République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10613-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi 10281 du 4 décembre 2008 accordant une indemnité annuelle de fonctionnement aux Hôpitaux universitaires de Genève pour les années 2008 à 2011

Premier débat

Le président. Nous sommes au point 158 de notre ordre du jour. Le rapport de majorité est de M. Jeannerat, le rapport de minorité de M. Bertinat. Je donne la parole à M. Jeannerat... (Remarque.) ...qui ne la prend pas. M. Bertinat souhaite prendre la parole: je la lui donne.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi sur lequel nous nous penchons comporte trois indemnités différentes: la première concerne les prestations de soins; la deuxième, la formation et la recherche clinique; et la troisième, les missions d'intérêt général. C'est à cette dernière, qui est à la base de mon rapport de minorité, que nous nous opposons. Qu'est-ce que des missions d'intérêt général ? Les missions d'intérêt général concernent la médecine et la psychiatrie pénitentiaires, ainsi que la prise en charge des patients précarisés. Cette catégorie recouvre les personnes ne disposant pas d'assurance-maladie, c'est-à-dire les SDF, les clandestins, les demandeurs d'asile refusés, les NEM, etc.

Je précise aussi que l'UDC ne s'oppose pas aux soins donnés à ces personnes, qui en ont besoin, là n'est pas fondamentalement le problème. Mais nous relevons tout de même que les frais pour soigner ces gens - qui ne devraient logiquement pas être à Genève - s'élèvent à plus de 40 millions de francs et que cette ardoise, que les citoyens et les citoyennes de ce canton doivent payer, est en constante augmentation. En effet, en 2007, les HUG dénombraient 5343 cas et, deux ans plus tard, ce nombre était passé à 7100.

Pourquoi nous opposons-nous à cet aspect du projet de loi ? Tout simplement parce que, si nous soignons les gens clandestins à Genève, nous nous sommes aperçus qu'une fois soignés, ils rentrent - entre guillemets - tranquillement chez eux et ne font pas l'objet d'une application des lois - on pense à la loi sur le séjour illégal, voire la loi sur le travail au noir. Ces gens viennent ici à Genève, s'installent - indûment, puisque la loi ne les y autorise pas - et quand ils sont malades, ils se font soigner, l'Etat paie, et ces gens rentrent chez eux. Voici, pour preuve, l'une de mes questions durant les travaux en commission: «Mais, ces gens ont bien évidemment un nom, annoncent une adresse, et les factures leur sont adressées ?» On m'a dit que oui, elles leur étaient adressées. Donc, si elles le leur sont, soit ils ont donné une fausse adresse, soit ils ont réellement une vraie adresse, mais, quoi qu'il en soit, visiblement, l'Etat prend simplement acte qu'à un moment donné ces gens ont passé par les HUG, se sont fait soigner et sont retournés dans la clandestinité. Or, l'Etat est quand même tenu d'appliquer ces deux lois, je le rappelle: la loi sur le séjour illégal et la loi sur le travail au noir.

Ces lois impliquent également une transversalité des fichiers, d'où la résolution que l'UDC a déposée pour cette session et qui sera traitée dans les prochains mois. Cette transversalité oblige les HUG, comme d'autres services, à donner le nom des gens clandestins, afin qu'on puisse s'occuper d'eux et les obliger à quitter le territoire, là où ils n'ont rien à faire.

Ce projet de loi m'a posé un certain problème. Nous ne contestons pas les deux premiers objets contenus dans cette loi, plus particulièrement ce qui concerne la construction de la nouvelle maternité. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est vis-à-vis de la manière dont on traite les clandestins à Genève et de cette espèce de voile pudique qu'on jette dessus. L'Etat n'applique pas la loi et cela pose vraiment, dans un Etat de droit, un problème qui nous interpelle. En effet...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Bertinat. Merci, Monsieur le président. ...dans un premier temps, nous voulions vous présenter un amendement pour retirer cette somme - de 2 millions et quelques francs - et puis nous nous sommes aperçus que si nous faisions cela, nous devrions revoir le contrat de prestations. Et si nous revoyons le contrat de prestations, nous devons retourner en commission. Or, si nous retournons en commission...

Le président. Il vous faut conclure !

M. Eric Bertinat. ...nous ne pourrons pas assurer les dépenses telles que celles qui concernent la maternité. C'est pourquoi, finalement...

Le président. Voilà...

M. Eric Bertinat. ...nous nous opposerons...

Le président. Je suis obligé de vous interrompre, Monsieur le rapporteur !

M. Eric Bertinat. ...simplement pour manifester notre...

Le président. Et je vais passer la parole à Mme Schneider-Bidaux.

M. Eric Bertinat. ...opposition à cette manière de faire.

Le président. Merci. (Un instant s'écoule.) La parole est à Mme Schneider-Bidaux.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Ah bon... Je ne savais pas que j'étais la première intervenante.

Le président. Eh oui !

Mme Brigitte Schneider-Bidaux. C'est gentil, merci, Monsieur le président. L'argumentation de mon préopinant sur ce projet de loi est, en tout cas aux yeux des verts, totalement inacceptable. Nous avons eu, lors de la dernière session, tout un débat sur les personnes en situation illégale à Genève, et une résolution a été envoyée à Berne pour la reconnaissance des... Il ne s'agissait pas forcément de leur donner des papiers, parce que ceci est une histoire fédérale, mais il fallait au moins que leurs enfants puissent être scolarisés et, aussi, avoir une formation professionnelle. Puisqu'ils sont chez nous, qu'ils y vivent et que leurs parents y travaillent, il n'y a donc pas de raisons que ces jeunes traînent dans la rue parce que ce serait la seule solution possible pour eux !

Par rapport à la santé, il en va exactement de même. Si nous ne votons pas ce projet de loi, une partie de la population n'aura effectivement pas accès aux soins: non seulement les sans-papiers, mais surtout la population précarisée de notre canton, population qui n'arrive pas à payer les primes de caisse maladie et qui n'aura, de ce fait, plus accès du tout à aucun soin. Et ceci est totalement irresponsable de la part de quelques députés de ce Grand Conseil !

Effectivement, les sans-papiers sont ici, les sans-papiers travaillent, les sans-papiers ont des enfants; et les sans-papiers sont parfois malades, et ils ont besoin de soins ! Je vous demande donc d'adopter ce projet de loi.

Le président. Merci, madame la députée. La parole est à M. Charbonnier.

M. Alain Charbonnier (S). Merci, monsieur le président, vous inversez l'ordre, mais ça ne me dérange pas...

Le président. Je suis l'ordre exact !

M. Alain Charbonnier. Oui, oui ! Ce n'est pas grave. Voilà, M. Bertinat se révèle - une fois de plus - dans son rapport de minorité. Je crois qu'il faut appeler un chat «un chat»: M. Bertinat vise les clandestins, les personnes étrangères, en oubliant au passage - et Mme Schneider-Bidaux l'a rappelé - que, parmi cette population de personnes précarisées, il y a aussi des Suisses. Monsieur Bertinat, vous faites donc une grossière erreur: vous voulez viser certaines personnes, et vous en touchez d'autres au passage. C'est vraiment regrettable, puisque les personnes qui - selon l'article 64a LAMaL, je crois - n'ont plus droit aux soins parce qu'elles ne paient pas leur assurance-maladie sont prises en charge par les HUG, précisément grâce aux mesures qu'on va financer ce soir. Votre refus fait donc que ces gens pourraient ne pas bénéficier de soins. Voilà ce que peut induire le genre d'amendements et, surtout, de rapports de minorité que vous déposez !

Je vous rappellerai quand même au passage - puisque vous mentionnez des lois, et c'est très bien, Monsieur Bertinat, mais il y en a d'autres aussi - je rappellerai donc qu'il y a la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Elle indique en son article 25: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille [...]». «Et ceux de sa famille» aussi, Monsieur Bertinat ! Vous ne le dites pas dans votre rapport de minorité, mais il y a des enfants là-derrière ! Vous semblez ignorer cela - or je n'en suis pas sûr - et c'est ce qui, vraiment, me fâche dans votre texte. Voilà donc concernant la Déclaration des droits de l'Homme.

Pourquoi faut-il assurer la santé des gens ? Parce qu'elle peut se dégrader. Et si c'est le cas et qu'elle n'est pas assurée, elle se détériore encore ! Elle peut aussi porter atteinte à la santé de congénères et de citoyens qui habitent à côté, car il peut y avoir des maladies infectieuses. Il peut y avoir tout plein de choses, Monsieur Bertinat, au cas où vous ne seriez pas au courant ! C'est pourquoi la santé de la population est un aspect très important.

Concernant la santé des précarisés, toutes les études montrent ceci - et vous en auriez vu quelques-unes si vous aviez consulté le site des HUG: plus la pauvreté est importante, plus les problèmes de santé sont graves. Et quand on fait un peu de santé publique - mais ce n'est pas votre cas, donc vous êtes un peu excusé à ce niveau-là, Monsieur Bertinat - on sait parfaitement qu'il est très important de soigner toute la population - toute la population ! - de façon à s'épargner les maladies contagieuses ou autres.

Ce rapport de minorité ne sent donc pas très bon - Monsieur le président, vous transmettrez à M. Bertinat - il rappelle de mauvais souvenirs, de mauvaises époques, mais on en est coutumier avec le parti de l'UDC. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, le parti démocrate-chrétien votera ce projet de loi. Mais comment ose-t-on, dans un rapport de minorité, parler de crimes et délits lorsqu'il s'agit de personnes qui ont besoin de soins et qui se trouvent, à un moment donné, aux HUG à Genève ?

Alors, qu'ils soient Suisses, qu'ils soient clandestins, travailleuses ou travailleurs sans statut légal, permis C, permis B, demandeurs d'asile déboutés, il n'y a aucune grandiloquence à défendre, dans la patrie des droits de l'Homme et de la Croix-Rouge, l'accès aux soins pour tous, quel que soit leur statut ! D'ailleurs, cela figure dans l'article 30 de la loi cantonale sur la santé: le plan cantonal d'accès aux soins pour tous.

C'est donc dans le plus pur respect de nos lois qu'il est extrêmement important de voter ce projet. Sinon, Mesdames et Messieurs de l'UDC, dans quel régime politique demande-t-on aux médecins de dénoncer les patients ? Dans quel régime politique ces patients n'auraient pas le bon faciès ou pas la bonne couleur de papiers ? Est-ce qu'il faudrait leur faire porter un signe distinctif ? Ce type de société, nous n'en voulons pas ! C'est pourquoi nous sommes fiers d'être à Genève, fiers d'être démocrates-chrétiens, fiers d'avoir les HUG, qui font un travail admirable... (Commentaires.) Il y a de quoi, et nous pouvons tous être fiers ! Absolument ! Or je crois que, là, nous sommes en flagrant délit, Mesdames et Messieurs de l'UDC, de dérive fascisante. (Commentaires. Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi comporte plusieurs parties. Il y en a au moins une sur laquelle tout le monde est d'accord, c'est le crédit de 1 350 000 F, nécessaire pour la nouvelle matur... Pour la nouvelle maternité... (Commentaires. Rires.) ...et non pas maturité ! Voici au moins un point qu'il convient de relever: nous sommes d'accord. Après tout, ça n'avait pas encore été dit, mais c'est vrai que ce n'est pas toujours fréquent dans cette salle.

Le deuxième point, c'est que le rapport de minorité de M. Bertinat pose un vrai problème, celui du contrôle d'une population se trouvant en Suisse de façon illégale pour différentes raisons. M. Bertinat n'est pas intervenu sur ces raisons - sur lesquelles je pourrais développer - mais il se trouve que ces personnes sont là et que, parfois, elles sont malades. Il faut donc les soigner. Que l'Etat soit efficace pour éviter qu'il y ait des personnes illégales est une chose, et les libéraux seront évidemment du côté de ceux qui lutteront pour l'application de la loi. Mais les libéraux sont aussi du côté de ceux qui disent qu'une personne malade doit être soignée. Lorsqu'il y a une guerre, un médecin de l'armée A, qui est en guerre contre l'armée B, soignera aussi les soldats blessés de l'armée B ! Parce que, quelle que soit leur nationalité, quelles que soient leurs conditions, les soins priment sur toute autre chose. Ceci devait être rappelé, je regrette que M. Bertinat l'ai oublié.

Dans le budget de l'instruction publique, a-t-on, tout à coup, une diminution des moyens mis à disposition parce qu'un certain nombre d'élèves se trouvent de façon illégale dans notre pays ? Je n'ai pas entendu jusqu'à présent cette idée être énoncée avec la cohérence qui caractérise d'ailleurs l'action politique de M. Bertinat lors de ses prises de position dans les débats budgétaires. Donc, de même que l'on adopte des budgets qui bénéficient, pour l'école, aussi aux enfants en situation illégale, l'on doit également adopter des budgets qui, pour l'hôpital, bénéficient aux patients en situation illégale.

Qu'après, l'Etat prenne des mesures pour qu'ils ne soient plus en Suisse, qu'avant, il prenne des mesures pour qu'ils n'entrent pas en Suisse, c'est une autre histoire. Il s'agit simplement de sérier les problèmes, je regrette qu'ici on les mélange. Voilà la raison pour laquelle nous refuserons le rapport de minorité et accepterons le rapport de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, également pour stigmatiser la position du rapport de minorité, j'aurais envie de dire que le problème n'a probablement pas été vu par le rapporteur de majorité. Il s'agit tout simplement de savoir si on peut laisser, aujourd'hui à Genève... (Commentaires. Brouhaha.) Par le rapporteur «de minorité», je vous prie de m'excuser ! (Commentaires.) Le rapport de minorité vise également à stigmatiser le fait qu'on pourrait laisser aujourd'hui, à Genève, des personnes sans soins. Mais la réalité est entièrement autre: de toute façon, ces personnes, si elles nécessitent des soins, où se présenteront-elles ? A l'hôpital public, lequel est à disposition pour soigner les personnes qui en ont besoin. Ensuite, la question est évidemment de savoir, par rapport aux autres patients, qui va payer. Et l'Hôpital doit pouvoir subvenir aux besoins de ces personnes et, de ce fait-là, avoir les ressources nécessaires.

J'aimerais encore juste évoquer une situation bien particulière - elle a déjà été relevée, mais il s'agit de dire en quoi elle est importante: il y a des femmes, il y a des femmes enceintes, il y a des femmes qui vont accoucher. Est-ce qu'aujourd'hui on pourrait laisser ces femmes-là, tout simplement, accoucher sur le trottoir ?! C'est simplement cela que vous soutenez comme vision de notre système d'assistance et de soins aux personnes sur le canton de Genève, aujourd'hui, au XXIe siècle ! Pour ces raisons, nous ne pouvons évidemment que rejeter le rapport de minorité.

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez à Mme Schneider-Bidaux et à M. Weiss que, si, effectivement, les clandestins qui travaillent à Genève tombent aussi malades... (Commentaires.) ...ils ne paient tout simplement pas d'impôts. Et c'est là qu'est tout le problème. (Commentaires.) C'est une inégalité de traitement envers la population qui en paie. D'où le rapport de minorité que je vous invite à soutenir. Merci. (Commentaires.)

M. Mauro Poggia (MCG). Vous le savez, le MCG est pour une immigration contrôlée, mais, malgré cela, il ne saurait tolérer les propos tenus dans ce parlement par le groupe UDC et en aucun cas soutenir l'amendement qui vous est proposé. On parle de patients illégaux, de SDF illégaux, et non assurés... Des non-assurés, il y en a qui sont tout à fait légaux ici; et il y a des SDF qui sont tout à fait légaux ici. Mais là n'est pas le débat. Il ne s'agit pas de faire des catégories de patients, à Genève, qui est le berceau de la Croix-Rouge, Genève qui est le berceau des conventions internationales portant le nom de notre ville. Il y a le serment d'Hippocrate, que le médecin doit respecter à l'égard de toute personne se présentant à lui, et il y a surtout, nous ne pouvons pas l'ignorer, le droit aux soins, que le Tribunal fédéral a clairement constaté: toute personne, même illégale, dans notre pays, a le droit de recevoir les soins minimaux qui sont exigés par la dignité humaine. Il ne saurait être question d'entrer en matière avec des amendements de ce type !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser, à qui il reste une minute trente.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). C'est-à-dire largement assez. Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC prône souvent la lutte contre l'insécurité et, donc, est pour des mesures sécuritaires, policières et autres. Mais, Mesdames et Messieurs, le non-accès aux soins est l'une des plus grandes insécurités que quelqu'un, que n'importe quelle personne vivant à Genève puisse vivre ! Et en voulant stigmatiser une partie de cette population précarisée, c'est vrai que le rapport de minorité prend aussi le risque de supprimer les soins de santé primaires à un nombre important de citoyens genevois qui en ont besoin. En résumé, je crois que, ce soir, l'UDC est en train de se tirer une balle dans le pied... (Commentaires. Brouhaha.) Et j'espère que nous n'accepterons pas... (Brouhaha.) ...ce projet de loi. Voilà, merci !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Jeannerat, à qui il reste deux minutes... Ah non, vous parlerez après comme rapporteur, Monsieur Jeannerat ! Je vais donner la parole à Mme Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Monsieur le président, je renonce, le député Mauro Poggia ayant déjà dit très précisément ce que je voulais souligner.

Le président. Très bien, merci, Madame la députée. Le dernier intervenant est M. Weiss.

M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président. Si M. Poggia a relevé ce que vous vouliez exprimer, Madame, moi j'aimerais simplement dire à M. Poggia qu'il l'a très bien fait. Ce que je voudrais ajouter, à l'égard de M. Florey, c'est que si le critère pour être admis à l'hôpital est de payer des impôts, alors il convient de supprimer, parmi ceux qui peuvent entrer à l'hôpital, de nombreux Genevois et peut-être même un certain nombre de députés... (Rires. Un instant s'écoule.) ...pas nécessairement dans votre parti d'ailleurs. Parce qu'il y a ceux qui devraient en payer et qui n'en payent pas ! Mais je pense qu'en l'occurrence c'est un argument qu'il conviendrait d'éviter d'avancer. Le droit aux soins ne dépend pas de sa fiche d'impôts, il dépend de la maladie que l'on a: si l'on est malade, si l'on doit accoucher, on doit être soigné ! On doit s'occuper de la personne en question et, après, on appliquera la loi; si cette personne est là illégalement, on l'expulsera. (Commentaires.)

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Je remercie ce parlement de ses déclarations grandiloquentes, mais, je suis désolé, vous m'accusez de choses que je n'ai ni dites ni écrites. Concernant le non-accès aux soins, il n'y a, dans ma bouche ou dans le rapport que j'ai rédigé, aucune stigmatisation. Regardez à la page 14, j'ai écrit: «[...] aucun député UDC ne conteste l'urgence invoquée par le directeur des HUG de traiter le patient sans se préoccuper de son statut [...]». Je n'ai jamais dit qu'on n'allait pas les soigner ! Vous êtes tous en train de me faire un procès d'intention.

J'ai aussi entendu quelque chose en lien avec le fameux débat du mois passé sur l'accès des clandestins aux places d'apprentissage. Chère Madame Schneider-Bidaux, je suis obligé de vous répondre, comme l'a fait M. Beer: il faut respecter la loi ! Et par rapport à cette fameuse réponse - «il faut respecter la loi» - ce soir, aucun d'entre vous ne m'a répondu: est-ce que la loi est oui ou non respectée aux HUG ? Une fois qu'un clandestin ou un NEM ou une personne qui a ce statut est soignée, est-ce que la loi sur le travail au noir, comme la loi sur le séjour illégal, est respectée ? Eh bien, j'attends la réponse, peut-être que Monsieur le conseiller d'Etat va me la fournir.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Monsieur Bertinat a raison: personne n'est au-dessus des lois. Mais en matière de santé et en matière humanitaire - et le directeur de l'Hôpital l'a bien précisé en audition à la commission des finances - la notion du secret médical prime. Et, au fond, il ne s'agit pas de savoir si le patient va recevoir une facture, la payer ou pas - on souhaite que tous les patient hospitalisés payent leur facture. Il y a une petite tranche de gens qui n'ont pas les moyens de le faire - qu'ils soient clandestins, qu'ils soient chômeurs ou qu'il soient SDF, peu importe. Vous faites une confusion, Monsieur Bertinat, entre la notion d'être soigné, puis de recevoir une facture de l'hôpital, et le fait de transmettre ces données à un fichier centralisé de clandestinité à Genève. Je crois qu'on mélange deux choses qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

Il s'agit, dans ce projet de loi, de regarder aussi la tradition de Genève, ville d'accueil - l'histoire l'a démontré - ville de tradition humanitaire. Et ces quelques centaines de milliers de francs, sur un budget de 7 milliards... (Commentaires.) Oui, mais... (Remarque. Un instant s'écoule.) Non, mais je parle de l'ensemble du budget de l'Etat, n'est-ce pas ? Quelques centaines de milliers de francs sur 7 milliards pour l'ensemble du budget de l'Etat ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, pour l'image de la Genève humanitaire, pour la tradition que cette ville a sur cette belle planète, eh bien, je pense que ça vaut la peine qu'on vote ce projet de loi à l'unanimité.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit sur l'importance de l'accès aux soins au titre de l'humanité que l'on doit. Et je connais suffisamment de soignants dans cette salle pour qu'ils mesurent à quel point la restriction d'un accès aux soins imposée par d'autres, par des tiers, serait insupportable, de même que la restriction du devoir d'administrer des soins serait insupportable pour un soignant. Il est vrai qu'en plus tout cela se passe à Genève, au lieu fondateur de la Croix-Rouge, au lieu de la signature des Conventions de Genève - je rappelle que votre commission des finances travaille semaine après semaine, Monsieur Bertinat, dans ce lieu symbolique de la signature de ces conventions.

Je suis surpris d'une idée de restriction aux soins, mais c'est vrai que cela n'est pas l'idée principale de votre rapport de minorité. Cette idée principale se cache derrière ce qui pourrait être un élément juridique, la non-application de l'article 11 du code de procédure pénale genevois, indiquant que tout fonctionnaire doit dénoncer, blabliblabla... Ceci est bel et bon, mais ceci est largement subordonné au droit fédéral, en particulier au code pénal, lequel punit tout soignant - en l'occurrence, le médecin et ses auxiliaires - qui trahirait son secret. Et, à n'en pas douter, dénoncer quelqu'un que l'on soigne, c'est trahir le secret. Ce secret fait la confiance que ce malade vous témoigne en venant demander des soins et que vous êtes obligé d'honorer en les lui offrant. Et vous pouvez prendre la jurisprudence du Tribunal fédéral, vous pouvez prendre ce qu'on appelle la «position dominante» dans les instituts de droit - qu'il s'agisse du Tribunal fédéral, par exemple par la voix d'un de nos représentants, M. Corboz, ou de l'Institut de droit de la santé à Neuchâtel: il y a un intérêt public prépondérant à ce que l'on garantisse le secret à toute personne ayant besoin de soins, sans quoi elle risque d'y renoncer. Et si c'est pour nous amener à voir ce qu'on a vu dans des pays voisins - des toxicomanes mourir dans des parkings, parce qu'il n'osaient pas aller consulter de peur d'être dénoncés, ou des tuberculeux restés en circulation et qui ont contaminé 60, 80, 100 autres personnes au motif qu'ils auraient pu être dénoncés de par leur statut non légal... Monsieur, là aussi, le droit dit non à votre interprétation, j'en veux pour preuve que le code pénal n'a pas changé cette disposition et que le dispositif qui a été inclus dans le nouveau code de procédure pénale genevois ne prévoit qu'une exception à cela, c'est lorsque le médecin doit dénoncer une mort suspecte. On est donc dans une situation différente d'une situation de soins, et je puis vous garantir qu'aucun juriste, à l'heure actuelle, n'accepterait d'appliquer l'article que vous citez comme une disposition obligeant, quel que soit le niveau du soignant, à dénoncer quoi que ce soit à qui que ce soit. Merci de voter ce projet de loi dans son intégralité. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10613 est adopté en premier débat par 76 oui contre 8 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1 souligné, nous avons un amendement consistant à rajouter, selon la demande de la commission, un article 1 intitulé «Contrat de prestations et avenant (nouvelle teneur avec modification de la note)» et qui mentionne l'avenant. L'alinéa 1 est libellé comme suit: «Le contrat de prestations et son avenant, conclus entre l'Etat et les Hôpitaux universitaires de Genève, sont ratifiés.» L'alinéa 2 a la teneur suivante: «Ils sont annexés à la présente loi.»

Mis aux voix, cet amendement (création d'un article 1 - Contrat de prestations et avenant - nouvelle teneur avec modification de la note) est adopté par 86 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'article 2, al. 1 (nouvelle teneur) est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) ainsi amendé est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 10613 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10613 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui contre 8 non.

Loi 10613