République et canton de Genève

Grand Conseil

R 581
Proposition de résolution de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Geneviève Guinand Maitre, Pablo Garcia, Mariane Grobet-Wellner, Loly Bolay, Roger Deneys, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Virginie Keller, Véronique Pürro, Françoise Schenk-Gottret en faveur du maintien des bureaux de poste du canton de Genève

Débat

Le président. Cette résolution se trouve au point 150 de notre ordre du jour. Nous sommes en catégorie II: trois minutes par groupe. Je donne la parole à M. Slatkine. (Exclamations.)

Une voix. Mme Emery...

Le président. Je suis désolé, mais c'est ce qui figurait sur mon tableau. Madame Emery-Torracinta, puisque M. Slatkine ne prend pas la parole, cette dernière est à vous.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Comme l'usage veut que ce soient les auteurs du texte qui parlent d'abord, je prendrai la parole. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez qu'il y a peu de temps, à la mi-avril, la Poste a annoncé qu'elle allait analyser la rentabilité de 420 sites en Suisse; 10 bureaux de poste genevois sont concernés, 3 en ville de Genève et 7 dans les communes. Vous savez également que ce n'est pas un problème qui date d'aujourd'hui; en fait, il remonte à 1996 et à la séparation de la Poste et de ce qu'on appelait alors «Telecom». Et depuis 1996, eh bien, c'est un peu un serpent de mer - vous vous souvenez sans doute du combat pour la poste de la rue du Beulet - il y a eu 1500 offices de poste qui ont été fermés. Et puis, notre Grand Conseil a eu souvent l'occasion d'en parler; peut-être que les plus anciens députés qui siègent ici se rappelleront qu'en janvier 2000 le parlement a même siégé de manière extraordinaire pour aborder les questions relatives à la Poste. Il y a eu une série de pétitions, il y a eu une résolution socialiste en 1999 et une motion dont les socialistes ont été les premiers signataires en 2000. Tout cela pour aboutir en 2006 à un rapport du Conseil d'Etat qui exprimait sa vive inquiétude devant les options stratégiques adoptées par la Poste. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, le mandat de la Poste est défini par une loi fédérale qui dit ceci: «La Poste exploite un réseau d'offices de poste couvrant l'ensemble du pays et assure que les prestations du service universel soient disponibles dans toutes les régions pour tous les groupes de la population à une distance raisonnable.» Il est également précisé que le service universel «doit être de bonne qualité et être offert dans tout le pays selon les mêmes principes et à des prix équitables.»

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, la Poste invoque des raisons d'ordre économique, et je peux vous en donner un exemple très concret. J'habite l'une des communes concernées par l'un des bureaux qui devraient disparaître; en fait, ce bureau - en l'occurrence, c'est celui d'Athenaz - a déjà à demi disparu depuis quelques années. Il va probablement se révéler très peu rentable puisqu'aujourd'hui il n'est plus ouvert que de 8h à 10h, puis de 15h à 17h; cela veut dire que dans les faits, pour des gens qui travaillent, il est quasiment impossible d'y aller. Donc, on arrivera probablement très facilement à prouver que ce bureau de poste n'est pas vraiment rentable.

Alors, si l'on veut un service universel, si l'on veut des prestations à la population, ce n'est peut-être pas en termes de rentabilité que l'on doit véritablement raisonner, mais en termes de besoins; et il y a peut-être, au niveau de la Poste, d'autres moyens d'assurer une certaine rentabilité. Vous savez d'ailleurs - mais je ne le développerai pas ce soir - que le parti socialiste propose, et il n'est pas le seul, la création d'une banque postale. Mesdames et Messieurs les députés, dans cette résolution, nous n'avons pas voulu aller trop loin dans les solutions, nous avons simplement voulu que le parlement donne un signe, un signe tangible de notre inquiétude, un signe comme celui qu'ont donné, déjà, les 100 000 citoyens et citoyennes de ce pays qui ont signé la pétition qui circule en Suisse, un signe afin que la Poste continue à assurer un service de qualité auprès de la population.

Le président. Madame, je vous remercie d'avoir respecté les trois minutes. Monsieur Hohl, vous avez la parole.

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous remercions le groupe socialiste d'avoir déposé ce projet de résolution. Pour nous, il y a une seule personne en Suisse qui est capable de tenir véritablement cette résolution dans ses mains, c'est le chef du département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication; c'est lui, la personne réellement capable de traiter ce problème. Nous vous demandons formellement, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette résolution au ministre socialiste Moritz Leuenberger.

M. Fabiano Forte (PDC). Nous allons soutenir cette résolution du groupe socialiste car le parti démocrate-chrétien attache une importance toute particulière au service public, au service postal. On a parlé du service universel, mais il y a ce qu'on appelle, dans le service postal, le service de base; et le réseau des offices de poste fait partie du service de base.

Je me réjouis de votre souci, puisque j'ai eu l'honneur - l'insigne honneur - de déposer une interpellation urgente écrite le 7 avril; votre résolution est venue le 28. Nous partageons votre souci puisque la Poste a, pour ce pays, à un moment donné, un rôle social à jouer dans un certain nombre de villages et de petites communes. Je constate que le président du conseil d'administration de la Poste - contrairement à son prédécesseur - a changé un peu de position en disant que la capillarité du réseau était une chose importante dans la perspective de l'implantation de la banque postale dont nous connaissons vaguement les conclusions du débat; grosso modo, la Poste ne recevra pas la licence bancaire.

Nous soutiendrons donc cette résolution, tout en indiquant que l'invite première - comme l'a dit mon collègue Frédéric Hohl - doit être adressée très clairement, non pas au département, mais à M. le conseiller fédéral Moritz Leuenberger - conseiller fédéral socialiste - qui laisse faire, à un moment donné, une politique libérale en la matière, «presque ultralibérale» me souffle ma collègue. Je crois qu'il serait bon de modifier l'invite de cette résolution: il faudrait que M. Moritz Leuenberger sorte du bois et exprime ce qu'il a à dire sur ce dossier. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). La Poste fait partie des services de prestations en faveur public, qui doivent rester des lieux de proximité. Il ne faut pas oublier que la Poste a largement contribué à la richesse de ce pays; les étrangers étaient éblouis par ce service public où les guichets n'étaient pas surchargés et où les gens pouvaient être servis sans trop devoir faire la queue, contrairement à ce que l'on voit ailleurs - en tout cas dans certains pays étrangers, notamment notre pays voisin où il faut parfois attendre une heure pour être servi à certains guichets. Aujourd'hui, la Poste est un lieu - comme je l'ai dit - de proximité et il faut penser à toutes les personnes âgées. En effet, les faire déplacer d'un village au centre-ville - comme on peut le constater aujourd'hui avec certaines banques qui ont supprimé leurs guichets - c'est, pour ces personnes âgées, un véritable drame que de devoir faire ces déplacements. Ce sont des difficultés, et on doit les éviter.

La Poste doit rester ce qu'elle est: un service de proximité. C'est pourquoi je vous encourage à soutenir cette résolution.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous avouer que j'ai quelque perplexité, voire quelque gêne, à intervenir dans un débat socialo-socialiste ! (Exclamations.) En effet, de même que les Français parlaient aux Français depuis Londres, ici on a les socialistes genevois qui parlent aux socialistes zurichois; et ils leur parlent en français, donc ils ne seront pas compris ! C'est le premier problème qui se pose. J'aurais donc souhaité qu'il y eût une traduction germanique de cette résolution, afin qu'elle fût comprise au-delà de la Sarine. Mais enfin, passons sur ce problème qui divise les conservateurs des modernistes ou, plus exactement, les conservateurs de structures des conservateurs de valeurs ! Et je me place résolument du côté des conservateurs de valeurs, à savoir du côté des sociaux-démocrates zurichois et de M. Leuenberger en particulier, parce que ce dernier a - et M. Gygi aussi, à l'époque où il était directeur général de la Poste - une conception du service public qui prend en considération l'évolution des technologies.

Que ne dirait-on pas si aujourd'hui une résolution était déposée, nous demandant le maintien ou, plus exactement, la réapparition des colombes - c'est vrai qu'il y en a sur un timbre fameux de par sa valeur - et des pigeons pour transporter le courrier, ou encore, peut-être, des diligences qui ont fait la fortune d'une famille princière allemande aux XVIIIe et XIXe siècles ? On dirait: «Vraiment, ces gens sont des passéistes.» Eh bien, véritablement, pourquoi les socialistes genevois - et je le regrette, je le regrette du fond du coeur ! - tiennent-ils à passer pour des passéistes aux yeux de leurs camarades zurichois ? J'avoue avoir de la peine à le comprendre. Et si ce n'était que cela, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés ! Si ce n'était que cela ! Parce qu'il se trouve qu'en plus Mme Emery-Torracinta, qui habite d'ailleurs dans un village desservi par le même office postal que le mien, office qui n'a jamais été ouvert aux heures où les citadins travaillent... Mais les offices postaux de campagne sont-ils faits pour les citadins ? C'est évidemment une question qui mérite incidemment d'être posée.

Donc, Mme Emery-Torracinta a rappelé que son parti, suisse, donc majoritairement alémanique, propose également une initiative pour une banque postale. Là, véritablement, il ne s'agit pas d'ajouter la faute à l'erreur, mais il s'agit de savoir la responsabilité réelle des propos que l'on tient, et de savoir jusqu'à quel point on est prêt à assumer les conséquences qu'il pourrait y avoir à l'octroi d'une licence postale à...

M. Jean-Michel Gros. Bancaire !

M. Pierre Weiss. ...d'une licence bancaire à une entreprise dont les collaborateurs - on peut le regretter - sont formés pour exercer un métier, mais non pas pour en exercer un autre ! On sait extrêmement bien distribuer les lettres, le courrier et autres choses - les capsules Nespresso - quand on travaille à la Poste...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. ...mais on sait moins bien octroyer des crédits hypothécaires. Faites attention, chers camarades socialistes, à ce qui se passerait si une banque postale venait à être la responsable d'un crack bancaire à venir dans notre pays ! Pour cette raison, et d'autres encore, je vous suggère de renoncer à voter en faveur de cette résolution qui, pour le moment, n'est qu'en français et qui, heureusement, le restera.

M. Olivier Wasmer (UDC). A l'instar de mon collègue Pierre Weiss, je suis tout aussi emprunté d'intervenir dans un débat socialo-socialiste. En effet - faut-il le rappeler ? - depuis des décennies, M. Rey d'abord, socialiste directeur de la Poste, M. Gygi ensuite, autre socialiste directeur de la Poste, sous l'égide de M. Leuenberger, ont transformé cette entreprise qui, à l'époque, desservait chaque citoyen dans les villages, avait plusieurs bureaux de poste dans les quartiers, permettait aux retraités d'avoir leur argent apporté à la maison et permettait à tout un chacun d'avoir des prestations de qualité.

Comme je le disais, je suis très emprunté de venir faire la leçon à des socialistes - ce sont plutôt eux qui la font d'habitude - pour leur dire comment doit fonctionner une entreprise. En effet, il semble qu'ils ont perdu de vue que la Poste est un service public, un service public universel, dont je rappelle que Berne est encore la capitale, la capitale universelle ! Mais il semble que cela ait échappé aux socialistes. Heureusement, les socialistes genevois ont constaté que malheureusement ces modifications, ces restructurations de la Poste qui visaient à tout prix le bénéfice plutôt que le service public, ont fait qu'aujourd'hui il n'y a plus de poste. A l'époque, vous alliez à 23h porter du courrier à Cornavin, eh bien maintenant c'est terminé, c'est fermé à 20h. A l'époque vous pouviez aller à la poste... (Remarque.) Oui, huit heures et quart, excusez-moi ! ...et vous aviez des tas de prestations dans les quartiers. Or, vous avez constaté que depuis vingt ans - depuis qu'on a eu successivement deux directeurs socialistes de la Poste - nous n'avons plus aucune prestation !

Alors, Mesdames et Messieurs les socialistes genevois, je vous remercie. J'ose espérer que M. Leuenberger, qui parle fort bien le français, d'ailleurs - je crois que M. Weiss n'a pas de souci à se faire de ce côté-là - comprendra votre message, que j'appuie pleinement, comme le fait mon parti. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). Moi, j'avais la vague idée que le Conseil fédéral est à majorité de droite - c'est une vague idée, quoi ! J'ai l'impression que, même si M. Leuenberger ne voulait pas mettre en pratique les préceptes qu'on lui dit d'appliquer... Eh bien, il y a une majorité de droite, hein ! Il y a des PDC, il y a des radicaux-libéraux... Enfin, il y a des UDC... (Commentaires. Exclamations.) ...et c'est l'UDC qui oblige... (Chahut.)

Je tiens à demander à M. Wasmer et à M. Weiss, qui est atteint d'amnésie - et vous êtes souvent atteints d'amnésie dans ce parlement - donc, je voulais leur demander: qui a démonté la Poste ?! En 2005, il y a eu un vote au Parlement fédéral - vote qui séparait la Poste des Telecom, qui a enlevé les 300 millions de subventions qu'elle recevait, qui l'obligeait à se restructurer pour avoir des bénéfices. Qui a fait cette loi ?! C'est vous, la droite, à Berne ! Et ici, à Genève, vous étiez bien contents à l'époque ! Seulement, quand vous avez vu la population genevoise s'élever contre cela, notamment à Saint-Jean... Hein ?! Toute la population genevoise, même les gens de droite ! Eh bien, vous avez compris que vous aviez été trop loin ! Et j'ai même vu M. Weiss, à l'époque, quand il s'est présenté au Grand Conseil...

Une voix. Il était encore jeune !

M. Alberto Velasco. ...signer une pétition pour le maintien de la poste de Russin ! Avec son collègue, qui était à l'époque président de l'Association des communes genevoises. Alors, Monsieur Weiss, vous avez soutenu la pétition pour qu'on ne ferme pas les postes, les petites postes ! Vous avez soutenu cela ! Et que se passe-t-il aujourd'hui ? Oui, Mesdames et messieurs de droite, vous avez démonté la Poste ! Aujourd'hui, notre conseiller fédéral, pour essayer de sauver ce qui peut encore l'être, pour avoir des revenus, demande l'octroi d'une licence bancaire. Et qui ne veut pas donner la licence bancaire ? C'est la droite, appuyée - ou sollicitée ! - par le lobby bancaire ! Parce qu'évidemment c'est une concurrence ! Car «La poste, dans le milieu bancaire...», non mais, vous imaginez ?! Les gens, les citoyens, les citoyennes, ils aiment leur poste; évidemment qu'ils vont y mettre leur pognon ! C'est sûr qu'ils vont y mettre leur pognon ! Et avec la publicité que les milieux bancaires privés se sont faite ces derniers temps, je crois que la Poste a là une avenue: elle a vraiment une avenue ! Evidemment, c'est ça qui vous titille !

Vous déviez la discussion en disant: «C'est un débat socialo-socialiste», vous revenez sur M. Leuenberger... Mais le débat, il n'est pas socialo-socialiste, Messieurs ! M. Leuenberger a appliqué les lois que vous, vous avez votées ! Et je le répète: l'exécutif applique les lois que le parlement vote ! Le parlement, à Berne, est à droite; le Conseil fédéral est à droite; par conséquent, c'est vous qui avez démembré la Poste, c'est vous qui êtes responsables de la situation actuelle ! Je n'en dirai pas plus, mais je pourrais continuer à débattre là-dessus.

Il ne vous reste, Mesdames et Messieurs, qu'à voter cette résolution, tête basse et tranquillement ! Parce que vous avez une sacrée responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui dans ce pays. Je laisse la parole à Mme... (Commentaires.) Alors...

Le président. Merci ! C'est fini, vous avez épuisé votre temps, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Il nous reste combien, Monsieur le président ?

Le président. Vous avez épuisé votre temps ! (Commentaires.)

M. Alberto Velasco. Je le regrette, car je pouvais débattre encore des heures sur la Poste, mais...

Le président. Je suis désolé, c'est un débat en catégorie II: trois minutes. C'est comme ça !

M. Alberto Velasco. Je souhaite qu'après ce débat, Monsieur Weiss, vous reveniez un peu sur vos propos. (Remarque de M. Pierre Weiss. Rires.)

Le président. Monsieur Catelain, vous avez la parole. Il vous reste vingt secondes.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je souhaite simplement dire que nous sommes face à un problème de globalisation de l'économie qui touche la Poste. C'est l'Europe qui a voulu cette globalisation, les courriers rapides sont notamment en mains de la poste hollandaise. La Poste a perdu ses monopoles, nous devons trouver des alternatives, et pas simplement demander à Berne de résoudre le problème. Pas très loin de chez nous, les communes ont trouvé des solutions: les postes communales. La commune conclut un contrat avec la Poste, en reprend les locaux et exploite avec son propre personnel; ça existe déjà, à moindres coûts, sous forme de contrats. Nous devons proposer des alternatives au problème genevois, et non pas être quémandeurs vis-à-vis de Berne ! Je propose le renvoi de cette résolution à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer: quinze secondes.

Une voix. Une minute quarante-cinq !

Le président. Une minute quarante-cinq, pardon !

M. Eric Stauffer (MCG). Merci ! Entre quinze secondes et une minute quarante-cinq, il y a une petite différence. Mesdames et Messieurs les députés, je me dois de réagir aux propos de M. Weiss qui dit qu'il faut refuser ce texte parlementaire. Non, il faut l'accepter ! C'est bien la preuve que la droite n'est pas toujours en phase avec l'économie, puisque si l'on regarde les récents événements, Monsieur le député, eh bien c'est quand même l'Etat qui est venu à la rescousse du monde économique que vous prônez. Sinon, c'était la faillite totale, et pas pour quelques dizaines de milliers de francs mais quelques dizaines de milliards ! Alors, vous voyez... (Remarque de M. Pierre Weiss.) A force de donner des leçons, Monsieur Weiss, c'est parfois l'arroseur qui est arrosé.

Il faut absolument maintenir ce réseau postal, car c'est une nécessité pour l'économie et pour le bien-être de nos concitoyens. On sait bien que ce que vous prônez, vous, c'est la rationalisation, la limitation du service public, le minimum d'impôts, le minium de prestations. Et vous créez ainsi deux classes, une de très riches, et une classe très pauvres que vous pouvez manipuler à votre aise. Mais cela ne fonctionne pas comme ça et, heureusement, vous n'avez pas les pleins pouvoirs, sinon la Suisse serait dans une bien piètre situation.

Il faut donc soutenir ce texte parlementaire, sans réserve. J'ai terminé, Monsieur le président.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais relever, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il devient absolument inacceptable que la Poste fasse ce qu'elle veut sans demander l'avis des communes et des cantons. A l'heure où la crise est importante, il n'est pas imaginable d'accepter une réduction du nombre d'emplois. Il n'est pas acceptable non plus de prendre exemple sur la France, en transformant des épiciers en buralistes; il n'y a qu'à voir les longues files d'attentes dans les postes où il faut patienter parfois plus de trente minutes pour atteindre un guichet... Preuve que la population a toujours besoin d'une poste.

Je prie donc le Conseil d'Etat de bien vouloir, dans les plus brefs délais, entrer en matière sur ce problème auprès des instances concernées, cela afin de protéger nos emplois à Genève, puisqu'ici, dans ce parlement, nous défendons les intérêts des Genevois. Je pense que vous devez tenir compte des crises, et si l'on parle de relancer l'économie - on a adopté tout à l'heure un projet de loi sur une fondation pour l'aide aux entreprises - on ne peut pas accepter la suppression d'innombrables postes de travail, tout cela pour favoriser les grands actionnaires et autres qui s'enrichissent toujours plus ! Car la Poste réalise des milliards de bénéfices, et cela au détriment des employés ! Ce n'est pas correct ! Vous ne pouvez pas non plus demander à des personnes âgées qui n'ont pas accès à Internet de faire leurs paiements par ce moyen; vous ne pouvez pas non plus demander à des facteurs, étant donné la société dans laquelle nous vivons, de se balader avec des milliers de francs dans leur besace pour venir payer les rentes AVS des personnes âgées. Vous devez en tenir compte...

Le président. Vous devez terminer !

Mme Sandra Borgeaud. ...et prendre acte de cette résolution, que je vous remercie de soutenir.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Forte afin qu'il nous présente son amendement. Il vous reste une minute, Monsieur le député.

M. Fabiano Forte (PDC). Ce n'est pas sur l'amendement, Monsieur le président, et j'aimerais quand même continuer à participer au débat. Après, nous traiterons l'amendement qui a été déposé par mon collègue Frédéric Hohl et moi-même. On parle de l'Etat à la rescousse des banques...

Le président. Je suis désolé, il vous reste une minute pour la totalité ! Présentez-nous votre amendement.

M. Fabiano Forte. Je serai très concis, Monsieur le président. Nous parlons de l'Etat à la rescousse des banques... Jusqu'à preuve du contraire, la Poste est une entreprise qui appartient encore à la Confédération. Donc, si cette entreprise devait se lancer dans des opérations bancaires à risques, dont elle n'a pas encore l'expertise, la Confédération devrait, en cas de problème, venir à la rescousse de la Poste. Et ça, c'est sur la question de la licence bancaire. Moi je veux bien donner une licence bancaire à la Poste, le jour où une banque privée - que je ne citerai pas, il y en a beaucoup à Genève - pourra vendre des timbres.

Concernant le renvoi en commission proposé par notre collègue Catelain, effectivement, il y a des solutions de rechange et l'on peut faire dans l'innovation - la Poste, par exemple à Jussy, a créé une espèce d'entreprise où l'ancien buraliste est devenu un véritable entrepreneur. Alors oui, vous avez raison, mais, à un moment donné, nous ne pouvons pas réfléchir pour la Poste. Il faut donner un signal très clair, comme quoi nous ne sommes pas d'accord de nous faire imposer un certain nombre de choses.

Pour en revenir à l'amendement, Monsieur le président, et pour conclure ma minute qui est certainement déjà dépassée, l'amendement qui est déposé par votre serviteur et mon collègue Frédéric Hohl vise à modifier la première invite, ce qui donnerait: «invite le conseiller fédéral Moritz Leuenberger à préserver les bureaux de poste genevois». La deuxième invite resterait inchangée. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la Poste vaut mieux qu'un certain nombre d'invectives qu'on a entendues de part et d'autre. En effet, depuis plusieurs années, votre parlement et notre gouvernement ont été alliés pour la défense d'un service qui est un service public et, aussi, un service universel. Nos luttes convergentes ont permis de sauvegarder des pans importants de l'activité postale à Genève, notamment la douane-poste, fondamentale pour nos industries exportatrices, et le centre de tri extrêmement performant de Montbrillant, que j'ai eu l'honneur de pouvoir inaugurer avec les autorités postales il y a trois mois.

Alors, si je suis un peu solennel ce soir sur une résolution de ce type-là, c'est parce que nous devons tous comprendre que la Poste joue un rôle symbolique fondamental dans la culture suisse.

M. Jean-Michel Gros. Comme le Cenovis...

M. Pierre-François Unger. «Comme le Cenovis» ! Mais ils sont les deux seuls à persister... (Brouhaha.) ...parce que malheureusement, Monsieur le député, il y avait Swissair, que l'on a privatisée sans en accepter immédiatement la faillite; il y avait l'UBS, que l'on a privatisée sans en accepter la faillite, ce qui nous coûte au demeurant la modeste somme de 60 milliards... Il convient tout de même de savoir ce que l'on peut privatiser ou pas, et dans quelles conditions. Je ne suis pas économiste - Dieu m'en préserve ! - mais j'observe dans mon rôle de ministre de l'économie, que l'on ne peut privatiser que ce dont on est capable d'assumer la faillite. Lorsqu'on ne peut pas assumer la faillite de quelque chose et que ce quelque chose sert à quelque chose, alors, cela reste public ! Pensez aux deux exemples de deux aéroports suisses; le premier, Unique Airport, on l'a privatisé. Et combien de leçons n'avons-nous pas reçues de nos collègues zurichois sur la grandeur de cet acte majestif ! Eh bien, le canton de Zurich rachète une deuxième fois l'aéroport qu'il avait déjà acheté une première fois avant de le privatiser... Il y a des modèles qui paraissent économiquement meilleurs ! Nous nous sommes contentés de rendre l'établissement autonome, d'une part, et de lui confier ses actifs, d'autre part. Mais dans ces actifs, les terrains restent les nôtres. Car il est hors de question d'imaginer que l'aéroport puisse faire faillite. Et ce dernier est donc fort naturellement une filiale très proche de l'Etat, quand bien même on ne lui donne pas de subventions.

Eh bien, voyez-vous, je pense que la Poste fait partie de ces services publics que notre Conseil d'Etat, en tout cas, n'entend pas laisser privatiser au point de devoir la racheter deux, trois ou cinq ans plus tard ! Et on le voit bien: les incitations ont été fortes sur la Poste pour qu'elle soit plus efficiente, mais on a exigé d'elle un service universel. Alors, là-dedans, il y a une balance, parce que, dans le service universel, il y a par exemple le courrier. Je n'ai pas entendu dans votre débat l'affirmation, pourtant avérée, que le volume de courrier avait baissé de 40% en dix ans, ce qui diminue d'autant les recettes de la Poste. Personne d'entre vous ne défendra que le timbre de 1 F passe à 1,60 F. Or on est quand même dans un pays où lorsque vous envoyez, le mardi à midi, à Zuoz, une lettre pour Laconnex, elle est à Laconnex le mercredi avant midi, pour 1 F. (Brouhaha.) Pour 1 F ! Lorsqu'on a ce type d'exigences, Mesdames et Messieurs, cela veut dire qu'on accepte que la Poste doive avoir des revenus annexes. Je ne suis pas complètement persuadé que ceux qui lui ont été autorisés - sous forme de distribution de lampions, de papier collant, de ceci, de cela - soient une vraie grandeur qu'on a offerte à la Poste... (Rires.)

La Poste se verrait dotée par une initiative socialiste, qui d'ailleurs vient en contradiction avec une initiative des syndicats - cela montre à quel point les uns et les autres sont désormais distants... (Rires. Chahut.) Non mais... (Brouhaha.) Excusez-moi, c'est un débat qui a eu lieu avant-hier sur «Forum» - je l'ai entendu, c'est comme ça que je le sais, c'est eux qui me l'ont appris. Eh bien, on a entendu dire qu'il fallait absolument une banque postale. Sans doute pour perpétuer une poste bancale ! (Applaudissements. Exclamations.) Cela n'est évidemment pas la solution, Mesdames et Messieurs ! Cela n'est pas la solution, parce que ça n'est pas le «core business» de la Poste, quand bien même elle a sous sa charge 65 milliards de francs qu'elle est obligée de faire gérer à l'étranger.

Mais que diable, où est l'inventivité potentielle de tel ou tel type de banque ? - dont on voit des agences dans à peu près tous les villages, qu'il s'agisse de Genève, qu'il s'agisse du Valais, pour prendre deux cantons que je connais bien - banque qui, peut-être, pourrait passer un contrat de prestations avec la Poste, pour avoir une banque qui rapporte, au service d'une Poste qui, forcément, perd un peu si on veut que le timbre ne change pas de prix. Pendant ce temps, la Poste, elle, pourrait se centrer sur son «core business» qui est d'apporter à tous le courrier et, peut-être, le courrier par voie électronique !

Cette Poste nous sponsorise, Mesdames et Messieurs ! Le projet E-toile, ça n'est pas par hasard ! C'est parce qu'elle comprend bien que son «core business» c'est de transporter des informations confidentielles d'un point à un autre, ce qu'elle sait faire, et ceci depuis toujours. Et pour ce câble qui devra apporter ces courriers, Mesdames et Messieurs, il faudra bien qu'elle se rapproche de Swisscom. Puis on arrivera dans cette situation où - je suis prêt à en prendre le pari - dans cinq ans, on nous réannoncera le mariage triomphal de Swisscom et de la Poste, puisque l'un et l'autre se trouveront à destins soudés à travers le câble qui est le seul avenir de l'institut postal.

Dans l'intervalle, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il convient d'envisager un certain nombre de solutions, comme le fait la Poste. J'ai, contrairement à vous, une assez grande confiance dans le nouveau président de la Poste, qui a...

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, je vous demanderais de conclure assez rapidement. Merci !

M. Pierre-François Unger. Je conclus, Monsieur le président ! ...qui a donné des assurances verbales très fortes sur le fait d'une étude très pointue. Sans doute allez-vous envoyer cette résolution aux autorités fédérales. Je ne doute pas qu'elles prendront en compte, non seulement son contenu, mais le débat que nous avons eu et qui nous permet de montrer que nous sommes très attachés à la Poste, tout en admettant qu'elle doit évoluer. Cette évolution se fera peut-être en deux ou trois étapes, mais, à n'en pas douter, avec des alliances qui auraient parues insolites il y a cinq ans et qui seront naturelles demain. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes d'abord saisis d'une demande de renvoi aux affaires communales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 581 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 70 non contre 5 oui et 1 abstention.

Le président. Nous sommes ensuite saisis d'un amendement - invite et première invite (nouvelle teneur): «invite M. le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger à préserver les bureaux de poste genevois».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 41 oui contre 22 non et 5 abstentions.

Le président. Nous allons donc voter l'ensemble de cette résolution avec cette modification. Celles et ceux qui acceptent cette invite...

M. Alberto Velasco. Je demande le vote nominal !

Le président. Le vote nominal est demandé. Il est accepté, largement soutenu !

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 581 ainsi amendée est adoptée et transmise à M. le conseiller fédéral Moritz Leuenberger par 52 oui contre 17 non et 6 abstentions.

Résolution 581 Appel nominal