République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11228-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur la police (LPol) (F 1 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Irène Buche (S)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point qui va nous occuper cet après-midi, le PL 11228-A, classé en catégorie I. Je compte sur vous tous pour que les débats se passent dans la sérénité, la joie et la bonne humeur ! Je vous en remercie par avance. Je passe la parole à... (Remarque.) Oui, pardon, deux correspondances doivent être lues. Monsieur Lefort, je vous prie donc de donner lecture, puisque cela a été demandé, des courriers 3334 et 3336. Merci. (Commentaires et brouhaha durant la lecture des courriers.)

Courrier 3334 Courrier 3336

Le président. Merci, Monsieur le membre du Bureau, pour cet exercice fastidieux. (Applaudissements.) Je passe la parole au rapporteur de majorité.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, réformer et renforcer la police est indispensable à l'amélioration du fonctionnement de la chaîne sécuritaire dans son ensemble. L'adoption du projet de loi sur la police, dont nous allons débattre, permettra de poursuivre l'effort entrepris visant la baisse de la criminalité et inscrira cette baisse dans la durée.

Une réforme de la police en profondeur est devenue indispensable. L'organisation actuelle de la police, qui remonte à 1957, repose sur des bases désuètes, en décalage avec l'évolution de la criminalité ainsi que des moyens modernes de prévention et de répression. Trop compliquée, la loi en vigueur regorge de dispositions empêchant l'état-major de la police, le chef du département et le gouvernement de piloter efficacement l'institution policière. Or, rappelons-le, la sécurité, l'exercice de la force publique, est une tâche régalienne de l'Etat.

Cette nouvelle loi sur la police repose sur des principes fondamentaux et propose une police au service de la population, qui la protège et qui la sert; une police à l'écoute, exemplaire, digne et que l'on respecte. Réorganisée, la police sera plus efficace, plus efficiente aussi.

La principale nouveauté de ce projet de loi est la suivante: la réorganisation de la police autour de cinq grandes missions et services, la police-secours - le 117 - la police judiciaire pour les enquêtes approfondies, la police internationale, la police routière - qui, je vous le rappelle, a affaire à un bassin de population plus proche du million d'habitants que des 500 000 résidents, compte tenu de la circulation transfrontalière régionale - et la police de proximité. La gendarmerie n'existera plus en tant que corps constitué autonome, avec son état-major propre.

Par ailleurs, voici les autres nouveautés: la création d'une école de police unique, avec renforcement des possibilités de mobilité interne et formation continue obligatoire; la clarification des liens hiérarchiques et la simplification de leurs niveaux; la suppression des mécanismes d'avancement automatique, le rôle matricule - l'avancement en grade sera dès lors subordonné aux compétences objectivement reconnues - le port obligatoire du matricule; l'instauration d'un conseil consultatif de sécurité; la fin de l'empêchement pour les policières et policiers employés à temps partiel d'accéder aux fonctions de cadres; l'introduction d'une base légale pour la vidéosurveillance; enfin, l'introduction d'une base légale pour l'inspection générale des services (IGS).

Cette nouvelle loi de structure et d'organisation de la police permettra plus de proximité, de rapidité, de visibilité, de traçabilité, de flexibilité et d'efficacité. C'est une base solide et un instrument législatif moderne pour que se confirme et continue la baisse de la criminalité observée depuis 2012, pour redonner à la police confiance en son métier, renforcer la confiance de la population en sa police ainsi qu'en la capacité de l'Etat d'assurer sa sécurité et permettre les évolutions opérationnelles futures en fonction des impératifs du terrain, qui changent en permanence et de plus en plus rapidement.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les membres de la commission judiciaire et de la police ont réalisé un travail en profondeur, aboutissant à un projet de loi qui pose les bases de la modernisation de la police. Ce résultat est précieux car, précédemment, plusieurs tentatives de réformer la loi sur la police de 1957 avaient échoué. Aujourd'hui, grâce aux travaux préparatoires menés très en amont par le département de la sécurité et de l'économie, en coopération avec le Ministère public et le personnel de police, nous pouvons affirmer que ces nouvelles dispositions législatives sont pertinentes, efficaces et équilibrées. Pertinentes, car la criminalité telle qu'elle évolue sous nos yeux - ou parfois de manière cachée - a été prise en compte; pertinentes aussi car les aspects de prévention et d'anticipation seront maintenant ancrés dans la loi. Efficaces, car la volonté qui sous-tend ce projet est de produire de la sécurité, tout en affirmant clairement que la police est au service de la population. Equilibrées finalement, car ce PL fait appel à la réciprocité du respect: une population qui respecte la police et une police qui respecte la population dont elle assure la sécurité. Equilibrées aussi, car les différents services constituant la police dans son ensemble seront des entités mieux intégrées, coordonnées et complémentaires les unes des autres.

Les policiers ont la volonté d'être des professionnels de la sécurité avec un haut niveau de compétences, et disposant des moyens pour atteindre leurs objectifs; ils méritent donc une loi telle que celle proposée ici. Je vous remercie.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de première minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si les socialistes ne contestent pas la nécessité de modifier la loi sur la police de 1957 ainsi que de l'adapter à l'évolution de la police et de ses missions, nous refusons toutefois que cela se fasse à n'importe quel prix. Or, le projet de loi voté en commission comporte des dispositions inacceptables et ne nous convient pas en l'état. Il s'agit, en particulier, comme cela ressort du rapport de minorité, de l'article 19, alinéa 2; de l'article 52, alinéa 1, lettre c sur les mendiants; des articles 55, 56 et 57 sur les mesures préalables; de l'article 60, alinéa 2 sur la vidéosurveillance des voitures de police; et de l'article 66 sur le ratio, en lien avec l'article 19.

Les articles 19, alinéa 2, et 66 prévoient que les effectifs cumulés de policiers et d'assistants de sécurité publique armés doivent atteindre 42 postes pour 10 000 habitants, comme à New York, dans un délai de cinq ans, alors que les effectifs actuels correspondent à 29 postes pour 10 000 habitants. L'objectif à atteindre est, pour nous, disproportionné et exige des moyens dont l'Etat de Genève ne dispose pas, à moins de couper dans d'autres prestations - ce qui n'est pas admissible - ou de trouver de nouvelles recettes fiscales. Le Conseil d'Etat dit déjà n'avoir plus les moyens de fournir certaines prestations, notamment dans le domaine de l'enseignement et du social, et il envisage d'ores et déjà des coupes. Il serait donc inacceptable que le département de la sécurité bénéficie de telles augmentations de budget dans ces conditions, à moins que la majorité de ce parlement n'accepte enfin de prévoir de nouvelles recettes. L'autre problème que l'on retrouve à l'article 19, c'est que le taux de répartition entre policiers et ASP 3 n'est pas déterminé, ni dans le projet de loi ni même dans l'exposé des motifs. Les socialistes proposent ainsi un amendement visant à biffer cet alinéa.

Nous demandons par ailleurs que soit biffé l'article 52, alinéa 1, lettre c, permettant à la police d'éloigner d'un lieu ou d'un périmètre déterminé une personne qui se livre à la mendicité et de lui en interdire l'accès. Comme vous le savez, la gauche s'est toujours fermement opposée à la criminalisation de la mendicité et ne peut accepter que l'on discrimine davantage une personne simplement parce qu'elle mendie.

Quant aux articles 55, 56 et 57, ils touchent aux valeurs fondamentales et sont particulièrement inacceptables. Pour mémoire, en mai 2013, les Verts et les socialistes ont interjeté un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral contre la loi modifiant la loi sur la police adoptée par le Grand Conseil le 21 février 2013; à ce jour, le Tribunal fédéral n'a toujours pas rendu son arrêt. Les recourants avaient invoqué la violation de différentes dispositions constitutionnelles fédérales, en particulier la protection de la sphère privée, la garantie de l'accès au juge, le principe de la légalité, le principe de la proportionnalité et la force dérogatoire du droit fédéral. Or, les articles 55 à 57 sont identiques aux articles 21a, 21b et 22 de la loi actuelle, sous réserve d'une modification de l'article 55, alinéa 3, dans la mesure où le procureur de permanence serait remplacé par le commandant, et sous réserve également de l'article 57, alinéa 4, puisque le chef du département serait remplacé par le Tribunal administratif de première instance. Aux yeux de la minorité, ces trois dispositions restent contraires aux principes fondamentaux mentionnés précédemment, raison pour laquelle leur abrogation est demandée.

Ensuite, les Verts, Ensemble à Gauche et les socialistes se sont opposés à l'article 60, alinéa 2, proposé par le groupe UDC et prévoyant que les véhicules de police peuvent être équipés de caméras de surveillance. Il s'agit d'une nouvelle forme de vidéosurveillance mobile qui peut poser problème par rapport à la LIPAD, et il n'est pour nous pas admissible d'avoir, sur le domaine public du canton, des caméras disséminées qui filmeraient des personnes sans qu'elles le sachent.

L'article 19, alinéa 4, concernant les contrats de droit privé, n'est pas satisfaisant aux yeux des socialistes, qui ont déposé aujourd'hui des amendements visant à régler de manière satisfaisante cette question ainsi que celle des contrats de mandat, qui ne sont absolument pas réglées par la loi pour le moment. A l'heure actuelle, comme vous le savez, différentes tâches régaliennes sont effectuées à large échelle par des entreprises privées, comme les transferts de détenus ou les gardes d'hôpital, et il n'est pas acceptable que cette politique perdure. Les socialistes déposent donc un amendement pour également réglementer les contrats de mandat.

Enfin, une chose est particulièrement importante à nos yeux: nous voulons avoir la garantie que les acquis sociaux contenus dans la loi actuelle seront maintenus, et nous serons donc spécialement attentifs à cette question tout au long des débats.

En conclusion, ce n'est qu'à la fin du deuxième débat que les socialistes pourront décider s'ils sont ou non d'accord d'adopter ce projet de loi tel que sorti de commission, en fonction des amendements qui lui auront été apportés. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur un projet modifiant profondément la loi sur la police. L'ancienne loi, élaborée avec minutie et intelligence, a fait ses preuves depuis 1957; elle a traversé, à la satisfaction générale, des changements de société et de mentalités considérables qui ont fait Genève. Maintenant, pour des raisons obscures, on nous propose d'abandonner cette excellente loi pour un projet bancal, rédigé dans la précipitation et l'urgence politicienne !

Le projet de loi qui nous est présenté n'a de loin pas obtenu un consensus entre les organisations syndicales de la gendarmerie, de la police judiciaire, de la police internationale et même des assistants de sécurité publique, sans compter les divers partis politiques représentés dans cette salle. Lorsqu'une telle opposition existe, nous pouvons largement estimer que ce projet de loi n'est pas bon et qu'il posera de très sérieux problèmes à l'avenir. Sous cette forme, il est absolument nécessaire de revoir ce texte et de chercher un accord général, afin de garantir au mieux les droits des citoyens.

Ce projet de loi ne répond pas à nos attentes, malgré quelques petites améliorations tout à fait insuffisantes. D'emblée, le Mouvement Citoyens Genevois ne peut accepter que l'on supprime la gendarmerie, institution bicentenaire et faisant encore la fierté et le prestige de très nombreuses nations comme le Canada, d'autres en Afrique, sans oublier notre continent. Quel manque de vision politique de la part du conseiller d'Etat en charge de ce dossier, qui détruit l'un des fleurons de la république genevoise ! Si par malheur ce projet aboutit, il sera le fossoyeur de l'une des plus importantes traditions républicaines. Pour l'instant, il n'est parvenu qu'à créer la division et la révolte dans cette république; triste bilan ! C'est pourquoi nous n'accepterons pas la banalisation de l'appellation «gendarmerie» comme le propose ce texte parlementaire.

Nous reprochons à ce projet de loi son organisation sous forme de silo et de fourre-tout; cela va créer une véritable usine à gaz et multiplier à long terme les cadres et le personnel administratif. En somme, on nous refait le coup des directeurs d'écoles, avec des cadres qui deviennent plus nombreux que les exécutants ! Pourquoi créer des silos séparés avec une bureaucratie inutile, des doublons, des manques de synergie et des gaspillages que le contribuable devra compenser ? Car ce sera au contribuable de payer; Genève n'a pas les moyens, vu sa situation financière, de financer ce gadget ridicule ! Et dans cette usine à gaz, il est prévu un conseil consultatif, comme si le conseiller d'Etat n'était pas capable de gérer la police et de faire face aux problèmes sécuritaires. Quel aveu d'échec ! Dans l'état actuel des finances de l'Etat de Genève, nous n'avons pas les moyens de dilapider les dernières ressources essentielles au bon fonctionnement de notre république ! C'est un formidable gâchis financier et organisationnel qui s'annonce, qui va détériorer la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Cette loi pose également un problème de lisibilité, notamment en raison d'un français médiocre... (Commentaires.) ...et de la présence des dispositions allant de l'article 8 à l'article 15, qui n'ont pas lieu de figurer dans une loi: leur place se trouve dans un règlement d'application ! De plus, ce texte est une régression pour les droits du personnel policier car il touche fortement et défavorablement leurs conditions sociales, de manière tellement excessive que leur vie familiale pourrait en être durement affectée. Ce projet met également en danger l'intégrité et la sécurité des policiers et de leurs familles. Citons, comme exemple révélateur de la mauvaise préparation de cette loi, l'inspection générale des services, dont le rattachement hiérarchique est dans le flou total, ce qui pose un problème fondamental.

Mais ce qui exaspère le plus le MCG, c'est que, contrairement à ce qui existe dans d'autres cantons, la nationalité suisse n'est pas prise en compte dans ce texte. Nous estimons que la nationalité suisse doit être un critère d'engagement; il y a un nombre de tâches d'Etat pour lesquelles ce n'est pas négociable, étant entendu que le candidat étranger possédant un permis C est engagé sans problème, moyennant sa naturalisation accélérée. Cette situation est satisfaisante à tous points de vue. La nationalité suisse obtenue en fin de formation est la preuve d'une parfaite intégration; la puissance étatique ne peut être exercée que par une personne s'étant impliquée pleinement pour son pays. Cette condition de la nationalité est un élément essentiel pour que le Mouvement Citoyens Genevois accepte une nouvelle loi sur la police. A contrario, nous étudions la possibilité de lancer un référendum.

Enfin, le MCG a relevé une multitude de couacs, de mesures inappropriées, qui feront l'objet de nombreux amendements, lesquels ont été déposés avant ce débat; nous ne manquerons pas de nous exprimer et de justifier ces propositions de changements. Toutefois, il nous semble plus judicieux de retravailler ce projet de loi dans le calme et la sérénité, c'est-à-dire hors période électorale, et sans les gesticulations qui accompagnent précisément cette période. Nous proposerons donc le renvoi en commission quand tous les groupes politiques auront terminé leurs déclarations, à la fin du premier débat. Entre-temps, le Mouvement Citoyens Genevois vous recommande d'ores et déjà de ne pas traiter ce texte sous sa forme actuelle et vous invite donc à le refuser en l'état. Maintenons une police forte et républicaine, mais ne créons pas un monstre bureaucratique ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, les choses ont changé depuis le débat en commission, et tout ce qui s'est passé cet été n'a pas manqué de nous interpeller. Le groupe Ensemble à Gauche le dit tout de go: nous nous opposons fermement à toute remise en cause des acquis sociaux de la police. Et non seulement nous nous y opposerons, mais nous souhaitons également que ces acquis soient élargis à tout le personnel opérant dans la sécurité. Nous pensons que le nouveau concept SCORE doit être certes revu pour la police, mais aussi pour l'ensemble des collaborateurs de l'Etat, car il est tout à fait anormal que, dans ce cas en particulier, un agent perde des milliers de francs par année.

Le groupe Ensemble à Gauche se retrouve entièrement dans l'excellent rapport de minorité de notre collègue Irène Buche, qui prend en compte l'ensemble des revendications défendues par la gauche; nous nous y retrouvons complètement, sauf pour quelques amendements qui vous ont été remis. Nous avions présenté, en commission, un amendement qui rétablissait l'article 4 de la loi initiale en matière d'organisation de la police énonçant que celle-ci connaissait une structure hiérarchique, ce qui nous semblait conforme aux rapports pouvant exister entre du personnel en uniforme et administratif. La commission a souhaité rétablir l'ancien terme «militaire», un mot vieillot qui n'a rien à voir avec le fonctionnement actuel d'une administration publique. Imagine-t-on une secrétaire devant faire un salut militaire devant un commandant qui l'interpellerait ? (Exclamations.) Vous reconnaîtrez avec moi que ce serait ridicule ! C'est la raison pour laquelle notre groupe présente un amendement visant à rétablir l'article initial proposé par le Conseil d'Etat.

Suivent quelques amendements visant à reconnaître une existence légale aux ASP et à leur attribuer des droits. L'un d'entre eux porte sur le remboursement de l'assurance-maladie pour les ASP 3. Il s'agit certes d'un personnel supplétif, mais nous relevons quand même que les ASP 3 sont au bénéfice d'une formation dispensée à Savatan, qu'ils portent une arme et remplissent des missions de sécurité, notamment aux abords des ambassades ou à l'aéroport. Ils sont donc exposés à des risques objectifs, particulièrement en ce moment au vu de la situation internationale. Il n'est dès lors pas normal de ne pas leur offrir les mêmes prestations en matière d'assurance-maladie et de remboursement des frais pharmaceutiques ambulatoires. L'un de nos amendements met un terme à cette inégalité.

Nous ne contestons pas la nécessité d'une refonte complète de la loi en vigueur; cependant, le groupe Ensemble à Gauche s'opposera à certains articles et soutiendra les amendements proposés par le rapport de minorité. Nous pensons notamment au ratio de 42 policiers pour 10 000 habitants figurant à l'article 19, qui prend en compte les ASP 3 mais qui ne rend pas compte du ratio réel des policiers. Ce ratio, pour nous, n'a d'autre but que de permettre des économies budgétaires au détriment de la sécurité de la population, car les ASP 3, certes nécessaires, je le disais, ne disposent pas de tous les droits et prérogatives des gendarmes en exercice. Le groupe Ensemble à Gauche votera donc l'alinéa 2 de l'article 19 qui énonce, en tenant compte du principe de réalité, que la proportion doit être de 32 policiers pour 10 000 habitants.

La seconde divergence porte sur l'alinéa 4 de l'article 19: il est pour nous impensable d'attribuer des tâches régaliennes à des polices privées ! Comment confier à des Securitas le transfert de détenus d'un lieu à un autre, même à titre exceptionnel et pour une durée limitée? Il est heureux que ces convois carcéraux aient été relativement épargnés, mais rien ne dit qu'un jour des agents Securitas ne feront pas l'objet d'une agression à l'occasion d'un transfert. Je vous laisse imaginer toutes les conséquences qui pourraient en découler. Il s'agit donc pour nous, vous l'avez compris, d'une tâche régalienne qui ne doit pas être confiée à des polices privées ! C'est la raison pour laquelle notre groupe refusera l'alinéa 4 de l'article 19.

Notre troisième réticence porte sur l'article 52, alinéa 1, lettre c, concernant la mendicité. Notre groupe s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet, et nous jugeons que la mesure visant à éloigner une personne qui pratique la mendicité relève d'une politique d'exclusion vis-à-vis d'une communauté, et qu'elle est contraire aux droits énoncés à l'article 2 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. C'est pourquoi nous nous y opposerons également.

Le groupe Ensemble à Gauche a pris le train en marche en ce qui concerne le recours déposé au Tribunal fédéral contre la loi relative aux mesures préalables; cela étant, nous voterons aussi, comme cela a été proposé par nos collègues socialistes, la suppression des articles 55, 56 et 57.

Quant à l'idée saugrenue, proposée par l'UDC, d'équiper les véhicules de police de caméras de vidéosurveillance, nous la rejetons ! Car nous considérons que cette mesure porte atteinte à la sphère privée ainsi qu'aux droits des personnes, et pose un sérieux problème vis-à-vis de la LIPAD.

Voilà la position du groupe Ensemble à Gauche dans le cadre d'une première lecture, mais je reviendrai par la suite pour défendre les amendements déposés. Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez entendu de la bouche du rapporteur de deuxième minorité: la loi que vous vous apprêtez à jeter aux oubliettes est en vigueur depuis 1957; cela fait donc longtemps qu'elle existe, et personnellement je pars toujours du principe qu'il faut respecter les anciens qui étaient infiniment plus sages que la nouvelle génération de politiciens, et que lorsqu'on boit l'eau du puits, il ne faut jamais oublier ceux qui l'ont creusé.

Depuis 2005, date à laquelle le MCG a fait son apparition dans cet hémicycle parlementaire, beaucoup de choses ont changé, notamment concernant la police: nous avons vécu les derniers instants de Micheline Spoerri à la tête de ce département, repris ensuite par un socialiste, Laurent Moutinot, qui s'est empressé d'enlever le mot «police» du titre du département - parce qu'évidemment, pour un socialiste, le mot «police» est inacceptable. Par la suite il y a eu l'apprentie dont le nom m'échappe à la seconde... Isabel Rochat, qui a effectué sa formation pendant deux ans - et la seule chose qu'elle a réussi à faire, c'est détruire les plans retraite des policiers. On se souvient que Genève attirait beaucoup de policiers - des gens engagés qui, parfois au péril de leur vie, défendent l'intégrité des citoyens - car cette profession était attractive: trente ans de service, quelques avantages, mais un engagement permanent, différent de celui d'un autre fonctionnaire qui est derrière son bureau - bien que ce ne soit évidemment pas péjoratif - et qui risque évidemment moins d'avoir un accident qu'un policier sur le terrain, si ce n'est de se retourner l'ongle avec le stylo. Eh bien cette conseillère d'Etat a commencé par détruire le corps de police, tout en convoquant tout le monde à la caserne des Vernets pour faire un grand discours. Mais vous verrez qu'il y a quelques parallèles à faire avec celui qui a suivi, parce qu'il a aussi convoqué toute la gendarmerie - mais, avec son sens du spectacle, c'était à l'Arena - pour dire combien il respectait la police et pour s'empresser droit derrière de faire à peu près le contraire de ce qu'il avait déclaré. Lors de discussions avec Pierre Maudet - puisque j'ai évidemment du respect pour M. le conseiller d'Etat, j'admire aussi sa jeunesse, son énergie - je l'avais donc mis en garde... (Commentaires.)

Des voix. Oh !

M. Eric Stauffer. Mais oui, vous savez, le MCG a parfois, comme ça, des visions, ça arrive ! Je l'avais mis en garde, en disant: «Attention de ne pas vous mettre les syndicats à dos, parce que personne, je dis bien personne, ni même un conseiller d'Etat, n'a résisté à la pression des syndicats de la police tous réunis !» (Commentaires.) Alors évidemment, quelques âmes pincées ici vont dire: «C'est un Etat dans l'Etat !» Non, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.)

Des voix. Oui !

M. Eric Stauffer. Ce n'est pas un Etat dans l'Etat ! Mais quand on veut faire une police efficace, on commence par écouter les professionnels de la police, ceux qui se trouvent quotidiennement sur le terrain et ceux qui étaient là avant vous et qui seront là après vous ! Parce que nous ne sommes que des élus du peuple et nous ne faisons qu'un bref passage dans le paysage politique genevois, fussions-nous conseillers d'Etat. Trois mandats, sous l'ancienne constitution, ça correspond à douze ans, et ensuite les gens s'en vont, tirent leur révérence. Seulement, les dégâts instaurés sous certaines législatures ou certains règnes, eux, perdurent après le départ des politiciens. Alors moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, j'ai entendu dans la bouche du rapporteur de majorité la phrase suivante: «Il faut que la police respecte les citoyens, les citoyens respecteront la police.» Eh bien vous transmettrez, Monsieur le président, que moi, ce que je dirais à ce rapporteur de majorité, s'il m'écoutait ou s'il était capable de comprendre ce que je vais dire, c'est que... (Remarque.) ...les institutions doivent commencer par respecter les policiers, et les policiers respecteront l'institution !

M. Michel Ducret.  Ça, c'est le monde à l'envers !

M. Eric Stauffer.  Ça, c'est déjà une chose. Ensuite... (Brouhaha.) ...mon collègue le rapporteur de deuxième majorité... minorité, pardon - en espérant que cela devienne la majorité au cours du débat - vous l'a dit à demi-mot, moi, je vais vous le dire frontalement: si l'engagement de personnel policier étranger devait passer le cap cet après-midi, à huit mois des élections municipales, le MCG lancerait un référendum ! (Brouhaha.) Et j'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs, que la volonté de M. Moutinot, reprise par Isabel Rochat et sous-entendue par Pierre Maudet, est d'engager des policiers frontaliers, français, formés par la France, en leur donnant l'équivalence ! Voilà ce que veut faire ce département de la République et canton de Genève ! Mais le MCG s'y opposera ! Vous n'avez pas encore compris la leçon du peuple, avec la votation sur les P+R et celle du 9 février ? Eh bien le MCG vous en redonnera encore une, avec l'appui des citoyens, pour vous dire que lorsqu'on veut briguer un poste de policier, on doit être de nationalité suisse au moment de son assermentation ! (Commentaires.) Et ça, c'est une obligation, c'est une question de respect envers le pays qui vous a accueilli. Alors, vous voulez jouer les apprentis sorciers, allez-y ! (Brouhaha.) Comme tout le monde le sait, je ne suis pas très bon en maths, mais il me semble qu'il y a ici vingt députés MCG, alors que nous n'étions que neuf en 2005 ! Eh bien continuez, Mesdames et Messieurs, nous allons encore grandir dans ce parlement, et un jour vous finirez par comprendre ce que la population vous clame à chaque élection ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Jean Sanchez (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est effectivement rassurant de constater que la police continue de fonctionner malgré une loi désuète sur certains aspects, mais il s'agit ici de rappeler que l'on ne commande plus comme au XIXe siècle, époque à laquelle on pouvait simplement se contenter de donner des ordres aux corps en uniforme tels que l'armée ou la police. Dans l'urgence on ordonne et, le reste du temps, c'est un management participatif; or, il semblerait que le management participatif fasse défaut dans les débats qui ont opposé le magistrat et les syndicats: on a une commission paritaire qui ne se réunit plus, alors que l'arrêté du Conseil d'Etat qui l'impose n'est pas abrogé, et on a un magistrat nous confirmant qu'il y a eu un accord des syndicats sur certains points, alors que les syndicats nous expliquent qu'ils ne sont pas d'accord sur certains d'entre eux. Lorsqu'on prend connaissance de la quantité d'amendements aujourd'hui, il n'y a pas besoin d'être député pour se dire que l'on a un problème. Et comme de nombreux articles sont quand même bloquants pour plusieurs partis, il me paraît effectivement difficile d'aboutir à un vote sur cette loi d'ici 19h.

On a parlé de référendum: pour ma part, je pense qu'il faudra soutenir le renvoi en commission. Je serais même tenté de dire qu'il faudrait déjà renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, afin de remettre toutes les parties autour de la table. Ces travaux ont commencé lors de l'ancienne législature, ils ont été repris lors de la législature actuelle, et entre ces deux moments les positions des partis ont fluctué par rapport à certains sujets. Il semblerait donc opportun de reprendre les travaux de cette loi sur la police avec une certaine sérénité, un certain professionnalisme, et en lui accordant toute l'importance qu'elle mérite. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, socialistes, ce projet est éminemment important puisqu'il s'agit de donner à un corps d'Etat la charge d'assurer la sécurité des citoyens et citoyennes, tout en respectant leur liberté. C'est dans ce contexte que le groupe socialiste a participé aux travaux de cette commission. Au terme de ces travaux - nous l'avons annoncé à nos partenaires - nous constatons qu'il y a des dispositions, dans cette loi, qui ne conviennent pas du tout, et vous le savez très bien: ce sont les fameux articles 55, 56 et 57. Ce sont des articles qui restreignent les libertés des individus, chères à notre parti. Et le fait que ces dispositions figurent effectivement dans le projet actuel, le fait que nous ayons déposé un recours au Tribunal fédéral et que nous n'ayons toujours pas la réponse pose problème, puisque idéologiquement nous tenons beaucoup à ces articles. Comme l'a dit la rapporteure de minorité, nous prendrons position à la fin du deuxième débat, mais nous annonçons déjà que ces articles sont éminemment importants pour nous.

Il nous paraît essentiel que d'autres mesures soient modifiées, notamment l'article concernant le bannissement - non pas l'éloignement mais bien le bannissement ! - des mendiants. Nous avons déjà présenté des amendements à ce sujet et nous les présenterons à nouveau, parce qu'il nous semble que ces mesures ne sont pas adéquates.

Il y a par ailleurs un grand débat sur les acquis sociaux, Mesdames et Messieurs, et on doit préciser que le projet SCORE a pollué nos travaux en commission; il s'y est inséré alors même qu'il ne devrait, en principe, véritablement pas s'appliquer dans le cadre de la police. Mais enfin, le fait est là, la société vit comme cela. Je le répète, cette loi SCORE a donc totalement pollué nos travaux et nous avons dû en tenir compte. Or nous, le groupe socialiste, estimons notamment que les acquis de la police aujourd'hui doivent être maintenus. Et on peut négocier entre les partis, le Conseil d'Etat et les syndicats pour essayer de faire en sorte que ces gendarmes ne soient pas prétérités par tout cela. Je tiens à indiquer ici que je me suis entretenu, comme tout un chacun, avec les gendarmes: ils ne demandent pas une augmentation de salaire, c'est clair et net ! (Commentaires.)

Des voix. Ah !

M. Alberto Velasco. Non, mais il faut le dire - il faut le dire, il faut être honnête ! Ils demandent simplement que le revenu qu'ils ont actuellement soit garanti; je ne pense pas que ce soit une revendication qui dépasse l'entendement de ce parlement. Nous verrons.

Nous sommes aussi contre les quotas prévus dans un article qui définit qu'un certain nombre de gendarmes doit suivre la population: cette disposition aurait une implication immédiate au niveau du budget, par exemple, car à ce moment-là on devrait en effet automatiquement voter cette disposition sans pouvoir même en débattre. Nous sommes donc contre cet article, nous l'avons dit à plusieurs reprises.

En ce qui concerne les contrats privés, cette disposition est vraiment inadmissible pour le parti socialiste: elle ouvre la porte à une attaque sur le statut du fonctionnaire tel qu'on le connaît aujourd'hui, et cela risque justement de fragiliser ce statut alors même qu'il y a actuellement des discussions dans le cadre de la fonction publique. Par conséquent, nous allons proposer des amendements à ce sujet, et j'espère que ce parlement les suivra.

Enfin, Mesdames et Messieurs, il y a quand même des avancées dans cette loi, c'est vrai: il y a le port du matricule, et puis effectivement une nouvelle organisation de la police qui nous semble plus adéquate.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je pense que le groupe socialiste présentera des amendements, et nous déciderons si nous acceptons cette loi ou pas en fonction des résultats de ceux-ci, à la fin du deuxième débat. Mais comme je l'ai dit, Mesdames et Messieurs, les articles 55, 56 et 57 sont pour notre groupe, à l'heure actuelle, rédhibitoires. (Quelques applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, le PLR a beaucoup de respect pour la police, pour la profession qu'elle exerce, et pour la difficulté de celle-ci. Et aujourd'hui, le PLR souhaite voter une loi sur la police, et non pas une loi pour la police. Nous souhaitons voter une loi qui serve la population, la sécurité de celle-ci, et qui lui permette de régler ses problèmes, et non pas une loi qui serve les intérêts de ceux amenés à travailler dans ce domaine. Cela ne signifie pas, Monsieur le président, que nous allons aujourd'hui sabrer l'entier des prestations sociales ou des acquis de ce corps de fonctionnaires... (Remarque.) ...bien au contraire; nous sommes conscients que l'on ne peut pas se prononcer sur ces questions par le biais d'une loi organisationnelle.

Le projet de loi soumis aujourd'hui à notre vote est avant tout organisationnel, revoit les structures et repense les missions de la police au vu de l'évolution de la criminalité et de l'insécurité, la loi actuelle datant de 1957. C'est aussi une loi qui insiste sur le respect dont doit faire preuve la police et sur son devoir de réserve, car il n'y a pas plus respecté qu'une police qui respecte, et cela, pour nous PLR, c'est extrêmement important. Dans cette loi, effectivement, les missions ont été revues, et cela dérange parce que certains refusent de constater que le monde a changé et que la police a également besoin de changement pour s'adapter à l'insécurité que l'on connaît aujourd'hui.

En aucun cas, Monsieur le président, nous n'allons tirer à boulets rouges sur la police comme certains essaient de le dire. Nous allons d'ailleurs proposer des amendements, dans le cadre du deuxième débat, visant à réinstaurer des droits acquis qui aujourd'hui ne figurent pas pour tous dans le projet de loi tel que voté; mais ces droits seront réinstaurés dans le cadre de dispositions transitoires, pour permettre, par la suite, dans le cadre de l'adoption d'une nouvelle grille salariale, respectivement du projet SCORE, de les abandonner. Et là, une fois de plus, Monsieur le président, nous n'envisageons pas de couper tout simplement une partie du salaire de la police, ce n'est pas le cas; nous voulons simplement éviter d'avoir à payer, par exemple, des primes d'assurance-maladie, mais éventuellement intégrer ce montant dans la base du salaire. Mais cela sera étudié dans le cadre de SCORE et n'a rien à voir avec le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Pour ces raisons, Monsieur le président, nous vous demandons d'accepter l'entrée en matière et nous reviendrons dans le cadre du deuxième débat avec différents amendements. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il semble que nous arrivions au seuil d'un débat cornélien, pour un projet de loi somme toute nécessaire. Personne ne l'a rappelé, mais dans l'excellent rapport de majorité de M. Conne il est quand même dit que nous avons entamé nos débats le 4 juillet 2013 pour les terminer le 22 mai 2014, et je ne vous parle même pas du nombre de sessions «open end» que nous avons menées jusqu'à des heures tardives de la soirée, durant lesquelles chaque article a été épluché, discuté, fouillé, contesté, avec des réponses plus ou moins bonnes du président du département. Mais enfin, le groupe de l'Union démocratique du centre avait l'impression d'être arrivé - malgré quelques bémols dont nous parlerons tout à l'heure - à un projet de loi qui, en ces temps modernes, est nécessaire à la population, à l'Etat, à son gouvernement et à la police dans son ensemble, pour qu'elle sache enfin comment on s'organise et comment on travaille. Et aujourd'hui, avec cette multitude de nouveaux amendements qui nous surprennent - vu que les autres étaient annoncés en commission et que l'on devait simplement les affiner - je m'aperçois, en définitive, que l'on est presque dans une volonté de reprendre de fond en comble ce projet de loi.

L'Union démocratique du centre l'a dit dès le début, elle est fidèle à la feuille de route que vous connaissez et qui se trouve dans nos programmes politiques: assurer la sécurité des citoyens. Et pour assurer la sécurité des citoyens et leur bien-être, selon notre conception, il faut avoir des projets de lois solides, un gouvernement solide et la volonté parlementaire de permettre que tout cela soit mis en oeuvre et vraiment appliqué au quotidien. Car il n'est pas un jour, même parmi les bancs d'en face, sans que certaines exactions vous énervent et que vous disiez: «Ce n'est quand même pas normal, que fait notre gouvernement ?» et surtout, comme c'est la mode actuellement: «Que fait la police ?» Eh bien, il nous semblait que grâce à ce projet de loi, nous arriverions peut-être à mettre en place quelque chose de mieux.

Je tiens quand même à remercier, avant de critiquer, le rapporteur de majorité, parce que son rapport a été fait dans l'exactitude et la simplicité: chaque aspect que nous avons nous-mêmes contesté, chaque discussion ont été explicités; le résultat est le fruit de la raison, et nous avons pu nous exprimer. Mais il me semblait, après avoir rapidement parcouru les amendements qui sont présentés, que peut-être pour 80% ou 90% d'entre eux, la discussion avait eu lieu, et qu'une solution médiane, démocratique, consensuelle avait été trouvée. Raison pour laquelle - et je le dis à l'attention de tout le monde, mais vous l'avez lu - si nous sommes en train de discuter sur un projet de loi avec un rapport de majorité, c'est grâce aux deux voix des commissaires UDC qui ont précisément permis cette majorité; parce que toujours fidèles à notre volonté de sécurité pour la population, il nous semblait impossible de refuser un projet de loi. Sauf, et je vous le dis d'emblée - je ne vous assommerai pas avec cela maintenant mais ce sera pour plus tard - par rapport à une chose: lorsqu'on choisit une profession qui nous amène à intervenir parfois durement à l'encontre de citoyens voire d'autres personnes de notre république, il nous semble que, dans cette situation où l'on est vraiment proche de l'Etat, des institutions, où la fidélité au gouvernement est importante, il est rédhibitoire de ne pas faire l'effort de prendre un passeport suisse - vous me direz que cela coûte, mais je ne parle pas d'argent et autres. J'ajouterai simplement ceci, Mesdames et Messieurs: renseignez-vous, par exemple, sur nos voisins français, pas très loin, qui disent: «Vous pouvez être binational !» mais qui ne reconnaissent pas la deuxième nationalité. Et l'Etat français se réserve le droit de pouvoir intervenir à l'encontre d'un citoyen français ou d'un policier qui serait suisse et binational, ou qui aurait la nationalité au dernier moment, et de l'obliger à faire des déclarations. Ça, Mesdames et Messieurs, c'est quelque chose que personne ne veut croire car vous dites que ce sont à nouveau des fantasmes de l'UDC, mais je vous prie d'aller lire les textes de lois et vous verrez que ce n'est pas si faux. (Commentaires.) Et puisqu'un mauvais exemple est un exemple quand même, je vous dirai que la délation d'un des employés français de HSBC devrait nous laisser une cicatrice qui n'est pas près de se refermer.

Ensuite - et j'y reviendrai plus tard - Mesdames et Messieurs de la gauche, je vous entends hurler, vitupérer par rapport à l'article 60, alinéa 2. Oui ! Et j'ai enfin compris que la preuve par l'image est une idée que la gauche n'aime pas parce que ça l'empêche de vitupérer et de diffamer la justice et la police ! N'est-ce pas ça que vous vouliez dire ? Car en définitive, une caméra qui fixe le déroulement d'événements sur un support est quelque chose de positif, autant pour celui qui subit le contrôle que pour le policier qui l'exécute. Et pour éviter que l'on vienne dire à chaque policier qu'il a eu un comportement inadéquat, voire, comme c'est la folie du moment, violent, cruel - vous le savez, tout le monde le dit - Mesdames et Messieurs, la preuve par l'image est le meilleur moyen. Et si vous l'avez remarqué, mon cher et estimé collègue Zaugg, il y a quand même le terme «peut»; ce n'est pas une obligation, c'est une possibilité, et je suis très étonné car je m'attendais plus à ce que vous souteniez cela pour préserver les gens que peut-être naturellement, par votre coloration politique, vous êtes plus enclins à protéger, alors que nous, il est vrai, nous sommes plus dans une profession d'ordre.

En définitive, Mesdames et Messieurs les députés, c'est peut-être par rapport à ce que vous a dit M. François Baertschi tout à l'heure que l'Union démocratique du centre n'est pas tout à fait déterminée, mais nous le verrons au fil du deuxième débat. On ne cesse de nous parler d'un renvoi en commission, mais, Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai dit, l'Union démocratique du centre pense que l'on a fait tout ce qu'il était possible de faire en commission ! Si vous estimez vraiment que ce projet de loi n'est pas bon, ce que je ne veux à la rigueur pas contester vu tout ce qui vient d'être dit, eh bien on le refuse, et le Conseil d'Etat nous refait une nouvelle mouture. Mais de grâce...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Patrick Lussi. ...ne demandez pas à des députés de milice de refaire l'exercice néfaste de la loi sur la police, tout comme on est en train de le faire avec la LRDBH, pour arriver à un projet non fini et non consensuel; là on croyait qu'il était discuté alors qu'il n'est pas approuvé par les associations qui, pour le moins, le contestent.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. Nous accepterons bien sûr l'entrée en matière, puis nous verrons, au fil des débats, comment nous organiserons nos décisions en fonction de ce que je viens de vous expliquer. (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Bernhard Riedweg (UDC). Notre société a évolué en matière de criminalité, et la police a dû, avec les années, changer son organisation en fonction de nouveaux paramètres et s'adapter à de nouvelles conditions de travail. Il est donc normal de revoir la loi actuelle sur la police qui date de 1957, cela a été dit, et qui a besoin d'un sérieux toilettage afin d'être cohérente avec les exigences de la vie actuelle. En résumé, le projet de loi qui nous est présenté augmente l'efficacité, la flexibilité, la traçabilité et la visibilité du travail de la police. (Brouhaha.)

Aujourd'hui, il est indispensable de resserrer les liens entre la police, qui est un pilier de l'Etat de droit, et la population. La révision de la loi actuelle est donc une nécessité, qui ne plaît peut-être pas entièrement à tous les corps de police. Ceux-ci ont pris certaines habitudes, se sont arrogé quelques droits et sont devenus réfractaires au changement. Le nombre de policiers à Genève devrait passer de 1370 à 1975 unités en l'espace de cinq ans, ce qui leur donne une position de force car les candidats et candidates suisses aptes au service ne sont pas légion sur le marché actuel. Ce que ce projet de loi ne mentionne pas et qu'il faut tout de même savoir, c'est que 600 policiers supplémentaires à 120 000 F par année coûtent 72 millions de plus à la collectivité, et cela annuellement. Engager 600 nouveaux policiers de nationalité suisse capables et compétents pour atteindre le ratio de 42 policiers et assistants de sécurité publique armés pour 10 000 habitants sera un exercice difficile compte tenu du marché de l'emploi actuel, du fait que l'âge de la retraite est fixé à 58 ans après trente-cinq ans de service et que les policiers ont 29 jours de vacances. Actuellement, le ratio est de 29 policiers pour 10 000 habitants. Le marché concernant les candidats et candidates pour un engagement dans la police genevoise est très étroit.

Engager des policiers disposant d'un permis C et ayant la certitude d'obtenir la nationalité suisse grâce à une naturalisation accélérée avant la prestation de serment dilue la force de revendication des policiers genevois de nationalité suisse. Ce qui est revendiqué, c'est la réforme des salaires et du système d'évaluation. En début de carrière, un policier genevois touche 29% de salaire de plus que la moyenne comparée de 17 cantons, et son salaire maximal est supérieur de 17% à la moyenne comparée de 17 cantons. En plus de cela, l'Etat paie les cotisations de l'assurance-maladie obligatoire des policiers; il prend en charge tous les frais médicaux, la franchise et la participation personnelle de 10% sur les frais ambulatoires et pharmaceutiques. Un citoyen suisse qui s'engage dans la police sait lors de son inscription qu'il court des risques de mort, de blessure et d'insulte régulière notamment. Pour cela, il est indemnisé. En plus, l'Etat contribue à hauteur de deux tiers aux cotisations de la caisse de retraite, et les salaires des policiers genevois sont de loin les plus élevés du monde, selon les dires du président du Conseil d'Etat. Pour assurer ce financement, il faudra couper dans d'autres prestations de diverses politiques publiques ou augmenter les recettes fiscales. Malgré cela, la police genevoise fait pression sur les autorités dans le cadre des négociations sur SCORE; elle a engagé un bras de fer avec l'Etat, ce qui n'est pas sain. Actuellement, la police a un comportement qui n'est pas digne de sa profession en faisant la grève de la casquette, la grève du rasoir, la grève de l'uniforme, la grève des amendes d'ordre et la grève de la signature de documents. (Remarque.) Le conflit entre l'Etat et le corps de police, qui est en charge de protéger la population, devra être arbitré par la population. Il semble que le respect de la profession ait été oublié. C'est un Etat dans l'Etat, forçant la main à son commandement et aux autorités politiques qui sont responsables envers le citoyen. A l'avenir, compte tenu des finances de l'Etat, je crains que les acquis de la police ne doivent être revus à la baisse lors de nouveaux engagements. (Brouhaha.) Monsieur le président, je peux vous demander de faire le silence, s'il vous plaît ?

Le président. Oui. Mesdames et Messieurs, si vous pouviez faire un peu de silence pour écouter l'orateur ! Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg. Il faut aussi signaler qu'en 2013, la criminalité était en baisse à Genève: le nombre de cambriolages dans les villas et les appartements a chuté de 20% par rapport à 2012, et Genève a reculé au troisième rang des villes les plus criminogènes derrière Lausanne et Berne. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Avec 59 200 infractions en 2013, Genève revient à la situation de 2008, ce qui est très positif. On compte en effet -23% de vols à l'astuce, -24% de vols à la tire et -11% d'agressions et brigandages. Le mérite de ces résultats réjouissants revient en très grande partie à notre police.

Sachez que nous considérons la plupart des 35 amendements que nous avons reçus jusqu'à maintenant comme de l'opérationnel. A la condition que les policiers genevois soient de nationalité suisse, l'Union démocratique du centre vous demande d'accepter ce projet de loi tel qu'il a été voté en commission. Merci, Monsieur le président.

Présidence de M. Eric Stauffer, deuxième vice-président

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la loi actuelle date de 1957, autant dire d'un autre temps, et les défis et enjeux liés à la sécurité dans notre canton ont énormément changé depuis lors. (Brouhaha. Commentaires.) Un autre temps en termes de sécurité ! (Rires. Le président agite la cloche.) Sur une loi d'une portée aussi vaste, on ne peut évidemment adhérer à chaque détail et alinéa, mais globalement le groupe des Verts est favorable à l'esprit qui sous-tend cette loi, esprit que l'on retrouve notamment dans l'article 1, qui définit les missions de la police en termes d'honneur, d'impartialité, de dignité et de respect. Selon nous, la transparence de la police et la confiance de la population dans cette institution devraient en sortir grandies.

Autre élément nouveau qui figure dans la loi et qui est cher aux Verts, c'est le souhait que la police reflète la diversité de la population. Ce reflet doit s'exprimer autant par l'engagement de policiers d'origine ou de nationalité étrangères titulaires d'un permis C, que par une promotion de l'engagement de femmes. (Brouhaha.)

Outre l'esprit de la loi, de nombreux éléments nous semblent particulièrement positifs. Je pense notamment à la réorganisation de la police, absolument nécessaire pour une meilleure efficacité de son travail et pour un meilleur service au citoyen; je pense également à la suppression de l'automaticité de l'avancement sur l'échelle des grades, qui se fera en fonction des compétences, des états de service et de l'expérience.

Un autre point particulièrement important pour les Verts dans cette loi est la mention du matricule. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Je demande un petit peu de silence dans la salle, afin que nous puissions écouter l'oratrice. Merci ! (Exclamations.)

Mme Emilie Flamand-Lew. Merci beaucoup, Monsieur le président de séance. Le port du matricule, donc, est un sujet sur lequel les Verts avaient déposé un projet de loi, en 2007, avec des signataires d'autres partis; ce projet de loi avait été amendé pour que cette disposition soit introduite seulement en cas de demande d'une personne qui, par hypothèse, se ferait interpeller; vous conviendrez que cela n'est pas toujours évident à mettre en place. Dans la loi que nous traitons aujourd'hui, le port du matricule est instauré, comme dans la plupart des polices modernes. Cela nous paraît particulièrement important, à nouveau par rapport à la transparence de la police et à la confiance de la population envers elle.

Autre point positif selon nous, et qui va dans le même sens, c'est la vidéosurveillance dans les locaux de police, qui protège aussi bien les justiciables que les policiers en cas d'accusation.

Cela étant, cette loi, je le disais, n'est pas parfaite à nos yeux - c'est bien normal - et il reste quelques points qui posent problème selon nous. A cet égard, nous soutiendrons notamment les amendements déposés par le parti socialiste et annoncés dans le rapport de minorité. Un point, en particulier, nous chiffonne, c'est celui concernant le ratio de policiers qui est indexé à la population. Pour nous, ce ratio n'a pas lieu d'être dans une loi; en effet, il n'existe pas de ratio pour d'autres professions étatiques qui sont tout autant, sinon plus liées à l'évolution démographique de notre population; je pense par exemple aux enseignants et enseignantes ou aux infirmiers et infirmières. Selon nous, le fait d'introduire un ratio dans la loi donnerait un poids beaucoup trop important à la politique publique de la sécurité lors des débats budgétaires, puisqu'on pourrait dire que pour les policiers il y a un ratio à atteindre, quand pour les autres professions de l'Etat c'est moins essentiel. Cela ne nous semble donc pas souhaitable.

Autre point sur lequel nous avons déposé un amendement: la question de la nationalité. Aujourd'hui, on accepte d'engager, à l'école de police, des candidats avec permis C mais qui doivent se naturaliser avant leur assermentation. Pour nous, il serait tout à fait acceptable que des personnes avec permis C soient engagées; il nous semble que cela permettrait d'élargir le bassin de recrutement, ce qui est nécessaire puisqu'il est prévu d'augmenter les effectifs de police et que le recrutement ne se fait pas facilement.

Enfin - et la question a été évoquée par la rapporteure de minorité - nous aimerions supprimer de cette loi les mesures préalables. Nous sommes cosignataires, avec le parti socialiste, du recours déposé auprès du Tribunal fédéral, dont nous attendons la réponse avec impatience. Lorsqu'elle arrivera, celle-ci devrait nous donner raison - nous sommes confiants à ce propos - ce qui modifierait aussi, par hypothèse, la loi nouvellement votée.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui il faut une nouvelle loi pour la police, il faut une nouvelle organisation, et sous réserve des points que j'ai mentionnés, nous sommes prêts à nous y engager. C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter l'entrée en matière sur ce projet de loi et à refuser le renvoi en commission, qui n'est qu'une manoeuvre dilatoire d'un parti aux revendications corporatistes. (Quelques applaudissements.)

M. Vincent Maitre (PDC). J'aimerais commencer par remercier mes préopinants, qui ont su remettre un petit peu de calme dans ce débat qui était pourtant prêt à s'envenimer il y a encore une vingtaine de minutes. Je crois que l'essentiel a été dit, mais il faut néanmoins rappeler ici que cette loi que nous nous apprêtons à voter, cas échéant à refuser, est une loi avant tout organisationnelle, avant tout structurelle, et c'est dans ce sens-là qu'il est important de se concentrer sur ses différents aspects. Je crois que M. Velasco l'a relevé tout à l'heure, effectivement, les débats sur la structure de cette loi ont été passablement pollués par d'hypothétiques futurs débats ayant trait à SCORE; SCORE fera l'objet d'un projet de loi qui sera soumis au parlement - cela n'a pas encore été le cas - et qui, lui, traitera d'aspects purement rémunératoires, purement salariaux. La LPol est donc structurelle, organisationnelle, elle ne concerne pas les aspects rémunératoires et salariaux, et cela, chacune des parties l'a admis, syndicats de police et MCG compris.

Il n'empêche que la crainte que ceux que je viens de citer manifestaient était précisément liée à ces aspects. Nous avons parlé, par exemple, de l'assurance-maladie et des frais médicaux qui sont intégralement remboursés, de la prime pour risques inhérents à la fonction: eh bien sachez - je crois que ce n'est pas un secret - que le PDC est, sur le principe, opposé à ce que ces frais médicaux continuent à être remboursés à la police; j'expliquerai dans quelques secondes pourquoi. Mais je tiens d'emblée à préciser qu'à ce stade, en gage de paix et comme preuve de sa bonne volonté, le PDC acceptera, jusqu'à ce que SCORE soit négocié, étudié, réévalué puis voté, de maintenir le remboursement de ces frais médicaux. Je vous prie de voir là, je le répète, un signe de bonne volonté et un gage de bonne foi. Sur le principe, je le disais, le PDC reste opposé à ce genre d'avantages, tout simplement parce qu'ils ne se justifient pas; ils ne se justifient pas d'un point de vue juridique, même si on comprend bien les raisons historiques qui ont fait que le Conseil d'Etat avait tout intérêt à ce que ses policiers soient correctement assurés, à l'époque où la LAMal n'était pas obligatoire. Ce n'est, depuis 1991, plus le cas, et les risques quotidiens - que le PDC ne nie pas ! - de blessure, de morsure, nous a-t-on dit, de maladie, d'infection, auxquels s'expose chaque policier sont systématiquement et intégralement pris en charge par l'assurance-accidents qui, comme dans le privé, est à charge de l'employeur, en plus d'être obligatoire. Dans aucune des hypothèses que j'ai mentionnées, y compris lorsque apparaît le terme maladie, la prise en charge ne se fait par l'assurance-maladie; elle se fait bien par l'assurance-accidents. Le remboursement de ces frais ne se justifie pas non plus d'un point de vue moral ou philosophique: à l'heure où, vous le savez, nos finances publiques sont au plus mal et où M. Poggia a dû drastiquement couper dans l'aide sociale aux plus précarisés - je parle de ceux de l'Hospice général - qui ont vu certains subsides baisser de 50%, eh bien le PDC ne peut décemment pas accepter que de telles coupes soient effectuées dans le social et que, d'un autre côté, on puisse maintenir ce genre d'avantages en faveur de personnes qui, elles, gagnent confortablement leur vie. Il s'agit d'une question de solidarité, c'est un effort conjoint auquel tout le monde devra contribuer au vu des périodes budgétaires extrêmement difficiles qui nous attendent.

Le PDC, je vous le disais, pense dans sa globalité que cette loi sur la police, parce qu'elle réforme la police dans son ensemble, dans sa structure, et redéfinit les différentes chaînes de commandement, est une bonne loi, une meilleure loi que celle qui existe actuellement, et c'est pour cette raison que le PDC la votera. Si c'est évidemment une bonne loi, c'est une loi qui n'est pas parfaite - cela a été relevé tout à l'heure - et je crois qu'il faut y voir là encore la preuve que c'est une loi de qualité: quand une loi ne satisfait pas totalement l'unanimité, eh bien c'est signe qu'elle est équilibrée. A l'inverse, une loi qui remporterait le plus vif soutien d'un parti risquerait d'être très déséquilibrée aux yeux d'autres. J'ai donc là-dessus l'avis totalement inverse du deuxième rapporteur de minorité, qui prétendait que parce que la plupart des partis, pour ne pas dire l'ensemble, avait des choses à redire, c'était une mauvaise loi. Je le répète, c'est au contraire, pour moi, un gage de qualité.

Je reviendrai évidemment sur un certain nombre de points annexes, ou même de principe, qui feront débat et qui vous seront soumis sous forme d'amendement. Nous aurons largement l'occasion de nous exprimer sur chacun d'eux, mais en l'état je pense qu'il convient de rappeler que cette loi est réellement une avancée. M. Sanchez qui, je crois, sait vraiment de quoi il parle, le disait de ces mots: la loi actuelle est obsolète, et en ce sens c'est une nécessité de la réviser et de la moderniser. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à accepter cette loi.

M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, nous discutons déjà depuis un moment sur un projet de loi qui se veut progressiste et vise à faire avancer les choses, mais si on regarde plus en détail, je suis désolé, mais j'ai l'impression que nous sommes dans un débat où le but est de casser du policier ! Je me rappelle que chaque fois qu'on demandait au ministre de justice et police - vous transmettrez, Monsieur le président - pourquoi on n'augmentait pas le recrutement des policiers, on nous disait: «Vous savez, nous faisons le maximum, mais ce n'est pas évident, les gens ne sont pas si intéressés que ça, donc nous n'avons pas la capacité de recruter», etc. Or, je demande à tout le monde ici dans cette salle - et il y a beaucoup de gens qui sont salariés: est-ce que vous aimeriez que demain votre patron arrive vers vous et vous dise: «Voilà, mes chers amis, à partir de ce jour on va couper vos acquis !» ? C'est comme ça, on estime que ce n'est pas normal, que vous ne les méritez pas, donc on va les supprimer tout net ! C'est par exemple ce qui se passe pour la participation à l'assurance-maladie.

Mesdames et Messieurs, les moeurs ont changé, le respect pour un policier aujourd'hui est pratiquement égal à zéro. J'ai assisté moi-même à des incivilités, dans la rue, sur les trottoirs, et aujourd'hui, quand un policier arrive en uniforme, armé, etc., tout le monde s'en fout - excusez-moi du mot - mais alors royalement. C'est un métier qui est de plus en plus difficile, c'est un métier qui demande un engagement qui dépasse largement, mais très largement, celui d'un métier normal; c'est peut-être un petit peu comme les pompiers, comme pour certains métiers de la santé. Personne, aujourd'hui, n'est policier parce qu'il se dit qu'il va bien gagner sa vie; non ! C'est une vocation ! Mais cette vocation mérite d'être respectée, et le respect qu'on doit à ce métier passe forcément par l'octroi de certaines prestations. Nous ne pouvons pas penser que ceux qui sont en place aujourd'hui et ceux de demain pourront être traités comme monsieur tout le monde ! Ce n'est pas le cas ! Ils ont une autorité qui leur est déléguée par l'Etat, et donc par le peuple, cette autorité-là est mise à rude épreuve tous les jours et leurs familles en paient le prix.

Je tiens quand même à vous signaler que nous ne sommes plus dans la situation de l'époque, avec trente ans de service puis la retraite, etc., où on trouvait des policiers de 50 ou 52 ans à la retraite ! C'est fini tout ça ! Aujourd'hui ils travaillent de plus en plus, c'est de plus en plus difficile, et les conditions de travail ne sont pas évidentes. Je suis comme vous tous, moi aussi je roule en voiture, et moi aussi ça m'embête de prendre une amende quand je fais une bêtise; mais quand nous sommes dans une situation de détresse, nous sommes bien contents d'avoir face à nous des gens motivés, des gens qui répondent au quart de tour, et surtout des gens qui représentent ce qu'on appelle dans une république la force armée du peuple ! Ce n'est pas l'armée, c'est la police, mais cette police mérite notre respect.

J'ai l'impression que parmi nous, quelques-uns ont des problèmes freudiens, vous voyez, certains que la vue d'un uniforme horripile... (Protestations.) ...qui n'aiment pas ça, enfin, je ne sais pas, je ne comprends pas. Aucun métier, aujourd'hui, n'est plus difficile que d'être sur la voie publique pour faire respecter la loi ! Donc ce que je vous demande, c'est que quand vous voterez vous y pensiez et vous vous mettiez à la place des policiers ! Pensez aux horaires qu'ils ont, pensez aux problèmes qu'ils affrontent tous les jours, et posez-vous une seule question: est-ce que moi, pour ce prix-là, je suis prêt à faire leur métier ? Merci ! (Quelques applaudissements.)

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des questions qui sont restées ouvertes et dont on n'a pas parlé. Une d'entre elles, qui m'intéresse beaucoup après avoir écouté ce débat, est la suivante: dans cette situation politiquement très confuse, ces policiers formés à l'étranger, quel pays serviront-ils en cas de conflit ? Où seront-ils, pour qui travailleront-ils ? C'est une question qu'on se pose et à laquelle on n'a pas eu de réponse.

Ensuite, à l'engagement du candidat policier étranger... (Remarque.) ...il sera très difficile de mener une enquête de moralité et de sécurité, puisque les normes des pays étrangers ne sont pas les mêmes que les nôtres. Qui va le faire, qui va payer cela ? Ce seront des économies de bout de chandelle.

Troisième question: par les temps qui courent, nous n'avons pas évoqué les risques de pression par les services de renseignement étrangers. On sait très bien que dans les banques, partout, il y a maintenant sans arrêt des gens qui, contre de l'argent ou n'importe quoi d'autre, vendent leur pays; de ce point de vue, c'est donc un grand risque aussi d'engager un policier étranger chez nous.

Ma dernière question: quelles seront les réactions des citoyens suisses quand ils se feront arrêter par un policier avec l'accent marseillais et qu'ils devront répondre aux questions de cette personne ? (Commentaires.) Ce sont des questions auxquelles j'aimerais bien qu'on réponde. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Je serai bref. Dans les rangs de l'Union démocratique du centre, il est certain que la démocratie prédomine et que la censure n'existe pas. Cependant nous avons des caucus, nous avons des réunions, et il est extrêmement désagréable que quelqu'un, en public, prenne la parole juste pour démonter ce que son préopinant a dit, en l'occurrence moi. Vous voudrez donc noter que le groupe UDC se désolidarise des propos tenus par le député Bernhard Riedweg. Je vous remercie. (Exclamations.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai l'impression qu'on est dans un débat un peu surréaliste: on se trouve dans une situation où les finances de l'Etat sont quand même dans un état dramatique, où on va couper prochainement dans les budgets de manière assez sanglante - d'après les échos que nous avons, on a déjà dû couper à certains endroits - et qu'est-ce qu'on va faire ? On va claquer de l'argent pour une structure inadéquate, pour des silos administratifs, pour de nouveaux directeurs d'école; on va claquer l'argent à la genevoise, un peu comme on l'a fait pour l'instruction publique pendant des années et des années, puis après on va nous dire que la structure est mauvaise, qu'on va la changer, et pendant ce temps on aura dépensé des dizaines, des centaines de millions de francs de manière tout à fait inutile ! Le service à la population sera de moins bonne qualité parce qu'on aura, avec ces multiples directions, divisé la police et la gendarmerie, ce qui est complètement ridicule ! C'est un système qui va nous coûter cher parce qu'il y a un manque de synergie, il y a un manque au niveau fonctionnel sur ce que doivent être ces parties importantes de l'Etat. Et le grand problème de tout ça, c'est qu'on va puiser dans les caisses de l'Etat pour acheter une sorte de vieille guimbarde qui va causer de nombreux problèmes, quelque chose qui va nous amener à la déstructuration d'une institution qui marche, à la destruction du moral des employés de la police, et ça, c'est très grave.

On a beaucoup parlé de l'assurance-maladie, et certains disaient tout à l'heure: «Ce sont des privilégiés.» Ça, je crois que ce n'est pas tolérable. Pourquoi est-ce qu'on offre l'assurance-maladie aux policiers ? Il faut déjà le savoir ! C'est d'abord pour qu'ils n'aient pas de souci pour intervenir, parce qu'ils se trouvent en contact, plus que les professions médicales ou autres, avec une population qui a des tuberculoses résistantes, qui peut présenter des risques de sida; des trithérapies doivent parfois être suivies de manière préventive par certains policiers, et il faut déjà du courage pour supporter ça ! Il y a les risques d'Ebola, maintenant, qui vont survenir... (Commentaires.) ...et pour ce genre de choses, accorder l'assurance-maladie au personnel de police exposé est une disposition importante ! Or on va s'attaquer à ça, par haine, par bêtise, par esprit fanatique, on l'a vu d'ailleurs dans certains articles de presse. Moi j'aurais honte, à la place de certains, de la façon dont on détruit, par pur dogmatisme et idéologie, des gens, des institutions, qui font bien leur travail. Bien sûr il peut toujours y avoir des plaintes, il peut toujours y avoir des choses qui ne fonctionnent pas à la perfection, c'est évident, c'est le cas de toute organisation humaine, mais là on a quelque chose qui fonctionne bien que l'on veut détruire ! C'est de la destruction ! Mais ce n'est pas en faisant cela qu'on va construire quelque chose, ni en mettant en place des gadgets qui sont somme toute futiles, ridicules; là, on est dans cette dynamique. Et cette dynamique-là, Genève l'a utilisée trop souvent ! C'est pour ça qu'on se retrouve avec bientôt 13 milliards de dette ! C'est pour ça qu'on se retrouve avec plus de neuf cents détenus à Champ-Dollon ! C'est pour ça qu'on se retrouve avec une insécurité qui a pris des dimensions inacceptables ! Alors arrêtons les bêtises et devenons un peu plus sensés; prenons les choses à froid, essayons d'agir sans les gadgets, sans arrière-pensée politique, essayons de servir tout simplement les citoyens et notre république ! (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Présidence de M. Antoine Droin, président

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à Mme la rapporteure de première minorité, Mme Buche.

Mme Irène Buche. Je passe mon tour, je prendrai la parole après. (Brouhaha. Remarque.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'aviez pas fini ? Poursuivez.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Excusez-moi. J'allais demander le renvoi en commission mais en fait je le ferai après que mes collègues rapporteurs de majorité et de minorité auront pu s'exprimer.

Le président. De toute manière, Monsieur Baertschi, si vous demandez un renvoi en commission, les rapporteurs peuvent s'exprimer, donc faites-le tout de suite !

M. François Baertschi. Alors je le fais. Excusez-moi, je suis encore un petit peu un bleu pour ça ! (L'orateur rit.)

Le président. Très bien, voilà qui est clair ! Il y a donc une demande de renvoi en commission. Seuls peuvent s'exprimer les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Madame Buche, vous avez la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Les socialistes accepteront cette demande de renvoi... (Brouhaha.) ...d'une part en raison de la complexité de ce débat et de tous les amendements proposés, et d'autre part en raison du temps qui est encore nécessaire pour recevoir l'arrêt du Tribunal fédéral suite au recours que nous avions interjeté contre les articles 21a, 21b et 22 de la loi actuelle sur la police. Pour nous, il s'agit d'une question extrêmement importante et nous souhaitons recevoir cet arrêt du Tribunal fédéral pour pouvoir traiter correctement cette question. Nous soutiendrons donc ce renvoi en commission.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, un peu de silence !

M. Pierre Conne. Pour le rapporteur de majorité, le renvoi en commission n'a tout simplement pas de sens. Deux arguments sont avancés, dont le premier consiste à dire qu'on pourra traiter la somme d'amendements qui nous est proposée. Eh bien quand on lit ces amendements, on voit qu'ils visent simplement le retour à la loi actuelle: cela n'a absolument aucun sens, puisque nous avons maintenant un nouveau projet de loi sur lequel nous devons nous déterminer.

Le deuxième argument présenté par Mme Buche fait partie, dans le fond, d'une manoeuvre dilatoire qui consiste simplement à se donner le temps d'attendre un arrêt du Tribunal fédéral. Mais le jour où le Tribunal fédéral rendra son arrêt, en admettant que l'on vote la loi actuelle et qu'elle soit contraire à la décision future du Tribunal fédéral, eh bien la loi sera tout simplement adaptée. Il n'y a donc absolument aucune raison de renvoyer ce projet de loi en commission. Le travail a été fait, il a été fait de manière approfondie - cela a d'ailleurs été souligné par presque tous les groupes - et je ne vois pas ce que l'on pourrait faire de plus en travaillant encore en commission sur ce projet de loi. Alors je vous en prie, refusez ce renvoi. Je vous remercie.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai évidemment écouté avec la plus grande attention ce débat d'entrée en matière qui m'a inspiré un renvoi aux années cinquante, à l'année 1957 pour être exact. (Brouhaha. Remarque.) Je n'étais pas né, mais voyez-vous, il y a le Mémorial ! (Exclamations.) Et c'est bien pratique, Mesdames et Messieurs, le Mémorial ! J'aimerais me référer ici à l'un de mes prédécesseurs décédé récemment - on lui a rendu hommage ce matin - Guy Fontanet, qui, dans son année d'arrivée au Grand Conseil, comme jeune député, a été amené, parmi ses premières tâches, à voter cette loi de 1957. Je m'arrête une minute là-dessus, parce que c'est intéressant de voir le climat dans lequel cette loi a été votée: un climat passionné, car une loi sur la police doit déchaîner, d'une certaine façon, les passions, parce que c'est une loi qui exalte la république. C'est aussi une loi difficile parce que le consensus, déjà à l'époque, était difficile à trouver: une loi sur la police doit refléter une certaine vision de la société, et par définition, les députés que vous êtes ont des avis différents sur celle-ci. Mais il y a eu une capacité de dépasser le strict plus petit commun dénominateur pour se mettre d'accord sur une belle loi qui, après cinquante-sept ans - et vous l'avez tous dit, reconnaissez-le sur tous les bancs - est aujourd'hui dépassée, se craquelle de partout. Le statu quo n'est pas possible, personne ne conteste la nécessité de la révision; même le rapporteur de minorité du MCG l'a dit pour se contredire ensuite. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, ce débat de 1957 doit nous amener à faire preuve d'un peu d'humilité.

Le débat d'aujourd'hui, j'aimerais à la fois le placer sous le signe de la dignité, de l'honneur, mais aussi sous le signe de la responsabilité. Personne ne nie en effet que la profession de policier est difficile; vous avez raison, Monsieur le député. Mais c'est difficile aussi parce que la loi ne s'est pas adaptée, parce que la loi qui pose un certain nombre d'exigences, qui donne un cadre pour que les policiers puissent travailler correctement, doit aujourd'hui, précisément, s'adapter. L'un d'entre vous faisait référence tout à l'heure au spectre du policier étranger qui viendrait travailler ici: il n'a jamais été question d'assermenter des policiers étrangers, et je confirme ici que le gouvernement entend strictement s'en tenir à des personnes de nationalité suisse, qui prêteront serment devant lui pour occuper la fonction de policier. Mais saviez-vous par exemple, Monsieur le député, qu'au XIXe siècle, par disposition légale, un cinquième des tâches de police au maximum pouvait être assumé par des étrangers ? Eh oui, la situation évolue... (Commentaires.) ...elle pourra évoluer dans le futur, il se trouve qu'aujourd'hui nous confirmons cette option que nous avons prise il y a quelques années, mais il faut savoir que les situations changent, et qu'une loi sur la police est d'abord une certaine vision de la société, une certaine idée de la république, un certain reflet d'une situation donnée, qui ne peut évidemment pas être le reflet d'il y a cinquante-sept ans. Parce que la situation change, la société se transforme, et il serait curieux que la police soit le seul corps étatique, soit le seul domaine d'activités du canton qui échappe aux évolutions historiques.

Lorsque j'ai été élu il y a deux ans, au troisième jour de mon activité, dans le cadre d'une rencontre avec le Ministère public puis, quelques mois après, avec l'ensemble des groupes politiques, j'ai placé en tête cette nouvelle loi sur la police dans ma feuille de route, très clairement. Et là aussi, qu'on ne me fasse pas le grief d'avoir voulu, par électoralisme, éviter une proposition claire: j'ai annoncé en juin 2013, soit quelques mois avant les élections, quelle était la vision, quel était le cap. Les citoyens ont pu juger sur pièces, je vous laisse quant à vous évaluer les résultats électoraux, mais je considère ici que nous sommes fondés, à travers cette loi sur la police, à présenter ce que nous présentons aujourd'hui et à ne pas différer une fois de plus le débat.

Il faut, Mesdames et Messieurs les députés, se garder, comme en 1957, de deux travers lorsqu'on parle d'une loi sur la police. Le premier, c'est le dogmatisme. Evidemment, on est tenté de vouloir bourrer d'idéologie une telle loi ! Il y a des éléments de contenu, des éléments de forme, on aimerait bien qu'elle soit idéale mais ce n'est pas possible. Sur la nationalité par exemple, je le dis et le redis, la position gouvernementale est inflexible, il n'est pas question - pour des raisons de confiance et de relation avec le citoyen - aujourd'hui, d'ouvrir les rangs des policiers, des stricts policiers, à des personnes qui ne sont pas de nationalité suisse. Et nous nous sommes donné les moyens, s'agissant du recrutement, avec ce mécanisme de naturalisation accéléré - mais avec la démarche volontaire du candidat qui se conclut finalement par une double prestation de serment, pour devenir suisse et ensuite policier - d'éviter des situations ubuesques qu'on a pu décrire tout à l'heure. Ne pas tomber dans le dogmatisme, c'est éviter aussi de faire des fixations sur quelques points qui, certes, peuvent être problématiques, mais qui sont déjà, aujourd'hui, matériellement dans la loi. La question soumise au Tribunal fédéral - et Dieu sait si je respecte la position socialiste sur ce point-là - sera tranchée par voie judiciaire ! Le groupe socialiste a décidé de se référer à l'instance judiciaire supérieure plutôt que de déposer un référendum; il aurait pu demander l'arbitrage du peuple, il ne l'a pas voulu. Ne venez donc pas aujourd'hui, à travers la loi, donc à travers le canal politique, tenter de battre en brèche des articles votés l'année passée, le Tribunal fédéral tranchera.

Le deuxième élément qu'il faut éviter - et c'est là aussi un enseignement de 1957 - c'est de légiférer sous l'emprise de l'émotion. Dieu sait si les occasions de le faire sont nombreuses, on l'a vécu il y a un peu moins d'un an dans une situation dramatique, et dans ce cas-là la sagesse du parlement vous a conduits à ne pas légiférer immédiatement. Ne pas légiférer sous l'emprise des émotions, c'est éviter de se laisser guider soit par des envies punitives contre les syndicats qui se sont exprimés et que le gouvernement a condamnés, mais c'est aussi ne pas céder ici à des revendications vraiment extraordinaires; c'est se mettre dans la situation d'un député qui est d'abord député de la république, comme je suis un conseiller d'Etat de la république, qui fait abstraction de dimensions émotionnelles qui polluent inutilement le débat.

J'entends ici des reproches sur le terme gendarmerie; mais le terme de gendarmerie figure dans la loi ! Nous sommes acquis à cette notion de tradition ! Pourtant, la gendarmerie comme corps en tant que tel ne fait plus sens. Pourquoi ? Parce que la gendarmerie, ce sont plusieurs missions ! Ce sont aujourd'hui, et vous le savez bien, des personnes qui agissent en uniforme mais aussi parfois en civil; des enquêteurs de sécurité publique, des gens qui sont actifs dans la proximité et d'autres au sein de la police-secours, des métiers finalement assez différents. C'est en cela que cette loi permet la combinaison des traditions mais également des missions régaliennes.

Il s'agit donc de se garder du dogmatisme et de l'émotion pour exalter la valeur de cette fonction particulière. Et j'entends dire ici, à celles et ceux qui considéreraient qu'être policier c'est finalement être comme tout le monde, que bien sûr que non, ce n'est pas vrai. Etre policier, c'est une vocation, c'est plus qu'un métier. Mais ce sont précisément plus d'attentes de la part de la république ! C'est une exigence plus élevée ! Ce sont plus de responsabilités ! C'est plus de discernement ! Et cela ne se retrouve pas seulement dans la rémunération, cela se retrouve dans les attentes de la population ! De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, renvoyer ce texte en commission, c'est donner un très mauvais signal, un signal d'abdication au moment où la police a besoin de réponses, au moment où la population a besoin de revoir ses liens avec l'autorité. Parce que finalement, ce qui est questionné, ce n'est pas le métier de policier, c'est la relation à l'autorité. J'en profite pour dire ici qu'il n'y a pas de sot métier, il y a des métiers très lourds aussi qui parfois sont mal rémunérés, et le Conseil d'Etat ne veut pas qu'on profite de cette loi pour ériger une profession contre une autre; je pense ici aux personnes qui travaillent aux Cheneviers, qui font un métier extraordinairement difficile, qui ne sont pas tellement dans le domaine de l'autorité mais qui eux aussi méritent notre respect. C'est le cas pour la police, les enseignants, les soignants; tous méritent notre estime ! Tous ces métiers de la république, il ne faut pas les ériger les uns contre les autres. Exalter le métier de policier, c'est quelque chose de positif, mais cela ne doit pas devenir une notion négative.

Je vais conclure en vous appelant, ici, au nom du gouvernement, à ne pas renvoyer ce texte en commission. Pourquoi ? Parce que les points à trancher, vous l'avez vu, sont assez simples: nationalité suisse, ou pas, gendarmerie, ou pas. Toutes ces questions ont été traitées en commission, et le gouvernement a besoin, aujourd'hui, de signaux clairs de la part du parlement. Je prends le risque, deux ans après avoir été élu, de déposer devant vous ce texte, qui n'a quasiment pas été modifié en commission, qui a été soutenu par les syndicats jusqu'au dernier moment, qui - on l'a lu tout à l'heure - ont retiré leur soutien pour des motifs liés aux acquis sociaux qui pourtant, je le répète, ne sont pas menacés à travers cette loi et qui sortiront sans doute renforcés à certains égards, au vu des amendements que je lis. Je vous appelle donc solennellement à vous souvenir - et je conclus par là - que nous sommes élus au service de la population, comme la police est au service de la population, et qu'il s'agit aujourd'hui de refonder le contrat de confiance entre la police et les citoyens. La police est au service de la population, pas l'inverse, c'est ce signal dont nous avons besoin aujourd'hui, dans ce débat. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Baertschi, vous avez proposé un renvoi en commission. Vous souhaitiez également demander le vote nominal, est-ce bien juste ?

M. François Baertschi. Oui, c'est exact.

Le président. Je vais vérifier si vous êtes soutenu. (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, c'est le cas. Nous passons donc au vote nominal sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11228 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 55 non contre 42 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous allons à présent nous prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11228 est adopté en premier débat par 68 oui contre 23 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au deuxième débat. J'aimerais avoir toute votre attention, parce que vu le nombre d'amendements déposés, c'est un peu compliqué à gérer. Voici la solution que j'ai trouvée: je lirai l'ensemble du projet de loi article par article. Etant donné que certains articles comportent plusieurs amendements, je lirai chaque amendement en commençant par le plus éloigné du texte original. Nous allons avancer tranquillement, et tout ira bien ! La parole est à M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. J'ai une petite question de forme. Il me semble qu'avant la demande de renvoi en commission, Mme Buche s'était inscrite pour prendre la parole, mais elle s'est exprimée uniquement sur le renvoi en commission. Peut-être souhaite-t-elle reprendre la parole pour une deuxième intervention ? (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Si Mme Buche veut s'exprimer, elle appuiera sur le bouton du micro ! (Rires. Applaudissements.) Monsieur Baertschi, c'est à vous.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste être bien au clair sur la manière dont vous allez procéder. Si j'ai bien compris, vous allez donc lire tout le projet de loi article par article en commençant par l'article 1 ?

Le président. Oui, Monsieur.

M. François Baertschi. D'accord, merci !

Le président. Je vous en prie. La parole n'étant plus demandée, je commence.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1, alinéa 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi, dont voici la teneur:

«Art. 1, alinéa 1 (nouvelle teneur)

1 La Police cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: la police) est au service de l'Etat. Sa devise est: protéger et servir.»

Monsieur Baertschi, vous avez la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous pensons que la façon dont cet alinéa a été formulé peut induire en erreur. En effet, le terme «population» est un peu vague et, dans un certain sens, on va quand même en direction d'une privatisation de la police. C'est un peu ce que nous comprenons de cette formulation. Bien évidemment, il s'agit d'une définition générale, qui doit indiquer ce qu'est la police. Mais, selon nous, il y a une certaine ambiguïté. De plus, on enfonce une porte ouverte puisque la diversité au sein de la police existe. Genève est une cité à la population variée, et globalement, les institutions répondent à cette situation. Je le répète, on ne fait donc qu'enfoncer une porte ouverte - avec passablement de retard qui plus est - puisque cela amène une redondance par rapport à d'autres textes de lois plus généraux de la constitution, qui empêchent la non-discrimination et indiquent qu'il faut de la diversité. Ce sont des éléments importants mais qui figurent déjà ailleurs, et nous ne sommes absolument pas contents de cela. C'est pour cela que nous avons proposé cette nouvelle formulation, et nous vous demandons de la soutenir.

M. Vincent Maitre (PDC). Une fois n'est pas coutume, le MCG nous bombarde d'une pléthore d'amendements ! Ne serait-ce qu'à l'écoute de ce qui vient d'être dit par le rapporteur de deuxième minorité, on se rend bien compte qu'il s'agit là non pas d'amener la moindre amélioration à la loi, mais bien de mesures parfaitement dilatoires pour - une fois de plus - engluer ce parlement et paralyser les débats. Le PDC n'entrera évidemment pas en matière sur cet amendement, comme il ne le fera pas non plus sur tous les autres; il ne prendra d'ailleurs même pas la parole pour exprimer tout le mal qu'il pense de cette façon de faire et de ces amendements.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je pense qu'il y a là un procès d'intentions. (Exclamations.) Tout à l'heure, le magistrat a affirmé - même si cela ne reste qu'une affirmation - qu'il était contre tout dogmatisme. Or, on se rend compte que mon préopinant est... je ne vais pas dire un expert, mais un apprenti en dogmatisme ! J'ai l'impression qu'il cherche à s'instruire pour aller dans cette direction ! Je le laisse à ses propos et ne lui ferai pas de procès d'intentions, sans répondre à ces provocations dont il est coutumier, notamment sur Facebook. (Remarque.) Je n'entrerai pas en matière sur ce genre de choses.

Le seul élément à retenir, c'est qu'une proposition a été faite. Je ne tolère pas qu'on remette en cause l'intention de cette proposition, qui a été émise de manière réfléchie. Si chacun peut penser ce qu'il veut de cette façon de faire, cela démontre quand même une totale contradiction entre ce que vient de dire mon préopinant et la déclaration du Conseil d'Etat: dès le départ, une vision dogmatique s'inscrit dans ce débat. Cette démonstration a été faite immédiatement, merci d'en prendre bonne note. On voit que l'on se trouve dans une situation d'impasse, c'est d'ailleurs à cause de ce type de mentalité qu'on en arrive là. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je soumets cet amendement au vote de l'assemblée.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 30 oui.

Le président. A l'alinéa 2 de l'article 1, nous sommes à nouveau saisis d'un amendement de M. Baertschi, que je vous lis:

«Art. 1, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2 Dans l'accomplissement de ses tâches, le personnel de la police donne l'exemple de l'honneur, de l'impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l'écoute qu'il est également en droit d'attendre de leur part.»

Monsieur Baertschi, vous avez la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste donner une explication essentielle. Le texte qui vous est proposé à l'origine indique «en tout temps», ce qui est complètement absurde. Il y a eu un couac en commission, un changement voulu par une députée PLR qui a jugé bon d'ajouter cet élément. Or, en effet, le personnel de police donne l'exemple de l'honneur, de la dignité et du respect des personnes en tout temps. Mais de l'impartialité ? Cela devient absurde. Le personnel de police doit être impartial dans son activité, c'est évident. Personne ne le contestera. Le groupe MCG ne le contestera pas. Toute personne de bonne foi dans ce parlement dira que cela fait partie de ses tâches. Mais préciser «en tout temps», c'est absurde ! Admettons que vous ayez deux enfants et que, dans le cadre de votre vie privée, vous preniez parti pour l'un des deux. Vous êtes déjà en infraction avec la loi ! C'est une absurdité, parce que l'expression «en tout temps» est une valeur totalitaire... enfin, je rectifie: disons plutôt totale que totalitaire. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. François Baertschi. Quand on parle de respect des personnes ou de dignité, d'accord. C'est un élément absolu. Mais quand on parle d'impartialité, on dépasse la frontière de ce qui est acceptable, on va à l'encontre des droits de l'Homme ou de valeurs humaines fondamentales dont on se revendique de manière tellement générale. Il y a un couac à ce niveau-là. Je pense que ceux qui ont préparé ces amendements en commission se sont un peu emmêlé les pinceaux.

Pour en revenir à ce que disait mon préopinant tout à l'heure, il est certain qu'il y a du fond dans ce genre de choses. On ne peut pas laisser n'importe quoi dans nos textes de lois. Le but du parlement est tout de même de voter des lois correctes, c'est notre rôle. Voilà pourquoi je vous demande de soutenir cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter... (Remarque.) Monsieur Pistis, vous souhaitez vous exprimer ?

M. Sandro Pistis (MCG). Si vous me le permettez, oui. J'en ai pour trente secondes. J'aimerais juste préciser ce que mon collègue François Baertschi a évoqué concernant l'ajout en commission des termes «en tout temps». Le PLR avait d'abord soutenu la version débutant par «dans l'accomplissement de ses tâches» et, au troisième débat, a proposé cet amendement consistant à indiquer «en tout temps». Je vous invite donc, chers collègues, à soutenir notre amendement, de façon qu'il puisse y avoir une cohérence. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Je lance le vote sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 39 oui et 11 abstentions.

Le président. Toujours à l'article 1, nous passons à l'alinéa 3 et sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi, que voici:

«Art. 1, alinéa 3 (nouveau, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 4)

3 Le personnel de la police jouit du respect de ses droits fondamentaux, notamment du respect de sa dignité, de sa personne et de sa vie privée.»

Monsieur Medeiros, vous avez la parole.

M. Carlos Medeiros. C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. C'est donc à M. Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On parle beaucoup de droits fondamentaux, de droits du justiciable, de droits du citoyen. Or il y a une personne dont on oublie trop souvent les droits fondamentaux, c'est le serviteur de l'Etat, celui qui est exposé à des attaques parfois abusives, qui peut être victime de diffamation et de ce genre de choses. C'est pour cela que nous vous demandons de soutenir cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. L'assemblée est appelée à s'exprimer sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 1 (Missions) est adopté, de même que l'article 2 (Subordination de la police).

Le président. M. Baertschi a également déposé un amendement à l'article 3, qui demande l'abrogation de ce même article. Je lui cède la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président. Il s'agit simplement d'abroger cet article sur le conseil consultatif de sécurité, dont j'ai parlé tout à l'heure.

Le président. Très bien, nous allons passer au vote. Monsieur Maitre, vous désirez vous exprimer ? (Remarque.) Bien, veillez à appuyer sur le bouton de votre micro au bon moment, ce sera plus simple. Nous votons maintenant cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 27 oui et 10 abstentions.

Le président. Nous nous penchons à présent sur l'amendement proposé par M. Baertschi à l'article 3, alinéa 1, dont voici la teneur:

«Art. 3, alinéa 1 (modifié)

Au début de chaque législature, le Conseil d'Etat nomme, sur proposition du chef du département, un conseil consultatif de sécurité, composé de 11 à 15 membres, reconnus pour leurs compétences et leur représentativité de la société civile et de deux représentants au maximum proposés par les syndicats et associations représentatives du personnel, ainsi que d'un représentant par groupe politique siégeant au Grand Conseil.»

La parole n'étant pas demandée, je vous soumets cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 26 oui et 10 abstentions.

Le président. Toujours à l'article 3, nous sommes saisis d'un amendement de M. Maitre, Mme Fontanet et M. Conne, qui consiste à supprimer, à la fin de l'alinéa 1, la mention «[...], et de deux représentants au maximum proposés par les syndicats et associations représentatives du personnel».

Je passe la parole à M. le député Vincent Maitre.

M. Vincent Maitre (PDC). Merci, Monsieur le président. Cet amendement vise simplement à repréciser la composition du conseil consultatif de sécurité, parce que tel qu'il est formulé dans la loi il va à l'envers du bon sens. Comme vous le savez, le conseil consultatif de sécurité est une sorte d'observatoire de la sécurité composé de spécialistes en tout genre. Il peut s'agir de criminologues, de médecins légistes ou, que sais-je, de commandants de police d'autres cantons, c'est-à-dire d'un certain nombre d'acteurs qui jouissent d'une expertise particulière et dessinent une ligne, ou plutôt décryptent les évolutions sociétales et sécuritaires d'une localité.

Or, cet observatoire - puisqu'il faut l'appeler ainsi - ne peut précisément pas être composé de membres de syndicats parce que, d'une certaine façon, les syndicats sont eux-mêmes des acteurs directs de la sécurité et que, par définition, on ne peut pas être observateur et observé dans la foulée. C'est la raison pour laquelle je vous invite à renoncer à cette exigence. En pratique, cela ne signifie évidemment pas qu'il n'y aura pas de membres de syndicats au sein de ce conseil consultatif de sécurité. Ils n'y siégeront simplement pas à ce titre-là, mais bien en leur qualité de spécialistes et de professionnels. C'est pourquoi, je le répète, je vous encourage à supprimer cette mention.

M. Patrick Lussi (UDC). Ainsi qu'indiqué en introduction, l'Union démocratique du centre, sans être totalement satisfaite, soutient le projet de loi tel que sorti de commission. En l'occurrence, il nous semble nécessaire que les représentations de tous les organes se fassent. Cela a été discuté en commission et l'Union démocratique du centre ne sera donc pas favorable aux amendements qui visent à retirer ce qui a été décidé. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

M. Thierry Cerutti (MCG). Bien naturellement, le Mouvement Citoyens Genevois refusera cet amendement. Pourquoi ? Parce que dans tout troupeau - ce que je suis en train de dire n'est pas péjoratif - il y a besoin d'un berger. Dans le cadre d'un conseil consultatif, il doit y avoir des professionnels en lien avec le métier de policier, c'est vrai. On parle d'un médecin légiste - c'est ce que j'ai entendu dire - d'un criminologue et d'autres corps de métiers. Mais si ces professionnels s'avancent sur un sujet qu'ils ne connaissent pas, cela revient justement à prétériter cette commission consultative, parce qu'ils n'iront pas forcément dans la bonne direction. Des syndicalistes qui connaissent le travail, le métier et le milieu pourront leur servir de guides et les mener sur les bons chemins. Vincent Maitre nous a dit tout à l'heure que certainement - peut-être, on ne sait jamais ! - des syndicalistes pourraient faire partie de ce conseil consultatif: je lui réponds simplement qu'il n'y a que les promesses qui rendent les fous heureux. Nous vous invitons donc à refuser cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous votons sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 43 non et 2 abstentions.

Le président. A l'article 3, alinéa 2, nous sommes saisis d'un autre amendement de M. Baertschi, dont voici la teneur:

«Art. 3, alinéa 2, lettre e (nouvelle)

e) superviser et évaluer l'action gouvernementale dans le domaine de la sécurité.»

Nous passons immédiatement au scrutin.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 22 oui et 11 abstentions.

Mis aux voix, l'article 3 (Conseil consultatif de sécurité) ainsi amendé est adopté.

Le président. A l'article 4, nous sommes saisis d'un amendement de M. Zaugg, dont je vous donne lecture:

«Art. 4 Organisation de la police (nouvelle teneur)

L'organisation de la police est fondée sur le principe de l'autorité hiérarchique.»

Monsieur Zaugg, vous avez la parole.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, je vous rappelle que notre proposition d'amendement reprend très exactement le projet de loi du Conseil d'Etat. La police est composée de différentes catégories de personnel. Ce qui peut valoir pour le personnel en uniforme - qui, de fait, fonctionne d'une manière militaire, je le reconnais - ne vaut pas pour le reste du personnel administratif. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut en revenir à la proposition initiale. Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Je n'ai pas compris la dernière phrase de mon préopinant. Revenir à la proposition initiale... c'est-à-dire militaire ? (Rires. Commentaires.) Oui, d'accord. Alors, soyons clairs: le fonctionnariat dans l'administration - au DIP par exemple - fonctionne avec un chef de service, une secrétaire de direction, une secrétaire, un commis administratif, etc. Ça, c'est une hiérarchie administrative. Au DIP, pour reprendre mon exemple, l'employé reçoit une instruction. Quant au policier, il reçoit un ordre. On n'est pas tout à fait dans le même rapport. Quand on parle d'ordre, on se trouve dans une hiérarchie à caractère militaire. C'est un uniforme, ce sont des grades mais pas des titres; vous avez le grade de lieutenant, capitaine, commandant. Et puis, au-dessus de tout ça, vous avez une cheffe de la police et, encore au-dessus, un élu qui, lui, est politique. En dessous, ce sont des grades. Il s'agit donc d'une hiérarchie militaire. Il n'y a pas à changer ça, vous n'avez pas à être choqués par ça.

Encore une fois, là on a vraiment affaire à la gauche bobo, qui vient dire tout à coup: «Tout ce qui est militaire, non !» En même temps, quand on en est à prôner l'engagement des frontaliers - comme vous l'avez fait récemment dans la presse - voire à prôner l'engagement de frontaliers dans la police, parce que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et qu'on veut empêcher les policiers de faire leur travail, notamment avec les mendiants qui sont, je vous le rappelle, des réseaux mafieux... Finalement, vous entretenez le crime organisé ! De là à y voir une complicité, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai peut-être pas aujourd'hui.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet en commission. Quand on dit que la police est organisée militairement, cela n'a rien à voir avec la secrétaire qui doit saluer le capitaine de gendarmerie ou Mme la cheffe de la police. Il s'agit simplement, en matière de traitement des dossiers, en matière opérationnelle, d'avoir une vision cohérente avec les principes militaires. Cela n'a donc rien à voir avec ces quelques dérives que l'on pourrait imaginer. Maintenant, en ce qui concerne les corps en uniforme - et là je rejoins le préopinant d'Ensemble à Gauche - c'est vrai qu'on est là dans le plus pur style militaire, en termes de forme également. Mais d'une manière générale, on ne parle pas de la forme mais de l'organisation militaire. Je vous invite donc, avec le PLR, à refuser ce projet d'amendement.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme vient de le dire mon préopinant, les débats en la matière ont été longs en commission, et M. Zaugg y a participé. Vous auriez d'ailleurs pu ajouter que si cet amendement, qui a été adopté en commission, a été repris par le MCG et l'UDC, c'était à la suite d'une démonstration fort pertinente du procureur général sur l'usage adéquat des termes dans un texte légal. En l'occurrence - et comme l'a dit mon excellent préopinant M. Wicky - il ne s'agit pas de mettre tout le monde au garde-à-vous, mais simplement d'appeler un chat un chat. En vous entendant, j'ai presque l'impression... Sauf votre respect, puisque vous demandez un retour au terme initial et que c'est le magistrat - du moins le conseiller d'Etat - qui l'avait proposé, je crois qu'il y a des moments, dans notre légistique et par rapport à la sécurité, où il faut écarter la novlangue. Ayons le courage des mots: le terme «militairement » n'est pas une injure. On parle simplement d'un système éprouvé, qui a fait ses preuves au cours des âges. Nous vous enjoignons donc de refuser cet amendement.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, je rappelle que le terme «police» est générique. Il comprend l'ensemble de la police, toutes les catégories de son personnel. Alors, je le répète: ce qui vaut pour le personnel en uniforme en exercice ne vaut pas pour l'ensemble du personnel. Je pense très sincèrement que la formulation initiale qui était celle du Conseil d'Etat dans son projet de loi - à savoir «hiérarchique» - était parfaitement adéquate.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, il est inconvenant et inadmissible que le député Stauffer nous dise que parce que nous allons voter cette disposition telle qu'amendée, nous sommes complices des mafieux de Genève. C'est quand même incroyable ! Je vous propose, Monsieur le président, de vous adresser à M. Stauffer afin qu'il retire cette accusation gratuite. Ensuite, Mesdames et Messieurs... (Remarque.) Oui, il a dit ça, et je l'ai entendu !

Mesdames et Messieurs, la police a en quelque sorte une mission civile, elle n'a pas de mission militaire. C'est pour ça qu'il existe la police militaire d'une part, et la police avec des missions civiles d'autre part. Il nous semble donc beaucoup plus adéquat d'utiliser le terme «hiérarchique». Caractériser la police organisée de système ou d'organisation militaire, c'est un peu délicat par les temps qui courent, Mesdames et Messieurs. Oui, par les temps qui courent, il vaut mieux indiquer qu'elle est organisée de manière hiérarchique, c'est la même chose ! Monsieur le président, le groupe socialiste soutiendra l'amendement.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste apporter une précision, un éclairage différent de celui de nos amis des bancs d'en face. La hiérarchisation s'applique également aux gens qui travaillent dans le civil. Les inspecteurs de police judiciaire sont inspecteurs, inspecteurs chevronnés, inspecteurs-chefs, chefs de brigade. Chacun de ces cadres donne des ordres à ses subordonnés, qui les exécutent au mieux de leur conscience et du temps à disposition. Donc voilà ! Pareil pour les pompiers. Chez les pompiers, il y a un capitaine des pompiers - maintenant, c'est un commandant des pompiers - qui est là, qui donne des ordres à ses subordonnés. Ce n'est pas une amicale de camarades, c'est simplement un corps constitué, organisé selon la hiérarchie militaire, voilà tout ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 29 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 4 (Organisation militaire) est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 5 et à la proposition d'amendement du MCG, que voici:

«Art. 5 Equipement (nouvelle teneur)

1 Les policiers et les agents de sécurité publique spécifiquement formés sont armés et équipés aux frais de l'Etat.

2 Les membres du personnel de la police sont équipés aux frais de l'Etat.»

Je passe la parole à M. le député Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Cet amendement a été déposé pour rectifier une petite erreur concernant le personnel de la police. Selon l'article 19, la police comprend trois catégories de personnel: les policiers, les assistants de sécurité publique et le personnel administratif. Dès lors, l'article 5 tel qu'il vous est proposé - qui stipule que les membres de la police sont armés - pose problème, puisqu'on ne peut pas donner une arme aux secrétaires ou aux commis administratifs.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je soumets cet amendement aux votes.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 33 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 5 (Equipement) est adopté.

Le président. Nous arrivons à l'article 6, avec un amendement de M. Baertschi, dont voici la teneur:

«Art. 6 Composition de la police

La police comprend:

a) les services d'appui qui sont composés:

1 de l'état-major;

2 des ressources humaines;

3 des services de support et de logistique;

4 des services financiers;

b) la gendarmerie qui est composée:

1 du service des opérations;

2 de police-secours;

3 de la police de proximité;

4 de la police internationale;

5 de la police routière;

c) la police judiciaire;

d) les commissaires de police.»

Monsieur le député Baertschi, vous pouvez vous exprimer.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ce que nous avons cherché à faire au travers de cet amendement, c'est d'une part avoir une gendarmerie qui existe véritablement de manière beaucoup plus structurelle, et d'autre part réduire le nombre de directions, qui ont un coût considérable pour le contribuable. Il faut savoir ce que l'on veut: soit une réduction des coûts pour le contribuable et davantage de moyens sur le terrain - c'est-à-dire pour les forces opérationnelles - soit davantage de moyens dans la structure. C'est la proposition que nous vous faisons, et à chacun de se déterminer sur ce point.

M. Patrick Lussi (UDC). Cet amendement a toute sa pertinence par rapport au début de mon propos. Penchons-nous sur ce que dit ce projet de loi: non, il n'y a plus de gendarmerie. Je m'en suis personnellement offusqué par rapport aux uniformes, à l'institution, et je n'ai pas compris pourquoi les syndicats avaient adopté cela, en tout cas au début. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons évidemment pas accepter cet amendement. En effet, soit ce projet de loi est mauvais, on le refuse et le Conseil d'Etat se remet à l'ouvrage, soit on l'accepte parce qu'en définitive, cela s'inscrit dans toute une philosophie. En ce qui concerne l'UDC, nous acceptons pour le moment ce projet de loi et vous demandons donc de rejeter cet amendement. Nous ne disons pas que ce n'est pas pertinent, mais enfin, soit on accepte une philosophie, soit on refuse ce projet de loi et on recommence à zéro. Refusez donc cet amendement ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Le scrutin est ouvert sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 25 oui.

Mis aux voix, l'article 6 (Composition de la police) est adopté.

Le président. M. Baertschi a également déposé un amendement à l'article 7. Je vous en fais part:

«Art. 7 Tâches communes

Tous les policiers:

a) interviennent conformément au code de procédure pénale du 5 octobre 2007;

b) agissent de leur propre initiative ou sur réquisition du Ministère public;

c) assurent le traitement judiciaire des infractions.»

Monsieur Baertschi, je vous cède la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je vous donne juste une petite explication quant à cet amendement. Nous parlons de «tous les policiers», parce que c'est une formulation plus claire et qui délimite mieux les tâches. A notre sens, celles-ci étaient mal définies et il fallait préciser qu'elles étaient du ressort du code de procédure pénale. Voilà pourquoi nous vous faisons cette proposition.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 25 oui et 13 abstentions.

Mis aux voix, l'article 7 (Tâches communes) est adopté.

Le président. Voici à présent l'amendement de M. Baertschi à l'article 8:

«Art. 8 Usage du nom (nouveau, les articles 8 à 67 anciens devenant les articles 9 à 68)

1 L'usage du terme «Gendarmerie», particulièrement sur les véhicules et les uniformes, est exclusivement réservé aux services de la Gendarmerie.

2 Fait exception l'emploi du terme «Police municipale» par les agents des polices municipales, en conformité de la loi qui les régit. Leurs uniformes doivent toutefois être clairement distincts et ne permettre aucune confusion.»

La parole est toujours à M. Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ces dernières années, on a assisté au développement de divers services privés de police ou de sécurité - par exemple dans les transports publics - et autres. Cela crée une confusion dans la tête de beaucoup de personnes. Il est nécessaire que ce soit clair pour le public, pour le citoyen. Il s'agit d'un élément de sécurité important. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé que le terme «gendarmerie» soit indiqué de manière claire et précise sur les véhicules et les uniformes, afin que les gens ne fassent pas de confusion entre les différents services privés ou parapublics. C'est d'une grande importance de soutenir cet amendement. Je vous remercie, au revoir. (Exclamations. Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je prie les deux personnes debout à la tribune de bien vouloir s'asseoir. Merci. La parole est à M. le député Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre sera claire. Je me suis déjà exprimé tout à l'heure, ici nous avons les mêmes motivations que pour l'amendement précédent. Nous ne pouvons pas accepter cet amendement après avoir adopté les autres articles et la fin de la gendarmerie. Nous vous répétons la chose suivante: si ce projet de loi est mauvais, refusez-le et on recommence. Mais on ne peut pas accepter cet amendement, parce qu'il contredit tout le reste du projet de loi. L'Union démocratique du centre ne le votera donc pas, et nous vous incitons à faire de même.

Le président. Merci, Monsieur le député. Bonjour, Monsieur François Baertschi !

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Bonjour, Monsieur le président ! (Rires.) Je demande le vote nominal.

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il y aura donc un vote nominal tout à l'heure. Pour l'instant, je passe la parole à M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Nous n'allons pas voter cet amendement. J'aimerais surtout relever ici la contradiction de ce parlement. Tout à l'heure, chers collègues, vous avez défendu avec véhémence l'organisation militaire de la police. Je tiens à vous dire qu'en France - et ma collègue vient de me le confirmer - la gendarmerie se différencie de la police parce qu'elle est militarisée, vous voyez ? C'est pour cela qu'elle s'appelle gendarmerie. Donc si... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Si vous avez militarisé la police, alors autant lui donner l'appellation de gendarmerie. Ce serait plus logique. Je voulais simplement souligner vos contradictions, intellectuellement parlant, Mesdames et Messieurs. Il faut être cohérent !

M. Renaud Gautier (PLR). L'excellent député Velasco va chercher ses références à l'étranger. Il a raison. Mais encore devrait-il faire l'effort de les citer jusqu'au bout. Monsieur le député Velasco, savez-vous quel est le statut des pompiers de Marseille ? Il s'agit d'un corps militaire. Vous vous rendez compte ? Et pourtant, ils arrivent à éteindre presque autant d'incendies que les pompiers non militaires ! Probablement boivent-ils moins. Je comprends le drame que représente pour vous cette appellation militaire mais, je vous en prie, si vous faites des comparaisons, faites-les en entier, même s'il s'agit de nos voisins français.

Le président. Merci, Monsieur le député. C'est le moment de voter cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 24 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous poursuivons notre examen du projet de loi. M. Baertschi demande l'abrogation de l'article 8, et je lui cède la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ce commentaire est valable pour les articles 8 à 14. Nous estimons que ces textes de présentation sont plutôt de niveau réglementaire et non légal. En faisant des comparaisons avec d'autres lois et d'autres cantons, nous n'avons trouvé nulle part semblable description. Du moment que c'est inutile, et dans le but d'alléger le texte et de faire faire des économies à l'Etat, nous vous demandons de supprimer ces articles.

Le président. Merci, Monsieur. Je mets aux voix la suppression de l'article 8.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 73 non contre 19 oui.

Mis aux voix, l'article 8 (Direction des opérations) est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 9, dont la suppression est demandée par l'amendement de M. Baertschi. Mesdames et Messieurs, vous pouvez voter.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 19 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 9 (Police-secours) est adopté.

Le président. Nous arrivons à l'article 10 avec un amendement de M. Baertschi consistant en son abrogation, et passons immédiatement au scrutin.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 19 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 10 (Police judiciaire) est adopté.

Le président. La suppression de l'article 11 est également demandée par un amendement de M. Baertschi. Je lance le vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 19 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 11 (Police de proximité) est adopté.

Le président. M. Baertschi a également déposé un amendement proposant la suppression de l'article 12. Le scrutin est ouvert.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 19 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 12 (Police internationale) est adopté.

Le président. Même cas de figure pour l'article 13, dont l'abrogation est proposée avec l'amendement de M. Baertschi. L'assemblée est appelée à se prononcer.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 74 non contre 18 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 13 (Police routière) est adopté.

Le président. Enfin, voici arrivée la demande d'abrogation de l'article 14... Monsieur Baertschi, vous avez demandé la parole ?

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président. Encore une fois, on est en train d'enfoncer une porte ouverte... (Exclamations.) On enfonce une porte ouverte en faisant des descriptions inutiles, qui sont une présentation relativement laborieuse des tâches du commissaire de police ! Je vous ai épargné une explication à chaque autre article mais, cette fois, il faut quand même que je revienne sur les raisons qui ont poussé notre groupe à déposer ces amendements.

Ces textes ont un côté publicitaire et politique, et ne correspondent pas véritablement à une nécessité légale. C'est en faisant cette constatation que nous avons estimé qu'un toilettage ne changerait rien et qu'il ne ferait qu'améliorer le fonctionnement de la police par la clarté qu'il apporterait. Bien sûr, on peut garder un texte de loi qui ne sert à rien. Ce ne serait là ni le dernier ni le premier dans notre législation genevoise. Mais à un moment donné, je crois qu'il faut aussi savoir couper dans le vif et c'est ce que nous avons fait avec ces sept articles. Il se trouve que nous ne sommes pas suivis, et je constate qu'une certaine efficience n'est malheureusement pas recherchée dans ce parlement. Chacun fait ses choix, et le peuple jugera. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à... (Un instant s'écoule.) Avant M. le conseiller d'Etat, je vais passer la parole à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). C'est tout à fait normal... Merci, Monsieur le président ! (L'orateur rit.) Plaisanterie mise à part, bon nombre d'entre nous ont reproché aux constituants de ne pas avoir rédigé une constitution, mais carrément une loi d'application. Or nous sommes en train de tomber dans le même travers avec cette loi sur la police. Une loi doit poser l'encadrement légal, et c'est ensuite au Conseil d'Etat d'édicter un règlement d'application, à savoir des directives qui font le quotidien de l'action de la police. Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est une simplification. Si les lois sont trop détaillées - parce qu'à vouloir trop bien faire, on va parfois trop loin - finalement, on se bloque soi-même. Il faut faire ensuite des modifications législatives, et on connaît la rapidité de notre parlement, c'est toujours très compliqué. Une loi doit être simple et claire. Charge ensuite à l'exécutif - parce que c'est son rôle - de faire des règlements d'application, des directives, de manière que l'équation tienne avec le cadre légal.

Vous pouvez refuser ici tous les amendements déposés par le MCG qui demandent l'abrogation de ces articles, mais à la limite vous auriez aussi pu interpréter ces demandes comme une marque de confiance envers le Conseil d'Etat... (Remarque.) Ah, vous n'avez pas confiance en le Conseil d'Etat ? Eh bien, M. le conseiller d'Etat appréciera ! De notre côté, il peut nous arriver de faire montre de bonne volonté; il revient au Conseil d'Etat d'édicter des règlements d'application par rapport aux lois. Nous allons redéposer ces amendements au troisième débat. Pour simplifier, je vous laisse discuter au sein des groupes afin de trouver éventuellement une issue de sortie à cette crise. Parce que c'est une crise ! Je vous rappelle ce que j'ai dit au démarrage de la discussion de ce projet de loi: si on n'arrive pas à trouver des solutions qui conviennent à tout le monde, cette guérilla menée aujourd'hui à Genève va continuer. Finalement, ce sont nos concitoyens qui en font les frais, sans parler de l'image que renvoient le gouvernement, le parlement et la police. J'estime que ce bras de fer n'a pas lieu d'être. Nos débats doivent être empreints de respect envers cette corporation. Mon collègue Carlos Medeiros l'a dit: il ne s'agit pas d'un métier mais d'une vocation. Un peu comme pour la profession d'infirmière ou d'autres, plus pénibles et plus prenantes. Je crois que si nos discussions et nos débats sont menés dans le respect, on devrait pouvoir arriver à trouver une solution. Si on veut jouer au forcing, peut-être arriverons-nous à voter cette nouvelle loi sur la police d'ici 19h. Mais cela aura été fait dans la douleur et, finalement, il y aura davantage de mécontents que de contents. Certains verront leur ego flatté parce que la loi sera passée, mais le réveil risque d'être relativement pénible dans la gestion au quotidien. Mesdames et Messieurs, ne vaudrait-il pas mieux, simplement sous l'angle du respect, se conformer aux engagements qui avaient été pris, c'est-à-dire auditionner tous les syndicats ? Respecter également ce qui avait été dit aux ASP - les agents de la sécurité publique - à savoir qu'ils seraient auditionnés ? Ils ne l'ont pas été et se retrouvent aujourd'hui devant le fait accompli, complètement roulés dans la farine.

Sans haine ni passion, je vais redemander un renvoi en commission de ce projet de loi, simplement par respect, pour finir les auditions et trouver un consensus qui offre une porte de sortie à tout le monde de manière honorable. Je pense que c'est l'entier de la République et canton de Genève qui sortirait gagnante d'une telle démarche. Je demande formellement le renvoi en commission, Monsieur le président.

Le président. J'ai bien entendu, Monsieur le député. Avant de passer au vote, les rapporteurs peuvent s'exprimer, ainsi que le conseiller d'Etat. La parole est à M. le rapporteur de seconde minorité, François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je serai très rapide, Monsieur le président. De tels dispositifs ne figurent ni dans la loi vaudoise ni dans d'autres lois. Voilà qui démontre bien qu'il n'y a aucune nécessité de garder ces textes. Bien sûr, à Genève, nous sommes meilleurs que tout le monde... Mais quand même !

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de première minorité. Monsieur le président, pour les mêmes raisons que celles évoquées tout à l'heure, les socialistes accepteront la demande de renvoi en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Nous avons bien avancé jusqu'ici, et je pense qu'il faut poursuivre sur cette voie. Les arguments qui avaient fait que le refus du renvoi en commission avait été retenu tout à l'heure sont exactement les mêmes maintenant. Ce ne serait pas responsable pour notre parlement d'entrer dans ces manoeuvres dilatoires. Toutes les auditions ont eu lieu, et nous devons continuer nos travaux sereinement. Non, donc, au renvoi en commission.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais brièvement intervenir sur cette disposition en particulier. Nous avons ici la démonstration qu'un groupe politique essaie d'occuper le terrain, mais il le fait tellement en amateur qu'il atteint l'inverse de l'objectif qu'il préconise. Entre les issues de sortie et les portes ouvertes qu'on enfonce, je crois pouvoir dire, à la faveur de l'ensemble des amendements déposés, que vous voulez précisément charger la loi et non l'alléger. Je me réjouis de vous voir renvoyer aux dispositions réglementaires toute une série de nouveautés que vous voulez introduire.

J'aimerais par ailleurs insister sur le fait que les commissaires de police, ce n'est pas rien à Genève ! Dans l'histoire genevoise et celle de la police, les commissaires de police sont les détenteurs de la masse, de l'écharpe. Ce sont les détenteurs de l'autorité, et de l'autorité judiciaire par délégation du pouvoir judiciaire. Ce sont ceux qui, par exemple, se voient nantis - et dans la loi sur la police, c'est important - de la capacité de retenir des gens, de les priver de liberté. S'il y a bien un article qu'il ne faut pas enlever de la loi, c'est précisément celui-là. C'est celui-là, Mesdames et Messieurs ! Si, par hypothèse, par impossible, il y avait dans cette salle un ancien chef adjoint de la police, il pourrait le confirmer. Car ce sont les officiers de police actuels, à savoir l'équivalent des commissaires, n'est-ce pas ? Cette fonction est essentielle à la police, parce que c'est celle sur laquelle on se fonde dans les premières heures pour arrêter quelqu'un. Alors, de grâce, soyons sérieux et poursuivons le travail entamé tout à l'heure sans faire droit à ces amendements stupides. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11228 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 55 non contre 41 oui.

Deuxième partie du débat: Session 10 (août 2014) - Séance 68 du 28.08.2014