République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 18h15, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.

Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Pierre Conne, Jean-Louis Fazio, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Béatrice Hirsch, Frédéric Hohl, Yves de Matteis, Carlos Medeiros, Philippe Morel, Lydia Schneider Hausser, Daniel Sormanni, Eric Stauffer et Francisco Valentin, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Christian Decorvet, Patrick Dimier, Jean-Charles Lathion, Jean Rossiaud, Françoise Sapin, Nathalie Schneuwly, Charles Selleger, Alexandre de Senarclens et Marion Sobanek.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2320
Proposition de motion de Mmes et MM. Eric Stauffer, Jean-Marie Voumard, Sandra Golay, Daniel Sormanni, Christian Flury, Florian Gander, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, André Python, Danièle Magnin, Ronald Zacharias, Jean Sanchez, Sandro Pistis, Jean-François Girardet, Henry Rappaz, François Baertschi : Stop à l'énergie fossile, sauvetage du patrimoine suisse en énergie hydroélectrique !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 17 et 18 mars 2016.

Débat

Le président. Nous abordons notre dernière urgence en catégorie II, trente minutes. Le premier signataire étant absent, je passe la parole au deuxième signataire, M. Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme annoncé hier, nous avons demandé l'ajout et l'urgence pour renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'énergie. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Eric Leyvraz (UDC). Cette proposition de motion part certainement d'un bon sentiment, mais elle est totalement irréaliste. Tout d'abord, SIG est un tout petit acteur sur le marché de l'électricité. On n'est pas dans la même catégorie que ceux qui pourraient racheter des actifs de plusieurs centaines de millions. C'est un peu comme si le FC Satigny voulait racheter le FC Bâle. On est à peu près dans la même proportion ! Ensuite, Alpiq ne veut vendre que 49% de ses actions sur les barrages, afin donc de garder la majorité. Déjà il faut être deux... Il faut trouver quelqu'un qui soit d'accord de mettre beaucoup de millions et de ne pas avoir droit à la parole. C'est le deuxième point.

Il faut aussi ne pas oublier - cela n'est pas mentionné dans cet objet - que ce barrage va retourner aux communes en 2040. Qui va investir des centaines de millions pour vingt-deux ou vingt-trois ans puis récupérer son capital ? Cela semble un peu impossible. Ensuite, quand vous achetez de l'électricité d'un barrage, malheureusement aujourd'hui vous allez payer environ 80 euros le mégawatt alors que sur le marché européen le prix est de 20 euros. Il faut donc vendre de l'électricité qui coûte trop cher. Et il faut trouver un acheteur. Cela devient compliqué.

La probabilité qu'une grande entreprise étrangère achète ce barrage est extrêmement faible à cause des raisons que je viens d'évoquer. Les SIG veulent garder des barrages en Suisse et de l'énergie propre. Ils se rendent bien compte que cette électricité propre correspond à notre prochaine économie moderne, mais ils ne peuvent pas agir tout seuls. C'est impossible ! C'est vraiment un problème fédéral. C'est la Confédération qui doit prendre cela en main, qui doit trouver une solution avec les communes, parce que, si on supprimait les prélèvements des communes sur les barrages, on pourrait rendre cette électricité rentable. C'est donc à la Confédération de faire des propositions pour garder ces barrages, parce qu'il ne faut pas oublier que l'on ne pourra pas fermer ces barrages du jour au lendemain. Il y a des problèmes de sécurité et d'entretien qui font que ces barrages vont rester. C'est donc vraiment à la Confédération de prendre cela en main. J'ajoute encore un détail. Si vous désirez que les SIG rachètent des barrages, il faudrait éviter de leur piquer 30 millions par année, que ce soient l'Etat, les communes ou la Ville de Genève pour alimenter leurs caisses. Il faudrait leur laisser leur argent. Donc je pense qu'il ne faut pas voter cette motion...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Eric Leyvraz. ...car elle ne tient pas la route. Je vous remercie.

M. Boris Calame (Ve). Certains voudraient brader un des fleurons de notre patrimoine industriel, brader une composante essentielle de nos paysages, brader enfin des ouvrages indispensables au maintien de la sécurité énergétique de la Suisse. Nous nous opposons et nous nous opposerons par tous les moyens possibles à cette faillite annoncée et nous ne laisserons pas migrer nos barrages. Comme les chalets et notre drapeau hissé au vent, nos barrages font partie intégrante de notre paysage, de notre patrimoine. Que les SIG s'impliquent pour compléter leur outil industriel, eh bien pourquoi pas ? A noter aussi qu'une souscription publique trouverait un écho positif de la part de la population, même si ces barrages nous appartiennent déjà. Nos barrages sont une composante bien réelle de notre paysage. C'est un but d'excursion pour nombre de classes d'école, de groupes, de familles ou encore d'individus. C'est aussi une composante de la richesse industrielle historique et économique de la Suisse. La Suisse, château d'eau de l'Europe, se doit de conserver en mains publiques l'entier de ses barrages. Après la distorsion de la concurrence constatée actuellement sur le marché de l'électricité, il est certain que demain nos barrages seront à nouveau rentables. A noter enfin que l'énergie hydroélectrique est la seule dont nous disposons en quantité et qui est respectueuse de l'environnement. Les Verts soutiennent donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'énergie. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Effectivement, nos concitoyens sont très attachés à nos barrages, et cela me rappelle qu'au mois de septembre nous avons voté une résolution transmise d'ailleurs par ce même parlement à nos instances fédérales.

Dans les invites de la présente motion, il est dit qu'il faut que nous rachetions la Grande-Dixence. Peut-être... Peut-être que l'on peut étudier cette proposition en commission. C'est une bonne idée de se poser la question, mais il faut savoir qu'en Suisse il y a plus de mille barrages qui produisent 10 mégawatts par année, soit une puissance totale de 3800 térawatts. Et ça je pense que c'est important, parce que ces petits barrages sont effectivement eux soumis à une concurrence qui est tellement forte aujourd'hui qu'on ne sait pas comment ils vont pouvoir résister. Ils pourraient peut-être le faire si l'Assemblée fédérale décide de mettre un jour des taxes sur l'électricité qui est trop bon marché.

Le parti démocrate-chrétien vous invite à renvoyer cette motion à la commission de l'énergie et, surtout, est très rassuré, parce que le MCG nous déclare enfin que les Services industriels ont une gouvernance qui est effectivement adéquate. Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG). Le sujet est trop important pour qu'on improvise un débat en plénière comme nous sommes en train de le faire. Je soutiens l'idée que cette motion - pas forcément tous ses considérants ou ses invites - est importante quant au sujet qu'elle entend traiter. Je pourrais vous faire un discours sur la libéralisation du marché de l'électricité, ses effets pernicieux, le refus populaire en 2002 avec des affiches qui disaient «Ne bradons pas nos barrages», la manière dont la libéralisation du marché de l'électricité a été soustraite une deuxième fois au scrutin populaire, celles et ceux qui ont pris la responsabilité de ne pas aller au référendum dans cette affaire... Je pourrais vous faire tout le discours. Mais, sérieusement, renvoyons cette motion en commission, documentons-nous sur la question, entendons les Services industriels et nous reviendrons, le cas échéant, faire le débat en plénum. J'invite les uns et les autres à ne pas faire le débat maintenant. Il sera mal fait. Il faut que cette motion soit renvoyée en commission et que la commission de l'énergie et des Services industriels empoigne le sujet de manière sérieuse.

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, cette motion touche un point qui est éminemment émotionnel dans ce pays. Je discutais avec mon collègue Christian Dandrès dont le grand-père a travaillé à la Grande-Dixence. Des centaines de travailleurs, d'ouvriers sont morts lors de la construction de ces barrages. Ces barrages sont de véritables cimetières étant donné les personnes qui y ont travaillé et sont décédées. Des vallées ont été inondées avec comme prétexte l'intérêt public. Comme l'a dit Pierre Vanek, nous étions un certain nombre à nous opposer à cette libéralisation et nous voyions déjà les conséquences de ce qui allait arriver en participant à cette fusion d'actifs. Moi-même j'ai participé à EOS et nous voyions déjà ce qui allait se passer avec la libération du marché et le fait que ces barrages qui répondaient à des missions publiques pour des prestations publiques ne pouvaient pas résister à la pression du marché. Aujourd'hui on voit les conséquences. Nous les socialistes nous déposerons une motion, parce qu'effectivement les considérants et les invites de celle du MCG ne nous satisfont pas. Nous avons d'autres propositions à faire, et malheureusement je n'ai pas eu le temps de la déposer aujourd'hui. Etant donné le sujet, un débat sérieux en commission s'impose sur ce sujet qui est éminemment important et, dans ces conditions, nous appuierons le renvoi en commission.

M. Michel Ducret (PLR). Beaucoup de choses ont déjà été dites pour un simple renvoi en commission. Je n'ai donc pas beaucoup de choses à ajouter si ce n'est de dire que cette affaire de barrage a une forte charge émotionnelle dans la population et que l'on ne peut pas passer sur cette affaire comme chat sur braise. Mais il ne faut pas non plus que cette charge émotionnelle conduise les pouvoirs publics à investir de l'argent si ce n'est pas forcément nécessaire... Il ne faut pas non plus que nous nous retrouvions victimes d'une manoeuvre pour le refinancement d'une entreprise qui doit aussi pouvoir fonctionner par ses propres moyens. Cela est important et il en sera discuté autour de la table en commission. Il est donc inutile d'en rajouter. Je vous remercie de votre attention.

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. L'année dernière, la BNS a investi 2,5 milliards de francs dans des gisements de gaz de schiste. Et l'on vient nous parler de la pertinence de l'investissement public. On peut avoir des doutes... En 2003, l'Etat a demandé aux Services industriels d'investir 480 millions pour une usine d'incinération qui sera obsolète en 2022. Mais elle a été faite. Aujourd'hui nous parlons de quelque chose qui a une tout autre ampleur. Au-delà de la production d'électricité, c'est aussi la maîtrise de la gestion de l'eau. Et lorsque le MCG critique les Services industriels, c'est sur les liquidités, pas sur le liquide. (Remarque.) Donc soyons attentifs. Je vous remercie de bien vouloir soutenir cette motion. Monsieur Vanek, vous avez tout à fait raison. Ce n'est ni le lieu ni le moment de se confronter sur des divergences éventuelles de fond ou d'approche. L'essentiel aujourd'hui est de renvoyer cette motion en commission pour qu'elle puisse être étudiée comme elle doit l'être. Merci !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. En ma qualité de suppléant de mon collègue Antonio Hodgers qui n'a malheureusement pas pu être présent en cet instant, je souhaiterais vous faire part de la position du Conseil d'Etat sur ce sujet. Cette motion nous demande de donner l'instruction aux SIG de racheter au meilleur prix le barrage de la Grande-Dixence. Il suffit de lire cette invite pour se rendre compte qu'elle pose évidemment quelques problèmes préalables. Il nous est également demandé de donner mission aux SIG de racheter certaines installations hydroélectriques en Suisse au meilleur prix. Même remarque que pour la première invite. Et, enfin, on nous demande d'inviter le Conseil fédéral à taxer l'importation d'énergies fossiles en Suisse. Autre problème...

Il n'en demeure pas moins que cette motion pose des questions importantes, car les enjeux sont importants. Vous le savez, en raison de sa situation financière et des conditions-cadres actuelles avec un bas niveau des prix de l'électricité, un franc fort et d'autres éléments intervenant dans ce cadre, Alpiq a décidé, dans le cadre de mesures structurelles d'assainissement, de mettre en vente jusqu'à 49% de son portefeuille hydroélectrique. Sont notamment concernés des barrages importants, dont vous avez parlé, comme celui de la Grande-Dixence ou celui d'Emosson, parmi dix-huit ouvrages hydroélectriques.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, sur le plan financier, les SIG et le canton sont évidemment concernés par cette situation en tant qu'actionnaires d'Alpiq. Les SIG, je le rappelle, détiennent 20,4% d'EOS Holding, elle-même actionnaire d'Alpiq à hauteur de 31,4%. Du point de vue de la politique énergétique, les barrages représentent aujourd'hui 60% de la production électrique de Suisse. Cette source d'énergie propre, locale, à même de couvrir la majorité de nos besoins, également neutre en CO2, est essentielle pour la transition énergétique. Les ouvrages hydroélectriques suisses d'importance nationale et stratégiques doivent être préservés, nous en sommes tous ici convaincus. Mais - mais, Mesdames et Messieurs les députés - les conditions du marché, en particulier la baisse constante du prix de l'électricité depuis des années, rendent la situation difficile sur le plan économique. L'énergie hydraulique est aujourd'hui deux à trois fois plus chère que le prix de l'électricité sur le marché européen. Donc toute décision devra être précédée d'un examen complet de la situation. Il ne suffit évidemment pas de demander aux SIG d'acheter au meilleur prix, pour reprendre les termes de la motion. Il faut tenir compte de l'ensemble des enjeux, du fait que le canton de Genève n'est pas seul non plus dans cette problématique. Les cantons romands doivent avancer de manière concertée dans ce domaine.

Le Conseil d'Etat considère qu'effectivement, même si les invites de cette motion laissent à désirer, je dirais dans leur tournure extrêmement générale, il faut qu'il y ait une discussion qui doit avoir lieu dans le cadre de la commission de l'énergie, comme cela a été proposé. Et je vous remercie donc d'y renvoyer cette proposition de motion.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous votons maintenant sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'énergie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2320 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 89 oui contre 2 non et 2 abstentions.

M 2291
Proposition de motion de Mmes et MM. Béatrice Hirsch, Jean-Luc Forni, Jean-Marc Guinchard, Anne Marie von Arx-Vernon, Martine Roset, Guy Mettan, Marie-Thérèse Engelberts, Bertrand Buchs, François Lance, Magali Orsini, Marc Falquet, Jocelyne Haller, Boris Calame, Jean-Michel Bugnion pour garantir une meilleure continuité des soins à la personne âgée tout au long de son parcours de vie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous avons terminé les urgences et revenons à notre ordre du jour traditionnel. Nous abordons la proposition de motion 2291 en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole à la place de Mme Béatrice Hirsch qui, malheureusement, ne peut pas être là aujourd'hui pour défendre sa motion.

Cette motion sous-tend la cohérence du parcours de vie des personnes âgées, parce que l'on s'est rendu compte que le problème qu'on avait avec les personnes âgées c'est que, s'il y a rupture dans le parcours de vie - comme des changements d'habitation ou de quartier où l'on vit, des délocalisations par rapport aux endroits que l'on connaît, etc. - on peut avoir de gros problèmes au niveau de l'évolution de la santé de la personne âgée. Le but de cette motion est de réfléchir à des moyens simples pour qu'une personne âgée puisse rester le plus longtemps possible à domicile, ce qui est aussi un but énoncé par le Conseil d'Etat dans la planification sanitaire qui nous a été proposée et qui sera discutée à la commission de la santé. Si l'on regarde les études faites à l'étranger, on essaie de plus en plus d'avoir des structures souples et simples pour que la personne âgée reste dans son quartier. Il faut aussi que les personnes âgées puissent avoir accès aux informations. On se rend compte que les informations existent dans de nombreux domaines, mais qu'elles sont principalement sur des supports informatiques que les personnes âgées ne peuvent pas utiliser. C'est pour cela que nous avons annexé à cette motion la brochure informative éditée par le canton de Vaud et distribuée aux personnes âgées, car nous pensons qu'il faut conserver un support papier pour que les personnes âgées sachent où se renseigner si elles veulent obtenir certaines prestations.

En tant que médecin traitant, je suis toujours étonné de voir que les personnes âgées sont complètement perdues au niveau des demandes qu'elles peuvent faire et des services qui leur sont dus, qui existent et qui sont à leur disposition, par exemple, tout bêtement, une téléalarme, de l'aide pour le ménage, etc. Ces services fonctionnent extrêmement bien et sont à la disposition de la population, mais les personnes âgées ne savent souvent pas à qui s'adresser. Je remarque aussi que les familles sont un peu perdues au niveau des demandes, et il faut qu'elles puissent être renseignées.

Le but de cette motion est donc de réfléchir à une autre cohérence du parcours de vie et de faire en sorte que les ruptures soient les moins grandes possibles, parce que la plus grande rupture reste l'hospitalisation. Quand cela va mal, il n'y a pas de discussion et les personnes sont hospitalisées, mais parfois de petits pépins de santé pourraient être traités ailleurs qu'à l'hôpital, par exemple dans des structures souples dans le quartier. C'est ce que l'on appelle les maisons de santé...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Bertrand Buchs. ...qui pourraient permettre à la personne âgée de rester où elle vit et d'éviter ainsi d'être perdue, parce qu'une fois que la personne a été sortie de l'endroit où elle vit, où elle a ses repères dans le quartier qu'elle connaît, on a beaucoup de peine à la réintégrer dans son environnement. Nous vous demandons donc de réfléchir à cet important problème et de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales pour en discuter. Je vous en remercie.

M. Jean-Charles Rielle (S). Monsieur le président, chères et chers collègues, cette motion touche une problématique complexe, qui constituera une des grandes parties de nos politiques publiques ces prochaines décennies, la politique de la personne âgée.

Si le fond est important, la manière de le traiter est pour le moins déconcertante. Nous avons là un doux mélange: demandes pratico-informatives - et c'est étonnant que pour donner de l'épaisseur à cette motion on y a joint le Guide vaudois, alors qu'il existe déjà - je le rappelle à ceux que cela intéresse - le Recueil genevois d'information, sur le «Guide des seniors», et qu'il a même été traduit en web compatible. Vous pouvez toutes et tous le consulter. Il existe déjà aussi des prestations nouvelles à rendre par les EMS, des idées et concepts nouveaux à Genève tels que la maison de santé sur laquelle nous nous prononcerons prochainement, ainsi qu'une coordination des intervenants et des systèmes d'évaluation !

Mais ce qui est le plus dérangeant, c'est que cette motion veut faire les vendanges avant la saison et préconise déjà une manière de répartition de cette politique dans le cadre canton-communes. Aujourd'hui, si nous la renvoyons à la commission de la santé ou à la commission des affaires sociales avec la dernière invite, on élimine totalement la mission donnée à la CACRI qui s'occupe de la répartition canton-communes. Si nous faisons l'inverse, soit un renvoi à la CACRI, on ne prend pas en compte les trois quarts de la motion qui concernent la santé et le social. A trop en vouloir, cela devient mission impossible !

Certes, la politique de la personne âgée devra évoluer et être mieux coordonnée. Certes, la répartition canton-communes va certainement s'occuper aussi de ce sujet mais, chères et chers collègues, ce n'est pas le moment de le faire et surtout au travers d'une motion. C'est pourquoi le groupe socialiste vous présente un amendement visant à abroger la dernière invite faisant référence à la nouvelle répartition des tâches canton-communes. Si vous acceptez cet amendement, nous acceptons de renvoyer cette motion à la commission de la santé ou aux affaires sociales. Et si cette abrogation de la sixième invite venait à être rejetée, nous refuserions cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je précise que nous devons d'abord voter le renvoi en commission et que, si le renvoi en commission est accepté, l'invite est aussi renvoyée à la commission concernée. Je passe la parole à M. le député Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président, pour cette précision importante sur la manière de traiter cette proposition de motion qui est intéressante. La politique des personnes âgées est une politique publique d'avenir qui va beaucoup nous occuper ces prochains mois et ces prochaines années. Nous venons de voter le premier train de répartition des tâches entre les communes et le canton. C'était le rôle de la CACRI. Cela a été fait, et la CACRI l'a bien fait. Je pense qu'actuellement nous sommes plus dans la politique de coordination, justement entre les communes et le canton, par rapport à la politique de la personne âgée. Il y a beaucoup d'invites qui vont dans tous les sens, et je comprends un peu la remarque de mon préopinant. Néanmoins, il y a des invites importantes; par exemple, va-t-on introduire une politique de soins au niveau des EMS ? Que va-t-on faire de ces maisons de santé ? Est-ce un concept qui va se généraliser ? On parle d'ailleurs, dans l'exposé des motifs, du mode de financement et de l'étude pilote. Nous sommes déjà dans l'opérationnel, et je pense donc que la commission à laquelle doit être renvoyée cette proposition de motion est celle des affaires sociales. Et c'est ce que vous recommande le parti libéral-radical. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Beaucoup de choses ont été dites sur l'intérêt que revêt cette proposition de motion, parce que, finalement, elle pose un certain nombre de questions qu'il faudra véritablement examiner. Aujourd'hui le dispositif de prise en charge des personnes âgées est important, mais il est au moins correspondant à l'ampleur de la problématique et des besoins de cette population. Effectivement, un certain nombre de concepts nouveaux sont proposés, mais ils devront être examinés de manière extrêmement minutieuse. Actuellement, plusieurs types de partenariats sont envisagés et il faudra vérifier s'ils sont réellement opportuns. Pour ces raisons nous sommes évidemment favorables à cette motion et à son renvoi en commission. Cela étant, nous voulions, et à l'instar de ce que proposait le parti socialiste, nous distancer de la dernière invite. Vous l'avez vu tout à l'heure, nous n'avons pas voté le projet de loi sur la séparation des tâches communes-canton précisément parce que vous avez attribué une compétence exclusive aux communes en matière de tâches de proximité, mais vous n'avez pas obligé les communes à assurer ces prestations, ce qui veut dire - et je le répète - que vous interdisez à qui que ce soit d'autre d'assurer ces prestations. Et donc vous créez une situation de déficit dans toute une série de communes. De ce point de vue là c'est une erreur politique. Nous espérons donc qu'un nouvel examen vous permettra peut-être de reconsidérer cette question. Je vous remercie de votre attention.

M. Boris Calame (Ve). C'est un bon et beau projet. C'est un projet de guide à l'intention des personnes âgées et de leurs proches. C'est vouloir porter une attention particulière sur nos aînés et assurer une véritable collaboration entre les structures d'accompagnement, mais aussi une volonté de coordination entre les acteurs du domaine. Vouloir l'information, la collaboration, la coordination, la proximité, c'est assurer au mieux l'encadrement et l'accompagnement de nos aînés mais aussi de leurs proches. La réalité fait que les coûts d'encadrement sont bien plus élevés en structures institutionnalisées qu'à domicile. Cette motion encourage aussi les services pour le mieux-être de nos aînés et ainsi leur maintien à domicile dans les meilleures conditions. Le groupe des Verts soutiendra donc le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales. A noter que l'amendement proposé par le PS nous laisse un petit peu pantois, mais nous sommes persuadés que tout le monde soutiendra le renvoi en commission. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Très rapidement, je souhaite simplement dire que tout sera discuté en commission. Donc ce n'est pas le moment de parler des amendements. S'il y en a, ils seront faits en commission. Nous en discuterons, nous les voterons... Le parti démocrate-chrétien sera ouvert à tous les amendements et toutes les discussions sur cette motion, parce que c'est une politique publique qui doit être ouverte et constructive. Je vous remercie.

M. Jean-Charles Rielle (S). Monsieur le président, chères et chers collègues, vous l'avez compris, le parti socialiste acceptera le renvoi à la commission des affaires sociales et déposera ses amendements à ce moment-là. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Je pense que tout ce que propose cette motion est déjà en cours. Il ne s'agit pas d'idées nouvelles, effectivement. Maintenir à domicile les personnes âgées est une politique qui se fait déjà actuellement. Essayer d'améliorer la condition des personnes âgées... Ce que nous pourrions améliorer aujourd'hui - je le vois en allant à l'hôpital - c'est l'acharnement thérapeutique de l'Hôpital cantonal. On pourrait déjà améliorer cela. Malheureusement, l'Hôpital cantonal doit évidemment essayer de donner du travail à ses étudiants, mais parfois les personnes âgées souffrent de cet acharnement thérapeutique. Et là, on pourrait améliorer les conditions des personnes âgées par des soins palliatifs. Les personnes âgées ont surtout besoin de douceur, mais pas seulement de chocolat, mais de douceur dans les soins. Malheureusement c'est quelque chose effectivement qui est à améliorer. Concernant la brochure, la brochure vaudoise est remarquable, mais nous ne savions pas qu'il y avait déjà une brochure qui avait été rédigée pour le canton de Genève. En conclusion, nous proposons également le renvoi à la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Effectivement je trouve que cette motion est importante, notamment parce qu'elle nous interroge à un moment où nous sommes en train de traiter la planification sanitaire. Donc elle nous donnera l'occasion de mettre beaucoup de choses en perspective. Je ne vais pas revenir sur tout ce qui a été dit, mais j'aimerais donner ici mon point de vue, puisque je ne peux pas l'exprimer en commission. A mon sens, c'est la dernière phrase des considérants qui est la plus importante, c'est-à-dire celle qui demande que l'on considère du point de vue des personnes âgées tout ce que l'on veut mettre en place, toutes les stratégies et autres éléments. Que savons-nous, nous, du point de vue des personnes âgées ? On a un certain nombre d'hypothèses. Des études ont été faites qui nous montrent que, premièrement, le point le plus important c'est d'être le moins déstabilisé dans ses repères de temps et d'espace. Cela, nous le savons. Deuxièmement, nous savons aussi qu'une personne âgée a besoin...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...de relations avec une personne qu'elle peut reconnaître. Nous sommes donc dans des relations de proximité. Ces aspects-là, probablement, seront à étudier, et je pense que toutes les structures qui peuvent être mises en place répondront de manière positive uniquement dans la mesure où l'on tiendra compte de cela. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Saudan pour une minute quarante-deux.

M. Patrick Saudan (PLR). J'aurai besoin de moins de temps, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Falquet qu'on ne peut pas dire n'importe quoi ! On ne fait pas d'acharnement thérapeutique aux HUG. Quelquefois il y a une prolongation des soins, et c'est souvent à la demande des familles et des patients eux-mêmes. Mais, actuellement, l'éthique médicale et l'éthique des soignants des HUG vont totalement à l'encontre de l'acharnement thérapeutique, et la réflexion de M. Falquet consistant à dire que cela donne du travail aux étudiants est complètement inappropriée. Merci ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Dimier.

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. C'est une erreur de bouton ! C'est mon ami Girardet qui va s'exprimer...

M. Jean-François Girardet (MCG). J'ai assisté hier à une conférence donnée par notre magistrat dans le cadre d'une assemblée d'aînés à Meyrin. Soixante à quatre-vingts personnes étaient présentes pour écouter la politique générale du canton relative aux aînés. J'imagine que cette motion va être l'occasion de rafraîchir les mémoires sur tout ce qui est entrepris depuis que notre magistrat a repris ce domaine. J'imagine bien qu'il va vous convaincre que cette motion est certainement intéressante, mais elle était intéressante surtout au cours de la législature précédente pour essayer de motiver notre conseiller d'Etat à aller dans le sens où il va actuellement... Je vous remercie de la soutenir et de la renvoyer en commission.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Evidemment, la politique qui touche la personne âgée est au centre des préoccupations de mon département. Le vieillissement de la population est un enjeu, un enjeu réjouissant bien sûr mais un enjeu social, sanitaire, économique aussi qui, évidemment, ne peut pas nous laisser insensibles. La population de plus de 80 ans augmente quatre fois plus vite que la moyenne de l'évolution de la population globale du canton de Genève. Dans une quinzaine d'années, nous allons être, encore plus qu'aujourd'hui, confrontés à cette problématique. Lors de la précédente législature, il faut savoir que l'on avait déjà amorcé les réflexions dans ce domaine. Je rappelle la feuille de route qui résultait d'un rapport qui avait été déposé au Grand Conseil en octobre 2012, qui fixait des axes stratégiques au nombre de cinq.

Tout d'abord, bien sûr, la prévention: prévenir pour vieillir en bonne santé. C'est important... On ne commence pas évidemment à faire de la prévention en matière sanitaire lorsque l'on a 80 ans. Cela commence bien plus tôt. Cela commence depuis l'enfance, raison pour laquelle il y a aujourd'hui des actions menées en commun avec le département de l'instruction publique. Il y a par exemple une campagne intitulée «Marchez et mangez malin» pour que déjà les bonnes habitudes se prennent dans les classes d'école primaire.

Deuxième axe: bien vieillir chez soi. Vous le savez, Genève a mis un accent tout particulier sur le maintien à domicile, parce que cela coûte moins cher, diront certains, mais surtout parce que c'est le choix de la très grande majorité de nos concitoyens qui veulent vieillir là où ils ont vécu. Et je pense que si l'on peut joindre l'utile à l'agréable - si vous me permettez l'expression - il faut absolument le faire, parce que le coût en EMS est évidemment extrêmement lourd. Et je pense que les personnes âgées souhaitent, s'il faut aller en EMS parce que la dépendance est trop importante, que cela se fasse le plus tard possible.

Ensuite, il y a bien vieillir en EMS. Lorsque, véritablement, l'aide à domicile ne peut plus prendre en charge de manière convenable la personne, il faut faire en sorte que cette personne soit prise en charge correctement dans nos EMS. Et je peux vous dire, pour les visiter régulièrement - il y en a 53 à Genève - que nous avons des établissements de très grande qualité, même si tout est perfectible, bien sûr. Mais, véritablement, nous n'avons plus affaire aux maisons de retraite, comme on les appelait antérieurement, puisque le maintien à domicile a pour effet collatéral que l'on entre en EMS de plus en plus âgé, de plus en plus atteint dans sa santé et que, par la force des choses, l'encadrement de ces personnes doit être de plus en plus médicalisé.

Quatrième axe stratégique: garantir l'autodétermination et la dignité en fin de vie. C'est important que l'on accompagne nos aînés comme nous souhaiterions que l'on nous accompagne nous-mêmes le moment venu, c'est-à-dire avec empathie, avec dignité, avec respect.

Enfin, renforcer la continuité des prises en charge dont parle cette motion. Et là nous travaillons, bien sûr, dans une prise en charge intégrée, cohérente, pour que les divers professionnels qui interviennent le fassent autour de la personne âgée et interviennent avec cohérence. Par exemple, MonDossierMedical.ch sert également pour cela, pour que l'information circule et pour que cette prise en charge soit véritablement adéquate aux besoins de la personne âgée.

Je dirais que peut-être cette motion exprime une méconnaissance de ce qui se fait, mais j'en retiens aussi une critique pour moi, puisque, si des députés en viennent à poser des questions en pensant que certaines choses ne se font pas, c'est parce que nous ne faisons pas suffisamment savoir qu'elles se font. Il faudra bien sûr que l'on communique mieux encore dans ce domaine. Et je peux vous rassurer: nous faisons beaucoup pour les personnes âgées, nous faisons aussi beaucoup pour les proches aidants des personnes âgées. Il y a des proches aidants dans différents domaines, mais très majoritairement, pour les personnes âgées, ces proches aidants sont un soutien pour la personne elle-même mais bien sûr aussi pour l'ensemble de la collectivité. On considère qu'il y a plus de 50 000 proches aidants dans notre canton qui nous font économiser certainement des centaines de millions par année. Et je pense que la moindre des choses c'est de leur permettre aussi de souffler, comme on dit, de temps en temps en leur mettant à disposition des lieux où les personnes qui leur sont chères sont prises en charge pendant certaines périodes. Vous connaissez les unités d'accueil temporaire de répit. Il y a aussi les unités d'accueil temporaire médicalisées qui vont être renforcées, qui existent actuellement à Onex. Il y a les foyers de jour, les foyers de jour et de nuit... Donc, véritablement, nous faisons beaucoup de choses, dont nous parlons dans le rapport de planification sanitaire 2016-2019.

Je vous ai entendu proposer le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales. Je n'ai pas d'objection majeure, mais lorsque l'on parle de maison de santé, dans cette motion, il me semble que l'élément central pour la personne âgée, même si bien sûr la prise en charge est multi-facettes, c'est quand même l'aspect sanitaire. D'ailleurs toute la question de la planification dans ce domaine relève de la direction générale de la santé. J'ai la chance d'avoir dans mon département désormais aussi la direction générale de l'action sociale à laquelle sont rattachés actuellement les EMS. Je ne vous cache pas que des réflexions sont déjà bien avancées pour que les EMS soient intégrés dans une structure de prise en charge propre qui associe à la fois le médical et le social, puisque la personne âgée est prise en charge de manière conjointe par ces deux secteurs.

Pour ma part, je renverrais davantage cette motion à la commission de la santé, parce qu'elle pourra être examinée dans le cadre du rapport de planification 2016-2019 où l'ensemble des structures mises en place pour les personnes âgées seront examinées.

Un dernier détail concernant la dernière invite qui a fait intervenir le représentant du parti socialiste. Effectivement, la prise en charge - qui est administrative et non médicale qui, elle, doit rester en charge du canton - cette prise en charge de proximité fait précisément l'objet du train de lois que vous avez acceptées, puisque la personne âgée, dans ce cadre-là, devra être prise en charge par les communes et, nous l'espérons, par une structure communale dans laquelle interviendront l'ensemble des communes pour assurer l'égalité de traitement pour l'ensemble de nos aînés sur tout le territoire du canton. Le Conseil d'Etat vous propose donc plutôt de renvoyer cette motion à la commission de la santé. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur le député Bertrand Buchs, vous souhaitez un renvoi à la commission de la santé ?

M. Bertrand Buchs (PDC). Oui ! Je sais qu'il est impoli de prendre la parole après le conseiller d'Etat, mais c'est pour se rallier à son avis.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter tout d'abord sur le renvoi à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2291 à la commission des affaires sociales est rejeté par 78 non contre 11 oui et 1 abstention.

Le président. Je vous invite maintenant à vous prononcer sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2291 à la commission de la santé est adopté par 88 oui et 4 abstentions.

M 2293
Proposition de motion de Mme et MM. Daniel Sormanni, François Baertschi, Sandro Pistis, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, Jean Sanchez, André Python, Ronald Zacharias, Henry Rappaz, Christian Flury, Sandra Golay : Service de réinsertion de l'HG, et si on faisait un bilan
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous nous penchons sur la M 2293 en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Cette motion fait suite à des changements législatifs qui ont mené l'Hospice général, depuis quelques années, à être chargé de tâches de réinsertion professionnelle. Nous avons été abordés par des usagers qui ont formulé certaines remarques, plaintes et critiques - justifiées ou injustifiées, nous ne le savons pas - sur ce service, et nous voulions réunir un ensemble d'informations, c'est-à-dire effectuer une sorte d'état des lieux afin de savoir ce qui se passe au sein de l'Hospice général, quels sont les taux de réussite de ces mesures de réinsertion, quelles en sont aussi les difficultés. En effet, on ne peut pas exiger des taux de réussite extraordinaires si la réinsertion est difficile, et l'objectif primordial n'est peut-être pas d'avoir forcément des résultats quantitatifs mais également qualitatifs, qui sont parfois plus importants. Quels sont les effets bénéfiques que l'on peut développer ?

Nous avons déposé cette motion afin d'obtenir un certain nombre d'informations sur ce sujet qui, pour nous, est essentiel car de plus en plus de personnes se retrouvent à l'aide sociale et la LIASI exige leur réinsertion professionnelle. Il nous faut donc déterminer si le chemin que nous avons choisi est juste ou faux, s'il y a des zones d'ombre, des améliorations à apporter. Tout ceci revêt une grande importance, et nous avons déposé cette motion afin d'obtenir des réponses. Partant, nous vous demandons de la renvoyer directement au Conseil d'Etat pour qu'il puisse nous donner ces réponses, et non pas de passer par une commission. En effet, j'imagine qu'il y a un certain nombre de questions urgentes qui peuvent nous étonner et je pense qu'une réponse directe du département et du Conseil d'Etat est fondamentale. Merci.

M. Christian Frey (S). Cette motion est un peu étrange, elle demande beaucoup tout en étant très courte. D'abord, il faudrait savoir de quoi on parle exactement: est-ce qu'on parle du SRP, c'est-à-dire du service de réinsertion professionnelle, ou des autres mesures en matière d'insertion pour les personnes à l'aide sociale suivies par l'Hospice général ? L'avantage de cette motion, c'est qu'elle démontre que même pour les députés, les méandres de l'insertion professionnelle sont nébuleux en ce qui concerne les personnes à l'aide sociale - preuve en est notre discussion d'hier sur la motion 2286 pour plus de proportionnalité et d'inclusion dans la directive sur la préférence sociale en matière d'emploi, dans le cadre de laquelle les uns prétendaient que les personnes concernées avaient déjà accès à ce dispositif, les autres que ce n'était pas le cas. Relevons que, tant lors du budget que des comptes, ces mesures d'insertion ne se trouvent pas, en termes de politique publique, sous la rubrique de l'aide sociale et de l'Hospice général mais qu'il faut, pour les trouver, consulter la politique publique de l'emploi.

Comme vous le savez, la Cour des comptes a rendu en 2015 son rapport no 87 intitulé «Evaluation de la politique publique de réinsertion professionnelle des chômeurs en fin de droits», qui pose un certain nombre de questions importantes. A titre d'exemple, voici une citation de la page 4: «Le pilotage de l'ensemble du dispositif est lacunaire (il n'y a notamment pas de possibilité de suivre les trajectoires des individus après leur arrivée en fin de droits) et la prévention de l'arrivée à l'aide sociale ne constitue plus un objectif suivi [...]. Ce pilotage est actuellement focalisé sur les besoins administratifs [...] plutôt que sur les besoins réels des individus [...].» Par ailleurs, une évaluation de la LIASI dans sa globalité, particulièrement s'agissant des mesures d'insertion de l'Hospice général, est prévue pour le printemps 2016, soit quatre ans après la mise en place de celle-ci. Il nous semble donc important de renvoyer cette motion non pas directement au Conseil d'Etat mais bien à la commission des affaires sociales afin que nous puissions l'étudier conjointement avec le rapport d'évaluation sur la LIASI qui sera présenté prochainement. Le groupe socialiste vous recommande de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en lisant le titre de cette motion, on pourrait penser qu'elle est caduque puisque la deuxième partie du rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la LIASI par la société Evaluanda devrait être publiée incessamment, ou du moins d'ici quelque temps, et précisément nous fournir des indications quant à l'action du service de réinsertion professionnelle. Or la motion demande apparemment plus, notamment d'enquêter sur des plaintes - je doute que ce soit là l'objet du mandat confié à Evaluanda - ou encore de faire un rapport détaillé au Grand Conseil sur la délivrance des prestations de l'Hospice général et l'accueil des prestataires.

Finalement, on constate un cumul de deux préoccupations différentes: d'une part un bilan de la mise en oeuvre de la LIASI, ce qui est hautement attendu par toute une série de milieux - vous ne manquerez pas de le croire - d'autre part des actions supplémentaires, et c'est pour ça que je comprends mal le fait que le groupe ayant initié cette motion ne souhaite pas la renvoyer en commission. En effet, c'est bien là que nous aurions les moyens d'obtenir des réponses aux questions qu'elle soulève. Le plus adéquat, me semble-t-il, serait de la renvoyer à la commission des affaires sociales, qu'elle y attende que nous soit fourni le rapport Evaluanda et que ces deux objets soient examinés ensemble, de sorte qu'on puisse répondre à toutes les questions. Je vous invite donc à renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales. Je vous remercie de votre attention.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien constate que la LIASI, soit la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, s'invite souvent au hit-parade des thèmes les plus traités dans cette noble enceinte. J'en veux pour preuve les discussions sur le supplément d'intégration, sur les normes CSIAS, ainsi que notre débat d'hier sur le projet de loi visant à intégrer le RIASI dans la LIASI - j'en passe et des meilleurs. Mesdames et Messieurs les députés, en termes de santé publique, lorsque l'on veut mesurer le succès d'une action, on se réfère à des indicateurs qui doivent nous donner des informations à la fois sur le succès de l'action engagée et sur l'atteinte du public cible. S'agissant de la LIASI, le nombre de projets de lois, motions et autres interventions qui ont secoué le landerneau politique dans ce domaine prouve au moins que cette loi ne laisse pas indifférent, ce qui est rassurant vu qu'elle est censée offrir du soutien aux plus défavorisés de notre canton, notamment en les aidant à traverser et sortir de la période la plus difficile qui soit.

Qu'en est-il cette fois-ci ? On parle de la qualité des stages d'évaluation de l'employabilité des personnes qui sortent du chômage, des personnes qui sont fragilisées dans leur statut social et vivent souvent mal ces stages qu'on leur propose. Comme il a été dit tout à l'heure, il y a déjà eu bon nombre d'évaluations, notamment une évaluation de la Cour des comptes...

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député.

M. Jean-Luc Forni. Je conclus, Monsieur le président ! ...de même qu'un rapport de l'observatoire de l'aide sociale et de l'insertion, lesquels montrent finalement que les personnes elles-mêmes semblent mal vivre ces stages alors que, au contraire, des études du DEAS indiquent que 80% des gens les apprécient. Attendons donc le bilan des quatre ans de la LIASI avant de s'engager dans une procédure prématurée et rejetons cette motion. Lorsque nous aurons cette évaluation en notre possession, nous pourrons la traiter à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais non pas m'exprimer sur la nécessité de nous attaquer au problème de l'insertion professionnelle et du rôle que joue l'Hospice général mais attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit d'évaluer une politique publique. Or vous savez que cela relève maintenant de la compétence de la Cour des comptes, il y a donc un problème de méthode. Je pense que le dépôt d'une motion est prématuré; pour ma part - comme pour le PLR - je privilégierais le traitement de cette problématique à la commission de contrôle de gestion - vous savez qu'on a cette compétence d'auto-saisine - précisément afin d'étudier les questions que se posent légitimement nos collègues du MCG quant aux performances de l'Hospice général, voire même de passer par la Cour des comptes puisque c'est elle qui a dorénavant la compétence d'évaluer une politique publique. C'est la raison pour laquelle notre groupe est plutôt opposé à cette motion et proposerait d'abord de mener une étude - qui soit faite soit par la Cour des comptes, soit par la commission de contrôle de gestion - et ensuite, dans la mesure du possible ou du nécessaire, de déposer une motion demandant au Conseil d'Etat d'agir. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Pour le groupe UDC, le titre de la motion est juste et celle-ci pose la bonne question. Maintenant, s'agissant des invites, on peut être pour ou contre mais il est toujours possible d'en discuter, de les amender. De notre point de vue en tout cas, les invites sont bonnes mais pourraient aller beaucoup plus loin car la véritable question de ces emplois de réinsertion, ce n'est pas de savoir s'ils sont utiles ou pas mais comment on les pratique. Voilà le véritable problème de ces emplois de réinsertion qui, pour la grande majorité d'entre eux, sont effectués dans les EPI, et c'est ça la véritable catastrophe sur ce sujet, d'où les nombreuses plaintes de ceux qui participent à ces programmes, d'abord parce qu'ils sont obligatoires - vous êtes quasiment obligés de les faire sous peine de vous faire expulser de l'Hospice général - mais surtout à cause des conditions dans lesquelles on les réalise.

En effet, ce sont des conditions quasiment dignes des goulags de l'ère soviétique: vous êtes assis à de grandes tablées de vingt ou trente personnes, vous n'avez le droit ni de vous lever, ni d'aller aux toilettes sans la permission du pseudo-gardien qui se trouve derrière votre dos, ni de vous tourner vers votre voisin pour lui poser une simple question, autant de choses que vous pourriez faire dans le cadre d'un travail normal. Mais non, là, vous vous faites systématiquement réprimander par ces pseudo-gardiens - parce que c'est bien comme ça qu'il faut les appeler, on ne peut pas les nommer autrement - qui vous menacent de vous rendre une mauvaise évaluation - voire pas d'évaluation du tout - ou carrément de vous jeter hors du programme et donc de l'Hospice général.

Voici à présent le deuxième point sur lequel cette motion ne va pas assez loin: on parle ici du point de vue des personnes à l'Hospice général, mais on devrait également se pencher sur celui des personnes à l'AI parce que leur situation est encore pire que celle que je viens d'évoquer: elles sont soumises à des pressions telles que je peux vous assurer - j'ai en effet obtenu des témoignages de personnes à l'AI qui ont l'obligation de travailler là-bas parce qu'on ne leur offre finalement pas d'autre choix - que, le soir venu, elles quittent bien souvent leur travail en pleurant, la boule au ventre. Tout ceci est dramatique, et c'est plutôt là-dessus que cette motion devrait s'appuyer en faisant un vrai bilan de la réinsertion dans le cadre non seulement des EPI mais également des prestations de l'AI.

Nous soutiendrons le renvoi en commission parce que, à mon sens, cette motion devrait être amendée afin de pousser plus loin encore la réflexion s'agissant des cas que je viens de citer, et je pense que la commission des affaires sociales est la plus à même de réaliser cette évaluation puisque c'est son domaine; par la suite elle pourrait, si cela dépasse ses compétences, renvoyer elle-même cette motion à la commission de contrôle de gestion mais je pense que, dans un premier temps, il lui appartient de faire ce bilan et de chercher ces informations. Je vous remercie.

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion date de septembre 2015, voilà donc un certain nombre de mois déjà qu'elle figure à notre ordre du jour. Ses signataires se sont expliqués tout à l'heure et ont motivé sa raison d'être, puis certaines autres préoccupations ont été exprimées par les groupes socialiste et Ensemble à Gauche, que les Verts partagent évidemment, et enfin le PLR, par la voix de M. Barrillier, a indiqué qu'il s'agissait d'évaluer une politique publique. Encore faut-il, et cela a été relevé aussi, comprendre les méandres de la réinsertion; or force est de constater que toutes et tous ici ne sommes pas au clair sur ce que cela signifie. Quant à renvoyer cette motion à la commission de contrôle de gestion, cela paraît un peu étrange puisqu'il s'agit davantage d'une question d'efficacité de la politique publique mise en place que de gestion de cette dernière.

Ce qu'on sait encore, c'est qu'une société a rendu - ou est sur le point de rendre - un rapport au Conseil d'Etat sur l'efficacité de cette politique publique et que le Conseil d'Etat devra rendre compte de ces conclusions dans un propre rapport. Voilà l'occasion de pouvoir étudier à la fois les conclusions de la société Evaluanda et le rapport du Conseil d'Etat avant d'examiner ce que demande précisément cette motion. Les Verts renverront cette motion à la commission des affaires sociales et vous proposent de faire de même. Pourquoi ? Parce que c'est la commission des affaires sociales qui, pendant de nombreux mois, a travaillé sur la nouvelle loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Aussi, je vous remercie de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales.

M. François Baertschi (MCG). Je voulais juste ajouter quelques éléments. Certains trouvent qu'on en fait trop, d'autres pas assez; ce qui est certain, c'est que notre motion est relativement claire: certaines personnes se plaignent d'un service de l'Etat, donc on fait notre travail, c'est-à-dire relever ces critiques, donner la parole aux gens, attirer l'attention sur quelque chose qui ne joue pas. Je pense qu'il faut enquêter car ce que nous dit la population est important, on ne peut pas ne pas en tenir compte, il faut prendre ça en considération. Nous voulons une analyse précise de ce qui se passe, c'est ce que nous avons demandé par le biais de cette motion. Je pense qu'il s'agit d'un sujet qui ne sera pas épuisé avec ladite motion et qui va sans doute revenir d'une manière ou d'une autre dans le cadre de la politique d'insertion, mais le plus important pour nous aujourd'hui, ce sont les plaintes de la population: c'est le centre de cette motion et c'est comme ça qu'il faut la comprendre.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Haller, je suis navré mais vous n'avez plus de temps de parole. La parole revient à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux qu'à l'occasion du traitement de cette motion, certains aient pu se faire plaisir - j'espère au moins que ce fut le cas - en tenant des propos outranciers proprement scandaleux et en qualifiant les stages mis en place dans le cadre de la LIASI de véritables goulags où les personnes seraient surveillées par des geôliers et n'auraient même pas le temps d'aller satisfaire quelque besoin physiologique. Merci à ceux qui les ont tenus, je pense que cela rehausse le niveau du débat dans ce parlement ! Non, c'est une insulte pour les collaboratrices et les collaborateurs qui travaillent aux EPI ou à la fondation PRO précisément pour effectuer une évaluation du travail des personnes en fin de droit.

On a évoqué l'évaluation réalisée par la Cour des comptes; peut-être l'objectivité aurait-elle dû vous amener à préciser que cette évaluation a été menée jusqu'à fin 2012 et qu'elle ne concerne donc pas cette législature - je ne prétends pas que tout a changé avec celle-ci, mais nous avons néanmoins été particulièrement attentifs à ce que des progrès soient faits dans le domaine des stages d'évaluation organisés pour les demandeurs d'emploi arrivant en fin de droit de l'assurance-chômage et faisant appel aux prestations de l'Hospice général. Il ne s'agit pas de toutes les personnes arrivant en fin de droit, bien sûr, il faut encore déterminer lesquelles peuvent bénéficier des mesures cantonales pour l'emploi, pour lesquelles quelques dizaines de millions sont tout de même investis chaque année, et il est nécessaire, sachant que ces sommes sont très certainement insuffisantes pour en faire bénéficier l'ensemble des usagers de l'Hospice général, d'en faire profiter celles et ceux qui pourront en tirer le meilleur profit.

Il faut savoir que, en sus de la mise en oeuvre de l'évaluation de ces stages, une évaluation globale de la LIASI a également été initiée, et je m'étonne que l'on revienne inlassablement vers moi en martelant qu'il faut évaluer - il faut évaluer ! - alors que la loi elle-même stipule que quatre ans après son entrée en vigueur, une évaluation doit être rendue. Je n'ai pas attendu qu'on me le demande et qu'on me le répète... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisque non seulement j'ai mis en place cette évaluation, mais on m'a averti hier qu'elle était terminée; je n'ai pas encore lu ce rapport mais il sera évidemment porté à la connaissance de la commission des affaires sociales pour que nous examinions ensemble la manière dont nous pouvons encore améliorer les choses. Nous ne sommes pas là pour dire que nous sommes les meilleurs et que tout est parfait dans le meilleur des mondes, bien sûr que non, nous sommes là pour améliorer ce processus dans l'intérêt de personnes qui doivent pouvoir rebondir dans le marché du travail, nous sommes tous partenaires dans ce sens. C'est la raison pour laquelle je trouve particulièrement déplaisant que l'on tienne des propos stigmatisants, que ce soit à l'égard des uns comme des autres puisque, à l'évidence, tout le monde est là pour essayer de faire avancer les processus d'intégration dans l'intérêt de nos demandeurs d'emploi, lesquels restent néanmoins beaucoup trop nombreux.

Cette motion est quelque peu particulière car son titre laisse penser qu'elle ne s'intéresse qu'au service de réinsertion de l'Hospice général alors qu'elle demande en réalité une évaluation totale de ses prestations. Nous sommes évidemment prêts, avec l'Hospice général, à vous donner toutes les explications utiles en complément du rapport d'évaluation de la LIASI... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ne représente qu'une partie des prestations de l'Hospice général.

En ce qui concerne l'enquête sur les plaintes des prestataires de l'Hospice général, là encore, excusez-moi: lorsque des plaintes arrivent chez moi, un monitoring immédiat est mis en place avec une demande de rapport, qui est ensuite envoyé à la personne, laquelle a la possibilité de contredire les explications données; comme je ne suis pas né d'hier, je sais qu'il est toujours possible qu'un service mis en cause essaie de justifier son propre travail en dénigrant la personne qui s'en plaint, donc nous menons des enquêtes qui nous servent à partir du cas particulier pour aller vers le général: un dysfonctionnement unique peut, en effet, être le révélateur d'un problème plus grave qui mérite d'être embrassé. Alors nous demander d'enquêter sur les plaintes des prestataires de l'Hospice général...! Qu'on me demande carrément d'enquêter sur l'ensemble des plaintes à l'encontre des prestations de l'Etat, voire même du grand Etat ! Vous verrez qu'il y a toujours un certain nombre de plaintes puisque seuls ceux qui ne font rien ne génèrent aucune réclamation; la moindre des choses serait au moins de reconnaître qu'on travaille à l'Etat, contrairement à ce que d'aucuns peuvent penser. Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de problème: nous n'avons rien à cacher et sommes prêts à vous donner toutes les explications que vous souhaitez. Vos questions sont légitimes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...alors renvoyez cette motion à la commission des affaires sociales, nous y répondrons bien volontiers. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le scrutin sur la proposition de renvoi à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2293 à la commission des affaires sociales est adopté par 59 oui contre 33 non et 1 abstention.

M 2300
Proposition de motion de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Luc Forni, Guy Mettan, Jean-Marc Guinchard, Béatrice Hirsch, François Lance, Olivier Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Vincent Maitre pour la création d'un hôtel des patients ainsi que pour l'augmentation des unités d'accueil temporaires médicalisées, un nouveau concept d'hospitalisation
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 3 et 4 décembre 2015.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la proposition de motion 2300 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au premier signataire, M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien aimerait relancer la question de l'hôtel médicalisé. On sait que le canton de Vaud a décidé de construire un hôtel de ce genre à côté du CHUV, dont les travaux ont déjà débuté - il devrait être mis en service... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...cette année ou l'année prochaine. A Genève, l'Hôpital cantonal n'a pas souhaité suivre cette option, l'Etat préférant plutôt privilégier les maisons de santé avec des lits d'accueil temporaire. Le parti démocrate-chrétien pense que ce sont là deux types d'hospitalisation différents qui ne concernent pas les mêmes patients.

Aux Etats-Unis, quasiment tous les hôpitaux disposent d'un hôtel des patients qui s'occupe uniquement de l'hôtellerie, les médecins s'y déplaçant pour prodiguer des soins simples; ça peut être le cas après une opération peu compliquée, où les suites se font dans un hôtel, il n'y a pas de problème. Cette option est intéressante parce qu'elle diminue fortement les coûts d'hospitalisation, et donc les coûts de la santé en général, tout en permettant à l'Etat d'utiliser une partie des économies réalisées sur le prix de la journée pour les investir en faveur de cas beaucoup plus aigus et plus lourds - il s'agit de l'un des arguments avancés par le canton de Vaud pour le développement de son hôtel médicalisé. D'un autre côté, l'idée d'augmenter les unités d'accueil temporaire dans les maisons de santé est excellente, mais elle concerne probablement davantage les personnes âgées - on en a parlé tout à l'heure dans le cadre de la motion de Mme Hirsch. Aussi, ces deux systèmes sont complémentaires.

Si nous demandons une discussion de cette motion en commission de la santé, c'est parce qu'elle va dans le sens de la planification sanitaire qui a été proposée et parce que nous pensons... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que les grands centres hospitaliers n'ont plus aucun avenir et que ce sont les structures simples et légères qui seront déterminantes pour le développement du domaine de la santé. En effet, ça coûtera beaucoup moins cher à l'Etat et ça permettra aux patients d'être mieux intégrés, de rester dans leur quartier, près de chez eux. Nous vous demandons de faire bon accueil à cette motion et de la renvoyer à la commission de la santé. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, cette session s'est bien déroulée jusqu'à présent, je vous demande encore un peu de silence pour pouvoir travailler jusqu'à l'heure que nous nous sommes fixée. La parole est à M. le député Jean-Charles Rielle.

M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, les socialistes vous invitent à renvoyer à la commission de la santé cette proposition de motion pour la création d'un hôtel des patients ainsi que pour l'augmentation des unités d'accueil temporaire médicalisées, qui représentent un nouveau concept d'hospitalisation. Cette proposition mérite d'être étudiée. Certes, Genève n'est pas Vaud mais toute démarche permettant d'anticiper la hausse des coûts de la santé, qui plus est par des structures adaptées aux patients, doit être envisagée. Faisons donc ce travail en commission ! Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Cette motion, si elle part d'une bonne intention, suscite plusieurs questionnements chez les Verts. D'abord, même si le séjour en hôtel sera légèrement moins cher que l'hospitalisation, ça représente tout de même un marché assez juteux pour l'hôtelier privé, qui verra son hôtel sans cesse empli de clients captifs et se fera rémunérer par les HUG. Ensuite, si le patient doit être totalement autonome pour y séjourner, il vaudrait sans doute mieux qu'il reste plutôt chez lui. Il s'agit d'une bonne idée au regard des proches, mais il me semble qu'une structure de ce genre existe déjà sous la forme d'une fondation d'accueil des proches et notamment des parents d'enfants hospitalisés; pourquoi ne pas développer ce concept ? Les structures intermédiaires sont également très importantes, elles existent mais doivent encore être développées car il y en a actuellement très peu et elles sont principalement utilisées pour les personnes âgées, même si ce n'est pas la règle.

Nous ne souhaitons pas que cet hôtel des patients devienne un espace de rééducation postopératoire ou post-accident et que la mission soit reprise par des privés - mais quand même financée par le public - au lieu d'être réalisée par les établissements médicaux publics. Enfin, je rappelle que les HUG sont en train de terminer le nouveau bâtiment des lits. Ma question est la suivante: a-t-on réellement besoin de tous ces lits ? On me rétorquera qu'on a toujours besoin de lits supplémentaires; peut-être, mais il serait malgré tout dommage de créer un besoin, surtout dans ce secteur-là. Vous l'avez compris, les Verts se posent beaucoup de questions, et nous renverrons donc ce projet en commission pour tenter d'obtenir des réponses. Ça nous permettra aussi d'interroger le département sur le nouveau bâtiment des lits car il semble que tout ne soit pas aussi parfait qu'on nous le dit. Merci.

M. Jean Batou (EAG). Au groupe Ensemble à Gauche, cette motion nous paraît extrêmement négative pour les raisons suivantes: tout d'abord, il s'agit de mettre en place une structure hôtelière privée disposant, comme l'a dit ma préopinante, d'une clientèle captive. Il s'agit donc d'accueillir, à moindre coût, des patients en phase préopératoire ou de réhabilitation. Si vous y regardez de plus près, Reliva est une société basée à Zurich et dont le président, Matthias Johannes Huber, est un gestionnaire de fortune, un commerçant de logiciels et un fournisseur de services à l'aviation; évidemment, on peut se demander si son intérêt primordial est bien la santé des patients des Hôpitaux universitaires de Genève. Nous émettons également les plus gros doutes quant à la qualité des soins et la prise en charge des patients qui seraient délivrées dans une telle structure mais aussi, et ce n'est pas négligeable, quant aux conditions de travail du personnel, celles-là étant bien sûr liées à celui-ci: en général, des employés mal traités ne traitent pas mieux leurs patients. Je crois que nous sommes tous d'accord ici pour dire que la santé n'est pas une marchandise et, par conséquent, nous recommandons de rejeter cette motion.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, le PLR, après avoir pris connaissance avec attention de cette proposition de motion, émet également certains doutes. En effet, il s'agit pour nous d'une fausse bonne idée qui est vendue comme une possibilité de complément à une hospitalisation complète ou à un traitement en ambulatoire. Toutefois, à la lecture des motifs et en constatant que le CHUV, lui, semble particulièrement intéressé puisqu'il met en place une telle structure, nous parvenons à la conclusion que nous allons renvoyer cet objet à la commission de la santé afin de procéder à une étude plus approfondie de la question. Merci, Monsieur le président.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je remercie le PLR pour son enthousiasme, qui me fait très plaisir ! Je pense qu'il faut profiter du fait que le CHUV mette en place un tel hôtel pour demander à ses responsables de nous expliquer pourquoi ils ont fait ce choix. Je rappellerai d'ailleurs à M. Batou - vous transmettrez, Monsieur le président - que, dans le canton de Vaud, le département de la santé est dirigé par un socialiste; peut-être n'est-il plus si socialiste que ça, mais c'est tout de même l'un des seuls, avec M. Poggia, à se battre pour faire diminuer les coûts de la santé. Oui, s'il y a bien une personne, en plus de M. Poggia, qui lutte pour faire baisser les coûts de la santé, c'est M. Maillard, donc s'il a décidé de construire un hôtel pour patients, c'est probablement qu'il y a des économies à la clé pour l'Etat de Vaud. Il existe ce genre d'hôtel dans le monde entier parce que ce n'est pas à l'Etat de jouer ce rôle, alors laissons le travail hôtelier à des professionnels qui savent le faire à des coûts intéressants.

Il est vrai qu'il faut introduire des cautèles, je vous rejoins là-dessus, Monsieur Batou: il faudra faire attention aux conditions de travail du personnel qui sera employé dans ces établissements et l'Etat, s'il s'empare de l'idée, pourra imposer certaines règles. Etudions le concept ! C'est une motion, pas un projet de loi, on n'oblige rien du tout, on propose seulement un concept pour que les gens restent un minimum de temps à l'hôpital et que les soins adaptés se prodiguent ailleurs, c'est-à-dire dans des maisons de santé ou dans des hôtels pour patients. Nous voulons juste pouvoir étudier le concept; s'il s'avère que ce n'est pas possible à Genève pour de bonnes raisons, nous les accepterons. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, pourquoi pas ? Nous vous suggérons de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour y étudier le concept.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, puisque vous vous acheminez vers un renvoi de cette motion à la commission de la santé, je réserverai les explications de fond aux commissaires qui vous les rapporteront. Certes, le CHUV a mis en oeuvre un tel processus compte tenu d'une surcharge en soins aigus dans le canton de Vaud, et les Hôpitaux universitaires de Genève eux-mêmes, voyant le CHUV faire la démarche, ont lancé une étude assez approfondie sur le sujet, que j'ai ici sous les yeux et que les motionnaires connaissent puisqu'ils la citent, afin de déterminer si, comme dans le canton de Vaud, un hôtel pour patients serait utile à Genève et permettrait de maîtriser les coûts de la santé. Or nous sommes arrivés à la conclusion que ce n'est pas le cas parce que la situation n'est pas la même à Genève. D'abord, il faut savoir que les patients qui fréquentent ce type d'établissement doivent évidemment être stabilisés et ne pas nécessiter plus d'une heure à une heure et demie de soins par jour. Il s'agissait de savoir si, dans ces conditions, il était plus économique de renvoyer les patients ou de les placer dans ce type d'établissement plutôt que de les garder dans les unités. Nous nous sommes rendu compte que notre situation n'était pas la même que celle du canton de Vaud, que nous ne connaissions pas pareille saturation et que si, par hypothèse, elle devait se produire à Genève, ce ne serait vraisemblablement pas avant 2022 ou 2025. Nous n'avons donc pas la même problématique de base que nos collègues vaudois.

Pour le surplus, nous avons effectué une analyse en termes de comptabilité afin de définir si le coût du maintien dans une structure de soins aigus pour la fin de séjour était plus ou moins élevé que dans un établissement hôtelier. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: en gardant les personnes aux HUG, cela coûte 272 F par jour alors que, dans ces structures, cela revient à 325 F par jour. Vous voyez donc que ce n'est pas une solution intéressante. Enfin, je rappelle que dans le cadre de la planification sanitaire - et donc hospitalière - du canton de Genève 2016-2019, nous avons examiné la question des unités d'accueil temporaire médicalisées hors des structures hospitalières et en avons conclu que nous aurions à l'avenir besoin d'une vingtaine d'unités supplémentaires. Dans cette perspective, nous avons déjà mis en place des mesures pour que ces unités d'accueil temporaire médicalisées voient le jour afin de répondre à ce besoin futur. Voilà ce que je voulais dire en quelques mots. Il est normal que l'on se pose la question, il est normal que vous obteniez des réponses à cette question et nous vous les donnerons volontiers dans le cadre de la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

Une voix. ...de la commission de la santé !

M. Mauro Poggia. Qu'est-ce que je vous ai dit ? Pardon, de la commission de la santé, bien sûr.

Le président. Merci pour cette précision, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir vous prononcer sur la demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2300 à la commission de la santé est adopté par 83 oui et 1 abstention.

R 725
Proposition de résolution de Mme et MM. Patrick Lussi, Christina Meissner, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey : Viande reconstituée à partir de bas morceaux, de sang et de déchets : défendons nos consommateurs et nos producteurs, pas les magouilleurs !
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, soit la R 725. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à M. Eric Leyvraz.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Le consommateur suisse a découvert il n'y a pas si longtemps qu'il mangeait parfois du minerai de viande, un terme qui cache une réalité plutôt inquiétante: il s'agit de viande de deuxième ordre, de chutes, de carcasses d'animaux...

Une voix. Miam, miam !

M. Eric Leyvraz. On en fait de gros blocs allant jusqu'à 25 kilos, lesquels sont vendus à l'industrie agroalimentaire. Ça représente un certain volume parce qu'on estime qu'en France, cette sorte de viande recomposée ne constitue pas loin de 20% de la viande bovine consommée. Avant, ces produits partaient pour beaucoup à l'équarrissage, mais comme ça coûte cinq fois moins cher que le vrai bifteck, ce marché se développe. Et bien sûr, certains en profitent pour y ajouter n'importe quoi: des viscères, des tendons, des broyats d'os, du sang. Ne parlons pas davantage de ce qui se dissimule en Europe sous le nom de viande hachée, qui peut contenir, en sus du boeuf, de la volaille, du lapin, de la chèvre, du cheval... Bon appétit ! Merci le principe du cassis de Dijon, qui permet de faire entrer en Suisse tout ce qui est autorisé en Europe, et vive Bruxelles ! Le peuple s'est fait avoir avec cette promesse de baisse des prix liée au principe du cassis de Dijon, c'était un mensonge parce que la seule réalité a été une baisse de qualité autorisée pour la nourriture.

C'est un système à deux vitesses: en Suisse, quand on parle des indications sur les produits alimentaires, les chimistes cantonaux font les malins; je me souviens à ce propos qu'on m'avait demandé de refaire des étiquettes indiquant le degré d'alcool sur mes bouteilles parce que - ô crime majeur ! - au lieu de mesurer 4 millimètres, elles en mesuraient 3.8 ! Dans le même temps, sur les produits qui nous viennent directement d'Europe, il faut un microscope de poche pour trouver les informations en français, qui se cachent entre celles en finnois et en serbo-croate ! Deux poids, deux mesures, donc. Mesdames et Messieurs, je vous demande de réagir et d'accepter cette résolution parce que nous avons besoin de transparence sur ce que nous mangeons, sur ce qu'on nous impose comme nourriture. Aussi, renvoyons cette résolution à Berne - ainsi que la prochaine, d'ailleurs.

Quand je vois tout ça, je pense au sympathique humoriste des années soixante et septante Jacques Bodoin, que les anciens connaissent peut-être encore et qui faisait de bons sketches. Dans l'une de ses histoires, il devait goûter un plat épouvantable et concluait ainsi: «Tout d'abord, j'ai cru que c'était de la crotte. [...] Et puis alors après, une fois que j'y ai eu goûté, [...] j'ai regretté que ça n'en fût pas !» Voilà.

Une voix. C'était de la panse de brebis farcie !

Le président. Merci, Monsieur le député. Il s'agissait de panse de brebis farcie !

Des voix. Exactement !

Le président. Avant de donner la parole à Mme la députée Isabelle Brunier, je vous présente mes regrets, Mesdames et Messieurs, de devoir vous infliger ces descriptions juste avant l'heure du repas. Madame Brunier, c'est à vous.

Mme Isabelle Brunier (S). Merci, Monsieur le président. En effet, le menu n'est guère appétissant mais le groupe socialiste a néanmoins décidé de s'attabler pour l'étudier avec circonspection. Voilà d'ailleurs pourquoi nous proposons, avant de renvoyer cette résolution à Berne, de l'étudier en commission de l'environnement et de l'agriculture afin d'en vérifier les termes et les informations, et ainsi éviter de se faire moquer pour une éventuelle xième Genferei. Même si le menu n'est pas appétissant, nous considérons que la malbouffe doit être combattue à tous les niveaux, quelle qu'en soit la provenance. En effet, on a l'air de stigmatiser ici la provenance étrangère; qui sait, peut-être de telles productions sont-elles également une réalité en Suisse ? Nous ne le savons pas et c'est la raison pour laquelle nous proposons, avant d'accepter cette résolution et de la renvoyer à Berne, de l'étudier d'abord en commission. Merci.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, les Verts accueillent cette proposition de résolution avec beaucoup de bienveillance. Nous sommes contents d'être rejoints par l'UDC sur les critiques contre le principe du cassis de Dijon, contre lequel nous avions d'ailleurs lancé un référendum qui n'avait malheureusement pas abouti au moment de son adoption par les Chambres fédérales. Il s'agit d'un problème important, qui grève tant les producteurs que les consommateurs suisses puisque nous nous retrouvons avec des aliments de mauvaise qualité dans nos assiettes. Ici, c'est le cas de la viande mais, plus globalement, cela concerne tous les aliments qui peuvent être importés selon les normes européennes et pas selon les normes suisses, celles-là même que nous imposons, à raison et à juste titre, à nos producteurs pour élaborer de la nourriture de qualité.

Bien évidemment, les Verts soutiendront cette résolution, comme ils vous invitent à soutenir le principe plus général d'encourager nos agriculteurs en ne permettant plus l'importation de denrées ne répondant pas aux standards imposés en Suisse. Cela correspond d'ailleurs exactement au texte de l'initiative pour des aliments équitables que les Verts ont déposée à Berne, laquelle demande justement que la nourriture importée réponde aux mêmes critères que ceux fixés pour les produits en Suisse. Ainsi, nous garantissons des aliments de qualité pour les consommateurs et un peu de justice pour le monde paysan et agricole helvétique, qui en a bien besoin. Je vous remercie.

M. Guy Mettan (PDC). Au début, le parti démocrate-chrétien a quelque peu hésité sur le sort à réserver à cette résolution mais, en l'examinant attentivement, il s'est rendu compte qu'elle mettait le doigt sur un vrai problème; aussi est-elle intéressante et mérite-t-elle d'être étudiée. Il s'agit surtout de déterminer s'il faut la renvoyer à la commission de l'environnement et de l'agriculture ou à celle de la santé. En effet, d'après les descriptions qui nous sont faites, je suis d'accord avec les signataires pour dire qu'il s'agit plutôt d'une question de malbouffe mettant en cause notre santé. On peut décider de la renvoyer à la commission de la santé ou à celle de l'environnement et de l'agriculture, c'est un peu égal même si, à nos yeux, il s'agit davantage d'une question de santé que d'agriculture. Dans tous les cas, ça ne change pas la réflexion sur le fond; cette résolution est intéressante et mérite d'être étudiée, et on verra le cas échéant s'il faut la renvoyer à Berne ou non.

Le président. Merci, Monsieur le député. S'agit-il d'une demande formelle de renvoi à la commission de la santé ?

M. Guy Mettan. Oui, disons que oui.

Le président. Merci pour cette précision. Je cède la parole à M. le député Jean Batou.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Pour le groupe Ensemble à Gauche, il est évident qu'une nourriture de ce type doit absolument être retenue à la frontière et que nous sommes favorables à une véritable souveraineté alimentaire - sur ce point-là, il pourrait peut-être y avoir des convergences intéressantes. En effet, il s'agit de prioriser de manière systématique la petite agriculture de qualité, comme le revendique l'initiative pour la souveraineté alimentaire qui va être déposée prochainement, dont la principale organisation porteuse est Uniterre et que le groupe Ensemble à Gauche et moi-même avons soutenue. Je pense qu'on prend, à travers la question de la viande de mauvaise qualité, le problème par un bout, mais plus on tirera sur cette ficelle, plus on se rendra compte que la malbouffe est un sujet extrêmement important et diffusé et qu'il faut instaurer des mesures systématiques à l'échelle fédérale afin de garantir à la fois le maintien d'une petite agriculture et la qualité de l'alimentation, tout en évitant des transports sur longue distance d'aliments qui peuvent être produits ici selon des critères de qualité supérieurs. Merci.

M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution reprend des problématiques connues s'agissant tant des produits carnés que d'autres denrées alimentaires. Le principe du cassis de Dijon permettant la reconnaissance des règles d'étiquetage et de production - cela a été voulu ainsi par la Confédération - il peut en effet induire en erreur le consommateur qui ne s'y retrouve plus tant les législations sur l'étiquetage et les normes de production sont différentes suivant les pays.

Il existe une autre solution à Genève, qui ne nécessite ni de légiférer ni d'imposer quoi que ce soit pour garantir des approvisionnements de qualité: c'est assez simple, il s'agit d'adapter ses habitudes de consommation, par exemple en achetant des produits labellisés «Genève Région - Terre Avenir»... (Exclamations. Quelques applaudissements.) ...lesquels sont contrôlés dans et par le canton, propriétaire de la marque. Dans un deuxième temps, on peut consommer suisse, les règles d'étiquetage et de production helvétiques étant assez claires. Mais surtout, il ne faut jamais oublier que les consommateurs ont le pouvoir d'orienter l'offre dans les commerces de par leurs choix de consommation.

Malgré la justesse de l'exposé des motifs, nous pensons qu'il est préférable de continuer à informer les consommateurs des alternatives existantes et d'en faire la promotion plutôt que de tenter, par notre seul droit d'initiative, de faire entrer en débat les Chambres fédérales. Cependant, afin de vérifier si notre analyse est correcte, nous soutiendrons tout de même la demande de renvoi à la commission de la santé. Merci.

M. Eric Leyvraz (UDC). Très rapidement, Monsieur le président, j'aimerais répondre à une question posée par une préopinante. Nous faisons aujourd'hui face à un problème auquel le Conseil fédéral n'avait pas songé - et il est d'ailleurs en train d'auditionner les cantons pour y trouver une solution - à savoir la mise sur le marché de produits fabriqués en Suisse selon des normes européennes inférieures mais qui portent quand même le label suisse, ce qui est une tromperie vis-à-vis du consommateur, lequel pense manger un produit élaboré selon les normes helvétiques alors que ce n'est pas le cas. Il s'agit là d'une raison de plus pour intervenir à ce sujet. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Ainsi que ça a été signalé par plusieurs d'entre nous, il s'agit d'une question d'ordre fédéral, et il ne faut bien entendu pas se priver de faire fonctionner nos droits. Je relève aussi la problématique de la production locale, et c'est de celle-ci qu'il est question ici. Nous savons - nous l'avons vécu, l'histoire nous l'a montré - qu'on peut produire du blé en manoeuvrant des farines animales, on peut également condamner les consommateurs à mal s'alimenter en manipulant l'information. Dans le cas présent, comme on dit à Dijon... (Exclamations.) Ah, mais oui...! (Quelques applaudissements.) Merci, c'est trop d'honneur ! ...c'est l'occasion de renvoyer ça en commission, c'est là qu'on fait nos achats, notamment pour manger !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez dit, il s'agit d'une question de droit fédéral, et c'est la raison pour laquelle cette proposition de résolution nous demande d'interpeller le Conseil fédéral. Il faut savoir que depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen, il n'y a plus de contrôles ni de vétérinaires à la frontière pour vérifier les denrées importées de l'Union européenne, comme c'était le cas avant. Il faut souligner aussi que la législation suisse est identique à la législation européenne dans ce domaine. En Suisse, l'ordonnance sur les épizooties nous indique quel matériel à risque en provenance de l'animal doit être retiré après l'abattage et immédiatement détruit - puisqu'il est bientôt l'heure du dîner, je ne vous citerai pas la liste complète ! - tandis que l'article 4 de l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur sur les denrées alimentaires d'origine animale nous détaille les parties animales que l'on ne peut pas utiliser; le reste, en effet, peut être employé pour la production en Suisse comme dans l'Union européenne.

Le plus gros problème concerne surtout l'information, et le Conseil d'Etat était déjà intervenu dans ce sens il y a trois ans, dans le cadre des modifications législatives, pour attirer l'attention sur l'impérieuse nécessité d'indiquer le contenu de la viande mise à disposition sur nos étalages. Sur ce point, les choses n'évoluent pas franchement, et c'est vrai qu'il est difficile d'avancer seul dans ce domaine. Pour ma part, je ne vois pas d'objection à ce que ce texte soit renvoyé en commission pour que nous puissions approfondir la question et déterminer de quelle modeste manière nous pouvons, à Genève, faire en sorte que les choses s'améliorent ou en tout cas informer notre population que nous ne pouvons pas garantir le fait que le contenu des produits qui viennent d'ailleurs soit indiqué de manière totalement transparente sur l'emballage. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission, la première à celle de l'environnement, la seconde à celle de la santé. Je les mets aux voix l'une après l'autre.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 725 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 53 non contre 29 oui.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 725 à la commission de la santé est adopté par 82 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au terme de cette session. Je vous remercie de votre collaboration et vous souhaite, outre un bon appétit, un excellent week-end. Bonsoir à tous !

La séance est levée à 19h50.