République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10322-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Véronique Pürro, Laurence Fehlmann Rielle, Roger Deneys, Françoise Schenk-Gottret, Alain Etienne, Pablo Garcia, Christian Brunier modifiant la loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) (J 4 04)
Rapport de majorité de M. Eric Bertinat (UDC)
Rapport de minorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Premier débat

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. Je vais commencer mon intervention en prenant le rapport de minorité et en saluant la formule extrêmement ramassée qu'a utilisée Mme Laurence Fehlmann Rielle pour parler de la proposition socialiste. Je dis «formule ramassée», mais je devrais dire «mot», puisque c'est d'un constat que partent les socialistes pour nous proposer le projet de loi 10322. Ce constat est le suivant: depuis l'acceptation de la LASI, qui sauf erreur a été également acceptée par les socialistes... (Remarque.) Non ? Alors excusez-moi: sans que les socialistes aient été d'accord. L'introduction de la LASI a fait entrer en force les normes CSIAS, et plusieurs paramètres permettant de calculer les prestations sociales ont été revus. Certaines de ces prestations ont été modifiées très légèrement à la baisse, d'autres à la hausse. Ainsi, il faut reconnaître que l'introduction des normes CSIAS n'a pratiquement en rien lésé ceux qui y avaient droit.

Malgré cela, les socialistes nous expliquent que tel n'est pas le cas et proposent que le Grand Conseil décide des montants destinés à l'assistance au cours de la législature; accessoirement, ils demandent aussi que les prestations soient indexées au coût de la vie. Enfin, leur projet de loi demande que l'on prenne des mesures pour éviter les effets de seuil. Concernant ce problème, ce même parlement a déjà décidé d'améliorer la situation. Quant à l'indexation automatique, elle est fonction des normes CSIAS, et, une fois ces dernières acceptées, il est difficile de les modifier.

Reste enfin la proposition des socialistes quant à la possibilité pour ce parlement d'arrêter les montants octroyés. Après en avoir longuement discuté en commission des affaires sociales, la majorité s'est rendu compte que ce n'était pas réalisable - puisque l'on revient inexorablement vers les indexations CSIAS, qui sont fixes - et a décidé de rejeter la proposition des socialistes.

D'autres facettes du problème ont été relevées. Je pense par exemple à la problématique des jeunes adultes, avec ou sans formation, qui peinent à trouver du travail. Il y a deux catégories, vous en trouverez l'explication dans mon rapport de majorité. Enfin, quelques questions concernaient les statistiques, qui, selon les socialistes, manquent de pertinence. Je leur laisserai, s'il est besoin, le soin de développer ce sujet.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je saisis la balle au bond, puisque M. Bertinat a déjà introduit le sujet. Je précise cependant que ce projet de loi n'a pas été longuement débattu, mais la discussion s'est tenue sur deux séances. Pour un sujet aussi important, je pense que c'est plutôt lapidaire.

M. Bertinat nous dit que l'introduction des normes CSIAS n'a finalement pas été si grave, qu'elle n'a pas tellement prétérité les bénéficiaires de l'assistance. Or je rappelle que, depuis 2006, c'est-à-dire depuis trois ans, les bénéficiaires de l'assistance ont tout de même vu leurs prestations considérablement baisser. En 2006, précisément, il y a eu la suppression des forfaits vêtements et des abonnements TPG auxquels ils avaient droit, et l'introduction des normes CSIAS. En fait, tout cela représente une diminution moyenne de 9% par dossier - ce qui est déjà considérable - et avait permis à l'Etat d'économiser 18 millions en 2006. Si vous pensez que c'est une paille... Eh bien je laisse cela à votre appréciation !

Par ailleurs, c'était une époque où l'on ne parlait pas encore de crise, c'était une période prospère. A ce moment-là, on a jugé qu'il fallait mieux faire passer à la caisse les plus démunis, sans avoir le même souci vis-à-vis des plus fortunés en demandant au moins un effort parallèle pour rétablir les finances publiques, ce qui c'était la préoccupation du Conseil d'Etat. Ainsi assiste-t-on à une véritable régression sociale depuis trois, en tout cas du point de vue des bénéficiaires de l'assistance. Cela a eu des effets - je ne vais pas vous les décrire tous - on a notamment constaté que les familles monoparentales ont aussi subi la réforme de la LARPA, etc.

Maintenant, sur la question proprement dite du projet de loi qui nous occupe, le département de la solidarité et de l'emploi a effectivement insisté sur le fait que l'introduction des normes CSIAS était extrêmement importante, parce que cela évitait le tourisme social. Pourtant, j'imagine mal des hordes de bénéficiaires de l'assistance venir tout à coup emménager dans le canton de Genève parce que les barèmes genevois seraient plus élevés ! On sait parfaitement que ce qui retient les gens dans leur canton, c'est l'environnement, la famille... C'est tout ce qui fait que l'on veut vivre dans un canton plutôt que dans un autre. De plus, la crise du logement à Genève n'est pas faite pour attirer des gens dont le revenu est, de surcroît, extrêmement bas. Par conséquent, je pense que cet argument est totalement fallacieux.

En fait, il s'agissait pour le département de la solidarité et de l'emploi d'essayer de justifier ce nivellement par le bas que représente l'introduction de ces normes CSIAS. Le rapporteur de majorité dit dans son rapport - tout comme M. Longchamp, qui l'a répété à l'envi - que le nombre de dossiers de l'assistance avait fortement baissé ces deux dernières années. Cette idée a été répétée, répétée comme un mantra. Mais finalement, il n'y a jamais eu d'argument extrêmement pertinent pour expliquer cette baisse des dossiers de l'assistance. On aurait au moins pu avancer l'hypothèse que la conjoncture prospère, il y a quelques années, a permis à un certain nombre de personnes de se réinsérer.

Je reviens encore plus précisément au but de ce projet de loi. Je trouve effectivement regrettable que l'on ait fait l'impasse sur plusieurs propositions. Il est vrai que l'on avait discuté de la LASI; mais cela fait déjà dix-huit mois que cette loi a été adoptée par la majorité du Grand Conseil - sans les socialistes, je le précise. En revanche, le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui propose d'indexer régulièrement les montants d'assistance. Je pense que c'est pour le moins une nécessité, surtout si, par analogie, je rappelle que l'on a tout simplement «oublié» - je le dis entre guillemets - d'indexer les allocations familiales pendant dix ans. En conséquence de quoi, alors que l'on voulait soi-disant être très généreux, parce qu'on les a très légèrement augmentées, les allocations familiales ont de fait baissé. Donc je pense qu'il était important au moins d'examiner cette question.

Le seul sujet sur lequel la commission a accepté de se pencher avec une audition concerne les jeunes avec ou sans formation qui se trouvent à l'assistance et la différence de traitement entre jeunes adultes avec l'introduction du barème 2. Cette modification en a d'ailleurs troublé plus d'un, puisque cela a finalement justifié l'abstention du PDC. Mais on peut dire qu'au moins on a eu une certaine réflexion là-dessus.

Enfin, il y a deux aspects dont on n'a pas discuté. Sur les effets de seuil par rapport aux barèmes d'assistance, je reconnais qu'un projet de loi y a partiellement remédié - mais on y reviendra dans la suite de l'après-midi, nous avons une autre motion qui concerne les effets de seuil, parce qu'ils existent aussi dans d'autres domaines et il aurait été intéressant de s'y plonger. Et l'aspect novateur de ce projet était que, une fois par législature, le conseil d'Etat puisse proposer au Grand Conseil une loi spécifique mettant en avant les éléments compris dans le calcul des besoins de base. Cela permettrait aussi au Grand Conseil d'avoir un droit de regard sur les barèmes d'assistance. Pour ne pas alourdir le système, l'idée était que ce mécanisme ne s'enclenche qu'au début de la législature. Voilà un aspect novateur, et je regrette profondément que la commission n'ait finalement pas jugé nécessaire d'en discuter.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de renvoyer ce projet en commission.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Gautier... Excusez-moi, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. A ce sujet peuvent s'exprimer les rapporteurs et le représentant du Conseil d'Etat.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. La majorité va s'opposer au renvoi en commission. En effet, même si nous n'avons consacré que deux séances à nos travaux, comme l'a dit Mme Fehlmann Rielle, les questions soulevées ont été traitées et les réponses apportées. Aussi, je vois difficilement comment revenir sur des décisions prises en toute connaissance de cause et telles que livrées dans mon rapport.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure minorité, voulez-vous prendre la parole ?

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Non, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles je demande le renvoi en commission.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vois pas très bien l'utilité de renvoyer ce projet de loi en commission. La question posée est de savoir si nous voulons poursuivre avec les résultats positifs que nous avons déjà enregistrés, avec la politique qui consiste à appliquer à Genève comme dans le reste de la Suisse des normes CSIAS ou si nous voulons continuer - ou reconstituer, plus exactement - une «genevoiserie» dans cette affaire.

Je crois que la question est ici assez simple. Vous avez effectivement passé deux séances de commission à traiter de ce projet de loi. Mais c'est omettre que vous avez passé plusieurs dizaines de séances à vous occuper de la loi sur l'aide sociale individuelle. Votre parti, Madame la rapporteure de minorité, a même souhaité lancer contre cette loi un référendum, qui n'a pas abouti. Par ce biais-ci, vous revenez sur une discussion qui nous avait largement occupés. Je ne vois donc pas la nécessité, sauf à vouloir en permanence refaire des débats sur des sujets que l'on a traités quelques semaines ou quelques mois auparavant. Vous me direz que le débat d'hier soir sur les allocations familiales nous a donné un avant-goût...

Je vous invite à vous positionner sur cette question et à ne pas retourner en commission une xième fois. Ce d'autant que la commission des affaires sociales, comme vous le savez, doit traiter durant ces prochains mois plusieurs objets qui, eux, sont plus urgents.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur le renvoi de ce projet de loi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10322 à la commission des affaires sociales est rejeté par 47 non contre 27 oui.

Mme Fabienne Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi 10322, ainsi qu'il l'a déjà fait en commission des affaires sociales. Comme précisé par le rapporteur de majorité, voici moins de deux ans que notre Grand Conseil a voté la loi sur les aides individuelles. La LASI, une fois adoptée, n'a suscité aucun référendum et est, de ce fait, entrée en vigueur en été 2008; depuis lors, aucune plainte n'a été formulée. Or l'essentiel de ce projet de loi 10322 vise à modifier l'aide pour les jeunes de 18 à 25 ans.

Pourtant, j'aimerais souligner que la loi J 4 04 a pour avantage de supprimer les effets de seuil; elle a également pour grande qualité d'avoir mis en place des dispositifs de réinsertion plus dynamiques - notamment des stages en entreprise pour les jeunes, par le biais d'une structure créée spécialement à cet effet - et elle s'aligne aussi sur les normes intercantonales; d'autre part, les jeunes vont bénéficier de la nouvelle loi sur les allocations familiales qui est entrée en vigueur depuis le début de cette année. Il me semblait important de souligner cela.

J'aimerais reprendre l'un des arguments de M. le conseiller d'Etat François Longchamp. Lorsque nous avons traité de la LASI, il a observé qu'une politique sociale ne se mesure pas au nombre de personnes qui touchent une prestation sociale, mais, bien au contraire, au nombre de celles qui n'en ont plus besoin. Et je crois que c'est là que nous devons plutôt agir: ne pas enfermer les gens dans un système les conduisant à recevoir des prestations sociales, mais bien les aider à se reformer et à retrouver un emploi. Or, être réintégré dans le circuit de l'emploi n'est pas ce que prévoit ce projet de loi.

La LASI votée en 2007 est incontestablement une aide sociale dynamique - elle l'a prouvé - et modérée qui a déjà pu faire ses preuves. Une aide ne doit pas relever de la pitié, mais bien permettre à chacun de trouver ou de retrouver sa place dans notre société et sur le marché du travail. C'est donc pour toutes ces raisons que nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau a décidé de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mmes et MM. Borgeaud, Garcia, Saudan, Weiss, Bavarel, Catelain, Renaud Gautier, Slatkine, Meylan, Pürro, Stauffer, Cavaleri, de même que les rapporteurs, s'ils le désirent, et M. Longchamp. La parole est à Mme Borgeaud.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je m'opposerai fermement à l'entrée en matière de ce projet de loi. Pour avoir siégé en 2006 à la commission des affaires sociales, où nous avons passé d'innombrables séances sur le sujet qui nous occupe, je suis contre l'indexation, car, vous le savez très bien, l'Hospice général prend entièrement en charge les loyers et les assurances-maladie, avec, en plus, des subsides. Or, je pars du principe que la dignité humaine, c'est le travail, et en tout cas pas l'assistance publique sous quelque forme que ce soit. Aussi, les jeunes n'ont-ils absolument rien à faire à l'Hospice général: ils doivent travailler ou étudier. (Brouhaha.) J'aimerais que vous cessiez de faire systématiquement de nos jeunes des assistés permanents, alors que la plupart des parents s'évertuent à travailler pour offrir... (Brouhaha.) Veuillez m'excuser, Monsieur le président, mais on ne s'entend même plus penser !

Le président. Vous ne vous entendez plus penser ! Eh bien, je demande le silence, Mesdames et Messieurs !

Mme Sandra Borgeaud. Merci ! J'aimerais que vous preniez en considération que la plupart des parents, qui font tout afin de pouvoir offrir à leurs enfants des études dignes de ce nom, leur souhaitent autre chose que le chômage ou l'Hospice général. Vous avez, pour la grande majorité d'entre vous, un travail; vous y trouvez une joie de vivre, des relations, l'intégration et, surtout, des moyens financiers qui vous permettent de subsister. Alors je suis désolée, mais il arrive un moment où il faut arrêter... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Visiblement, ce débat n'intéresse pas grand-monde, et surtout pas les personnes concernées ! (Remarque.) J'aimerais continuer, moi aussi...

Pour connaître des gens qui sont passés par là et qui ont dû être assistés, je peux vous garantir que, question moral, cela coûte cher aux services de la santé ! Les dépressions qui découlent du chômage, les hospitalisations, les médicaments, les rendez-vous chez les psychiatres et autres, eh bien, cela coûte finalement beaucoup plus cher que si la personne peut travailler, faire fonctionner l'économie, aller faire ses courses dans les petits commerces et soulager les PME et les PMI. Or aujourd'hui, les gens n'ont plus les moyens, et vous n'en tenez pas compte ! Vous ouvrez les robinets systématiquement: vous dépensez l'argent qui ne vous appartient pas, que vous n'avez pas, et vous voulez méthodiquement tout taxer et tout augmenter ! Mais arrêtez ! Donnez du travail aux gens, faites en sorte que les jeunes soient motivés pour aller travailler ! Car le fait que la plupart d'entre eux puissent dire: «Je gagne mieux à l'Hospice général», ce n'est pas normal, c'est même inadmissible !

C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi, purement et simplement.

M. Pablo Garcia (S). Mesdames et Messieurs les députés, la situation inquiétante de la crise financière qui nous touche aujourd'hui bouleverse déjà la vie de nos concitoyens, notamment parmi les plus jeunes, les plus fragiles et les plus exposés d'entre eux. (Brouhaha.) Cette situation, Mesdames et Messieurs, doit nous alarmer sur les conditions dans lesquelles l'Hospice général et la LASI vont répondre aux attentes et aux défis de cette difficile période. Combien de Genevois, combien de jeunes vont-ils se retrouver sans emploi ? Déjà cette année, l'USS prévoit plus de 10 000 jeunes au chômage dès 2010. Combien de familles vont-elles tomber dans la précarité à cause d'une crise qu'elles n'ont pas voulue ni provoquée ? Mesdames et Messieurs, il va nous falloir faire le deuil d'un chômage maîtrisé, d'un budget équilibré et de services sociaux à minima. La mission de l'Hospice général, dont le mandat est de concrétiser la loi sur l'aide individuelle, est donc appelée à s'intensifier par l'augmentation du travail de soutien, d'assistance et d'aide financière.

En tant que citoyen, j'attends que l'Hospice général mène à bien son travail. En tant que député, je me dois de lui donner tous les moyens, tous les outils nécessaires à l'accomplissement de sa mission première.

Mesdames et Messieurs, 945 jeunes entre 18 et 25 ans sont suivis par l'Hospice général parmi 7867 dossiers, soit près de 15% des cas. Il s'agit souvent de jeunes sans formation, et 16 sur 945 ont retrouvé un emploi grâce au programme de formation continue. Face à cette réalité, Mesdames et Messieurs, face à cette baisse des prestations induite par l'application des normes CSIAS, l'Hospice général s'engage - évidemment - à intensifier ses projets Infor jeunes et Job coaching. Mais nous voyons bien les limites de l'exercice, tant il est vrai que, si l'on ne trouve pas une solution rapide pour les jeunes, ils restent durablement à l'aide sociale.

Quelles conséquences, Mesdames et Messieurs, a cette situation intolérable pour des jeunes à Genève ? Le barème d'aide financière exceptionnelle, qui représente la moitié des appuis fournis à ces jeunes, s'élève individuellement à 325 F, auxquels s'ajoutent 90 F pour l'argent de poche et 36 F pour les frais vestimentaires. Moins de 500 F par mois pour un jeune sans emploi, sans formation, sans soutien familial ! Quelles sont les conséquences, enfin, Mesdames et Messieurs, pour nos institutions ? L'Hospice général avoue être confronté à des difficultés face à cette population. Il a fallu dresser des listes d'exceptions pour faire passer des jeunes malades ayant un enfant à charge ou dépassant l'âge limite de 25 ans, mais ayant entrepris un apprentissage, dans les barèmes de base plus généraux. Enfin, nos communes ont dû prendre le relais de l'action de l'Hospice général lorsque son aide ne suffit plus et les associations ont dû pallier les prestations qui viennent à manquer.

Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs, ces jeunes constituent la frange la plus fragile et ils sont parmi les plus démunis de notre canton. Si nos institutions et leurs élus ne sont pas capables de les aider et de les soutenir, qui donc le fera ? Les socialistes vous proposent, avec ce projet de loi, de mettre fin à une inégalité de traitement entre deux barèmes. Nous vous proposons que ce parlement fixe des niveaux de prestations suffisantes pour en finir avec ces situations de souffrance et de désespoir chez les jeunes. Mesdames et Messieurs les députés, ne les abandonnons pas ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Le groupe radical, pour des raisons déjà mentionnées par certains de mes préopinants, ne va évidemment pas entrer en matière sur ce projet de loi. La problématique des effets de seuil est en effet caduque, tout comme l'alinéa 3 de l'article 21 de ce projet de loi, puisque la politique du département et les mesures qui ont été votées par ce parlement corrigent en grande partie ces effets de seuil. Or l'adoption de ce projet de loi conduirait à l'abandon de ces normes CSIAS, lesquelles nous paraissent un instrument indispensable de politique sociale au niveau national.

Nous sommes sensibles à la problématique des jeunes sans formation - et j'ai été très sensible au discours de mon préopinant - mais nous pensons sincèrement que la politique actuellement mise en place par le département, avec l'aide de l'Hospice général, est la plus incitative en vue de la réinsertion professionnelle de ces jeunes sans formation et nous ne voyons pas de raisons objectives d'en changer. C'est la raison pour laquelle nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier de la façon dont la séance de cet après-midi est organisée. Grâce aux décisions que vous avez prises, nous allons pouvoir traiter un point d'importance, certainement le seul objet qui sera traité entre 16h et 17h. Je crois que c'est effectivement quelque chose qui nous permet d'aller de l'avant dans la démonstration de l'efficacité de notre parlement et je vous recommande de multiplier ce système pour les séances qui vont suivre. Le groupe libéral en tout cas vous en est particulièrement reconnaissant. C'est par cela que je tenais à commencer mon intervention.

Le chef du département a tout à l'heure dit, lors de la première demande de renvoi en commission... (Remarque.) Attendez la fin de mon intervention ! Il a dit qu'il ne s'agissait pas de créer une «genevoiserie» supplémentaire. Et là, il y a effectivement un débat de fond qui peut opposer - peut-être à contre-emploi, je le reconnais - libéraux et socialistes. Voilà tout à coup le groupe socialiste qui nous demande de faire preuve d'assaut de fédéralisme ! Et peut-être le groupe libéral va-t-il se prononcer en la matière pour réclamer une interprétation non seulement à la lettre, mais aussi fédérale et non pas fédéraliste, voire nationale, voire, je ne dirai pas «centraliste», mais en tout cas respectueuse de ce qui se passe dans le reste du pays.

Certains voudraient ainsi, au nom de je ne sais quelle raison, que notre canton se singularise par le montant de ce qu'il peut attribuer, alors que ce dernier a été vu comme ne résolvant pas les problèmes en matière d'aide sociale. D'autres pensent que la meilleure façon d'éviter le hasard moral, ce concept philosophique sur lequel d'aucuns ont glosé récemment à propos des déboires bancaires, ce hasard moral qui consiste à donner des primes à ceux qui gèrent mal, à multiplier donc le hasard moral dans le cas genevois, et donc à faire une loi particulière qui devrait, par hypothèse, aider ceux pour qui elle serait faite... Notre ami, M. Garcia, a, dans de vibrants accents, parlé notamment en faveur des jeunes. Mais on peut croire que, paradoxalement, le projet aille à fin contraire.

S'agissant de ce projet, j'aimerais d'ailleurs relever trois points qui devraient suffire, je crois, à emporter la conviction de ceux qui n'en ont pas encore une à son sujet - ils sont peu nombreux, sans doute, mais on ne sait jamais.

Le premier point concerne la couverture des besoins de base, sur laquelle diverses définitions sont possibles. Définition absolue, définition relative... Je ne veux pas entrer dans le détail des définitions, mais ce point mériterait - probablement - que l'on s'y penche ailleurs.

Deuxièmement, la question du montant de la fortune, qui ne devrait pas dépasser la somme adoptée par le Conseil d'Etat pour l'aide qui serait apportée. A ce sujet, je m'étonne que certains - notamment à gauche, mais pas seulement - s'opposent à une augmentation des seuils de fortune dans la révision de certaines lois. Je pense en particulier à la loi sur l'imposition des personnes physiques. Parce que, si l'on révisait à la hausse le montant des déductions sur la fortune, l'on augmenterait d'autant le nombre des bénéficiaires potentiels de cette loi. Et là, chers collègues socialistes, je ne comprends vraiment pas la cohérence de votre démarche ! Vous devriez, au contraire, ne pas prévoir de montant sur la fortune - l'exclure, quelle qu'elle soit - afin de pouvoir multiplier le nombre de bénéficiaires.

En troisième lieu, je ne peux pas ne pas mentionner deux projets de lois figurant à notre ordre du jour, qui montrent qu'il y a parfois, sans que l'on veuille, comme un malin génie qui s'acharne à multiplier les incohérences du côté de ceux qui veulent le bien. J'ai dit tout à l'heure ce que le hasard moral permettait d'en penser. Il s'agit des points 152 et 153 de notre ordre du jour. Ces deux projets de lois, dont je me bornerai à dire qu'ils sont issus du groupe socialiste et que tous les deux ont pour auteure principale Mme Pürro, prévoient précisément, par la modification des prestations cantonales complémentaires et des prestations communales complémentaires, une réintroduction d'effets de seuil. Ainsi, alors que l'alinéa 3 de l'article 21 du projet de loi 10322 a ici pour objectif de supprimer les effets de seuils, les projets de lois 10438 et 10439, eux, vont exactement en sens contraire ! J'ose espérer que l'on nous annoncera le retrait de ces deux projets de lois de la part du groupe socialiste, sauf à vouloir ajouter des incohérences aux incohérences, sauf à vouloir se comporter en fédéraliste quand le parti socialiste, en général, a une conception non pas fédéraliste mais unificatrice en matière de prestations sociales, et sauf à vouloir multiplier les incohérences quand, sur la fortune, il y a là véritablement une limitation de l'aire dans laquelle ce projet de loi pourrait, s'il était adopté, déployer ses effets.

Avant de conclure, Monsieur le président - et je ne sais pas combien de temps il me reste...

Des voix. Une demi-heure ! (Rires.)

Une voix. Deux minutes.

M. Pierre Weiss. Je vais essayer de les utiliser à bon escient. Avant de conclure, Monsieur le président, je voudrais tout d'abord indiquer qu'il y a un autre problème qui doit se poser pour l'ensemble de ce Grand Conseil, et pas seulement pour la droite de celui-là. L'alinéa 2 de l'article 21 stipule qu'au début de chaque législature «pour toute - toute ! - la durée de celle-ci et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi suivante - et l'on sait combien l'entrée en vigueur d'une loi suivante peut parfois être retardée - le Conseil d'Etat présente une loi spécifique, fixant les différents éléments entrant dans la détermination des besoins de base, ainsi que leurs montants.» Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, dans cette loi, il n'est prévu aucune possibilité d'adaptation en fonction de la conjoncture. Je vous rappelle pourtant que, dans les projets de lois LIAF, on a en particulier imaginé, lors de l'adoption du projet de loi, que selon l'évolution des recettes de l'Etat, si une crise grave venait à se présenter, l'on pourrait - voire, l'on devrait - modifier les montants des aides et indemnités diverses versées aux bénéficiaires. Là, tout à coup, incohérence supplémentaire, ce point d'adaptabilité de la loi est oublié !

Je rappelle que dans votre groupe, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, des députées - «ées»! - avaient eu en commission des finances une vue tout à fait responsable sur la question de l'adaptation à l'évolution de la conjoncture; elles avaient bien dit qu'il fallait savoir raison garder et que, le cas échéant, il faudrait pouvoir adapter le montant des aides. Là, il n'en est nullement question.

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Je conclus. Pour toutes ces raisons, qui, de mon point de vue et de celui de groupe libéral, ne permettent pas d'entrer en matière, en tout cas comme cela, sur ce projet de loi, je me demande si la meilleure des solutions, au fond, compte tenu des incidences, n'est pas de renvoyer ce projet à la commission des finances. C'est la raison pour laquelle je demande formellement un renvoi à ladite commission. Je vous propose, Monsieur le président, de mettre aux voix cette proposition de renvoi après discussion des rapporteurs et du chef du département, s'ils le souhaitent.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission des finances. Peuvent s'exprimer les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat, trois minutes chacun... (Remarque.) C'est le règlement du Grand Conseil, chère Madame ! La parole est à M. le conseiller d'Etat.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Je suis attentif à cette proposition, Monsieur le président. J'aimerais cependant relever plusieurs éléments que j'aurais aimé vous donner lors de mon intervention finale.

La situation sur le plan financier doit être résumée de deux façons. D'une part, contrairement à ce que vous avez indiqué, Madame Fehlmann Rielle, les normes CSIAS n'ont pas eu pour effet de réduire le nombre de bénéficiaires. Au contraire, vous savez que, pour des raisons techniques, il y a même eu une augmentation du nombre de bénéficiaires. D'autre part, il n'y a pas eu non plus d'effets significatifs sur la baisse des prestations. D'ailleurs, le rapport de M. Bertinat donne les chiffres exacts en la matière.

Mme Gautier a résumé le deuxième élément lors de son intervention. C'est la question de savoir si la réussite d'une politique sociale tient dans l'idée d'offrir un maximum de prestations, y compris sur le plan financier, ou au contraire d'essayer de réinsérer un maximum de gens pour leur permettre, comme l'a demandé Mme Borgeaud, de retrouver du travail.

Sur le plan financier, l'Hospice général présentera ses chiffres la semaine prochaine. Je ne veux pas déflorer le sujet, mais sachez seulement qu'ils se traduiront par le fait que les résultats financiers, Monsieur le président de la commission des finances, seront extrêmement positifs. Surtout - car c'est notre souci principal - le nombre de personnes au bénéfice de l'aide sociale a aujourd'hui considérablement diminué, et ce parallèlement au fait que le nombre de personnes qui se trouvent au chômage a lui aussi diminué. C'est bien la preuve qu'une politique qui se veut à un moment plus active peut avoir les effets que nous devrions tous, à gauche comme à droite, suggérer. C'est une politique qui, au final - et c'est la raison pour laquelle je m'opposerai à ce renvoi - coûte moins cher tout en étant plus juste et plus performante en matière d'insertion. Je vous invite donc à clore ce débat aujourd'hui et à refuser le deuxième renvoi en commission qui a été suggéré.

Le président. Nous allons donc procéder au vote sur le renvoi à la commission des finances.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10322 à la commission des finances est rejeté par 50 non contre 12 oui et 1 abstention.

Le président. Avant de poursuivre, je rappellerai à M. Gautier que les horaires des séances de notre Grand Conseil sont démocratiquement choisis par le Bureau de ce dernier, dans lequel tous les partis sont représentés. La parole est à M. Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté très attentivement notre collègue Pierre Weiss, mais je dois dire que je n'ai pas compris son propos. Je vais donc essayer d'être plus simple... (Commentaires.) ...de sorte que je me comprenne déjà moi-même. Et peut-être que, par-là, vous arriverez aussi à suivre ce que je veux dire.

La position des Verts est claire. Nous avons accepté l'entrée en matière de ce projet de loi, et nous continuerons à vous le proposer pour une raison très simple: nous nous trouvons face à des personnes majeures mais ayant moins de 25 ans, dont certaines sont aussi des parents; or nous ne voyons pas pourquoi nous devrions punir des petits enfants - parce que leurs parents sont trop jeunes et qu'on soumet ces derniers à davantage de pression - par rapport à d'autres enfants dont les parents sont âgés de plus de 25 ans et dont le groupe familial, par conséquent, a droit à une assistance sociale complète. En effet, lorsque vous avez le malheur d'être non seulement dans une situation difficile - qui peut découler de problèmes d'addiction et autres - mais que, en plus, vous êtes jeune, mal organisé, que vous connaissez certaines difficultés, que vous avez des enfants en bas âge, eh bien, à ce moment-là, vous être triplement punis !

Aussi pensons-nous que ce sujet méritait d'être étudié. Nous ne nous faisons aucune illusion sur le résultat du vote d'aujourd'hui, mais nous voterons par cohérence. La suppression des effets de seuil ayant eu des répercussions perverses pour certains bénéficiaires de l'aide sociale, nous souhaitons la suppression de ces effets, de même qu'une politique plus dynamique en matière d'aide sociale. Nous refusons les conséquences perverses engendrées, c'est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter l'entrée en matière.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je crois que les socialistes ont raison sur un point, et tout le monde est d'accord avec eux: la situation économique est difficile. Elle est même grave. Vous avez vu que la crise financière fait ses premières victimes: l'UBS... Aujourd'hui, son directeur a annoncé avoir pris la première décision de restructuration, passant de huit à quatre directions, avec les conséquences que cela aura. Et puis, il y a eu cette déclaration assez fracassante, selon laquelle il y aura «du sang, de la sueur et des larmes»... (Remarque.) C'est la déclaration du directeur de l'UBS ! Voilà qui laisse augurer de lendemains relativement difficiles. Mais il y a une bonne nouvelle: Genève reste l'une des quatre directions.

Par contre, le groupe UDC ne peut pas accepter les propos tenus par la minorité et s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi pour les motifs suivants. Premièrement, le dispositif genevois de l'aide sociale respecte la dignité humaine - nous respectons le principe constitutionnel de la Confédération. Cependant, le dispositif d'aide sociale ne doit pas être la pierre angulaire d'une société idéale et sa valeur ne doit pas se mesurer à la hauteur des montants distribués. Car, finalement, ce projet de loi n'agit que sur les montants ! Il n'agit que sur la somme que l'on distribue aux uns et aux autres, et non pas sur tout le dispositif non monétaire de l'aide sociale. C'est en ce point qu'il est pervers !

Deuxièmement, la loi actuelle pour les bénéficiaires est la garantie que l'on respecte les normes adoptées par la Conférence Suisse des Institutions d'Action Sociale - CSIAS. La proposition des auteurs, au contraire, instaure une incertitude majeure pour les bénéficiaires, puisqu'elle remet en cause une certaine stabilité. En effet, je ne vois pas quel est l'intérêt d'un Conseil d'Etat de jouer tous les quatre ans sur différents montants, alors qu'un parlement, au contraire, en fonction de sa composition politique, aurait tout intérêt à dire: «Alors écoutez, c'est sûr, on a de 500 millions à un milliard de recettes fiscales en moins l'année prochaine, il faut donc couper dans l'aide sociale»... Je ne vois pas quel est l'intérêt des auteurs de prendre le risque qu'un parlement, selon sa composition, vote une loi et coupe de manière importante dans l'aide sociale.

Troisièmement, la rapporteure de minorité n'apporte pas d'éléments nouveaux à ce qui a été dit en commission ! Il n'y a, aujourd'hui, aucun élément nouveau qui pourrait nous inciter à changer d'avis.

Le groupe UDC soutient la politique menée par le conseiller d'Etat Longchamp dans ce domaine. Nous devons reconnaître que les décisions prises se sont traduites par des effets positifs pour tout le monde, d'une part pour les bénéficiaires eux-mêmes, puisque la loi a permis de mieux réinsérer et qu'il y a effectivement un retour à l'emploi - et ça, c'est une vraie intégration sociale; d'autre part, les finances publiques n'en souffrent pas.

A toutes fins utiles, je me permets de rappeler aux «euroturbos» que sont les socialistes que le revenu disponible d'un bénéficiaire célibataire de l'aide sociale est l'équivalent du revenu disponible d'un salarié moyen de nos voisins européens... Je ne parle même pas de la Roumanie: je parle de nos voisins.

Concernant les jeunes... (Remarque.) ...nous ne les abandonnons pas ! Je trouve assez malhonnête de dire que vous seuls ne les abandonnez pas. Qui, ici, abandonnerait les jeunes ? Personne ! Il y a un dispositif d'aide sociale pour les jeunes et un dispositif d'insertion. Nous avons le système éducatif qui bénéficie certainement du budget le plus important du monde par jeune ! La question fondamentale qu'il faut se poser vis-à-vis des jeunes - et je ne ferai pas le débat sur la manière dont on fixe les notes au cycle d'orientation - est celle-ci: comment se fait-il qu'un système éducatif tel que le nôtre, qui bénéficie d'infrastructures modernes, en suffisance et avec le taux d'encadrement certainement le plus élevé d'Europe occidentale, puisse arriver à désocialiser autant de jeunes et à en écarter autant du marché du travail ? Ce n'est pas l'aide sociale et son montant qui vont réinsérer ces jeunes: c'est le dispositif de l'instruction publique qui le peut.

Pour tous ces motifs, le groupe UDC refusera l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Vous êtes bien sûr que c'est à moi que vous donnez la parole, et pas à mon homonyme ?

Monsieur le président, je voudrais d'abord citer une phrase célèbre en disant que je crains les Grecs et leurs cadeaux, phrase citée évidemment par un empereur romain très récemment encore sur les planches...

Le président. «Timeo Danaos et dona ferentes» !

M. Renaud Gautier. Je n'aime pas parler latin, parce que mon excellent collègue Velasco est ensuite très fâché avec moi du fait que je n'ai pas apporté la traduction.

M. Pierre Weiss. Une traduction en galicien !

M. Renaud Gautier. Notre excellent conseiller d'Etat, cet homme si charmant, comme il l'a été dit sur les planches aussi, a fort justement relevé un point qui m'a l'air d'importance: c'est ce fâcheux principe que nous avons de faire des «Genfereien». Je rappelle que les normes CSIAS ont été appliquées à Genève - très tard par rapport à d'autres cantons - dans un souci d'employer les mêmes normes, lesquelles sont tempérées en fonction d'indicateurs comme en Ville de Genève - et cela à l'époque, avec l'assentiment de ce Grand Conseil. Vouloir maintenant sortir des normes CSIAS sous prétexte qu'elles ne sont pas suffisantes, pour amener une couche d'aide financière genevoise m'apparaît en fait terriblement erroné. Je pense que si les socialistes ne sont pas d'accord avec les normes CSIAS, c'est au niveau de la CSIAS, et non pas du canton de Genève, qu'ils devraient mener une action.

Le deuxième point qui me frappe dans ce débat - tout à l'heure, mon excellent vis-à-vis a particulièrement attiré mon attention à ce propos - c'est de faire rimer «bien-être», ou «moins de mal-être» chez les jeunes, avec «argent»... Or, Mesdames et Messieurs, tout le monde ici parle avec grande connaissance de la crise, mais, je suis désolé, si un problème se pose quant aux jeunes et quant au premier emploi, bien sûr que ce n'est pas simplement avec quelques billets de plus qu'on va le résoudre ! Cela signifie donc que si, du fait de la crise, un effort particulier doit être fourni aujourd'hui, il se situe alors au niveau des structures à mettre en place pour le premier emploi, davantage que dans un apport purement financier.

Ces deux raisons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est-à-dire l'éloignement que ce projet occasionnera par rapport aux normes appliquées dans la plus grande partie de la Suisse à l'exception d'un canton, ajouté au fait que c'est, à mon sens, une mauvaise réponse à une bonne question, vont inciter après moult renvois le groupe libéral à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, juste avant de renoncer au fond de la discussion sur ce projet, j'avais pris la peine de demander un instant de parole, cela pour attendre 17h. De manière que ceux qui travaillent et peuvent difficilement se libérer puissent nous rejoindre pour voter ce projet de loi à une heure tout à fait normale pour les travaux de ce parlement. Je renonce donc à mon tour de parole, puisqu'il est bientôt 17h, ce qui permettra à ces personnes d'arriver à temps. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que quand votre estimé président, M. Halpérin, était à ma place, des séances ont débuté à 14h, 14h30 et 15h; nous avons commencé des séances à 14h, pour en refaire une à 16h; et même, un jour, nous avons commencé à 10h du matin ! Alors, je ne suis qu'un modeste imitateur face à l'excellence ! Nous reparlerons donc au Bureau de la séance de 10h du matin. (Applaudissements.) La parole est à Mme Pürro.

Mme Véronique Pürro (S). Que d'amalgames et de mauvaise foi dans ce débat ! J'aimerais simplement rappeler le contexte dans lequel nous étions lorsque nous avons déposé ce projet de loi qui était une réaction face à toute une série de démantèlements de l'assistance publique contre lesquels nous souhaitions réagir.

Premier démantèlement: passage aux normes CSIAS. Je veux bien que l'on me dise: «On doit unifier, homogénéiser, il faut le même barème dans toute la Suisse...», soit ! Deuxième démantèlement: suppression du forfait transports. Alors là, je ne sais pas avec qui on doit homogénéiser ou unifier... Troisième démantèlement de l'assistance publique: suppression des forfaits pour l'habillement - là non plus, je ne sais plus sous quel prétexte, ce n'était pas la politique du ninisme du Conseil d'Etat. Voilà le troisième démantèlement envers les personnes les plus précarisées de notre canton. Quatrième démantèlement de l'assistance publique - et c'est là où nous avons dit «stop» - application d'un barème à la baisse aux moins de 25 ans.

Quatre démantèlements en l'espace de trois ans ! Pour un Conseil d'Etat qui s'était engagé à ne pas réduire les prestations - et les prestations aux plus démunis... Face à cette situation inacceptable, le parti socialiste n'a pas décidé - il aurait pu le faire - d'indiquer des montants d'assistance publique dans la loi. Il a simplement dit que cette question, importante parce qu'elle concerne des milliers de personnes dans notre canton, doit pouvoir non pas être réglementée par le seul Conseil d'Etat, en lequel nous n'avons pas confiance, mais doit pouvoir faire l'objet d'une discussion démocratique et, par conséquent, éventuellement d'un référendum. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ! Et cette série de démantèlements que je vous ai décrits est du seul fait du Conseil d'Etat, qui, une fois de plus, décide par voie réglementaire de l'avenir de milliers de personnes, les plus précaires de notre canton.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, ne vise donc qu'un seul et unique objectif - qui n'a rien à voir avec des effets de seuils, Monsieur Weiss, et je vous expliquerai cela aux points 152 et 153... (Remarque.) Mais il n'écoute pas ! Le seul objectif est, concernant les montants relatifs à l'assistance publique, de transférer la compétence décisionnelle du Conseil d'Etat au Grand Conseil et, dès lors, éventuellement à la population. Cela n'a donc rien à voir, Mesdames et Messieurs les députés, avec une volonté de faire à nouveau de Genève un cas exceptionnel ou de hausser des montants. Il s'agit simplement de dire que, pour des questions aussi importantes, il appartient au Grand Conseil de décider quels sont les montants de l'assistance publique que nous souhaitons accorder aux plus défavorisés de notre canton, quel que soit leur âge. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat a pris beaucoup de temps. J'aimerais réagir ici à quelques propos, mais, préalablement, dire que le projet de loi des socialistes nous semble bon... (Exclamations.) ...et mériter le soutien du Mouvement Citoyens Genevois. Je suis en revanche extrêmement déçu, voire choqué, par les propos qu'a tenus un député, M. Weiss... (Exclamations.) ...lorsqu'il énonce certaines contrevérités. En effet, cher collègue, vous avez assimilé l'Hospice général à une institution ou à des gens qui ne savent pas gérer... Vous l'avez dit textuellement - vous relirez le Mémorial et vous verrez - vous avez dit que donner des primes à ceux qui gèrent mal n'était pas concevable.

Alors laissez-moi vous expliquer ceci. Au point 60 de l'ordre du jour, nous allons traiter une motion sur la convention collective de la société aéroportuaire Gate Gourmet. Je vous donne ce seul exemple - individuel, il est vrai: un citoyen genevois âgé de 46 ans et ayant travaillé vingt ans chez Gate Gourmet s'est vu licencier en raison d'une restructuration économique de l'entreprise - elle a dû licencier plus de 30% de son personnel. Cette personne, qui était donc stable, père de famille, vivant à Onex, ville que vous connaissez bien - ou peu, Monsieur Weiss, en tout cas moi, je la connais bien, c'est la mienne - eh bien, cette personne a envoyé plus de quatre cents offres d'emploi ! Quelles furent les réponses données à cette personne ?! «Trop vieille», «trop chère», «trop qualifiée»... Cette personne n'a pas retrouvé d'emploi ! Et elle a deux enfants en âge de scolarité... Cette personne a fini à l'Hospice général ! Qu'allez-vous dire à ce père de famille genevois: «Vous avez mal géré, vous ne méritez pas les aides sociales» ?! Honte à vous, Monsieur Weiss, de tenir de tels propos ! (Commentaires.)

Le président. Vous ne vous adressez pas à un député, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Vous transmettrez, Monsieur le président, à notre éminent collègue, le Zorro blanc du parlement.

Une voix. Cela suffit ! (Le président est interpellé. Commentaires.)

M. Eric Stauffer. Oui, oui... Je poursuis. (Commentaires.) Pourquoi ce projet de loi est-il important ? Parce que nous connaissons aujourd'hui une crise économique et que le taux de chômage a augmenté drastiquement ces derniers mois; malheureusement, les prévisions ne sont pas au beau fixe, puisque le chômage va apparemment continuer. J'aimerais aussi vous rappeler que, dans les chiffres du chômage, il faut inclure les personnes qui sont à la recherche d'un emploi et qui touchent le RMCAS, il y a aussi celles qui sont à l'Hospice général et celles qui sont en emploi-formation - il s'agit cependant d'«emploi utilisation», comme cela a été moult fois démontré - et qui gagnent, pour des jobs à 100%, 1890 F par mois... Et ça, c'est une réalité genevoise.

Nous soutiendrons par conséquent ce projet de loi socialiste. Ce que nous vous demanderons, en allant un peu plus loin que les socialistes, c'est de commencer - à l'Etat ! - Mesdames et Messieurs, à ne plus engager de frontaliers dans le secteur tertiaire ! (Brouhaha.) Mais oui ! Parce que les emplois du secteur tertiaire - secrétaires, services techniques... J'en passe et des meilleures - nous devons les réserver aux Genevois ! C'est de cette manière-là que les personnes les plus défavorisés pourront sortir de l'assistance publique. Pourquoi faire venir un eurofrontalier de Lille ou Bruxelles pour assurer un poste de secrétariat à l'Etat de Genève ?! Et je vous demande, Mesdames et Messieurs, de prendre exemple sur notre conseiller d'Etat François Longchamp, puisque, dans son département, il y a zéro frontalier ! Tous les emplois ont été réservés à des résidents Genevois... (Exclamations. Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Eric Stauffer. ...et c'est à souligner, Mesdames et Messieurs, parce que voilà un patriote qui a compris que la préférence... (Exclamations.) ...va aux Genevois ! Nous soutiendrons donc ce projet de loi. (Commentaires.)

Le président. Je laisse la parole à M. Weiss qui a été mis en cause. Mais soyez bref, Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Pierre Weiss (L). De ma bouche et dans mon intervention d'aujourd'hui il n'y a jamais eu les propos que M. Stauffer a cités. M. Stauffer, une fois de plus, ment, comme Radio Paris mentait. Radio Paris était allemand. Et M. Stauffer est frontalier ! (Rires.)

M. Mario Cavaleri (PDC). C'est assez triste d'entendre un discours aussi populiste que celui qui a été tenu juste avant mon intervention. J'imagine que le MCG n'a pas encore pris conscience que Genève fait partie d'une région, la région transfrontalière, et que cette dernière est nécessaire à la vie économique, culturelle et sociale de notre canton. Dont acte ! Je pense que celles et ceux qui nous regardent pourront en tirer certaines conséquences, en tout cas je le souhaite vivement.

J'en viens maintenant au sujet principal, le projet de loi 10322. Oui, je suis sensible au discours de notre collègue, M. Garcia, à propos des jeunes. Et j'ai envie de demander à M. le conseiller d'Etat qu'il nous rappelle un peu la genèse et l'évolution des aides pour cette catégorie de personnes, catégorie qui nous préoccupe, nous, tout autant que nos collègues socialistes. Cela étant, il est vrai que l'on ne peut pas se permettre de remettre constamment en cause des lois votées récemment. C'est bien la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien est quasiment unanime à dire: «Laissons maintenant un peu de temps, afin de pouvoir évaluer les effets de la loi que nous avions votée dans un passé récent et en tirer des conclusions. Et, s'il y a lieu, nous faisons confiance au Conseil d'Etat, notamment au conseiller d'Etat en charge de la solidarité et de l'emploi, pour procéder à des ajustements, au travers soit d'une modification de la loi, soit du règlement d'exécution.»

Pour nous, démocrates-chrétiens, il est essentiel que le filet social déploie tous ses effets et qu'il n'y ait pas de faille possible, cela de manière à ne laisser personne sur le bord de la route. Mais, de grâce, ne remettons pas constamment en cause les décisions prises par ce parlement alors que nous n'avons pas encore l'évaluation, sur un exercice complet, des mesures que nous avons nous-mêmes prises à la majorité !

C'est la raison pour laquelle notre groupe s'oppose à la prise en considération de ce projet de loi, mais il reste tout à fait attentif à l'évolution de l'application de la loi que nous avions votée.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Bertinat. (Remarque.) Si vous êtes d'accord, la majorité s'exprime d'abord, puis la minorité.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. Il n'y a aucun problème, Monsieur le président, merci.

A écouter les interventions de nos collègues socialistes, on entend beaucoup parler de diminutions drastiques, de démantèlements, de disparition de montants alloués aux abonnements pour les transports publics, de disparition des forfaits d'habillement et de baisses dramatiques - encore une fois - de l'aide sociale par le biais de l'introduction des normes CSIAS. Finalement, on est revenu à une espèce de guerre des chiffres, où chacun avance les siens propres. Je m'en tiendrai simplement à ceux, avancés par Mme Wyden, relatifs au coût moyen d'un dossier. Ce dernier s'élevait à 2252 F avant l'introduction des normes CSIAS; après l'introduction de ces fameuses normes CSIAS, il se montait à 2244 F, c'est-à-dire qu'il y a eu une diminution de 8 F. J'ai peine à voir, dans ces 8 F, l'image apocalyptique que nous dressent les socialistes, qui font - excusez la formule, elle est un peu lapidaire - «du social tout ménage» avec l'argent public ! Or cette démarche - actuellement, avec la majorité de droite au parlement - n'est pas possible, et c'est bien pour cela que nous avons pu trouver une majorité et nous opposer à votre projet.

Une dernière remarque concerne les jeunes. Je voudrais tout de même relever qu'il nous a été bien expliqué comment, à l'Hospice général, fonctionnait l'aide apportée aux jeunes, aux deux catégories dans lesquelles ils sont classés: les uns sont aidés en conséquence de leurs efforts, c'est ceux qui acceptent un processus de formation professionnelle; la deuxième catégorie concerne ceux qui refusent de travailler, qui font véritablement partie des cas sociaux et auxquels il faut apporter une aide plus importante - il faut pouvoir les motiver et aller vraiment plus loin dans l'accompagnement. Cela nous montre que le département de M. Longchamp est extrêmement souple et ne peut être accusé de tous les maux, comme on l'a entendu durant cette heure de débat.

Quant aux jeunes, ce n'est pas avec l'aide sociale qu'on va les aider, mais avec une formation de qualité, en prise directe avec le marché du travail. Et l'on revient toujours à la même problématique qui divise gauche et droite: l'attractivité de l'assistance publique. Plus cette attractivité sera importante, plus elle démotivera les plus fragiles. Or vos propositions tendent toujours à aller dans ce sens-là, à apporter un maximum d'aides, mais avec pour conséquence, finalement, que des jeunes - maintenant, même des moins jeunes - se posent sérieusement la question de savoir s'il faut travailler ou simplement arriver à s'inscrire à l'Hospice général.

Toutes ces raisons font qu'une nouvelle fois je vous invite à refuser ce projet de loi.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Je souhaite tout de même relever encore certains éléments qui ont émaillé ce débat. M. Longchamp, notamment, prétend que je suis dans l'erreur quant à l'interprétation des effets des normes CSIAS. Et pourtant, l'excellent rapport de majorité nous dit: «L'application de ces normes - les normes CSIAS - a permis des résultats spectaculaires puisque pour la première fois depuis dix-sept ans, le nombre de bénéficiaires a baissé à Genève; cette baisse se concrétisant par des retours à des situations plus heureuses.» Je n'ai donc rien inventé. Tant mieux pour les situations plus heureuses, mais c'est bien ce qui est dit.

Mme Gautier a relevé tout à l'heure - à juste titre - que le but n'est pas de maintenir les gens à l'assistance et qu'il faut plutôt leur donner du travail. Mais on est bien d'accord: donnons-en, du travail ! Avec la crise - et déjà avant, quand la crise n'était pas encore là - on voit bien que des entreprises, qui ont pourtant fait de juteux profits pendant beaucoup d'années, annoncent des licenciements au premier coup de froid ! On le voit notamment dans l'horlogerie, dans d'autres secteurs également. Donc, quand on a fait de juteux bénéfices, on peut aussi garder les employés et mettre en place des plans sociaux, au lieu de projeter des licenciements immédiats. Ainsi, il n'est pas question de maintenir les gens à l'assistance. Mais quand ils le sont, alors le fameux filet social que les démocrates-chrétiens appellent de leurs voeux commence malheureusement à se trouer de plus en plus.

On a beaucoup parlé des jeunes, et M. Garcia a prononcé un plaidoyer tout à fait justifié. Nous voulons aussi les inciter à se former et à trouver des places d'apprentissages. Mais alors incitons également les entreprises à offrir des places d'apprentissage, non seulement aux jeunes, mais aussi aux jeunes adultes qui ont des lacunes dans leur formation. Les socialistes ne pensent pas que les précipiter encore plus dans la précarité constitue un aiguillon favorable. Il y a toujours quelques jeunes ou quelques personnes qui ont de la peine à se réinsérer; pour ceux-là, l'assistance existe. Mais pour la grande majorité, il faut proposer des mesures incitatives.

Pour conclure, durant cette législature, il y a effectivement eu dans ce canton une régression sociale, avec toutes les diminutions et les tentatives de démantèlement dans l'assistance et dans d'autres soutiens à divers catégories de la population, malheureusement. Cela nous a amené à présenter ce projet de loi, au sujet duquel nous vous demandons d'entrer en matière sans tarder.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au début de la législature, le Conseil d'Etat avait plusieurs priorités, parmi lesquelles l'emploi. Le Conseil d'Etat avait cette priorité, parce que nous constations que Genève était, malgré une situation économique à l'époque plutôt favorable, le canton qui connaissait le plus grand nombre de chômeurs et la plus forte progression de personnes à l'aide sociale. Nous avons donc réfléchi aux différents moyens de remédier à ces fléaux.

Nous avons voulu une nouvelle loi contre le chômage. Vous en connaissez les mécanismes. Nous avons, en matière d'aide sociale, voulu privilégier les solutions qui avaient démontré leurs effets positifs dans d'autres cantons et qui étaient synthétisées par les normes CSIAS - Conférence Suisse des Institutions d'Action Sociale - appliquées dans l'ensemble des cantons suisses, urbains et ruraux, mais pas à Genève. Nous avons voulu cette politique au motif qu'il nous semblait préférable d'essayer de remettre un maximum de personnes en activité, d'être incitatifs, volontaires et ambitieux en matière de politique d'insertion, plutôt que de voir, année après année, certains de nos concitoyens, de plus en plus nombreux, soit à la recherche d'un emploi, soit à l'aide sociale, ou - pire encore - émarger aux deux systèmes.

L'année dernière, après l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi contre le chômage et des normes CSIAS, nous observons des résultats diamétralement opposés à certaines craintes. La première des conséquences est que, pour la première fois depuis que les statistiques du chômage existent, le chômage a baissé plus vite à Genève que dans le reste de la Suisse, et la durée moyenne de chômage a baissé de manière spectaculaire, y compris et surtout pour le jeunes. Plusieurs ont fait allusion à cette catégorie d'âge, mais nous pourrions procéder à la même démonstration pour les autres catégories.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des difficultés économiques liées à la situation internationale que nous connaissons, laquelle supposera des efforts de solidarité qui seront importants. Mais nous constatons que les chiffres du chômage et de l'aide sociale évoluent pour la première fois beaucoup plus favorablement à Genève que dans le reste de la Suisse. J'ai dit que nous présenterons la semaine prochaine les résultats de l'Hospice général: pour la première fois depuis dix-sept ans, le nombre de personnes à l'aide sociale a baissé. Or ces dix-sept dernières années ont été caractérisées par des périodes tant de récession que d'euphorie économique.

C'est cette politique que le Conseil d'Etat entend mener et favoriser. Celles et ceux qui entendent favoriser une autre politique peuvent certainement avoir des arguments, mais j'aimerais tout de même leur dire ceci à propos des jeunes: quand un jeune arrête son apprentissage, comme nous en avons malheureusement trop vu, et qu'il entre à l'aide sociale avec des barèmes plus favorables que ceux qu'il touchait lorsqu'il était apprenti, on lui donne un signal terrible. C'est pourtant le signal inverse que l'on doit donner, parce que, comme vous le savez, l'apprentissage est aujourd'hui, de toutes les formations, le meilleur remède contre le chômage.

C'est précisément pour cela que nous avons voulu des barèmes différents, pour éviter ces divers éléments et effets pervers, tout en tenant compte de situations qui méritent un examen particulier. Oui, il y a des jeunes de moins de 25 ans qui ont des enfants, une famille. Ceux-là sont mis au bénéfice du barème ordinaire. Oui, il y a des jeunes qui suivent une formation et qui n'ont pas d'autres moyens pour la suivre que de bénéficier de l'aide sociale, parce que leurs parents ne sont plus là ou n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes. Pour ceux-là, nous avons prévu des exceptions, cela a été dit dans le débat.

Enfin, nous avons réussi à obtenir un mécanisme qui était beaucoup plus incitatif dans le domaine de l'aide sociale générale et qui aujourd'hui déploie ses effets. Et c'est précisément à ce moment, alors que nous voyons une crise naître, que certains d'entre vous souhaitaient que, malgré ces résultats positifs, nous revenions à des systèmes dont nous avons démontré maintes et maintes fois qu'ils nous amenaient à une succession d'échecs et dans des situations qui, pour certains concitoyens, sont malheureusement irréversibles. Malheureusement, la durée de chômage devient parfois un tel handicap pour retrouver un emploi que des personnes n'en retrouveront peut-être plus jamais un.

C'est d'ailleurs pour cela, Madame la rapporteure, que durant cette décennie de démantèlement social - et je vous assure que j'en ferai passer le message à mes collègues au Conseil d'Etat - nous avons créé des emplois de solidarité et reconverti la totalité du budget qui était dévolu aux emplois temporaires à des mesures plus incitatives et permettant aujourd'hui les résultats que vous connaissez. Nous entendons effectivement poursuivre dans cette voie.

C'est ainsi que votre parlement en a décidé en adoptant une loi qui, Madame Pürro, comprenait exactement tous les mécanismes appliqués aujourd'hui. Cette loi donne un certain nombre de compétences au Conseil d'Etat et a été voulue par votre parlement. Elle a été soumise à référendum; vous avez vous-mêmes, en tant que parti politique, voulu lancer un référendum contre cette loi, lequel n'a pas abouti, n'ayant pas récolté les signatures nécessaires. Il s'agit maintenant d'en prendre acte, de poursuivre une politique précisément au moment où elle déploie ses effets positifs et de manifester, aujourd'hui comme demain, dans des périodes difficiles, notre solidarité à l'endroit de nos concitoyens qui se trouvent au chômage ou dans la précarité. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 10322 est rejeté en premier débat par 49 non contre 38 oui et 2 abstentions.