République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, et Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Baudit, Erica Deuber Ziegler, Pierre Froidevaux, Morgane Gauthier, Michel Halpérin, David Hiler, Nicole Lavanchy, Patrice Plojoux et Pierre Schifferli, députés.

Communications de la présidence

Mesdames et Messieurs les députés, il y a une communication de la présidence...

Je vous informe que, suivant l'article 6 et l'article 29 du règlement, il appartient au président de convoquer le Grand Conseil et non pas au Bureau. Le président n'étant pas autiste, il a compris que les trois séances de remplacement qui ont été fixées, ne serait-ce que pour remplacer les deux séances du 12 décembre et la séance du 20 mars, qui ont été supprimées en raison de l'élection de Mme Calmy-Rey et par la volonté du Conseil d'Etat qui a fait passer une séance ordinaire en séance extraordinaire, bouleversaient déjà votre calendrier. Comme, par ailleurs, la responsabilité du retard de nos objets incombe à mon avis autant - je peux le démontrer, et je le ferai - au Conseil d'Etat qu'au Grand Conseil, j'ai pris seul la décision de ne pas vous convoquer vendredi 4 avril à 8h du matin. Nous conservons les séances ordinaires de l'après-midi et du soir prévues depuis une année. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons avec le point 84, qui est le premier point voté en urgence. Je vous rappelle que nous avons un ordre très précis à suivre: 118, 84 et 60. Il s'agit donc d'abord de traiter la motion 1513: «Halte aux licenciements chez Swisscom». Monsieur Grobet, je vous donne la parole.

M. Christian Grobet(AdG). Monsieur le président, je demande simplement l'ajournement du point 60 de l'ordre du jour, comme cela avait été prévu initialement ...

Le président. Monsieur le député, l'urgence sur ce point a été votée hier au début de l'ordre du jour. L'urgence a du reste été votée pour les points suivants, dans l'ordre suivant: points 118, 84 et 60. Cela a été voté, alors que d'autres demandes d'urgence ont été rejetées. Il n'est donc pas possible de revenir sur ces votes sur l'ordre du jour. (Exclamations.)Le point 82, la résolution 467 ?

M. Christian Grobet(AdG). Nous étions en pleine discussion sur un objet, et vous l'avez ajourné !

Le président. Monsieur le député, je viens enfin de comprendre que vous souhaitez l'ajournement du point 60. Vous devrez le demander lorsque nous entamerons le point. Vous ne pouvez pas le demander maintenant, puisque le premier point sur lequel l'urgence a été votée est le point 118. Nous commençons donc par le point 118, motion 1513. Nous continuerons par le point 84, et nous aborderons le point 60 ensuite. C'est ce qui a été décidé hier à 17h et cela n'a pas été modifié ce soir.

Monsieur Sommaruga, vous voulez vous exprimer à ce sujet ? C'est pourtant clair !

M. Carlo Sommaruga(S). Merci, Monsieur le président. Comme cela a été indiqué dans les micros et hors micros, le Grand Conseil est maître de son ordre du jour. Je demande une modification de l'ordre du jour, à savoir que le point 60 soit traité avant les autres points et que l'on se prononce immédiatement sur cette proposition.

Le président. Je vais mettre aux voix votre proposition, mais je vous rappelle que cette demande de modification de l'ordre du jour en tout temps exige la majorité des deux tiers.

Je mets donc aux voix, le report... (Exclamations.)Non, il n'y a pas de débat sur ce point ! (Exclamations.)Les deux tiers, vous les aurez ! (Intense brouhaha. Claquements de pupitres.)Bien, je suspends la séance !

Suspendue à 20h35, la séance est reprise à 20h40.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Je rappelle les urgences votées hier et qui n'ont pas été modifiées à 17h: il s'agit des points 118, 84, 60 et 82. M. Sommaruga nous demande de modifier notre ordre du jour, comme le prévoit l'article 97, alinéa 2. Maintenez-vous votre proposition, Monsieur Sommaruga ? Je vous donne la parole, Monsieur le député.

M. Carlo Sommaruga(S). La suspension de séance ayant abouti au résultat que vous vouliez obtenir, à savoir de pouvoir regrouper la droite de ce parlement... (Exclamations.)...je retire ma proposition ! (Exclamations.)

Une voix. C'est facile, ça !

Le président. Messieurs, ne m'obligez pas à suspendre à nouveau la séance ! Si j'ai suspendu la séance tout à l'heure, c'est en raison des claquements de pupitres. Je ne peux admettre de tels comportements. (Rires et exclamations.)Je ne peux pas savoir d'où viennent les claquements de pupitres ! (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au point 118 de notre ordre du jour.

M 1513
Proposition de motion de Mmes et MM. Stéphanie Nussbaumer, Christian Bavarel, Thierry Apothéloz, Hugues Hiltpold, Jacques Follonier, Sylvia Leuenberger, Ariane Wisard-Blum, Souhail Mouhanna, Christian Brunier, Alberto Velasco, Anita Cuénod, Jocelyne Haller, Nicole Lavanchy, Rémy Pagani, Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, Thomas Büchi, Claude Blanc, Guy Mettan, Ueli Leuenberger "halte aux licenciements chez Swisscom"

Débat

Le président. Monsieur Ueli Leuenberger, vous êtes le premier inscrit. Vous avez la parole, Monsieur le député.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Notre motion qui aurait dû être traitée en urgence à la dernière séance reste évidemment toujours urgente...

Je suis satisfait, par ailleurs, que des députés de cinq groupes de notre parlement l'aient signée exprimant ainsi la préoccupation que nous partageons avec les employés de Swisscom et de nombreux citoyens de notre canton et de notre pays.

Le Conseil d'Etat a heureusement déjà pris clairement position à ce sujet, et notre motion doit l'inciter à rester résolument ferme face aux dirigeants de notre Télécom national.

Les licenciements annoncés sont inadmissibles pour une entreprise dont plus de 60% des actions appartiennent à la Confédération. Selon la presse - et c'est ce qui est grave - une autre vague de licenciements - plus de trois mille - est prévue pour l'année prochaine. Une fois de plus les dirigeants d'entreprise d'un service public ne parlent qu'en termes de contraintes et de rentabilité...

On ne dit pas suffisamment ce que la presse a relevé au sujet des vrais motifs des dirigeants de Swisscom. Devenus actionnaires importants - Monsieur Kunz, je ne crois pas raconter de «conneries»: c'est une réalité reprise par toute la presse ! - suite à la privatisation, les membres du conseil d'administration et les cadres supérieurs de Swisscom sont devenus actionnaires et se voyaient déjà devenir riches. Les dirigeants de Swisscom, M. Alder et compagnie, n'ont plus que l'argent et les bénéfices en tête: leur propre argent et leurs propres bénéfices ! Depuis l'émission des actions de Swisscom, ces actions n'ont augmenté que de... 26% pour eux! Un taux trop modeste pour ces managers qui se voyaient déjà multimillionnaires ! Il faut savoir que l'échéance des options tombe cet automne de cette année. Les dirigeants de Swisscom ont un sacré culot de vouloir faire payer leur propre marge de bénéfices, scandaleuse, aux employés de l'entreprise ! Cette entreprise qui fait des milliards de bénéfices doit être rappelée à l'ordre par les collectivités publiques pour qu'elle se comporte comme un service public. Il faut que la Confédération qui détient la majorité des actions défende enfin les intérêts du public et force les dirigeants à adopter une autre attitude.

On connaît le vieux slogan publicitaire des anciens PTT ou Télécom: «Rappelle-toi, appelle-moi»... Peut-être Swisscom doit-il apprendre un jour que les clients, dont l'Etat de Genève, peuvent dire «Rappelle-toi, ne m'appelle pas»...

Le président. Sont inscrits: M. Vanek, M. Brunier, M. Sommaruga et M. Blanc. Monsieur Vanek, vous avez la parole. (Mme Martine Brunschwig Graf interpelle M. Vanek qui retrousse ses manches.)

M. Pierre Vanek (AdG). Non, non, Madame la présidente, je m'arrêterai là... Ne vous inquiétez pas ! (Rires et exclamations.)

Je souscris bien entendu, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, à ce que vient de dire Ueli Leuenberger sur cette situation dramatique. Il est juste et important que nous votions cette motion en signe de solidarité avec les travailleuses et travailleurs de Swisscom qui sont en passe de perdre leur emploi, alors que M. Alder, le principal dirigeant de Swisscom, est effectivement assis sur des capitaux qui se chiffrent par milliards et mène une politique tout à fait condamnable et étrangère à la logique du service public: la recherche du profit maximum pour les actionnaires !

Il faut évoquer aussi - nous faisons un geste en acceptant cette motion - le geste matériel et concret des travailleurs et les travailleuses de Swisscom qui ont cessé le travail lundi dernier - nous étions quelques-uns dans cette enceinte à venir leur apporter notre soutien - et qui ont proposé des mesures de lutte contre la suppression de ces emplois, en abaissant, par exemple, le temps de travail à trente-huit heures. A travers tout le pays, des centaines de travailleurs et de travailleuses de cette entreprise ont cessé le travail durant deux heures. Ils ont eu parfaitement raison, et Swisscom a tout à fait les moyens financiers de payer cette réduction de temps de travail et peut donc conserver ces postes de travail qu'elle veut supprimer.

Le fond du problème est évidemment ailleurs. Il est en effet facile de faire aujourd'hui le procès des Alder et autres dirigeants de cette entreprise, mais la responsabilité incombe à ceux qui les ont mis en place. C'est la responsabilité des courants politiques qui ont impulsé et accepté la privatisation du secteur des Télécom ! De ceux qui ont travaillé allègrement au démantèlement des PTT, un service public qui donnait pleinement satisfaction, qui n'était pas soumis aux aléas de la bourse, qui n'était pas soumis à la spéculation, qui n'était pas soumis au marché ! (Exclamations.)Ce service public était - en principe - soumis à un contrôle démocratique qui aurait dû permettre d'améliorer l'efficacité de cette entreprise.

En 1997, quand les Chambres fédérales ont voté ce train de quatre lois parfaitement sinistres, dont on voit se déployer les effets aujourd'hui, la décision a été soustraite au peuple. On a compliqué volontairement l'exercice référendaire en faisant quatre lois distinctes. D'aucuns, y compris sur les bancs du parti socialiste, ont dit que tout cela était merveilleux, qu'il y aurait un service public plus efficace pour les consommateurs et que les emplois seraient bien entendu préservés. Enfin, bref, les référendaires - les gens de l'Alliance de gauche et certains syndicalistes de gauche - peignaient non pas le diable mais la réalité à venir sur la muraille ! Avec la réalité de la dégradation des services publics, comme c'est le cas de la Poste qui a vu fermer des bureaux fermer et, donc, les files d'attente aux guichets s'allonger ! Et avec la réalité des effets de la spéculation en matière de Télécom qui se traduit par des suppressions d'emplois et par des factures gigantesques suite à cette folie spéculative qui a sévi dans la branche! Nous étions alors traités de rêveurs, de conservateurs et de Dieu sait quoi... Pourtant, nous avions raison à l'époque! Et, bien entendu, il ne faut pas se contenter de faire appel aux bons sentiments des dirigeants d'entreprises qui les ont transformées en entreprises capitalistes comme les autres, comme on le fait de temps en temps quand les effets de leur politique sont un peu trop gros... Il faut faire marche arrière et revenir à un véritable service public qui soit déconnecté de cette logique des marchés, de la Bourse, et qui se préoccupe en revanche de l'intérêt de la grande masse des usagers !

Nous parlons ici de Swisscom, mais c'est toute la branche qui connaît ces problèmes ! Vous n'êtes pas sans savoir que les travailleuses et travailleurs d'Orange - entreprise que d'aucuns présentaient comme une concurrente de Swisscom qui devait faire monts et merveilles - sont également en grève à Bussigny pour défendre leurs emplois, depuis quelques jours. Eh bien, je pense que nous devrions aussi nous solidariser avec eux et pas seulement avec les travailleuses et travailleurs de Swisscom, en votant cette motion!

Cette motion invite le Conseil d'Etat à rappeler à Swisscom ses responsabilités en tant que service public. Il faut bien évidement soutenir cette invite. Il faudra demander au Conseil d'Etat de le faire avec la dernière énergie, parce que c'est - on a pu le constater avec la Poste - un phénomène à répétition, et j'aimerais bien qu'on sorte de ce cercle vicieux. Il faut construire, du point de vue de la République et canton de Genève, une politique cohérente pour intervenir systématiquement en direction de la Berne fédérale pour remettre le service public sur les rails et ne pas se contenter de protester vainement contre les «excès» de la politique néolibérale. Nous devons refuser, comme ont pu le faire les citoyens quand ils ont été consultés dans le domaine de l'énergie électrique, par exemple, cette logique de privatisation, cette logique néolibérale! Il faut revenir à une conception plus digne, plus démocratique et plus sociale du service public! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Annen, je vous en prie !

Monsieur Brunier, vous avez la parole.

M. Christian Brunier (S). Il y a plusieurs manières de réagir face à un drame humain tel que des membres du personnel de Swisscom ou d'autres sociétés de télécommunications qui perdent leur emploi, et qui est aussi un drame pour notre service public à l'ensemble des citoyennes et des citoyens que nous représentons. On peut choisir la manière utilisée par M. Pierre Vanek, qui donne un certain nombre d'explications légitimes et importantes au niveau politique, mais qui tente de tirer la couverture vers lui au niveau de l'AdG en disant qu'à part l'Alliance de gauche personne ne défend le service public dans cette enceinte... Je trouve cette attitude regrettable, au moment même où nous traitons d'une motion signée par cinq groupes sur sept de ce parlement.

Si nous voulons faire avancer ce combat contre ceux qui abusent de la libéralisation des marchés au niveau des Télécom, nous avons tout intérêt à nous regrouper.

Monsieur Vanek, si nous avons pu faire plier la Berne fédérale et la direction de la Poste pour le bureau de Saint-Jean, c'est bien sûr parce que la gauche et les syndicats étaient sur le terrain, mais c'est aussi parce que la population s'est mobilisée et parce que des gens de droite ont soutenu cette action en débarquant à Saint-Jean, comme Mme Martine Brunschwig Graf elle-même. Si nous n'avions pas été si nombreux et n'avions pas regroupé nos forces malgré nos diversités, he bien, je pense que la Poste n'aurait pas cédé par rapport à la situation de Saint-Jean!

Aujourd'hui, je n'ai pas envie de mener un combat idéologique: nous pourrons le faire demain. Toutefois, des analyses idéologiques doivent être faites, car certaines personnes défendent en toute sincérité des employés qui perdent leur travail, que ce soit à la Poste ou à Swisscom, et elles défendent dans le même temps les théories politiques qui favorisent ces licenciements. Nous devons regrouper nos forces, qu'elles soient politiques ou civiles, pour faire plier les dirigeants de Swisscom, pour faire plier le Conseil fédéral, pour que le personnel de cette société en particulier, et des sociétés de télécommunications en général, de même que les citoyennes et les citoyens qui sont clients de ces sociétés soient traités de manière décente.

Nous devons agir dans ce sens, et je remercie le Conseil d'Etat d'avoir pris une position très claire à ce sujet. M. Lamprecht a, en effet, convoqué tous les partis politiques et les syndicats impliqués dans ce dossier, avec leurs différences. Je regrette néanmoins que tous n'aient pas cru devoir répondre à cette invitation: il y avait les partis de gauche et l'UDC, mais aucun parti de la majorité parlementaire... C'est regrettable ! Nous devons unir nos forces. Si tous les partis politiques ici présents faisaient nombre d'actions, conférences de presse, etc., dans les jours qui viennent pour manifester leur mécontentement par rapport à ce qui se passe à Swisscom ou à la Poste, on pourrait infléchir le fatalisme lié au service public.

Je vous rappelle qu'en matière d'énergie des choses ont été faites, en Suisse et en Europe, au nom de la libéralisation - qui n'avaient rien à voir avec la libéralisation, d'ailleurs - et qui l'ont été uniquement pour démanteler le tissu social dans le but d'augmenter les bénéfices. Heureusement, le peuple suisse a refusé la libéralisation du marché de l'électricité ! Que ce soit pour la Poste ou en matière de télécommunications, nous avons aussi les moyens d'infléchir les positions gouvernementales et les positions des conseils d'administration des sociétés publiques ou privées! Nous avons tout intérêt à jouer la carte de l'unité et non de tirer la couverture à nous. Sinon nous irons à l'échec, ce qui n'est pas le but recherché par rapport aux citoyens que nous représentons.

J'espère donc que nous parviendrons à mener des actions communes et à voter cette motion à l'unanimité. Une conférence de presse de l'ensemble des partis genevois serait bienvenue pour les télécommunications et pour la population. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur le député, votre appel n'est pas tout à fait entendu, puisqu'on m'annonce deux amendements présentés par l'Alliance de gauche, que je fais distribuer. Je pense que M. Vanek pourra nous les présenter au moment voulu. Plusieurs orateurs sont inscrits. Si la liste devait encore s'allonger, je serais obligé de proposer de la clore, car nous avons encore beaucoup de points à traiter ce soir.

Monsieur Blanc, vous avez la parole.

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais tout de suite rebondir sur les propos de M. Brunier pour regretter avec lui que les partis de la majorité gouvernementale n'aient pas été tous présents. L'absence du parti démocrate-chrétien est uniquement due à une confusion quant à la date et à l'heure, et je le regrette autant que vous. Mais je peux vous assurer que nous sommes entièrement solidaires de ce qui a été fait.

J'ai entendu toutes sortes de choses sur la privatisation de Swisscom et sur l'appétit incommensurable de ses actionnaires... Admettons ! Mais, Mesdames et Messieurs les députés, qui sont ces actionnaires ? A ma connaissance, près des deux tiers des actions de Swisscom sont entre les mains du Conseil fédéral - 62%, soit près des deux tiers ! Il est donc faux de dire que la privatisation de Swisscom est à la base de tous les problèmes que nous connaissons. C'est vrai que Swisscom a été privatisée, mais c'est vrai aussi que le Conseil fédéral continue à contrôler Swisscom à 62% et que toutes les décisions du Conseil d'administration de Swisscom sont censées avoir l'aval de l'actionnaire majoritaire ! Une société anonyme fonctionne ainsi: c'est l'actionnaire majoritaire qui fait ce qu'il veut. Ce qui se passe à Swisscom - ou alors je ne sais plus quoi penser - ce doit être l'expression de la volonté du Conseil fédéral! Et ça n'a rien à voir avec les actionnaires minoritaires privés. C'est bien le Conseil fédéral, par l'intermédiaire de son responsable, M. Leuenberger, qui devrait dicter - en bonne gestion d'une société anonyme - la politique de Swisscom. Et c'est donc bien au Conseil fédéral qu'il faut s'adresser! Cela ne sert à rien de vilipender les actionnaires privés qui n'ont finalement rien à dire - sinon qu'ils ne peuvent que profiter, comme la Confédération, d'une éventuelle hausse du cours des actions - et qui ne peuvent rien décider, puisqu'ils ne détiennent que 38% des actions ! Mesdames et Messieurs les députés, je pense donc qu'il faut s'adresser au Conseil fédéral.

Je présenterai un troisième amendement... Si vous vouliez bien m'écouter, Monsieur le président, peut-être que cela ferait avancer les débats !

Le président. Je suis toute ouïe !

M. Claude Blanc. Je présente un amendement supplémentaire à la première invite, dont la teneur est la suivante:

«- à rappeler à Swisscom et particulièrement à son actionnaire majoritaire leurs responsabilités en tant que service public...».

Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit! C'est notre gouvernement qui décide de la politique menée par Swisscom, ce ne sont pas les actionnaires ploutocrates répartis un peu partout ! C'est notre gouvernement qui donne des instructions à son représentant au Conseil d'administration! et je voudrais bien savoir, du reste, quelles instructions il a données. Je demanderai donc au Conseil d'Etat de se renseigner à ce sujet. Je dépose donc encore cet amendement, Monsieur le président.

Le président. Merci. Cela fera le troisième... Moi, je sens qu'on s'achemine vers un renvoi en commission...

Monsieur le député Weiss, vous avez la parole.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, il est parfois agréable de faire partie de la minorité, notamment par rapport à la majorité du Conseil fédéral où sont représentés l'UDC, le PDC, le parti radical et le parti socialiste, qui non seulement ont pris position en faveur de la libéralisation des services publics en général, de Swisscom en particulier, mais qui ont encore pris cette semaine une position favorable à la libéralisation du dernier mile ! (Commentaires.)

J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, un certain nombre de considérations. (Brouhaha.)La première est une référence à Friedrich von Hayek. Friedrich von Hayek disait notamment que le libéralisme était une destruction créatrice de richesses. Et où trouve-t-on cette citation? dans un chapitre d'un ouvrage auquel j'ai eu l'insigne honneur de collaborer, signé par un professeur d'éthique de notre Faculté autonome de théologie. Ce professeur a rappelé utilement qu'il fallait considérer l'économie de façon dynamique et ne pas vouloir la rendre statique. Alors, évidemment, cela se situe hors du politiquement correct!

Il faut aussi prendre garde à ne pas confondre les intérêts à court terme avec les intérêts à long terme. Cela dit, Monsieur le président, on ne peut considérer qu'avec une grande tristesse et une profonde compassion les licenciements qui sont annoncés, mais les faits sont les faits. S'il faut considérer les licenciements annoncés - quelques licenciements par rapport au total des emplois de Swisscom - il faut aussi considérer l'évolution de la valeur actionnariale de l'action de Swisscom.

J'ai deux graphiques sous les yeux. Le premier représente l'évolution de l'action de Swisscom sur cinq ans. Durant ce laps de temps l'action baisse légèrement, mais en une année la baisse est dramatique. En d'autres termes, la société Swisscom et son actionnaire principal - qui est responsable socialement de la préservation des intérêts des employés restants, Monsieur Blanc - prend en considération la survie de l'entreprise dans une économie qui est concurrentielle sur le plan international. C'est un point qui mérite d'être rappelé. Il s'agit, bien entendu, de la sauvegarde des emplois et, à long terme, de la création de richesses et de la création d'emplois dans le secteur des télécoms, dans l'économie dans son ensemble. Il faut donc considérer que nous devons favoriser une allocation optimale des ressources, des richesses, pour éviter d'avoir, en fin de compte, une économie stabilisée, une économie morte.

Cette proposition de motion confond largement le service public avec le service au public. Et j'aurais préféré davantage de sincérité de la part des auteurs de la motion qui confondent le maintien des emplois avec ledit service public, parce qu'ils n'osent pas parler de service au public. S'il fallait modifier la première invite, il faudrait rappeler à Swisscom ses responsabilités en tant que service au public - et je crois que Swisscom a le sens de ses responsabilités en tant que service au public...

Je précise au passage que Swisscom contrôle, à fin 2002, 65% du marché helvétique et qu'elle engrange 75% du chiffre d'affaires dans le domaine des communications.

En d'autres termes, s'il fallait se préoccuper de quelque chose, il faudrait aussi se préoccuper des capacités concurrentielles des autres sociétés. M. Vanek a utilement rappelé l'existence de la société Orange, dont le but principal est de pouvoir continuer à exister dans des conditions de concurrence équitables.

J'aimerais enfin dire, Monsieur le président, qu'il faut éviter d'être contradictoire lorsqu'on propose une motion. De vouloir une chose et non pas son contraire, mais une chose et une autre... On ne peut pas vouloir et le service au public et le maintien des emplois dans cette entreprise de façon fixiste! Il faut vouloir le service au public et le développement des emplois dans l'ensemble de l'économie ! Les contraintes de rentabilité sont évidemment des contraintes dont certains députés des bancs d'en face font peu de cas, mais il faudrait néanmoins que les députés radicaux et PDC y apportent plus de considération. Monsieur le président, je terminerai ainsi cette intervention.

Le président. Monsieur Weiss, vous avez en tout cas contribué à animer le débat... En effet, onze orateurs sont inscrits et quatre amendements ont été déposés, dont certains sont assez trapus. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Nous allons parler exclusivement sur le renvoi en commission, jusqu'à ce que vous me disiez que vous voulez voter sur ce renvoi. Sont inscrits MM. Catelain, Kunz, Vanek, Barrillier, Velasco, Mouhanna, Marcet, Pagani, Beer, Grobet et Luscher. (Exclamations.)Monsieur le député Annen, je viens de dire que les orateurs s'exprimeront exclusivement sur le renvoi en commission. Mais ils peuvent y renoncer.

M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, rassurez-vous, mon intervention ne sera pas aussi longue que celle du député libéral...

Il est effectivement choquant de voir une entreprise semi-publique - qui fait encore des bénéfices, heureusement - se séparer d'une bonne partie de son personnel - environ 5%. Par contre, cela me gêne beaucoup que l'on cloue au pilori la même entreprise qui, jusqu'à présent, a donné satisfaction à la fois à ses clients et à ses employés, j'y reviendrai.

Je rappelle que Swisscom est une entreprise qui fournit des prestations sociales intéressantes, surtout depuis qu'elle a quitté le giron de la Confédération. Je donnerai un exemple: au 1er janvier de cette année, Swisscom a donné deux fois plus de renchérissement d'augmentation salariale à ses employés que la Confédération pour son propre personnel. Je rappelle aussi que la caisse de retraite de Swisscom est beaucoup plus favorable depuis qu'elle a quitté la Confédération qu'auparavant.

Pour ma part, j'aimerais connaître les critères de choix qui ont conduit Swisscom...

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission exclusivement !

M. Gilbert Catelain. ...à prendre de telles décisions. Je me demande si Swisscom n'a pas anticipé la décision du Conseil fédéral de libéraliser le dernier kilomètre...

Je ne suis pas sûr que Swisscom pratique une politique du personnel fondamentalement différente de celle de la Confédération. Je pourrais vous citer l'exemple d'une administration fédérale importante qui, au 1er janvier de cette année, a supprimé 4% de ses effectifs sans qu'aucun parlementaire ne s'en soit ému.

Malgré ces considérations, l'UDC soutiendra le renvoi en commission de cette motion.

Le président. Au nom du parti radical un député s'exprime, soit M. Kunz soit M. Barrillier. (Exclamations.)Oui, soit l'un soit l'autre... (Exclamations.)Je vous donnerai aussi le choix, Monsieur Pagani ! Monsieur Kunz, vous avez la parole, pour les radicaux.

M. Pierre Kunz (R). Le texte de cette motion semblait être le langage du coeur... Et c'est pourquoi certains de mes collègues radicaux l'ont signé.

Les propos outranciers qui ont été tenus nous obligent pourtant à préciser quelques points. Mesdames et Messieurs les députés, rien dans la manière dont l'Etat de Genève gère ses ressources aujourd'hui et dans la manière dont il les a gérées depuis quelques décennies ne permet à nos autorités de donner des conseils et encore moins de formuler des exigences en matière de gestion à l'égard des entreprises privées.

C'est pourtant ce qu'exige cette motion ! Elle demande au Conseil d'Etat d'intervenir pour que Swisscom soit gérée différemment... Ces entreprises rencontrent, en effet, un problème qui a été évacué depuis fort longtemps par l'Etat - pas seulement l'Etat genevois - qui n'a pas besoin, lui, de lutter pour assurer sa pérennité et qui s'est assoupi depuis quelque temps sur sa certitude de durer toujours... Il trouvera toujours l'argent pour payer ses collaborateurs, même lorsque ceux-ci occupent des postes qui ne sont pas indispensables à sa saine gestion !

Je ne comprends pas, par conséquent, l'attitude du Conseil d'Etat dont deux des membres se sont exprimés publiquement et sans nuances, faisant part de leur mauvaise humeur au sujet des décisions de Swisscom, société - M. Blanc l'a rappelé - en quelque sorte jetée sur le marché, au nom des principes défendus par l'OMC et auxquels ont adhéré nos autorités fédérales. Je ne comprends donc pas que l'on puisse suspecter la direction de Swisscom - comme l'a fait M. Vanek - de légèreté, de cynisme, de cupidité ou de mauvaise gestion !

C'est au une société qui passe pour être très bien gérée et qui, contrairement à certains de ses concurrents, reste solide parce qu'elle n'a pas gaspillé ses ressources dans des investissements hasardeux.

Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, si la direction de Swisscom a décidé de réduire le nombre de ses employés, c'est parce que, malheureusement, certes, mais en toute rationalité, elle a considéré que la situation du marché - celle qu'on lui a fourguée - la force de ses concurrents, les impératifs liés à son devoir de... (Brouhaha.)...pérenniser l'entreprise...

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission.

M. Pierre Kunz. ...l'exige. Et, même si son actionnariat reste en majorité public, il n'en reste pas moins que Swisscom n'est pas une entreprise publique. Elle fonctionne sur les marchés, et c'est notre devoir de la laisser agir en toute connaissance de cause. Cette motion n'est absolument pas conforme à ces principes, et c'est pourquoi nous demandons le renvoi en commission, Monsieur le président.

Le président. Qui prend la parole pour le groupe de l'Alliance de gauche? C'est M. Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Je répondrai tout de suite à M. Kunz pour lui rappeler, qu'il le veuille ou non, que la majorité du capital-actions de Swisscom est entre les mains de la Confédération. Donc, malgré les velléités de privatisation dont nous avons bien entendu connaissance, Swisscom reste un service de la Confédération et un service public ! Et je dois dire que votre discours, Monsieur, nous inquiète beaucoup. Parce que vous semblez considérer qu'une collectivité publique à laquelle on donne un statut un peu ouvert - ce que vous souhaitez, par exemple, la Banque cantonale de Genève, voire l'Aéroport - dont la majorité du capital-actions est en main des pouvoirs publics, peut faire ce qu'elle veut comme une société privée !

Eh bien, voyez-vous, nous avons là peut-être un point commun... (Exclamations.)A l'Alliance de gauche, nous avons le même raisonnement que l'actionnariat privé: c'est-à-dire que, quand on détient la majorité, on décide ! Et ce n'est pas la majorité qui laisse le choix de la décision aux actionnaires minoritaires!

M. Claude Blanc. C'est ce que j'avais dit !

M. Christian Grobet. Alors, jusqu'à présent, c'est la Confédération qui est actionnaire majoritaire et, à ce titre, elle se doit de respecter cette loi qui a été votée il y a quelques années, même si elle est extrêmement néfaste!

Cela étant dit, la situation a quand même évolué un peu différemment, notamment depuis le dépôt de la motion. Personnellement, je suis scandalisé, non pas en tant que conseiller national mais en tant que simple citoyen, d'apprendre qu'une décision d'une importance capitale pour l'avenir de Swisscom - à laquelle M. Catelain a fait allusion tout à l'heure, à savoir la privatisation du dernier kilomètre de la connexion Télécom - soit prise par le Conseil fédéral, qui décide de privatiser ce bien public par une simple ordonnance, refusant de soumettre cette décision à l'approbation de l'Assemblée fédérale ! C'est absolument scandaleux et c'est un acte de lâcheté du Conseil fédéral qui n'ose plus...

M. John Dupraz. De Leuenberger !

M. Christian Grobet. De Leuenberger, parfaitement ! Mais de Couchepin aussi ! Alors, vous savez, entre Couchepin et Leuenberger, je ne sais plus lequel choisir !

Cela étant dit, ces Messieurs-dames ont effectivement décidé de prendre cette mesure par voie d'ordonnance. J'estime que c'est totalement illégal, mais ça démontre la lâcheté du Conseil fédéral ! Je ne trouve pas d'autres termes à employer... (Exclamations.)Oui, de Leuenberger, de Couchepin, de Mme Metzler, de toute l'équipe ! (Rires.)

Une voix. Et Calmy-Rey, aussi !

M. Christian Grobet. Et M. Schmied de l'UDC ! Il ne fallait pas l'oublier, bien sûr, car je suis persuadé qu'il est de connivence avec ses collègues. (Exclamations.)Oh, vous croyez ? Moi, je croyais que vous demandiez depuis longtemps la privatisation du dernier kilomètre, alors, si je me suis trompé, j'en suis navré ! Pourtant, à entendre M. Blocher, on a déjà dix ans de retard dans les privatisations !

Je reviens - parce que vous m'avez malheureusement fait perdre le fil de mon raisonnement... (Rires et exclamations.)

Le président. Sur le renvoi en commission !

M. Christian Grobet. Je retrouve, Monsieur le président, le fil de mon discours...

Je voulais dire que le Conseil fédéral, après la claque qu'il a reçue avec le référendum lancé par quelques organisations très minoritaires pour la préservation de notre bien commun d'électricité, n'ose plus aujourd'hui affronter l'opinion publique et le peuple suisse... J'aurais voulu entendre l'UDC dire qu'il fallait absolument voter ce soir cette résolution et non, Monsieur Catelain, la renvoyer en commission, parce que le Conseil fédéral va prendre la décision dans quelques jours seulement! Et c'est pour cela que nous avons déposé un amendement à la motion qui nous est soumise ce soir, demandant - je ne me fais pas trop d'illusions en ce qui concerne le pouvoir de notre canton - au Conseil fédéral - ce serait une bonne chose - de respecter les droits politiques de notre pays et que la décision soit prise par l'Assemblée fédérale et soit sujette, le cas échéant, à référendum.

Je ne voudrais pas prolonger mon intervention, mais je tiens tout particulièrement à évoquer deux ou trois points. Tout d'abord, j'approuve les propos de M. Brunier, et je remercie M. Lamprecht d'avoir oeuvré pour organiser une rencontre entre les dirigeants de la Poste, les autorités fédérales et les autorités cantonales.

Je comprends votre souci, Monsieur Hiltpold, de faire passer cette motion sans trop de discussions, mais nous devrions tous être d'accord de voter un amendement sollicitant d'obtenir pour Swisscom ce que M. Lamprecht a obtenu pour la Poste, c'est-à-dire une réunion avec les représentants du Conseil fédéral. Vous souriez, Madame Brunschwig Graf, mais on a vu que M. Gygi était dans ses petits souliers lorsque nous étions à Berne ! (Commentaires.)Et M. Dupraz peut en témoigner !

J'aimerais bien voir... Comment s'appelle-t-il déjà, le directeur de... (Exclamations.)

Le président. Monsieur Grobet, il vous reste trente secondes !

Une voix. Alder !

M. Christian Grobet. Monsieur Alder, c'est cela ! Eh bien, j'aimerais voir M. Alder dans ses petits souliers et pouvoir lui parler du troisième amendement que nous proposons ce soir et que nous voudrions voir adopté. Ce qui est plus grave, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que ce soir, alors que nous proclamons notre solidarité avec les travailleuses et les travailleurs de Swisscom, savez-vous ce que fait M. Alder ? Vous rigolez, mais vous rigoleriez moins si vous étiez employé de Swisscom ! Il donne congé aux responsables du personnel qui sont à la tête des revendications légitimes du personnel ! C'est absolument scandaleux, parce que le code des obligations protège les délégués syndicaux ! Et M. Alder, dont on voudrait connaître le salaire - c'est le dernier amendement, parce que, figurez-vous, le Conseil fédéral cache les salaires des dirigeants de Swisscom - de celui qui a le culot... (Le président coupe le micro de M. Grobet qui continue de parler hors micro.)

Le président. Monsieur Grobet, vous avez parlé plus de sept minutes, et de surcroît pas sur le renvoi en commission comme je l'avais demandé.

Qui parle au nom des socialistes, M. Beer ou M. Velasco ? Monsieur Velasco, vous avez la parole.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Weiss, vous avez fait référence à M. von Hayek... Mais nous voyons aujourd'hui que, lorsque les prédictions de ce monsieur s'accomplissent, ce sont des milliards d'êtres humains qui s'appauvrissent. Et cela, vous ne pouvez pas le nier, parce que c'est l'effet du marché. Il est donc malvenu de faire référence à ce monsieur...

Vous avez dit, Monsieur Weiss, que, la valeur des actions de Swisscom ayant chuté, la société procède comme cela se fait partout, c'est-à-dire qu'elle «vide» les gens pour délester l'entreprise de la masse salariale afin de rétablir les comptes et, ainsi, faire remonter les actions.

Pour ma part, je pense qu'en tant qu'entreprise publique Swisscom a une responsabilité sociale. Comme le disait M. Blanc, les deux tiers des actions appartenant à la Confédération, celle-ci a une responsabilité envers les citoyennes et les citoyens de ce pays. Son souci d'actionnaire majoritaire ne doit pas seulement porter sur la rentabilité financière et la répartition de dividendes à la fin de l'année. Elle doit aussi se soucier de sauvegarder les milliers d'emplois - ce qui n'est pas le cas... Monsieur Weiss, dans les milliers d'emplois qui ont été supprimés, un certain nombre concernait des personnes extrêmement qualifiées, ce qui représente une perte de richesses et du know-howde l'entreprise. Et cette perte n'est pas quantifiable, et elle se fait au détriment de nos actions et de la valeur de l'entreprise...

Pour ce qui est du marché, savez-vous pourquoi on en arrive à cette situation, Monsieur Weiss ? (L'orateur est interpellé.)J'y viens ! Vous savez très bien ce qui s'est passé avec les Télécom européens: ils sont endettés parce que le marché ne permet pas aujourd'hui de faire les investissements nécessaires. Cette situation se retrouve partout: en France, en Espagne, etc., sauf en Suisse. Parce qu'elle n'a précisément pas libéralisé autant sur le marché, la Suisse se retrouve en bonne position.

Cela veut dire, Monsieur, que si nous avions appliqué les recettes de M. von Hayek, nous connaîtrions une situation encore pire que celle de la France. Dieu merc, ce n'est pas le cas !

Je le répète, Monsieur Weiss, la Confédération est intervenue pour regrouper les CFF en une grande compagnie plus efficace et plus rentable - les CFF étaient à l'époque morcelés en petites compagnies. Il en va de même pour les Télécom, car tôt ou tard, le privé ne pourra pas assumer un service aussi important qui soit rentable. Il ne le pourra pas ! L'Histoire le démontre ! Aujourd'hui, c'est ainsi, demain, il faudra de nouveau que l'Etat intervienne. Et on le voit déjà aujourd'hui: en Angleterre, l'Etat doit intervenir dans le secteur ferroviaire. On le voit aussi en France: le gouvernement doit intervenir au niveau des grands groupes.

Alors, Monsieur Weiss, les théories de M. von Hayek...

Le président. Monsieur Velasco, vous ne répondez pas à M. Weiss: vous vous exprimez sur le renvoi en commission !

M. Alberto Velasco. Monsieur le président, la pratique démontre que les théories de M. von Hayek ne sont pas correctes, comme M. Weiss essayait de nous en convaincre.

Je souhaite donc que nous puissions voter cette motion aujourd'hui même, et je m'oppose au renvoi en commission.

Le président. Nous n'avons donc plus que deux interventions sur le renvoi en commission: celle de M. Leuenberg pour les Verts et celle de M. Blanc pour le PDC. Bien entendu, Monsieur le conseiller d'Etat, vous pourrez intervenir après ! D'ailleurs, nous nous réjouissons d'allonger le débat. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous irons jusqu'au bout des urgences de ce soir. (Exclamations.)

M. Ueli Leuenberger (Ve). Merci, Monsieur le président ! Tout le monde aura compris que lorsqu'on parle de «Leuenberg», il ne s'agit pas de moi... (Rires et exclamations.)Je précise que Moritz Leuenberger n'est pas le cousin de Ueli Leuenberger: nous ne sommes pas de la même famille ni de la même famille politique... Croyez-moi, si tel était le cas je l'inviterais à manger pour lui dire ses quatre vérités ! (Exclamations.)C'est une précision que je tenais à apporter pour l'honneur de mon nom de famille...

Maintenant, pour ce qui est du renvoi en commission, voyons clairement ce que cela signifie. Par ailleurs, j'ai demandé à mon collègue Kunz, qui est à la commission de l'économie comme moi, si cette motion pourrait être traitée dans les quinze jours... Il m'a très clairement répondu: non, qu'elle serait renvoyée aux calendes grecques...

Renvoyer cette motion en commission revient donc tout simplement à l'enterrer ! Nous avons besoin d'une décision aujourd'hui-même, surtout que nous n'avons déjà pas pu traiter cette motion en urgence, comme cela devait être le cas, à la précédente session. Ce soir, le Grand Conseil doit prendre position clairement et soutenir la position que le Conseil d'Etat défend actuellement, mais il ne faut pas trop charger la motion pour obtenir une bonne majorité. Ne la renvoyez pas en commission pour la traiter aux calendes grecques, comme certains de nos collègues le disent ici, parce que les employés de Swisscom ont besoin du soutien de notre parlement très rapidement: la situation l'exige. Le Conseil fédéral et la direction de Swisscom doivent savoir que notre parlement et le gouvernement du canton de Genève désapprouvent totalement leur manière de faire.

Le président. La parole est à M. Blanc, puis nous voterons sur le renvoi en commission de cette motion et sur les quatre amendements qui ont été présentés et qui seront représentés en commission, bien sûr.

M. Claude Blanc (PDC). Chacun sur ces bancs a pu exprimer, violemment ou avec beaucoup d'émotion, tout ce qu'il avait sur le coeur au sujet de cette malheureuse affaire.

Pour ma part, je suis convaincu que, si nous voulons être efficaces et faire dans l'utile, nous devons le faire ce soir. Mais si nous voulons le faire ce soir, il faut renoncer à tous les amendements qui ont été présentés. Je suis donc prêt à renoncer au mien à condition que vous renonciez aux vôtres, de manière que nous puissions nous mettre d'accord sans tarder sur le texte de la motion tel que nous l'avions prévu. Cela permettra à ce Grand Conseil d'exprimer ce que nous ressentons tous à une majorité suffisante. Nous nous sommes exprimés, mais, si nous voulons être efficaces, il faut voter cette motion.

Si nous traitons les amendements les uns après les autres, nous pouvons y passer la nuit... Et, finalement, vous n'obtiendrez rien du tout: vous vous serez simplement fait plaisir sur le dos des employés de Swisscom...

Je le répète, Mesdames et Messieurs les députés, je renonce à mon amendement, vous renoncez aux vôtres, et nous votons cette motion sur le champ, telle qu'elle est. (Applaudissements.)

Le président. Bien, en attendant qu'on nous annonce le retrait de tous les amendements, la parole est à M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés,...

M. Claude Marcet. Alors, il y en a qui parlent trois fois et, nous, on ne parle qu'une fois !

Le président. Non, Monsieur Marcet, à partir de la demande de renvoi en commission, un seul député par groupe peut s'exprimer ! Vous devriez suivre la procédure ! (Commentaires.)

M. Carlo Lamprecht. Dans le fond, cette motion est un encouragement à tous les efforts que le Conseil d'Etat a déjà déployés, depuis une année et plus, au travers de ses contacts avec la direction de Swisscom et le Conseil fédéral.

Le 13 juin 2002, je suis intervenu une première fois auprès de Jens Alder, directeur général de Swisscom, avec une lettre cosignée par tous les partis politiques, par le maire de la Ville de Genève, par les syndicats et par les représentants du personnel, contre la fermeture du centre d'appels international. Et les interventions dans ce sens se sont multipliées.

Le 24 juillet, j'ai rencontré M. Jens Alder et je lui ai expliqué à quel point le marché genevois était important pour son entreprise, que ce soit en termes de volume de trafic, de clients importants à travers les organisations internationales et les multinationales, et à travers toutes les PME de ce canton.

J'ai également rappelé à quel point l'Etat de Genève était un client important de Swisscom, puisque seul l'Etat - je dis l'Etat et non les institutions comme l'hôpital ou l'aéroport - paye chaque année plus de 11 millions de francs de prestations en téléphonie mobile et fixe. J'ai évoqué, au-delà des licenciements qui sont une plaie en matière d'emplois, combien le Canton avait fait d'efforts pour conserver Télécom: il a en effet investi 157 millions pour la Halle 6; il est en relation constante avec l'UIT; il se bat pour garder Télécom à Genève et pour donner en même temps une visibilité importante dans le monde entier à Swisscom, compagnie privilégiée puisque compagnie nationale. Et cela non pas seulement dans l'intérêt de Genève, mais dans celui du pays et dans l'intérêt aussi des nombreuses organisations internationales qui se trouvent à Genève.

Aux cinquante emplois du centre d'appels international supprimés se sont ajoutés soixante licenciements supplémentaires. Alors, j'ai également interpellé à ce sujet M. Moritz Leuenberger, conseiller fédéral, en charge du DETEC, département de tutelle de Swisscom. Et je l'ai fait avant que la décision finale ne soit prise. Je lui ai écrit, avec copie aux autres conseillers fédéraux, pour faire en sorte que le Conseil fédéral, avec ses 62% de capital-actions, puisse intervenir et donner des instructions. Je suis encore intervenu auprès du président du Conseil d'administration de Swisscom en date du 8 janvier, et je rappelle que la décision finale a été prise le 15 de ce mois.

Lorsque j'ai été mis au courant de l'échec de ces négociations, c'est-à-dire du fait que finalement le Conseil fédéral n'était pas du tout intervenu pour tenir compte de nos revendications, j'ai encore écrit à M. le conseiller fédéral Leuenberger en lui posant trois questions brèves. Je lui ai demandé le nom du représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swisscom, sachant - je le répète - que celle-ci détient 62% des actions. Je lui ai demandé quelle était la mission confiée au représentant du Conseil fédéral. Et j'ai enfin demandé quel était le chiffre d'affaires global réalisé par Swisscom sur l'ensemble de la Suisse et le chiffre d'affaires sur Genève.

La réponse du Conseil fédéral a tardé à venir. Je l'ai reçue le 24 février dernier, alors que, comme on le dit, les dés étaient pipés.

La réponse a été la suivante au point 1: le Conseil fédéral a désigné un représentant au sein de ce conseil. Celui-ci ayant les mêmes droits et les mêmes obligations que tout membre ordinaire du conseil d'administration, il peut arriver qu'il soit minorisé... Il faudra m'expliquer comment !

Au point 2: le Conseil fédéral ne fait que rarement usage de son droit de donner un mandat à ses représentants... Il entend respecter la répartition des compétences entre le conseil d'administration et le propriétaire de l'entreprise, telle que définie par le législateur ! Le Conseil fédéral a été informé au préalable par l'entreprise des mesures de restructuration envisagées; il regrette que ces mesures aient dû être prises, mais reste néanmoins persuadé qu'elles sont nécessaires pour la viabilité à long terme de l'entreprise et le bien de ses collaborateurs.

Au point 3: selon Swisscom, le chiffre d'affaires réalisé sur le territoire genevois s'élèverait à environ 670 millions de francs en 2002. Le chiffre pour l'ensemble de la Suisse n'est pas connu pour 2002, mais il s'élevait en 2001 à 10 366 millions. La part de Genève est donc importante.

Que va faire le Conseil d'Etat ? Je dois dire que je suis un peu découragé, car le Conseil fédéral ne soutient pas notre démarche. Par ailleurs, Swisscom m'a renvoyé à mes études avec une lettre très sèche lorsque j'ai revendiqué les exigences de Genève. Tout cela est un peu désespérant.

Mais le Conseil d'Etat vient de prendre la décision de charger le Centre des technologies de l'information de l'Etat de demander des offres à la concurrence, et nous continuerons à le faire, en restant attentifs à ce que cette solution ne nous pénalise pas encore par rapport à d'autres suppressions d'emplois.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés. Je voudrais que cette motion soit votée ce soir par une grande majorité de ce Conseil, sinon à l'unanimité, pour avoir un appui fort à la fois vis-à-vis du Conseil fédéral et à la fois vis-à-vis de Swisscom. (Applaudissements.)

Le président. Pour que les choses soient claires et puisqu'on m'a demandé si les amendements étaient retirés, je vous prie de me dire ce qu'il en est Monsieur Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne saurais, bien entendu, rester insensible à l'appel de M. Blanc... (Rires.)

Nous avons effectivement le désir - nous l'avons déjà dit tout à l'heure - que cette motion soit votée ce soir. Si les amendements que nous présentons - qui nous paraissent pertinents dans la conjoncture actuelle - créent un problème, nous sommes d'accord de les retirer, sous réserve, pour faire avancer le débat et pour que cette motion soit adoptée, comme vient de le souhaiter M. Lamprecht. Je comprends son désarroi, et il me semble que ce parlement doit être à ses côtés...

M. Claude Blanc. Derrière lui !

M. Christian Grobet. Monsieur Blanc, si vous ne me laissez pas parler, je n'y arriverai jamais ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Grobet, allez-y ! Il faut avancer !

M. Christian Grobet. Mais vous m'interrompez tout le temps, Monsieur le président !

Le président. Je ne vous interromps pas, j'essaye de rétablir le calme pour qu'on vous écoute ! Vous deviez simplement nous dire quels amendements vous retirez...

M. Christian Grobet. Je ne vais jamais y arriver si je ne peux pas m'exprimer, Monsieur le président !

Nous sommes d'accord de retirer l'amendement sur le dernier kilomètre du raccordement Télécom quand bien même cette question est importante et d'actualité. Avec beaucoup de regrets, nous retirons également l'amendement concernant le licenciement des dirigeants syndicaux, des représentants du personnel, et nous retirons également l'amendement répondant à une exigence sur laquelle nous sommes tous d'accord, c'est-à-dire de rendre publics les salaires des dirigeants de Swisscom.

Par contre, il me semble que nous devrions tous pouvoir voter le quatrième amendement, qui demande simplement qu'une réunion soit organisée entre les parties concernées. Ce serait un appui aux démarches du Conseil d'Etat et de M. Lamprecht en particulier, et cela a très bien marché pour la Poste. Je crois que nous devrions tous être d'accord: M. Dupraz en tête... Peut-être que cette demande ne sera pas agréée, mais il faut la tenter. Celle-ci devrait réunir les représentants du Conseil fédéral, les dirigeants de Swisscom et les autorités cantonales. Je le répète, une telle demande avait été acceptée en séance plénière pour la Poste et elle a porté ses fruits.

D'autre part, Monsieur Blanc, je vous signale que nous sommes tout à fait d'accord avec votre amendement qui nous paraît apporter une précision utile, et il me semble que nous pourrions également le voter: il fera probablement l'unanimité.

Si nous sommes d'accord sur ces points, Monsieur le président, nous pouvons les voter dans l'allégresse générale, bien que ce sujet ne soit pas joyeux...

Le président. Pour être clair, M. Grobet ne maintient que l'amendement qu'il a signé avec M. Christian Brunier. Les trois autres amendements de M. Grobet sont retirés... Je me tourne maintenant vers M. Blanc pour savoir s'il maintient son amendement, et, ensuite, nous passerons au vote sur le renvoi en commission. Selon le résultat, nous continuerons.

M. Claude Blanc (PDC). Je constate que M. Grobet a fait un effort conséquent pour venir à ma rencontre.. L'amendement qu'il maintient me paraît acceptable. Alors, je suis d'accord que nous votions les deux amendements et que nous en finissions rapidement, de manière à avoir une motion bien structurée qui puisse rassembler la plus grande majorité possible. Voyez comme je suis conciliant !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix, au moyen du vote électronique, la proposition de renvoyer cette motion en commission.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 54 non contre 30 oui.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Blanc à la première invite qui est modifiée comme suit:

«- à rappeler à Swisscom et particulièrement à son actionnaire majoritaire leurs responsabilités en tant que service public et qu'ils doivent dès lors...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Grobet et M. Brunier, qui consiste en une nouvelle troisième invite, l'ancienne troisième invite devenant la quatrième. La teneur de cet amendement est la suivante:

«- à intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu'il convoque une réunion, sous son égide, avec les dirigeants de Swisscom et les représentants des autorités cantonales;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Monsieur Sommaruga, demandez-vous l'appel nominal ? Bien! Etes-vous appuyé? C'est le cas.

Nous allons procéder à l'appel nominal qui a demandé. Celles et ceux qui acceptent cette motion ainsi amendée répondront oui; celles et ceux qui la refusent répondront non.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1513 ainsi amendée est adoptée par 60 oui contre 21 non et 5 abstentions.

Appel nominal

RD 442-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif à l'évaluation de la loi instituant une aide financière aux petites et moyennes industries depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 1997
Rapport de majorité de M. Claude Blanc (PDC)
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AdG)
PL 8729-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi instituant une aide financière aux petites et moyennes industries (I 1 37)
Rapport de majorité de M. Claude Blanc (PDC)
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AdG)

Premier débat

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. La commission de l'économie a consacré douze séances à ce projet de réforme de la LAPMI parce qu'il posait un certain nombre de problèmes de principe. D'abord, la question s'est posée de savoir si l'Etat devait intervenir pour essayer de maintenir, autant que faire se peut, le tissu industriel genevois déjà pas mal rétréci.

Lors de l'audition de l'Union industrielle genevoise, nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre d'entreprises, par ailleurs viables, avaient des difficultés temporaires de trésorerie dans la mesure où elles voulaient soit se moderniser soit innover et que, si nous ne leur donnions pas le coup de pouce nécessaire durant cette période difficile, un certain nombre d'entre elles seraient obligées de renoncer à leur projet et, à terme, de disparaître.

Et que reste-t-il du tissu industriel de Genève ? Malheureusement, pas grand chose ! La commission a donc pensé qu'elle devait essayer de contribuer à sauver ce qui pouvait l'être, d'autant plus que la plupart des entreprises qui restent sont des entreprises de fines technologies, de technologies du futur. Les laisser tomber maintenant, alors que la conjoncture est difficile... (Brouhaha.)Monsieur le président, si ça n'intéresse personne...

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, veuillez écouter le rapporteur !

M. Claude Blanc. Je ne m'entend pas parler, tellement il y a du bruit ! Si vous le voulez, je peux rentrer chez moi ! (Exclamations.)

M. Bernard Annen. Oui, oui !

Le président. Monsieur Annen, s'il vous plaît ! (Rires.)

M. Claude Blanc. Je disais donc que la commission a estimé que c'était le moment où jamais d'agir, d'autant plus que la conjoncture s'est encore dégradée depuis. Si nous voulons faire quelque chose, il faut le faire maintenant. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons demandé l'urgence pour ce projet de loi qui, autrement, aurait dormi encore deux ou trois mois dans les tiroirs du Grand Conseil, et c'est pourquoi la commission vous invite vivement - en tout cas la grande majorité de la commission - à accepter ce projet de loi. Je dis la «grande majorité», parce qu'il y a un rapport de minorité, qui porte sur un point très précis de ce projet de loi dont nous reparlerons tout à l'heure. Je pense que nous engagerons le débat au moment où M. Pagani présentera formellement son amendement.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. D'abord, il ne s'agit pas d'un amendement, mais de deux...

Tout le monde est d'accord de donner des conditions-cadres à l'industrie genevoise pour qu'elle se sorte du guêpier dans lequel l'ont mise les politiques néolibérales... (Exclamations.)

Une voix. Les syndicalistes véreux !

M. Rémy Pagani. ...qui sévissent tout autour de la planète ! Nous sommes donc d'accord sur le fond de voter ce budget - qui est assez important - pour soutenir l'industrie genevoise.

Certains parlent d'idéologies opposées... Ce n'est pas le problème, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous savons très bien que la globalisation de l'économie pousse les chefs d'entreprise à délocaliser leur production. Je pense, par exemple, à Logitec, qui a aujourd'hui seulement deux cents personnes en Suisse et plus de trois mille dans d'autres pays, dont mille cinq cents en Chine. C'est la réalité industrielle du moment, permise par la globalisation des marchés, par une libéralisation totale sans règles et sans déontologie.

Cela étant, pour faire des propositions concrètes - nous nous sommes déjà confrontés, au sein de la commission de l'économie, à la question de l'aide à l'agriculture, notamment aux viticulteurs - nous pensons que, si nous voulons véritablement faire du travail sérieux, il faut aller au bout de la logique dans laquelle nous entrons et qui transcende ce projet de loi, soutenu par la majorité de la commission - M. Blanc vient de nous dire tout le bien qu'il en pense. Il s'agit en fait pour l'Etat d'aider les industriels volontaristes à réaliser leurs projets. (Le président agite la cloche.)Nous sommes parfaitement d'accord avec cette idée, et nous soutenons ce projet. Néanmoins, un point nous gêne. En effet, on nous dit que l'Etat doit aider mais pas trop pour ne pas devenir gestionnaire de fait, pour éviter, si l'entreprise se casse la figure, que l'Etat ne porte la responsabilité de la débâcle. Sur ce point, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons un avis différent: nous prétendons que les entrepreneurs qui veulent réellement bénéficier d'un savoir-faire - d'experts notamment - et d'un cautionnement de l'Etat doivent aussi accepter de travailler en collaboration. C'est une chose que nous avons apprise ces cinquante dernières années. On ne fait plus marcher une entreprise avec le génie d'un seul homme - les Turrettini et autres étaient effectivement seuls à la barre. Mais les problèmes sont aujourd'hui si complexes qu'il n'est plus possible de gérer les entreprises industrielles comme on les gérait auparavant. Il faut coopérer, se grouper et avancer. En l'occurrence, ce projet de loi propose timidement - à moins que ne soient adoptés nos amendements - de soutenir les entreprises, de nommer les experts mais de s'arrêter en chemin - au seuil de la porte - et de les laisser faire ce que bon leur semble.

Deux problèmes nous semblent donc importants dans ce débat: circonscrire la gestion de fait - et c'est pour cela que nous proposons un amendement - tout en maintenant l'accompagnement des experts et la responsabilité de l'entrepreneur, et désigner une liste d'experts. En effet, comme vous le savez, tout un chacun dans ce secteur peut s'autodésigner expert. D'ailleurs, j'entends déjà des bruissements dans certains milieux dans lesquels des personnes ont constitué des petites entreprises pour se proposer comme experts et, bien évidemment, pour profiter de la manne dispensée largement par l'Etat - pas celle des entrepreneurs ni des banques.

Nous estimons que des cautèles doivent être envisagées de manière très précise pour permettre à cette loi de dispenser ses bienfaits à l'ensemble de ces professions, qui en ont bien besoin aujourd'hui.

Le président. La parole est à M. Jean Spielmann... Qui ne la prend pas !

La parole est à vous, Monsieur Blanc.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. On arrive finalement rapidement au coeur de la discorde - si j'ose dire... Discorde qui n'en est pas vraiment une, car elle est le seul fait de M. Pagani qui ne croit pas qu'une entreprise peut être gérée honnêtement en dehors de la cautèle de l'Etat.

La commission a longuement discuté de tout cela. Si vous relisez, en page 18, l'article 8A, tel que nous l'avons finalement rédigé, il ressort clairement que le choix de l'expert ou du groupe d'experts proposé par l'entreprise requérante doit être avalisé par la commission qui décide de l'attribution de l'aide de l'Etat.

M. Pagani voudrait que ces experts soient désignés par l'Etat ou soient pris dans une liste désignée par l'Etat... Un grand débat a eu lieu à ce sujet, et la crainte de la commission - et pas seulement de la commission - est une évidence: en désignant lui-même les experts, l'Etat prend une part active à la gestion de l'entreprise et pourrait ainsi être accusé, en cas de difficulté, de gestion de fait. Cela signifie que la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée. La grande majorité de la commission a par conséquent estimé qu'il fallait que l'Etat surveille les choses de près, que le choix des experts devait être avalisé par la commission mais pas imposé par la commission ou par l'Etat. La commission se contentera de contrôler la qualité des experts mais l'Etat, par l'intermédiaire de la commission, ne pourra en aucune manière intervenir directement dans la gestion de l'entreprise. C'est très important, il faut pas faire courir ce risque à l'Etat. C'est la conclusion de la majorité de la commission.

Mesdames et Messieurs les députés, à mon avis M. Pagani s'entête un peu dans son point de vue. Je trouve cela dommage, parce que je ne pense pas que sa proposition soit bonne, elle ferait courir beaucoup trop de risques à l'Etat.

M. Charles Beer (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)La loi que nous devons examiner vous intéressera sans doute, Monsieur Dupraz, même s'il ne s'agit pas d'aide à l'agriculture... (Exclamations.)Il s'agit ici d'aide à l'industrie.

Il est difficile de dire que nous sommes inquiets de la monoculture à Genève, du tout tertiaire, et, dans le même temps, de rester inactifs par rapport aux difficultés du secteur industriel, particulièrement en ce qui concerne les petites et moyennes industries que nous avons à traiter avec le présent projet de loi.

Deuxième élément important, nous constatons régulièrement qu'un certain nombre d'aides de l'Etat, principalement les allègements fiscaux, sont d'abord orientées vers certaines entreprises, les multinationales, pour qu'elles s'installent à Genève pour favoriser ainsi le développement d'activités économiques profitables à l'emploi. Mais on oublie que cela crée une inégalité devant l'impôt, ce qui n'est pas le sujet dont nous devons débattre ce soir...

La question porte plutôt sur le point suivant: comment intervenir de manière adéquate pour soutenir une activité comme celle de l'industrie qui fait également le passé de Genève en termes d'histoire économique? Mais cela représente également son présent et son avenir, puisqu'il ne saurait être question de concevoir l'avenir de Genève sans avenir pour l'industrie genevoise.

L'industrie genevoise, ce n'est pas seulement la défense des zones industrielles, c'est également les questions financières et particulièrement l'accès, au sens large, au crédit pour les petites et moyennes industries.

Ce qui nous différencie ici, c'est la question des experts, principalement entre rapport de majorité et rapport de minorité. Faut-il oui ou non que l'Etat nomme les experts ? Nous avons estimé pour notre part - nous socialistes - qu'il n'était pas raisonnable que l'Etat nomme les experts. Et pourquoi avons-nous raisonné ainsi ? Tout simplement parce que les décideurs et, d'une manière générale, les surveillants, coachs ou autres responsables dans l'industrie ne vont pas ensemble. J'aimerais rappeler ici qu'un des principaux problèmes évoqués dans les différents scandales financiers, notamment celui d'Enron, est la trop grande proximité entre l'Etat et l'expert ou le superviseur et l'industrie elle-même. Nous devons donc avoir trois centres de décision différents avec des responsabilités distinctes: celui qui aide, celui qui produit, celui qui surveille ou celui qui tient le rôle d'expert. Et celui qui ignore ces règles donne involontairement les conditions de base qui favorisent les alliances ou la politique des petits copains, ce qui nuit finalement à l'objet principal de notre intervention, c'est-à-dire l'aide aux petites et moyennes industries.

En ce sens, nous appelons à soutenir le rapport de majorité.

Le président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits: Mme Loly Bolay, M. Bavarel, M. Grobet, M. Spielmann, M. Pagani. Outre les deux amendements présentés par M. Pagani, un autre amendement a été déposé par M. Spielmann. Je vois que M. Mouhanna, craignant que je ne close la liste, vient de s'inscrire... La liste n'est toujours pas close.

Madame Loly Bolay, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S). Actuellement, 80% des entreprises suisses sont des PMI et des PME... (M. Mouhanna apporte un amendement au Bureau et fait un faux pas. Exclamations.)

Le président. Monsieur Mouhanna, redescendez tranquillement ! Un nouvel amendement vient de nous être apporté. Madame Bolay, continuez calmement !

Mme Loly Bolay. Aujourd'hui, 80% des emplois en Suisse et à Genève ont été créés par les petites et moyennes entreprises. On connaît l'attitude des banques face aux demandes de crédit de ces PMI et PME, c'est-à-dire un refus d'entrer en matière. Peut-être la Banque cantonale joue-t-elle encore le jeu...

Ce projet de loi est issu du constat fait par le Conseil stratégique de la promotion économique qui s'est rendu compte que les petites et moyennes industries devaient s'autofinancer. A un moment donné, celles-ci se sont trouvées en manque de trésorerie, par la force des choses. Ce projet de loi propose justement de donner la possibilité à ces entreprises de sauver les emplois et, donc, de sauver le savoir-faire et aussi le marché de la sous-traitance qui est touché par cette problématique.

Je reviens maintenant au problème soulevé par le rapport de minorité de M. Pagani qui nous parle de copinage. Moi, je vois mal un chef d'entreprise qui a à coeur de défendre son entreprise - il peut y avoir partout des gens malhonnêtes - se prêter au jeu avec un expert qui n'en est pas un. Or, si le département désigne un expert, cela implique une coresponsabilité de l'Etat et, en cas de problème - par exemple, une faillite - les créanciers se retourneront automatiquement contre l'Etat. Et la loi prévoit des garde-fous à cet égard. A l'article 8, alinéa 2, il est prévu que l'expert ne fonctionne pas tout seul puisqu'il sera accompagné par un expert de la banque et, au besoin, par un chargé d'étude d'une haute école. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste ajouter que le département a un droit de veto et que la désignation d'un expert doit être approuvée par le Conseil stratégique de la promotion économique. A mon avis, la loi comporte des garde-fous suffisants.

Comme l'a dit tout à l'heure M. Beer, les socialistes soutiennent donc le rapport de majorité de M. Claude Blanc.

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président

M. Christian Bavarel (Ve). Vous savez que les Verts sont extrêmement attachés à la mixité au niveau économique. Autant nous sommes présents quand il faut soutenir l'agriculture, autant nous le sommes pour soutenir l'industrie!

Il est en pour nous extrêmement important de ne pas avoir uniquement une monoculture du tertiaire dans notre canton. Nous découvrons que les industries rencontrent des difficultés alors qu'elles étaient des pôle d'excellence de notre canton. Une partie de notre population a des savoirs très pointus au niveau industriel, notamment des savoirs manuels qui sont irremplaçables. Nous voulons que ces personnes puissent garder leur emploi et, par là-même, conserver leur savoir-faire et les entreprises. Ces personnes ne sont pas forcément facilement recyclables dans le tertiaire. Nous préférons pour notre part que les personnes soient épanouies dans des métiers qu'elles connaissent et qu'elles maîtrisent plutôt qu'elles ne se retrouvent à des postes subalternes, parce qu'il a fallu les recaser dans des métiers qui ne sont pas les leurs.

Nous, les Verts, soutenons le rapport de majorité, car nous sommes extrêmement attachés à conserver la mixité économique de notre canton.

Le président. Monsieur Grobet, vous avez la parole... Vous avez la parole, Monsieur Grobet !

Une voix. Grobet, debout !

Une voix. Il dort !

M. Christian Grobet (AdG). Je ne dors pas du tout, Monsieur le président, mais j'étais distrait par un excellent collègue, qui ne voulait certainement pas m'empêcher de parler... (Commentaires.)

Le président. Je suis content de vous l'entendre dire, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Je voulais simplement intervenir pour soutenir mon collègue, M. Pagani, et je le fais d'autant plus volontiers que je suis un peu étonné des propos tenus par M. Beer et par Mme Loly Bolay... Je dirai à ces deux collègues qu'il faudrait peut-être se référer à des situations que l'on connaît bien dans ce parlement.

Je me bornerai donc à évoquer la situation de la Banque cantonale de Genève. (Exclamations.)Excusez-moi, mais le sujet est tout à fait d'actualité ! Je tiens en effet à vous rappeler comment la Banque cantonale accordait les crédits, notamment sur le plan immobilier ! Elle demandait au bénéficiaire du crédit... Vous feriez bien d'écouter, Madame Bolay, puisque vous prétendez que toutes ces choses sont des babioles ! La banque demandait au client de produire l'expertise d'un architecte...

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, vous seriez édifiés en lisant les expertises que nous trouvons dans les dossiers transférés de la Banque cantonale de Genève à la fondation ! Je n'en parlerai pas, bien que cela n'ait pas un caractère secret particulier, mais c'est effectivement assez édifiant. Du reste, un certain nombre de députés ont pu constater comment certains experts ont totalement falsifié la valeur de biens immobiliers. Et, même si ce terme vous dérange, Madame Bolay, il y a eu beaucoup de «copinage» dans l'affaire de la Banque cantonale de Genève: Et c'est faire preuve d'une naïveté invraisemblable que de croire que des chefs d'entreprise n'aient pas recouru à un expert complaisant... Malheureusement, dans la déconvenue financière épouvantable de la Banque cantonale de Genève, nous avons maints exemples de ce que donne une expertise effectuée par un expert qui est de mèche avec le bénéficiaire du crédit...

L'autre aspect du problème qui est actuellement débattu - Monsieur Beer, vous ne renierez certainement pas les propos de certains de vos collègues de parti - au sujet de la Banque cantonale, qu'elle soit genevoise ou vaudoise, c'est que l'on s'est aperçu que tout le système de la surveillance des banques en Suisse est conçu pour que ce mandat soit assumé par les banques à travers un mandat donné à une société de révision. Et on voit ce que cela donne... (L'orateur est interpellé.)C'est tout à fait d'actualité, puisque le Conseil d'Etat a pris, je crois, l'initiative pertinente de déposer une action en justice portant sur le montant du préjudice que l'Etat va subir dans l'affaire de la Banque cantonale, qui s'élève à environ 3 milliards de francs, si l'on additionne les 2,7 milliards de pertes sur les créances hypothécaires qui sont à charge de l'Etat, plus les 300 millions qui ont été placés dans le refinancement de la BCG... Vous voyez, Madame la cheffe du département, que j'arrive à calculer aussi bien que le Conseil d'Etat !

Finalement - et c'est la question qui se pose - comment doit-on assumer la surveillance d'une entreprise qui est soumise à un certain contrôle de l'Etat ? On peut se rendre compte que le système actuel n'est pas du tout efficace: l'autosurveillance n'est pas la panacée ... Je tiens tout de suite à dire que, personnellement - vous voyez, je suis très modéré, Monsieur Beer - et, contrairement à votre collègue Maillard, je ne suis pas favorable à une surveillance des banques par l'Etat. Par contre, je pense que la Commission fédérale des banques devrait, au moins, choisir les fiduciaires pour assurer un tournus et leur fixer un cahier des charges. Vous le voyez, cette demande est très modeste, mais elle se trouve déjà à dix lieues de ce que vous proposez ici.

Je ne vois donc pas comment vous pouvez dire - même si vous n'êtes pas juriste - en quoi la proposition de M. Pagani aurait pour effet que l'Etat puisse être tenu pour responsable d'une éventuelle déconvenue financière... Mais puisque vous et Mme Loly Bolay avez tellement peur d'une telle hypothèse, qui me semble totalement gratuite et n'être qu'un mauvais prétexte pour refuser la proposition tout à fait sensée de M. Pagani, proposition qui n'a malheureusement qu'un défaut, celui de provenir d'un député de l'Alliance de gauche! En dehors de cela, elle est excellente. C'est pourquoi nous déposerons un amendement qui se justifie de toute façon, Monsieur Blanc, puisque c'est aussi votre précaution... Maintenant, vous avez lancé le brûlot, n'est-ce pas ?

Alors, que l'amendement de M. Pagani soit adopté ou non, nous déposerons un amendement qui prévoit que l'Etat n'est en rien responsable de la gestion de l'entreprise qui bénéficie d'une aide. En effet, à partir du moment où vous pensez que cette situation peut se présenter - ce qui n'est pas mon avis - eh bien, il faut en tirer les conséquences et compléter la loi dans ce sens! J'espère alors que ce complément satisfera Mme Bolay et M. Beer et qu'ils se rapprocheront donc de l'amendement de M. Pagani.

M. Jean Spielmann (AdG). Ce projet de loi est important vu la situation économique et politique dans laquelle nous nous trouvons, car, malheureusement, les banques ont de plus en plus de peine à remplir leur devoir vis-à-vis des entreprises qui démarrent. Cela veut dire que de nombreux projets restent à l'état de projets, parce que les banques ne veulent pas aider ceux qui lancent des projets importants dans le domaine des nouvelles technologies, dans le secteur industriel. Il y a, bien sûr, Start-PME et le projet de loi cite très justement quelques entreprises. Ces dernières doivent pouvoir trouver de l'aide pendant la difficile période de démarrage. Nous pensons tous que cette aide doit plutôt être destinée aux entreprises du futur qui vont créer des emplois, même si la notion d'aide aux entreprises en difficulté a aussi sa vertu. Soutenir des entreprises que les banques ne veulent pas aider permet à celles qui innovent et qui créent de tenir le coup en période de démarrage, que ce soit au moyen de lignes de crédit ou de financements. Evidemment, tout cela comporte des risques... Cela comporte tellement de risques que le pouvoir bancaire a quasiment mis des cautèles sur toutes les activités de notre société. L'évolution économique est telle que les industriels qui investissaient auparavant ne le font plus aujourd'hui. Et les banquiers qui devraient les aider présentent de telles cautèles que les projets sont malheureusement étouffés dans l'oeuf.

Il me semble qu'il est légitime que la collectivité mette un certain nombre de moyens à la disposition de ceux qui entreprennent et qui innovent. Nous saluons par conséquent ce projet qui est utile et nécessaire.

J'ai déposé un amendement, mais je fais d'ores et déjà mon mea culpa. En effet, cet amendement a sa réponse à l'article 9 qui prévoit, sous une forme différente, qu'en cas d'infraction on peut considérer qu'une fausse information, une fausse déclaration, un projet mirifique qui ne tient pas la route, qui n'est pas compatible avec la réalité ou avec des dossiers sérieux, peuvent être considérés comme une infraction. Dans ce cadre-là, on peut d'abord supprimer l'aide et, ensuite, prendre des sanctions en annulant les subsides qui ont été versés - encore que cela puisse poser quelques problèmes.

Il me semblait utile de le préciser. Je pensais que cela devait logiquement figurer après les questions de l'innovation et celles liées aux déclarations fiscales, mais, puisque ce point est déjà prévu par l'article 9, Monsieur le président, il va de soi que je retire mon amendement.

Ainsi ficelée, cette loi, avec les amendements proposés par M. Pagani, permettra de faire oeuvre utile en apportant une aide nécessaire à la création de nouveaux secteurs industriels dans notre canton et, donc, d'emplois nouveaux. C'est dire qu'il est important de voter ce projet de loi et les amendements proposés. Je vous en remercie.

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

Le président. Bien, il ne nous reste donc plus que quatre amendements. Les deux présentés par M. Pagani qui sont imprimés et ceux de M. Mouhanna qui ont été distribués.

Mesdames et Messieurs les députés, comme certains d'entre vous veulent s'exprimer pour la deuxième fois, nous vous proposons de clore la liste. Il reste donc M. le rapporteur de minorité, M. Mouhanna, M. Beer, M. Blanc et M. Spielmann qui vient de s'inscrire in extremis. La liste est donc close. Vous le voyez, quand je cite les noms des députés inscrits, certains se dépêchent d'appuyer sur le bouton d'inscription...

Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. J'ai bien entendu tout ce qui s'est dit dans ce premier tour... (Le président est interpellé.)

Le président. Il va de soi, Monsieur Lamprecht, que vous parlerez à la fin du débat en qualité de conseiller d'Etat.

M. Rémy Pagani. Je me répète: j'ai bien entendu tout ce qui s'est dit dans ce premier tour, mais mon collègue Grobet a effectivement mis le doigt là où ça fait mal, comme d'habitude... (Rires et exclamations.)Quoi ? Oui, tout à fait ! ...à savoir que les experts ne sont pas des naïfs, contrairement à M. Blanc... Ils sont aussi capables de faire et de produire des rapports qui, on l'a vu dans le secteur immobilier comme dans le secteur bancaire, sont des faux. Cela a été établi. Alors, je ne vois pas pourquoi, Monsieur Blanc, vous prétendez que les experts industriels seraient des anges capables de servir l'industrie à bon escient... L'histoire démontre le contraire. Par exemple, dans le cas de la SIP, les responsables qui se sont succédé à la tête de cette entreprise - un des fleurons de notre canton - ont su faire preuve de sagacité à tel point qu'ils ont profité de l'assurance-chômage, du chômage technique, des aides de l'Etat et, même, de la caisse de retraite du personnel, etc. Pour en arriver à quoi? à la faillite après cinq ans ou dix ans de ces pratiques !

Le problème du choix de ces experts est évident ! Il faut être sérieux, Monsieur Blanc, étant donné la situation actuelle et les tensions économiques que nous connaissons, on ne peut pas croire qu'un entrepreneur pris à la gorge, dont l'entreprise décline, prendra un expert compétent et honnête. La majorité le fera, bien sûr, mais il ne faut pas être naïf au point de ne pas imaginer qu'une minorité cherchera à choisir un expert complaisant pour essayer de sauver son entreprise! Alors que, déjà une année avant la chute de Swissair, tout le monde disait que cette compagnie ne pouvait pas fonctionner, certaines personnes ont trouvé des experts qui ont accepté d'entrer dans leur jeu et de faire des annonces complètement fausses, de sorte que les actionnaires principaux, et notamment les banques, ont pu retirer leurs avoirs et leurs actions bien avant les petits actionnaires qui ont fait les frais de cette affaire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Ne soyons pas naïfs ! Voilà pour le premier volet.

Deuxième chose: on est passé comme chat sur braises sur la question de savoir jusqu'à quel point il faut aider les entreprises. Aujourd'hui, l'aide consiste à les cautionner pour les recapitaliser; demain, avec ce projet de loi, on va cautionner leurs fonds de roulement... Qu'est-ce qui nous garantit qu'un entrepreneur en difficulté ne va pas laisser aller les factures qu'il devrait se faire payer pour profiter d'une aide de l'Etat ou d'une banque sur la base d'un avis d'expert, ne serait-ce que pour éviter d'avoir des problèmes avec ses clients? Moi, je maintiens, même si vous prétendez que l'industrie genevoise risque d'être étatisée - il n'en est pas question - que ces cautèles sont nécessaires. Il faut d'une part établir une liste d'experts agréés - c'est le minimum effectué dans n'importe quelle profession qui tient à sa réputation - et, d'autre part, que l'Etat s'engage à nommer des experts qui tiennent la route soient capables d'assumer, aux côtés des entrepreneurs, la responsabilité du sauvetage de ces entreprises industrielles.

Le président. Merci. Deux autres amendements viennent d'être déposés par M. Grobet. Monsieur Mouhanna, vous avez la parole.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je soutiens l'amendement proposé par M. Pagani et vais tout de même vous donner quelques arguments en espérant qu'ils vous convaincront... (Brouhaha.)

Monsieur Blanc, vous avez reproché tout à l'heure à M. Pagani de douter des créateurs d'entreprises et de vouloir mettre en place des contrôles...

Le président. Excusez-moi, Monsieur Mouhanna ! Les discussions entre le Conseil d'Etat et certains députés ne pourraient-elles pas avoir lieu ailleurs, hors de cette salle ? C'est déjà suffisamment pénible pour M. Mouhanna de parler dans un tel brouhaha... Ayons au moins l'obligeance de nous respecter ! Merci. (Commentaires.)

M. Souhail Mouhanna. Monsieur le président, pour une fois que je ne suis pas l'objet de la remarque, je suis très satisfait.

Je continue mon argumentation en faveur de l'amendement de M. Pagani...

Vous savez bien, Monsieur Blanc, que le fait d'exercer des contrôles ne signifie pas forcément que toutes les personnes contrôlées sont des personnes douteuses. Les gens qui n'ont rien à se reprocher en général n'ont pas à craindre ces contrôles, mais je pense qu'ils sont nécessaires pour des gens qui pourraient - je parle du sujet qui nous préoccupe - avoir quelque chose à se reprocher au niveau du projet de création d'entreprise... Et je sais de quoi je parle, puisque j'ai été membre d'une fondation dont le but était précisément de soutenir des entreprises et que j'ai pu voir de l'intérieur ce que cela signifiait. Ces contrôles doivent effectivement être indépendants pour s'assurer que les fonds publics sont correctement utilisés. Et l'amendement de M. Pagani ne dit rien d'autre, à la deuxième ligne: «...la désignation par le département d'un expert externe et indépendant...». Alors, je vois mal comment on peut dire que cet expert externe et indépendant pourrait être, en même temps, le sous-marin de l'Etat et que, ainsi, l'Etat serait coresponsable de la gestion de l'entreprise en question. Je ne vois vraiment pas ce qui est choquant dans le fait de préciser qu'il faut désigner un expert externe indépendant. D'ailleurs, à l'alinéa 3, il est dit dans l'amendement que: «Le département tient à jour une liste d'experts...».

M. Grobet vous a donné tout à l'heure l'exemple de la Banque cantonale et de la valeur de certaines expertises, et vous avez toutes et tous reçu, Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe dont je suis le rapporteur. Vous avez pu voir dans les annexes la liste de tous les objets qui ont été traités au 30 septembre 2002 et, si vous avez regardé les colonnes qui concernent la valeur au bilan et la valeur des expertises, vous aurez constaté que toutes les affirmations de M. Grobet sont exactes.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur les deux amendements que j'ai présentés. Le premier amendement porte sur l'article 2, alinéa 4, lettre a) qui stipule: «...le soutien apporté à ses activités ne crée pas de distorsion de concurrence;...». Il s'agit d'une condition d'octroi de l'aide. La lettre b) du même article 2 dit: «...elle vise à s'assurer un avantage compétitif clairement identifiable...». Je pense qu'il y a contradiction entre les deux. En effet, d'un côté on voudrait que le soutien ne crée pas de distorsion de concurrence et, de l'autre, on voudrait que l'entreprise soit compétitive. Cela pose un problème, et je propose par conséquent d'abroger la lettre a) de cet article 2.

Mon deuxième amendement porte sur l'article 4, alinéa 2, qui dit: «L'entreprise qui sollicite une aide financière au titre de la présente loi doit déclarer si elle est au bénéfice d'autres aides publiques communales, cantonales ou fédérales, et/ou si une demande est à l'examen auprès d'une telle entité.» Vous savez tous que, par exemple, la fondation à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure est une fondation - je parle de la Fondetec - qui a été financée à hauteur de 20 millions par la Ville de Genève, mais c'est une fondation de droit privé, et j'aimerais bien savoir où se trouve cette fondation dans cette énumération, puisque certains responsables de cette fondation ont fait le nécessaire pour supprimer le contrôle de la Ville de Genève sur cette fondation.

Le président. Il est temps de conclure, Monsieur le député.

M. Souhail Mouhanna. Par conséquent, je demande où une telle fondation peut se trouver. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cet amendement. Il consiste à intercaler le mot «d'origine» entre «aides» et «publiques». Ainsi, une telle fondation se trouvera dans la liste.

Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de donner la parole à M. le député Beer, je salue une délégation des jeunes Verts français qui ont été reçus par les jeunes Verts genevois pour une visite de nos institutions. Ils prennent sans doute une bonne leçon...

Monsieur le député Beer, vous avez la parole.

M. Charles Beer (S). Le rapport de M. Blanc est, à mon avis, clairement présenté, bien rédigé, et il devrait éviter, par là-même, toute confusion. Mais, puisqu'il y a régulièrement des amalgames, il convient d'essayer tout de même d'éviter qu'il y en ait un au détriment de l'examen lucide du projet qui nous est soumis.

A cet égard, il convient d'abord d'éviter de confondre l'aide à une entreprise et ce qui se passe au niveau d'un secteur d'activité économique entier.

Il convient également d'éviter de confondre un secteur d'activité économique et une entreprise qui est largement propriété de l'Etat et des collectivités publiques.

Il convient en outre d'éviter de confondre un secteur d'activité économique et un secteur d'activité qui est largement réglementé, comme celui du trafic aérien, par la collectivité publique, même si on peut déplorer les déréglementations en cours au niveau international.

Ainsi, en ce qui concerne la Banque cantonale de Genève, j'aimerais dire que l'existence d'un conseil d'administration - et M. Grobet sera d'accord avec moi - désigné respectivement par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, c'est-à-dire par les plus hautes instances de l'Etat, n'ont pas évité les dérives. Et le fait que ce soit l'Etat qui désigne ne nous prémunit malheureusement de rien, notamment pas d'une politique de copinage, que vous avez largement dénoncée. (L'orateur est interpellé.)La politique de copinage que vous avez largement dénoncée... Alors, écoutez, puisque j'allais dans votre sens !

Par ailleurs, la surveillance dite «publique» par le conseil d'administration nommé par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil n'a pas empêché non plus que, via la Banque cantonale de Genève, celle-ci prenne, à travers des sociétés comme des sociétés porteuses - J. B. Holding - des prises de participation dans des entreprises qui ont conduit justement à la politique de copinage qui a largement été dénoncée et que vous avez largement dénoncée... Dès lors, évitons tout amalgame entre la Banque cantonale de Genève et le secteur de l'industrie dont nous parlons maintenant.

D'autre part, ce que vous avez relevé à juste titre comme l'action de l'Etat visant à dénoncer le manque de surveillance de la fiduciaire chargée de cette surveillance nous donne justement la possibilité, en tant qu'Etat, de pouvoir nous retourner contre celui qui est chargé d'exercer cette surveillance.

Pour en revenir maintenant à l'objet qui nous est soumis, rappelons tout de même - et c'est pour cela que je rendais hommage à la clarté du rapport de M. Blanc - que, si la décision appartient au Conseil d'Etat, la commission consultative peut aussi, précisément, demander des avis d'experts. La question est donc de savoir si ces experts doivent être désignés par l'entreprise ou par la commission consultative, la commission consultative gardant tout son rôle et l'Etat gardant son autonomie de décision. Nous voulons simplement éviter qu'il y ait une confusion entre la notion d'expertise et la notion de surveillance.

Dès lors, la surveillance doit être exercée en partie par la commission consultative et, en dernier lieu, par le Conseil d'Etat, et il convient de ne pas confondre les trois niveaux. C'est pourquoi nous persistons à penser que la loi qui nous est proposée, qui vise à encadrer et permettre un meilleur financement d'un secteur en difficulté, doit susciter à la fois une dynamique au niveau de l'entreprise et une émulation, malgré tout, entre l'expertise de type «coaching» et l'entreprise elle-même et la surveillance qui émane de la commission consultative et la décision qui émane du Conseil d'Etat.

Le président. Bien, j'espère que nous croyons tous à cela ! Monsieur le député Blanc, rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. M. Beer vient de préciser assez exactement le rôle qu'on entend faire jouer aux experts, mais je voudrais quand même que vous vous donniez la peine de relire les articles 8A et 8B du projet de loi pour vous convaincre que nous avons introduit dans ces articles toutes les garanties nécessaires pour que ça fonctionne.

Ce que M. Pagani veut en plus, c'est que les experts soient désignés par l'Etat. Et c'est justement ce qui pose problème, parce que, à partir du moment où l'Etat désigne les experts, il peut être considéré, de fait, comme responsable de la gestion: c'est indiscutable, Monsieur Pagani ! Parce que l'article 8A, à son alinéa 2, stipule: «Il peut être constitué un groupe d'experts pour l'examen des dossiers... Un tel groupe d'experts comprendra en règle générale...». L'alinéa 3 du même article dit: «Le choix de l'expert, ou du groupe d'experts proposés par l'entreprise requérante doit être avalisé par la commission...». Cela me paraît clair: la commission qui représente l'Etat ne choisit pas l'expert, mais elle l'accepte.... (Brouhaha.)Je peux continuer, Monsieur le président ?

Le président. Vous pouvez continuer, mais essayons de trouver un moyen de sortir rapidement de ce débat et de voter.

M. Claude Blanc. Je disais donc que la commission représentant l'Etat ne choisit pas l'expert, mais elle doit l'accepter.

L'alinéa 5 du même article stipule en outre: «Le requérant est tenu de collaborer avec l'expert choisi, lequel fait périodiquement rapport au département sur l'accomplissement de sa mission.» Et l'article 8B dit, en son alinéa 1: «En tout temps, le département peut, sur la base du préavis de la commission consultative, imposer un audit à l'entreprise requérante.»

Il me semble véritablement que la commission a fait beaucoup d'efforts pour fixer un maximum de cautèles dans la loi tout en faisant en sorte que l'Etat reste indépendant de la gestion de l'entreprise. Cela a été dit et redit en commission. Je comprends que l'on puisse avoir un débat ce soir sur ce point, mais j'ai le sentiment que l'âpreté que vous mettez à défendre ces amendements et la multiplicité des amendements qui arrivent sur mon pupitre - je suis navré de le dire, Mesdames et Messieurs les députés - ressemblent fort à une volonté d'obstruction !

Messieurs de l'Alliance de gauche, vous voulez empêcher, d'une manière ou d'une autre, que ce projet de loi soit voté ce soir ! (Exclamations.)Vous jouez avec les petites entreprises, vous jouez avec l'emploi pour des raisons politiques: c'est tout à fait indigne ! (Applaudissements et exclamations.)

Le président. La parole est à M. le député Spielmann. Monsieur Mouhanna, le débat est clos. Allez-y, Monsieur Spielmann !

M. Jean Spielmann (AdG). Si j'ai bien compris, les débats de ce soir portent sur un projet de loi que nous traitons en urgence... Est-ce bien exact, Monsieur le président ? Et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement, parce qu'à partir du moment où ce projet est traité en urgence, il faut bien sûr que la date d'entrée en vigueur soit la plus proche possible... A moins que ce ne soit pas l'objectif de ces débats ! Mon amendement prévoit donc que l'entrée en vigueur de la présente loi aura lieu le lendemain de sa promulgation. Ainsi, on gagnera du temps, et cela justifiera le fait de traiter ce projet de loi en urgence...

Le président. Merci, Monsieur Spielmann. Après le dernier orateur et M. Lamprecht, que je n'ai pas oublié, nous mettrons aux voix, les uns après les autres, les amendements qui sont tous déposés sur vos tables.

Monsieur Pagani, rapporteur de minorité, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, vous direz à mon collègue M. Blanc - que j'apprécie, par ailleurs - qu'il se comporte de manière indécente lorsqu'il lance des anathèmes... (L'orateur est interpellé.)Oui, il y en a tellement qui se sont comportés de cette manière aujourd'hui...

M. Claude Blanc. A commencer par vous !

M. Rémy Pagani. Enfin, on ne va pas continuer !

M. Claude Blanc. Vous avez bien raison !

M. Rémy Pagani. Je trouve que c'est parfaitement scandaleux ! Pour la petite histoire, je vous rappelle que, si l'Alliance de gauche n'avait pas fait en sorte de trouver un compromis au sein de la commission, ce projet de loi n'existerait même plus. Alors, il est facile de nous reprocher aujourd'hui de vouloir faire de l'obstruction, tout cela parce que nous voulons faire un travail sérieux et aller au bout de notre logique. Il n'en est rien ! (Exclamations.)Nous sommes ici pour faire en sorte que la loi fonctionne bien: elle ne doit pas être un oreiller de paresse pour certains industriels qui pourraient y voir un moyen de se sortir d'affaire sans trop faire d'efforts.

Cela étant, je préciserai, car il y a pas mal de gens qui nous écoutent... (Exclamations.)

M. Claude Blanc. Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd !

M. Rémy Pagani. ...que l'Etat s'engage tout de même ce soir pour une somme de 10 millions par année. Je trouve donc les doctes commentaires de certains députés déplacés quant à la responsabilité des uns est des autres... La commission d'experts aurait une responsabilité, mais uniquement sur un point; le Conseil d'Etat et le département auraient une responsabilité, mais uniquement sur un point et l'entrepreneur, lui, aurait une responsabilité, mais sur un autre point.

Pour ma part, j'estime que la dissolution des responsabilités est certainement un mal qui gangrène l'ensemble de notre société. Il est déplorable que l'Etat se décharge de ses responsabilités sur une commission s'agissant de la désignation des experts. Celle-ci pourra dire qu'elle n'est pas engagée financièrement et qu'elle n'a aucune responsabilité financière, que les experts sont désignés par le Conseil d'Etat et la commission, et c'est tout. En cas de problème, la responsabilité sera rejetée sur l'entrepreneur qui, lui aussi, dira à son tour que la responsabilité revient à la commission d'experts, qui dira que c'est l'Etat... Nous retomberons exactement dans la même situation ! Malheureusement, Monsieur Beer, vous êtes, une fois de plus, «à côté de la plaque» pour ce qui est des banques ! (Brouhaha.)Je vous rappelle que, lorsque la commission ad hoc a été mise en place pour expertiser la débâcle de la Banque cantonale de Genève, notre Grand Conseil a auditionné la Commission fédérale des banques, les responsables de la Banque cantonale de Genève... Et ils nous ont tous dit tour à tour qu'ils n'avaient aucune responsabilité, que leur responsabilité s'exerçait sur d'autres points... On a pu voir le méli-mélo dans lequel se sont trouvées toutes ces personnes, précisément parce que la dissolution des responsabilités est effectivement un des problèmes graves de notre société. Malheureusement, je ne peux que constater que certains ne veulent pas faire en sorte que l'Etat prenne enfin ses responsabilités et aille jusqu'au bout de la logique de ce projet de loi, dont le but est d'aider réellement les entreprises en difficulté à se sortir d'une situation difficile due au marché. En effet, c'est bien souvent le marché déréglementé qui met les entreprises en difficulté.

Le président. Bien! Alors, avant de faire voter l'entrée en matière de ce projet de loi en premier débat - je trouverais ce Grand Conseil bien bon de voter cette entrée en matière - je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht. Les amendements ayant déjà été débattus, nous les voterons en deuxième débat, les uns derrière les autres. Monsieur Lamprecht, allez-y !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Beaucoup d'objets que nous traitons en plénière sont discutés pendant de nombreuses séances en commission. Et l'on ne peut pas refaire à chaque fois le débat ayant eu lieu en commission, a fortiori lorsque l'objet a été accepté à une grande majorité...

Je remercie tout d'abord les députés qui ont participé à ces débats, car le projet était difficile. Il n'est, en effet, pas aisé de trouver le moyen d'ouvrir un coffre-fort en y mettant trente-six portes blindées... Il en faut quelques-unes mais pas trop. Et le département n'a jamais mis autant de cautèles que pour ce projet d'aide financière aux entreprises. A un moment donné, il faut cesser! Ce projet a été discuté, voté, et on ne peut pas revenir à chaque fois sur les décisions prises, même si je comprends bien votre dépit, Monsieur Pagani, d'avoir été minorisé. Tout au long de ces débats, vous avez été favorable à ce projet. Et vous le bloquez sur un point, juste à la fin! Une heure et demie de débats sur ce point... cela me paraît tout de même un peu surprenant.

Il faut dire que ce projet tombe dans un contexte important et difficile, car ce n'est pas seulement des emplois, des entreprises, qu'il faut sauver, mais tout un secteur de l'économie! C'est un secteur important, avec un très grand savoir-faire, qui se bat et se débat contre la concurrence nationale et internationale. Et, si nous ne sommes pas capables aujourd'hui, dans ces moments difficiles, de trouver un consensus autour d'un tel projet, d'avoir confiance les uns dans les autres, cela prouve que certains ne veulent pas véritablement sauver cette branche de l'économie...

Le Conseil du développement économique, qui a été mis sur pied par ce Grand Conseil, nous a prodigué ses conseils pour élaborer ce projet, et nous avons entendu des experts de toutes sortes. Ce projet a été examiné sérieusement. Aujourd'hui, il faut en finir: il faut voter ce projet ! Nous ne pouvons pas continuer à palabrer sur des détails, même s'ils ont une certaine importance. A un moment donné la démocratie implique que le parlement fasse des choix. Il les a fait en commission, et j'espère qu'il va les confirmer ce soir, puisque c'est aussi la volonté du département que ce projet soit accepté pour permette enfin d'aider les entreprises de ce secteur. Je le répète, ce projet comporte plus de cautèles qu'aucun autre projet.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc vivement à voter le projet de majorité.

Le président. Je mets maintenant aux voix le vote d'entrée en matière sur ce projet de loi, au moyen du vote électronique.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 78 oui, contre 2 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous allons donc prendre les articles les uns après les autres. J'ai les amendements qui ont été maintenus sous les yeux. Nous allons prendre notre temps.

Une voix. Nous avons tout le temps !

Le président. Absolument ! Moi, en tout cas, j'ai tout mon temps. Et je vous ai promis que nous traiterions tous les objets que vous avez décidé de traiter en urgence.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 4 de l'article 2, proposé par M. Mouhanna... (Exclamations.)Mais je suis bien à l'alinéa 4 de l'article 2 ! Et j'annonce que M. Mouhanna demande son abrogation.

Monsieur Blanc, voulez-vous la parole ? Les noms n'étant plus affichés à l'écran, je vous prie de bien vouloir lever la main si vous voulez parler. Vous avez la parole, Monsieur le député.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. En ce qui concerne les deux amendements de M. Mouhanna, il me semble que le premier n'est pas acceptable. Par contre, le second l'est.

Il faut être objectif: M. Mouhanna a démontré...

Le président. Le second porte sur l'article 4 !

M. Claude Blanc. Ah oui, pardon ! Excusez-moi ! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Mouhanna, vous avez la parole.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je ne demande pas la suppression de l'alinéa 4 de l'article 2. Je propose la suppression de la lettre a) de l'alinéa 4 de l'article 2, parce qu'il est en contradiction avec la lettre b). C'est aussi simple que cela ! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Beer, vous prenez la parole... On va continuer: si vous voulez perturber le travail, allons-y ! (Exclamations. Brouhaha.)

M. Charles Beer (S). Le président et la salle ayant retrouvé leur calme, j'aimerais juste faire un commentaire sur l'amendement proposé par M. Mouhanna qui dit que la lettre a) et la lettre b) sont contradictoires... Il s'agit d'une question de rédaction. C'est pour cela que j'aimerais attirer l'attention du parlement sur ce point. A la lettre b), il s'agit de: «...s'assurer un avantage compétitif clairement identifiable sur le marché national et international;» et la lettre a) dit: «le soutien apporté à ses activités ne crée pas de distorsion de concurrence;». Il faudrait ajouter «sur le marché local» - ou «cantonal». C'est le but visé par le législateur. Je propose donc d'ajouter «sur le marché cantonal» à la fin de la lettre a).

Le président. L'amendement de M. Mouhanna étant plus éloigné que le vôtre, je suis obligé de faire d'abord voter le sien... A moins qu'il n'approuve votre amendement, Monsieur Beer. C'est le cas: M. Mouhanna retire son amendement, au profit de celui de M. Beer...

M. Christian Grobet. Calme-toi, Bernard ! (Rires.)

Le président. Monsieur Grobet, votre ironie m'amuse... Vous étiez un peu plus nerveux tout à l'heure !

Je mets donc aux voix l'amendement proposé par M. Beer à l'article 2, alinéa 2, lettre a), je cite: «le soutien apporté à ses activités ne crée pas de distorsion de concurrence sur le marché local;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Il y a une large majorité... C'est magnifique ! «Embrassons-nous Folleville !».

M. Christian Grobet. Il y a un problème, parce que vous avez dit «local» au lieu de «cantonal» !

Le président. Cantonal ! Vous comprenez, je n'ai pas l'amendement par écrit et, pour tenter d'aller un peu plus vite, je n'ai pas attendu que l'amendement me soit formellement remis. Voilà!

Monsieur Beer, vous voudrez bien signer votre amendement pour le procès-verbal et l'apporter tout à l'heure au Bureau.

Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 3 est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement de M. Mouhanna à l'article 4, alinéa 2, qui propose d'intercaler le mot «d'origine» dans la phrase, ce qui donne: «L'entreprise qui sollicite une aide financière au titre de la présente loi doit déclarer si elle est au bénéfice d'autres aides d'origine publiques communales...

Vous voulez la parole, Monsieur Blanc ? Vous l'avez !

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. C'est ce que je disais tout à l'heure en anticipant un peu... Cet amendement me semble justifié. L'exemple soulevé par M. Mouhanna est tout à fait plausible, et la précision qu'il apporte en ajoutant «d'origine» règlera tous les problèmes. Je pense que nous sommes certainement tous d'accord pour apporter cette précision.

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement de M. Mouhanna que je viens de vous lire.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous avons un amendement proposé par M. Grobet à ce même article  4. Vous avez la parole, Monsieur Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, vous avez dit tout à l'heure que les amendements avaient tous été évoqués, ce n'est pas le cas de celui-ci...

Je voulais simplement dire que l'aide financière destinée aux entreprises est bien entendu importante, mais le handicap principal auquel les entreprises sont confrontées, c'est de trouver des locaux dont le loyer est compatible avec leurs activités. Je connais les efforts effectués par la FIT - M. Lamprecht en a parlé tout à l'heure - mais les locaux font cruellement défaut. Je me permets simplement de donner un exemple que j'ai vécu avec le relogement des cent quatre locataires du site de Sécheron. Je peux dire aujourd'hui que sans l'aide exceptionnelle de la Ville de Genève, qui a décidé de rénover un bâtiment aux Charmilles permettant de reloger à peu près le tiers de ces locataires, nous n'y serions jamais arrivés. Il me semble important que cette aide concrète, qui constitue un financement indirect, figure dans les moyens à proposer. C'est un élément essentiel de ce problème, et je ne crois pas qu'il y ait lieu de s'opposer à cet amendement.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur l'amendement présenté par M. Grobet à l'alinéa 3 de l'article 4 qui propose une nouvelle lettre d), je cite: «mise à disposition de terrains ou de locaux.»

Une majorité le rejettent. (Contestations. Le président agite la cloche.)

Vous n'allez pas contester ce vote: il était évident !

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que les articles 6 à 8.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement à l'article 8A, alinéa 1, proposé par M. Pagani, qui figure en page 25 et dont le texte est le suivant: «L'octroi de toute forme d'aides prévues par la présente loi est subordonné à la désignation par le département d'un expert externe et indépendant chargé de suivre la gestion de l'entreprise et susceptible, le cas échéant, d'accompagner les dirigeants d'entreprise dans leur tâche de direction et/ou d'administration.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un autre amendement à l'article 8A, mais à l'alinéa 3, proposé par M. Pagani, qui figure en page 26. Il consiste à ajouter ceci au texte initial: «Le département tient à jour une liste d'experts agréés par la commission qui lui auront soumis leurs candidatures. Ils doivent avoir de bonnes connaissances de gestion d'entreprise et/ou de comptabilité commerciale. L'entreprise choisit dans la liste un expert ou peut proposer des experts qui n'y figurent pas et dont la candidature doit être agréée par la commission.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 8A est adopté.

Mis aux voix, l'article 8B est adopté, de même que les articles 8C et 8D à 11.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Grobet propose un nouvel article 12, qui est différent de l'article 12 qui figure dans le projet de loi et qui deviendra l'article 13. Je vous le lis: «L'Etat n'assume aucune responsabilité dans la gestion de l'entreprise mise au bénéfice d'une aide en vertu de la présente loi, notamment en cas de cessation d'activité, de faillite ou de concordat.». Vous voulez vous exprimer, Monsieur Grobet ? Vous avez la parole.

M. Christian Grobet(AdG). Maintenant, c'est l'heure de vérité, Monsieur Blanc. Vous étiez l'un de ceux qui, tout à l'heure, brandissaient l'épouvantail selon lequel l'Etat pourrait être tenu pour responsable, parce qu'il mettait le doigt dans l'engrenage d'une façon ou d'une autre... J'espère donc que celles et ceux qui étaient soucieux de cette question seront cohérents et voteront cet amendement, pour nous donner les assurances voulues que l'Etat ne sera pas impliqué en cas de problème de gestion.

Le président. Vous voulez ajouter quelque-chose, Monsieur Blanc ?

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président. Du moment que nous n'avons pas voté les amendements de M. Pagani, l'amendement de M. Grobet devient superfétatoire ! Par conséquent, je vous recommande de le rejeter ! (Exclamations.)

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Il y a des gens sur les bancs d'en face qui étaient à la buvette et qui n'ont peut-être pas compris l'enjeu de ce débat... (Exclamations.)

Sur le fond, je rappelle qu'il s'agit de mettre 10 millions sur la table, par année, pour permettre à des entreprises sérieuses de se sortir de difficultés conjoncturelles et structurelles sur la base d'un projet industriel. Il nous a été dit, tout au long de ces débats, que les entrepreneurs étaient on ne peut plus honnêtes et, pourtant, à lire la chronique des journaux, des déconfitures retentissantes sont révélées, ici ou ailleurs, dans lesquelles des experts sont impliqués, experts qui tentent généralement d'éviter les suites en s'enfuyant, car ils ont produit des expertises complètement fallacieuses... Ce problème a effectivement été une de mes préoccupations tout au long de ces travaux qui ont été - comme l'a dit M. Lamprecht - d'une bonne tenue.

Nous avons participé d'un bout à l'autre à l'amélioration de ce projet, mais on se rend compte aujourd'hui qu'un certain nombre de petits malins pourraient, le cas échéant, se retourner contre l'Etat, comme aujourd'hui l'Etat se retourne contre les fiduciaires. A mon avis, l'amendement de Christian Grobet est tout à fait pertinent. Nous n'avions pas imaginé qu'un entrepreneur, même après avoir fait faillite, puisse se retourner contre l'Etat. Il faut donc nous prémunir de ce type de procédure. Aujourd'hui, des amendements ont été refusés, certes, et j'en prend acte. Mais je vous invite, par précaution, puisque l'Etat s'engage fortement - et c'est un pas supplémentaire qu'il fait - à voter unanimement cet amendement.

Le président. Je vais faire voter cet article au moyen du vote électronique. Ainsi, chacun sera à sa place, il n'y aura pas de contestations... Monsieur Beer, vous avez la parole.

M. Charles Beer (S). Monsieur le président, je rappelle la mécanique de la loi: l'Etat nomme une commission consultative; la commission consultative peut nommer un expert; les recommandations de l'expert doivent être approuvées par la commission consultative.

On peut considérer ou non que l'amendement de M. Grobet est superflu... En ce qui me concerne, j'estime qu'on n'est jamais assez trop prudent. Il vaut donc mieux que le parlement soutienne cet amendement. C'est une prudence élémentaire en matière d'aide publique.

Le président. Je ne me prononcerai pas sur les travaux de la commission, Monsieur le député Beer...

Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur l'amendement de M. Grobet au moyen du vote électronique. Je vous le relis: «L'Etat n'assume aucune responsabilité dans la gestion de l'entreprise mise au bénéfice d'une aide en vertu de la présente loi, notamment en cas de cessation d'activité, de faillite ou de concordat.». Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement (nouvel article 12) est adopté par 43 oui contre 42 non.

Mis aux voix, l'article 13 (ancien article 12) est adopté, de même que l'article 14 (ancien article 13).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 2 (souligné), nouvelle teneur: «La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation»... M. Blanc souhaite prendre la parole... Il faut lever la main, Monsieur Blanc ! Vous pouvez y aller.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Je n'ai rien contre, Monsieur le président, mais je n'aimerais pas que cela pose des problèmes au Conseil d'Etat, parce qu'il y aura certainement un règlement d'exécution à mettre au point, et je ne suis pas sûr qu'il soit déjà prêt. Or, je ne vois pas qu'on puisse faire entrer la loi en vigueur le lendemain de sa promulgation si le règlement d'exécution n'est pas prêt. Je pense donc que, conformément à l'usage, il faut laisser au Conseil d'Etat le soin de décréter la date d'entrée en vigueur quand il sera en mesure de le faire.

Le président. En résumé, les uns souhaitent que la loi entre le plus vite possible en vigueur et les autres quand le règlement d'exécution sera prêt.

Monsieur Spielmann vous avez la parole.

M. Jean Spielmann (AdG). Je ne voudrais pas faire de l'obstruction ici, mais de deux choses l'une: soit ce projet de loi est urgent, les documents sont prêts et le Grand Conseil est mobilisé ce soir pour le traiter en raison de l'urgence, et la loi entre en vigueur rapidement; soit le règlement d'exécution n'est pas prêt et, à ce moment-là, il ne fallait pas le traiter en urgence, Monsieur le président !

Je propose donc que la loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation et que le Conseil d'Etat se débrouille pour que les documents soient prêts. Sinon, il ne faut pas que le Grand Conseil soit saisi en urgence de dossiers qui ne le nécessitent pas!

M. Christian Grobet (AdG). C'est une garantie de prévoir que la loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation. Mais cela laisse tout de même deux mois et demi au Conseil d'Etat, entre le délai référendaire et le délai de recours au Tribunal fédéral. Il me semble que c'est largement suffisant pour que le règlement soit mis en place.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. En conclusion, je relève juste que, sur sept amendements proposés, nous en avons déjà placés trois. Cela montre la qualité des débats et le fait que ce projet de loi n'était pas abouti. En ce qui me concerne, même si je regrette la suppression du contrôle de la liste des experts, je trouve qu'il faut aller de l'avant. Le contenu du projet de loi est suffisamment précis et le gouvernement n'aura pas besoin de deux mois et demi pour établir le règlement d'exécution. A mon avis, il est possible de le faire en un mois. Le vote de cet amendement ne doit pas poser de problème. Si c'est le cas, ce sera le quatrième amendement à être voté. Cela démontre bien, une fois de plus, que nous ne sommes pas là seulement pour faire de l'obstruction, Monsieur Blanc, mais aussi pour faire avancer les choses. (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)

Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Grobet à l'article 2 (souligné), que je vous relis: «La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Mis aux voix, l'article 9 est adopté.

Mis aux voix, l'article 3 (souligné) est adopté.

Troisième débat

M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, je reprends à mon compte l'amendement qui a été présenté tout à l'heure par M. Christian Grobet à l'article 4, alinéa 3, lettre d), c'est-à-dire la mise à disposition de terrains et de locaux...

Il me paraît que cet amendement, dont le vote a eu lieu un peu rapidement, est important dans la mesure où le libellé de cet article est limitatif et non exemplatif. Ainsi, sans cet amendement, l'Etat ne pourrait pas mettre à disposition des terrains ou des locaux - quand bien même il le voudrait - puisque ce n'est pas prévu par la loi. L'amendement permettrait de passer par cette possibilité, ce qui est important dans le cadre d'une restructuration avec déplacement d'entreprise...

Si cet amendement devait être rejeté, je proposerai un deuxième amendement qui consiste à ajouter «notamment» dans la phrase précédant les lettres a), b) et c) de l'article 4.

Le président. Nous procédons donc au vote sur l'amendement de M. Grobet, repris en troisième débat par M. Sommaruga, à l'article 4, alinéa 3, lettre d) nouvelle, que je cite: «mise à disposition de terrains ou de locaux.» Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 39 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le deuxième amendement présenté par M. Sommaruga à l'article 4, alinéa 3, qui consiste à ajoute le mot «notamment», ce qui donne: «L'aide financière au titre de la présente loi peut revêtir notamment les formes suivantes:...». Nous allons encore utiliser le vote électronique pour éviter toute contestation. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 34 oui et 3 abstentions.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'ensemble du projet également par vote électronique.

La loi 8729 est adoptée par article.

Mise aux voix, la loi 8729 ainsi amendée est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui contre 2 non et 1 abstention.

(Commentaires.)

Le président. Mais, moi, je ne vois rien ! Nous allons passer au vote sur le rapport divers 442-A, à main levée. Celles et ceux qui approuvent les conclusions du rapport de majorité sont priés de voter oui, les autres de voter non.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

M. Bernard Annen. Il n'y a pas de vote !

Le président. Si, il y a un vote à partir du moment où il y a un rapport de majorité et un rapport de minorité, car nous devons savoir sur quoi nous votons. (Exclamations.)Nous avons déjà voté, Monsieur Pagani ! Vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, vous nous avez fait voter pour prendre acte de ce rapport. Je ne vois pas ce que j'ai affaire là-dedans !

La position de l'Alliance de gauche a toujours été claire: nous avons dit qu'il fallait améliorer le projet de loi issu des travaux de la commission. Nous avons fait ce que nous avons pu. Mais toujours est-il que nous sommes fondamentalement favorables à ce projet de loi ! Je ne pense pas qu'il y ait la moindre ambiguïté et je crois que votre intervention laisse malheureusement planer un doute...

Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, nous vous remercions. Nous avons effectivement pris acte de ce rapport, conformément à la demande de M. Blanc. Vous trouverez, en annexe, le courrier C 1624 de Mme Martine Brunschwig Graf concernant cet objet.

Courrier 1624

IN 115-D
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le contreprojet à l'initiative populaire 115 "Casatax"
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AdG)
Initiative: Mémorial 2000, p. 11239
Rapport de la commission législative: Mémorial 2001, p. 4526.
PL 8708-B
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Froidevaux, Janine Hagmann, Stéphanie Ruegsegger, David Hiler, Mark Muller, Jean Rémy Roulet, Claude Marcet, Claude Blanc, Michèle Künzler modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 30) (contre-projet à l'IN 115) (nouvel examen)
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AdG)
Rapport de la commission législative: Mémorial 2001, p. 4526
RD 448-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le rapport et propositions du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la loi (8708) modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 30), (contre-projet à l'IN 115), du 22 mars 2002
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AdG)

Premier débat

Le président. Madame la rapporteure avez-vous quelque-chose à dire ?

Des voix. Non !

Le président. Madame Hagmann, vous avez la parole.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Je serai très brève... Il faut bien que j'explique un peu pourquoi nous sommes là ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)

Casatax... le retour! Cette initiative et son contreprojet ont donné lieu à l'un des plus longs débats qu'il y a jamais eus dans cette enceinte, soit plus de cinq heures d'après mes calculs. J'estime donc que tous les arguments de fond ont été développés et que si nous sommes raisonnables - ce que nous devons être maintenant, même vis-à-vis de nos électeurs, parce que cela commence à suffire - nous pouvons voter ce projet en peu de temps. Et il n'est pas question de développer à nouveau des arguments de fond maintenant!

Pour quelle raison sommes-nous là ce soir ? Parce qu'il y a eu deux petits couacs dans les votes des amendements, couacs reconnus par tous, y compris par les chefs de groupe. Le premier des couacs a été un amendement présenté par un groupe pour l'un des paragraphes, et il ne correspondait plus au deuxième paragraphe! Et le deuxième couac a été un amendement présenté par un autre groupe qui, malgré certaines recommandations, a montré qu'il ne respectait pas le principe de l'égalité de traitement. Ces deux amendements ont été corrigés par la commission fiscale. Le contreprojet que nous vous présentons maintenant est correct, et je vous recommande de le voter.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je pourrais rester aussi sibyllin que ma préopinante et dire que le travail qui a été fait est un mauvais travail, et vous recommander de ne pas voter ce contreprojet...

M. Christian Luscher. Ce serait trop beau !

M. Pierre Vanek. Ce serait effectivement trop beau, Monsieur Luscher ! Et ce serait inexact, comme est inexact l'exposé de Mme Hagmann - malgré toute l'amitié que je lui porte - qui parle de deux à trois petits couacs qui auraient été réglés en commission... Couacs qui auraient eu lieu durant notre long et intéressant débat sur l'initiative Casatax et sur son contreprojet.

Je rappelle qu'il s'est quand même produit des choses assez surprenantes et inouïes. De toute mon expérience de parlementaire - en presque dix ans - je n'ai jamais vu le Conseil d'Etat refuser de promulguer une loi votée par ce parlement, revenir en commission, se servir de l'article 140 de la constitution pour suspendre un projet de loi... Nous avons effectivement réouvert les débats en commission sur les problèmes de fond posés par le contreprojet à cette initiative, sur une question qui était au coeur du débat initial autour de ce contreprojet, de savoir s'il s'agissait - comme le prétendait abusivement M. Mark Muller, représentant des initiants, dont M. Luscher - de répondre aux prétendues aspirations des locataires d'accéder à la propriété, ou s'il s'agissait, comme je l'alléguais, de faire des cadeaux importants, à hauteur d'une vingtaine de millions de francs, essentiellement aux propriétaires...

Dans le cadre de ce débat est intervenu le deuxième couac évoqué par Mme Hagmann: un amendement a été présenté. Du reste, Mme Hagmann a expliqué la chose avec euphémisme... C'est en réalité M. Pagan de l'UDC qui a présenté un amendement frappé au coin d'un bon sens - du moins apparent - consistant à dire que ces mesures devaient évidemment être réservées à ceux qui n'étaient pas déjà propriétaires du logement qu'ils occupent. J'ai encore ici cet amendement signé de la main de M. Pagan... On pouvait discuter de sa formulation sur le plan juridique, mais son intention politique était très claire, et cet amendement a été accepté à une très large majorité de ce parlement.

En commission, des fait politiques se sont passés, ce ne sont pas de simples rectifications techniques... L'UDC a apparemment retiré son soutien à cet amendement signé par son chef et à l'idée que le contreprojet, qui sert à concrétiser l'initiative qui avait été mal ficelée, devait être limité quant à ses effets à l'accession effective à la propriété... Et l'UDC a, sans vergogne, soutenu la position du parti libéral qui a été défendue depuis, notamment par une correspondance de la Chambre genevoise immobilière qui figure dans ce rapport et qui n'était pas dans le précédent. Dans son courrier de plusieurs pages, la Chambre genevoise immobilière explique pourquoi elle assume maintenant à visage découvert l'idée qu'il faut faire des cadeaux aux propriétaires, malgré le fait que les 20 millions en question, qu'on cherche à soustraire à l'escarcelle de la collectivité, viendraient aggraver la dette dont certains députés libéraux se plaignent par ailleurs quand ça les arrange.

Tout cela nécessite un débat sérieux car il s'agit tout de même de 20 millions de francs, c'est l'évaluation du coût de cette mesure, de ces cadeaux que l'on veut faire pour favoriser l'accession à la propriété d'un certain nombre de personnes.

La dernière fois, le débat ne s'est peut-être pas déroulé dans des conditions idéales, Madame Hagmann, notamment parce que vous avez voulu faire tout en même temps: défendre l'initiative et la refuser quand même pour qu'on puisse proposer un contreprojet... Je crois que le bilan global est que ce travail a été effectué dans de mauvaises conditions, pas très sérieuses... Cela vient peut-être de l'appétit excessif à concrétiser rapidement cette initiative qu'ont eu certains de ses auteurs... Je pense à M. Muller, jeune parlementaire à l'époque et très impatient.

Madame Hagmann, ce que vous dites en conclusion de votre rapport est frappé au coin du bon sens: «Les propositions d'amendement de dernière minute, fruits de ce débat passionné - c'est-à-dire le débat précédent - voire parfois survolté, ont amené le Grand Conseil à prendre des décisions dans de mauvaises conditions. Ces circonstances ont poussé le Conseil d'Etat à redéposer le projet de loi devant le Grand Conseil.» Bien entendu, avant de le redéposer, le Conseil d'Etat a dû extraire le projet de loi du cursus normal. Et puis: «Le rapporteur - la rapporteure, devrait-on dire - formule ainsi le voeu que le contreprojet à l'initiative 115 «Casatax», qui est soumis ici pour la deuxième fois au Grand Conseil, sera adopté sans heurts excessifs.» A mon avis, pour ce qui est des heures excessives, nous faisons des heures supplémentaires dans ce débat, et il n'est pas raisonnable de vouloir faire le forcing en la matière. Je rappelle qu'il n'était pas prévu de discuter aujourd'hui de cette affaire. Vous avez encore une fois fait le forcing pour mettre cet objet à l'ordre du jour en urgence, alors qu'il a attendu des mois, suite, précisément, à un forcing excessif, et qui ne pourra de toute façon pas passer devant les citoyens avant longtemps.

Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de reprendre la proposition formulée à juste titre par mon collègue Christian Grobet, même si le président n'avait alors pas estimé que c'était le bon moment - maintenant, ça l'est - d'ajourner ce débat, d'aller dormir... Et de reprendre le débat sur Casatax dans des conditions de fraîcheur physiologique - du moins - et intellectuelle meilleures, pour éviter que les choses ne se passent dans de mauvaises conditions, que vous déploriez précisément, Madame Hagmann. Je ne peux pas accepter le raisonnement selon lequel, vu l'heure tardive, il faut...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Oui, je termine ! Si nous sommes condamnés à tenir ce débat ce soir, dans de mauvaises conditions, cela ne nous empêchera pas de le faire, Madame Hagmann, sérieusement au niveau politique ! Les citoyennes et citoyens méritent que les députées et députés ne bâclent pas leur travail, et nous le ferons sérieusement, malgré l'heure tardive, si vous nous y contraignez!

Monsieur le président, je propose formellement l'ajournement de ce débat.

Le président. Pour gagner du temps, il faudrait déjà respecter le temps de parole qui vous est imparti... Vous avez parlé pendant huit minutes, Monsieur le député ! Un député par groupe peut s'exprimer. L'AdG vient donc de le faire par votre bouche.

Pour le parti socialiste, la parole est à M. Sommaruga. (M. Sommaruga s'adresse au président.)Vous n'êtes pas obligé de prendre la parole, Monsieur Sommaruga !

M. Carlo Sommaruga (S). Je n'avais pas compris s'il fallait que je m'exprime sur le fond ou sur la demande d'ajournement, Monsieur le président... (Commentaires.)

Je voulais simplement dire que, depuis le début, cet objet a chaque fois été traité par le Grand Conseil au forcing. La majorité a cherché à précipiter les événements pour éviter un débat serein. Les travaux ont eu lieu en commission avant même le débat en plénière sur l'acceptation ou non de cette initiative. Comme l'a dit tout à l'heure M. Pierre Vanek, on a voulu imposer à ce Grand Conseil un rythme effréné. Cela a engendré des confusions qui, finalement, n'ont fait que compliquer et ralentir les débats.

Y a-t-il une bonne raison pour que le contreprojet à cette initiative soit absolument voté ce soir ? Non, aucune ! Le délai pour le voter est exactement le même que pour l'initiative 116. Avec le Bureau et les chefs de groupe, nous étions convenus que l'initiative 116 et l'initiative 115 seraient traitées à la séance du mois de mars. Nous étions tout à fait dans les délais. Il est incompréhensible que cet accord de l'ensemble des partis et des chefs de groupe ait été remis en question au début de cette séance par la seule volonté des représentants de la Chambre genevoise immobilière. Cette manière de travailler est inadmissible ! Il est 23h30, et entamer un débat qui sera probablement long... (L'orateur est interpellé par M. Luscher. Le président agite la cloche.)Monsieur Luscher, je ne suis pas intervenu, si ce n'est pour des amendements, et jamais je...

Le président. Je vous prie de continuer, Monsieur le député ! C'est moi qui essaye de faire régner l'ordre...

M. Carlo Sommaruga. Je pense que, si nous sommes à même de pouvoir discuter et voter l'initiative 116 dans les délais à la prochaine séance, il est possible de le faire également pour l'initiative 115. Nous pouvons faire exactement ce qui avait été prévu par le Bureau, à savoir que ces deux objets soient traités lors de la prochaine session, que ce soit jeudi ou vendredi. J'appuie donc la demande d'ajournement de cet objet à la prochaine session.

Le président. Les PDC, les radicaux, les libéraux, les Verts, l'UDC, ne désirant visiblement pas prendre la parole, je mets aux voix la proposition d'ajournement, conformément à l'article 78, alinéa 1, lettre b), et ce, au moyen du vote électronique. (Le président est interpellé par M. Spielmann.)Non, M. Vanek s'est exprimé pour l'Alliance de gauche ! Je suis navré, Monsieur Spielmann, nous votons sur l'ajournement. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 46 non contre 28 oui et 4 abstentions.

Le président. Monsieur Vanek, vous avez la parole en tant que rapporteur de minorité. Vous avez sept minutes, maximum...

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je pense que les conditions de ce débat - mais vous le savez bien - sont loin d'être bonnes... J'attends que les personnes qui le veulent quittent la salle et que les Weiss et autres qui téléphonent avec leur portable arrêtent de le faire... (Exclamations.)...pour que nous puissions débattre et faire de la politique dans cette enceinte !

Le parti libéral, dans son programme des dernières élections, que je cite, défend l'idée qu'il n'est pas admissible que l'Etat «arrose sans discrimination une bonne partie des citoyennes et des citoyens»... Effectivement, avec l'initiative Casatax, on ne peut pas reprocher aux milieux libéraux d'arroser sans discrimination... Cette discrimination est très spécifique: il s'agit de permettre des abattements fiscaux à des personnes qui sont en mesure d'accéder à la propriété de leur logement, c'est-à-dire d'acheter un bien immobilier, ce qui concerne - chacun le sait - une toute petite minorité de la population... L'initiative prétend «démocratiser» l'accession à la propriété de son logement - le mot «démocratique» est évidemment ici un paradoxe... - mais, en réalité, les mesures préconisées vont permettre à des propriétaires de biens immobiliers d'en acquérir d'autres - plus grands, plus petits, plus à leur convenance - en leur donnant la possibilité de bénéficier de cette subvention. Et cette subvention, qui est un manque à gagner pour la collectivité, a été chiffrée par le département à hauteur d'une vingtaine de millions de francs. Hier, certains ont poussé de hauts cris à la pensée que les comptes de l'an dernier montreraient peut-être un découvert de l'ordre d'une cinquantaine de millions de francs. Et avec une simple initiative, on vient nous proposer une augmentation qui représente 40% du montant de ce déficit qui les avait tant choqués. C'est pourtant une somme qui ne rentrera pas dans les caisses de la collectivité et qui devra se traduire soit par un accroissement de la dette, soit par des suppressions de dépenses sociales, de postes de la fonction publique - par des coupes de Dieu sait quel ordre, mais on ne le sait évidemment pas, puisque les initiants se gardent bien de le dire...

Madame Hagmann, vous allez certainement vous énerver parce que tout cela a déjà été dit, je vous l'accorde volontiers. Mais il y a aussi ce qui n'a pas été dit!

J'ai un papier en main qui porte la signature de M. Jacques Pagan. Eh bien, j'aimerais bien l'entendre s'exprimer sur le retrait de son amendement, amendement stipulant que les aides octroyées par cette initiative étaient accordées à ceux qui n'étaient pas déjà propriétaires du logement qu'ils occupaient. Or, cet amendement a été retiré en commission - par M. Marcet, je crois, qui représentait l'UDC au sein de cette dernière. Il pourra peut-être aussi s'en expliquer...

Non seulement cet amendement a été retiré, mais une proposition alternative pratiquée à Neuchâtel - je ne vais pas rentrer ici dans le détail puisqu'on aborde le fond pour l'instant et que l'on évoquera les détails de technique législative ultérieurement - n'a pas été soutenue ! Pour quelle raison ? Parce que la Chambre genevoise immobilière et les initiants ont développé un nouveau discours selon lequel il est question de favoriser non seulement les locataires mais aussi les propriétaires... Et Mme Hagmann, qui a rédigé un rapport complet et fort bien fait, a eu l'amabilité d'inclure à la page 24 un document de la Chambre genevoise immobilière - c'est-à-dire les initiants - dans lequel celle-ci dit: «...il importe que les réductions de droits d'enregistrement bénéficient aussi aux propriétaires...». C'est de cela dont il s'agit !

Lors de notre dernier débat - vous voyez bien, Madame Hagmann, que nous avons avancé - M. Muller se posait en Zorro ou en Superman, je ne sais plus, défenseur des locataires, et aujourd'hui nous avons l'avantage d'être revenus à plus de clarté, puisque nous voyons enfin les défenseurs des intérêts des propriétaires qui avancent à visage un tout petit peu plus découvert ! Et cela à un moment où il est évident que la République pourrait se passer de ces cadeaux ciblés aux plus nantis. Mais enfin sur ce point chacun prend ses responsabilités... Lors du dernier débat - je le cite parce que cette discontinuité dans les débats, induite par la hâte qui a marqué le dernier débat, fait que certains ont pu l'oublier - M. Luscher courait dans tous les sens... (Exclamations.)...et s'énervait à propos de l'amendement Pagan. Déjà, lors du dernier débat - je cite le Mémorial, puisque nous avons l'avantage d'en bénéficier...

Le président. Monsieur le député, votre temps de parole est terminé.

M. Pierre Vanek. Je finis ma phrase, Monsieur le président ! ( Chahut.) Déjà, lors de ce débat, M. Luscher disait ceci: «Eh bien, oui, cela fait de nombreuses années que je défends les propriétaires, que je les défends avec fierté et que je fais tout ce que je peux pour les défendre loyalement, honnêtement et parfois intelligemment.»

Mesdames et Messieurs, à cette table, ici, pour ma part, je défends les intérêts de la majorité des Genevois qui - comme vous vous êtes plu à le souligner, ne sont pas propriétaires et ne sont pas en passe de le devenir - sont des locataires !

Le président. Avant de donner la parole au prochain orateur, j'aimerais demander à tous les intervenants de ne pas faire d'attaques nominatives contre tel ou tel autre député... Cela n'apporte rien au débat ! Je vous demande aussi de vous limiter aux sept minutes de temps de parole qui vous sont imparties. Et il n'est d'ailleurs pas nécessaire de les épuiser...

Monsieur Carlo Sommaruga, vous avez la parole.

M. Carlo Sommaruga (S). J'aimerais remettre l'initiative 115 dans le contexte global des projets qui ont été déposés par l'Entente depuis le début de cette législature et montrer comment les milieux immobiliers, par leur aile parlementaire, entendent porter un certain nombre de coups extrêmement violents aux locataires de ce canton, qui représentent la majorité de la population. Et n'en déplaise au député qui va s'opposer à ce point de vue - je ne le citerai pas - les locataires représentent la majorité de la population.

Voyons d'un peu plus près les deux initiatives, l'initiative 115 et l'initiative 116, qui ont été présentées à la signature simultanément. L'initiative 115, qui nous intéresse ce soir - Casatax -vise en fait à limiter la contribution des propriétaires - c'est-à-dire des personnes les plus nanties de ce canton - aux caisses publiques. Le cadeau qui va être fait à titre individuel pour chacun de ces propriétaires atteint 15 000 F au maximum sur le paiement des droits d'enregistrement, sans compter le complément sur les droits de constitution des hypothèques. Il s'agit, comme cela a été dit, d'une perte pour l'Etat de l'ordre de plusieurs dizaines de millions, et ceci pourrait être le cas chaque année compte tenu du nombre de ventes immobilières qui interviennent. Dans le projet initial, le calcul de la perte pour l'Etat a été fait sur la base d'une seule vente par propriétaire alors que la mesure législative proposée n'est pas limitative et que, donc, l'Etat perd de l'argent sur chaque vente. En fin de compte, la prestation financière de l'Etat, sous forme d'allègement fiscal, est destiné à ceux qui ont des moyens financiers.

En parallèle, une initiative - IN 116 - non formulée est déposée et un certain nombre de projets de concrétisation sont proposés en commission. Dans quel but ? D'une part, de réduire encore la contribution aux caisses publiques et, d'autre part, d'amener l'Etat à devoir payer des montants faramineux à terme, dans le cadre de l'épargne logement. Je rappelle que les montants dont pourront bénéficier les propriétaires par l'épargne logement peuvent atteindre des dizaines de milliers de francs.

Mais le but des initiants de l'IN 115 et de l'IN 116 n'est pas seulement de vider les caisses tout en redistribuant à ceux qui ont les moyens, il s'agit aussi de s'en prendre aux derniers terrains constructibles en zone de développement et de les réserver exclusivement aux personnes qui ont les moyens de se payer de la PPE au lieu de laisser construire les logements sociaux dont Genève a besoin. Nous savons bien que les logements subventionnés subissent une érosion extrêmement importante et qu'il n'y a pas de nouvelles constructions de logements sociaux pour compenser ces pertes! (Exclamations.)Et un certain nombre de propriétaires, dans une stratégie bien définie, empêchent la réalisation de constructions de logements pour les locataires, dans l'attente de pouvoir bénéficier de davantage de liberté et d'avantages financiers en matière d'accession à la propriété.

Les initiants ont la volonté de ne pas faire payer le prix à ceux qui en ont les moyens; ils ont la volonté d'aller puiser dans les caisses de l'Etat des fonds pour les distribuer à ceux qui en ont les moyens et il y a une volonté de faire un hold-up sur les derniers terrains constructibles de ce canton. Et il y a, en outre, une volonté délibérée de s'en prendre aux locataires, à savoir la volonté de remettre en cause la loi sur les démolitions, transformations et rénovations, notamment par l'augmentation des loyers et par différents autres biais.

Il est donc clair que ce soir on ne votera certainement que sur l'initiative 115, mais elle doit être mise effectivement dans cette perspective globale de volonté des milieux immobiliers de porter atteinte à... (Des députés chantonnent. L'orateur cesse de parler pendant un moment.)Monsieur le président, cela fait trente secondes que je n'ai plus de micro ! (Rires. Le président agite la cloche. Le micro est rallumé par l'opératrice et l'orateur reprend la parole.)

Sur un plan plus technique, il avait été évoqué la nécessité de renvoyer le contreprojet en commission, en raison de la violation du principe de l'égalité. La violation du principe de l'égalité de traitement avec les locataires a même été évoquée !

En fait, le projet tel qu'il est ressorti des derniers débats en séance plénière n'était que la copie conforme de ce qui se pratique à Neuchâtel. L'amendement qui avait été présenté par M. Pagan permettait effectivement de respecter la constitution: l'égalité de traitement. Au surplus, il permettait de respecter la volonté des initiants qui affirmaient, et c'est toujours écrit dans l'exposé des motifs... (Brouhaha. Les députés continuent de chantonner)Monsieur le président... Monsieur le président ! (Un pupitre claque.)

Une voix. C'est quoi ce bruit ?

M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, vous présidez ou vous tenez une conversation privée ? (L'orateur est interpellé.)C'est faux ! (Le président agite la cloche.) (Le président est interpellé par M. Spielmann.)

Le président. Excusez-moi, mais vous n'écoutez pas toujours non plus, Monsieur Spielmann ! (Exclamations.)

M. Jean Spielmann. Mais vous, vous devez présider ! (Rires.)

Le président. Eh bien, je crois que je préside... Mesdames et Messieurs les députés qui êtes debout, je vous prie de vous asseoir ! (Le président agite la cloche.)Monsieur Spielmann, asseyez-vous ! Vous savez, vous ne donnez pas une image flatteuse du parlement, malgré votre ancienneté ! (Exclamations.)

M. Carlo Sommaruga. Vous non plus, Monsieur le président !

Le président. Oui, Monsieur Spielmann, parfaitement ! (Exclamations.)Alors, Monsieur Sommaruga, continuez ! (Exclamations.)Essayez, Monsieur Sommaruga d'intéresser l'auditoire, et continuez ! Monsieur Spielmann, vous êtes prié de vous taire ! (Exclamations.)

M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, je pense...

M. Christian Grobet. Il y a vos amis politiques qui chantent, Monsieur le président !

Le président. Vous n'arriverez pas à faire interrompre cette séance ! Monsieur Sommaruga, je vous prie de continuer !

M. Jean Spielmann. C'est catastrophique !

Mme Janine Berberat. Mais il a fini !

M. Carlo Sommaruga. Non, je n'ai pas fini... Eh non ! Je disais donc... (Exclamations.)

Le président. Taisez-vous et écoutez l'orateur !

Une voix. C'est Mme Berberat qui veut l'empêcher de parler, Monsieur le président ! Il faut arrêter ! Il ne faut pas seulement regarder de notre côté, il faut aussi regarder de l'autre côté !

Le président. Moi, je regarde l'orateur qui parle... Allez-y, Monsieur le député !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter M. Sommaruga qui a certainement des choses passionnantes à nous dire et qui va les dire rapidement... (Commentaires.)Vous n'avez plus qu'une minute et demie, Monsieur le député...

M. Carlo Sommaruga. Je demande simplement que le vice-président vous remplace, Monsieur le président, car aujourd'hui vous menez les débats d'une manière partiale !

M. Pierre Vanek. C'est une motion d'ordre ?

M. Carlo Sommaruga. Oui, c'est une motion d'ordre !

Le président. Vous y allez ?

M. Carlo Sommaruga. J'ai simplement demandé que le vice-président vous remplace étant donné la manière dont vous menez les débats aujourd'hui ! (Rires.)

M. Claude Blanc. C'est fini ce cirque !

Le président. Continuez, Monsieur Sommaruga ! (Exclamations.)

M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, j'ai pris la parole, et je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit de particulier pour faire durer ce débat... (Quelques exclamations.)

Je m'exprime sur le fond de cette affaire, alors, j'aimerais au moins que la présidence porte un minimum d'attention non pas forcément à mes propos, mais au moins à la séance pour faire observer un peu de silence dans cette salle, et que les députés de votre parti cessent de chantonner au fond de la salle ! (Exclamations.)

Une voix. Il faut remplacer le président !

Le président. Monsieur Sommaruga, maintenant, je vous donne la parole. Je prie l'assemblée de vous écouter. Il vous reste une minute et demie, après je vous couperai le micro.

M. Carlo Sommaruga. Je disais donc qu'un des motifs qui avaient été invoqués, pour reprendre la discussion sur ce projet de loi, était la prétendue inégalité de traitement. Or, le projet de loi tel qu'il avait été voté en plénière la dernière fois, à savoir qu'il ne favorisait qu'une première accession à la propriété et acquisition d'un logement, est parfaitement conforme à la constitution puisque c'est le modèle qui est pratiqué dans le canton de Neuchâtel.

En fait, on a utilisé le retour de l'objet en commission pour permettre d'étendre la portée du projet de loi bien au-delà de l'intention claire et délibérée des initiants, à savoir de démocratiser l'accession à la propriété, c'est-à-dire d'accéder pour la première fois à la propriété de son logement. L'initiative ne visait pas à favoriser les propriétaires d'un logement d'accéder à un autre logement et, ensuite, de le revendre et d'en racheter un autre et, ainsi, de bénéficier encore et encore des largesses de l'Etat ! C'est une chose qu'il faut savoir.

Avant de conclure cette première intervention, je dirai la chose suivante: ce sont les partis de l'Entente qui défendent aujourd'hui la démarche consistant à vider les caisses de l'Etat en supprimant ou en limitant certaines taxes et en faisant des cadeaux énormes aux propriétaires. Et je le dis pour les électeurs qui n'auraient pas encore voté aujourd'hui. Il faut le savoir ! Ce sont des personnes comme M. Longchamp qui sont responsables de ce genre de politique... (Exclamations.)Et c'est cette politique qu'il va soutenir s'il est élu ! (Exclamations.)

Le président. Messieurs, encore un peu d'attention et de patience avant le vote de ce contreprojet. Je rappelle que nous débattons du contreprojet à l'initiative 115 et que nous ne faisons pas campagne électorale pour les élections d'après-demain. Vous avez la parole, Monsieur Christian Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais dire, au nom de la fraction de l'Alliance de gauche, que nous considérons cette initiative comme absolument indécente à l'égard de la grande majorité de la population qui n'a aucun espoir quelconque de pouvoir acquérir, un jour, un objet immobilier...

Lors du débat d'hier après-midi, nous avons entendu la touchante déclaration, au nom du parti libéral, de M. Weiss nous disant à quel point le parti libéral était attaché au principe de l'égalité dans cette société et qu'au nom de cette égalité il n'était pas possible de verser une modeste allocation de 400 ou 600 F d'indemnité pour des étudiants en stage... Je vois qu'aujourd'hui cette égalité ou, plutôt, cette inégalité ne semble pas vous gêner, puisque vous voulez accorder des dizaines de milliers de francs aux contribuables les plus privilégiés de ce canton ! M. Sommaruga a bien eu raison de rappeler l'inégalité flagrante qui ressort de cette initiative.

J'ajoute que ceux qui ont lancé cette initiative et qui représentent les promoteurs - pas du tout les acquéreurs - c'est-à-dire ceux qui s'en mettent plein les poches dans le secteur immobilier, savent très bien que cet abattement fiscal ne va absolument pas profiter aux acquéreurs, mais qu'il va profiter aux constructeurs et aux vendeurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que les vendeurs connaissent très bien le marché et c'est le marché qui vous est tellement «cher», entre guillemets, qui fixe les prix de vente. Bien entendu, ces prix sont tirés à la hausse: arrivera-t-on par exemple à vendre une villa 870 ou 890 000 F ? Mais l'acquéreur ne verra rien du tout de cet abattement fiscal, car le vendeur sait très bien jusqu'où l'acquéreur pourra monter !

Je me souviens à cet égard de la démonstration faite avec beaucoup de pertinence par M. Milleret dans cette enceinte, il y a une vingtaine d'années, lorsque nous avions introduit dans la loi le taux de 0,25, voire de 0,3% pour la contiguïté en zone villa. Il y avait cet espoir un peu naïf que cela permettrait non seulement de construire davantage, mais aussi de faire baisser le prix du terrain si on pouvait construire deux villas sur une parcelle. En réalité, cela n'a absolument pas fait baisser le prix du terrain, bien au contraire: il s'est envolé !

Par voie de conséquence, c'est une pure fiction de penser que l'acquéreur va bénéficier de cet abattement fiscal - et vous le savez très bien... Par contre, il est évident que les vendeurs pourront vendre l'objet immobilier, 15, 20 ou 30 000 F plus cher. C'est ça, la vérité !

La deuxième vérité dans cette affaire est la suivante. On a entendu les feintes jérémiades des libéraux, tout particulièrement en ce qui concerne la situation financière de l'Etat; vous vous inquiétez de l'état des comptes; vous vous inquiétez de l'endettement de l'Etat, mais, dans le même temps, vous voulez diminuer les rentrées fiscales de l'Etat !

Ici, vous ne proposez pas de baisser les impôts d'une manière linéaire pour des catégories de contribuables - ce qui serait une égalité de traitement: tous les contribuables bénéficieraient d'une certaine baisse d'impôts - vous proposez une baisse tout à fait sélective au profit des promoteurs et des vendeurs, dont on connaît bien l'importance des marges de bénéfices qui sont les leurs. Simultanément, vous réduisez les moyens financiers de l'Etat ! J'entends encore M. Kunz dire qu'il faudrait diminuer la dette de 300 millions par année... Eh bien, je me demande bien comment on pourrait y arriver si on continue à diminuer les rentrées fiscales comme vous le faites!

Cette initiative est absolument indécente... Et nous la dénoncerons.

Nous n'aurons évidemment pas les mêmes moyens que les milieux immobiliers qui bénéficieront certainement, une fois de plus, de 400 ou 500 000 F pour mener campagne en faveur de leur initiative, mais nous ne désespérons pas de faire comprendre aux citoyennes et citoyens de ce canton qu'il y a quand même quelque chose d'indécent au fait qu'une petite minorité qui fait beaucoup d'affaires dans le secteur immobilier réussisse encore à se faire octroyer des cadeaux financiers de la part de l'Etat ! Mais faites-nous confiance, nous mènerons une campagne active, et j'espère que nous arriverons à faire rejeter cette initiative et ses conséquences particulièrement injustes sur le plan fiscal vis-à-vis de la population!

M. Souhail Mouhanna (AdG). A l'appui des propos de M. Grobet et de M. Sommaruga, je voudrais vous donner quelques éléments chiffrés qui figurent dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat de 2000, dans des tableaux tout à fait explicites. En effet, dans les rapports de gestion suivants, certains tableaux sont encore apparemment en attente d'être publiés, en raison de l'affaire des prae et postnumerando que nous connaissons. Les chiffres que j'ai sous les yeux, Mesdames et Messieurs les députés, concernent les tranches de fortune imposable à Genève. Sont sans fortune imposée: 76,24% des contribuables. Les millionnaires qui représentent 3% détiennent 76,82% de la fortune imposée à Genève, soit 35 milliards. 35 milliards ! Les chiffres sont très parlants: 76% des contribuables n'ont pas de fortune imposée et 3% possèdent les 76% de la fortune imposée, soit 35 milliards !

Puisque nous parlons d'accession à la propriété, je vois que 87,5% des contribuables possèdent une fortune inférieure à 150 000 F, dont, comme je l'ai dit tout à l'heure, 76,24% qui n'ont aucune fortune imposable.

Parallèlement, des cadeaux fiscaux de plusieurs dizaines de millions sont faits... Et par qui ? Par les mêmes qui critiquent la gestion de l'Etat, les dépenses sociales et tout le reste, qui disent que l'Etat vit au-dessus de ses moyens, mais qui font tout pour empêcher l'Etat de disposer des recettes nécessaires pour faire une politique digne de ce nom dans un canton qui se veut social. Eh bien, Mesdames et Messieurs, je crois que les choses sont claires ! Pour une partie de notre Grand Conseil - la droite pure et dure - il y a une constante: c'est que les riches ne le sont jamais assez et que les autres le sont toujours trop... C'est votre devise, et vous nous le démontrez avec cette initiative et avec le contreprojet !

Eh bien, nous, nous allons essayer de faire en sorte qu'il y ait plus de justice sociale dans ce canton, et nous espérons réussir à faire capoter votre initiative asociale et antisociale !

Mme Michèle Künzler (Ve). Les choses sont peut-être plus nuancées: il n'y a pas les bons d'un côté et, de l'autre, les méchants, les vilains propriétaires. Nous, nous sommes constants: nous avons largement contribué au contreprojet à l'initiative «Casatax» et nous continuerons à le soutenir.

Pour nous, ce n'est pas un mal d'accéder à la propriété, c'est une forme de logement comme une autre. Par contre, nous sommes contre l'accaparement, et nous l'avons toujours dit. C'est la raison pour laquelle nous avons amendé cette proposition, afin que cet abattement de 15 000 F bénéficie à des personnes qui pourraient accéder à la propriété, mais une propriété de moins d'un million. Il ne s'agit donc pas de millions... Cette mesure est très ciblée. Et les personnes qui achètent un appartement de moins de 500 000 F seraient exonérées de la taxe, mais, franchement, il ne s'agit pas de sommes énormes. L'incidence n'est pas très importante puisque le montant total a été estimé à 20 millions, et encore, ce n'est pas certain.

Nous refuserons tous les autres abattements et nous soutiendrons ce projet, parce que nous y avons contribué en commission et que nous sommes favorables à l'accession à la propriété, quand elle est modeste. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle qu'en principe un seul représentant par parti peut s'exprimer puisque nous sommes entrés dans le premier débat du projet de loi 8708.

Pour le parti socialiste, il faut que Mme Grobet-Wellner se mette d'accord avec M. Sommaruga qui a aussi demandé la parole... Vous avez la parole, Madame Mariane Grobet-Wellner... (Le président est interpellé.)Non, il faut suivre le règlement ! Nous avons eu un débat général... Monsieur le rapporteur, vous êtes intervenu largement, ainsi que d'autres députés ! Je dis maintenant que nous ouvrons le débat d'entrée en matière du projet de loi 8708. Ensuite, nous voterons. Alors, une personne s'exprime par parti. (Protestations.)Madame Grobet-Wellner, allez-y ! Nous règlerons ce petit problème après. (Exclamations.)La liste des intervenants va s'allonger et je serai obligé de la clore... (Brouhaha.)Je vous prie d'écouter Mme Grobet.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je voudrais apporter un certain nombre de précisions. Je ne veux pas revenir sur ce qui a été dit, ni sur la triste scène à laquelle nous avons assisté il y a quelques mois. Ce travail en commission fiscale a été mené à coups de bâtons à la demande des initiants et je regrette que nous nous retrouvions aujourd'hui encore avec un projet mal ficelé. Je vais expliquer pourquoi.

D'abord, tous les propriétaires pourront bénéficier de cet avantage, même les multimillionnaires ! (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais bien que vous écoutiez Mme Grobet.

Mme Mariane Grobet-Wellner. Le but de l'initiative est d'aider certaines personnes à devenir propriétaires de leur logement. Mais ce projet de loi est un contreprojet à cette initiative et son but est tout à fait différent...

Par ailleurs, je pense qu'il est absolument scandaleux que la majorité de droite ait cru être en droit de profiter d'un renvoi en commission fiscale pour s'écarter du but initial de l'initiative «Casatax» dans des termes qui ont convaincu un certain nombre de personnes de la signer.

J'abrège, mais je tiens simplement à dire ceci: quand on parle de cadeau aux futurs propriétaires, je considère qu'il s'agit d'une tromperie. Je m'explique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)L'idée est de compléter les fonds propres nécessaires - soit environ 20% - pour pouvoir acquérir un logement. Mais les 15 000 F, dont profiteraient certains propriétaires, ne vont pas leur revenir intégralement. Nous sommes dans une situation de marché - comme M. Grobet l'a expliqué tout à l'heure - dans laquelle les prix ne sont pas fixes et ce montant sera immédiatement absorbé par une hausse du prix du bien immobilier en raison de la pénurie. Et même davantage. Considérant que les 15 000 F en question constituent des fonds propres supplémentaires, cela permettra aux milieux immobiliers de demander jusqu'à 75 000 F de plus pour un objet similaire - 15 000 F représentant 20% de 75 000 F ! C'est cela le véritable enjeu ! Le futur propriétaire, fort de ce cadeau de 15 000 F, sera tenté d'acheter un objet beaucoup plus cher puisqu'il sera en mesure de s'endetter davantage... Je le répète, seuls les milieux immobiliers profiteront de ces 15 000 F: c'est cela le véritable enjeu de cette affaire !

Les socialistes s'opposent fermement à ce qui ne serait même pas un cadeau aux futurs propriétaires de «condition modeste», mais un énorme cadeau aux milieux immobiliers aux frais de la collectivité.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau dans sa majorité vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits M. Vanek et M. Sommaruga. Je donne la parole à M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité.

M. Pierre Vanek. Le parlement ne doit-il pas se prononcer sur cette proposition du Bureau, Monsieur le président ?

Le président. Celles et ceux qui approuvent la clôture des débats sont priés de lever la main.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Bien, Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole. (M. Vanek est interpellé par Mme Berberat.)

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Madame, si j'étais mal élevé, j'emploierais des termes plus sévère encore à votre égard... Mais j'ai un peu plus d'éducation... (L'orateur est interpellé.)Non, non, c'est à Madame Berberat... (Exclamations.)...qui m'a interpellé tout à l'heure !

Le président. S'il vous plaît, vous n'interrompez pas M. Vanek qui a sept minutes pour s'exprimer !

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, j'aurais effectivement aimé ne pas avoir à répondre à Mme Berberat et que vous lui fassiez vous-même remarquer qu'elle n'a pas à m'interpeller et à m'attribuer des qualificatifs désobligeants. Et peu politiques!

Je reviens sur le fond de cette affaire. Madame Künzler - il faut tout de même parler de la position des Verts - vous venez d'évoquer la constance de votre groupe... Vous m'accorderez, Madame Künzler, que nous aussi sommes constants... (Exclamations.)...et nous sommes opposés à ce projet de loi qui veut faire un cadeau fiscal aux nantis, cadeau de l'ordre de 20 millions de francs par an, cadeau qui tombe particulièrement mal vu la situation des finances de cette République. Ce cadeau est inadmissible. Et notre opposition à ce projet est constante. Madame Künzler, vous avez parlé avec beaucoup de légèreté de ces 20 millions, disant que c'était une somme peu importante... En d'autres circonstances, on est plus soucieux des deniers publics ! Christian Grobet a eu parfaitement raison de le rappeler hier: nous discutions de l'investissement dans la formation des élèves de l'Ecole du Bon-Secours - sous forme de subventions aux infirmières et aux infirmiers que nous formons dans cette République - pour leur donner les moyens de vivre et de mener à bien cette formation dans des conditions qui soient bonnes. Les montants articulés - 1, 2 ou 3 millions, selon les niveaux d'indemnisation - paraissaient alors astronomiques, et la proposition du projet de loi de l'Alliance de gauche a reçu un accueil négatif puisqu'il semblait impensable à une majorité de cette assemblée d'imaginer entrer en matière sur des montants pareils! Aujourd'hui, alors que nous parlons de montants beaucoup plus importants - dix fois plus - il semble qu'ils vous paraissent dérisoires ! Pourquoi ? Parce que c'est évidemment bien peu de chose en regard de la fortune des personnes à qui ces cadeaux seront faits. Et, de ce point de vue-là, cette mise en perspective fait que l'on ne s'offusque pas quand il s'agit de faire des cadeaux aux propriétaires, dont la fortune se chiffre en milliards... (Rires et exclamations.)...si on les compte à l'échelle cumulée dans ce canton. Et vous avez beau rire - c'est bien de cela dont il s'agit, Mesdames et Messieurs les députés ! - ces 20 millions apparaissent effectivement comme bien peu de chose.

Moi, si je voulais faire des cadeaux, je pourrais vous suggérer de prendre ces 20 millions pour faire un chèque de 2000 F qui serait donné à dix mille locataires, choisis sur tel ou tel critère... (Brouhaha.)On pourrait trouver des arguments... Cela permettrait à ces personnes d'utiliser cet argent pour faire des travaux, pour améliorer la qualité de leur environnement. Mais tout le monde me tomberait dessus en disant que tout cela est insensé, irréaliste, impossible... Eh bien, ce n'est pas plus impossible que ce que vous êtes en train d'essayer de nous «enfiler»... (Rires et exclamations.)Et j'espère que les citoyennes et les citoyens de ce canton - et je pense que cela sera le cas - le reconnaîtront, puisque, fort heureusement, ce sont elles et eux qui auront le dernier concernant cette affaire!

Vous avez voulu, Monsieur le président et le Bureau - unanime ou dans sa majorité? je ne sais pas... - clore la liste des intervenants dans ce débat. Il y a quand même un acteur dans cette affaire que j'aimerais entendre, ne serait-ce que par curiosité intellectuelle, c'est le député UDC, Jacques Pagan, qui a signé l'amendement que l'on sait... (Le président agite la cloche.)Vous me direz que la signature de M. Pagan ne vaut pas cher... (Exclamations.)...mais je lui attribuais tout de même un petit peu de constance, malgré tous ses défauts... Je constate, conformément aux allégations assez régulières que je formule sur les bancs de l'Alliance de gauche, que l'UDC n'est qu'une force d'appoint pour les libéraux et non un parti différent et populaire. Mon rapport l'évoque: nous avons là une démonstration très précise de ce phénomène... (Brouhaha.)...mais je pense... (Le président agite la cloche. Exclamations.)Monsieur le président, vous avez dit qu'il ne fallait interpeller personne... (L'orateur est interpellé.)Non, non, je ne le fais pas ! (Rires et exclamations.)Je pose simplement une question sur un amendement relativement important - puisque même Mme Hagmann en a parlé en disant qu'il était malvenu - provenant d'un certain groupe, sans oser le nommer... Alors bien sûr, moi, j'ose le nommer: c'est l'UDC, et j'ose même nommer l'auteur de cet amendement qui est M. Pagan... (Exclamations.)Est-ce un sacrilège ? Je ne le pense pas ! Il y a eu un changement de religion à cet égard... (Exclamations.)...et j'aimerais bien entendre les raisons pour lesquelles cet amendement qui a été déposé en mars - c'était une réponse raisonnée à une objection apparemment fondée, et qui est toujours fondée, à ce contreprojet - disparaît tout à coup. On nous a dit que cet amendement...

Le président. Il vous reste trente secondes!

M. Pierre Vanek. Oui, oui ! On nous dit que cet amendement conduit à une inégalité de traitement... Eh bien, Bon Dieu, votre texte actuel conduit bien à une inégalité de traitement... (Exclamations.)...puisqu'il ne veut faire de cadeaux qu'à la petite minorité - Souhail Mouhanna, mon collègue, a dit combien elle était restreinte - qui peut envisager de poser sur la table... (Exclamations.)...de quoi acheter un immeuble... (Les députés de droite font le compte à rebours.)

Des voix. Dix, neuf, huit, sept, six, cinq...

M. Pierre Vanek. Eh bien, ça, c'est de l'i-né-ga-li-té...

Des voix. ... quatre, trois, deux, un !

M. Pierre Vanek. ... de trai-te-ment ! (Vives acclamations.)

Le président. La parole est à M. le député Sommaruga... Je vous prie de l'écouter en silence, parce que M. Sommaruga aime être écouté en silence... (Exclamations.)

Une voix. C'est la quatrième fois!

Le président. La liste a été clôturée; j'ai donné les noms des députés inscrits, et vous n'avez pas protesté... M. Sommaruga a la parole ! (Commentaires.)

M. Carlo Sommaruga (S). Je réagis aux propos de la députée des Verts qui s'est exprimée sur cette initiative. Elle nous a dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas que de méchants propriétaires et de gentils locataires... Le problème n'est pas là: il est de savoir quelles sont nos priorités en matière d'affectation des ressources de l'Etat. Cette affectation, que ce soient par des cadeaux fiscaux ou par des prestations, doit aller à ceux qui en ont le plus besoin, aux personnes qui perdent leur logement, mais certainement pas à ceux qu'elle appelle «les modestes acquéreurs d'un bien de un million». A ce propos, j'aimerais rappeler à la majorité qui soutient ce projet de loi qu'en 2002... (Brouhaha.)J'aimerais bien avoir du silence, Monsieur le président, même si vous êtes fatigué et presque endormi ! (Quelques exclamations.)

Le président. Monsieur Sommaruga a encore très exactement cinq minutes et quarante secondes... Je vous prie de l'écouter...

M. Carlo Sommaruga. En 2002 - disais-je - à Genève, mille deux cents locataires ont reçu leur congé et ont dû le contester devant la Commission de conciliation... Pire encore: mille cinq cents familles ont été assignées en évacuation pour défaut de paiement de loyer ! Quelles sont les prestations versées par l'Etat pour ces familles qui se retrouvent sans logement ? (Exclamations.)

Le président. M. Luscher pourrait-il se taire ?

M. Carlo Sommaruga. Et on propose ce soir d'affecter les ressources de l'Etat non pas à ces personnes qui ont un cruel besoin d'aide, parfois financière, mais à des personnes qui peuvent acheter un bien qui vaut jusqu'à un million !

Par ailleurs, il convient de relever que la limite de un million ne correspond à aucune réalité... Dans le premier rapport déposé par le Conseil d'Etat au sujet de l'initiative 115, il était indiqué que les ventes qui pouvaient être ciblées par ce projet de loi étaient de cinq cent septante-huit pour un montant global de 314 millions environ. Cela signifie que la moyenne des transactions se situe à 543 000 F. En d'autres termes, on aurait pu tout à fait faciliter l'accession à la propriété du logement à des personnes à revenus modestes avec un projet de loi proposant une limite de prix plus basse à 500 000 F. Mais l'objectif de l'Entente n'est pas de favoriser l'accession à la propriété des revenus modestes - ce que l'on pourrait admettre - mais de faire des cadeaux à des personnes qui peuvent se permettre de payer un bien immobilier jusqu'à un million, c'est-à-dire leurs amis politiques et leurs amis économiques, à leurs amis des milieux immobiliers. C'est cela que nous ne pouvons accepter: l'affectation des ressources de l'Etat aux personnes qui en ont déjà et pas à ceux qui en ont besoin.

C'est pour cette raison que le parti socialiste s'opposera à ce contreprojet.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord voter l'entrée en matière du projet de loi 8708, bien entendu au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 51 oui contre 25 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous passons à l'article 8A. Pas d'opposition... Monsieur Grobet, vous voulez la parole ? Je vous la donne.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, normalement, vous devriez, sur un article comme celui-ci, procéder au vote en deuxième débat, alinéa par alinéa, mais, bref... Je fais valoir mon désir de déposer un amendement à l'article 8A, alinéa 4, qui dit: «En cas d'aliénation de l'immeuble, le débiteur des droits au sens de l'article 161, alinéa 1, est responsable du paiement de la reprise des droits.» On n'est, bien entendu, pas garanti que ce remboursement se fera. Je propose donc d'ajouter à cet alinéa le texte suivant: «Le montant des droits fait l'objet d'une annotation au Registre foncier et il est retenu par le notaire sur le produit de vente de l'immeuble.»

Le président. Vous voudrez bien me faire parvenir cet amendement, Monsieur Grobet. Nous allons donc voter sur cet amendement au moyen du vote électronique que je vous relis: «En cas d'aliénation de l'immeuble, le débiteur des droits au sens de l'article 161, alinéa 1, est responsable du paiement de la reprise des droits. Le montant des droits fait l'objet d'une annotation au Registre foncier et il est retenu par le notaire sur le produit de vente de l'immeuble.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 26 oui et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'article 8A est adopté.

Troisième débat

Le président. Le troisième débat est demandé... Enfin, on le demande... (Exclamations.)Oui, de toute façon, il s'agit d'un contreprojet ! Je fais voter le projet dans son ensemble...

Monsieur Pierre Vanek, rapporteur de minorité, vous avez la parole, que vous aviez demandée avant le vote. Vous en avez le droit.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Vous êtes adorable, Monsieur le président ! (L'orateur est interpellé.)

Le président. Monsieur Vanek, vous vous adressez à moi ou à l'assemblée...

M. Pierre Vanek. Oui, mais je m'adressais à vous !

Le président. Vous vous retourniez !

M. Pierre Vanek. Oh ! J'ai tout de même le droit de regarder M. Kunz ! (Rires et exclamations.)C'était parfaitement amical et je m'adressais à vous, Monsieur le président ! Dans le cadre du soutien à l'amendement de Christian Grobet, j'avais effectivement appuyé à tort sur la touche du micro, et je vous remercie de m'avoir accordé la parole avec beaucoup de fair-play... (Rires.)

M. Claude Blanc. Il se moque de vous, Monsieur le président !

M. Pierre Vanek. Je répète que, dans le cadre du troisième débat, j'aurais aimé entendre l'explication concernant cet amendement dit «Pagan»... Moi, je suis tout simplement stupéfait qu'on puisse défendre ce contreprojet en rupture complète avec tout l'argumentaire des initiatives selon lequel il faut favoriser l'accession à la propriété, ce qui revient, en somme, à renier l'idée première selon laquelle les faveurs fiscales sont réservées à ceux qui ne sont pas encore propriétaires de leur logement. (Un député ligote M. Pagan pour qu'il ne prenne pas la parole, ce qui provoque des rires. Le président agite la cloche.)Je suis tellement séduit - je ne devrais pas, car notre intention est de combattre cette initiative, comme Christian Grobet l'a dit avec beaucoup de clarté - que je voudrais proposer d'améliorer ce contre-projet - je le répète, je ne devrais pas le faire, et mon chef de groupe vient de me dire que nous n'avions aucun intérêt à l'améliorer. Mais je ne suis pas comme ça... (Eclats de rire.)

Le président. Pas d'exagération, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Je n'arrive tellement pas à comprendre ce qui s'est passé que j'ai envie, dans le cadre du troisième débat sur ce projet de loi, de déposer à nouveau l'amendement qui précise: «...qui n'est pas déjà propriétaire du logement qu'il occupe.» (Exclamations.)Je ne suis pas juriste, mais... Monsieur le président, j'imagine que vous n'avez pas besoin de mon amendement par écrit. (Le président agite la cloche.)

Le président. Je n'ai pas le texte !

M. Pierre Vanek. Oh ! Allons, allons, allons !

Le président. Alors, vous me donnez le texte de l'amendement que vous voulez présenter !

M. Pierre Vanek. Il est dans le Mémorial, Monsieur le président !

Le président. Oui, et vous pensez que j'ai le Mémorial avec moi ! (Quelqu'un apporte le Mémorial.)Voilà, je l'ai ! Je vous le relis: «...qui n'est pas propriétaire du logement qu'il occupe». Et il s'agit toujours d'un million de francs.

Je mets cet amendement aux voix, au moyen du vote électronique...

M. Christian Grobet. Regardez votre tableau ! On a demandé la parole !

Le président. Moi, j'ai Mme Hagmann, rapporteur...

M. Christian Grobet. Monsieur le président, regardez !

Le président. Oui, mais moi je n'ai pas le nom !

M. Rémy Pagani. Je demande la parole !

Le président. Madame Hagmann, vous voulez la parole ? Non, bien. Je vous donne la parole Monsieur Pagani.

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne savais pas que j'étais le numéro 104... Eh bien, Monsieur le président, vous le saurez à l'avenir !

J'aimerais simplement poser une petite question... Qui a demandé le troisième débat, Monsieur le président ? Parce que, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas entendu le Conseil d'Etat le demander ! (Exclamations.)Si c'est le Bureau qui l'a demandé, il peut le faire, mais seulement à l'unanimité. Et en l'occurrence, je n'ai pas non plus entendu que le Bureau était unanime sur la demande du troisième débat ! C'est un projet de loi, je vous le rappelle et non un contreprojet... Et la procédure doit être respectée, conformément à notre règlement.

Le président. Monsieur le député, le troisième débat est demandé. Le Conseil d'Etat vous le confirme ! (Exclamations.)J'aime ce formalisme ! (Le président agite la cloche.)Nous allons procéder au vote concernant l'amendement proposé par M. Vanek, qu'il vous a abondamment commenté tout à l'heure, et le vote de ce projet en troisième débat se fera à l'appel nominal. (Le président est interpellé.)J'aime M. Gautier qui demande qu'on se dépêche !

Je mets maintenant l'amendement proposé par M. Vanek, à l'article 8A, au moyen du vote électronique, je cite : ...«qui n'est pas déjà propriétaire du logement qu'il occupe.» Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 22 oui.

Le président. Nous votons maintenant au moyen du vote électronique et par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi 8708 modifiant la loi sur les droits d'enregistrement, contreprojet à l'initiative 115. Le vote est lancé.

La loi 8708 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble, par 54 oui contre 25 non.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, excusez-moi, mais la séance n'est pas encore levée. Nous devons en effet prendre acte de l'initiative 115-D.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous devons maintenant prendre acte du rapport divers 448-A.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la dernière urgence que nous avons votée au point de l'ordre du jour, puisque personne n'a demandé de changement, je veux parler de la résolution 467.

R 467
Proposition de résolution de Mmes et MM. Sami Kanaan, Sylvia Leuenberger, Ariane Wisard-Blum, Anne Mahrer, Dominique Hausser, Christian Brunier, Alberto Velasco, Carlo Sommaruga pour plus de transparence dans les négociations de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) menées dans le cadre de l'OMC (initiative cantonale)

Débat

Le président. Monsieur Luscher, vous voulez la parole ?

M. Christian Luscher. Je demande simplement l'ajournement, Monsieur le président !

Bien, Madame Leuenberger, c'est à vous. Exprimez-vous sur l'ajournement.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'avais une autre proposition très brève à faire: je demande le renvoi de cette résolution en commission de l'économie, qui a été accepté par la majorité de ce Grand Conseil... (Brouhaha.)

Le président. On ne vous entend pas, Madame !

Mme Sylvia Leuenberger. Je demande le renvoi en commission de l'économie de cette résolution sans débat. (Exclamations.)

Le président. La demande de renvoi en commission est prioritaire par rapport à l'ajournement... Quelqu'un souhaite-t-il encore la parole ?

Bien, je vous demande de vous prononcer sur cette proposition de renvoi en commission des affaires régionales... (Exclamations.)Bien, à la commission de l'économie. Que celles et ceux qui acceptent le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie lèvent la main.

Mise aux voix, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission de l'économie.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance.

La séance est levée à 0h25.