République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h40, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet et Mauro Poggia.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Olivier Baud, Beatriz de Candolle, Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, Lionel Halpérin, Carlos Medeiros, Rémy Pagani et Pierre Weiss, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Christian Decorvet, Pierre Gauthier, Jean-Charles Lathion, Magali Origa et Marion Sobanek.

Annonces et dépôts

Néant.

IN 155-B
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier l'initiative populaire 155 "Touche pas à mes dimanches!"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.
Rapport de majorité de M. Jean-Marie Voumard (MCG)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Débat

Le président. Le point fixe suivant est l'IN 155-B, et je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'initiative 155 a été lancée dans le contexte de l'adoption de la motion Abate, déposée aux Chambres fédérales. Elle demande que tous les magasins demeurent fermés le dimanche et les jours fériés, sauf ceux qui bénéficient d'une dérogation, comme les hôtels, restaurants et hôpitaux. L'initiative a été étudiée pendant deux séances de la commission de l'économie et, lors de cet examen, nous avons constaté que seuls les commerces répondant à des conditions cumulatives prévues par l'article 25, alinéas 1 et 2 de l'ordonnance relative à la loi sur le travail pouvaient - et non pas devaient - ouvrir le dimanche. Comme stipulé dans le rapport de minorité de M. Deneys, aucune généralisation des ouvertures dominicales ne peut donc se faire sans que les critères exigés soient remplis. L'IN 155 bloque ainsi toute possibilité de lancer une réflexion sur la mise en place éventuelle d'une zone touristique dans un périmètre défini de Genève, ainsi que l'a fait le canton de Vaud dans le quartier d'Ouchy et une partie de la ville de Montreux. Notre société évolue, Genève évolue; évoluons avec et favorisons l'économie locale ! La majorité de la commission vous demande de rejeter cette initiative et d'accepter la rédaction d'un contreprojet.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la question soulevée par cette initiative est celle de l'ouverture des commerces le dimanche et de l'hypothèse d'une extension de cette ouverture à davantage de dimanches que les quatre prévus aujourd'hui dans la loi fédérale. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, les horaires des commerces font l'objet d'initiatives et de votations dans tous les cantons, les uns après les autres. A Genève, le dernier débat en date sur le sujet concernait la LHOM, soit la loi sur les heures d'ouverture des magasins. Dans les autres cantons, c'est la même chose: il y a une volonté défendue par les milieux patronaux et libéraux d'étendre les horaires des commerces pour en généraliser l'ouverture à l'américaine, c'est-à-dire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Evidemment, l'idée sous-jacente est qu'on dispose d'une main-d'oeuvre sur appel, sous-payée, convoquée au dernier moment et intimidée par des menaces du type: «Si tu ne viens pas aujourd'hui, tu n'auras plus de travail !» On peut penser que c'est un fantasme mais, en réalité, c'est bien ce qui est sous-jacent dans le discours de M. Voumard et de la majorité, qui se disent: «Ah, ça existe dans les autres pays, ils ont dérégulé les horaires d'ouverture et ça marche très bien, alors faisons-le également, il n'y a pas de raison de ne pas en faire de même ici !»

Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative des syndicats a pour but de poser la question suivante au peuple: êtes-vous, oui ou non, en faveur d'une ouverture étendue des magasins ? Je vous rappelle que la dernière proposition de loi émanant des partis de droite et consistant à étendre les horaires des magasins jusqu'à 20h la semaine et 21h le samedi a été refusée en votation populaire. Or qu'est-ce qui se passe ? C'est refusé en votation populaire, canton après canton, et qu'est-ce qui se passe ? La droite, PLR en tête, revient à la charge aux Chambres fédérales en proposant des réformes par petits bouts, d'abord pour ouvrir les stations-service 24 heures sur 24, puis pour vendre tous les biens et services possibles et imaginables, et maintenant pour créer des zones touristiques. Mais oui, c'est vrai: les touristes ont absolument besoin de consommer le dimanche, faute de quoi ils ne reviendront plus en Suisse ! Vous pensez vraiment qu'on va avaler ce genre de balivernes ? Mesdames et Messieurs les députés, il faut arrêter de faire croire ce genre de choses aux gens. En réalité, les besoins en commerces le dimanche n'existent pas; mais évidemment, si ceux-ci sont ouverts le dimanche, une partie de la population va tirer profit de cette possibilité. Ceci dit, les porte-monnaie n'étant pas extensibles, il est très clair que ça ne répond pas à un quelconque besoin de la population.

Mesdames et Messieurs les députés, deux éléments sont à relever s'agissant de cette initiative: d'une part, comme M. Voumard et la majorité, on peut être dogmatiquement pour des ouvertures étendues en soirée et le dimanche toute l'année, ou alors on peut essayer de raisonner différemment et constater que ces ouvertures prolongées ne répondent à aucun besoin réel. Dans tous les cas, puisqu'on a une initiative, pourquoi faire un contreprojet ? Ce n'est pas la question de fond, on est pour ou contre l'ouverture des magasins 24 heures sur 24, 365 jours par an, mais est-ce qu'il faut un contreprojet à une telle initiative ? D'autre part, ce qu'il y a de très intéressant, c'est de traiter ce sujet juste après l'initiative 151 sur la sous-enchère salariale, qui avait fait l'objet d'une audition conjointe de l'UAPG et de la CGAS. Les représentants des milieux patronaux et les syndicats étaient venus ensemble nous dire qu'ils souhaitaient un contreprojet et nous demander d'aller dans ce sens. S'agissant de cette initiative, Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir que l'UAPG n'a même pas souhaité être auditionnée; l'hypothèse d'un contreprojet arrivé à la fin des travaux de commission n'est donc tout simplement pas crédible.

On peut être pour l'ouverture des commerces 24 heures sur 24, 365 jours par an, mais si on a cette position politique et idéologique, alors il faut soumettre cette initiative au peuple qui fera son choix, il ne faut pas retarder la soumission de cette initiative à la population genevoise ! Ce texte vise à maintenir le statu quo; c'est bien de ça qu'il s'agit: maintenir le statu quo. Du coup, les magasins situés dans des zones comme Carouge, la gare ou l'aéroport, qui ouvrent le dimanche, pourront toujours ouvrir le dimanche. Cette initiative ne change rien, elle maintient la situation actuelle à Genève. Mesdames et Messieurs les députés, si vous êtes pour le changement et l'extension des horaires d'ouverture des magasins, il faut soumettre cette initiative au peuple afin qu'il tranche et que ce Grand Conseil en prenne acte, si possible une fois pour toutes, sans revenir sans cesse à la charge par des moyens détournés comme la motion Abate aux Chambres fédérales et autres dispositifs à la Lüscher-PLR qui permettent d'étendre les horaires d'ouverture des stations-service. Après, on vient pleurer sur le sort des boulangeries comme ça s'est passé dans ce Grand Conseil, on vient dire que ce n'est pas normal, que si les stations-service ouvrent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, c'est dégueulasse que les boulangeries ne puissent pas en faire autant et qu'il faut donc étendre les horaires d'ouverture des boulangeries...! Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir poser la question au peuple quand une initiative nous est soumise, même si vous êtes contre, et vous avez évidemment le droit de l'être. En résumé, il faut refuser l'hypothèse d'un contreprojet...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. ...qui n'a été demandé par personne et accepter cette initiative pour ne pas étendre les horaires d'ouverture des commerces le dimanche, parce que ça ne répond à aucun besoin de la population genevoise.

M. Edouard Cuendet (PLR). Je n'en attendais pas moins de la part du rapporteur de minorité, qui s'inscrit dans la droite ligne de la stratégie mise en place de manière globale par le parti socialiste en particulier et la gauche en général - je ferai une petite distinction pour les Verts, qui ont fait preuve d'une certaine ouverture en la matière, c'est le cas de le dire ! Une fois de plus, la gauche veut faire croire qu'elle vole au secours des PME alors que tous les faits contredisent ces déclarations hypocrites. La réalité, c'est que la gauche met tout en place pour saboter notre tissu économique local et s'oppose systématiquement à l'extension même très limitée des horaires d'ouverture des magasins. Je prends pour exemple les boulangeries: grâce à la droite, le parlement a étendu les horaires d'ouverture des boulangeries à 7 jours sur 7 à la demande des commerçants eux-mêmes, qui jouent un rôle extrêmement important dans les quartiers, et je vois que même cette mesure est contestée par M. Deneys.

Par ailleurs, la gauche, PS en tête, s'oppose à la réforme de l'imposition des entreprises et à la fixation d'un taux unique à 13% qui fournirait justement un bol d'air à nos PME locales, lesquelles en ont bien besoin. Mais cela va encore plus loin puisqu'elle soutient l'introduction d'un impôt fédéral sur les successions, je le rappelle, au taux de 20% à partir d'un patrimoine de 2 millions. Or qui cette mesure va-t-elle toucher en premier lieu ? Les PME familiales, dont la transmission sera rendue impossible ! En parallèle, les socialistes disent qu'ils se préoccupent de l'impact du franc fort sur les PME, et quel est le seul remède qu'ils proposent ? La création d'un fonds de soutien financé, je vous le donne en mille, par l'augmentation de l'impôt sur les personnes morales ! C'est délirant !

Evidemment, les partis de gauche s'opposent à l'ouverture des magasins un certain nombre de dimanches par année, comme vient de le mentionner le rapporteur de minorité - une pratique pourtant courante, notamment à Zurich. Ce qui m'a étonné, c'est que M. Deneys, d'ordinaire très friand de chiffres, fait complètement fi de ceux qui sont sortis sur le tourisme d'achat, phénomène qui touche particulièrement Genève en tant que canton frontalier. Rappelons que le tourisme d'achat représentait en 2012 en Suisse 8,9 milliards de francs, plus de 10 milliards en 2013 et, en 2015, suite à la suppression du taux plancher, ce chiffre va encore augmenter, on dépasse les 10% du chiffre d'affaires global du commerce de détail. Si l'on écoute... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, je vous demande de faire silence pendant que l'orateur s'exprime. Merci.

M. Edouard Cuendet. Si l'on écoute les professionnels du commerce de détail, on apprend que les mois de janvier et février... (Brouhaha. Commentaires.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît ! (Plusieurs députées reprennent place.)

M. Edouard Cuendet. Quand mes collègues se seront assises...

Le président. Merci, Mesdames ! (Rires. Applaudissements.) Poursuivez, Monsieur le député.

M. Edouard Cuendet. Merci, Monsieur le président. Je continue sur le sujet du tourisme d'achat en redisant que cela touche plus de 10% du chiffre d'affaires global du commerce de détail en Suisse. A Genève, les mois de janvier et février 2015 ont été catastrophiques pour le commerce de détail suite à la suppression du taux plancher, et le mois de mars s'annonce noir. En France, les horaires d'ouverture des magasins vont être étendus, et on a également appris que la ville de Lyon allait bénéficier d'une zone touristique lui permettant à l'avenir d'ouvrir tous les dimanches de l'année. On sait que les Genevois vont facilement faire du shopping à Lyon; la concurrence sera donc encore plus terrible. Si l'on regarde la réalité des faits et des chiffres, on constate que le PS oeuvre à la destruction massive de nos commerces locaux. Voilà pourquoi je vous invite à rejeter fermement cette initiative et à lui opposer un contreprojet parce que, ainsi que nous l'avons dit clairement en commission, il n'est pas question de prôner l'ouverture des magasins tous les dimanches de l'année, mais de la limiter à un certain nombre selon les besoins du commerce. Encore une fois, c'est une possibilité laissée aux commerces, ils ne seront pas obligés de le faire ! Cela va dans l'esprit d'une économie libérale qui, heureusement, prévaut encore en Suisse. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole revient à Romain de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Madame la présidente de séance. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos députées de retour dans la salle, qui ont amené un peu de gaieté aux propos de M. Cuendet et à son austérité habituelle en matière de finances et d'économie ! J'ai entendu parler d'évolution en matière d'ouverture des magasins. Evolution, je ne sais pas trop... Il est toujours délicat de définir la notion d'évolution: dans quel sens va-t-elle ? Le progrès doit-il être antisocial et réside-t-il uniquement dans la croissance en matière de consommation ? On peut se poser ces questions. En tout cas, il y a quelques années, les Genevoises et Genevois avaient dit non à l'extension des horaires d'ouverture des commerces le soir.

Maintenant, j'entends dire également que l'ouverture des magasins le dimanche avantagerait les petits commerces. J'ai du mal à le croire réellement, d'autant que depuis l'extension des heures d'ouverture le jeudi soir, on constate que peu de petits commerces sont réellement ouverts à ce moment-là, cela profite davantage aux grandes enseignes. Je garde le même scepticisme quant aux horaires du dimanche: je peine vraiment à croire que les petits commerces profiteraient de ces mesures, dont bénéficieraient plutôt les grandes enseignes que l'on trouve dans les Rues Basses. A ce moment-là, quelle est notre vision du commerce de proximité, du commerce à taille humaine ?

Par ailleurs, on a évoqué la réforme de l'imposition des entreprises et attaqué la position de la gauche par rapport à celle-ci. Sachez que la gauche s'est toujours positionnée en faveur de l'égalité, tant pour les personnes physiques que morales. L'égalité, c'est vrai, est au rendez-vous de la réforme de l'imposition des entreprises, non pas parce que le discours socialiste aurait été pris en compte mais bien parce qu'une condition de l'OCDE contraint la Suisse à adopter un taux égalitaire pour toutes les entreprises, enfin ! C'est une excellente mesure, et il reste encore à adopter un taux qui permette à Genève et aux habitants de ce canton de pouvoir bénéficier de suffisamment de prestations de la part de l'Etat. Ces prestations sont essentielles en termes de consommation: si l'Etat ne joue pas un rôle dans la régulation, la répartition des richesses et l'égalité des chances, le pouvoir d'achat de beaucoup de Genevoises et de Genevois en prend un coup et le modèle que vous prônez, basé sur la consommation, en pâtit; au final, c'est toute l'économie genevoise qui recule.

Mesdames et Messieurs, ce débat me fait penser à celui qu'on a eu il y a quelques années sur les horaires d'ouverture des magasins, ce même débat qui a mené au refus des Genevoises et des Genevois dont je parlais tout à l'heure; je ne peux m'empêcher de me rappeler ce slogan de l'époque, alors que j'étais encore au sein de la Jeunesse socialiste genevoise: «Faites l'amour, pas les magasins !» Eh bien, le dimanche, ça peut être la même chose !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Boris Calame (Ve). Pour l'instant on parle de principes, mais on doit ici se prononcer sur une initiative. Je vais juste me permettre de vous lire le texte. C'est une modification de la LHOM, la loi sur les heures d'ouverture des magasins, qui stipule à son article 16: «Sous réserve de l'article 18 et à moins que la présente loi n'en dispose autrement, tous les magasins qui ne sont pas au bénéfice d'une disposition dérogatoire de l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, du 10 mai 2000, doivent être fermés le dimanche et les jours fériés légaux.» Ça vous parle ? (Remarque.) Pour ma part, pas du tout !

Chers collègues, pour traiter correctement de l'initiative 155 intitulée «Touche pas à mes dimanches !», il aurait fallu que la commission de l'économie se penche attentivement sur la loi fédérale sur le travail et les deux ordonnances y relatives, tout particulièrement sur l'ordonnance 2 qui traite des dispositions spéciales de dérogation pour certaines catégories d'entreprises ou de travailleurs. Il faut rappeler que cette initiative oppose les initiants, qui pensent que le dimanche est un jour particulier devant permettre le repos et le partage de loisirs en famille, à d'autres personnes qui estiment au contraire que l'acte d'achat doit être absolu et possible tous les jours de la semaine ainsi qu'à toute heure. Tout cela n'est pas si simple. Du moment où tant la LHOM que le droit supérieur prévoient bon nombre de dérogations aux différents types d'activités, il aurait fallu que les commissaires reçoivent une analyse juridique objective pour savoir quels types de commerces étaient réellement concernés par cette nouvelle formulation de l'interdiction de travail dominical. En tant que membre de ladite commission, j'aurais souhaité en savoir davantage sur le maintien ou pas de la dérogation d'ouverture pour certains commerces le dimanche, notamment pour des artisans à Carouge ou ailleurs lors d'événements particuliers.

En effet, aujourd'hui bien plus qu'hier, l'artisanat et les commerces de proximité sont confrontés à des défis économiques très importants. Pour perdurer, ils doivent attirer une clientèle qui achète leurs produits et ne se limite pas seulement à les admirer en vitrine lors de ses promenades dominicales. Pour cela, Carouge est un laboratoire tout à fait intéressant dans le canton. Certains moments et événements apportent beaucoup de visiteurs et potentiels chalands dans ses rues, où bon nombre de petits commerces sont ouverts le dimanche. D'ailleurs, un doute subsiste quant au maintien des marchés du dimanche, qui sont assimilés aux autres commerces dans la législation en vigueur et pour lesquels les clauses dérogatoires saisonnières et événementielles ne sont pas obligatoirement réunies.

Nous regrettons un travail bâclé en commission alors même qu'il s'agit d'un sujet complexe et demanderons l'audition des autorités carougeoises, des associations patronales de la cité sarde, mais aussi du service du commerce et de l'Association des marchés de Genève, afin de vérifier que les régimes dérogatoires puissent être maintenus et ainsi assurer la viabilité économique de bon nombre d'artisans et de commerces de proximité, auxquels nous sommes particulièrement attachés. Les Verts continueront à soutenir le principe même de l'initiative, mais attendent de la commission de l'économie un travail sérieux dans le cadre de l'élaboration d'un contreprojet, qui soit au service d'une économie de proximité viable et diversifiée. Je vous remercie de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, partout en Suisse et ailleurs, la plupart des villes de la taille de Genève ou de taille supérieure s'attachent à développer les zones piétonnes, à favoriser les accès aux commerces, à renforcer la convivialité pour les chalands et à créer de l'animation, y compris le dimanche - ou devrais-je dire surtout le dimanche ! - notamment sous la pression de sociétés hôtelières qui souhaitent offrir à leurs hôtes une façon de se détendre et de se divertir. Je me suis toujours demandé ce que pouvaient bien faire le dimanche à Genève les épouses des participants à des congrès si ce n'est se rendre à Carouge puisque Genève est un véritable désert.

Cette initiative comporte un certain paradoxe, lequel a été relevé par mon collègue Cuendet et concerne en particulier la motion 2256 déposée par la gauche, qui prévoit des aides ciblées aux entreprises subissant les effets du franc fort - évidemment en puisant dans ses propres finances ! Cela étant, il paraît tout de même étonnant que l'on souhaite d'un côté aider les entreprises subissant les inconvénients dus au franc fort et, de l'autre, que l'on tente de supprimer coûte que coûte toute possibilité d'ouvrir des commerces le dimanche. Mesdames et Messieurs de la gauche, ce dont les entreprises ont besoin, ce n'est en tout cas pas de taxes supplémentaires, mais plutôt de conditions-cadres favorables. Cette initiative, qui empêcherait les magasins d'ouvrir le dimanche, risque de poser des conditions-cadres de plus en plus difficiles et de faire de Genève, qui est pourtant une ville internationale et touristique, un véritable désert à cette période, désert qui commence d'ailleurs déjà puisque si vous vous rendez dans certains supermarchés à l'heure actuelle, par exemple celui de la Praille la journée, il n'y a personne ! C'est vite vu, les gens vont ailleurs parce qu'il y a plus de facilités à d'autres endroits.

Mais peut-être que je me trompe et que je suis trop pessimiste en vous demandant d'éviter de bloquer toute initiative qui pourrait améliorer les choses dans le futur. Je me réfère à ce que souhaitait notre collègue Lisa Mazzone tout à l'heure, à savoir une Genève joyeuse et vivante, et me rallie volontiers à son propos; je suis persuadé qu'elle se rendra à mes conclusions, qui sont de rejeter cette initiative et d'accepter le contreprojet. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, président

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'a priori, on pourrait se demander si ouvrir le dimanche est véritablement nécessaire pour le commerce genevois. Mais cette initiative ferme toutes les portes, c'est-à-dire qu'elle va nous empêcher de mener une réflexion adéquate en bloquant définitivement toute possibilité pour les magasins de certaines zones d'activités d'ouvrir le dimanche. Je rappelle quand même, on l'a dit tout à l'heure, que toute une série de dispositions sont déjà prévues dans la loi fédérale, c'est-à-dire l'OLT 2, lesquelles permettent à certains commerces d'ouvrir le dimanche sans passer par une autorisation cantonale. Je le rappelle parce que d'aucuns ont tendance à dire que même si c'est indiqué dans le droit supérieur, il faut demander une autorisation à Genève; or ce n'est pas le cas.

Je trouve qu'il serait bon de refuser l'initiative et de travailler à un contreprojet. Peut-être quelque chose d'intelligent en sortira-t-il pour certaines zones, à certains moments, parce que personne n'a dit ici qu'on souhaitait dorénavant que tous les commerces ouvrent tous les dimanches, ce n'est certainement pas la bonne solution. Mais je pense que quelque chose est possible et qu'il faut donner un petit coup de main aux commerces; reste à savoir dans quelle mesure. Sans doute est-il vrai que les ouvertures retardées - je le constate en tant que citoyen - profitent davantage aux grandes surfaces; et encore ! Très souvent, il n'y a plus personne à la Coop ou à la Migros à partir d'une certaine heure les jeudis soir où les magasins sont autorisés à ouvrir plus tard. Mais je pense quand même qu'il est bon, notamment pour certaines zones dites touristiques, de bénéficier de davantage de possibilités qu'aujourd'hui. Or je le redis: l'initiative, si elle est votée, va empêcher cette réflexion, et je pense qu'il serait judicieux que la commission travaille à un contreprojet et fasse une proposition équilibrée qui permettra des ouvertures supplémentaires dans certaines zones. Voilà les raisons pour lesquelles le MCG refusera l'initiative et, entre guillemets, «votera» pour l'élaboration d'un contreprojet équilibré.

M. Michel Amaudruz (UDC). Je dois dire la vérité: s'il y a un sujet qui ne m'excite pas, c'est bien celui-là ! (Rires.) Vraiment, je le trouve plutôt ennuyeux. S'il ne tenait qu'à moi, je dirais: ouvrons tous les dimanches et finissons-en ! Ce qui m'étonne malgré tout... Vous savez que nous sommes très influencés par les Français, ainsi que le montre M. de Sainte Marie de manière brisante. Les Français viennent de voter la loi Macron, ils ont réussi à se disputer pour douze dimanches ! Bon, en même temps, ils ne changeront jamais, ils en sont encore au combat langue d'oïl contre langue d'oc. Ma foi, on propose quelque chose, il faut qu'on se batte. Ce qui m'a surpris dans les discussions qui ont eu lieu jusqu'à maintenant, surtout du côté des bancs de la gauche, c'est qu'au travers de l'ouverture des magasins le dimanche, l'économie genevoise s'effondrerait, tout serait foutu, tout serait par terre. C'est aberrant ! On voudrait tout lier à un dimanche alors qu'en définitive, on vise d'autres objectifs - je ne sais pas très bien lesquels.

Hier, le distingué Jean-Michel Bugnion, qui s'exprimait sur un problème d'enseignement, disait qu'il faut qu'on évolue au gré des circonstances; cela vaut exactement pour le sujet qui nous est soumis ce soir. Je ne crois pas que nous soyons cloués au pilori par la «clausula rebus sic stantibus»; malheureusement pour certains, heureusement pour d'autres, notre économie est en mouvement et nous devons nous adapter, c'est ce qu'il nous faut faire plutôt que de nous figer comme le Christ sur la croix.

Que voulez-vous que je vous dise ? Genève est une ville morbide le dimanche. Vous savez, l'exposition universelle de 1958 à Bruxelles avait pour thème «la Belgique joyeuse»; quant à nous, nous avons eu le Calvin, c'est l'enterrement perpétuel de Genève pour le futur ! Bravo, Messieurs, vous voulez vraiment nous enterrer dans une ville sans vie pour je ne sais quel motif, parce que tout le blabla pseudo-économique que vous avez articulé, c'est du frou-frou parisien ! (Rires.) Que voulez-vous que je vous dise ? Pour ma part, je trouverais bien une explication, et je me souviens d'une envolée extraordinaire de M. Vanek, qui certainement la reprendra. Le dimanche a ses origines, on le tient de la Bible ! Qu'est-ce que vous voulez, c'est des conneries ! Je ne sais pas pourquoi le bon Dieu a dit à Adam et Eve: «Reposez-vous !» Ma foi, on a évolué et on ne va pas se figer avec un livre biblique pour nous interdire de progresser, bonté divine ! Alors bossons le dimanche, en vous rappelant que c'est une option et non une obligation et que d'aucuns sont très contents de sortir le dimanche, et ayons une Genève radieuse. Nous serons contre l'initiative, pour un contreprojet, et amusons-nous ! (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Je regrette d'avoir appuyé si vite sur le bouton, Monsieur le président, parce qu'il est difficile de parler après mon collègue Michel Amaudruz; c'était tellement brillant, que vais-je pouvoir dire de plus ? Je partagerai simplement quelques petites idées qui me sont venues en vous écoutant. J'ai presque envie de poser la question suivante au rapporteur de minorité: le social a-t-il vocation à devenir liberticide ? Parce qu'en définitive, on en est presque à ce cas de figure ! Pour répondre à M. Calame, j'ai consulté l'OLT 2 et les différentes restrictions et dérogations pour les entreprises; la législation fédérale est là, on n'est plus au Moyen-Age avec des serfs corvéables à merci, on en est même très loin ! On en est à une époque où certaines personnes - j'en connais moi-même parmi mes relations - aimeraient pouvoir travailler un peu plus le dimanche, parce que ce n'est pas ce jour-là qu'elles s'amusent le plus, qu'elles vont faire du sport pour en bénéficier la semaine ou autres. Je vous demande la chose suivante, et je le dis peut-être en polémiquant un peu: sincèrement, êtes-vous sûrs de viser juste en voulant absolument interdire aux gens de travailler le dimanche s'ils en ont envie ? La possibilité existe déjà.

J'avais également relevé autre chose, mais mon collègue l'a déjà souligné; quand j'entends M. Deneys, je me dis: heureusement qu'on est en Suisse et qu'il nous reste encore cette votation dont on verra le résultat, faute de quoi il serait capable, comme le gouvernement français, de nous foutre l'article 41 - si ce n'est que ses copains socialistes français l'ont fait dans l'autre sens ! Oui, c'était pour imposer aux Français d'aller travailler le dimanche parce que, dans ce parlement, les socialistes ne le voulaient pas. Comme quoi, vous voyez que les choses sont différentes à quelques kilomètres de distance.

Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que Genève peut être triste. Le travail du dimanche va-t-il vraiment être un tel bagne que le reste des habitants, par solidarité, resteront chez eux à genoux en pleurant et en disant: «De pauvres gens travaillent le dimanche, je ne vais pas pouvoir sortir» ? Non, ce n'est pas vrai, je n'y crois pas. Pour terminer, ne serait-ce pas plus sympathique, ne serait-ce pas plus agréable, ne serait-ce pas plus festif si nous avions, comme à la Belle Epoque, quelques guinguettes pour aller danser le dimanche ? C'était du côté des bords du Rhône, de Champel, du Lignon... Pourquoi pas ? Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, nous avons eu ce débat à plusieurs reprises déjà, mais enfin, quand même ! J'aimerais amener quelques éléments, d'abord s'agissant de la description de Genève le dimanche, qui serait sinistre, morne, terrible. M. Lussi réclame des guinguettes et la possibilité d'aller danser; mais bien sûr, il en a le droit ! Nous sommes favorables aux loisirs, à des activités culturelles et sportives, à la détente, à la promenade, au tourisme, nous sommes favorables à l'exercice de toute sorte d'activités bizarres, y compris d'ailleurs - Gauthier, qui est un homme très tolérant, me le souffle - des activités religieuses... (Exclamations.) ...ou autres choses; on peut jouer à la pétanque, aller à la messe, il n'y a aucun problème, il n'y a pas de restriction. Mais une condition, Mesdames et Messieurs, pour qu'on puisse se livrer à ces activités ensemble - pas Ensemble à Gauche, mais ensemble tout court ! - avec sa famille, avec l'ensemble de nos concitoyens, avec les hommes et les femmes qui participent de cette communauté, c'est qu'on ait un jour de congé tous en même temps, et c'est le dimanche. Alors si vous voulez faire ça le vendredi ou le samedi ou bien même inventer un autre jour, vous le pouvez sans autre. Mais l'idée est qu'il y ait un jour par semaine où tout le monde a congé et qu'on arrête, dans la mesure du possible, un certain nombre d'activités économiques orientées vers le profit pour faire autre chose, inventer autre chose ensemble ou simplement se reposer. C'est cette idée-là, tout à fait élémentaire, que nous défendons.

Maintenant, vous n'êtes pas obligés de partager cet avis; mais enfin, Monsieur Lussi... Ah, excusez-moi, Monsieur le président, je m'adressais... Excusez-moi, mea culpa ! (Commentaires.) Il y a une autre tradition que nous défendons, nous autres conservateurs, c'est la démocratie semi-directe et le fait que le peuple ait son mot à dire. Or dans cette affaire, de manière insidieuse, par-derrière... (Rires.)

Des voix. Oh non ! (L'orateur rit.)

M. Pierre Vanek. ...et contre l'avis de la majorité des cantons - d'ailleurs, le conseiller d'Etat consulté était contre cette modification de l'ordonnance - le Conseil fédéral a voulu introduire, Mesdames et Messieurs, une libéralisation du travail le dimanche... (Un député remet un objet à l'orateur.) Excusez-moi, je le pose par terre ! ...sans que le peuple puisse avoir son mot à dire ! A travers cette initiative, c'est nous, la gauche et les initiants, qui rendons la parole aux citoyennes et aux citoyens genevois, lesquels décideront s'ils préfèrent suivre la droite, qui veut une dérégulation massive et supplémentaire des ouvertures le dimanche, ou l'ensemble des syndicats et bien d'autres milieux, qui défendent un jour de repos par semaine - ce jour de libre qui est en danger ! - qui défendent un moment de loisir et de détente séparé de la consommation, qui défendent aussi le calme. Je vous assure qu'il y a des quartiers de la ville, avec le degré tout à fait insuffisant de respect des normes OPair et de protection contre le bruit, où il n'y a que le dimanche que ces dispositions du droit fédéral sont vaguement respectées. De quoi avez-vous peur, Mesdames et Messieurs ? De quoi avez-vous peur ? Soumettons cette initiative au peuple; elle est raisonnable, elle est conservatrice. Vous me connaissez, je suis mandataire de cette initiative, je ne viens pas avec des propositions saugrenues ou d'avancées déraisonnables. Non, cette initiative est tout à fait conservatrice et conforme à nos traditions helvétiques de démocratie semi-directe. Alors, Mesdames et Messieurs, votons ensemble dans l'enthousiasme cette initiative pour que les citoyennes et les citoyens aient l'occasion de se prononcer - un dimanche, d'ailleurs ! Le Conseil fédéral a voulu les en empêcher, ce qui n'est pas normal, ce qui est scandaleux ! (Quelques applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, parler de ce texte vendredi après le repas, c'est forcément risqué ! D'abord, on n'a pas tous congé le même jour, c'est impossible, ça n'existe pas; il est impossible de trouver une ville au monde où on peut décréter que tout le monde a congé tel jour, que ce soit un dimanche, un lundi - peu importe, ce n'est pas possible. Dans la vente, beaucoup de femmes et d'hommes ne veulent pas travailler le dimanche pour un tas de bonnes raisons: ils préfèrent s'occuper de leur famille, rester tranquilles. Mais il y a également beaucoup d'hommes et de femmes qui souhaitent travailler le dimanche. Pourquoi ? D'une part parce que c'est beaucoup plus relax, les gens sont moins stressés, d'autre part parce qu'on a l'opportunité de gagner un peu plus d'argent et d'avoir de chouettes compensations. Je vous donne un exemple: je vais très souvent faire mes courses le dimanche dans un commerce des galeries marchandes de l'aéroport, de couleur orange - qui n'est pas celle du PDC - et je pose toujours la même question aux caissières: ça doit être dur de travailler le dimanche, non ? Or à chaque fois, on me répond: «Mais pas du tout, je suis contente de travailler le dimanche !» Voilà qui nous prouve par A plus B que beaucoup de gens y trouvent leur compte et en sont très heureux.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, il y a beaucoup de gens dans notre cité - on a parlé tout à l'heure des congressistes, des visiteurs - dont passablement de Genevois, qui fuient Genève le week-end parce que c'est une ville morte, on s'y ennuie le dimanche, c'est terrible. Quand il fait beau, on a du plaisir à se promener au bord du lac, mais quand la météo n'est pas clémente, c'est terriblement ennuyeux. Par-dessus le marché, on a l'opportunité, depuis une dizaine d'années, de prendre l'avion et d'aller s'adonner au plaisir du shopping et de la culture dans toutes les villes européennes, où il faut admettre que les magasins - pas tous mais du moins les centres touristiques - sont ouverts. Au niveau international, c'est clairement la tendance. En France voisine, à cinq minutes de chez moi - j'habite à Vernier - les magasins sont ouverts, il y a de l'ambiance, on peut s'y promener le dimanche, on a envie d'y aller. De mars à octobre, Mesdames et Messieurs, Genève est une ville touristique. Il est important que dans le cadre de l'élaboration d'un contreprojet sur lequel on vous invite à travailler, on puisse justement raisonner et réfléchir sur cette zone touristique parce que c'est l'un des atouts économiques de Genève. Mesdames et Messieurs, le PLR est contre une ville et un canton morts, nous n'avons absolument pas envie de ça et nous vous incitons à dire non à l'initiative et oui à un contreprojet. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Je voudrais vous parler des dimanches matin de mon enfance en Valais, à la montagne... (Exclamations.) C'est assez simple: tout fermait pendant l'heure de la messe et tout rouvrait juste après ! Et chacun faisait ses affaires comme il le voulait. Je voudrais vous citer un autre exemple, à savoir les dimanches dans le village de Chancy, que j'ai habité jusqu'en 1996. Il y avait un épicier; il employait une étudiante qui travaillait le dimanche. Est arrivé je ne sais plus quel règlement et hop, terminé: la jeune femme a perdu son emploi puisqu'elle ne pouvait plus travailler le dimanche, tandis que l'épicier-boulanger a dû fermer sa boutique; quant aux habitants, mes chers amis, mes chers collègues, ils ont dû se mettre à prendre leur voiture pour se rendre à l'endroit le plus proche, c'est-à-dire en France, soit à Valleiry, soit à Saint-Julien, où tout était ouvert au moins jusqu'à midi.

Alors qui y gagne dans l'histoire ? Ce n'est pas au profit de la jeune femme, qui a perdu son emploi, ce n'est pas au profit du commerçant, qui ne fait pas de chiffre d'affaires ce jour-là, ce n'est pas au profit des habitants, qui doivent faire des kilomètres pour trouver de quoi acheter quelque chose; ce n'est pas non plus au profit de la quiétude du dimanche parce que quand on est à la campagne, on aime rester chez soi, on n'a nulle envie de partir dans une localité où il y a davantage de monde et de mouvement, on est bien chez soi, on n'a pas besoin de bouger, on se fait un barbecue dans le jardin, on invite des amis, on est heureux, en tout cas pendant cette période entre mars et octobre, comme le disait mon préopinant le député Hohl.

J'aimerais dire aussi que du temps de mon enfance, voire de mon adolescence, quand il nous manquait quelque chose, les rares magasins ouverts le dimanche étaient au nombre de deux. C'est bien simple, il y en avait un juste à côté de la Pierre-à-Bochet, c'était chez Lepelletier, une station-service - paix aux cendres de M. Lepelletier - et un autre juste avant la douane de Veyrier. Et au cas où vous ne le saviez pas, on ne pouvait pas acheter quoi que ce soit à Genève à cette époque. Eh bien franchement, c'était d'un ennui épouvantable !

Maintenant, je voudrais revenir à la désolation du centre-ville de Genève le dimanche. Ce n'est pas uniquement qu'on s'y ennuie: non seulement les rues sont vides, mais les rares pékins qui s'y promènent sont en danger ! La sécurité n'y est pas garantie par la proximité de tout un tas de gens alentour. A ce titre-là et pour les raisons que j'ai évoquées, le MCG vous recommande de rejeter l'initiative et de travailler à un contreprojet. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est assez étrange d'entendre ce débat où il se dit que les magasins n'étant pas ouverts le dimanche, Genève est obligatoirement une ville morte. Mais, et on l'a dit en partie, ce n'est pas parce que les magasins sont fermés que Genève est une ville morte, ce n'est pas parce que les devantures sont closes qu'il n'y a pas toute sorte de choses à faire ! Je vais en citer quelques-unes: on peut passer du temps en famille, prendre le temps de cuisiner, s'occuper de ses enfants, on peut, si on aime, faire du sport ou aller au stade voir jouer le Servette... (Brouhaha.) Je ne sais pas si le caucus MCG m'écoute...

Le président. Excusez-moi, Monsieur, avez-vous une réunion à laquelle je n'ai pas été convié ? (Rires. Le président rit. Un instant s'écoule.)

M. Thomas Wenger. On peut discuter entre amis, comme c'est le cas maintenant par exemple ! (L'orateur rit.) On peut faire énormément de choses ! (Rires.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député ! (Le président rit.)

M. Thomas Wenger. Je disais donc qu'on peut passer du temps en famille, pratiquer un sport, aller au stade, faire des promenades au bord du lac, entreprendre des excursions, pratiquer du ski l'hiver, aller dans la nature ou au cinéma; comme ma collègue Isabelle Brunier le disait, il faut rappeler... (Remarque.) Oui, il faut rappeler l'offre culturelle à Genève, les nombreux musées et théâtres qu'on peut fréquenter le dimanche. Et pour parler un peu plus à la droite, on peut également se rendre au Salon de l'auto, ça fait une belle excursion, on peut même faire du tuning si on a une voiture et qu'on adore faire du tuning, on peut s'occuper de sa voiture. Pour M. Ducret, on peut aussi s'occuper de son train électrique, bref on peut faire un certain nombre de choses intéressantes. Et je conclurai d'ailleurs, comme le soulignait mon collègue Romain de Sainte Marie, en disant qu'on peut faire l'amour puisqu'on a un peu plus de temps, ce qui est quand même assez chouette... (Rires. Applaudissements.)

Le président. Tout le dimanche, Monsieur le député ?

M. Thomas Wenger. ...ou lire «Cinquante nuances de Grey», pour ceux qui ont une vie privée un peu différente, mais c'est autre chose. Maintenant, j'aimerais juste revenir sur... (Rires. L'orateur rit.) ...l'animation genevoise pour les touristes et les congressistes. Vous transmettrez, Monsieur le président, à notre collègue Jean-Marc Guinchard que je me suis posé la même question que lui. Je me suis demandé: mais que peuvent bien faire les maris pendant que leurs femmes assistent à des congrès internationaux ? (Rires. L'orateur rit. Le président rit.)

Le président. Je crois que vous avez donné la réponse tout à l'heure !

M. Thomas Wenger. Oui, exact ! (L'orateur rit.) Evidemment, il n'y a pas que le Salon de l'auto, il y a encore d'autres sortes de salons, mais je ne voulais pas entrer dans cette discussion ! (Rires. L'orateur rit.) Bref, pour rester sérieux un petit moment... (L'orateur est pris d'un fou rire.) Je reprendrai la parole plus tard, Monsieur le président ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous redonnerai la parole dimanche ! (Rires.) Monsieur Thomas Bläsi, c'est à vous.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce que je trouve exceptionnel ce soir, c'est le fait qu'on n'entende que des spécialistes, des gens qui ont un commerce et l'ouvrent le dimanche ! C'est tout simplement hallucinant, ce qu'on entend aujourd'hui ! Je pense que les premiers à devoir s'exprimer sont ceux qui possèdent un magasin, ceux qui sont concernés. A l'heure actuelle, les entrepreneurs qui gèrent un petit commerce ont la liberté d'ouvrir le dimanche tant qu'ils ne font pas travailler de personnel. En l'occurrence, c'est un avantage énorme pour les petits commerces par rapport aux grandes enseignes. En effet, s'il ne peut pas employer de personnel le dimanche, le petit patron peut, quant à lui, travailler s'il le désire ou en a besoin. Par contre, il n'est pas en concurrence avec des chaînes qui emploient d'autres personnes. Je pense que c'est là un élément qui mérite malgré tout d'être souligné. La liberté existe donc aujourd'hui et le dimanche, à mon sens, est indispensable. Pourquoi ? Parce que les personnes ont besoin de pouvoir disposer d'un repos en famille. Je m'étonne d'entendre s'exprimer aujourd'hui des députés qui n'ont jamais tenu de commerce ou travaillé dans un commerce, qui n'ont jamais pris de risque financier. Avant d'avoir ce type de discussion, je pense qu'il faudrait faire preuve d'un minimum de sérieux et, si un contreprojet est possible, y réfléchir un peu plus sérieusement que par ces éclats de rire. Merci beaucoup.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Vous êtes pharmacien, c'est juste ?

M. Thomas Bläsi. Oui, exact.

Le président. Voilà qui pourrait intéresser M. Thomas Wenger ! (Rires.) Je cède la parole à M. le député Eric Stauffer. (Un instant s'écoule.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Eric ! Il est toujours en train de courir, celui-là.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous l'aurez compris, chers collègues, certaines discussions ont lieu maintenant, qui devraient trouver leur issue d'ici quelques minutes, on verra. Je voulais réagir aux propos d'Ensemble à Gauche, dont le représentant dit que tout doit être fermé le dimanche pour faire cesser les activités - je cite - «orientées vers le profit». J'aurais pu vous donner raison, c'est vrai. Nous allons donc proposer un amendement à cette initiative visant à faire fermer la buvette de l'Usine, au bord du Rhône, qui est ouverte le dimanche ! En effet, de pauvres gens y travaillent le dimanche, et je comprends bien qu'ils ne devraient pas travailler ce jour-là. Ce sera donc finalement sur une initiative d'Ensemble à Gauche que l'Usine fermera ses portes le dimanche; comme ça, au moins, ce groupe sera cohérent !

Mesdames et Messieurs, voici les discussions de couloir qu'on entend aujourd'hui: nous sommes confrontés à un phénomène qui dépasse largement le canton de Genève. La Banque nationale suisse a fait sauter le plancher de l'euro - dont acte. Evidemment, certains y ont trouvé un profit immédiat avec 20% de plus; d'autres y ont également trouvé un profit avec 20% de moins en faisant leurs achats - en France voisine, vous l'aurez compris. Oui, 20% de moins dans des magasins qui plus est ouverts le dimanche alors que nous, de notre côté, mettons en place une autocensure ! Laissez-moi vous dire, Mesdames et Messieurs, que si on continue comme ça... Allez vous promener dans quelques grandes surfaces le samedi à Genève puis dans quelques autres en France, ça fait peur !

Une voix. Tu y vas ?

M. Eric Stauffer.  Ça fait peur ! Moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, vous pouvez continuer à faire des blocs gauche-droite, avec un troisième bloc MCG-UDC, je vous dis simplement qu'au niveau de l'économie genevoise, ça fait peur ! Alors venir encore restreindre une possibilité d'augmenter les chiffres d'affaires pour pouvoir maintenir des emplois dans certains commerces ou zones d'activités, ça devient très dangereux. C'est la raison pour laquelle le MCG est en pleine réflexion... (Rires. Applaudissements.) Mais je vous rassure... (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur Vanek.

M. Eric Stauffer. Je vous rassure...

Le président. Monsieur Stauffer, poursuivez vos réflexions.

M. Eric Stauffer. Pardon ?

Le président. Poursuivez vos réflexions, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. Oui ! Je vous rassure, il n'est pas seul à être en pleine réflexion et à se poser la question suivante: l'idée d'un contreprojet, est-ce finalement vraiment pour le bien de l'économie genevoise ou faudrait-il faire passer cette initiative devant le peuple, lui expliquer clairement les choses et claquer sèchement les initiants ? La réflexion est ouverte, et je pense que vous aurez la réponse dans quelques minutes.

M. Patrick Saudan (PLR). Vous transmettrez à M. Wenger, Monsieur le président, que j'ai personnellement beaucoup aimé sa liste à la Prévert. Je peux comprendre les craintes des bancs de la gauche quant à une société qui deviendrait de plus en plus consumériste. Mais dans sa liste, M. Wenger a juste oublié une chose, c'est qu'il y a des gens, qu'on le déplore ou qu'on l'accepte, qui aiment faire du shopping le dimanche ! Et ils ont le droit de faire du shopping comme ils ont le droit de faire l'amour ou du sport. Vous me direz que s'ils veulent faire du shopping, ça signifie que certaines personnes doivent travailler le dimanche, c'est vrai. Mais là, vous me permettrez de vous donner le modeste avis de quelqu'un qui travaille encore un dimanche sur quatre: il est assez agréable de travailler le dimanche, par rapport à un autre jour de la semaine, surtout si vous avez des compensations salariales ou de repos. Le dimanche, c'est plus cool que la semaine, croyez-en mon expérience d'étudiant et professionnelle. Mais ce n'est pas tellement le but de mon propos. Un argument de la gauche m'a stupéfait, à savoir celui selon lequel nous aurions peur de présenter cette initiative au peuple. Mais pas du tout ! De toute façon, le peuple votera sur cette initiative; il aura simplement le choix entre ne voter que sur l'initiative et voter sur l'initiative et un contreprojet. C'est vous qui avez peur ! Merci beaucoup.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG). Si nous avions peur d'aller devant le peuple, nous n'aurions pas lancé une initiative. Nous nous sommes donné beaucoup de peine pour récolter les milliers de signatures nécessaires de sorte que la question soit soumise au peuple et, vous avez raison de le dire, elle le sera de toute façon. Je crois donc que ce procès-là est un mauvais procès. A l'heure qu'il est, les magasins sont fermés et vous voyez qu'on peut se réunir entre amis et s'amuser comme des petits fous et que Genève n'est pas forcément sinistre après la fermeture des commerces !

Plus sérieusement, quelques arguments auxquels je tenais encore à répondre: tout d'abord, l'un des préopinants - je ne me rappelle plus exactement lequel - parlait de l'attractivité touristique de Genève. Mais, Mesdames et Messieurs, il s'agit d'ouvrir de grands centres commerciaux, or il n'y a rien de plus identique qu'un grand centre commercial de Seattle à Dallas en passant par Moscou ou Séoul; c'est la normalisation absolue, la mondialisation commerçante, et si c'est là votre argument en faveur de l'attractivité touristique de Genève, Mesdames et Messieurs, sachez qu'on fait mieux ailleurs, ce n'est pas là-dessus qu'on doit miser. Si vous voulez attirer les touristes à Genève avec des centres commerciaux ouverts le dimanche, il faudra y aller très fort pour régater avec un certain nombre d'autres métropoles ! Non, ce n'est évidemment pas notre point fort et ce n'est pas là-dessus qu'il faut miser. Maintenant... (Un instant s'écoule.)

Le président. Monsieur le député...?

M. Pierre Vanek. Oui, merci, Monsieur le président.

Le président. Je craignais que vous ne preniez une petite pause ! Allez-y, poursuivez.

M. Pierre Vanek. Non, non, c'est un vieux truc d'enseignant: on se tait et les élèves se calment un peu - je vous le recommande d'ailleurs à l'occasion. Vous voyez, ça fonctionne !

L'un des préopinants - c'était tout au début, je crois qu'il s'agissait de M. Cuendet - a énoncé une liste de prétendues attaques de la gauche contre l'économie allant de notre refus de la réforme de l'imposition des entreprises à l'impôt fédéral sur les successions qui, pour le surplus et sauf erreur, était une idée de Kaspar Villiger à l'époque, qui n'était pas un gauchiste de mon parti, c'était un gauchiste de feu le parti du conseiller d'Etat qui me regarde et m'écoute avec toute l'attention que je mérite ! C'est donc un peu à côté de la plaque.

J'entends également des gens dénoncer notre volonté de fermer tous les magasins le dimanche. Non, non ! Encore une fois, je l'ai dit sur le ton de l'ironie, de l'autodérision et de la plaisanterie, cette initiative est conservatrice ! L'ensemble des commerces aujourd'hui ouverts le dimanche pourront continuer à l'être, il ne s'agit pas de les restreindre car il y a bien sûr un minimum de services nécessaires ce jour-là. Le député Stauffer est un mauvais élève, il m'a mal écouté, il a présenté les choses en disant qu'Ensemble à Gauche veut tout fermer le dimanche, y compris la buvette de l'Usine et Dieu sait quel autre bistrot. Pas du tout ! Ni Bar à whisky ni buvette de l'Usine ni quoi que ce soit ! Il ne s'agit pas de ça, il ne s'agit pas de fermer des magasins supplémentaires, il s'agit simplement d'éviter une extension sans rivage... (Remarque.) ...des horaires d'ouverture des commerces le dimanche, avec ce que ça implique comme contraintes. Quelqu'un parlait - M. Bläsi, je crois - de ceux qui ont tenu des commerces et des autres qui n'en ont pas tenu. Mais dans les commerces en question, il y a évidemment un personnel de vente, des vendeuses et des vendeurs qui seront contraints, qu'on le veuille ou non, de travailler le dimanche, avec les conséquences qu'on connaît sur la vie de famille et la possibilité de se livrer à cet ensemble d'activités, y compris au shopping que vous prônez, lequel est déjà possible dans quelques limites, et il s'agit simplement de les maintenir.

Le procès qui nous est fait contre cette initiative est extrêmement mauvais, il n'y a aucune raison de la refuser, il s'agit de conserver une situation actuelle qui, dans l'ensemble, est acceptable et satisfaisante. Nous ne demandons, modestement, pas autre chose et souhaitons simplement que les citoyennes et les citoyens puissent se prononcer. Même en l'absence de contreprojet, je ne suis pas persuadé que vous réussissiez, comme l'a dit un député en face, à nous claquer sur cette question; au contraire, je suis sûr que nos arguments de bon sens parleront aux citoyennes et aux citoyens de Genève.

M. Romain de Sainte Marie (S). J'aimerais encore amener quelques arguments importants qui n'ont pas été développés ce soir. On a parlé d'activités, M. Wenger en a fait une large énumération. Pratiquer ces activités, c'est une chose mais, d'une certaine façon, elles doivent être organisées... (Rires.) Non, ce n'était pas...! Vous savez que du côté socialiste, on apprécie la planification ! Non, ce n'était pas dans ce sens-là, Mesdames et Messieurs.

Le président. C'est dans le sens que vous voulez, Monsieur le député ! Allez-y, poursuivez. (Commentaires.)

M. Romain de Sainte Marie. Dans le sens qu'on veut, je sais ! Pour être un peu plus sérieux, il s'agit d'activités bénévoles... (Rires. L'orateur rit.)

Une voix. Bravo !

M. Romain de Sainte Marie. Je n'ose pas dire que je m'enfonce ! (Rires.) Un certain nombre d'activités... (L'orateur rit.)

Le président. Je me demande bien comment vous allez vous en sortir, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. Je vais passer au point suivant parce que je ne pense pas arriver à en finir avec celui-là ! Plus sérieusement, pour en revenir aux activités sportives ou culturelles du dimanche, des personnes bénévoles sont nécessaires pour les encadrer. En travaillant le dimanche, ni vous-même ni vos enfants n'auront plus accès à ces activités... (L'orateur est pris d'un fou rire.)

Bon, soyons sérieux ! J'entendais parler tout à l'heure de l'envie de travailler le dimanche; c'est complètement faux. Demandez aux personnes qui travaillent ce jour-là si c'est ce qu'elles souhaitent réellement, si elles ne préféreraient pas être chez elles à ce moment-là. La réalité, c'est qu'on est aujourd'hui en train de développer une société sur le modèle américain, c'est-à-dire que les gens sont obligés de cumuler les salaires car ceux-ci sont beaucoup trop bas, voilà la vraie logique. Pour beaucoup de salariés qui travaillent le dimanche à Genève, c'est le cumul des emplois qui leur permet d'espérer vivre dignement; hormis une exigence pouvant provenir de l'employeur, le fait de travailler le dimanche est une obligation purement salariale, et c'est ça qu'il faut empêcher, ce n'est pas la généralisation du travail le dimanche qui va améliorer le niveau de vie des salariés. Travailler plus pour gagner plus, c'est un modèle faux, auquel les socialistes ne croient pas...

Une voix. Non, c'est vrai qu'il faut travailler moins pour gagner plus !

M. Romain de Sainte Marie. Eh bien oui, nous pensons en effet que le bon modèle qu'il faudrait appliquer ici, c'est de travailler moins pour gagner plus, avec une vraie logique salariale et une meilleure répartition des richesses dans ce canton ! (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (EAG). Monsieur le président, chers collègues, j'ai entendu bien des sottises ce soir ainsi qu'une certaine grivoiserie qui ne sied pas à notre assemblée, et j'en suis navrée pour vous, Messieurs. Néanmoins, nous allons reprendre notre débat. Je connais un quartier qui compte 1 626 000 personnes; dans ce quartier, tous les magasins ferment à 18h30, et la seule autorisation d'ouverture le dimanche concerne les commerces alimentaires: je suis en train de vous parler de Manhattan. Et vous venez m'expliquer que dans notre petite ville de 196 000 habitants, les magasins devraient ouvrir le dimanche parce que nous réaliserions ainsi un meilleur chiffre d'affaires local, parce que les citoyens n'iraient pas consommer en France, où c'est moitié moins cher ? C'est une plaisanterie ! J'aimerais, Monsieur le président, que vous transmettiez à M. Lussi qu'il a une fausse image du Moyen-Age: à cette époque, le dimanche était chômé par absolument tout le monde, sans compter que le temps de travail était bien moins élevé que celui que nous connaissons aujourd'hui. Je crois que ses connaissances sont donc un tout petit peu faussées. Par ailleurs... (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, un peu de calme, s'il vous plaît !

Mme Salika Wenger. Je sais très exactement de quoi je parle ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs ! Poursuivez, Madame la députée.

Mme Salika Wenger. Merci. Par ailleurs, comme l'a très justement relevé M. de Sainte Marie, le plaisir de travailler le dimanche me semble un peu relatif et a tout à voir avec la rémunération. Il est probable que ces mêmes personnes qui prétendent adorer travailler le dimanche, si elles recevaient un salaire décent, adoreraient aussi ne pas travailler le dimanche ! Ne racontons donc pas tout et n'importe quoi.

Les villes qui laissent ouverts leurs magasins le font le dimanche matin, comme Carouge, qui est dans le canton de Genève. Mais pourquoi ? Ne vous a-t-il pas semblé étonnant de constater que dans les pays catholiques on ouvre le dimanche, mais pas dans les pays protestants ? Voilà pourquoi c'est fermé à Manhattan et voilà aussi pourquoi, à Genève, le dimanche est imprescriptible. Aujourd'hui, on vient nous expliquer que pour des raisons commerciales et touristiques, nous devrions ouvrir le dimanche. Non, mais de grâce ! Quels magasins de notre ville seraient suffisamment attrayants, différents, intéressants pour mériter que nous les laissions ouverts pour le tourisme ? Mais enfin, c'est une plaisanterie ! Notre centre-ville est normalisé, comme tous les centres-villes de la planète, et c'est vous, la droite, qui l'avez voulu ! Quel intérêt pour les touristes de retrouver la même marchandise à Genève ? Offrons autre chose que des magasins ouverts qui vendent la même chose que partout ailleurs, offrons des activités culturelles, de beaux endroits à visiter. Parce que si notre centre-ville est si triste aujourd'hui, Mesdames et Messieurs de la droite, c'est parce que vous avez laissé s'y installer les transnationales, les grandes entreprises, et qu'on n'y trouve plus de petits commerces représentatifs de la culture genevoise. On peut ouvrir tout ce qu'on veut, mais la Migros ouverte le dimanche ne fera certainement pas venir les touristes !

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais vous communiquer l'issue de nos discussions. L'idée est qu'il faut tenir compte du temps présent et du phénomène de concurrence. Voici la grande question: le peuple va-t-il voter l'initiative telle que proposée par ses initiants ou va-t-on lui proposer un contreprojet ? Le mieux aurait été de ne rien faire. En effet, les Chambres fédérales sont actuellement en train d'étudier la motion Lombardi - comme quoi il existe des gens intelligents qui comprennent les facteurs temps présent et concurrence ! M. Lombardi est un PDC tessinois, mais je vous rassure: s'il était à Genève, il serait MCG... (Rires.)

Une voix. Napolitain ?

M. Eric Stauffer. ...parce que sa motion demande que les cantons avec une forte zone transfrontalière... (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Vanek !

M. Eric Stauffer. ...puissent bénéficier d'horaires étendus, notamment le dimanche. (Remarque.)

Le président. Madame Wenger, je vous prie !

M. Eric Stauffer. Evidemment, il faut tenir compte de cela. Maintenant, j'entends bien que si les gens gagnaient 15 000 F par mois et qu'on leur demandait s'ils veulent travailler le dimanche, la réponse serait non. Mais c'est comme si vous demandiez à 3000 personnes si elles continueraient à travailler cinq ou six jours par semaine après avoir gagné 45 millions au loto ! La réponse serait non, c'est normal, c'est humain. En attendant, dans la vente, les salaires sont ce qu'ils sont... (Remarque.) Oui, mais c'est comme ça ! Il y a des conventions collectives de travail et si vous n'en êtes pas contents, alors il faut les dénoncer et en appliquer d'autres... (Remarque.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Pas de problème, vous pourriez même avoir le soutien du MCG, mais là n'est pas le débat de ce soir. Peut-être y a-t-il aussi des gens qui aiment avoir un jour et demi ou deux jours de congé en milieu de semaine, ça existe aussi. Encore une fois, il ne faut pas être borné.

Pour revenir à ce que je disais au début quant à notre réflexion, le MCG procédera comme suit: il votera pour le principe d'un contreprojet, ce qui laissera le temps aux Chambres fédérales de se pencher à nouveau sur divers aspects de la thématique des heures d'ouverture comme leur extension, le nombre de dimanches permis, les zones touristiques et frontalières, la motion Lombardi - PDC tessinois à propos duquel je répète que s'il était à Genève, il serait MCG. Partant de ce principe-là, nous allons nous laisser le temps de la réflexion. Nous allons réfléchir à un contreprojet que le MCG se réserve le droit de refuser si, au niveau fédéral, les choses étaient entre-temps réglées, le droit supérieur primant sur le cantonal. Voilà quelle sera la position du MCG. Nous allons désamorcer cette initiative que nous considérons comme dangereuse pour l'économie genevoise en laissant les Chambres fédérales revoir le dossier, nous partirons dans l'idée d'un contreprojet et déciderons à l'issue des travaux de la commission si nous le voterons ou pas.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et donne la parole à M. Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi. C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. Alors c'est au tour de M. Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Ce n'est pas une erreur, Monsieur le président, merci. Vous transmettrez à M. de Sainte Marie que le principe de travailler moins pour gagner plus, ça me rappelle les trente-cinq heures en France, et je crois que ce n'est pas tout à fait le modèle économique que nous avons envie de suivre en Suisse. (Applaudissements.)

Deuxièmement, vous transmettrez à Mme Salika Wenger, s'agissant de sa réflexion sur Manhattan, que ça fait quinze ans que je me rends chaque année à New York au mois de novembre pour des raisons professionnelles et que je suis souvent à Manhattan le dimanche: eh bien, de nombreux magasins y sont ouverts !

M. Vincent Maitre (PDC). Mme Wenger nous annonçait... (Remarque.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Vincent Maitre. ...qu'elle avait entendu beaucoup d'absurdités ce soir; manifestement, elle entendait ajouter sa pierre à l'édifice ! (Commentaires.)

Le président. C'est vous que j'entends, Madame, et je vous prie de bien vouloir écouter l'orateur. Monsieur Maitre, poursuivez.

M. Vincent Maitre. Je vous remercie, Monsieur le président. Effectivement, il convenait de rétablir certains faits. Le premier, c'est que pour une personne qui sait précisément de quoi elle parle, comme elle nous le disait, Mme Wenger a singulièrement tort: Manhattan ne compte pas 1,26 million d'habitants mais bien 4 millions la nuit et 8 millions la journée, et le dimanche, il n'y a de loin pas que les commerces alimentaires qui y soient ouverts; vous y trouvez notamment - je ne dis pas que c'est un bien, c'est tout simplement un fait - les plus grosses chaînes et marques vestimentaires internationales. Il n'y a pas lieu de juger ici, du moins n'est-ce pas mon intention, si c'est un bien ou non, c'est juste une réalité. Par ailleurs, vous nous parliez d'uniformité, d'uniformisation de la marchandise qui s'imposerait à Genève. Expliquez-moi alors ce qu'est, dans votre esprit, si ce n'est une uniformisation absolue, le fait d'imposer aux gens le jour où ils doivent travailler et celui où ils doivent chômer. Si décider de façon uniforme que personne ne doit travailler le dimanche et que les semaines commencent le lundi à 8h et se terminent le vendredi à 18h n'est pas de l'uniformisation, alors je ne sais pas ce que c'est !

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, parmi les arguments évoqués en faveur ou en défaveur de cette initiative, un certain nombre de choses posent problème. D'abord, l'idée d'une extension de l'ouverture des commerces le dimanche pour lutter contre la concurrence de la France voisine ou de l'étranger ne tient pas la route; tout le monde le sait, les études le prouvent, y compris celles des milieux économiques. Le commerce transfrontalier existe pour des questions de coûts. Evidemment, les prix en France voisine sont inférieurs à ceux de Genève, tout comme les salaires. Il ne faut pas se tromper: ce n'est pas en étendant les horaires des magasins le dimanche qu'on va concurrencer les prix français ou des pays voisins dans lesquels on peut se rendre le week-end. Il ne s'agit donc pas d'un argument recevable en faveur de l'extension des horaires le dimanche, en tout cas pas à Genève. Comme l'a dit M. Bläsi à raison s'agissant des petites entreprises, à l'heure actuelle, la LHOM permet déjà aux commerces familiaux, gérés par un patron présent dans son enseigne, d'ouvrir le dimanche. Cette possibilité existe déjà aujourd'hui, c'est d'ailleurs ce qui permet aux commerces de Carouge d'ouvrir le dimanche; avec ou sans initiative, cette possibilité existe et existera encore, ça ne change rien à ce qu'il est déjà possible de faire aujourd'hui.

Ensuite, j'aimerais rappeler que l'argument de l'évolution de la société, qui consiste à réduire les conditions-cadres de l'économie, c'est un retour en arrière, c'est un retour à des pratiques capitalistes du XIXe siècle: on fait travailler les enfants, on n'a pas de jour de congé, on baisse les salaires. C'est ça, votre modèle économique, c'est ce que vous défendez pour l'Europe ? Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, il est tout simplement honteux, dans un pays où on a réussi à obtenir des assurances sociales et un minimum de dignité pour les travailleurs, de revenir à des modèles pareils de démantèlement social, et il faut le condamner fermement !

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Roger Deneys. La question qui se pose avec cette initiative est celle du partenariat social. Dans le cadre de l'objet précédent, l'IN 151, les partenaires sociaux, patrons et syndicats, en ont appelé ensemble à un accord. (Remarque.) Lisez la prise de position de la CGAS, qui figure en haut de la page 33 du rapport et rappelle ceci s'agissant du projet Abate du Conseil fédéral - lequel a évidemment été repris par d'autres pour être étendu encore davantage: «Pire, le projet ne prévoit à l'heure actuelle aucune compensation pour le personnel de vente. En effet, la loi sur le travail ne prévoit aucune compensation particulière pour le travail du dimanche régulier.» C'est aussi pour cette raison supplémentaire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut accepter cette initiative: les partenaires sociaux doivent se mettre d'accord sur une convention collective dont on connaît les tenants et aboutissants, qui précise la façon dont les vendeuses et vendeurs sont compensés et quels sont leurs jours de congé fixes. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas, c'est la réalité des personnes qui gagnent déjà très peu et doivent ensuite accepter des conditions toujours plus déplorables pour boucler leurs fins de mois. Or il s'agit là d'un préalable à tout accord éventuel ! Parce qu'on s'en fiche du jour dévolu aux religions, aux activités X ou Y; ce qui compte, c'est la façon dont les gens doivent travailler, et ils ne le font pas par choix mais parce qu'on leur impose cette précarité, on leur impose cette absence de vie familiale alors qu'ils doivent tout de même gagner leur vie. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le préalable minimum !

Si les partenaires sociaux se mettaient d'accord pour étendre davantage, en pensant que c'est un bien, les horaires du dimanche, on pourrait discuter, on l'a d'ailleurs souhaité tout à l'heure dans le cadre de l'initiative 151 parce qu'ils étaient d'accord entre eux. Mais ici, il n'y a pas d'accord, il y a juste le Conseil fédéral qui triche, magouille la démocratie suisse, refuse de soumettre le projet sous forme de loi à laquelle on pourrait opposer un référendum et procède par ordonnance pour imposer des conditions-cadres différentes à l'économie suisse, ce qui est un véritable scandale. Certes, on peut être pour ou contre cette initiative, mais je pense que le respect de la démocratie suisse consiste justement à laisser le peuple s'exprimer.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter cette initiative et, dans tous les cas, refuser les mesures dilatoires - ça a d'ailleurs été confirmé par un représentant d'un parti populiste qui en appelle tout le temps au peuple genevois et vient dire ici: «On veut un contreprojet, comme ça le Conseil fédéral pourra magouiller dans son coin et imposer des ouvertures prolongées des commerces, on s'en fiche des vendeuses et des vendeurs de Genève, on impose des ouvertures !» C'est un véritable scandale ! Il faut parler en termes de conditions de travail pour les personnes concernées et pas simplement en termes de loisirs pour des bobos nantis dont ce Grand Conseil est particulièrement bien doté... (Remarque.) Il faut donc accepter cette initiative et surtout ne pas voter pour un contreprojet; ainsi, le peuple pourra se prononcer et on pourra discuter du modèle social. L'Europe a réussi à mettre en place un modèle qui est un exemple pour la planète entière, il faut le maintenir. Je vous invite à accepter cette initiative ! (Applaudissements. Huées.)

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Avec tout ce que M. Deneys vient de dire, j'espère que les gens trouveront le temps d'aller voter, travailler, déterminer s'ils doivent faire l'amour ou les magasins... J'espère que tout cela pourra être fait raisonnablement. Le contreprojet est là pour ça: on va faire une rédaction et tout ce que vous avez dit pourra être traité, soit le SECO, les contrats de travail, etc., donc je ne comprends pas exactement votre position là-dessus. Vous voulez absolument faire voter le peuple; quant à moi, je veux une Genève qui bouge, une Genève vivante, surtout le dimanche après-midi.

M. Roger Deneys. Comme la loi sur la police !

M. Jean-Marie Voumard. Les mesquineries continuent ? Alors je vais m'y adonner gaiement, moi aussi. Mme Wenger a cité tout à l'heure un quartier... (Remarque.)

Le président. Monsieur Baertschi ! Monsieur Baertschi, s'il vous plaît !

M. Jean-Marie Voumard. ...d'une cité américaine. Je reconnais que cette personne voyage beaucoup, mais elle oublie tout de même de citer des villages de 10 000 habitants où tous les magasins sont ouverts et des villes de 20 millions de personnes où tous les commerces sont ouverts: ça s'appelle le Brésil ! Or Mme Wenger y va souvent, mais elle oublie de citer cet exemple quand ça l'arrange.

Maintenant, autre chose: Monsieur Deneys, vous parliez tout à l'heure de travailler, de voter. Je suis surpris d'entendre un député socialiste prôner le slogan «Faites l'amour, pas les magasins», surtout quand on s'appelle de Sainte Marie ! J'espère néanmoins que les couples ayant subi les recommandations de Monseigneur de Sainte Marie trouveront le temps, accompagnés du résultat de leurs ébats, d'acheter les couffins et autres Pampers nécessaires à leur bien-être. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous donner la position du Conseil d'Etat sur cette initiative, dont on a dit un peu abusivement tout à l'heure, surtout le rapporteur de minorité, qu'elle posait une série de questions sur le travail dominical... (Remarque.) Si, si, c'est l'expression que vous avez employée: cette initiative pose des questions. Le drame, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que cette initiative ne pose aucune question ! Elle amène en revanche une réponse unilatérale, assurément peu dangereuse - et je vais vous en faire la démonstration dans un instant - mais en réalité très trompeuse, une mauvaise réponse à une absence de question.

On ne parle pas réellement de l'ouverture généralisée et systématique des commerces le dimanche, comme d'aucuns ont voulu le croire; on amène ici une réponse à une question posée maladroitement. Il est vrai qu'à l'époque, le Conseil d'Etat avait, dans une consultation, préavisé défavorablement la motion Abate, qui restreint aux seules zones touristiques l'ouverture potentielle des magasins. Le préalable, c'est de déclarer que telle ou telle zone géographique consiste en une zone touristique - on parle bien sûr d'une partie d'un canton, ce ne sera jamais un canton tout entier; il a été évoqué tout à l'heure, je crois que c'était par le rapporteur de majorité, les exemples de Montreux et d'Ouchy, donc on ne parle même pas d'une ville mais d'une portion de ville. Le préalable, à travers cette motion et l'ordonnance y afférente, c'est de désigner telle ou telle zone comme touristique et de déclarer que, dans cette zone spécifique, un certain nombre de commerces, qui doivent eux-mêmes répondre à différents critères, peuvent ouvrir le dimanche dans des conditions relativement restrictives.

En réalité, Mesdames et Messieurs, cette initiative, et c'est peut-être le premier motif pour lequel le Conseil d'Etat vous recommande de la rejeter, propose de bloquer toute possibilité de lancer une réflexion avant même d'examiner s'il est éventuellement souhaitable de transformer un certain périmètre en zone touristique, ce qui, vous en conviendrez, est pour le moins restrictif et étroit en termes d'approche démocratique.

Si d'aventure on se lançait dans cette réflexion, si l'on souhaitait l'instauration d'une zone touristique à Genève permettant d'occuper du personnel le dimanche dans un périmètre défini, le résultat de la motion, c'est-à-dire l'ordonnance modifiée en janvier 2014, est relativement clair. Il faudrait en effet cumuler les conditions suivantes - je cite le rapport du Conseil d'Etat IN 155-A: «[...] le périmètre choisi doit pouvoir être considéré comme une "station proposant cures, sports, excursions ou séjours de repos"; le tourisme doit jouer un rôle prépondérant dans l'économie locale du périmètre choisi; ce périmètre doit également être caractérisé par d'importantes variations saisonnières dans l'activité touristique.» On peut douter qu'une quelconque zone géographique genevoise corresponde à ce cumul de différents critères. Et même si les conditions relatives au périmètre précité étaient remplies, les entreprises situées dans ce périmètre devraient encore répondre aux «besoins spécifiques des touristes» - il s'agit de l'article 25, alinéa 1 de l'OLT 2 - afin de bénéficier de la dérogation.

Le Conseil d'Etat vous dit donc simplement qu'on se trompe de débat ce soir. Si c'est le grand débat qu'on a voulu lancer tout à l'heure sur les ouvertures dominicales plus généralisées et une certaine générosité quant aux horaires, ce n'est pas le bon débat, on est même complètement à côté de la plaque. Le Conseil d'Etat vous recommande donc le rejet de l'initiative, non pas parce qu'elle est dangereuse mais parce qu'elle est trompeuse; il vous le recommande également pour deux autres raisons, qui illustrent les contradictions des promoteurs de cette initiative: la première raison, M. Deneys vient de le dire, c'est que si on est, comme dans le cadre de l'IN 151, des amoureux du partenariat social, des adeptes du tripartisme, alors on ne propose pas une telle initiative qui, de ce point de vue là, impose une interdiction de réfléchir, une impossibilité pour les partenaires sociaux d'envisager une potentielle amélioration, ou alors on intègre au moins dans le texte la possibilité si ce n'est l'incitation de discuter, et c'est là qu'on verra véritablement qui soutient le partenariat social. Le second argument, peut-être le plus fort, Monsieur Vanek, c'est qu'on parle quand même ici d'une initiative législative. Si on adhère ce soir à l'idée que postule cette initiative et que le parlement la vote, le débat est terminé, il n'y a plus de votation populaire. Vous sécrétez ainsi dans votre argumentation la raison même pour laquelle il faut refuser cette initiative, précisément pour que le peuple puisse se prononcer et, du point de vue du gouvernement, vous la renvoyez sèchement.

Quant à la question d'un contreprojet, on verra dans l'année qui vient s'il peut émerger. Ce que je peux en tout cas vous dire, et c'est un scoop, c'est que dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi et avec les partenaires sociaux, à la faveur aussi des conditions difficiles dans lesquelles le commerce genevois se trouve après la suppression du taux plancher, nous avons mis sur pied un groupe de travail tripartite autour de la LHOM, qui fonctionne, explore des pistes, non seulement pour le dimanche mais également pour la soirée, et avec des compensations - ça ne se fera pas sans compensations. J'aimerais pouvoir croire, j'espère avec vous, dans l'esprit qui a caractérisé le vote sur l'IN 151, que nous serons en mesure, dans les mois à venir, de proposer à la commission compétente - si tant est que vous votiez pour un contreprojet - un réel contreprojet qui soit la démonstration que ce mode de faire, cette initiative telle qu'elle est présentée, va à fins contraires. Nous vous recommandons donc de la rejeter, avec ou sans contreprojet. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur la prise en considération de cet objet.

Mise aux voix, l'initiative 155 est refusée par 61 non contre 31 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 56 oui contre 35 non et 4 abstentions.

Le rapport IN 155-B est renvoyé à la commission de l'économie.

M 2189
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean Sanchez, Thierry Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Pascal Spuhler, Ronald Zacharias, Danièle Magnin, Henry Rappaz, André Python, Jean-François Girardet : Valorisons le travail de la fonction publique !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.

Débat

Le président. Nous passons à la proposition de motion 2189 en catégorie II, trente minutes. Monsieur Sanchez, vous avez la parole.

M. Jean Sanchez (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'une proposition de modification administrative relativement simple, qui figure dans les bonnes pratiques en matière de management. A titre d'exemple, imaginez qu'un journaliste rédige un article et que le lendemain, celui-ci soit publié sous le nom du rédacteur en chef; cela illustre un peu ce qui se passe aujourd'hui dans certains services de l'Etat. Hormis la charte graphique, il n'y a pas de ligne rédactionnelle uniforme et les documents ne sont parfois signés que par un chef de service, un secrétaire général ou un conseiller d'Etat, sans la moindre référence aux co-auteurs. Ce n'est pas comme ça qu'on valorise le travail des fonctionnaires, intention qui figurait tout de même dans le discours de Saint-Pierre - faut-il le rappeler ?

Il s'agit également de savoir motiver son personnel. D'ailleurs, nos rapports de commission contiennent tous le nom des différents intervenants, nous sommes ainsi conformes à la loi sur les archives publiques. Ce sont là des données importantes pour les historiens lorsqu'il s'agit de faire des recherches. Enfin, il nous paraît dérangeant, même si on ne peut pas parler de propriété intellectuelle, le fait de passer sous silence le travail des auteurs d'une étude, d'un projet de loi ou de différents rapports. Nous demandons tout simplement que ces références figurent sur les documents émanant de l'administration pour rendre à César ce qui est à César, ou du moins le partager.

M. François Lefort (Ve). Voilà un bon exemple de fausse bonne idée derrière laquelle se cachent en réalité de drôles de pensées. Prétextant d'une inquiétude quant à une meilleure valorisation des efforts de la fonction publique, prétextant d'une empathie soudaine pour les recherches historiques futures, prétextant d'un désir de transparence s'apparentant à une sorte de naturisme politique, cette motion demande à faire figurer en référence tous les noms des fonctionnaires ayant participé à la rédaction ou à la conception des documents émis par l'administration, y compris les projets de discours.

Nous ne sommes pas séduits par cette drôle d'idée, qui livrera les fonctionnaires à toutes les responsabilités et pressions imaginables alors que les seuls auteurs des documents émis par l'administration, y compris les projets de discours, doivent être ceux qui en portent la responsabilité politique, c'est-à-dire les conseillers d'Etat en charge des départements, et non pas les fonctionnaires agissant sous leurs ordres. Ne soyons pas dupes: cette drôle d'idée ne ferait que mettre la responsabilité sur les fonctionnaires au service de l'Etat, et il n'est pas question de les soumettre à toute sorte de pressions sous prétexte de transparence. L'Etat fonctionne bien justement parce que les fonctionnaires travaillent dans l'anonymat, qui leur permet une distanciation vis-à-vis des enjeux politiques. Prôner la transparence à tout prix ne ferait qu'augmenter le stress des fonctionnaires, qui ne seraient alors plus seulement responsables devant leur conseiller d'Etat mais également devant la population entière, et ceci n'est pas possible.

Prôner cette transparence n'a aucune utilité pour l'histoire et encore moins pour le bon fonctionnement de l'Etat et des institutions démocratiques. C'est même exactement le contraire: cela entravera le fonctionnement de l'Etat, et il n'y a aucune raison de désigner des responsables autres que les responsables politiques. Plus qu'une fausse bonne idée, c'est même une idée dangereuse et pernicieuse pour le fonctionnement de nos institutions. Si vous voulez vraiment valoriser les collaborateurs de la fonction publique, Mesdames et Messieurs les auteurs de cette motion, c'est très simple: arrêtez de les attaquer régulièrement dans cette enceinte parlementaire et respectez-les. Cette motion, c'est tout le contraire: c'est un texte irrespectueux de la fonction publique et dont le vrai titre, que l'on peut lire en filigrane, serait plutôt «Punissons les fonctionnaires !» Les Verts ne sont bien sûr pas dupes; nous refuserons cette motion et vous recommandons d'en faire de même.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera contre cette motion. Il est quand même piquant de constater qu'elle émane d'un groupe qui vient de refuser aux hauts fonctionnaires un quatorzième salaire ou une prime ! (Remarque.) Si on veut valoriser le travail des hauts fonctionnaires... (Remarque.)

Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît !

M. Bertrand Buchs. ...on valorise aussi leur salaire, d'accord ? Vous avez décidé de ne plus valoriser le salaire des hauts fonctionnaires, alors ne venez pas maintenant avec l'idée de mettre le nom du fonctionnaire sur un projet de loi ou un discours, ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent à l'Etat. Lorsque vous écrivez un texte, vous êtes souvent aidé par votre assistant parlementaire, n'est-ce pas ? Or est-ce que le nom de celui-ci figure sur les textes que vous publiez ? Non !

Dans ce parlement, nous avons la politesse de remercier dans nos rapports les fonctionnaires qui ont participé aux travaux parce qu'ils nous aident, ils nous amènent quelque chose. Mais c'est nous qui décidons de les remercier, tout comme les conseillers d'Etat remercient les fonctionnaires qui les aident à réaliser leur travail. Il n'est pas nécessaire d'apposer le nom du fonctionnaire sur un texte de loi, d'autant plus que si le texte est rejeté ou qu'il y a un quelconque problème, c'est un stress pour celui-ci: on va le mettre au pilori, on dira que c'est sa faute, qu'il a mal rédigé, etc. Signer des textes n'est pas le rôle du personnel de l'administration, qui est là pour amener des avis techniques sous les ordres des conseillers d'Etat ou des députés. Voilà comment ça marche, et nous ne voterons pas cette motion.

Une voix. Très bien.

M. Benoît Genecand (PLR). Chers collègues, que demande la motion du député Sanchez ? Sur tous les documents et projets de documents émis par l'administration, il faudra faire figurer en référence le nom des fonctionnaires ayant participé à leur conception ou à leur rédaction. On peut tout d'abord se demander, Monsieur Sanchez, ce qu'est un projet de document. Est-ce toute idée qui passe par la tête de quelqu'un sans pour autant arriver à maturité ? Cela risque de faire beaucoup ! Un projet de document est-il réellement émis ? Sinon comment faire pour mettre en référence les fonctionnaires ayant participé à sa conception ou à sa rédaction ?

Laissons ici les projets et les concepts pour nous concentrer sur la demande de voir cité le nom des créateurs et créatrices de documents. Nous imaginons que les motionnaires pensent large: il s'agirait sans doute non seulement de celui ou celle qui a eu l'idée du document mais aussi de celui et plus fréquemment celle qui tape le document sur son ordinateur après l'avoir relu et corrigé. Admettons donc que chaque document de l'administration soit muni d'une généalogie complète des personnes ayant participé à son élaboration, quelles en seraient les conséquences ? Peut-être bien que quelques employés au sein de l'administration en ressortiraient renforcés et motivés, heureux de voir reconnue la paternité d'une instruction de toute beauté ou d'un règlement indispensable; mais combien, plus nombreux, seraient les fonctionnaires embarrassés de devoir assumer personnellement la paternité ou la maternité d'une énième instruction tatillonne ou d'un règlement redondant, sans parler des pratiques administratives de plus en plus fréquentes qui augmentent un tarif ou le calcul d'une taxe ?

Et, plus important encore, mesure-t-on l'efficacité d'une administration à sa production de documents ? A cet égard, comment reconnaître la contribution décisive de celui qui évite la création d'un document ? Devrait-on établir une liste séparée pour mettre en exergue ce pouvoir de renoncer, cette capacité de s'abstenir ? Dans un parlement rempli de députés qui mesurent leur bonheur au nombre de projets de lois, motions, résolutions et questions écrites urgentes ou non qu'ils déposent, seuls ou collectivement, je sens que cette idée d'un bonheur dans la modération ne me vaudra pas beaucoup d'applaudissements ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). J'ai beaucoup d'estime pour M. Sanchez, c'est vrai, il fut un bon fonctionnaire. Mais là, franchement, ce n'est pas rendre service aux fonctionnaires ! Vous siégez à la commission des finances comme moi, Monsieur, et vous voyez parfois les pauvres employés de l'administration qu'on auditionne en ressortir insultés. J'ai connu une époque où certains ont même pleuré, c'est la vérité. Alors imaginez qu'en plus, les textes qui nous sont envoyés soient signés par les fonctionnaires: mais ils seraient crucifiés, les pauvres, véritablement crucifiés ! Avec l'anonymat, ils ont au moins le conseiller d'Etat devant, on peut s'en prendre à lui. (Remarque. Rires.) C'est le paravent, oui ! Là, vous enlevez le paravent ! Déjà que les conseillers d'Etat ne viennent pas très souvent à la commission des finances; si en plus vous enlevez le paravent, ils n'auront plus rien à faire du tout, ils nous diront: «Ce n'est pas moi qui ai écrit ça, c'est M. Untel, je vous l'enverrai.» Non, ce n'est vraiment pas possible.

Je tiens aussi à dire que quand on lit certains rapports dans ce Grand Conseil, on ferait parfois mieux de ne pas en connaître les auteurs, ça les avantagerait beaucoup ! (L'orateur rit.) On devrait même carrément anonymiser nos rapports, ce serait sans doute mieux pour certains députés, croyez-moi ! Non, restons-en là, Monsieur Sanchez. Franchement, vous avez eu une idée généreuse, mais je ne crois pas que les fonctionnaires aient une âme artistique et rédactionnelle ni souhaitent se présenter comme les auteurs à succès de demain. Non, je pense qu'il faut les laisser comme ils sont, restons-en à la situation actuelle. De toute manière, les conseillers d'Etat peuvent très bien assumer ces textes, n'est-ce pas ? Vous les corrigez même, n'est-ce pas ? (Remarque.) Voilà, merci beaucoup. Vous l'avez compris, les socialistes ne voteront pas cet objet.

M. Pierre Vanek (EAG). Tout a été dit, ou l'essentiel. Vous savez que je ne suis pas forcément partisan de l'organisation militaire d'un certain nombre de secteurs de l'Etat, mais enfin quand même ! La formule originelle de la loi sur la police proposée par le Conseil d'Etat prévoyait une organisation hiérarchique, et il est vrai que les fonctionnaires sont soumis à des chefs, à une hiérarchie et à des ordres venus d'en haut qu'ils exécutent bien ou mal, plus ou moins bien, plus ou moins mal, mais souvent très bien en faisant ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. On ne peut pas leur demander d'assumer la responsabilité et de signer des documents qu'ils ne produisent pas de manière indépendante ! Quelqu'un a pris l'exemple du journalisme. Un journaliste prend ses responsabilités, il signe de sa plume et de son nom un article et en assume la responsabilité, y compris légale. Il peut être poursuivi pour ce qu'il a écrit, pour calomnie, pour diffamation, pour ceci ou cela. Il y a donc un degré de responsabilité qu'il assume. On ne peut pas demander à des fonctionnaires de signer des documents et d'en endosser la responsabilité tout en agissant de manière subordonnée dans le cadre d'une organisation administrative et hiérarchique.

La conséquence de ce que vous proposez est intéressante, ça voudrait dire qu'il faudrait adopter un principe d'organisation de l'administration entièrement différent: en offrant aux fonctionnaires la possibilité et l'obligation de signer des documents, il faudrait en même temps leur octroyer la liberté qui va avec, c'est-à-dire celle de produire tel document et pas tel autre, d'accepter ou de refuser... Bref, vous remettez en cause de manière assez fondamentale le fonctionnement de l'administration tel qu'il existe aujourd'hui. Evidemment, on peut procéder à une réflexion sur la remise en cause du caractère hiérarchique de l'administration, on peut proposer de supprimer les chefs, on peut proposer une organisation plus participative et collaborative, on peut prendre des mesures anti-autoritaires telles que celles qui découlent de ce que vous proposez. Ce type de mesures a toute ma sympathie, mais il ne faut pas commencer par la fin, il ne faut pas commencer par la signature, il faut commencer par une réflexion sur la manière dont est appliqué le principe hiérarchique...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Pierre Vanek. ...dans l'administration ! Vous l'avez compris: pour des raisons de protection des fonctionnaires soumis à des décisions du Conseil d'Etat qui ne sont pas forcément tout le temps heureuses, ils ont pour le moins droit à l'anonymat...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Vanek. ...dans l'exécution de ces tâches, et nous pensons qu'il faut le respecter. Nous ne voterons pas cette motion.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, quand on vous écoute toutes et tous, on constate que vous êtes quand même d'accord sur le fait que cette motion a une raison d'être, vous concédez qu'il serait sain de revaloriser le fonctionnaire. Vous n'utilisez simplement pas le bon outil pour... L'idée n'est pas de mettre au pilori le fonctionnaire mais simplement de revaloriser son travail, ce qui demande une réflexion. Cette motion requiert une réflexion, et vous avez toutes et tous reconnu qu'il y a une réflexion à mener, peut-être une étude à réaliser. En lieu et place de la mettre au bûcher comme vous le faites, sans forcément mener de réflexion, je vous invite simplement à la renvoyer en commission pour l'étudier. Est-il aujourd'hui possible ou non de revaloriser le fonctionnaire dans son travail ?

Naturellement, il ne s'agit pas de dire que le fonctionnaire doit assumer des responsabilités devant la commission des finances parce qu'il a pris telle ou telle décision, comme le mentionnait M. Velasco, vous savez très bien, Monsieur Velasco, qu'un fonctionnaire ne prend aucune décision, ce sont les magistrats en charge de chaque département qui dictent au fonctionnaire ce qu'il doit faire, dire, écrire ou pas. En l'occurrence, ce n'est pas ça qu'on vise, on demande simplement une revalorisation du travail.

Aujourd'hui, certains conseillers d'Etat prennent à leur compte des projets qui ne sont pas les leurs, ils n'ont simplement pas planté un clou dans ces projets et se gargarisent d'en être les auteurs, de les mettre en place, ce qui est simplement malhonnête. Ce qu'on demande, c'est de renvoyer cette motion en commission afin d'étudier la possibilité de revaloriser le travail des employés de l'administration. Ça ne veut pas dire, lorsque la commission se sera concertée sur cette motion, qu'il en ressortira quelque chose, mais ça demande en tout cas une bonne réflexion, une étude. Renvoyer ce texte en commission, ça ne mange pas de pain, ça ne mange pas de foin, et je pense qu'il y a quelque chose à faire. Autant M. Genecand que M. Velasco ou M. Vanek ont évoqué des choses intéressantes. On voit que cette motion vous interroge, vous interpelle. Du moment qu'elle vous interpelle, ça mérite une étude en commission. Merci de la renvoyer en commission, Mesdames et Messieurs !

Le président. Monsieur le député, il y a 24 commissions. A laquelle proposez-vous de la renvoyer ?

M. Thierry Cerutti. Excusez-moi: à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Le président. Merci, j'en prends note. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. En Suisse, par principe, nous ne cultivons pas le culte de la personnalité. Dans le secteur privé, des sociétés anonymes publient de très nombreux articles dans la presse signés par les directeurs généraux ou les présidents de conseils d'administration alors que la plupart de ces textes ont été rédigés par des spécialistes responsables de services et de départements au sein de ces sociétés sous le contrôle du responsable de la communication. Suite au renoncement au taux plancher par la Banque nationale suisse, un article avec pour titre «Une stratégie pour assurer la prospérité de la Suisse» et signé par le directeur général de l'UBS a été publié dans les plus grands journaux de Suisse, dans les trois langues nationales. En réalité, cet article a été écrit par un comité de rédaction regroupant plusieurs spécialistes de la banque. Le nom du vrai auteur n'apparaît pas, car l'une des tâches figurant dans son cahier des charges est justement d'écrire des articles. On peut sans autre comparer cette manière de faire aux publications de l'Etat, et seuls les conseillers d'Etat en charge des départements signent et portent la responsabilité de leur contenu. Le nom d'un conseiller d'Etat est plus crédible que celui de l'un des nombreux fonctionnaires au service du chef du département. Le groupe UDC s'abstiendra sur cette motion. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis assez affligée de constater que certains d'entre vous ont une conception de l'administration extrêmement négative. Vous donnez l'impression qu'on a affaire à des bobets, à des gens qui ne savent pratiquement ni lire ni écrire. Mais c'est scandaleux ! La plupart des personnes... C'est comme dans la recherche: combien de fois des professeurs ont-ils signé des articles sans nommer leurs collaborateurs ? Heureusement, les pratiques changent, donc il vaudrait vraiment la peine qu'au niveau de la direction des administrations, le nom des collaborateurs puisse figurer sur les documents, c'est le moindre des respects. Je trouve vraiment affligeant qu'on ne reconnaisse pas cela et surtout que de nouvelles pratiques ne s'instaurent pas au sein de l'administration. Bien sûr, les ministres sont responsables in fine, mais ils ne sont pas tout seuls !

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je conclurai en disant qu'il serait vraiment souhaitable, au vu de toutes les questions qui ont été soulevées, que cette motion soit renvoyée à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat pour être analysée.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et cède la parole à M. Roger Deneys, à qui il reste une minute dix.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le plus grave danger de cette proposition de motion, c'est qu'elle va nous faire perdre nos dernières illusions ! Il ne faut surtout pas accepter une motion pareille ! Aujourd'hui, quand je lis un texte, un projet de loi ou un communiqué de presse du Conseil d'Etat, je m'imagine que le conseiller d'Etat dont le nom figure au bas de la page a compris le texte qu'il a signé, sait de quoi il parle et assume le contenu politique de sa déclaration ! Et maintenant vous voulez nous priver de cette dernière illusion en indiquant le nom des fonctionnaires qui ont rédigé le texte ! Vous imaginez ? Voilà dix ou douze ans que je me fais avoir dans ce Grand Conseil ! Ce n'est pas possible, Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout simplement impossible d'enlever leurs illusions aux députés en mentionnant le nom des fonctionnaires qui ont travaillé ! Les conseillers d'Etat savent très bien ce qu'ils font tous les jours quand ils signent des textes, il faut maintenir le système actuel.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Lefort, il vous reste trente secondes.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. J'ai rarement vu le MCG faire un marketing aussi doucereux pour l'un de ses textes, c'est déjà là un signe pernicieux. Il n'y a rien à étudier, non ! (Commentaires.) Comptez leurs secondes ! Suivre votre demande, Mesdames et Messieurs, c'est diluer les responsabilités et donner des responsabilités politiques aux fonctionnaires qui ne les ont pas demandées, c'est les exposer aux pressions et aux vindictes, et ceci n'est pas acceptable. Evidemment, non seulement nous ne voterons pas cette motion mais surtout nous vous demandons de ne pas la renvoyer en commission parce qu'encore une fois, il n'y a là rien à étudier.

M. Bertrand Buchs (PDC). Rapidement, encore un argument: je crois que ce n'est pas au parlement de décider de la façon dont doivent fonctionner les départements de l'Etat ainsi que les relations entre les fonctionnaires et le Conseil d'Etat. On a toujours tendance à vouloir décider à la place du Conseil d'Etat. Les conseillers d'Etat gèrent leur personnel et s'ils veulent remercier un employé qui a fait un travail X ou Y, ils sont assez grands pour le faire. Quant à moi, je vous encourage à le faire au sein de ce parlement comme nous le faisons pour notre part puisque chaque fois qu'on procède à une audition et qu'on écrit un rapport, on remercie le fonctionnaire ou le haut fonctionnaire qui nous a aidés; on le fait, on va continuer à le faire et je vous encourage à le faire aussi. Quand j'ai présenté le rapport de la commission de contrôle de gestion, j'ai remercié le fonctionnaire M. Audria, qui m'a beaucoup aidé; c'est normal, mais c'est moi qui écris le rapport et je le remercie. Alors continuez à le faire au sein du parlement, et ça suffit. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote. Tout d'abord, nous avons été saisis d'une demande de renvoi en commission, Mesdames et Messieurs, que je vous soumets.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2189 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est rejeté par 69 non contre 18 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de motion 2189 est rejetée par 61 non contre 18 oui et 10 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre bonne humeur de ce soir. Bonne nuit et rendez-vous jeudi prochain à 8h !

La séance est levée à 22h30.