emploi à 9700 F ou un collaborateur en EdS: pour le même prix, je vous laisse deviner qui va être choisi. C'est justement ce qu'on ne veut pas, raison pour laquelle nous vous encourageons à refuser et le projet de loi et la motion. En conclusion, nous devons être solidaires, pour que tous aient la dignité humaine, et maintenir ce projet des EdS. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Pour votre information, vous avez mangé deux minutes sur le temps de parole de votre groupe. Je passe la parole au rapporteur de première minorité, M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à faire part de mon mécontentement sur la façon dont les débats se déroulent dans ce Grand Conseil, vraiment ! On consacre cinquante minutes au bouclement d'un crédit d'investissement qui date de 2002, et pour parler de personnes en emploi de solidarité, 700 à 800 personnes qui sont dans l'extrême précarité et qui ont épuisé tous leurs droits au chômage, le débat prévoit quarante minutes ! Je crois que c'est vraiment une honte pour un Grand Conseil comme celui de notre république de laisser les personnes ainsi en arrière par rapport à des soucis d'un passé auquel on ne peut rien changer. Ici, on peut changer le sort des personnes et je pense que c'est notre responsabilité d'y consacrer le temps nécessaire !

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai commencé mon rapport avec une citation que je vais vous relire: «La politique est l'art d'obtenir de l'argent des riches et des suffrages des pauvres, sous prétexte de les protéger les uns des autres.» Cette citation de Jules Michelet, dans un ouvrage qui s'appelle «Vive la politique», à la page 56, résume parfaitement l'attitude d'un groupe de ce Grand Conseil, le MCG. Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir que le MCG, avant les élections cantonales, a soutenu toutes les manifestations liées aux emplois de solidarité qui demandaient l'augmentation de leur rémunération et, à raison, a demandé l'urgence et le renvoi rapide de ces textes dans les commissions du Grand Conseil. Mesdames et Messieurs les députés et Mesdames et Messieurs de la population genevoise, il faut savoir que nous avions, nous, socialistes, déjà demandé une augmentation de ces rémunérations une année auparavant, et ça n'avait rien à voir avec ce qui s'est passé à l'association Partage. Nous avions demandé cela lors de la dernière réforme de la loi cantonale en matière de chômage avec le PL 10821, et le député Stauffer avait fait des déclarations enflammées pour soutenir les amendements socialistes qui proposaient déjà d'augmenter la rémunération des emplois de solidarité. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, à la commission de l'économie, les députés MCG n'ont pas voté l'entrée en matière sur ce projet de loi, ils n'ont pas proposé d'amendement, parce qu'évidemment, dans un projet de loi comme celui-là, les propositions d'augmentation des rémunérations correspondent à ce qu'il faut pour vivre décemment aujourd'hui à Genève. Bien sûr qu'il y a des personnes qui gagnent moins aujourd'hui à Genève, mais il faut savoir que les personnes en question ont déjà épuisé tous les mécanismes du chômage fédéral; elles sont dans les mécanismes du chômage cantonal et elles sont certainement aussi désespérées parce qu'elles ne voient pas vraiment comment elles vont sortir du tunnel. Il faut savoir que ces personnes ont souvent travaillé des années dans des entreprises genevoises; elles se sont données pour l'économie genevoise, elles se sont données pour que certains se construisent des piscines à Cologny ou ailleurs. Eh bien ces personnes, on les laisse aujourd'hui avec moins de 3000 F net: ce sont 2850 F net par mois pour les rémunérations les plus basses pour les emplois de solidarité. Alors augmenter ces rémunérations, ce n'est pas un luxe dans une république comme la nôtre où le nombre de nantis augmente et où le nombre de pauvres augmente malheureusement aussi.

Mesdames et Messieurs les députés, il était possible d'entrer en matière sur ce projet de loi et de discuter d'augmentations moins élevées. Cela figure dans mon rapport, les employeurs engageant des personnes au bénéfice d'emplois de solidarité l'ont aussi évoqué dans plusieurs courriers adressés au Grand Conseil. Ils ont dit qu'il fallait envisager des augmentations de rémunération au moins pour les personnes plus âgées, par exemple les plus de 55 ans. Ils le disaient déjà en 2009 et cela figure à la page 62 du rapport: «Les EdS de plus de 55 ans et sans espoir "réaliste" de trouver un emploi sur le marché primaire toucheraient 20% de plus que ces salaires [...]» Les chiffres figurent dans le rapport. Une possibilité consisterait à leur verser le salaire en vigueur dans l'institution employeuse. Ils l'ont réitérée en 2013, et M. Babel, de la Fondation PRO, a aussi expliqué qu'on pouvait certainement envisager une augmentation de ces rémunérations.

Mesdames et Messieurs les députés, avec un budget de 8 milliards de francs, alors qu'on maintient un bouclier fiscal pour les plus riches, je crois que c'est véritablement choquant de prétendre faire des coupes dans le social et sur des personnes qui ont un emploi de solidarité ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à entrer en matière sur ce projet de loi et à le voter tel quel - c'est ce qu'on pourrait faire de mieux - et, bien entendu, si ces montants vous semblent exagérés pour vivre décemment à Genève, il faut le renvoyer en commission; mais ce serait une honte de ne pas entrer en matière sur un tel projet de loi, quand des personnes se sont données pour l'économie genevoise pendant autant d'années ! (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe regrette également que ces deux objets n'aient pas rencontré l'adhésion de la commission de l'économie, pour plusieurs raisons, notamment celles qui ont été exposées par M. Deneys; mais j'aimerais développer quelques éléments. Tout d'abord, je souhaite déplorer la condescendance particulièrement intolérable qui consiste à traiter ces personnes qui sont de vrais travailleurs comme des demi ou des sous-travailleurs. Les déclarations tendant à dire que ces personnes n'ont qu'une rentabilité de 30% à 40% sont insultantes, disqualifiantes et inacceptables ! (Rires.) On sait que les emplois de solidarité sont censés se développer sur le marché complémentaire de l'emploi, notion un peu artificielle développée notamment dans le cadre de l'office cantonal de l'emploi, qui dit ceci: «Le marché complémentaire de l'emploi rassemble toutes les activités de production de biens ou de services jugées insuffisamment rentables par les entreprises privées qui les ont délaissées. Délocalisées ou tout simplement disparues, la plupart de ces activités sont cependant d'une utilité certaine pour la collectivité [...]» Alors dites-moi si ces activités «d'une utilité certaine pour la collectivité» peuvent être simplement remplies à 30% ou 40% ? Est-ce que les femmes qui, comme Mary Poppins, s'occupent d'enfants, à qui un certain nombre de gens confient leurs enfants, sont des personnes rentables à 30% ou 40% ? C'est inconcevable et ce n'est pas acceptable ! Est-ce que la rentabilité des EdS qui accompagnent les personnes en stage d'évaluation de leur distance à l'emploi, dans le cadre de cette fameuse mesure inscrite dans la LIASI - EdS qui doivent juger l'employabilité d'autres travailleurs - serait de 30% à 40% seulement ? C'est faux et c'est particulièrement disqualifiant.

J'aimerais revenir sur deux ou trois éléments qu'a avancés M. Hohl. L'objectif principal des emplois de solidarité n'était pas d'éviter l'aide sociale, mais d'avoir une véritable alternative au chômage de longue durée. Malheureusement, aujourd'hui c'est un objectif qui n'est pas atteint. Dire que les gens sont heureux de se lever le matin pour aller travailler: bien évidemment ! Mais ils sont surtout heureux d'être à nouveau des travailleurs, rétribués comme tels, et pas des personnes qui se retrouvent au bénéfice d'un statut hybride qui n'est ni un emploi, ni une mesure. D'ailleurs, le SECO ne s'est pas trompé sur cet aspect-là. Enfin, dire qu'il faut éviter à tout prix l'aide sociale, quand on sait, de l'aveu même du responsable du service des EdS, qu'une personne sur dix bénéficie soit de prestations de l'aide sociale, soit de prestations complémentaires familiales, ces prestations pour les travailleurs pauvres... Qu'on ne vienne pas nous dire que cette mesure des EdS permet aux gens d'éviter la misère et l'aide sociale ! Au contraire, elle les y maintient !

Quant à dire que les syndicats se sont principalement préoccupés de la question du salaire minimum, c'est faux ! Pour avoir été présente le jour de la conférence de presse sur la problématique des EdS, ce sont des EdS eux-mêmes qui sont venus devant les syndicats et les partis politiques pour dénoncer ce statut et la gravité de la détérioration de leurs conditions de travail. Il ne s'agissait pas uniquement des conditions salariales, mais également des conditions de travail imposées: transporter des ordures à mains nues, porter de hautes charges à bout de bras, être insulté et faire l'objet de traitements humiliants ! Voilà ce que les grévistes ont dénoncé et voilà quel a été le premier objet de la révolte des grévistes de Partage. La question du salaire minimum est venue ensuite. Je dirai que c'était une question de synchronisation des calendriers, mais ça n'a pas été la mesure première qui a motivé la grève de Partage; elle est venue ensuite s'y greffer de manière connexe.

Il y a donc quelque chose de profondément injuste à ne pas vouloir reconnaître aux personnes qui sont en EdS un vrai statut de travailleurs et à ne pas reconnaître leur travail à la valeur de ce qu'il est. Il y a peut-être un certain nombre de personnes qui, aujourd'hui, sont plus éloignées de l'emploi, mais la grande majorité, contrairement à ce qui vous a été dit, en est proche. Seulement, en disqualifiant ces personnes, on veut se donner bonne conscience et alimenter le système de sous-enchère salariale: cela donne bonne conscience à tout le monde et absout la sous-enchère salariale de ses péchés. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs et chers collègues, je pense que la qualité d'un débat ne dépend pas du temps qui lui est consacré et j'estime que nous en avons eu de multiples exemples dans cette salle, soirée après soirée. Les bénéficiaires des emplois de solidarité reçoivent actuellement 3225 F par mois, cela a été rappelé. (Remarque. Le président agite la cloche.) Et le but du projet de loi est d'augmenter ce montant de 800 F pour le porter à 4025 F. Lors des travaux de la commission, il y avait 720 personnes en emploi de solidarité, avec un âge moyen de 48 ans; 46% de ces 720 personnes étaient âgées de plus de 50 ans; 71% de ces personnes étaient sans aucune formation; 51% gagnaient en moyenne 3725 F, ce qui est à peu près l'équivalent du minimum vital que touchent les personnes au bénéfice des prestations complémentaires. Ces travailleurs sont employés essentiellement dans le milieu associatif. Les emplois de solidarité atteignent certains de leurs objectifs en rendant une dignité humaine à ces travailleurs, en leur redonnant l'habitude d'une discipline du travail, d'une discipline des horaires, en leur permettant de garder un lien social et l'insertion dans un milieu professionnel. Ces gens sont encadrés et ils bénéficient d'un coaching, parce qu'ils constituent une population particulièrement vulnérable et faible et qu'ils doivent reprendre certaines habitudes qu'ils ont quittées. Il s'agit aussi d'une population de personnes abîmées; on a beaucoup entendu en commission le terme de personnes «cassées» par les aléas d'une vie difficile et c'est pour cela que ces personnes ont besoin d'un encadrement important et d'un suivi régulier. Les actions syndicales, n'en déplaise à la deuxième rapporteure de minorité, sont apparues évidemment comme opportunistes et sauvages, voire purement électoralistes, plutôt que constructives et soucieuses de l'intérêt des travailleurs qu'elles étaient censées défendre, puisque nombre d'entre eux se sont retrouvés sur le carreau, et le carreau, pour ces travailleurs, c'est simplement l'assistance publique et être sans aucun emploi. Augmenter ces salaires à plus de 4000 F équivaudrait aussi - et il faut y penser - à payer plus ces gens-là que d'autres personnes employées dans d'autres secteurs. Ces travailleurs, sans les emplois de solidarité, se retrouveront fatalement sans emploi et les associations que nous avons auditionnées nous ont toutes dit leur inquiétude, par rapport à des augmentations importantes qui leur seront imposées ou qui leur auraient été imposées. La hausse demandée, si elle était acceptée par votre Grand Conseil, aurait pour conséquence immédiate soit une diminution, soit une suppression pure et simple de ces EdS.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Jean-Marc Guinchard. Je compte sur votre mansuétude, Monsieur le président, mais j'y arriverai ! Le groupe démocrate-chrétien, dans ces conditions, vous recommande de rejeter toute proposition de renvoi en commission, de rejeter le projet de loi et la motion qui l'accompagne. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en préambule, la première chose qui nous frappe à la lecture de ces rapports, nous, MCG, c'est qu'une fois de plus, il y a quelques mots pas tout à fait aimables dans ces lignes. C'est le moins qu'on puisse dire; une fois de plus, ce sont les insultes. Alors voyez-vous, Mesdames et Messieurs, c'est comme tout à l'heure lors du débat, je ne crois pas que ce soit comme ça qu'on fait avancer le schmilblick, passez-moi l'expression. Quoi que vous puissiez en penser, nous avons une fibre sociale au MCG. Seulement, il y a aussi des choses qui sont possibles, il y a des choses qui ne sont pas possibles et des choses qui sont moins possibles. Et vous devez bien vous rendre compte qu'augmenter les salaires des EdS de 800 F, c'est peut-être fantastique dans l'idéal, mais qui est-ce qui va payer ? C'est l'Etat et il faudra d'abord trouver le financement ! Deuxièmement, comment allez-vous expliquer ça à ceux qui triment, qui travaillent dans l'artisanat ? Je pense que vous connaissez la convention collective de l'artisanat ? Moi, je la connais et je sais quels sont les salaires: les salaires sont à 3770 F pour quelqu'un de non qualifié. Donc, vous allez donner plus aux EdS que nous essayons d'accompagner avec ce dispositif pour les aider à en sortir et retourner dans le marché ordinaire du travail qu'à ceux qui travaillent dans l'artisanat et qui ont des salaires quand même relativement bas ! Mais bon, c'est la convention collective que l'Etat a d'ailleurs dû imposer et étendre à tous les artisans et commerçants du canton de Genève, comme vous le savez.

Peut-être n'est-ce pas suffisant, mais dans l'artisanat, il y a toute une série de professions où il n'est pas possible de donner plus, autrement elles ferment ! Expliquez-moi comment un fleuriste pourrait donner 4500 F à un salarié, ou un commerçant, un épicier ou un coiffeur... A un moment donné, il y a des freins qui sont réels et il faut en tenir compte. Je reviens aux EdS.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Tu me laisseras du temps aussi ?

M. Daniel Sormanni. Oui, oui, je t'en laisse ! La difficulté, c'est de trouver le juste milieu qui permette éventuellement de revaloriser une partie des salaires, et nous savons que notre magistrat, M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia, a dans ses cartons l'idée de revaloriser le salaire de 250 F, je crois - en tout cas pour les 60 ans et plus. C'est déjà un pas qui pourrait être franchi. Ce soir, nous avons décidé d'être généreux, malgré les insultes que vous avez proférées dans le rapport et lors du débat précédent, et nous pourrions accepter le renvoi en commission, de façon à examiner quelles sont les possibilités, mais pas selon votre base, Mesdames et Messieurs les socialistes: pas à 800 F par mois, ce n'est pas possible !

M. Michel Amaudruz (UDC). Comme vous l'aurez noté, les rapporteurs de majorité et de minorité ont bien cristallisé les positions, je vais donc prendre les choses autrement. Je ne sais pas si vous vous souvenez, Monsieur le président, mais est-ce que vous avez senti ce souffle de Jean-Baptiste Poquelin, hier soir ? Parce que l'un d'entre nous s'est vu décerner la palme gouvernementale logistique en matière de transports, peut-être que, ce soir, nous allons découvrir un M. Jourdain qui, ayant bien saisi son enseignement, nous proposera l'adoption de quelque loi merveilleuse. Il faut quand même se souvenir d'un principe fondamental, que vous partiez de Siddhartha ou de Confucius, ou même du Coran, de la Bible ou du code civil de Napoléon et de celui, suisse, d'Eugen Huber: tout être humain est responsable de lui-même ! Bien évidemment, cette règle a ses exceptions et, dans le cas particulier, l'exception que l'on voudrait traiter au travers de ce projet de loi est non pas la situation des handicapés sociaux, mais celle des handicapés de la société. C'est là où je vous dis: faites attention ! Faites attention, parce que nous avons des exemples qui viennent de nos voisins que nous aimons tant, qui nous donnent l'exemple à suivre. J'ai été enthousiasmé quand Mme la future présidente Sommaruga a dit, dans un élan de spontanéité, croyant manier son piano à merveille et sans faire de fausse note: ah, les Français, nos amis de toujours ! Aujourd'hui, ce ne sont plus nos amis de toujours, c'est la désaffection cordiale. Eh bien, ces Français voudraient nous enseigner, au travers de ce projet de loi notamment, les mérites du RMI qui, s'étant révélé catastrophique, s'est muté dans un enfantement spontané en un RSA. Et aujourd'hui, voulant suivre ce bel exemple, cette fois avec les EdS ou je ne sais quoi, on voudrait encore modifier les choses. Il faut être conscient du fait que ce phénomène progressif gangrène; c'est un lymphome qui paralyse notre société et la conduit sur une voie qui l'amènera contre un mur, sinon dans une situation délétère. Bon, je ne suis pas en train de faire du Zemmour qui a stigmatisé le «suicide français», mais je rappellerai que feu Michel Halpérin, dans un article brillant, où il parlait de la paupérisation de la Suisse, stigmatisait ce suicide collectif vers lequel celle-ci se dirigeait. Il faut donc être très prudent quand on s'engage dans cette voie où l'on voudrait remédier à ce mal de la société. Voyez-vous, je crois qu'on pourrait dans le prolongement faire encore une fois appel à Molière...

Le président. Il vous reste quinze secondes !

M. Michel Amaudruz. Alors écoutez, en conclusion, je vous dirai que dans une émission de Laurent Delahousse qui interviewait Brigitte Bardot, elle a eu ces mots, disant que notre société est sur le mauvais chemin. Interviewé par le même Delahousse, Cohn-Bendit a dit...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Michel Amaudruz. ...qu'il le regrettait pour les Verts, mais qu'il était devenu un bourgeois. Comme quoi, même les enfants terribles peuvent aller au paradis !

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la première fois que nous traitons ce sujet, un sujet sensible et plutôt honteux pour l'Etat de Genève qui cautionne des salaires aussi bas et cautionne le fait de créer des «working poors» à Genève, subventionnés par l'argent du contribuable. Il faut appeler un chat un chat ! C'est intéressant, les statistiques données par M. Guinchard et dans le rapport de majorité sont justes, mais partielles. Si on regarde d'un peu plus près, on se rend compte que 50% des EdS gagnent certes 3725 F brut, mais 46% ne gagnent que 3225 F brut et seuls 4% gagnent plus de 4000 F, à savoir 4225 F brut. Il y a donc une situation très grave, puisqu'on parle de salaires bruts où la moitié ne gagne que 3220 F net, et ça peut aller en dessous de 3000 F, ce qui en fait des «working poors», selon les critères établissant les seuils de pauvreté pour Genève. L'Etat de Genève et nous, députés, légitimons la création de «working poors» grâce à l'argent du contribuable. C'est une situation qui n'est pas viable, que nous ne pouvons tolérer, alors que les EdS correspondent bien à un emploi, il faut le rappeler; un emploi qui n'est pas un stage de formation ni un stage de réinsertion: c'est un emploi comme un autre, qui permet à des personnes au chômage de longue durée de retrouver une place, de retrouver une certaine valorisation au travers de l'emploi pour, par la suite, rechercher un autre type d'emploi. Cette sous-enchère salariale, cette sous-valorisation, a des effets sociaux tout simplement catastrophiques, et j'ai été choqué, lors de débats précédents sur la fiscalité notamment, d'entendre toujours les mêmes choses sur la pression fiscale pour les grandes fortunes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et la fiscalité qu'il faudrait diminuer, l'impôt sur la fortune qu'il faudrait supprimer. Comme si, aujourd'hui, les victimes de notre système, c'étaient les grandes fortunes ! Alors que les réelles victimes de notre système, ce sont les milieux les plus précaires... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. ...dont font partie les EdS. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi, mais au vu de ce que j'ai pu entendre, nous vous proposons de le renvoyer en commission pour l'étudier davantage et - pourquoi pas ? - créer des barèmes différents.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons donc une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs et le conseiller d'Etat peuvent s'exprimer. Je passe la parole à Mme la rapporteure de deuxième minorité.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à l'évidence, la manière dont ce sujet a été traité est lacunaire. Il suffit de regarder le rapport de majorité pour s'en convaincre: certaines informations sont totalement erronées... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On nous dit effectivement... (Brouhaha.) Vous me le décompterez ? (Rires.)

Le président. Oui, Madame, on décomptera. S'il vous plaît, un peu de silence !

Mme Jocelyne Haller. Quand on lit le rapport de majorité, on voit qu'un député PLR fait l'éloge de cette mesure, en disant qu'elle a un taux de réussite de 77%... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Jocelyne Haller. Merci ! Or, si on se réfère à la présentation du service des EdS, le taux de réinsertion est de 13% dont 77% dans les deux ans: on voit bien qu'on pare les EdS de vertus qu'ils n'ont pas, qu'il y a une fausse idée qui s'est faite au travers de toute une série de déclarations, à la fois par les employeurs, par le département et par le service des EdS, qui sont tous à la fois juges et parties en la matière. Il conviendrait donc aujourd'hui de réexaminer sérieusement cet objet pour étudier l'opportunité de ce projet de loi qui propose de manière intermédiaire d'améliorer le sort des EdS. Le cas échéant, si nécessaire, je reviendrai plus tard et c'est pour cela que je vous invite à renvoyer ces deux objets en commission. (Brouhaha.) Je vous remercie de votre attention - et encore, c'est une vue de l'esprit.

Le président. S'il vous plaît, j'aimerais bien un peu de silence et que les groupes règlent leurs problèmes internes entre eux et en silence ! Monsieur Deneys, vous avez la parole sur le renvoi en commission.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai effectivement été assez sévère avec le groupe MCG dans mon rapport, mais en l'occurrence, j'étais assez choqué par les propos tenus par ce groupe avant le travail sur ce projet et le vote final. J'étais choqué par ce changement d'attitude. Monsieur Sormanni, vous l'avez dit, et je sais que vous êtes intelligent, un projet de loi peut être amendé... (Brouhaha.)

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. ...et c'est parce que les montants peuvent entrer en contradiction avec des rémunérations en vigueur dans certaines petites entreprises, chose à laquelle j'avais évidemment pensé, qu'une entrée en matière permettrait éventuellement un amendement. Comme je l'ai dit, certains employeurs auditionnés ont mentionné le fait qu'une augmentation était toujours bonne à prendre, même de quelques centaines de francs. On devrait donc pouvoir en discuter et c'est pour ça que j'étais surpris de voir qu'il n'y avait même pas d'entrée en matière.

Maintenant, je ne suis pas extrêmement convaincu, mais on va le faire quand même, parce que, pour moi, il y a deux éléments: il y a les projets plus globaux comme celui déposé par le Conseil d'Etat, par l'entremise de M. Poggia, sur les EdS; il y a celui déposé par les partis de l'Alternative, le PL 11501, pour réformer aussi le mécanisme des emplois après un chômage de longue durée. Mon souci, c'était d'augmenter rapidement la rémunération. Avec les socialistes, nous disons que ces personnes vivent dans la précarité...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.

M. Roger Deneys. ...et il faut pouvoir augmenter rapidement leur rémunération. Donc, oui à un renvoi en commission, mais pourvu que ça aille vite: ces personnes souffrent. Avec des revenus aussi bas, il faut des décisions rapides !

M. Frédéric Hohl (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord je tiens à féliciter M. Deneys: vous êtes un charmeur, vous savez charmer le MCG pour qu'ils aient un cas de conscience... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) Je reprends: vous savez charmer le MCG pour qu'ils aient un cas de conscience... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt à nouveau.) J'attends qu'ils finissent de s'engueuler ! Mesdames et Messieurs... Attendez, je vais laisser finir les deux, là ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Hiltpold, Monsieur Cerutti, sortez si vous voulez parler entre vous ! (Brouhaha. Exclamations.)

M. Frédéric Hohl. Serge, va t'asseoir ! (Commentaires.) Très bien.

Le président. Poursuivez !

M. Frédéric Hohl. Mesdames, Messieurs, reprenons nos esprits ! (Brouhaha persistant. L'orateur marque une pause.) Pour ceux qui étaient dans la commission, nous avons tous été sensibilisés à la problématique des employés EdS de plus de 60 ans et je me rappelle très bien que le conseiller d'Etat a dit: «Oui, ce problème me tient à coeur et je vais faire quelque chose.» De notre côté, au PLR, nous faisons confiance au conseiller d'Etat en charge de cette politique. Nous lui faisons confiance, nous n'allons pas retourner en commission pour lui dire: «S'il vous plaît, faites attention avec les 60 ans et plus pour qu'on puisse leur donner quelque chose en plus !» Monsieur le conseiller d'Etat, nous vous faisons confiance ! Mesdames et Messieurs, c'est le seul point sur lequel nous avions envie d'avoir un petit compliment... (Rires.) Un petit complément, et vous nous l'avez donné ! Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas accepter ce renvoi en commission qui ne sert strictement à rien, parce que nous parlerons exactement des mêmes choses, et nous allons discuter de savoir si on peut donner aux collaborateurs EdS un salaire médian comme on en trouve à l'Etat aux alentours de 9000 F. La réponse, Mesdames et Messieurs, vous la connaissez tous, ce n'est pas possible ! Nous ne voulons pas que ces 700 personnes retournent à l'aide sociale. Si vous avez un petit peu de coeur, Mesdames et Messieurs, vous devez garder ce système tel qu'il a été créé !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat, sur le renvoi en commission. (M. Mauro Poggia ne s'exprime pas tout de suite.) Monsieur Poggia, vous avez la parole.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Pardon, excusez-moi ! Merci, Monsieur le président. J'étais songeur, entendant des débats qui partent un peu dans tous les sens, entendant qu'il serait honteux pour l'Etat de Genève de créer des emplois de solidarité, alors que d'autres cantons regardent précisément ce que nous faisons pour mettre en place la même chose; parce que les personnes que nous plaçons en emploi de solidarité sont, ailleurs, à l'aide sociale. Chez nous, elles ont la dignité de se lever le matin, de travailler, de rentrer à la maison en disant à leur famille qu'elles rentrent du travail. Certes, ce n'est pas parfait ! Nous sommes d'accord ! Je serais le premier à offrir 5000 F à tout le monde - le salaire minimum à tout le monde ! Mais nous sommes dans la réalité, ici ! Nous ne sommes pas dans les rêves, Mesdames et Messieurs. Et quand vous avez fait sauter ces emplois de solidarité chez Partage, l'année passée, ces gens se sont retrouvés à l'aide sociale; ces personnes que vous prétendiez aider sont allées frapper à nouveau à la porte des emplois de solidarité pour les obtenir à nouveau ! C'est cela que vous voulez ? Ce sont aujourd'hui 700 personnes qui ont cette dignité-là et qui la revendiquent. Plutôt améliorer le processus, ce que je suis en train de faire actuellement ! Comme vous le savez, un nouveau projet de loi est déposé, je l'ai dit et je l'ai fait. Vous verrez que le règlement du Conseil d'Etat va dans ce sens et le contrat type de travail qui est présenté à la CRCT, sur lequel vous pourrez vous prononcer, va dans ce sens: ce sont 250 F de plus par mois à partir de 60 ans, parce qu'il est vrai qu'à ce moment-là, il est difficile - je ne veux pas dire illusoire mais difficile - d'imaginer un retour à l'emploi.

Les emplois de solidarité s'adressent à des personnes qui ont été éloignées longtemps du marché du travail. Elles n'auraient pas le rendement qui serait nécessaire sur le marché primaire du travail. Il faut donc créer des emplois spécifiques, mais non des activités de pure occupation comme l'a prétendu un certain temps le SECO; de véritables activités qui répondent à un besoin de la population. Que l'on pense à Caddie Service, ce moyen que l'on donne à des personnes âgées ou handicapées pour se faire livrer leurs courses à la maison. Quelle entreprise privée investirait 5 F pour chaque course amenant des cabas de commissions chez une personne âgée ? Aucune ! Il faut donc que l'Etat mette sa part, pour que ces emplois existent. Si vous augmentez ces salaires au-delà de ce qu'ils sont aujourd'hui et de ce que décidera le cas échéant le contrat type de travail, c'est l'Etat qui devra mettre la différence ! Or, l'Etat n'a pas les moyens de mettre la différence parce qu'il comparera, une majorité dans ce parlement comparera ce que coûte l'aide sociale par rapport à ce que coûtent les emplois de solidarité: la comparaison sera vite faite et, à ce moment, on renverra ces gens à l'aide sociale. Est-ce cela que vous voulez ? Est-ce cette dignité-là que vous voulez pour ces personnes ? Il y a mieux à faire et ce mieux à faire, nous sommes en train de le faire. Nous voulons le faire ensemble, parce que nous avons tous dans ce parlement le souci de donner une véritable dignité à ces personnes, mais sachez qu'il n'y en a qu'une minorité qui reçoit l'aide sociale en complément de ce salaire, ce qu'elle peut recevoir; il n'y en a qu'une petite minorité. Oui, bien sûr, c'est une petite minorité. Eh bien, c'est vrai que pour celles-là, il faut qu'il y ait aussi une incitation à aller plus loin, parce que les emplois de solidarité s'adressent d'abord à des personnes qui n'ont pas la même rentabilité. Je suis désolé d'utiliser des termes peut-être excessifs, quand on parle de personnes qui sont évidemment précarisées pendant une bonne partie de leur vie. Elles n'ont pas la même rentabilité et, en plus, ce que l'on met maintenant dans ce contrat type de travail, ce que le département a voulu y mettre, c'est une obligation d'un plan de carrière pour ces personnes, avec une obligation de formation pour les employeurs qui les engagent. On ne peut pas payer ces gens-là la même chose que des personnes qui doivent travailler avec un rendement de 100% sur le marché du travail. Je vous rappelle que dans le commerce de détail, la convention collective de travail prévoit 3740 F par mois sans CFC et, avec CFC, 3900 F par mois. Vous voudriez mettre tout le monde à plus de 4000 F par mois pour des emplois de solidarité ? C'est la mort des emplois de solidarité ! Parce que personne ne créera rien pour ces gens-là, malheureusement.

Alors laissez-nous cet instrument pour faire ce que rien d'autre ne permet de faire pour ces personnes-là aujourd'hui, étant précisé qu'il s'agit d'une passerelle vers autre chose. Une passerelle encore insuffisante, vous avez raison, mais nous ne mettons pas autant... Regardez: combien de personnes à l'aide sociale retournent sur le marché du travail ? Regardez ! C'est infinitésimal, par rapport à ceux qui sont dans des emplois de solidarité et qui repartent sur le marché du travail.

Nous avons travaillé pendant six séances sur ce sujet à la commission de l'économie et je pense que nous avons fait le tour de la question; le département est parfaitement conscient de ses responsabilités, il va dans le sens des engagements qu'il a pris. Merci de le rappeler, Monsieur Hohl, mais ces engagements seront tenus, parce que le département a l'habitude de faire ce qu'il dit et nous allons améliorer ce système. Nous travaillons actuellement avec le SECO, la main dans la main, et d'autres cantons attendent précisément le résultat genevois pour faire la même chose chez eux. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vous soumets le renvoi à la commission de l'économie. (Brouhaha.)

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11327 à la commission de l'économie est rejeté par 59 non contre 34 oui.

Le président. Nous poursuivons notre débat et je passe la parole à M. le député Boris Calame.

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, à propos de ce projet de loi qui modifie la loi en matière de chômage pour sa partie liée aux emplois de solidarité dits EdS, autant les auditions ont été intéressantes et les problématiques ciblées, autant la commission s'est focalisée sur le salaire minimum, ce qui est regrettable. En effet, liée à ce projet de loi, nous avons également traité la motion 2172 qui proposait des invites tout à fait intéressantes. Je mentionne ici, entre autres, la quatrième qui demandait une réelle distinction entre postes occupés ou proposés qui s'apparentent à des emplois et ceux qui s'apparentent à des mesures d'insertion. Nous l'avons vu lors de nos travaux, les types de personnes concernées par ces emplois de solidarité sont divers et variés; les activités proposées et le soutien à celles-ci par les collectivités sont aussi variables. Il faut reconnaître que la réponse politique donnée actuellement n'est pas satisfaisante. Les personnes ont des emplois qui ne leur permettent pas de vivre décemment, alors même que, pour bon nombre d'entre elles, il devrait s'agir d'un tremplin pour sortir la tête de l'eau: un emploi qui donne ou redonne confiance en soi, qui permet de se resocialiser et, à terme, de rejoindre un poste reconnu comme un vrai emploi. Certes, les personnes en EdS n'ont pas toutes la capacité de lutter dans notre marché du travail et il faut bien reconnaître que l'entreprise d'aujourd'hui ne sait plus - ou ne peut plus - vraiment intégrer ces personnes. Ce sont alors d'autres solutions qui doivent être trouvées. Les EdS pourraient constituer une réponse; malheureusement, la précarité imposée sur la durée aux personnes concernées n'est pas acceptable.

Une autre invite demandait d'inventorier les activités en emploi de solidarité qui seraient de nature ordinaire pour les collectivités publiques et de pérenniser ces emplois. Nous avons l'impression de vivre là avec des agents spécialisés ou des premiers emplois qui durent, où l'on maintient des personnes dans des situations de précarité. A la question «Est-ce que l'emploi de solidarité doit être pérenne ou éphémère pour l'individu ?», nous n'avons pas eu de véritable réponse. Les Verts ont soutenu l'entrée en matière sur le projet de loi et la motion; c'était l'occasion de tenir le débat et de chercher à construire ensemble une nouvelle définition des EdS, mais la majorité n'en a pas voulu, nous ne pouvons que le regretter. La loi actuelle manque en effet cruellement de prise en considération du vécu du terrain et de la réalité humaine. Nous soutiendrons donc tant le projet de loi que la motion car la loi se doit d'être révisée. Nous espérons et attendons maintenant du conseiller d'Etat qu'il s'y attelle avec détermination; nous avons entendu les propos de M. Poggia de tout à l'heure que nous nous réjouissons de pouvoir suivre en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold. Il vous reste une minute cinquante.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, ce sera suffisant. Je remercie en tout cas le conseiller d'Etat Poggia qui a remis un peu les réalités au coeur du débat et je reviens sur les propos du rapporteur de majorité Frédéric Hohl sur ces mesures qui portent ce salaire à 4025 F. Qu'est-ce que ça veut dire, 4025 F ? Soit on admet qu'il y a un principe d'insertion avec un coaching, il l'a dit, et une notion de rendement et de rentabilité. A 4025 F, sans formation professionnelle, vous avez un salaire supérieur à celui de quelqu'un avec un CFC qui est dans l'agriculture ou la vente. Alors il faut se poser les bonnes questions: est-ce qu'on admet que la personne à 4025 F avec un rendement à 50%, ce qui est tout à fait correct, est déjà très bien payée ? Sinon, on admet que cette qualification est à 100%, mais alors on est à 9000 F. 9000 F, avec une maîtrise fédérale, dans les métiers du bois, on ne les touche pas ! Je crois que le coeur du débat est ici. C'est qu'il faut trouver le juste équilibre de ce qu'il faut faire: ni trop ni trop peu, mais ne pas porter trop haut le salaire minimum, une espèce de SMIC à 4000 F.

Le président. Il vous reste trente secondes !

M. Serge Hiltpold. Il faut un dosage très fin. Pour ce dosage, il faut créer des niches, afin de ne pas se retrouver en concurrence avec l'économie réelle et de ne pas faire du dumping par rapport à des entreprises privées. Il faut trouver un équilibre entre la dignité et la juste rémunération, un équilibre par rapport aux autres secteurs. Mon collègue Georges Vuillod a du personnel qui ne gagne pas ça, alors qu'il bosse à 120% ! La réalité, elle est là ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts. Il vous reste cinquante secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je reviendrai sur les propos concernant le MCG à travers une motion d'ordre tout à l'heure; je ne veux pas perdre de temps pour ça maintenant. Ce que je voulais dire par rapport aux EdS, c'est que le projet a en fait été vendu avec un plan de formation à la clef pour chaque personne. Alors je veux bien qu'on parle de plan de carrière, mais si on est cadre dans une banque ! Un plan de carrière, qu'est-ce que c'est ? Je parle de formation de base, puisque la plupart des personnes n'ont pas de CFC. Quand on dit que les personnes sont en difficulté d'apprentissage, ce n'est pas vrai !

Le président. Il vous reste quinze secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Tout le monde a vécu et, à partir de là, on peut construire une formation !

Le président. Il vous faut conclure !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je conclus ! C'est de l'exploitation, on n'a pas le droit de garder les gens six ans dans une situation d'EdS...

Le président. Merci, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...alors qu'en une année, on peut les former pour être aptes à faire un CFC.

Le président. Merci, Madame. Je passe la parole à Mme la députée Jocelyne Haller, rapporteure de deuxième minorité.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur les propos de M. Amaudruz qui nous disait tout à l'heure que tout être humain est responsable. Alors je pose la question: de quoi ? Du chômage structurel ? Des délocalisations ? J'aimerais bien savoir de quoi les chômeurs en fin de droit, aujourd'hui, sont responsables !

D'après M. Hohl, il faudrait avoir du coeur. Alors il y aurait ici des gens qui auraient du coeur et d'odieux militants syndicaux qui voudraient détruire la vie des EdS ? C'est faux ! Quand on nous disait que c'est l'Etat qui doit compléter le coût de Caddie Service, pourquoi est-ce que ça ne serait pas Manor ou la Coop ou la Migros qui paieraient la différence ? C'est un service qui leur est offert, autant qu'il est offert aux consommateurs ! (Brouhaha.) Il y a des pistes à explorer et j'aimerais encore dire concernant cette question des EdS, parce qu'effectivement, il y a des gens qui sont tombés dans cette nasse et qui n'ont pas pu en sortir, parce que les promesses qui leur avaient été faites n'ont pas été tenues et que la passerelle est effectivement devenue un piège... Aujourd'hui, il y a plusieurs projets visant à modifier ce statut EdS et nous sommes un certain nombre ici à avoir cosigné un projet de loi dont le but est de changer fondamentalement le fonctionnement de l'OCE et qui propose de transformer les EdS en véritables emplois. Et quand on parlait de l'aide sociale, j'aimerais rappeler qu'il y a aujourd'hui une proportion importante de gens à l'aide sociale qui travaillent - qui travaillent mais ne gagnent pas suffisamment pour couvrir leurs besoins vitaux. Et il y en a d'autres encore, un millier, qui sont en activité de réinsertion, qui travaillent à 50% sans être payés du tout, hormis une indemnité de 50 F. Ils travaillent à mi-temps dans des services publics et dans le secteur subventionné: si on les avait salariés correctement, ceux-là seraient vraiment sortis de l'aide sociale ! Si vous voulez diminuer l'aide sociale, amenez de vraies solutions et ne prenez pas des demi-mesures qui permettent simplement de garder les gens dans l'exploitation.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. Finalement, cela alimente un système de sous-enchère salariale qui est indigne - indigne ! - de ce parlement. Il devrait y avoir une véritable recherche de solutions et non pas les faux-semblants que sont aujourd'hui ces espèces de mesures d'insertion, de vrais pièges pour les chômeurs en fin de droit. (Applaudissements.)

Le président. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat. Ensuite, nous voterons.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. C'est vrai qu'il faut trouver des solutions ! Vous avez déposé un projet de loi que j'ai lu attentivement et dans lequel la solution est l'engagement de ces personnes par l'Etat. Donc, l'Etat crée des emplois et engage les EdS en tant que nouveaux employés ou fonctionnaires. Il y avait un pays, l'URSS, dans lequel l'Etat était l'employeur principal voire l'employeur exclusif: je ne sais pas si c'est le modèle de société vers lequel nous souhaitons aller. En tout cas, j'ai quelques craintes, voyant déjà les problèmes qu'il y a pour faire adopter le budget présenté, que l'on puisse imaginer d'engager en tant que nouveaux employés de l'Etat 750 personnes qui sont actuellement des EdS.

Je voudrais vous dire - peut-être l'ai-je déjà dit - que la réflexion sur les EdS n'est pas simplement en cours, elle l'est depuis longtemps, puisque j'ai rencontré rapidement ce printemps le SECO, avec lequel il y avait effectivement une divergence sur la perception de ces emplois de solidarité, le SECO considérant qu'il s'agissait uniquement de mesures du marché du travail. Nous avons donc considéré devoir remanier le système et le présenter sous la forme d'un contrat type de travail, et actuellement, M. Moutinot, ancien conseiller d'Etat, est en charge de ce projet. (Brouhaha.) Il va certainement bientôt commencer les consultations et vous pourrez bien sûr vous exprimer. Sachez simplement que ces salaires ne tombent pas du ciel: le département de la solidarité et de l'emploi, qui m'a précédé dans cette tâche, s'était mis en rapport avec l'OCIRT pour arriver à ces salaires de 3250 F à 4250 F, en tenant compte de critères spécifiques pour la population qui occupe ces emplois de solidarité. Ce n'est donc pas qu'à un moment donné quelqu'un ait décidé seul que 3250 F étaient bien assez comme salaire minimum.

Maintenant, on parle toujours de l'alternative, mais pour l'instant, vous ne m'avez pas présenté une seule solution. Si vous en avez, je suis preneur. Je suis toujours intéressé aux alternatives véritables, mais pas à celle qui propose simplement d'engager parce qu'«il n'y a qu'à» ! On l'a quand même entendu souvent et malheureusement, les Genevois ne peuvent pas continuer à prendre en charge toujours davantage de frais de fonctionnement de l'Etat. D'autant plus que certains se plaignent - à juste titre - que, peut-être, la fonction publique devrait être diminuée - sans licenciements bien sûr, je le précise d'emblée; sans licenciements, mais se voir diminuée parce qu'elle serait, pour certains, trop grasse. Or, maintenant, on nous propose d'engager les EdS - mais pour faire quoi ! En tant que fonctionnaires, aller livrer les commissions chez les personnes qui font leurs courses à la Migros ? Evidemment pas ! Au mois de septembre de l'année passée ont commencé les problèmes chez Partage. Vous avez vu quelle expérience nous avons faite avec ce qui a été porté sur la place publique: les critiques étaient justifiées, mais la méthode critiquable. Eh bien, l'alternative a eu pour résultat que ces personnes sont retournées à l'aide sociale. Avec Partage, on a fait le test en éprouvette de l'alternative; l'alternative, c'était le retour à l'aide sociale, parce qu'on n'a rien trouvé de mieux ! Maintenant, c'est comme si on faisait un test en éprouvette pour un vaccin, mais que le patient décède et que vous, vous vouliez quand même une campagne de vaccination généralisée ! Vous voulez renvoyer toutes ces personnes à l'aide sociale ? Laissez l'Etat faire son travail, comme il le fait maintenant ! Ne grossissez pas les salaires que ces entreprises partenaires ne peuvent de toute façon pas assumer ! Vous le savez parfaitement et c'est l'Etat qui va donc devoir mettre la différence. Or, il faut aussi garder une incitation à repartir sur le marché du travail. Vous avez raison sur la nécessité d'une formation; il ne s'agit pas de parquer les gens dans des emplois pendant des années; il faut qu'il y ait un programme de formation individuel pour chaque personne en fonction de ses capacités et de sa volonté. Sur cette base-là, nous allons pouvoir améliorer le taux de retour sur le marché du travail. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. M. Deneys voulait le vote nominal. C'est bien cela ? (Remarque.) Etes-vous soutenu ? (Des mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes.

Mis aux voix, le projet de loi 11327 est rejeté en premier débat par 58 non contre 32 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous fais voter sur la motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2172 est rejetée par 58 non contre 32 oui et 2 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une excellente nuit et vous dis à très bientôt !

La séance est levée à 22h35.