République et canton de Genève

Grand Conseil

R 583
Proposition de résolution de Mme et MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Claude Jeanneret, Henry Rappaz, Sébastien Brunny, Olivier Sauty, Sandra Borgeaud : Accords bilatéraux, application de l'article 10

Débat

Le président. Nous sommes maintenant au point 33 de notre ordre du jour, la proposition de résolution 583. Vous constaterez que le point suivant porte exactement sur le même objet; il n'est donc peut-être pas utile de faire deux fois le même débat, mais c'est à vous d'en décider. Je passe la parole à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, non, moi je pense qu'il faut faire deux fois le débat. (Commentaires.) En effet, ce qui est très intéressant, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que le MCG avait demandé l'urgence parce qu'on était encore dans les temps à Berne pour appliquer la clause de sauvegarde de l'article 10 et ainsi prolonger les quotas jusqu'en 2011. Et, par défiance, le parti libéral a déposé une résolution pour la non-application de la clause d'urgence. Quelques mois après, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil fédéral lui-même s'est posé la question parce qu'il y avait un réel problème que voulait nier et que refusait de voir le parti libéral.

Alors voilà, aujourd'hui, évidemment, on ne peut plus appliquer la clause d'urgence puisqu'on a dépassé le délai pour cela. On s'est posé la question: «Est-ce qu'on retire, est-ce qu'on ne retire pas ?» Vu que les libéraux ont maintenu leur résolution, eh bien, le MCG aussi. Avec nos collègues de l'UDC qui vont proposer un amendement - je leur en laisserai la primeur de la teneur, bien évidemment - nous avons décidé, au MCG, de conserver cette résolution, parce qu'aujourd'hui il faut faire passer un message. Et là, ce n'est plus le MCG qui le dit, c'est le ministre de l'économie en personne, il vient de vous le dire il y a quelques minutes en vous lançant un petit avertissement avec un brin d'ironie: ne faites pas et arrêtez de faire comme s'il n'y avait pas de problèmes ! Il vient de vous le dire ! Si vous ne vous en souvenez pas, demandez à votre voisin, je suis sûr qu'il y en a au moins un qui a mémorisé ! (Rires.)

Donc les problèmes sont réels, et que constate-t-on aujourd'hui ? On constate que ces accords bilatéraux... A part les quelques grandes entreprises en Suisse qui ont gagné beaucoup, beaucoup, beaucoup plus d'argent, au peuple, à la base du peuple, qu'est-ce que ces accords bilatéraux ont apporté ? Expliquez-nous un peu: le citoyen de cette classe moyenne - encore faudrait-il s'entendre sur les montants, la fourchette, de la classe moyenne - qu'est-ce que ces accords bilatéraux lui ont apporté ? Qu'il a forcément une soeur, une belle-mère, un cousin qui est au chômage, qui s'est vu licencié parce qu'il s'approchait de l'âge de la retraite et que le deuxième pilier était trop cher, et qui a été remplacé par un travailleur de l'Union européenne ? Que les CFF, puisqu'il y a l'ouverture, ne commandent plus le bois dans une scierie du Jura mais en Pologne, parce que ça coûte moins cher ? Que les entreprises se délocalisent...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr, Monsieur le président. ...que les entreprises se délocalisent parce que la main-d'oeuvre est moins chère en Pologne et que l'Europe apporte des aides ? C'est ça, les accords bilatéraux que vous avez promis au peuple suisse ? Le MCG dit non !

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. Eric Stauffer. Parce que nous devons protéger les citoyens de ce canton et, plus largement, du pays !

Une voix. Bravo Eric !

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours avec intérêt et attention que nous avons pris connaissance de cette résolution. Bien que le dernier considérant nous fasse comprendre qu'elle est caduque depuis huit mois, nous avons quand même voulu, avant de nous déterminer, vérifier la situation. Par sa lettre du 30 janvier 2008, le Conseil fédéral ouvrait la procédure de consultation des gouvernements cantonaux quant à l'extension de l'accord sur la libre circulation à la Bulgarie et la Roumanie. Et, dans cette lettre, il était stipulé: «Si l'ALCP devait ne pas être reconduit, cela devrait être notifié à l'UE jusqu'au 31 mai 2009 au plus tard, faute de quoi l'accord serait automatiquement reconduit pour une durée indéterminée.»

Par ailleurs, nous rappelons que le peuple suisse a accepté par 60% de oui, le 8 février 2009, l'arrêté fédéral du 13 juin 2008 portant approbation de la reconduction des accords bilatéraux et de leur extension à la Bulgarie et à la Roumanie.

Nous ne pouvons donc que constater que cette résolution est fatalement périmée, et nous vous invitons, chers collègues du MCG, à la retirer. Dans le cas contraire, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cette résolution.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Mesdames et Messieurs les députés, certes, le délai de notification de cette résolution est dépassé, et il faut noter également qu'il concernait uniquement les nouveaux Etats membres, donc pas la France, visée dans cette résolution. On peut donc soupçonner une manoeuvre un peu différente, nous y reviendrons.

Bien sûr que le taux de chômage est important et préoccupant à Genève, mais il faut rappeler que, malheureusement, il n'y a pas de symétrie entre les emplois et les personnes sur le marché du travail... (Exclamations.) Par ailleurs, il est important de rappeler que Genève est inséré dans une région qui, de par sa géographie et sa taille, constitue le bassin de recrutement de ce canton. Est-ce que le MCG souhaite vraiment l'étouffement de l'économie genevoise ? (Commentaires. Rires.) Oui, les socialistes peuvent parfois s'exprimer comme ça...

Il y a peu de temps, une question écrite de François Gillet - datant, si je ne m'abuse, du mois d'octobre - a fait l'objet d'une réponse du Conseil d'Etat concernant les mesures relatives à l'application des accords bilatéraux. Je pense que le Conseil d'Etat a donné un certain nombre de réponses concernant la surveillance des conventions collectives de travail et des mesures du marché du travail, dont il s'agira de suivre l'application. En passant, il faut aussi dire que, dans les accords bilatéraux, la Confédération dispose de mesures de régulation lorsque l'augmentation de travailleurs de l'Union européenne est trop importante.

Mesdames et Messieurs les députés, les accords bilatéraux profitent à tous. Ils profitent aux Suisses travaillant à l'étranger, ils profitent à l'économie locale genevoise, mais ils profitent aussi au projet Europe qui, pour mémoire, a été créé afin d'éviter une nouvelle guerre mondiale.

Pour conclure, j'en reviendrai à la manoeuvre que nous pressentons derrière cette résolution: il nous semble qu'elle préfigure l'initiative au niveau national, qui souhaite lever les accords avec l'Union européenne. Ce n'est certes pas le projet que le PS veut, ni pour Genève, ni pour la Suisse.

M. Pierre Weiss (L). Le vent d'hiver peut rendre fou, et la libre circulation, pour certains, les plonge directement dans la démence ! Voilà ce qui s'observe quand on n'arrive pas à garder le contrôle de ses nerfs et que l'on veut croire que l'on peut jouer un rôle en politique.

Mesdames et Messieurs les députés, dans la question qui nous est soumise, il y a un problème réel et des solutions qui tiennent véritablement de la démagogie, voire de la non-connaissance du terrain. D'ailleurs, dans cette enceinte, il y en a certains qui ont, à l'égard du marché du travail, un éloignement qui devrait les amener à plus de modestie.

S'agissant de la proposition de résolution 585 des libéraux, il s'agit d'abord de rappeler que la corrélation entre chômage et immigration est très faible. En tout cas, elle est très particulière parce que, par exemple, les nouveaux immigrants sont nettement moins chômeurs que les Suisses, et surtout que les anciens immigrants. Le problème ne se trouve donc pas avec ceux qui sont arrivés récemment grâce aux accords de libre circulation, mais avec ceux qui sont venus il y a longtemps, avant que ces accords n'aient été introduits ou, en tout cas, avant qu'ils n'aient été étendus aux pays d'Europe centrale.

La deuxième chose qu'il importe de rappeler s'agissant du marché du travail, c'est que les enquêtes montrent qu'il y a pénurie - pénurie ! - de main-d'oeuvre qualifiée, et surtout de main-d'oeuvre très qualifiée. Il y a donc besoin d'améliorer la formation en Suisse, y compris des personnes qui souffrent du chômage dans notre pays, mais il y a aussi réellement un besoin urgent - pour que l'économie fonctionne, pour que le système de sécurité sociale aussi soit en mesure d'engranger des moyens pouvant ensuite être redistribués, y compris à ceux qui sont chômeurs - d'accueillir dans notre pays ceux qui viennent des pays membres de l'Union européenne notamment.

Le troisième point qu'il faut aussi mentionner, c'est que l'efficacité réelle de cette mesure, à savoir la clause de sauvegarde, serait très faible. Pourquoi serait-elle très faible ? C'est parce que la clause de sauvegarde ne porte que sur quelques dizaines de milliers de travailleurs, de permis, et nous avons environ 1 million de travailleurs étrangers qui font, avec les millions de travailleurs suisses, évidemment, la richesse de ce pays. Donc vouloir prendre une mesure qui soit marginale pour résoudre un problème qui est plus gros que lui, c'est véritablement se tromper de cible. Ça, c'est l'efficacité réelle...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Il y a l'efficacité symbolique, et elle serait, Monsieur le président, dévastatrice. Il y a des moments où il faut savoir choisir si l'on veut perdre non seulement le bien-être de son pays, mais également ce qu'est l'âme de ce pays. Nous refuserons cette résolution et reviendrons peut-être par la suite, le cas échéant, sur la résolution suivante.

Mme Christina Meissner (UDC). On l'a entendu maintes fois ce soir: les problèmes sont réels, et on cherche tous des solutions. En l'occurrence, ce que vous demandez dans la résolution 583 n'est plus applicable. Effectivement, le délai de notification pour la clause d'urgence était au 31 mai 2009, et nous sommes le 29 janvier, le délai est passé.

Les cantons périphériques et Genève souffrent et sont durement touchés par cette concurrence de la main-d'oeuvre étrangère, c'est un fait et c'est inacceptable. Certes, il serait possible d'invoquer à nouveau la clause de sauvegarde pour 2010, au même délai, et ce, chaque année de nouveau, jusqu'en 2014...

Le président. Vous devez vous adresser au président, Madame Meissner, pas à M. Stauffer. (Commentaires.)

Mme Christina Meissner. ...mais avec toujours les mêmes complexités, les mêmes difficultés pour son application, et sans aucune garantie de succès. Le Conseil fédéral l'a admis lui-même, le 20 mai 2009, lors d'un débat sur l'opportunité d'invoquer la clause de sauvegarde - je cite: «L'efficacité du frein à l'immigration que constitue la clause de sauvegarde diminuera au fil des ans si l'effectif des ressortissants en provenance de l'UE continue à augmenter». C'est dire... Et le nombre de permis B octroyés ne cesse d'augmenter: il y en avait plus de 54 000 en 2006, nous sommes passés à 94 000 entre mi-2007 et mi-2008 et à plus de 137 000 entre mi-2008 et mi-2009. Et on ne parle même pas de l'augmentation du nombre de frontaliers !

Dès lors, on peut se demander si un traité que le peuple a accepté et prévoyant la possibilité de limiter le nombre de migrants est encore supportable s'il ne contient plus aucune possibilité d'une telle limitation.

De cela découle la proposition d'amendement de l'UDC, qui consiste à inviter le Conseil d'Etat «à faire état au Conseil fédéral de la demande qui lui est faite par le parlement genevois de dénoncer les accords bilatéraux, ces derniers étant inopérants.»

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (R). Intervention après intervention, je crois que le MCG confond les problèmes à force de taper sur la main-d'oeuvre frontalière. Selon le MCG, tous les maux de Genève viennent des frontaliers. Il faudrait juste expliquer que le taux de chômage peut aussi venir d'une inadéquation entre l'offre et la demande au niveau de l'emploi à Genève. M. Stauffer se posait la question tout à l'heure: mais qu'a gagné la base du peuple avec les accords bilatéraux ? Eh bien, je vais vous donner la réponse, vous pourrez la transmettre à M. Stauffer, Monsieur le président. La base du peuple a gagné qu'elle est soignée à l'hôpital, elle a gagné qu'on lui sert son plat du jour dans les restaurants à Genève, elle a gagné que les chantiers avancent... (Commentaires.) ...elle a gagné qu'on fabrique des montres dans les manufactures genevoises. (Commentaires.) Quant à l'UDC qui a réclamé les accords bilatéraux en lieu et place de l'adhésion à l'Union européenne, maintenant qu'on a ces accords, elle veut les dénoncer. Cette résolution doit donc absolument être refusée, ainsi que l'amendement de l'UDC.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Lefort, à qui il reste une minute et quarante-cinq secondes.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme un vol de gerfauts, les coucous de l'UDC n'ont pu s'empêcher de pondre l'oeuf des ténèbres dans le nid abandonné de cette résolution du MCG. Que vous propose l'UDC en voulant dénoncer les accords bilatéraux ? Ce parti suicidaire ne vous propose rien de moins que de faire hara-kiri. Le sujet, évidemment, comme l'a remarqué M. Jeannerat, mérite plus ample débat, par exemple dans le cadre d'une initiative cantonale pour l'adhésion à l'Union européenne. Mesdames et Messieurs les députés, laissons l'UDC faire son hara-kiri toute seule et refusons cet amendement ! C'est ce que vous propose le groupe des Verts.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Cette résolution 583 démontre bien les problèmes de surdité que rencontre le MCG, et surtout un grand problème de compréhension. Mais enfin, ils sont tellement neufs en politique qu'ils ne retiennent pas encore tout ce qu'on leur explique. Et ce qui est important à retenir, c'est ce qu'a dit M. Unger tout à l'heure: pas de protectionnisme ! Ce serait tuer l'économie suisse, ce serait tuer l'économie genevoise. Le parti démocrate-chrétien ne veut pas cela et, bien évidemment, refusera cette résolution inapplicable.

Mme Dominique Rolle (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je serais quand même curieuse de savoir combien de personnes dans cette salle côtoient la vraie base, celle qui souffre précisément de ces accords bilatéraux car, à vous entendre, j'ai vraiment l'impression que vous vivez sur une autre planète, et c'est regrettable. Maintenant, je vois qu'on a ici une belle idéologie où tout le monde est beau et tout le monde est gentil. Mais refuser de prendre en considération les aspects négatifs qu'entraîne cette libéralisation à tout crin... Moi je pense qu'à terme il y aura une très grosse facture, au niveau financier et sur le plan social. Il faudrait réfléchir à cela pendant qu'il en est encore temps.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Engelberts, à qui il doit rester à peu près deux minutes... deux minutes vingt.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez choquée, pas du tout qu'on attaque une résolution et que l'on en donne les motifs, mais qu'un député dans cette salle puisse dire que le vent d'hiver rend fou, qu'on peut même devenir dément. Si l'on veut jouer en politique, signalons peut-être carrément que M. Eric Stauffer a perdu la tête, qu'il est dément ! Eh bien, je dirai que le vent des sables peut rendre fou également ! (Commentaires. Brouhaha.)

Quelqu'un d'autre nous accuse de surdité. Moi j'ai envie de dire que ça suffit ! Des boucs émissaires, on en a tous besoin... Quand j'étais enfant, je vivais dans ce canton de Genève fantastique. Et comme j'avais un petit uniforme et que j'étais d'origine italienne, j'ai pris l'habitude qu'on me crache dessus et qu'on me traite de magute ou de piaf. Et on apprend beaucoup de choses en évoluant dans ce canton, c'est probablement pour ça que j'y suis si attachée.

J'aimerais dire quand même aux socialistes que, quand on partage les mêmes idées sur le fond, on peut éventuellement, de part et d'autre, revoir la forme. On est tous allés à l'école, peu importe où, on est tous devenus directeurs aussi, ce n'est pas un problème. Mais je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin de tracer une ligne de démarcation entre nous sur une idée qui peut faire avancer les choses.

Quant aux Verts, je vous dirai que vous avez une allergie viscérale vis-à-vis du MCG. Je peux la comprendre s'agissant d'un parti politique, mais vous parlez à des personnes, vous parlez à des députés, des gens qui sont comme vous. Donc, les allergies, laissez-les aux corps malades et pas dans cette enceinte !

Quant aux UDC et aux radicaux, très souvent, c'est le mépris. C'est tellement facile de jouer sur les mots, c'est tellement habile ! On peut le faire, mais que chacun reste quand même à sa place ! J'ajouterai que le côté cynique qu'il peut y avoir dans ce parlement...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui ! Lorsqu'il s'agit de faire des propositions, chacun est dans un style de manoeuvres politiques, or restons quand même corrects et ayons un minimum de respect pour les personnes qui tentent de s'exprimer ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Gillet, à qui il reste deux minutes trente.

M. François Gillet (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est vrai, le chômage est une épreuve difficile pour toutes celles et ceux qui le vivent. Oui, c'est vrai, tout chômeur est un chômeur de trop. Mais ce qui est grave, c'est lorsque, comme le MCG, l'on joue sur la détresse des personnes recherchant un emploi pour faire croire qu'il suffit de fermer les frontières de notre canton pour que, comme par magie, toutes celles et ceux qui sont au chômage retrouvent un emploi. Cela est grave, cela est inacceptable.

Ce qui va se passer, si l'on suit vos conseils, Mesdames et Messieurs du MCG, c'est qu'en fermant les frontières à la main-d'oeuvre étrangère, nous allons assécher le marché de l'emploi, et nous allons faire que des dizaines d'entreprises... (Commentaires.) ...qui se sont installées à Genève... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...quitteront ce canton. Et vous n'allez pas résoudre le problème du chômage... (Commentaires.) ...vous allez le doubler ou le tripler. Voilà le résultat de ce que vous proposez, il faut donc rejeter cette résolution. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons donc voter... Ah, M. Unger demande la parole, je la lui donne.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Excusez-moi d'interférer avec votre célérité, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on atteint là une question tout à fait fondamentale: est-ce que la voie des bilatérales - dont l'un d'entre vous a rappelé que l'UDC avait été le principal artisan au niveau fédéral - doit être abandonnée maintenant en raison de la crise mondiale ? Celle-ci n'est pas due à la Suisse, elle n'est pas due à la France, mais elle est tout de même due à un certain nombre d'acteurs dont les noms sont connus. Il s'agit du président Clinton et d'Alan Greenspan qui ont relancé - et je l'ai dit plusieurs fois - la machine américaine, dans les années 90, en permettant au peuple américain de s'endetter - beau programme ! On en voit les résultats, avec des spéculations immobilières à la clé, ensuite les fameux subprimes, puis la crise financière et, enfin, une crise mondiale.

Un rôle qui n'a rien à voir avec celui-là, mais qui est tout aussi vilain, c'est celui d'une partie des dirigeants de l'UBS, qui ont très clairement sali à la fois la réputation de la Suisse et celle d'une partie de leur activité bancaire. Nous avons été isolés plus que jamais, et les différentes réactions, de panique parfois, du Conseil fédéral dans cette tourmente ont montré à quel point - comme nous l'avions vu d'ailleurs dans la crise libyenne - nos alliés traditionnels, les Français, les Allemands, ne nous suivaient plus du tout lorsqu'il s'agissait de nous aider dans cette phase difficile.

Alors, face à cela, il y a deux possibilités. La première est celle qui nous est offerte ici et qui n'est pas choisie pour régler le problème des chômeurs dont la situation est authentiquement dramatique, mais qui est une solution d'isolement supplémentaire - comme si nous étions un grand et fort pays qui, par son isolement, peut montrer au reste du monde sa capacité de résister aux rapports de force !

Mesdames et Messieurs, chacun d'entre vous le sait, l'idée européenne, née dans l'après-guerre, était basée sur un triptyque simple: il faut arrêter de faire la guerre en Europe car une guerre tous les trente ans, c'est trop. Pour ceci, il faut un libre-échange, le protectionnisme étant à l'origine de tous les conflits européens, et il faut un mouvement des jeunes, qu'ils puissent se former, qu'ils puissent travailler dans le pays du voisin. Cette grande idée extrêmement simple, il est vrai que la social-démocratie en Europe l'a singulièrement compliquée dans les années 80. En effet, tout ceci s'est transformé en directives sécrétées par une commission dont l'aspect démocratique est assez discutable puisque c'est un club de copains cooptés qui fait la politique de l'offre. (Commentaires.)

Mais, Mesdames et Messieurs, sommes-nous assez forts pour pouvoir nous passer de ces accords bilatéraux qui ont fait de la Suisse un modèle de capacité de réforme économique dans les années 90, un modèle de capacité de modernisme économique au début des années 2000, qui nous laissent encore relativement épargnés par rapport à ce qui touche nos voisins, grâce à notre capacité d'échanger, d'échanger dans un marché européen plus libre pour nous, d'échanger dans un marché du travail plus attractif pour nous ? Mesdames et Messieurs, soyons très prudents: ni les partenaires sociaux, ni les autorités politiques, ni le Conseil d'Etat - qui a déjà dit et qui réaffirme qu'il a indiqué pour cette année qu'il n'entendait pas actionner la clause de sauvegarde - ne le feront au moment où notre économie est en train de ressortir, au moment où l'horlogerie retrouve des commandes, au moment où les entreprises de machines-outils refont de la recherche et développement. Si c'est là que nous voulons nous passer de l'aide des uns et des autres et de la capacité d'être en mesure d'exporter les marchandises que nous savons fabriquer et qui sont à haute valeur ajoutée, alors coupons nous-mêmes la guillotine sous laquelle nous avons mis la tête ! C'est une aberration, et il ne s'agit pas de mépriser qui que ce soit, il s'agit juste de considérer que la Suisse, sans économie ouverte, redevient un pays fermé, un pays petit, un pays abandonné et un pays qui ne pourra jamais avoir ni les formations, ni les actions sociales de premier niveau qu'elle développe actuellement. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc voter l'amendement proposé par l'UDC, qui vise à remplacer l'ancienne invite par ce qui suit: «à faire état au Conseil fédéral de la demande qui lui est faite par le parlement genevois de dénoncer les accords bilatéraux, ces derniers étant inopérants.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 23 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de résolution 583 est rejetée par 68 non contre 17 oui et 1 abstention.