République et canton de Genève

Grand Conseil

R 585
Proposition de résolution de Mmes et MM. Alain Meylan, Ivan Slatkine, Fabienne Gautier, Beatriz de Candolle, Francis Walpen, Pierre Weiss, Daniel Zaugg, Jean-Michel Gros : Accords bilatéraux, non-application de la clause de sauvegarde

Débat

M. Alain Meylan (L). Sans vouloir allonger le débat, je crois que, sans être une résolution de défiance - comme l'a mentionné tout à l'heure M. Stauffer - c'est une résolution qui visait à réagir par rapport à ce qui a été proposé par le groupe MCG et largement débattu au point précédent. Je crois que tout a été dit et, au nom du groupe libéral et des dépositaires, je retire cette proposition de résolution.

M. Eric Stauffer (MCG). Je reprends cette résolution sur le siège et vais vous obliger à voter pour vous mettre face à vos responsabilités. J'ai le droit de le faire, comme le confirme le règlement du Grand Conseil.

Maintenant, j'aimerais juste vous dire une chose, Mesdames et Messieurs les députés - vous transmettrez à M. le directeur de la Chambre de commerce et d'industrie, à M. le directeur de la Chambre immobilière et à tous ceux qui prônent les grandes industries genevoises... Monsieur le conseiller d'Etat, avec tout le respect que je vous dois, vous avez dit des mensonges dans cette assemblée. Monsieur le député Jeannerat, vous avez déclaré - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'aujourd'hui on est bien content avec les accords bilatéraux, parce qu'on peut nous servir le plat du jour dans les restaurants. Vous, Monsieur le conseiller d'Etat, vous dites qu'on peut voir maintenant que les commandes dans l'horlogerie reprennent. A croire, Mesdames et Messieurs, en écoutant ces discours, qu'avant le 1er janvier 2002 nous n'avions aucun restaurant, pas d'industrie horlogère, et aucune main-d'oeuvre en Suisse. Ce ne sont que des mensonges ! Parce que si on dénonce les accords bilatéraux...

Le président. Monsieur le député, je vous invite à respecter vos collègues et le Conseil d'Etat, et à vous adresser à la présidence.

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, vous transmettrez: nous sommes maîtres des permis de travail que nous octroyons. Si nous avons besoin de main-d'oeuvre dans l'horlogerie, nous allons octroyer des permis pour l'obtenir. Mais là, nous sommes pieds et poings liés par Bruxelles et Strasbourg, et on ne peut rien faire. Nous sommes en train d'«autosuicider» la population de base en Suisse ! La main-d'oeuvre, elle existe, la Suisse a vécu avant l'entrée en vigueur des accords bilatéraux de 2002, et ce n'est que mensonges de dire que, si aujourd'hui ils étaient dénoncés, on n'aurait plus de coiffeuses, on n'aurait plus de serveurs dans les restaurants - j'en passe et des meilleures. Nous restons maîtres !

J'ai vécu dans un pays étranger, Mesdames et Messieurs les députés... (Rires.) J'ai vécu... Ecoutez-moi ! (Commentaires.) J'ai vécu dans un pays où certains vont en vacances, destination de luxe: l'île Maurice. L'île Maurice, en matière d'immigration, est cinquante fois plus sévère que nous à Genève. Quand elle a besoin de main-d'oeuvre qualifiée dans des secteurs, elle donne des permis; du moment où elle a acquis les connaissances, elle résilie les permis, et c'est réservé aux ressortissants mauriciens. (Commentaires.) Ça, c'est une politique qui protège les citoyens de cette île; nous, nous faisons le contraire, nous sommes en train de brader la République et canton de Genève. (Commentaires.) Il y a moins de deux siècles, elle s'appelait le département du Léman, et c'était géré par Paris, par le duc de Savoie, et nos ancêtres doivent se retourner dans leur tombe, parce que vous êtes en train de brader de nouveau Genève à la France ! Et nous devenons un département français, il y en a partout dans nos administrations, et les Genevois restent sur le carreau. (Commentaires.) Je suis désolé ! Maintenant, on s'opposera à cette résolution que j'ai reprise au compte du MCG. Et on attend avec impatience le vote des libéraux, pour vous mettre face à vos responsabilités. (Applaudissements.)

La proposition de résolution 585 est retirée par ses auteurs.

La proposition de résolution 585 est reprise par M. Eric Stauffer (MCG).

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que le chômage est un problème à Genève, nous le voyons tous les jours. Mais si nous regardons ces trois objets - celui-ci et les deux précédents - aucun d'eux ne propose quoi que ce soit pour venir à bout de ce chômage. Cette résolution libérale-radicale, que ses dépositaires avaient eu la sagesse de retirer et qui est reprise sur le siège par M. Stauffer, n'apporte absolument rien pour régler ce problème de chômage, et nous vous proposons bien sûr de la refuser. Nous noterons simplement que... (Remarque.) Cette résolution libérale et radicale, pardon... radicale... euh, libérale, oui ! Nous notons simplement que le MCG, comme à son habitude, garde ses oeillères et refuse de voir la réalité: nous sommes entourés de 27 pays de l'Union européenne, c'est avec eux que nous devons traiter, c'est la réalité, et il faudra bien un jour parler de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser cette résolution reprise sur le siège par le MCG.

M. Jacques Jeannerat (R). Monsieur le président, vous pourrez dire à M. Stauffer qu'il peut se permettre de porter des accusations gratuites et traiter les gens de menteurs, mais vous pourrez aussi lui transmettre qu'il est mauvais joueur et mauvais démocrate, puisque les accords bilatéraux, ce n'est pas ce parlement qui les a voulus, mais l'ensemble du peuple suisse. Et puis vous pourrez dire à M. Stauffer de prendre un peu de graine, s'agissant de parler poliment aux gens, auprès de sa collègue Mme Engelberts, qui a demandé le respect de la parole des députés.

M. Pierre Weiss (L). Certains veulent prolonger les débats, eh bien, rappelons simplement que cette résolution visait à mettre en évidence trois avantages essentiels des accords bilatéraux dans leur respect actuel et dans leur existence, à savoir que si l'on appliquait une clause de sauvegarde, une clause guillotine, on rendrait la charge pesant sur les entreprises - entre autres sur les PME, y compris de notre canton - plus lourde lorsqu'elles auraient besoin de main-d'oeuvre, notamment étrangère.

La deuxième chose, c'est que la reprise va revenir. Et lorsque la reprise reviendra, que se passerait-il si l'on appliquait la clause de sauvegarde ? Eh bien l'on créerait tout simplement des problèmes pour les entreprises s'agissant de s'adapter à meilleure fortune et, par conséquent, s'agissant d'améliorer la qualité de l'emploi et de diminuer le chômage en Suisse et dans notre canton. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

La troisième chose, c'est que certains ne veulent pas le croire, parce qu'ils ont de la peine à lire les chiffres, les chiffres qui existent. Et ces chiffres qui existent montrent que, depuis le début de l'année 2009, il y a une diminution de l'immigration et en Suisse et dans notre canton. En d'autres termes, lorsqu'il n'y a pas de postes de travail offerts en nombre suffisant, eh bien les gens venant de l'étranger, les travailleurs étrangers s'intéressent moins au marché de l'emploi suisse - voilà ce qui s'appelle une adaptation libérale du marché de l'emploi !

Cela étant, plutôt que d'appliquer la clause de sauvegarde, il convient de prendre d'autres types de mesures vis-à-vis du chômage existant. Ces autres types de mesures, c'est par exemple ceux qui ont été proposés, sur le plan fédéral - parce que c'est le parlement fédéral qui s'en occupe - par le groupe libéral-radical, c'est la lutte contre certains abus dans le domaine du chômage, c'est par exemple les adaptations concernant les périodes d'essai, c'est une limite des autorisations temporaires et c'est, enfin et surtout, une amélioration de la qualité de la formation.

C'est pour ces raisons que, si certains tiennent absolument à voter sur cette excellente résolution de notre collègue Meylan et du groupe libéral, eh bien, effectivement, nous l'adopterons pour montrer que nous avons une constance dans nos positions, que nous savons prendre un certain nombre de mesures d'adaptation, mais que nous ne voulons pas la politique du pire, comme certains ici ne s'en rendent pas compte.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Rolle, à qui il reste vingt secondes.

Mme Dominique Rolle (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je me souviens d'un pays, la Suisse, où il faisait bon pouvoir travailler, où chacun avait sa place, où même le dernier des crétins pouvait espérer un poste et pourvoir... (Chahut. L'oratrice s'interrompt.) S'il vous plaît ! Je me souviens donc d'avoir commencé à travailler dans un pays où il faisait bon vivre...

Le président. Il vous faut conclure, Madame Rolle !

Mme Dominique Rolle. Eh bien, je pense qu'il serait temps de donner la priorité aux gens qui vivent ici... (Brouhaha.) S'il vous plaît, merci ! ...de prioriser l'embauche et d'engager des travailleurs externes seulement en dernier ressort.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Meissner. (Chahut.) S'il vous plaît, un peu de calme ! Tout s'est bien passé jusqu'ici, on reste calme !

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Je souhaitais simplement réagir par rapport au reproche qui nous est fait de ne pas apporter de solutions avec nos résolutions ou amendements. Demander que le nombre de migrants cesse d'augmenter tient en tout cas davantage compte de la situation très dure que vivent les Genevois, du moins beaucoup plus que votre résolution qui demande qu'on augmente ce nombre. Le débat, c'est certain, sera repris au niveau fédéral, car c'est bien là qu'il doit avoir lieu.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Meylan, à qui il reste trente secondes.

M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, je pensais faire gagner un peu de temps à ce parlement en proposant de retirer cette résolution, dans la mesure où elle est de toute façon hors délai et que le débat a été fait auparavant. On peut la voter, ça fera peut-être quelque chose que le Conseil d'Etat pourra utiliser pour promouvoir ce qui s'est passé à Genève, le dynamisme de ce canton et le fait qu'il ait mieux résisté que la plupart des autres cantons en Suisse, en tout cas que la plupart des pays étrangers. Cela a justement été possible parce qu'il y a ces accords bilatéraux qui nous permettent d'assumer et d'avoir une économie diversifiée avec des compétences nous permettant de résister face à la crise. Les créations d'emplois sont là pour le prouver: on a créé des emplois, on n'en a pas supprimé.

C'est vrai, le chômage reste à un niveau élevé, mais quand même inférieur à celui de nos pays voisins, et il reste, en tout cas, quelque chose qui diminue en termes relatifs par rapport aux autres cantons. Donc, pour Genève, Mesdames et Messieurs, pour les entreprises genevoises, ces accords bilatéraux ont été...

Le président. Merci, il faut conclure !

M. Alain Meylan. ...et restent essentiels. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Gillet pour la dernière intervention.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien n'a aucun problème à assumer ce qu'il disait tout à l'heure, à savoir que ça n'est pas en fermant les frontières que nous résoudrons le problème du chômage à Genève. Ce n'est pas non plus en restreignant de façon drastique la main-d'oeuvre étrangère que nous y parviendrons, mais c'est bien en appliquant encore plus efficacement ce que prévoit la nouvelle loi en matière de chômage, notamment par les programmes d'emploi et de formation, et en luttant contre le dumping salarial. Des dispositifs efficaces sont à l'oeuvre aujourd'hui déjà, cela a été rappelé tout à l'heure. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien soutiendra la résolution libérale.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le chef de groupe, avec ce qui s'est passé - le retrait par les libéraux de leur résolution et sa reprise par le MCG - c'est très clairement une résolution MCG que vous allez voter. Si ma compréhension du déroulement du débat de ce soir est bonne, en réalité, on peut d'abord vous dire que le Conseil d'Etat a déjà demandé, comme il était interrogé par la Conférence des directeurs cantonaux, la non-application de la clause de sauvegarde. Il a renouvelé cette position cette semaine; en d'autres termes, c'est fait.

Alors, une suggestion serait peut-être - puisque cette résolution n'appartient à aucun de ceux qui la soutenaient, mais n'appartient qu'à ceux qui la combattaient - de laisser voter seulement ceux qui la combattaient, pour savoir s'ils vont voter leur texte ou, au contraire, le refuser. Ce serait particulièrement intéressant.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Le MCG réclame le vote nominal. Est-ce que vous êtes soutenus ?

Des voix. Oui !

Le président. Vous êtes soutenus, parfait. Nous allons donc voter la prise en considération de cette proposition de résolution 585.

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de résolution 585 est rejetée par 39 non contre 32 oui et 10 abstentions.

Appel nominal