République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 792
Proposition de résolution de Mmes et MM. Eric Stauffer, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Stéphane Florey, André Python, Jean-Marie Voumard, Jean Sanchez, Danièle Magnin, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Christian Flury, Jean-François Girardet, Claude Jeanneret, Christina Meissner, Bernhard Riedweg, François Baertschi, Thierry Cerutti, Norbert Maendly, Patrick Lussi, Michel Baud, Carlos Medeiros : Aidons les réfugiés sur place ! Ils sont mieux chez eux plutôt que chez nous
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. L'ordre du jour de cette séance extraordinaire appelle le traitement de la R 792 en catégorie II - trente minutes. Je passe la parole au premier signataire, M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de résolution du MCG n'a pas pour vocation d'être polémique. La résolution du MCG se propose d'apporter une aide ponctuelle et immédiate, à la discrétion du Conseil d'Etat, sur les budgets de l'aide au développement, à savoir les fameux 0,7% de son budget de fonctionnement que le canton de Genève devrait reverser annuellement.

Aujourd'hui, tous les parlements en Suisse et en Europe parlent des réfugiés, mais finalement ils ne font qu'en parler, et personne n'agit. La résolution du MCG vous propose, certes modestement, de contribuer immédiatement à l'aide à ces pauvres malheureux, non pas par le biais de mesures aux frontières - parce que là il est déjà trop tard - mais en aidant les ONG qui, sur place, essaient d'endiguer ces phénomènes migratoires.

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui vous êtes donc devant un choix: soit vous faites le choix d'une politique politicienne qui va balayer cette résolution, et alors vous aurez fini de démontrer à la population votre taux d'hypocrisie... (Exclamations.) ...car c'en sera une si vous refusez cette résolution, soit vous permettrez au Conseil d'Etat, selon son choix et selon les possibilités, sans mettre en danger l'aide au développement, de choisir un montant qui constituera une aide immédiate et ponctuelle; il s'agit d'une aide certes modeste, mais c'est au moins une pierre que l'on apporte à l'édifice. Et j'invite tous les parlements de Suisse et d'Europe à faire de même, car c'est avec les petites rivières qu'on finit par former des fleuves et des océans. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, depuis plus de quatre ans la Syrie est à feu et à sang, et la population civile est la première touchée par cette affreuse guerre. Tant le régime en place que Daech ont en effet pris pour cible les civils, n'hésitant pas à bombarder hôpitaux et écoles, et détruisant des villes entières. Depuis le début du conflit, la communauté internationale assiste, impuissante, à ce désastre, et elle est incapable d'agir de manière concertée pour y mettre fin. Devant ce constat d'échec, elle doit au moins faire tout son possible pour alléger les souffrances de la population civile et venir en aide aux victimes. Fuyant la guerre, des millions de personnes sont déplacées, et les réfugiés se comptent aussi désormais par millions; 95% d'entre eux vivent actuellement au Liban, en Turquie, en Jordanie, en Irak et en Egypte. Mais, à nouveau, la communauté internationale néglige ces réfugiés et ne donne pas les moyens aux organisations internationales de subvenir à leurs besoins. Alors oui, certains réfugiés ont repris la route dans l'espoir de pouvoir mener une vie digne, et ils arrivent désormais en Europe. Cette situation est certes grave et les images qui nous parviennent sont frappantes. Mais dans l'histoire de l'Europe et de la Suisse, ce n'est pas la première fois que cela arrive, et ce ne sera pas la dernière. Nous avons su accueillir de nombreux réfugiés par le passé, et nous serons capables d'en accueillir à nouveau. Chaque pays se doit de participer à l'accueil de réfugiés selon son poids démographique et sa force économique. Il en va de notre dignité.

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas certaine que les manuels d'histoire seront très indulgents à notre égard. Genève est la capitale mondiale de l'humanitaire, elle se targue d'accueillir les sièges du HCR ou de l'OIM, et c'est le berceau de la Croix-Rouge. Les retombées, tant pécuniaires qu'en termes d'image, sont très positives pour le canton. Dans ce contexte, convoquer une séance extraordinaire du Grand Conseil sur un sujet aussi grave à Genève, capitale humanitaire, est vraiment indigne. Pire, même, ce genre de gesticulation met en péril la place de Genève dans le monde. Cette instrumentalisation d'une crise... (Commentaires.) ...qui n'en est même pas une pour la Suisse est déplorable. En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront les trois objets présentés devant vous et vous invitent à faire de même. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancienne collègue et présidente du Grand Conseil Mme Anne Mahrer, conseillère nationale. (Applaudissements.) Je passe la parole à M. Pierre Gauthier.

M. Pierre Gauthier (EAG), député suppléant. Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues députés, cette séance nous permet de rappeler l'ampleur du conflit syrien qui dure depuis plus de quatre ans: 250 000 morts, un million de blessés, 15,5 millions de personnes déplacées et 12 millions de personnes déplacées en Syrie même. Ce bilan est un défi qui est posé à nos pays pour répondre dignement à de telles crises et refuser la surenchère démagogique qui nous est imposée aujourd'hui.

La proposition de résolution 792 demande trois choses: transférer une partie des crédits nationaux alloués au développement vers l'aide d'urgence, assister les personnes dans la détresse et aider les réfugiés en priorité sur place. Renseignements pris auprès des acteurs humanitaires, voyons ce que fait la Suisse aujourd'hui. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cette année, le budget du CICR pour la Syrie seulement se monte à 164 millions de francs suisses. Depuis 2011, la Suisse a pour sa part consacré 215 millions de francs pour lutter contre les effets de la crise syrienne. Mi-septembre 2015, le Conseil fédéral a encore augmenté de 70 millions le budget de l'aide d'urgence. Une moitié des fonds est engagée pour soulager les pays voisins de la Syrie, tandis que l'autre moitié est engagée en Syrie même, principalement par le CICR, le HCR et le Programme alimentaire mondial. Pour les réfugiés arrivés dans les pays des Balkans, la Suisse a également débloqué des moyens supplémentaires pour aider ces pays et la Grèce à faire face à la crise actuelle. Nous sommes donc très loin de ce qui a été dit précédemment, à savoir que notre pays ne ferait rien. C'est un scandale de penser des choses pareilles. Dans notre pays, justement, sur une échelle bien plus modeste, 460 personnes particulièrement vulnérables ont déjà été accueillies. Ce nombre va rapidement croître de 3000 personnes supplémentaires. Nous sommes donc totalement éloignés du prétendu flot de migrants dont nous parle cette résolution. Enfin, le 18 septembre, le Conseil fédéral a décidé de participer au programme européen de relocation des 40 000 personnes qui sont arrivées après avoir traversé la Méditerranée et qui seront réparties dans toute l'Europe. Dans un premier temps, 1500 personnes, actuellement en Grèce ou en Italie, seront réinstallées en Suisse.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Gauthier. L'inutile résolution 792 demande donc soit ce qui se fait déjà, soit ce qu'il ne faut pas faire. En effet, vouloir transférer les fonds du développement vers l'assistance d'urgence est absurde, car cela reviendrait à vouloir traiter uniquement les effets sans traiter les causes. Comme si l'on pouvait supprimer l'hôpital...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Gauthier. ...et ne conserver que les ambulances. C'est absurde, je vous demande donc de soutenir notre amendement et, dans le cas contraire, de refuser cette résolution. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Nous sommes réunis par la seule volonté de deux groupes, alors même que cette demande, dont le but central est le respect des droits humains, figure dans tous les programmes des partis qui nous sont opposés. Cette demande devrait faire l'unanimité, tant la situation de centaines de milliers de personnes sur les routes est une honte pour l'humanité tout entière. Il est de notre devoir collectif de veiller à leur sécurité sur place, avant qu'elles ne deviennent les proies faciles de passeurs et d'autres mafias. C'est le sens de la résolution 792, il n'y en a pas d'autre ! Nous ne sommes pas, au contraire de ce que tente de faire accroire le banc d'en face, des adeptes fanatiques d'une doctrine, prêts à exécuter aveuglément les ordres d'un maître. Tout au contraire, ce sont ceux qui pensent cela de nous qui sont des séides. La réalité à laquelle nous devons répondre en cet instant est la suivante: pouvons-nous exposer des centaines de milliers de nos frères humains à la sauvagerie de bandes organisées en attendant confortablement installés ici ? Celles et ceux qui soutiendraient le contraire sont de fait les complices à la fois de trafics innommables, mais aussi des pays qui, pour servir leurs appétits financiers, ont déstabilisé l'entier d'une région du monde. Ne nous y trompons pas, les responsables de ces guerres à répétition sont les mêmes que ceux avec lesquels la Suisse en général, et Genève en particulier, entretient un négoce régulier, oubliant de voir que ces Etats-là sont autrement plus voyous que les régimes qu'ils auront déstabilisés. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir la proposition de résolution 792. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est tout de même cocasse de relever que les Sumériens, soit les ancêtres des Syriens, réfugiés majoritaires dont nous parlons ici, ont créé il y a 5000 ans la première civilisation et le premier parlement que l'on connaisse à ce jour. Celui-ci se composait déjà de deux chambres: un sénat et une chambre basse. Si l'on songe à la manière et aux raisons de notre assemblée de ce jour, nous avons des choses à apprendre de ce peuple.

La résolution 792 est inacceptable pour les socialistes: elle demande d'ôter de l'argent sous la rubrique «Aide au développement» pour le donner à l'aide d'urgence en Syrie. C'est comme vouloir fermer ici le bâtiment des lits, le service de santé de la jeunesse et les médecins privés, pour ne développer que les urgences. Face à la tragédie de quatre ans de guerre destructrice en Syrie, nous n'avons plus le choix, Mesdames et Messieurs les députés: nous devons nous impliquer pour participer à la protection des personnes qui se trouvent sur les routes d'Europe et accueillir des réfugiés en Suisse, nous devons accorder une aide humanitaire plus importante, certes, et, dès que cela sera possible, soutenir le développement et la reconstruction des infrastructures nécessaires à la société civile syrienne.

Mesdames et Messieurs, il est bien peu de chose d'accueillir des civils par rapport au fait de vivre une guerre. Les socialistes n'accepteront pas la résolution 792 qui nous est présentée ici, que je qualifierais de texte rédigé sur un coin de table de bistrot. (Applaudissements. Remarque.)

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de cette résolution essaient de nous convaincre qu'elle n'est pas polémique et qu'elle désire uniquement venir en aide à une population en détresse. Pour le PDC, il est déjà difficile de croire en la bonne foi des auteurs de ce texte... (Commentaires.) ...étant donné les multiples prises de position qu'ils ont toujours eues concernant l'aide au développement et l'aide aux migrants en règle générale... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! (Remarque.)

Mme Béatrice Hirsch. Toutefois, le PDC est très attaché à la tradition humanitaire de Genève en général et à l'aide aux personnes en détresse en particulier, alors essayons de nous pencher sur les invites de cette résolution.

Premièrement, elle demande au Conseil d'Etat de restructurer - et je reprendrai le terme du premier signataire de cette résolution - immédiatement, là, tout de suite, à l'instant - j'espère que le Conseil d'Etat a pris bonne note - l'aide au développement en favorisant, avec le même budget, l'aide d'urgence. Il s'agit donc, en pleine épidémie, d'arrêter simplement la vaccination, sans imaginer que l'un a un effet sur l'autre, et surtout qu'en l'occurrence il ne sert à rien de prendre les habits de Paul pour habiller Pierre.

Deuxièmement, la résolution invite à aider en priorité les personnes dans la détresse... Parce que, en règle générale, l'aide au développement, l'aide aux migrants et l'aide d'urgence ne s'adressent pas à des personnes en détresse ? Monsieur le président, je l'apprends à la lecture de cette invite. Et il est ajouté ensuite: «selon la tradition humanitaire genevoise». Nous y sommes tous très attachés.

Enfin, la résolution invite à aider les réfugiés sur place de préférence. Alors il y a là une question sémantique: qu'est-ce qui est sur place ? Le Conseil d'Etat doit-il aller là-bas ? Au moment où les gens sont là-bas, ce ne sont pas des réfugiés: ce sont des réfugiés quand ils sont chez nous... (Brouhaha.)

Monsieur le président, cette résolution ne tient pas debout ni assise, on ne croit pas au désir des auteurs de ce texte de réellement être efficaces autrement que pour faire parler d'eux. Mesdames et Messieurs, le PDC vous encourage donc à refuser cette plaisanterie, à refuser cette résolution. (Applaudissements. Exclamations.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Henry Rappaz, à qui il reste quarante-deux secondes, plus une minute sur le temps accordé au premier signataire.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président. Oui, on le sait, la population syrienne est plongée dans une grande misère et souffrance. Nombreux sont ceux qui fuient la guerre. Les hommes adultes surtout quittent le pays en laissant malheureusement le fusil aux mains des femmes pour qu'elles se défendent et se battent seules contre l'armée islamique. La Suisse, et Genève en particulier, n'a pas de solution miracle pour héberger tous les demandeurs d'asile entrants, et notre ville souhaite ne pas connaître le même chaos que celui qui a été provoqué en Suède, en Hongrie ou ailleurs encore - et aujourd'hui en France, exactement. Le MCG désire que l'aide attribuée soit minutieusement étudiée afin que l'on vienne en aide réellement aux vrais réfugiés de guerre.

Ultime remarque: la Suisse ne devra pas profiter par la même occasion de l'exode des cerveaux syriens qui, bien entendu, sont également mélangés parmi ces demandeurs d'asile. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Comme députée indépendante, je me permettrai cet après-midi de regarder un peu ce qui s'est passé dans l'histoire de la Suisse, qui est une sorte de mythe alpestre pour l'ensemble du monde. Je ne renie rien de ce qui a été dit par la députée Sophie Forster Carbonnier, et je ne vais donc pas en rajouter sur l'historique de la situation actuelle en Syrie. J'aimerais par contre évoquer l'attitude de la Suisse en 39-45, et l'on pourra faire une analogie avec aujourd'hui. Quel était notre rôle, principalement par rapport à l'Allemagne ? Un rôle de complicité. Deuxième point: la discrimination des juifs. C'est vrai, nous n'avons pas discriminé les juifs de Suisse, mais nous avons fermé les frontières. L'Union démocratique s'est illustrée à cette époque-là en jouant un certain rôle, représenté par une rue de Genève portant le nom de M. Giuseppe Motta, partisan du fascisme, qui a été président de la Confédération de nombreuses fois. (Commentaires.) Merci à cette rue !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci beaucoup. (Remarque de M. François Baertschi.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'avez pas la parole.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Pour ce qui est du mensonge, je le laisse à la personne qui le dit ! La neutralité de la Suisse a été remise en cause, et on le sait bien... (M. François Baertschi continue à s'exprimer.)

Le président. Vous n'avez pas la parole !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...depuis plusieurs années. Aujourd'hui, ce que nous voulons, c'est rester entre nous... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je prierai le député qui parle sans arrêt de se taire ! Vous parlerez après, c'est tout ! Voilà, taisez-vous ! (Exclamations. Applaudissements.) Ça y est ? C'est bon ?

Le président. Il vous reste dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Non, j'ai été interrompue, Monsieur le président.

Le président. Il vous reste donc dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Un peu plus !

Le président. Il vous reste donc dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Si vous voulez ! (Rires.) Si nous désirons aujourd'hui rester entre nous dans l'ensemble de notre pays, eh bien j'aimerais dire ceci: souhaitons-nous répéter l'histoire ? La même qu'en 39-45 ? N'avons-nous donc rien appris ? Quels sont notre responsabilité, notre identité et notre honneur aujourd'hui ?

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je refuserai ces trois résolutions et reprendrai la parole tout à l'heure sur les autres objets. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée, c'est terminé. Je passe la parole à M. le député Alexandre de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution, disons-le tout de suite, est tout simplement de la gesticulation électorale, à deux semaines des élections fédérales. (Applaudissements. Commentaires.) L'objectif de la manoeuvre n'est pas de proposer le début d'une solution à la crise migratoire, mais d'occuper le terrain médiatique. En effet, proposer de prendre des fonds qui sont actuellement engagés pour l'aide au développement n'est pas réaliste et n'offre en aucun cas une solution crédible pour limiter l'arrivée de migrants en Suisse. Le groupe PLR refusera donc cette résolution ainsi que l'amendement d'Ensemble à Gauche.

Puisque nous en sommes au registre de la posture politique, je tiens à rappeler ici la position très claire, cohérente et constante du PLR sur ce sujet. (Remarque de M. Eric Stauffer. Commentaires.)

Le président. Monsieur Stauffer, vous n'avez pas la parole. (Chahut. Le président agite la cloche.) Poursuivez, Monsieur le député.

M. Alexandre de Senarclens. Le PLR défend...

M. Eric Stauffer. Imposteurs ! (Exclamations.)

Le président. Vous n'avez pas la parole, Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! On vous a écouté, alors veuillez respecter les autres. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.

M. Alexandre de Senarclens. Le PLR défend une politique d'asile ferme et juste. Juste, cela veut dire que nous faisons face à nos responsabilités en accueillant ceux qui sont persécutés dans leur pays pour des raisons politiques, religieuses ou ethniques. Aussi les réfugiés de guerre doivent-ils obtenir une protection provisoire dans notre pays. Genève est la patrie d'Henry Dunant et du CICR, et donc du droit humanitaire. Nous avons sur notre sol, cela a été rappelé, le HCR ainsi que le siège européen de l'ONU. Notre histoire a toujours été marquée par l'accueil des persécutés, des protestants, des huguenots, des Italiens, jusqu'aux Hongrois et aux Kosovars plus récemment. Par conséquent, au PLR nous défendrons toujours cette tradition d'accueil ancrée dans le droit d'asile. Et si nous sommes justes, au PLR, nous devons aussi être fermes. C'est le constat que nous ne pouvons et nous ne voulons pas accueillir toute la misère du monde. Les migrants économiques doivent être, avec respect mais fermeté, renvoyés dans leur pays d'origine. Le canton de Genève, sous la direction du conseiller d'Etat Pierre Maudet, a fait augmenter de façon très significative le nombre de personnes renvoyées, et le PLR est en total accord avec cette politique de fermeté. Enfin, au niveau fédéral il est important de rappeler que par son vote très clair du 9 juin 2013 sur les mesures urgentes destinées à l'asile, le souverain suisse a accepté ces principes de fermeté et de justice. Il est dès lors primordial pour le PLR de donner suite à ces mesures afin qu'elles soient...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Alexandre de Senarclens. ...intégrées le plus rapidement possible au droit ordinaire, pour un raccourcissement des procédures d'asile et donc un traitement digne des postulants à l'asile. (Applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). Nous sommes tous convaincus d'une chose, c'est que nous sommes confrontés à un problème émotionnel qui nous touche profondément. Mais indépendamment de cette considération, il faut savoir faire le distinguo entre l'émotion, la réflexion et la raison. Je m'étonne que dans cet hémicycle il puisse y avoir des personnes opposées sur le fond - je parle bien du fond - à cette résolution. Peut-être que dans la forme, elle n'est pas parfaite, peut-être qu'à certains égards c'est un coup d'épée dans l'eau, mais je voudrais quand même rappeler que, par exemple, M. Borloo, bien avant le MCG, avait défendu avec ardeur ce problème de migration - ou d'invasion - expliquant de façon constructive, raisonnée et scientifique que c'était la seule solution. Et bien avant, un personnage qui tient à coeur aux gens de la gauche, François Mitterrand, avait longuement débattu de cette question pour dire que, sur le problème migratoire, il n'y avait pas d'autre terme à l'alternative que celui de sédentariser ceux qui voulaient partir. Je ne comprends donc pas qu'il y ait eu des éclats et des esprits un peu échauffés par rapport à une résolution qui, sur le fond, est bonne. Et d'ailleurs, que l'on soit pour ou contre, beaucoup sont pour cette solution. Je ne peux m'empêcher, Monsieur le président, de penser à la dernière diffusion de l'émission intitulée «On n'est pas couché», où Laurent Ruquier a montré un dessin. Le dessin était bien fait, mais je n'ai pas du tout aimé le texte, alors ne criez pas. Il était écrit: «Les réfugiés, à peine arrivés, ils nous font déjà...» Le dernier mot, je vous laisse le trouver, car je ne veux pas qu'il figure au Mémorial !

Tout ça pour dire que, de toute façon, par rapport à cette problématique, il y a des oppositions qui sont nettement marquées, mais qu'il faut savoir aborder ce problème avec une réflexion qui dépasse la simple émotion, les écarts de langage ou les mouvements de mauvaise humeur. Pour avoir bien étudié le problème, d'autres avant nous l'ont dit: il est bien de pouvoir, dans la mesure du possible, sédentariser ces gens et éviter des déplacements qui sont destructeurs non seulement pour ceux qui reçoivent mais aussi pour ceux qui partent. C'est dans cet esprit-là que j'approuve la résolution présentée par le MCG. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour cinquante secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous apprêtez à dévoiler votre vrai visage à l'entier de la Suisse. (Exclamations.) Aujourd'hui, vous allez refuser une aide qui aurait pu être certes modeste, mais ponctuelle et immédiate... (Une personne à la tribune déroule une banderole. Un gendarme intervient. Chahut. Protestations.) Or aujourd'hui vous démontrez... (Huées.)

Le président. Je suspends la séance ! (Chahut. Des personnes à la tribune chantent «Oh là là, oh lé lé, régularisez tous les sans-papiers !» en applaudissant.) La séance est suspendue ! Je demande aux gendarmes d'évacuer la tribune ! (Les manifestations à la tribune continuent. Un instant s'écoule.) Je vous demande d'évacuer la tribune ! (Les chants se poursuivent. Un instant s'écoule.) Mesdames et Messieurs, je vous demande de bien vouloir quitter la salle ! (Chahut à la tribune. Des manifestants scandent «Say it loud, say it clear, refugees are welcome here !» et «C'est pas les réfugiés, c'est pas les immigrés, c'est le MCG qu'il faut virer ! C'est pas les réfugiés, c'est pas les immigrés, c'est l'UDC qu'il faut virer !» Applaudissements. Les manifestants sont évacués de la tribune.)

La séance est suspendue à 17h30.

La séance est reprise à 17h42.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places. (Un instant s'écoule.) Merci de regagner vos places ! Nous reprenons nos travaux. Quelles que soient les opinions des uns et des autres, je souhaiterais que l'on débatte dans le respect et dans l'écoute. C'est la moindre des choses, et je ne tolérerai plus ce genre d'incidents, qui sont un non-respect de nos institutions. (Applaudissements.) Monsieur Stauffer, vous avez la parole pour trente secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme je le disais, ce parlement va dévoiler son vrai visage en refusant cette résolution, qui pourtant pouvait apporter une aide modeste et immédiate - c'était le plus important - à ceux qui en ont le plus besoin. En effet, il y a 1 million de réfugiés à côté de la Syrie, et 1,9 million en Turquie. Mais voilà, Mesdames et Messieurs, par vos basses manoeuvres politiques et l'instrumentalisation de ceux qui ont interrompu cette séance, vous allez priver les ONG...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. ...de cet argent qu'on aurait pu leur envoyer tout de suite. Vous êtes des hypocrites, et aujourd'hui la Suisse le saura ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue Roger Golay, conseiller national. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys pour une minute vingt.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut dire que cette proposition de résolution, par son titre, par les propos qui ont été tenus et par ses signatures, est tout simplement une insulte à l'humanité... (Protestations.) ...une insulte à la dignité et une insulte à Genève. (Huées. Applaudissements. Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, il faut se souvenir qu'aujourd'hui les réfugiés qui viennent de Syrie et d'Irak fuient avec leur famille un conflit pour échapper aux bombes, aux massacres... (Remarque de M. Eric Stauffer.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! On vous a écouté, alors veuillez laisser parler l'orateur !

M. Roger Deneys. ...et à la misère qui va avec. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit justement d'un cas d'urgence qui demande de notre part un effort d'urgence. (Commentaires.) L'aide d'urgence est complémentaire à l'aide au développement et il ne s'agit pas de substituer l'une à l'autre. J'aimerais aussi vous rappeler que le MCG, avec l'UDC et le PLR - qui joue parfois un jeu étrange - a coupé 500 000 F à la Fédération genevoise de coopération...

Le président. Il vous reste quinze secondes.

M. Roger Deneys. ...et qu'il est tout simplement inadmissible de remplacer l'aide au développement par de l'aide d'urgence. Mesdames et Messieurs les députés, je vous proposerais bien volontiers...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...d'envoyer vingt-cinq députés signataires en Syrie...

Le président. C'est terminé.

M. Roger Deneys. ...et de prendre vingt-cinq réfugiés syriens ici. (Exclamations. Commentaires. Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je regrette également les incidents qui ont émaillé ces débats, car je pense - et je crois que tout le monde est de cet avis - que si nous ne partageons pas les mêmes idées sur un sujet, la moindre des choses est de respecter ceux qui s'expriment. Pour ma part, je n'ai entendu ni propos racistes ni propos xénophobes dans cette salle. Nous sommes saisis d'une résolution, et je ne ferai pas de procès d'intention à quiconque.

Je rappellerai tout d'abord que les grands principes de l'aide au développement sont fixés par la Confédération et mis en oeuvre par la Direction du développement et de la coopération du département fédéral des affaires étrangères. Tout récemment, le Conseil fédéral a voté un crédit complémentaire de 50 millions de francs, dont une partie servira précisément à aider sur place les secteurs humanitaires en Syrie, en Irak et en Afrique en général. A Genève, nous avons bien évidemment le service de la solidarité internationale qui finance des projets d'aide au développement, avec un budget annuel - qui est modeste, il faut le dire - de 7,5 millions.

Il nous est demandé ici de restructurer l'aide au développement en favorisant, avec le même budget, l'aide d'urgence. Je comprends de cette invite qu'on nous demande, dans le cadre de l'enveloppe budgétaire qui est la nôtre, d'aider en priorité les personnes qui se trouvent dans une situation d'urgence. Je dirai que c'est quelque chose que le Conseil d'Etat fait déjà, il ne voit donc aucun problème à ce qu'on lui demande de faire ce qu'il fait déjà. Je rappelle quand même à toutes fins utiles que sur place, c'est-à-dire ici à Genève - et j'ai bien compris que ce n'est pas le «sur place» dont il est question dans la résolution qui vous est soumise - la part nette cantonale dans le domaine de l'asile - quand je parle de la part nette, c'est en plus de ce qui est versé par la Confédération et utilisé au niveau cantonal dans le domaine de l'asile - s'est montée à 22,5 millions en 2014. En 2015, cette part, qui était budgétée à 25 millions, est passée à 35 millions, d'où le fait que nous allons être contraints tout à fait prochainement - et d'ailleurs le Conseil d'Etat l'a déjà approuvé - de demander un crédit supplémentaire dans le domaine de l'asile de 10 millions, compte tenu de l'afflux massif de réfugiés dans notre canton. Donc Genève fait déjà beaucoup ici. Je conçois évidemment qu'il faut aussi agir sur place et, comme je l'ai indiqué, la Confédération a pour tâche principale, par son département fédéral des affaires étrangères, de précisément venir en aide sur place. Si chacun peut accomplir un geste supplémentaire dans ce sens, bien sûr nous pourrons le faire, avec toute la problématique entourant l'aide humanitaire sur place, qui doit être encadrée.

En ce qui concerne la deuxième invite, on nous demande d'aider en priorité les personnes dans la détresse selon la tradition humanitaire genevoise, et cela de manière immédiate. Comme je viens de le dire, nous le faisons: chez nous, personne n'est dans le dénuement. Je ne dis pas que nous sommes parfaits dans ce domaine, je me suis déjà exprimé à d'autres occasions sur le sujet, mais en tout cas nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons à Genève ou en Suisse. En effet, la part de réfugiés que nous accueillons par rapport à notre population est notablement supérieure à ce que l'on voit dans les pays voisins.

Enfin, on nous demande d'aider les réfugiés sur place de préférence. Bien sûr, nous sommes tous conscients que les problématiques dont nous supportons les conséquences ici dans nos pays ont leurs sources dans d'autres pays. Il s'agit de sources complexes, évidemment, sur lesquelles nous avons, nous, Suisses, peu de prise; nous en sommes les récipiendaires, comme d'autres pays européens, ce qui bien sûr ne nous dispense pas de notre solidarité internationale. Alors pour ce qui est d'aider les personnes sur place, très certainement, et Genève, par l'intermédiaire de son Conseil d'Etat, est prêt à faire mieux encore s'il le peut, avec les enveloppes budgétaires qui sont à sa disposition.

Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'il n'y a effectivement pas à monter aux barricades face à une résolution comme celle-ci, qui ne mettrait aucunement le Conseil d'Etat dans l'embarras si elle lui était renvoyée. Mais je m'en remets évidemment à votre appréciation à cet égard. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous allons tout d'abord nous prononcer sur l'amendement de M. Pierre Gauthier, qui consiste à supprimer les termes «invite le Conseil d'Etat» ainsi que les trois invites de la R 792, afin de les remplacer par le texte suivant:

«Déclare souhaiter que le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève:

- débloque un crédit extraordinaire destiné à l'aide humanitaire d'urgence;

- consacre au moins 0,7% du budget annuel à l'aide au développement;

- mette à disposition tout ou partie de l'actuelle caserne des Vernets pour y abriter les personnes qui seront accueillies par Genève notamment dans le cadre du programme européen de relocation des réfugiés syriens.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 30 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous votons maintenant sur la proposition de résolution elle-même.

Mise aux voix, la proposition de résolution 792 est rejetée par 58 non contre 30 oui (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal