République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.

Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Claude Aubert, Christophe Aumeunier, Beatriz de Candolle, Mariane Grobet-Wellner, Patricia Läser, Georges Letellier, Eric Leyvraz, Pierre Losio et Yves Nidegger, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

E 1573
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant M. BERDAT Christophe, député démissionnaire

La présidente. Mme Victoria Curzon Price est assermentée. (Applaudissements.)

E 1574
Nomination d'un membre titulaire de la commission de réexamen en matière de naturalisation en remplacement de M. BERDAT Christophe, député démissionnaire

La présidente. Est nommé: M. René Stalder (L).

Monsieur Stalder, vous avez pris note ? Très bien ! (Rires.) Comme vous n'écoutiez pas, je préfère vous le répéter...

Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point 113 de notre ordre du jour. Il s'agit de la troisième urgence que vous avez décidé de traiter aujourd'hui.

PL 10103-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'Université (C 1 30)

Premier débat

La présidente. Je vais passer... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Monsieur Serex ! (Rires. Exclamations.) Vous êtes à deux doigts du carton rouge ! Vous le savez... Faites gaffe !

Le rapport est de M. Guy Mettan, à qui je cède la parole.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Ce soir, nous devons traiter l'un des points les plus importants de cette session. Avec le contreprojet aux deux initiatives sur le cycle d'orientation et avec les Communaux d'Ambilly, le projet sur l'Université qui nous est présenté ce soir est l'un des projets les plus - j'ose le dire - ambitieux de cette législature. Pourquoi ? Parce que, grâce à ce projet de loi, nous espérons redonner à notre université les outils et les moyens de gouvernance dont elle a besoin pour conserver son rang et sa compétitivité dans la concurrence impitoyable que se livrent les universités.

Les conditions de départ de ce projet de loi ont été très difficiles, vous vous en souvenez: il y a deux ans à peine, l'université était confrontée à une série de crises successives. En effet, certains professeurs, un tant soit peu légers avec les procédures, ont eu des histoires de notes de frais et un professeur a utilisé des fonds destinés à la recherche pour payer des compléments de caisse de pension... Bref, toute une série de problèmes ont surgi au printemps 2006, qui ont débouché sur une exploitation médiatique, puisque les journaux, toutes les semaines, sortaient de nouveaux articles sur l'université qui étaient de nature à compromettre assez gravement la réputation de notre alma mater. C'est au début de l'été 2006 que le recteur Hurst est contraint de donner sa démission, lequel est provisoirement remplacé par le professeur Jacques Weber.

Cette crise a au moins eu un effet positif: elle a permis aux autorités universitaires et au monde universitaire, mais aussi aux milieux politiques, de prendre conscience qu'il fallait changer d'urgence la gouvernance de notre université. Pour cela, il fallait la repenser de façon assez fondamentale, pour pouvoir lui redonner une certaine crédibilité et - au-delà de la crédibilité - de la doter, surtout, des outils, des instruments, des moyens nécessaires.

Cela passait par trois conditions: d'abord, un élargissement des compétences du rectorat; ensuite, une amélioration des procédures de contrôles internes - pour, justement, éviter les dérapages - et aussi, naturellement, une autonomie accrue de l'université par rapport aux divers groupes: à la fois par rapport au monde politique, mais aussi par rapport à l'éclatement des pouvoirs qui se trouvaient complètement diffus au sein de l'université entre, d'une part, le rectorat, le Conseil de l'université, d'autre part, et, en troisième lieu, les facultés et les doyens, etc.

De là sont nées deux initiatives: l'une lancée par le parti démocrate-chrétien, qui a voulu réformer l'Université à partir de la loi existante, en donnant au rectorat notamment la compétence de nommer les professeurs et les doyens, et l'autre initiative, lancée par le département de l'instruction publique, qui a consisté à mettre sur pied une commission d'experts indépendants de l'université pour concocter un projet de loi qui soit radicalement nouveau. C'est ce projet de loi que nous devons voter ce soir. La commission a été présidée par Mme Ruth Dreifuss qui avait acquis des compétences dans ce domaine grâce aux fonctions qu'elle a exercées à Berne, puisqu'elle était conseillère fédérale en charge du Département de l'intérieur, et, donc, des universités. Ce choix s'est révélé excellent, puisque le projet de loi qui a été élaboré par la commission d'experts est peu ou prou celui que nous devons voter ce soir. (Brouhaha.)

Quels sont les points forts de ce projet de loi ? Premier point fort: le recteur peut nommer les professeurs. Cette compétence, réservée jusqu'ici au Conseil d'Etat, échoit donc au seul recteur ! (Brouhaha.)

Ce dernier peut également nommer les doyens. Il peut aussi créer ou supprimer - en tout cas, le proposer - des filières d'enseignement et de recherche... (Brouhaha.)

La présidente. Pardonnez-moi, Monsieur le rapporteur ! Il y a trop de bruit dans cette salle, nous ne vous entendons pas !

M. Guy Mettan. J'en suis conscient !

La présidente. Je demande donc un peu de silence... Merci beaucoup, Monsieur Hohl ! Merci, Monsieur Marcet ! Et tous les autres... C'est gentil ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le rapporteur.

M. Guy Mettan. Merci, Madame la présidente. Le doyen peut également initier la création ou la suppression de facultés, qui s'appellent désormais, dans le projet de loi, des UPER: unités principales d'enseignement et de recherche.

Autre innovation: le décloisonnement des facultés, justement, grâce à la création de nouvelles unités d'enseignement et de recherche. C'est désormais le recteur - et le rectorat - qui a la seule compétence en matière de contrôle interne - procédure qui avait été un peu déficiente par le passé... Il a également la capacité d'améliorer la rémunération des professeurs au-delà des normes actuellement en vigueur, afin, précisément, de pouvoir conserver les meilleurs professeurs et engager à l'étranger les personnes les plus compétentes. Si nous voulons maintenir la compétitivité de notre université, c'est une condition indispensable.

Autre innovation importante: la convention d'objectifs, qui avait totalement échoué avec la loi de 2003. Pendant la procédure d'examen de ce projet de loi, le département et l'université nous ont soumis à trois reprises un projet de convention d'objectifs. Si cette convention n'est pas encore tout à fait aboutie - elle n'avait pas de raison de l'être, puisqu'elle fera l'objet d'un examen séparé - elle est tout à fait prometteuse, car elle permet de fixer des priorités pour l'université pendant quatre ans. Cette convention d'objectifs permettra surtout de juger de la capacité du rectorat à mettre en oeuvre et réaliser ces objectifs: elle sera un instrument d'évaluation tout à fait utile pour cette période de quatre ans, car, avant, nous n'avions pas d'indicateur pour évaluer la performance du rectorat. Il était normal, en échange de l'accroissement de l'autonomie octroyée à l'université, que l'on demande au recteur d'assumer des responsabilités plus étendues.

Autre innovation: la création d'un conseil d'orientation stratégique, qui permet d'élargir aussi le champ de recrutement du recteur hors de l'université. C'est une très bonne chose, parce que, jusqu'à présent, l'université avait tendance à vivre en vase clos et à recruter en interne, n'exploitant ainsi pas suffisamment les possibilités de recruter des personnes compétentes à l'extérieur. Voilà pour les points forts.

La présidente. Monsieur le rapporteur...

M. Guy Mettan. J'arrive à la conclusion. Il faut toutefois apporter des critiques à ce projet. L'une émane des étudiants - en particulier d'un groupe qui s'appelle le GTLU, Groupe de travail interne sur la loi de l'université - qui reprochent à ce projet de loi de manquer de démocratie... Ce n'est pas du tout notre impression ! Au contraire, nous avons l'impression, de façon unanime - tous les partis qui ont voté le projet de loi - que la démocratie est nettement préservée, notamment par le biais de l'Assemblée de l'université. L'autre critique concerne les taxes universitaires... Mais celles-ci ne figurent pas ici, elles feront l'objet d'un autre projet de loi. Donc, l'adoption de ce projet de loi n'affecte pas du tout le problème des taxes universitaires.

Je terminerai en remerciant le département, la commission Dreifuss et tous les partis qui ont joué le jeu, qui ont accepté de faire des sacrifices, pour redonner à notre université les moyens d'assurer son rang, sa place dans le monde de la science, de la recherche et de la formation de demain.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Se sont inscrits: M. François Thion, M. Michel Forni, M. Pierre Weiss, Mme Catherine Baud, M. Patrick Saudan, Mme Janine Hagmann, M. Eric Bertinat, M. Jacques Follonier, Mme Anne Emery-Torracinta, M. Claude Jeanneret, Mme Virginie Keller. Le Bureau - dans sa composition réduite - a décidé de clore la liste des intervenants. Monsieur Thion, je vous donne la parole.

M. François Thion (S). Merci, Madame la présidente. Le groupe socialiste a travaillé avec l'ensemble des députés de la commission de l'enseignement supérieur pour trouver des compromis qui, en fin de compte, ne changent pas l'esprit du projet de loi présenté par le Conseil d'Etat. Cette loi est bonne, et je tiens tout d'abord à remercier Mme Ruth Dreifuss et la commission externe qui ont effectué un important travail en écrivant, à la demande du Conseil d'Etat, un avant projet de loi.

Je tiens également, en tant que président de la commission, à remercier toutes celles et tous ceux qui ont travaillé en coulisses avec la commission de l'enseignement supérieur, en particulier Mme Vrbica et M. Baier, ainsi que le conseiller d'Etat Charles Beer qui a su se rendre disponible durant de nombreuses séances - de trois heures d'affilée - et qui a montré un sens du dialogue remarquable avec l'ensemble des commissaires.

Je tiens également à remercier le député Guy Mettan, qui a rédigé ce rapport dans un délai particulièrement court.

Au moment où l'université était en crise - rappelez-vous, au printemps 2006 - je signalais ici, le 18 mai 2006, au nom du groupe socialiste, un certain nombre de points importants. Au niveau politique, les socialistes ne partageaient pas certaines propositions avancées à l'époque dans les médias par des partis politiques de droite et j'avais annoncé que nous ne suivrions pas ceux qui voulaient profiter de cette grave crise pour se lancer dans des projets de privatisation de l'Université... «Le savoir - avais-je dit - n'est pas une marchandise.» Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui fait en sorte que l'université reste un service public et qu'elle continue à contribuer au développement culturel, social et économique de notre canton, de même qu'à la démocratisation du savoir et à l'égalité des chances.

J'avais annoncé également que nous nous opposerions à ceux qui voulaient profiter de cette crise pour augmenter les taxes universitaires. En effet, nous estimons que les études supérieures doivent être ouvertes à toutes les étudiantes et à tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale et indépendamment de leurs ressources financières. Dans la nouvelle loi, le parlement - et, donc, le peuple, grâce à la possibilité de lancer un référendum - aura le dernier mot en ce qui concerne le montant des taxes universitaires que nous, socialistes, souhaitons maintenir au niveau actuel.

De même, notre parlement se prononcera - M. Mettan en a parlé tout à l'heure - tous les quatre ans sur une convention d'objectifs entre l'Etat et l'Université. Sans entrer dans les détails, disons que cette loi va réformer le système de gouvernance de cette dernière en clarifiant le rôle de chacun: Conseil d'Etat, Grand Conseil, Rectorat et Assemblée de l'université. L'autonomie de l'université sera accentuée.

Cela dit, le groupe socialiste aurait souhaité renforcer l'importance de l'Assemblée de l'université et donner plus de pouvoir aux étudiants en son sein. Nous espérons également que le dossier de la réévaluation du statut des maîtres d'enseignement et de recherche - qui n'est pas réglé par un projet de loi - avancera rapidement.

En conclusion, vous l'avez compris, les socialistes voteront ce projet de loi, réaffirmant ainsi notre confiance dans les missions essentielles de l'université que sont la création et la recherche. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Ce n'est pas parce qu'il y a consensus qu'il n'y a pas discussion, et ce n'est pas parce qu'il y a discussion consensuelle qu'il y a oubli de la politique... Dans l'examen de ce projet de loi sur l'Université, des options différentes, voire divergentes, se sont exprimées. Un résultat a été obtenu: il est dû à notre sagesse, ce qui montre que nous sommes capables de nous unir lorsqu'il s'agit de réformer nos institutions.

Cela dit, je ferai tout d'abord quatre remarques de fond, avant de distribuer quelques notes... On ne se refait pas ! La première remarque de fond porte sur la vague et l'écume... Il y a eu une vague - la vague des réformes - qui a atteint les universités dans le monde et en Europe en particulier, avec la réforme de Bologne. Et puis, il y a eu l'écume d'une petite crise... La vague et l'écume ont provoqué un avant-projet de loi sur l'Université, et c'est au moment de la conjonction de cette vague et de cette écume que le poids des personnalités s'est fait sentir. Celles-ci ont joué un grand rôle, à commencer par Mme Dreifuss. Mais je voudrais aussi rendre hommage - cela n'a pas encore été fait, je crois - au conseiller d'Etat et à tous ceux qui ont contribué, lors des auditions en commission, à éclairer le point de vue des parlementaires.

Deuxième remarque. Un certain nombre de réflexions de fond ont été apportées, à commencer par le professeur Waldvogel qui a rappelé, par exemple, qu'en matière de gouvernance il fallait savoir réduire le nombre des gouvernants... Je n'irai pas jusqu'aux propos du Maréchal Foch, qui considérait qu'une structure impaire était la meilleure, surtout si elle était moins élevée que trois !

Troisième remarque. J'ajouterai aussi les propos du professeur Aubert, qui nous a indiqué que la liberté académique devait être sauvegardée et qu'il était important, à cet égard, que certaines institutions qui s'en préoccupaient à l'université le soient aussi. Le professeur Courvoisier - qui est l'actuel président de l'assemblée des professeurs - l'a également exprimé. Certains n'ont pas compris que cela signifiait qu'il ne fallait pas passer aujourd'hui de la mort clinique à l'enterrement clair et net du sénat ! Mais, enfin, les choses sont ainsi... Peut-être que d'autres solutions seront trouvées à l'avenir.

Enfin, quatrième remarque générale, une convention d'objectifs a aussi été présentée. Du point de vue libéral, la version qui a été la plus récemment discutée en commission mériterait d'être encore affinée, pour lui éviter d'être l'objet de polémiques, notamment quant à certains «effets de mode». En utilisant cette expression, je crois que je serai compris par celles qui s'y intéressent !

Cela dit, le projet de loi en lui-même comporte des points positifs et des points négatifs. Je commencerai par les points positifs, qui expliquent, d'ailleurs, que le groupe libéral s'est prononcé en faveur de ce projet de loi. Le premier d'entre eux est le fait qu'une gouvernance claire devait être constituée et que, dans la constitution de cette gouvernance claire, des pouvoirs majeurs devaient être attribués au rectorat. Et l'un de ces pouvoirs majeurs - qui résulte d'ailleurs de nos discussions - attribué au rectorat est qu'il a maintenant la compétence de décider de la création ou de la disparition de ce que les technocrates appellent des UPER - que les gens qui ont une culture humaniste appelleront encore des facultés, mais peut-être ceux-ci disparaîtront-ils...

Et puis, il faut aussi relever que l'on a été pragmatique... On a, par exemple, reconnu que des dispositions sur les activités accessoires avaient montré leur inanité et qu'il convenait davantage de faire confiance au fisc, de libérer les énergies en matière de recherche et d'avoir des dispositions sur la propriété intellectuelle plus motivantes. D'ailleurs, à propos de motivations en termes de salaires, le projet de loi a aussi permis de prendre des dispositions que je qualifierai de «plus libérales». Ces dispositions, tout en préservant le contrôle par le Conseil d'Etat - contrôle effectué en dernière instance - permettent plus d'ouverture.

Après les points positifs, j'en viens évidemment aux points négatifs. Je commencerai par le plus important d'entre eux, à savoir que, dans cette réforme nécessaire, bienvenue et globalement bien conçue de l'Université, il manque finalement une charpente essentielle, soit la présence d'un conseil d'administration. Les membres de la commission qui ont rédigé l'avant projet de loi se sont montrés frileux à cet égard: on sent en effet dans leur rapport une hésitation sur l'option conseil d'administration versus assemblée de l'université. Ils ont choisi de ne pas bousculer la vieille dame... Je crois qu'ils ont eu tort ! C'est ainsi ! Peut-être devrons-nous revenir sur cette question, plus tard. Pour l'heure en tout cas, la solution choisie est insatisfaisante, même si les compétences de l'Assemblée de l'université sont, il faut le reconnaître, objectivement réduites. Il ne faut pas se contenter d'une structure partiellement de façade et partiellement hypocrite: il faut veiller à une bonne gouvernance globale. Il y a objectivement un manque sur ce point.

Et de ce manque, de l'absence de conseil d'administration, a découlé l'absence d'autonomie réelle sur le statut du personnel ! Contrairement à ce qui se passe dans d'autres entités publiques autonomes, qui sont évidemment peut-être moins prestigieuses, mais, enfin, tout aussi importantes pour le commun des Genevois - les Transports publics genevois, les Services industriels de Genève - il n'y a pas d'autonomie en matière de fixation du statut du personnel, notamment des professeurs. Je pense que cette solution est insatisfaisante et qu'il faudra la revoir - si possible avec consensus, mais à l'impossible nul n'est tenu...

Encore autre chose. La question des taxes a, elle aussi, été évoquée de façon très conservatrice... Quand on voit de quelle manière HEI - sur l'autre rive - a développé un système de bourse, on est finalement extrêmement frustré de voir la modestie...

La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît, vous devez conclure !

M. Pierre Weiss. Je vais conclure ! ...de la réforme de l'Université. Je conclus donc par un élément important pour le fonctionnement de celle-ci: la gestion financière. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, celle-ci sera complexe; elle sera probablement bloquante. Ce point méritera, à mon avis, de recevoir toute l'attention du Conseil d'Etat - cela ne concerne pas que l'université, mais cela concerne aussi l'université. En effet, une rigidité dans la gestion des moyens mis à sa disposition pourrait l'empêcher de se développer comme elle le souhaite.

Bref, Madame la présidente, sur tous ces points, sur l'absence également de contrat de droit privé pour les collaborateurs de l'université, il aurait fallu être davantage volontariste, davantage réformateur. Mais, enfin, mieux vaut un petit pas en avant qu'un pas en arrière ou le statu quo.

C'est la raison pour laquelle le groupe libéral votera cette réforme. C'est la raison pour laquelle aussi, Madame la présidente, étant donné l'engagement, même partiel, que j'ai dans cette institution, je serai obligé de m'abstenir pour respecter nos propres règles.

M. Michel Forni (PDC). Mon intervention va se limiter à une extrapolation de ce qui a déjà été dit et à une certaine forme d'analyse des conséquences d'un tel projet de loi. Je m'empresse toutefois de préciser que le parti démocrate-chrétien le votera. Il faut savoir que conduire un changement dans une entreprise n'est pas simple, mais conduire une réforme d'envergure, a fortiori les travaux qui visent à définir des priorités et à proposer des décisions fondamentales, relève d'un véritable défi qui, dans le monde universitaire, doit s'intégrer à son périmètre d'évolution, qu'il soit technique ou sociétal.

Comme l'a bien dit le rapporteur, il a fallu à la commission de l'enseignement supérieur environ seize séances d'étude et de réflexion pour examiner ce projet de loi qui mène bien une réforme universitaire avec des idées fortes et qui, avec ses instruments de mesure de sa compétitivité et de sa responsabilité envers la société, concilie la performance et l'éthique dans l'idée d'une véritable réorganisation logistique qui lui confère sa véritable autonomie, comme cela a déjà été dit.

Il faut relever que les universités se hiérarchisent de plus en plus en sélectionnant les élèves, mais aussi les professeurs, et en attirant les enseignants chercheurs les plus attractifs, qui eux-mêmes attirent aussi les étudiants, mais, surtout, les contrats de recherche. Il s'est donc créé un monde à plusieurs vitesses, et les palmarès au classement «keep writing» sont toujours discutables mais lèvent progressivement des secrets de polichinelle.

Pour les auteurs de ce projet de loi, il convient de distinguer les fondements et les enjeux qui ont permis d'élaborer une véritable loi qui définit la position du monde politique, notamment celle du Conseil d'Etat dans son rôle de contrôleur mais aussi de décideur, et, d'autre part, le monde académique avec sa gouvernance représentée par un rectorat-décanat puissant et par une assemblée universitaire qui participe également à son pilotage, activement. En restant sensibles à l'articulation entre la recherche et les préoccupations stratégiques, en insérant, d'autre part, une nouvelle gouvernance sans féodalisme rectoral et en se dotant de cette convention d'objectifs qui relie la politique au monde académique, ainsi qu'avec des évaluations qui permettent d'instrumenter, sans être un miroir aux alouettes, le marché universitaire, cela permet d'optimiser les ressources, d'éviter les retards et de promouvoir l'innovation.

Comme cela a été dit, ce projet de loi signifie la fin d'une crise qui a secoué avec ses scandales notre république, mais qui a aussi permis à un rectorat provisoire, il faut le souligner, de rétablir la bonne santé d'un établissement doté d'une recherche de haut niveau, de continuer à développer son futur en disposant de ressources parfois insuffisantes mais saines, et qui, dans une succession harmonieuse, permet également de l'entériner par le vote de ce projet de loi par la commission et, par nous, ce soir.

Peut-on rêver mieux que de permettre à notre université de conserver sa place dans le concert des universités de haut rang international, de rester le fer de lance des futurs décideurs, dans un vivier d'étudiants et de professeurs, véritable élite européenne et helvétique, par leur engagement, par leur mandat, et de conserver une institution unifiée pouvant poursuivre son intégration au niveau helvétique et international ?

Cette institution peut donc cultiver la conformité, mais aussi l'innovation, sans déstabiliser dans ses structures les piliers de son fonctionnement actuel, en associant professeurs et étudiants et en incitant les chercheurs à diffuser leur savoir dans le but d'alimenter le débat public et d'éclairer le choix des décideurs.

Permettez-moi, Madame la présidente, d'utiliser une expression tirée du vieux français... La voici: «Le mort saisit le vif.» Cela signifie simplement que les biens d'un défunt sont immédiatement transmis à son héritier, pour autant qu'il soit en mesure de s'en montrer digne, et, surtout, en fonction des manières dont il doit faire un bon usage. Eh bien, nous sommes exactement arrivés à ce point avec un établissement de droit public qui reste placé sous la surveillance d'un conseiller d'Etat. Cette université reste en service public, dédiée à l'enseignement supérieur, à la recherche, et elle contribue au développement pour la collectivité en valorisant son expertise et, également, son aura.

Je terminerai en disant que ce projet de loi représente également une feuille de route politique, car l'université n'est plus cogérée avec le parlement. L'université se gère elle-même et rend des comptes au Conseil d'Etat en conservant sa dissociation d'enseignement, mais aussi son souci de privilégier la recherche et l'innovation. Elle a également à coeur de conserver une taille critique, de se réformer avec pertinence et d'éviter les gâchis humains d'intelligence et d'argent.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de conclure en soulignant que l'enseignement universitaire reste bien une des priorités de ce parlement et que cette loi n'est pas un acte de déréglementation. Elle ne s'oppose pas à l'importance de l'action politique, l'Etat restant l'actionnaire principal, mais elle promeut la liberté académique et les missions de l'université pour lui permettre de produire nos élites d'aujourd'hui et de demain, et, aussi, de se concurrencer, par son expertise, sa recherche et son enseignement, ainsi que ses outils de gestion, dans l'enjeu politique culturel que certains appellent le «soft power». Le parti démocrate-chrétien votera donc ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Catherine Baud (Ve). Il a finalement fallu une année universitaire à la commission de l'enseignement supérieur pour étudier ce projet de loi. Ce soir, en fait, nous passons notre grand oral. Mais il aura aussi fallu une année de travail préparatoire avant d'en arriver là. Le travail a été intense pendant ces deux ans.

Je voudrais tout d'abord rendre hommage à tous les intervenants, qui ont, chacun à leur manière, contribué à l'élaboration de ce projet de loi, ainsi qu'au président du département, qui a su réagir à temps pour sortir de la crise en 2006. Des réflexions ont été menées par étapes, du rapport Béguin au projet de Mme Dreifuss, et de nombreuses personnalités de tous bords ont nourri les réflexions, et l'avant-projet présenté l'année dernière a proposé un concept cohérent et clair.

Au départ, les Verts n'étaient pas vraiment enchantés par ce projet qui, au nom de l'autonomie, concentrait le pouvoir aux mains du rectorat, limitait les pouvoirs de l'assemblée et remettait en cause l'existence même de la commission de l'enseignement supérieur en privant le Grand Conseil d'une partie de ses prérogatives. Est-ce à dire que nous allions refuser ce projet ? Eh bien non ! Nous avons décidé d'y croire, car plus nous l'analysions plus nous y trouvions des aspects positifs. A partir du moment où nous avions accepté ses fondements, il devenait donc difficile de proposer des amendements de fond.

Cependant, la lutte a été âpre. Chaque parti a essayé d'influencer les autres pour tirer le projet vers sa vision propre. Nous avons passé plusieurs mois à de tels échanges, néanmoins nous avons tous cherché à réduire les tensions, car nous étions - j'en suis sûre - tous et toutes conscients que seule une loi acceptée par l'ensemble de la commission pouvait avoir la force de s'imposer ensuite pour donner une nouvelle impulsion à l'Université de Genève.

Car l'Université n'est pas seulement une entité publique genevoise qui vit dans son canton. Elle doit se positionner dans l'espace suisse de la formation d'ici à 2012; elle doit également faire face aux autres universités sur le plan international. Je suis sûre que les députés ont toujours eu conscience de ces enjeux en arrière-plan des discussions, quelle que soit leur position politique. Nous avons, je pense, réussi à trouver un consensus, mais, comme dans tout consensus, il y aura des déçus et des sceptiques. Je les comprends, mais je ne suis pas de ceux-là. Je veux croire en ce projet et je pense que la convention d'objectifs, dont nous avons déjà eu connaissance, nous permettra de concrétiser l'évolution nécessaire.

En conséquence, les Verts soutiendront cette loi, mais resteront attentifs à la mise en place de ces dispositions et seront très exigeants sur le suivi des objectifs qui nous seront présentés prochainement, de manière définitive.

M. Patrick Saudan (R). En préambule, je vous informe que, à l'instar de mon collègue Pierre Weiss, je m'abstiendrai de participer au vote, puisque je fais partie de la communauté des enseignants universitaires.

Mesdames et Messieurs les députés, à quoi sert une université ? Si vous vous référez à l'article sur la mission de l'Université dans la loi actuelle qui est toujours en vigueur - en plus du triptyque classique, cher à mon collègue François Thion, qui est l'enseignement, la recherche et la formation - vous pouvez lire, à la lettre d) que l'université doit: «...faire prendre conscience de la responsabilité que les chercheurs, les enseignants et les étudiants assument envers la société.» Dans le projet de loi actuel, cette mission est plus clairement et plus proactivement énoncée à l'article 2, alinéa 2: «L'Université contribue au développement culturel, social et économique de la collectivité, notamment par la valorisation de la recherche et son expertise.» Tout est dit dans cette phrase sur ce que doit être l'université au début du XXIe siècle, sur ce que doit être son ancrage dans la cité.

Mesdames et Messieurs les députés, la Silicon Valley ne se trouve pas seulement en Californie ! Elle est adossée aux universités de Stanford et de Berkeley. La zone où les entreprises de biotechnologies sont les plus nombreuses en Europe est celle qui entoure l'université de Cambridge et l'arc lémanique n'est pas seulement délimité par les vignobles du Mandement et ceux du Lavaux, c'est aussi un terrain fertile pour les biotechnologies, grâce à la présence de trois universités de renom. Et c'est cela qui est important: une université au rayonnement académique contribue fortement à la prospérité de la région !

Je ne vais pas revenir sur la genèse de ce projet de loi, qui a été fort bien résumée par le rapporteur de majorité. Je mentionnerai seulement l'excellent travail qui a été effectué - il faut le reconnaître - par la CELU, puisque 90% des propositions de cette dernière ont été repris dans le projet de loi du Conseil d'Etat.

Permettez-moi juste quelques remarques sur les points saillants, qui ont nourri, d'ailleurs, des débats assez mouvementés en séances de la commission de l'enseignement supérieur.

Tout d'abord, l'autonomie accrue qui est donnée à l'université par le biais d'un pouvoir plus important au rectorat fait craindre à certains une perte du contrôle politique sur l'université... Mesdames et Messieurs les députés, en novembre 2007, le Conseil des ministres de l'Education de l'Union européenne s'est réuni à Bruxelles pour porter un diagnostic sur l'ensemble du système universitaire européen. Deux faits saillants ont émergé de ce colloque: premièrement, un excès de contrôle politique sur les universités et, deuxièmement, une insuffisance de financement. Cet excès de contrôle politique, et en particulier du Grand Conseil, a également été mis en exergue dans le rapport Béguin, mais je n'ai pas trop de souci à ce sujet: je pense que la convention d'objectifs représente un bon instrument de pilotage, qui permettra, je l'espère, de bien vérifier que l'université remplit sa mission et de ne pas interférer avec ses domaines de recherche.

Deuxième point important: le conseil d'administration. C'est vrai qu'initialement le parti radical était favorable à l'idée d'un conseil d'administration, pour toutes les bonnes raisons qui ont été évoquées par mon collègue Pierre Weiss. Ce qui nous a fait changer d'avis, c'est le risque de dualité du pouvoir entre un recteur et un président du conseil d'administration. En effet, une dualité du pouvoir peut entraîner une certaine paralysie, ce qui était contradictoire avec l'idée d'autonomie que nous voulions conférer à cette université.

Autre point important: le partenariat public-privé. Ce projet de loi encourage l'université à rechercher activement des fonds privés pour se développer. Mon collègue François Thion a évoqué le fantasme de la privatisation rampante de l'université... Je vais tout de suite le rassurer: actuellement, 90% du financement de l'université sont assurés par des fonds publics, qu'ils soient cantonaux ou universitaires, et cela n'est pas près de changer ! En revanche, ce financement entre le public et le privé est le seul moyen d'assurer l'essor de cette université.

D'autres personnes pourraient craindre, c'est vrai, que la mission universaliste de l'université soit sacrifiée sur l'autel d'une vision trop technocratique et trop portée sur la rentabilité, qui ne développerait que des pôles d'excellence, grâce, justement, à l'appui des financements privés... Je crois qu'il y a une méprise qu'il faut bien comprendre: c'est que le privé a tout intérêt à ce que l'université développe une recherche fondamentale, puisque la recherche appliquée dont profitera le privé découle de la qualité de la première. Et, si l'université peut développer ses pôles d'excellence grâce à l'apport du privé, elle pourra dégager des recettes supplémentaires: ressources qui serviront à maintenir son bon niveau généraliste et à assurer le développement des sciences humaines.

Un autre point me paraît fondamental pour cette université... (L'orateur s'interrompt.) Excusez-moi, l'émotion m'étreint ! S'il y a un partenariat entre le public et le privé, qui s'impose et qui devient de plus en plus important, celui-ci doit être accompagné par un renforcement des règles éthiques et des règles de contrôle interne. Le parti radical a été très sensible à cet aspect, et le projet de loi nous satisfait, puisqu'il renforce les règles éthiques et les contrôles internes de l'université.

En conclusion, le parti radical va voter ce projet de loi et vous encourage à faire de même, parce qu'il est solide, parce qu'il pérennise l'alliance de l'université avec la région genevoise et que, si cette nouvelle université sortant de ce projet de loi est portée sur les fonds baptismaux, il faut qu'elle le soit avec l'appui le plus large possible de la classe politique genevoise.

Mme Janine Hagmann (L). L'an 2012, c'est demain ! C'est la date butoir fixée par la Confédération pour l'entrée en vigueur de la loi sur l'aide aux hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles. Toutes les hautes écoles occuperont un espace commun: le paysage suisse des hautes écoles.

L'université devra être prête, à ce moment-là, pour intégrer ce paysage des hautes écoles, car il y aura une concurrence accrue entre ces dernières, y compris entre les HES et l'université. Dans un contexte, d'ailleurs, de plus en plus internationalisé, ce qui exigera un positionnement marqué pour chaque haute école de notre pays.

L'Université de Genève a une place à revendiquer non seulement dans le paysage des hautes écoles de notre pays, mais aussi sur la place internationale. J'ose à peine le répéter: la Suisse prospère grâce à sa matière grise.

Le projet de loi qui vous est présenté tente de donner à l'université des structures qui lui permettent de réagir aux défis engendrés par notre époque. Mon collègue Pierre Weiss a fait une analyse constructive de la loi, en proposant toutefois son soutien critique. En effet, même votée à l'unanimité, cette loi reste quelque peu frileuse. Elle donne l'impression que les députés n'ont pas osé gravir une montagne dont ils rêvaient pourtant d'atteindre le sommet...

M. Pierre Weiss. Pas tous !

Mme Janine Hagmann. Le but était de clarifier les responsabilités jugées trop diluées. L'option retenue a été d'accorder une large autonomie à notre alma mater, en consacrant un rectorat fort. Mais, hélas, la commission n'a pas voulu suivre l'exemple bâlois, qui ouvre plus son université à la cité en la dotant d'un conseil d'administration qui inclut beaucoup de personnalités de l'extérieur.

La convention d'objectifs, dont le texte n'est pas encore totalement finalisé, doit évidemment clarifier la mise en pratique de la loi-cadre. Chacun, à part la CUAE a mis beaucoup d'espoir dans cette convention, tout en sachant que l'université n'est pas comparable aux TPG. Et pourtant, le contrat de prestations dont sont dotés les TPG leur a permis de progresser. J'espère que cette convention d'objectifs - j'aurais bien voulu, personnellement, qu'elle soit signée avant le vote de la loi - sera un outil de pilotage utile à l'université permettant un dialogue entre les politiques et le monde académique.

Cette loi, Mesdames et Messieurs, a suffisamment été commentée pour vous permettre de la voter telle qu'elle est sortie des travaux de la commission. Inutile d'insister sur le fait que le groupe libéral n'entrera pas en matière sur les amendements reçus cette semaine de la CUAE, de la GTLU, c'est-à-dire après le vote de la commission. La plupart de ces amendements avaient été présentés lors de l'audition des étudiants, et le rapport explique très clairement la position de chacun.

Votons donc cette loi telle qu'elle est pour promouvoir le développement de l'arc lémanique - plus fort que Zurich, d'après «L'Hebdo». Pour que la promotion économique de la région se développe, l'université doit rester compétitive et bien placée dans les sondages internationaux. (Applaudissements.)

M. Eric Bertinat (UDC). Je voudrais tout d'abord remercier les acteurs qui ont participé, de près ou de loin, à la rédaction de cette nouvelle loi, sans oublier mon collègue Guy Mettan, qui a rédigé un excellent rapport. Mais je voudrais remercier plus particulièrement deux personnes: deux socialistes, ce qui - vous l'avouerez - n'est pas courant pour le groupe UDC.

Mes remerciements vont en premier à l'ancienne conseillère fédérale, Mme Ruth Dreifuss, présidente du groupe d'experts, qui a préparé un bon projet et qui a su consulter avec bonhomie les divers partis politiques réunis dans ce parlement. Cette démarche a sans nul doute permis une prise en compte de qualité du projet.

Mes remerciements vont ensuite à Charles Beer, qui, tout au long d'une crise trop médiatisée, a su tenir correctement informés les membres de la commission de l'enseignement supérieur. Une situation de grande tension - rappelons-le - qui aurait pu se transformer en crise politique, ce qui n'aurait pas arrangé les affaires ni du Conseil d'Etat, ni du Grand Conseil, ni de l'Université. Une attitude du conseiller d'Etat à la fois réaliste et constructive, qui s'est retrouvée tout au long de nos débats en commission et qui a finalement permis de voter, dans un délai malgré tout court, cet important projet de loi.

Cela dit, au fil des auditions, puis des débats en commission, il est apparu aux commissaires UDC que la loi sur l'université devait offrir, principalement, une plus grande autonomie et qu'il fallait l'associer à une convention d'objectifs qui permette au Grand Conseil, outre l'aspect purement budgétaire, de suivre attentivement le développement de l'université. Des questions telles que les gains accessoires, la composition de l'Assemblée de l'université ou, encore, le Conseil d'orientation stratégique, nous semblent avoir trouvé une solution acceptable. Nous regrettons toutefois que la question des contrats de droit privé n'ait pas trouvé une réponse plus favorable, bien que la nouvelle loi augmente quelque peu cette pratique. Cela aurait permis à l'université d'être plus concurrentielle par rapport aux HES.

A ce sujet, l'UDC souhaitait absolument profiter de la rédaction d'une nouvelle loi, pour permettre à l'université de se battre à armes égales avec les HES, dont la modernité et l'attractivité peuvent poser, à terme, un problème de concurrence pour notre université. Une université que nous aimons et dont nous voulons qu'elle soit à même de tenir son rang. Avec ce projet de loi, nous avons en partie répondu à cette problématique.

De toutes nos auditions en commission, j'aimerais revenir sur la Conférence universitaire des associations d'étudiants. Pour mémoire, les représentants de cette association nous ont fait part, avec beaucoup de franchise, de leurs oppositions à notre projet de loi, préférant l'ancien, rejetant violemment la composition de l'Assemblée de l'université qui leur offre pourtant dix sièges sur quarante-cinq, supposant que l'on augmentera la taxe universitaire, refusant qu'une partie du financement vienne du privé et rejetant un éventuel numerus clausus - dont, soit-dit en passant, nous n'avons pas évoqué le sujet. En revanche, ils comptent beaucoup sur les finances de l'Etat au cas où l'université connaîtrait un afflux d'étudiants. Bien que cette association d'étudiants ne soit pas représentative du corps estudiantin, je les invite tout de même à voir dans nos travaux le souci d'offrir aux étudiants une université de qualité dans laquelle il fait bon suivre des études et dans laquelle les enseignements enseignent et les étudiants étudient et participent chacun, de manière constructive, au sein de l'Assemblée de l'université. Ce n'est déjà pas si mal avec, à la clé, une subvention de 340 millions de francs par année, payée par les contribuables genevois !

Pour conclure, le texte qui vous est soumis aujourd'hui est beaucoup plus simple, beaucoup plus efficace aussi, que l'actuelle loi. Il permettra à l'université de continuer son chemin; au parlement de suivre la marche de cette vénérable institution, et, si besoin est, de se pencher encore sur les articles de cette nouvelle loi qui pourraient ne pas donner satisfaction.

Nous acceptons, par conséquent, ce projet de loi en espérant avoir donné tous les outils nécessaires au succès de notre université.

M. Jacques Follonier (R). Il y a quelques mois, je me trouvais devant vous pour présenter le rapport de la commission de contrôle de gestion sur les difficultés rencontrées par l'université et les dérives qui se sont ensuivies...

Après avoir lu ce projet de loi sur l'Université, je tiens à remercier la commission de l'enseignement supérieur pour avoir suivi quelques points - points que je souhaiterais relever - que nous avions mentionnés dans le cadre de cette crise de l'université. Le premier était, bien sûr, le système de contrôle interne. Je constate avec plaisir que la loi prévoit que le système de contrôle interne sera pareil à celui de l'Etat; il n'y aura donc pas de différence.

Le deuxième point de satisfaction porte sur les activités accessoires. Nous souhaitions qu'elles soient déclarées: il se trouve qu'il est prévu dans la loi qu'elles seront forcément soumises à autorisation de l'université. C'est une excellente chose. Nous pourrions toutefois mettre un bémol, car les articles concernant le personnel ne parlent en rien du SIRH - le système interne des ressources humaines. Et c'est un regret que j'exprime dans le cadre de la discussion de ce soir, en espérant fortement que le département convaincra l'université de prendre vraiment en compte les ressources humaines à l'université.

Par contre, ce qui me pose un grave problème, c'est la convention d'objectifs et l'article 21. Cette convention d'objectifs, même si elle est extrêmement bien décrite dans la loi, si elle est claire et précise, n'existe pas aujourd'hui... Je vous rappelle que, lorsque nous avons voté la loi sur l'Université, il y a plusieurs années, une convention d'objectifs devait aussi être signée. Elle ne l'a pas été et elle a été complètement oubliée. C'est d'ailleurs ce qui a conduit à la fameuse crise de l'université.

Raison pour laquelle je ne voterai pas ce projet de loi ce soir. Parce que je ne peux pas le faire. Je l'avais déjà indiqué, du reste, lorsque nous avions rapporté dans ce plénum. Je ne voterai ce projet de loi sur l'Université que s'il est accompagné, dans le même temps, de la convention d'objectifs pour éviter ce qui est déjà arrivé il y a quelques années. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Je pourrai peut-être changer mon vote dans la mesure où le chef du département peut nous promettre qu'avant la fin 2008 un projet de loi dans ce sens sera présenté clairement et nettement à ce parlement et que cette convention d'objectifs correspondra tout à fait précisément à une convention d'objectifs moderne et efficace, et non pas à une sorte de palliatif permettant simplement à l'université de s'autogérer.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Chers collègues, vous êtes plusieurs à avoir parlé de consensus, et puis, au fur et à mesure de vos interventions, à avoir mis un certain nombre de bémols par rapport à cette loi. Alors, je préférerais quant à moi, peut-être plus sagement, parler de compromis... Mais ce compromis a été possible, et il prouve que, lorsque nous prenons le temps, nous arrivons à trouver des solutions qui sont acceptables pour tous. C'est une leçon que nous devrions retenir, ne serait-ce que pour la gouvernance des établissements publics, car nous avons vu une autre manière de procéder par le passé.

C'est vrai que les débats ont été longs: seize séances de trois heures, sans compter, comme l'a rappelé Mme Baud, les discussions sur les avant-projets, l'audition de Mme Dreifuss, etc. Et, jusqu'au bout, jusqu'à la dernière heure de la seizième séance, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'étions pas sûrs, au sein du groupe socialiste, de pouvoir voter cette loi, puisque, régulièrement, de nouveaux amendements étaient présentés par certains députés, et ces amendements auraient pu mettre en péril les équilibres prévus par la loi.

D'autre part, les débats n'ont pas toujours porté sur des questions essentielles. Je pense aux discussions d'ordre sémantique qui ont été interminables, et je dois dire que M. Mettan, avec la charité toute chrétienne qui sied à un député PDC, a su nous faire grâce des longs débats sur le fait de savoir s'il fallait ou pas employer le mot «faculté» ou l'expression «UPER» - pour les unités principales d'enseignement et de recherche - s'il fallait, comme certains ont réussi à le faire au mépris de toutes les règles de la langue française, parler de «conseil d'orientation stratégique» plutôt que de «comité»...

Au fond, tout cela est peu important au regard de l'essentiel... Parce que, au fond, pour le parti socialiste, l'essentiel est sauvegardé, Mesdames et Messieurs les députés ! Et, ce qui déplaît à M. Weiss - cela n'étonnera personne - nous convient ! D'une part, il n'y a pas de conseil d'administration... Il est clair que, si tel avait été le cas, nous n'aurions pas voté cette loi ! (Exclamations.)

D'autre part, le statut des enseignants n'est pas modifié: il reste sous contrat de droit public, même s'il y a un rachat possible des caisses de pension, même si une augmentation du traitement est possible, mais toujours avec l'approbation du Conseil d'Etat et sur dérogation. Bien sûr, le groupe socialiste regrette que tout n'ait pas été effectué sur ce point, mais cela fait partie des compromis qu'il faut accepter dans ce genre de situation.

Et puis, troisième point essentiel pour les socialistes - cela a été dit tout à l'heure par M. Thion - les taxes universitaires resteront du domaine politique et, donc, soumises à référendum. De plus, elles seront fixées dans le cadre des montants de celles des Hautes écoles suisses, ce qui permet tout de même de garantir certaines limites.

Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs les députés, cette nouvelle loi était nécessaire... Chacun, je crois, dans ce parlement, a affirmé que l'université devait avoir une plus grande autonomie. Dans son rapport, M. Mettan dit - très justement, d'ailleurs - que l'université a connu des problèmes de gouvernance, notamment au regard du pouvoir des décisions éclatées entre de multiples organes qui se neutralisent les uns les autres. Vous vous rappelez peut-être - il n'y a pas si longtemps de cela - l'épisode de la faculté ou de l'Institut de l'environnement... Le rectorat avait proposé une faculté, dans une première version d'un projet... Le Conseil de l'université voulait un institut... En fin de compte, le projet avait été bloqué.

Donc, réaliser une loi qui permette une meilleure gouvernance, c'était un peu la quadrature du cercle ! Il fallait octroyer une plus grande autonomie à l'université, tout en maintenant un contrôle politique... Il fallait clarifier les responsabilités en interne, tout en évitant de déboucher sur un système autocratique... Je dois le dire, plus nous avons avancé dans ce projet de loi - et je reconnais très humblement qu'au début je faisais partie des personnes sceptiques sur l'avant-projet et le travail de la commission Dreifuss - plus nous avons constaté, au fond, que les équilibres proposés étaient intéressants.

Ainsi, si le recteur est nommé par le Conseil d'Etat, s'il a plus de pouvoir qu'aujourd'hui - c'est très clairement lui, avec cette nouvelle loi, qui est le pilote dans l'avion - n'oublions pas qu'il est d'abord désigné par une assemblée - l'Assemblée de l'université. Et cette assemblée - c'est important de le rappeler, même si elle n'est pas paritaire dans sa composition - comprend non seulement des membres du corps professoral et des collaborateurs de l'enseignement et de la recherche, mais aussi des représentants du personnel administratif et technique et des étudiants. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Quant au contrôle politique, indépendamment de celui du Conseil d'Etat, n'oublions pas que le Grand Conseil restera quand même maître du budget et de la ratification de la convention d'objectifs.

Nous avons des regrets - Mme Keller en parlera après - mais je n'en mentionnerai qu'un, ne serait-ce que pour répondre à certains d'entre vous. Je veux parler des activités accessoires. Nous sommes effectivement très heureux que ces activités accessoires soient soumises à autorisation, mais il n'y a pas si longtemps - c'était en mars 2006 - la commission de l'enseignement supérieur avait adopté à l'unanimité un projet de loi qui consistait à soumettre les activités accessoires à autorisation, mais, également, à rétrocession. Et la seule personne qui s'était opposées et qui avait fait un rapport de minorité - il s'agit de M. Weiss - disait très clairement...

M. Pierre Weiss. Ce n'est pas à l'unanimité, alors !

Mme Anne Emery-Torracinta. Attendez, attendez ! Si ! Vous aviez accepté le principe de la rétrocession à l'unanimité ! Je cite M. Weiss, qui, dans son rapport sur le projet de loi 9558-A, parlait des: «ressources que l'Université est en droit de tirer des activités accessoires de ses professeurs à plein temps» en effectuant une retenue, prenant la forme d'un taux fixe. Comme quoi, Mesdames et Messieurs les députés, l'eau coule assez rapidement sous les ponts et les opinions changent parfois !

M. Gilbert Catelain. On évolue !

Mme Anne Emery-Torracinta. En conclusion, j'aurais pu, quarante ans après mai 68, vous dire: «Soyons réalistes, demandons l'impossible !» - comme certains, Monsieur Rossiaud, l'auraient souhaité, si j'en crois «Le Courrier» d'hier - mais je préfère citer Gambetta - pas le Maréchal Foch, il est trop à droite, alors que Gambetta était un radical que je qualifierai de gauche... Gambetta disait: «La politique est l'art du possible.» Eh bien, je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons démontré, compte tenu des rapports de force dans ce parlement, qu'il n'y avait pas de meilleure loi possible pour l'Alternative, pour le parti socialiste.

Cela dit, nous serons attentifs à plusieurs points, notamment à la question éthique concernant les fonds privés et, également, concernant l'accessibilité des étudiants au niveau des taxes, qu'il s'agisse des bachelors ou des masters. (Applaudissements.)

M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues députés, je ne peux pas préjuger ou juger la loi qui nous est présentée ce soir, mais je reste un tant soit peu perplexe... Très certainement, cette loi apporte des améliorations, mais ce n'est pas la panacée si l'on considère tous les problèmes que nous avons rencontrés ces dernières années avec l'université. Qu'on lui octroie ou non l'autonomie, celle-ci a toujours été une grande dame qui s'est autogérée. Je trouve, pour ma part, que c'est une très bonne chose de la laisser s'autogérer, parce que nous n'avons pas à intervenir dans le travail de ce qui constitue notre élite intellectuelle et, surtout, dans la formation de nos intellectuels.

Par contre, j'aimerais tout de même rappeler - dans la mesure où, en bons citoyens, nous payons nos impôts - qu'une subvention de 300 millions est octroyée à l'université chaque année. Nous pouvons donner cette somme avec plaisir, parce qu'elle réalise quelque chose d'intéressant, mais nous ne devons pas le faire sans exercer de contrôle.

La dernière loi sur l'université prévoyait quelque chose de très intéressant, je veux parler de la convention d'objectifs. Voilà bientôt sept ans, et elle n'a toujours pas été réalisée. Et, maintenant, nous devons voter une nouvelle loi qui, certes, améliore certains points de détail, sans résoudre le problème fondamental, et qui ne propose toujours pas de convention d'objectifs ! Si notre démarche intellectuelle avait été raisonnable et, surtout, rationnelle, nous aurions commencé par rédiger une convention d'objectifs et nous aurions adopté une nouvelle loi qui soit conforme. Aujourd'hui, nous allons adopter une nouvelle loi qui prévoit cette convention d'objectifs - comme c'était le cas avec la dernière loi - mais nous n'avons toujours pas voté de convention d'objectifs !

Je ne veux pas entrer dans les détails, parce que presque tout a été dit ce soir, mais je crois quand même que rien n'a été résolu, tant au niveau de la gestion du personnel que de la gestion financière de l'université. Le personnel administratif et technique est quand même toujours soumis à la procédure des fonctionnaires. Une amélioration a toutefois été apportée en donnant la possibilité de mieux rémunérer les professeurs ou les enseignants, plutôt que d'utiliser des subterfuges comme payer des caisses de pension - versements qui, de plus, sont exonérés fiscalement - pour compenser des salaires qui ne sont pas augmentés.

Mais ce n'est pas là que le bât blesse; le problème, c'est que l'on n'a pas résolu fondamentalement celui de la gestion de l'université. A mon avis, il ne pourra vraiment être résolu qu'au moment où la convention d'objectifs sera la base de la collaboration entre l'Etat et l'université: l'université promet de rendre un service en contrepartie de la subvention octroyée par l'Etat.

C'est la raison pour laquelle - contrairement à mon groupe, qui préfère un petit progrès que rien du tout - je m'abstiendrai de voter.

Mme Virginie Keller (S). Les socialistes se sont longuement exprimés sur le contenu de la loi. C'est vrai, nous avons présenté beaucoup d'amendements en commission: nous avons essayé durant l'année de nos travaux de défendre une université ouverte à la population et la démocratisation des études - ce sont les fondements des idées des socialistes en matière d'éducation. Nous savons aujourd'hui que l'enseignement, les systèmes de formation font partie des enjeux fondamentaux de la planète - des nouveaux enjeux fondamentaux, pourrait-on dire. La mondialisation de l'enseignement, c'est la musique de l'avenir; on le sait, les enjeux en la matière sont extrêmement importants. D'ailleurs, ces dernières années, nous constatons que les initiatives, les référendums et les projets de lois, en ce qui concerne les enjeux éducatifs, augmentent à une rapidité incroyable. Et nous savons, nous les socialistes, qu'il faudra être extrêmement attentifs à ces questions.

En commission, nous avons évidemment défendu le fait que l'université reste du domaine du service public, mes collègues en ont parlé longuement tout à l'heure. Nous avons proposé des amendements pour augmenter les compétences de l'Assemblée de l'université, car il nous semblait important que cet organe soit réellement pris au sérieux. Nous avons également proposé des amendements concernant la composition de cette assemblée pour qu'elle soit plus démocratique, Mme Anne Emery-Torracinta l'a relevé. Nous avons perdu sur un certain nombre de sujets, c'est vrai, mais nous avons gagné sur les plus importants à nos yeux, et cela a aussi été signalé. (Brouhaha.)

Se pose aujourd'hui la question ayant trait à ceux qui ne voteront pas cette loi, parce que la convention d'objectifs n'a pas été signée. Cela a été un sujet de débats très longs au sein de la commission de l'enseignement supérieur. C'est d'ailleurs pour cela que la convention nous a été présentée lors de nos travaux en commission - je m'adresse à M. Follonier et à M. Jeanneret qui n'ont peut-être pas lu cela dans le rapport de commission. Quoi qu'il en soit, la convention sera présentée cet automne dans sa forme définitive et il nous a été assuré qu'elle respecterait les lignes du document présenté. (Brouhaha.)

A partir de là, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'il s'agit d'une question de confiance... Mais on ne peut pas, d'une part, voter l'autonomie de l'université et, d'autre part, ne pas accorder sa confiance à l'université ! Et, sur ce point, vous m'étonnez, Monsieur Follonier ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) En effet, si nous voulons être cohérents avec le travail que nous avons effectué en commission et avec notre vote à l'unanimité, nous devons aller jusqu'au bout et faire confiance à l'Assemblée de l'université, au Rectorat, au Conseil d'orientation stratégique, à la commission d'éthique, et à toutes les commissions qui seront mises en place pour nous présenter rapidement cette convention.

Nous avons insisté - ce n'est malheureusement pas relevé dans le rapport de commission, donc je le signale ce soir - sur un point qui nous semble très important. Nous pensons qu'il faut, dans cette convention d'objectifs, inscrire des calendriers plus précis, sur les réalisations notamment et, nous l'avons dit à plusieurs reprises, en ce qui concerne la question du statut de certains enseignants. Je pense évidemment au statut du MER, puisque, depuis de nombreuses années, l'université ne remplit pas son mandat consistant à clarifier ces statuts-là. Nous espérons que, cette fois, les choses aboutiront et que nous arrêterons de tourner en rond. Nous avons à plusieurs reprises insisté sur cette question, et nous recommençons ce soir.

Enfin, nous nous sommes demandé, au début des travaux de la commission de l'enseignement supérieur, s'il fallait dissoudre cette dernière une fois l'autonomie de l'université octroyée. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, comme Mme Hagmann l'a rappelé - fort à propos, à mon avis - nous avons reçu, dans le cadre de cette commission, un certain nombre d'informations. Nous avons, ces derniers temps, étudié la question des HES, ce qui a été très intéressant, et nous nous rendons compte qu'effectivement les enjeux de l'université et des HES sont aujourd'hui extrêmement importants et qu'il se passe beaucoup de choses dans le paysage universitaire suisse.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons - contrairement aux messieurs de la droite et de l'extrême droite qui se sont tout à l'heure longuement épanchés sur le fait que le politique ne devait pas trop s'occuper de l'enseignement - eh bien, nous pensons que nous le devons ! Nous devons plus que jamais être présents dans le domaine de l'enseignement, et notre commission doit suivre l'évolution de l'enseignement supérieur à Genève - les HES-SO, les accords intercantonaux, la politique fédérale - car il est très important aujourd'hui que nous puissions défendre les enjeux auxquels nous croyons. Nous sommes donc d'avis que la commission de l'enseignement supérieur doit poursuivre ses travaux - et je pense que nous risquons bien d'avoir prochainement beaucoup de travail sur ces questions.

Nous, socialistes, pensons aussi que l'université a une mission extrêmement importante, qui n'a pas été citée tout à l'heure par M. Saudan... Je ne sais pas s'il s'agissait d'une omission volontaire ou non. Quoi qu'il en soit, il a, bien sûr, indiqué que l'une des missions de l'université consistait à contribuer à l'économie, en insistant sur le mot «économie». Nous, nous insistons sur le développement culturel et social de notre société ! M. Saudan a oublié de citer l'article 3, auquel les socialistes tiennent particulièrement. Ne serait-ce que pour préserver cet article relatif à l'avenir de notre jeunesse et à la formation en Suisse, nous pensons qu'il faut continuer à siéger. Cet article 3, intitulé «Egalité», stipule: «L'Université contribue à la démocratisation du savoir et promeut l'égalité des chances.»

Ce soir, nous les socialistes, nous voulons rendre hommage à ce parlement, qui non seulement va donner de nouveaux moyens à ce service public qu'est l'Université, mais qui consacre à nouveau l'égalité des chances qui est inscrite dans l'article 3 ! (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. J'aimerais tout d'abord rassurer MM. Follonier et Jeanneret concernant la convention d'objectifs. Comme Mme Keller l'a rappelé, la convention d'objectifs nous a été présentée à deux reprises à la commission de l'enseignement supérieur. Et, si vous lisez bien le rapport à la page 33, vous verrez que la commission de l'enseignement supérieur a préavisé favorablement cette convention. Donc, cette convention d'objectifs existe ! Nous l'avons vue; nous l'avons examinée; nous avons émis des critiques, des recommandations et des souhaits, qui figurent dans le rapport.

J'ai hésité à joindre cette convention à ce rapport, ce qui aurait été possible, puisqu'elle nous a été montrée. Réflexion faite, j'ai trouvé qu'il était préférable de ne pas l'annexer, parce que le sujet qui nous occupe ce soir, c'est la loi sur l'Université. C'est-à-dire le cadre général dans lequel l'université du futur doit travailler. La convention d'objectifs est une concrétisation de cette loi, et je pense qu'il aurait été malheureux que l'on confonde les deux choses et que le débat de ce soir porte essentiellement sur des détails de la convention d'objectifs, alors que ce qui nous intéresse d'abord, c'est de fixer la loi-cadre, comme le disent les Alémaniques, de notre université. Cette convention nous sera adressée, le projet de loi sera déposé - M. Beer va nous le confirmer tout à l'heure - et la commission s'en saisira dès la rentrée.

Certes, la loi qui nous est proposée ce soir n'est pas parfaite, beaucoup de réserves ont été émises. Je note encore avec surprise une réaction de M. Rossiaud, dans le «Courrier» d'hier, qui trouvait que: «la montagne avait accouché d'une souris», alors qu'il a participé à tous nos travaux ! Je dois dire avoir été assez surpris par cette manière de voir les choses. Cette loi n'est pas parfaite... C'est obligé, dans la mesure où certains voudraient un conseil d'administration composé d'un seul membre pour diriger l'université, alors que d'autres voudraient une assemblée universitaire formée de soixante personnes; certains souhaiteraient une université qui soit un clone de Novartis, et d'autres qu'elle soit un îlot de cogestion; certains désireraient interdire l'accès des capitaux privés et de l'esprit d'entreprise à l'université, et d'autres qu'elle soit soumise à la loi du privé... Cela, c'est le débat idéologique, c'est le débat politique !

Je pense que l'université - et c'est le résultat du compromis qui a été trouvé - doit précisément échapper un peu à la politique et qu'elle ne doit pas devenir le champ clos des batailles idéologiques. Il me paraît que c'est tout le mérite de ce projet de loi que de proposer cette autonomie, dont il a été beaucoup question dans les débats. A mon avis, ce projet de loi est ambitieux, car il propose, au fond, un saut qualitatif, un changement de cap, un changement de paradigme, qui fait entrer notre université de plain-pied dans le XXIe siècle, en la mettant au même niveau que les autres universités suisses, l'Université de Lausanne, de Zurich et, surtout, des Ecoles polytechniques fédérales.

Désormais, l'Université de Genève a tout pour réussir. Je pense qu'elle mérite notre confiance et qu'elle saura tirer parti de tous les atouts qu'elle a dans ses mains pour, comme le dit très bien sa devise, «faire briller la lumière dans les ténèbres».

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je souhaite, dans un premier temps, intervenir sur quelques aspects purement formels.

J'adresse tout d'abord mes plus vifs remerciements à l'ensemble de la commission de l'enseignement supérieur pour la qualité du travail effectué, la densité de la réflexion, la capacité de discerner l'idéal de chacun et chacune de l'intérêt général, qui a en tout temps été privilégié.

Je tiens aussi à remercier tout particulièrement les deux présidents qui ont guidé nos travaux: M. Thion, qui est président en exercice, et M. Bertinat, qui l'a précédé dans cette fonction. Je veux ici exprimer ma très haute estime pour la manière dont ils ont guidé ces travaux. Je tiens également à adresser mes remerciements à M. Guy Mettan pour la qualité de son rapport, qui nous permet de prendre connaissance, de façon précise et exacte, de nos travaux et, également, d'en tirer les lignes de force, à savoir les éléments qui charpentent la loi que nous allons adopter ce soir.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je désire prendre la parole avant le vote d'entrée en matière, étant donné un certain nombre de déclarations concernant la convention d'objectifs, pour rappeler ceci. Une des plus grandes ambitions de la loi est de demander au parlement de se dessaisir d'un certain nombre de ses compétences, respectivement au profit de l'Université, du Conseil d'Etat, à travers un outil de pilotage qui est la convention d'objectifs.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais souhaité que nous puissions voter ladite convention d'objectifs avant de voter la loi, mais c'est légalement impossible, pour la simple et bonne raison suivante. Etant donné le transfert des compétences que contient la loi que nous devons voter, la convention d'objectifs ne peut être validée, en regard des nouvelles compétences, qu'une fois le texte de la loi adopté.

Mesdames et Messieurs les députés, cela aurait été plus simple - je suis d'accord avec vous, Monsieur Follonier - de pouvoir visualiser totalement, pleinement, par un vote sécurisé, que le transfert des compétences, en termes de délégation, ne rime pas avec abandon de compétences. Alors, nous avons décidé d'une méthode de travail, et je tiens à préciser, par rapport à cette méthode de travail, que le Conseil d'Etat s'est beaucoup investi. Et je ne parle pas seulement du département de l'instruction publique: j'en en effet eu la chance de pouvoir compter sur le grand engagement de mes deux collègues, M. Pierre-François Unger et M. François Longchamp, pour élaborer cette convention d'objectifs du point de vue du Conseil d'Etat. Nous l'avons négociée âprement - et c'était un premier exercice du genre - avec le Rectorat, et j'ai pris l'engagement, devant la commission, de présenter le projet de convention d'objectifs avant que le parlement ne vote, en troisième débat, le texte que nous proposons ce soir. Cela a d'ailleurs été décidé à l'unanimité de la commission, qui a non seulement admis la méthode, mais qui a effectué un vote positif par rapport à cette convention d'objectifs, de manière à montrer qu'elle tenait à ce que la promesse du Conseil d'Etat devienne réalité et que celui-ci tienne le serment qu'il a fait vis-à-vis du parlement.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à prendre en compte non pas la parole du Conseil d'Etat - qui doit quand même être respectée - mais tout particulièrement les travaux de qualité de la commission, qui, pour pouvoir se déterminer librement, a compté sur la présentation de cette convention d'objectifs.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10103.

Mis aux voix, le projet de loi 10103 est adopté en premier débat par 56 oui contre 1 non et 5 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 50.

Mis aux voix, l'article 51 (souligné) est adopté.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je voudrais, avant le vote de cette loi, vous faire part de quelques éléments d'analyse du Conseil d'Etat. Je dirai d'abord que la loi qui ressort de commission a pour but de dégager très clairement les responsabilités des différents corps de l'Université, respectivement des unités principales d'enseignement et de recherche, du Rectorat, de l'Assemblée de l'université, mais, également, du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Terminé, le flou de la loi actuelle - je le souhaite - qui permettait que tout le monde se prononce sur tout sans que personne ne soit responsable de rien !

L'autonomie sera accrue; elle devra correspondre à un certain nombre de devoirs de la part de l'université, en termes de contrôle sur le plan financier, par un système d'audit interne, sur un plan éthique, avec un comité d'éthique, avec l'enrichissement d'un conseil stratégique pour guider ses travaux, pour une université qui inscrit son devenir dans le service public, un service public moderne, basé sur l'autonomie et la responsabilité de l'institution, pariant également sur sa capacité à tisser des liens avec le privé pour davantage d'émulation, de coopération et, finalement, de richesse pour chacun et chacune à Genève.

Mesdames et Messieurs les députés, s'il y a un élément que je tiens à mettre en avant dans cette loi, c'est cette capacité à dégager un rectorat fort, tout en maintenant une tradition participative engagée, mais également adaptée au nouveau système proposé. Ainsi, le Rectorat se trouvera, du point de vue de la convention d'objectifs, avoir pour partenaire direct le Conseil d'Etat, sachant que le premier rendra compte à l'Assemblée de l'université, alors que le second rendra compte devant votre Conseil.

Il y a donc une responsabilité directe, une lisibilité de chaque engagement, et je pense que le fait de ne pas avoir de conseil d'administration à ce stade ne peut que clarifier la responsabilité de chacun et chacune dans cette période où il est particulièrement nécessaire de compter sur un rectorat fort.

Mesdames et Messieurs les députés, je salue le fait que la question des taxes de cours, les taxes d'immatriculation, ne représente pas un enjeu de cette loi... Vous avez décidé avec sagesse de laisser cet aspect à votre gouverne par une loi qui devra fixer les taxes de cours, sachant que chacun et chacune y est favorable pour autant que leur montant soit raisonnable.

Je tiens à affirmer ici que la commission de l'enseignement supérieur a effectué un travail de très grande qualité, qui suit d'autres travaux du Grand Conseil. Et je voudrais, si vous me le permettez, vous les remémorer très rapidement. En effet, votre Conseil a sagement accepté de suspendre nombre de projets de lois, qui prévoyaient d'ajouter de multiples modifications à une loi qui se trouvait directement issue de mai 68 par un vote du Grand Conseil de 1973, avec des révisions incessantes, toujours partielles, et, finalement, contradictoires dans leur philosophie.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez mis ces lois de côté avec discernement: vous avez renoncé à légiférer en attendant le moment essentiel que représente le vote d'une nouvelle loi. Nous voici aujourd'hui, ce soir, face à cette responsabilité.

Je reviendrai encore, l'espace de quelques mots, sur ce que l'on a appelé la «crise de l'université»... A l'évidence, s'il y a eu crise de l'université, cela signifie qu'il y a eu des manquements individuels - en fin de compte un cas pénal. Si cette crise est survenue, c'est parce que le rectorat se trouvait affaibli par des changements systématiques tous les quatre ans et parce que, finalement, l'administration était devenue un pouvoir indépendant, de même que les facultés, ce qui rendait le bateau quelque peu ivre lorsqu'il fallait édicter des normes s'appliquant à tous et permettant trop souvent à l'intérêt individuel de passer avant l'intérêt collectif de la communauté universitaire.

La capacité de réagir n'a pas été suffisamment forte. L'Inspection cantonale des finances a relevé un certain nombre de manquements. Des rapports d'audit, qui ont eu de la peine à émerger à la surface, ont également révélé un certain nombre de difficultés, un certain nombre de manquements et d'irrégularités. Nous avons donc, sur cette base, avec notamment en appui - j'ose le dire - la commission de contrôle de gestion, décidé de dénoncer certains cas et, surtout, de mandater Thierry Béguin, ancien procureur général de la République de Neuchâtel et ancien président du Conseil d'Etat, pour venir mener cette enquête générale. Celle-ci répond pratiquement à toutes les questions et émet toute une série de recommandations, qui ont été suivies de bout en bout par la commission et, régulièrement, par le Conseil d'Etat, dans les rencontres qu'il entretient avec le Rectorat.

Ce travail d'enquête générale a été suivi par la mise en place de la commission externe, présidée par Ruth Dreifuss, à laquelle je rends un hommage appuyé, parce que, sans sa sagesse, sans sa très grande compétence et, surtout, sans la considération dont elle fait l'objet, jamais nous n'aurions pu avancer de cette manière. Il faut dire en outre qu'elle a su s'entourer d'un certain nombre de personnes sur laquelle elle a pu compter, dont les compétences en la matière sont notoirement reconnues. Il se trouve que l'université n'aura pas participé pleinement directement, comme habituellement, à l'élaboration de cette loi... (Hors salle du Grand Conseil, exclamations relatives à l'Eurofoot 2008.) Il n'en demeure pas moins que le travail effectué n'est pas encore un but marqué, mais il représente une avancée spectaculaire ! (Rires. Applaudissements.)

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous préciser que, lors de la gestion de cette crise, j'ai encore une fois pu apprécier la très grande solidarité du Conseil d'Etat qui s'est manifestée, au-delà des travaux que je viens de rappeler, sur deux objets essentiels: la démission d'un rectorat en plein été, in corpore, la nomination d'un rectorat dit ad interim. Ce dernier a joué un rôle remarquable, puisqu'il a restauré la confiance en une année; il a également su faire les recherches nécessaires pour trouver les personnalités acceptant d'être désignées directement par l'autorité politique, sans reconnaissance académique préalable, sous l'angle de la proposition au Conseil d'Etat.

Je tiens aussi à rendre un hommage tout particulier, si vous me le permettez - et cela est un peu paradoxal dans ma bouche - au président du Conseil de l'Université. M. Mayou s'est en effet montré engagé, discret, efficace, tout au long de cette crise, au côté du Conseil d'Etat. Il a été disponible pour l'ensemble des contacts, acceptant de s'impliquer bien au-delà de ce qu'il devait, et j'ai pu compter sur son appui constant. C'est une personne tout à fait remarquable, sur laquelle je souhaite que nous puissions encore compter à l'avenir, tant ses compétences ont été appréciées par l'ensemble des acteurs, que ce soit à l'université ou au Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai dit tout à l'heure que j'évoquerai rapidement la crise de l'Université. Je conclurai en disant que le mot «crise» a un sens, s'il permet à celle-ci de se poser des questions, de vivre une situation de malaise en ayant la perspective de s'en trouver renforcée. Aujourd'hui, je suis en mesure d'affirmer que l'Université de Genève se porte bien, parce qu'elle est toujours mondialement reconnue, parce qu'elle est capable d'évoluer, parce qu'elle a su traverser cette phase difficile, parce qu'elle a su reprendre un rythme normal en désignant un nouveau rectorat - auquel je rends également hommage pour son engagement - et parce qu'elle a su accepter une toute nouvelle donne, dont la définition de départ lui aura échappé. Une crise qui renforce l'université, nous en avions besoin, parce que, comme l'a dit tout à l'heure Mme la députée Hagmann, la Suisse - Genève, en particulier - doit être une société de la connaissance, basée sur un enseignement supérieur de qualité, sur une recherche forte, mais également profilée, fondée sur une liberté académique renouvelée, dont l'essentiel consistera, pour l'avenir, en de très fortes collaborations entre l'Université de Genève, les universités de Suisse occidentale, la HES-SO de Genève, mais, également, avec l'Institut de hautes études internationales et de développement et, on peut rêver - pourquoi pas ? - demain, avec l'EPFL à Genève.

Merci pour votre engagement. Je souhaite que ce vote soit le plus clair possible au profit de l'Université de Genève, qui, je le répète, sort de cette crise encore renforcée et qui représente un atout, une valeur, dont Genève peut être fière ! (Applaudissements.)

Troisième débat

La loi 10103 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10103 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 1 non et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10103

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur ! (Applaudissements.) Je vous remercie également tous, Mesdames et Messieurs les députés, de la qualité de ce débat ! Nous prenons maintenant le dernier objet à traiter en urgence, soit le point 49 de notre ordre du jour.

RD 707
Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil sur l'avis d'experts mandatés par le Bureau du Grand Conseil concernant la pétition des détenus de Champ-Dollon de mars 2006
Rapport de M. Renaud Gautier (L)

Débat

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur, de bien vouloir prendre place. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, merci de faire silence, même si quelques-uns partent voir le match. A ce propos, nous ne savons pas du tout quel est le score - ici, nous ne savons rien ! Si quelqu'un pouvait nous informer, ce serait bien. (Commentaires.) Un à zéro ? Pour qui ? (Commentaires. Brouhaha.) Non, deux à zéro... Pour la Hollande, c'était à prévoir ! (Rires. Exclamations.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Renaud Gautier (L), rapporteur. Vous me voyez tout à fait fâché, Madame la présidente, de revenir à des sujets beaucoup plus terre à terre... L'Eurofoot a un avantage, c'est qu'il permet de temps à autres de croiser de belles âmes. Cela été mon cas, mercredi soir sur la Fan Zone. J'en profite donc pour remercier Frédéric Hohl du travail extraordinaire qu'il a effectué et qui m'a amené à réfléchir, peut-être plus intensément, au silence assourdissant de désintérêt qui a accompagné la sortie de ce rapport...

Alors, pourquoi ce désintérêt ? (Brouhaha.) On pourrait, évidemment, se demander si les experts étaient des personnes compétentes... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Vraisemblablement pas ! Chacun de ces trois experts ayant une réputation indiscutable sur le plan international, ce n'est pas la bonne raison, parce que l'on ne peut supposer qu'ils pourraient être mauvais à Genève s'ils sont bons ailleurs.

Etait-ce la bonne méthode ? Peut-être ! Encore eût-il fallu qu'on la change ou que l'on effectue une autre étude ayant la même portée avec une autre méthode. Cela aurait peut-être permis de déterminer ce qui était faux dans celle qui a été adoptée.

Enfin, le tout était-il si mauvais que cela ? Je n'en sais rien ! Je constate simplement qu'un grand nombre des hypothèses développées dans ce rapport sont reprises dans les observations préliminaires formulées par la délégation du Comité européen contre la torture, ce qui tendrait à valider les qualités de ce rapport.

Faut-il, au contraire, chercher la réponse dans le fait que nous étions dans une démarche somme toute originale ? Pour une fois, c'est le pouvoir législatif qui s'est saisi d'un problème, qui a décidé de le traiter et qui a eu une certaine difficulté à trouver une collaboration de qualité tant avec le pouvoir exécutif qu'avec le judiciaire. (Brouhaha.) Mais j'ai peine à penser que ces batailles, finalement assez traditionnelles, soient la raison de ce silence - qui ne règne pas dans cette salle, soit dit en passant !

Il faut donc réfléchir à la problématique du silence... Qu'est-ce que le silence ? Ou, quels sont les silences ? Il y a, bien évidemment, le silence du politique, et l'histoire de l'humanité est faite de ces silences pesants du politique qui n'a pas su, à un moment donné ou à un autre, élever la voix pour défendre tel ou tel projet ou telle ou telle infamie. L'Histoire du XXe siècle en est douloureusement marquée.

S'agit-il du silence des médias ? Concept relativement curieux par les temps qui courent, je vous l'avoue, mais qui, effectivement, pourrait inciter, du moment que les médias ne s'intéressent pas à quelque chose, à dire que cela n'est pas intéressant...

S'agit-il du silence des intellectuels ? Là aussi, l'histoire contemporaine est marquée de ces silences qui, après un certain temps, ont été reprochés aux uns et aux autres. Vous n'avez pas pris la parole quand il le fallait !

Alors, parallèlement ou en contradiction avec le silence, il nous faut réfléchir à la parole ou au sens de la parole. Euripide, Platon, Kant - qui sont, soit dit en passant, non pas des joueurs bataves, mais des philosophes - parlent de la démocratie comme du droit de la parole donné à tous... Pas dans le sens d'une condition formelle, telle que Habermas l'avait décrite, mais bien comme un exercice de vérité: l'exercice concret de la démocratie à travers la parole. Car il y a, Mesdames et Messieurs, deux types de parole: celle du flatteur et celle du «paresiaste»...

Qu'est-ce que le «paresiaste» ? Pour celles et ceux d'entre vous qui n'ont pas étudié le grec ancien à l'université, «paresia» vient du grec, qui signifie «la vérité». L'éducation à la vérité était tellement délicate à Athènes que le jeune homme qui désirait pratiquer l'honnêteté avait recours au «paresiaste». Ce n'était ni un ami ni un subalterne, dont l'affection ou l'intérêt aurait pu brouiller son jugement, mais quelqu'un qui était là pour l'aider et le guider dans la «paresia», à savoir le courage de dire vrai.

Comme certains, qui ont perdu la vie - à commencer par Socrate - créaient des habitudes de «paresia» dans la société en encourageant la pratique de la vérité ou du dialogue, plutôt qu'en punissant occasionnellement un menteur, bouc émissaire, on pourrait obtenir les mêmes effets en s'habituant à résoudre pacifiquement les conflits, au lieu de faire la guerre pour gagner la paix.

La parole qui flatte contre la parole de celui qui recherche la vérité à tout prix: le dire vrai ! En fait, ce rapport ne représente-t-il pas, justement, le combat du dire vrai contre le silence ? Le mensonge et la vérité, comme la guerre et la paix, sont des pratiques sociales qu'aucun machiavélisme ne peut gérer au nom d'une vérité absolue ou d'un pouvoir tout puissant.

Il s'agit donc maintenant, Madame la présidente, de tirer le constat suivant: le silence, la parole, puis l'écoute, voilà le trajet de ce rapport ! La parole et l'écoute: c'est effectivement ce qu'on peut lui souhaiter pour le futur ! (Quelques instants s'écoulent.)

La présidente. Vous avez terminé, Monsieur le rapporteur ?

M. Renaud Gautier. Momentanément ! (Rires.)

La présidente. «Momentanément» ! (Rires.) Très bien, nous en prenons bonne note ! Je donne la parole à Mme Esther Alder.

Mme Esther Alder (Ve). Depuis des années, la commission des visiteurs officiels tire la sonnette d'alarme en ce qui concerne la détérioration des conditions de détention provoquée par l'augmentation exponentielle du nombre des détenus à Champ-Dollon.

Tout le monde s'accordera sur le fait que tout délit mérite sanction. Il n'en demeure pas moins qu'actuellement la situation de la personne arrêtée ou en détention préventive n'est pas acceptable. L'avis d'experts: Mme Barbara Bernath, MM. Jean-pierre Restellini et Christian-Nils Robert - dont je tiens à saluer l'excellence - a apporté un éclairage particulier sur la complexité et les défaillances du système policier, judiciaire et pénitentiaire.

J'aimerais saisir l'opportunité de cette prise de parole pour appuyer un certain nombre de recommandations. En premier lieu, en ce qui concerne la personne arrêtée, une chose est importante... (Hors salle du Grand Conseil, exclamations relatives à l'Eurofoot 2008. L'oratrice s'interrompt. Commentaires.) Oui, je crois qu'un but a été marqué ! (Commentaires. Rires.)

Plus sérieusement. Pour la personne arrêtée, disais-je, il est impératif que des traducteurs assermentés puissent être au service de la procédure. Etant donné la pluralité culturelle de la population genevoise, il faut s'assurer que les propos des uns et des autres soient transmis avec précision, or ce qui se passe actuellement relève du bricolage. Cette situation est inacceptable eu égard aux conséquences qu'une mauvaise interprétation peut entraîner.

L'anticipation du code de procédure pénale, qui permet à une personne d'être assistée dès son arrestation par un avocat, est une recommandation importante, et les Verts souhaitent vivement que le département des institutions oeuvre dans ce sens.

Enfin, il est urgent - et M. le conseiller d'Etat Moutinot s'y était engagé - de créer une instance de contrôle unique pour tous les fonctionnaires qui exercent une autorité. Trop de plaintes, notamment en cas d'allégations de mauvais traitement, passent à travers les mailles du filet et restent sans suite.

A présent, j'aimerais passer au volet judiciaire. On a réellement l'impression que c'est le domaine des «intouchables»... Pourtant, les experts ont mis le doigt sur des dysfonctionnements réels. Le pouvoir judiciaire porte une grande responsabilité dans la situation de surpopulation pénitentiaire extrême, soit, par moment, plus de 500 détenus pour - je le rappelle - 260 places ! A Genève, la période de détention avant jugement est la plus élevée de Suisse et les pratiques judiciaires en sont manifestement la cause.

Pour exemple - je cite des chiffres de l'Office fédéral de la statistique de septembre 2007 - la moyenne suisse de détention avant jugement est de 25 personnes pour 100 000. A Genève, on arrive à 67 pour le même nombre de personnes ! C'est donc vraiment disproportionné. On peut affirmer qu'à Genève la présomption d'innocence n'est pas de mise... Le risque de fuite est trop souvent invoqué et interprété abusivement pour justifier la détention. Les prolongations des mandats d'arrêts sont plus souvent utilisées pour le confort des magistrats que par nécessité de l'enquête. Par conséquent, il faudrait limiter la durée de ces mandats d'arrêts à huit jours maximum, comme le recommandent les experts.

Quant aux juges d'instruction - sans vouloir généraliser, parce que, j'en suis sûre, certains effectuent leur travail consciencieusement - on a l'impression qu'ils ne font qu'empiler des dossiers - et font davantage penser à une caisse d'enregistrement - alors que leur rôle est véritablement de vérifier les motifs de la détention.

Et pour finir, «en bout de chaîne»... Champ-Dollon. Avec la construction de La Brenaz, on avait beaucoup espéré que la population pénitentiaire diminuerait. Or il n'en est rien, comme cela a été relevé à plusieurs reprises. Malgré les places dégagées par La Brenaz, la prison de Champ-Dollon est toujours aussi surpeuplée.

Nous trouvons que les conditions de détention à Champ-Dollon sont catastrophiques. Comme je l'avais signalé il y a peu de temps, le droit des détenus n'est pas respecté: on mélange les primaires avec les condamnés. Et, parfois, six personnes partagent la même cellule et couchent sur des matelas à même le sol.

Par ailleurs, les conditions de travail des gardiens s'en trouvent affectées, elles sont même déplorables. J'ai entendu dire qu'à un certain moment, le soir, ils n'étaient plus que six gardiens, compte tenu du grand nombre d'heures supplémentaires que les uns et les autres doivent récupérer. C'est tout à fait inacceptable ! Il est du reste étonnant qu'une explosion de violence n'ait pas encore eu lieu dans cet établissement. Et je ne parle pas de la démission récente de M. Beausoleil, faute d'appui au niveau de l'exécutif... A mon avis, Champ-Dollon est une véritable poudrière: un rien pourrait enflammer la situation.

Je ne vais pas prolonger mon intervention, mais relèverai que les recommandations retenues par la commission dans ce texte sont importantes et j'invite ce Conseil à soutenir le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je tiens encore à dire que nous osons espérer que ces recommandations seront suivies d'effets. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vous informe que se sont inscrits: M. Alberto Velasco, M. Eric Ischi, M. Jean-Claude Ducrot, M. Eric Stauffer, M. Olivier Jornot, M. Michel Halpérin et, enfin, le président du Conseil d'Etat, M. Laurent Moutinot. Le Bureau, dans sa composition minimale, prend la décision de clore la liste des intervenants. Monsieur Velasco, je vous donne la parole.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais tout d'abord rendre hommage aux détenus de la prison de Champ-Dollon, dans la mesure où le travail des experts a pour origine la fameuse émeute qui a été relayée par les médias, comme vous l'avez tous su.

Quand la commission s'est rendue sur place, j'ai pu observer que les détenus travaillaient avec un grand sens de la démocratie: ils avaient en effet constitué une commission et s'étaient partagé les sujets; ils avaient nommé un président qui passait la parole, ce que j'ai trouvé tout à fait extraordinaire. Et ils nous ont reçus avec beaucoup de respect. Par ailleurs, leurs doléances nous ont semblé totalement pertinentes, à tel point que notre commission - qui a été requise, de même que la Ligue des droits de l'Homme, ainsi que des journalistes, pour, précisément, visiter la prison - s'est demandé quelle suite il fallait donner à leurs requêtes. La question était là ! Etant donné que les membres de la commission des visiteurs ne pouvaient pas se transformer en enquêteurs, nous avons pensé qu'il fallait, pour ce faire, nommer des personnes neutres. C'est ainsi qu'est venue l'idée des experts. Et je tenais à rendre hommage à ces détenus, parce qu'ils sont à l'origine de cette démarche.

Ensuite, je voudrais tout de même relever la participation des trois pouvoirs. Il est important de souligner que, malgré les vicissitudes et les difficultés rencontrées, les trois pouvoirs ont quand même collaboré, à la fin, pour que cette enquête, ce travail d'expertise, voie le jour. En tant qu'ancien président de cette commission je dois rendre hommage tant au pouvoir judiciaire qu'au pouvoir exécutif - le Conseil d'Etat - d'avoir mis des moyens à disposition pour que cette enquête aboutisse. Tous les pouvoirs sortent plus ou moins critiqués de cette étude, y compris le Grand Conseil, du reste. Je suis d'accord avec le rapporteur, les manquements dans ce domaine sont trop nombreux, et depuis trop longtemps.

Vous le savez, les recommandations de la commission des visiteurs officiels sont malheureusement, année après année, restées lettre morte... Il faut bien dire que notre Grand Conseil ne s'en est jamais préoccupé, il n'a guère insisté pour demander au Conseil d'Etat si ces recommandations étaient appliquées. Nous avons donc, nous aussi, une responsabilité, tout comme le pouvoir judiciaire peut en avoir une dans la manière dont il pratique les détentions, et tout comme le pouvoir exécutif, qui a peut-être manqué parfois de diligence.

Je dois tout de même relever que, dans le rapport, il est rendu hommage aux gardiens de Champ-Dollon pour l'excellent travail qu'ils effectuent. C'est un élément important, parce que la plupart des détenus interrogés ont mis en exergue la qualité des relations entre détenus et gardiens et celle du travail réalisé par ces derniers. C'est très important, je le répète, parce qu'en général des problèmes se posent à ce niveau-là dans les prisons.

Des recommandations ont été faites... Vous avez pu le constater, la commission a pris en considération certaines d'entre elles, et pas d'autres - c'est vrai, nombre d'entre elles devraient l'être par la commission judiciaire, par le Conseil d'Etat, éventuellement par d'autres commissions. Quoi qu'il en soit, il très important que ce rapport fasse l'objet d'un suivi. Je ne sais pas quelle forme il faut lui donner, je ne sais pas qui aura les compétences d'effectuer ce travail de suivi - et cela prendra peut-être une année, deux ans - mais il serait tout de même intéressant, Mesdames et Messieurs les députés, que les trois pouvoirs nous précisent quelles recommandations peuvent être suivies et quelles sont celles qui ne le peuvent pas ! Soit parce qu'elles coûtent trop cher, soit parce qu'elles ne peuvent pas être mises en oeuvre même si on en avait les moyens, ou tout simplement parce que l'on ne veut pas les mettre en place étant donné qu'elles ne sont pas convaincantes. Mais ce serait une bonne chose que l'on nous dise, une fois pour toutes, quelles sont les recommandations que l'on veut appliquer et celles que l'on ne veut pas ! Je le répète: c'est un travail important.

Comme je le disais au début de mon intervention, c'est la première fois que les trois pouvoirs se retrouvent autour d'une table pour mener une étude sur ce sujet, qui est extrêmement sensible. Eh bien, je peux dire aujourd'hui que cette approche a été réussie. Et j'espère que les recommandations retenues dans ce rapport seront prises en compte et que notre message sera écouté.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que six personnes doivent encore s'exprimer et que j'interromprai les débats à 23h. Je prie donc les orateurs d'être brefs. Monsieur Ischi, je vous donne la parole.

M. Eric Ischi (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, comptez sur moi: je serai bref ! En préambule, permettez-moi de vous dire que le groupe UDC a été très satisfait de l'excellent rapport qui nous est présenté. Nous tenons donc à remercier très vivement M. Gautier pour son travail remarquable.

A titre plus personnel - et probablement puis-je m'exprimer au nom des membres de la commission - je crois qu'il faut aussi rendre hommage à celui qui a fait preuve d'une maîtrise remarquable pendant son année de présidence, une année fort chargée, avec de très nombreuses séances, en présence d'experts - comme l'a indiqué M. Gautier - mondialement connus, et en présence aussi, dans une même salle, des représentants des trois pouvoirs. Il me semble que, sur ce point également, il faut tirer un grand coup de chapeau à ce président: M. Alberto Velasco ! (Applaudissements.) Quel succès !

Mesdames et Messieurs, je suis bien convaincu que vous avez toutes et tous lu en détail ce rapport, je ne vais donc pas énumérer les recommandations qui figurent dans ce petit bouquin ou, plutôt, ces deux bouquins que vous avez reçus.

A propos des différents intervenants - je pense au pouvoir judiciaire, à la police - des propos pas très aimables ont été échangés par les uns et les autres, qui se sont rejetés les responsabilités, et la presse s'en est largement fait l'écho à l'époque. Mesdames et Messieurs, je retiens surtout de ce rapport - car il ne s'agit pas des Communaux d'Ambilly ni de la loi sur l'Université, dont on nous a dit tout à l'heure qu'ils étaient les événements les plus importants de la législature - eh bien, je retiens surtout qu'il traite d'un véritable problème humain. Ce rapport concerne des êtres humains qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile, et l'on ne peut pas négliger cet aspect-là.

Sans plus attendre, j'aimerais essayer de dégager de ce rapport et surtout, aussi, de l'expertise qui a été faite, la force que ces derniers représentent. Personnellement, je suis convaincu que la grande force de ce rapport et de cette expertise, c'est de provoquer - ou de permettre, si vous préférez - une autocritique, même silencieuse, des différentes institutions concernées par ce problème. Pour ma part, je ne me fais pas trop de souci: je suis persuadé que nous avons affaire à des gens normalement équilibrés, qui sauront prendre les mesures qui s'imposent face aux problèmes soulevés par cette expertise.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). De ce volumineux rapport en deux parties, j'ai surtout relevé la richesse des propos des experts. Je ne voudrais pas répéter les propos du président Gautier - l'actuel président de la commission - mais je tiens à souligner un élément déterminant de ce rapport, c'est son introduction: «Notre démocratie est-elle capable d'affronter la complexité des parcours qui conduisent à l'emprisonnement et à la diversité des significations que les détenus donnent à cette mise à l'écart ?» C'est une phrase très profonde et très juste. On pourrait dire de M. Gautier cette phrase tirée d'un livre célèbre: «J'étais prisonnier, et vous m'avez visité»... Mais je n'irai pas aussi loin que M. Velasco, qui rend hommage aux détenus. Je crois qu'il n'est pas pertinent de rendre hommage à des détenus, il faut simplement faire preuve d'humanité et de respect à leur égard.

Cependant, Mesdames et Messieurs, en lisant ce rapport, j'ai éprouvé quelques inquiétudes... Quelques inquiétudes en regard de la dernière page de la première partie, qui montre, depuis 1977 jusqu'en 2006, l'inflation galopante du nombre de détenus à Champ-Dollon. Cela doit nous interpeller, et interpelle le parti démocrate-chrétien ! La Brenaz vient d'être ouverte depuis quelques mois, et nous ne pouvons que constater que nous nous trouvons dans la même situation qu'avant ! Dès lors, la construction de nouveaux lieux de détention paraît, à l'évidence, ne pas être la solution idéale... Pour la trouver, nous devons, bien évidemment, mener une réflexion sur les changements qu'il faudrait apporter à l'emprisonnement.

Je ne vais pas m'immiscer dans le rôle de la justice, je suis trop respectueux du pouvoir judiciaire, cela étant, si l'on ressort les chiffres de Bâle en ce qui concerne la détention, on se rend compte que la justice bâloise fait preuve d'un peu plus de célérité ! Et je crois que la réflexion doit conduire non pas à augmenter les jours de détention, mais à bien cibler cette dernière, pour la rendre plus humaine à Champ-Dollon. Plus humaine pour les forces de police et plus humaine également pour les gardiens, qui sont constamment sous pression. Champ-Dollon est une véritable poudrière, qui a d'ailleurs déjà explosé, comme vous le savez, puisqu'il y a eu une mutinerie. Nous ne pouvons pas éluder le problème des détentions: nous portons une responsabilité ! Nous ne pouvons pas surfer sur la vague et ignorer la réalité !

Le président Moutinot avait mis sur pied les Assises de la sécurité. C'est une excellente démarche, mais il eût été préférable, ou nécessaire, de se demander s'il n'y avait pas lieu d'instaurer une plate-forme de la détention, avec tous les intervenants concernés, pour trouver le moyen de faire en sorte que les normes en matière de détention soient respectées. (A l'extérieur de la salle, exclamations relatives à Eurofoot 2008.)

Mesdames et Messieurs les députés, les experts ont livré un certain nombre de conclusions intéressantes, cependant le rapport évoque des réticences, des méfiances. Ce n'est pas en encourageant de telles attitudes que l'on va pouvoir avancer ! Je crois qu'il faut travailler dans le dialogue, dans le respect de tous les intervenants, et faire en sorte qu'on puisse s'assoir autour d'une table pour examiner ensemble les suites à donner à ce rapport, d'autant plus que bien du temps a passé pour pouvoir l'obtenir - il a fallu du temps avant que la commission des visiteurs ne le mette en route, du temps pour les experts, du temps pour le rédacteur... Alors, ce rapport ne doit pas finir sous une pile de dossiers et être oublié, car, je le répète, l'explosion menace !

Mesdames et Messieurs les députés, ce dossier doit absolument être traité en priorité, il faut le prendre à bras le corps ! C'est dans ce sens que le parti démocrate-chrétien acceptera ce rapport, en encourageant le Conseil d'Etat à prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer rapidement la situation.

La présidente. Merci, Monsieur Ducrot. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que j'interromprai nos travaux à 23h. A nouveau, je prie les orateurs d'être brefs. Monsieur Stauffer, je vous donne la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Je ferai tout d'abord quelques remarques. M. Velasco a rendu hommage aux détenus... Bien ! Moi, je tiens ici à rendre hommage aux gardiens de Champ-Dollon, qui ont fait un extraordinaire travail de temporisation. Je tiens également à rendre hommage à M. Laurent Beausoleil, qui a su juguler toutes les crises dues à la surpopulation carcérale à Champ-Dollon. Je pense qu'il ne faut pas oublier ces personnes, car c'est leur travail au quotidien, et, grâce à leur savoir-faire, grâce à leur sens du devoir vis-à-vis des détenus, nous avons évité bien des catastrophes.

Cela étant, je voudrais relever un autre élément. Nous comparons souvent Bâle à Genève... C'est vrai que c'est le seul élément de comparaison valable, puisque Bâle est une ville frontière avec la France, comme Genève. A une différence près, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'à côté de Bâle il y a une grande ville, Mulhouse, et une police française beaucoup plus efficace ! En revanche, à Genève, qui est aussi une grande ville, la situation est différente puisque nous sommes entourés - malheureusement ou heureusement - de petites villes françaises où la police est beaucoup moins efficace, ce qui fait que la criminalité est souvent concentrée sur Genève. Nous le voyons bien, avec les vagues de cambriolages et tout ce qui s'ensuit ! (Brouhaha.)

Il faut que nous soyons clairs: le rapport des experts est très bon; les recommandations qu'ils ont faites, avalisées par la commission, sont de bonnes recommandations.

Mais il faut tout de même mettre quelques bémols, principalement à l'endroit du Conseil d'Etat, qui ne suit pas, ou très peu, ou très lentement, voire pas du tout, les recommandations de la commission des visiteurs officiels. Notamment - M. Laurent Moutinot le sait bien, et il pourra s'en expliquer après - il y a, au sein même du Palais de justice, des cellules de détention qui ne respectent pas les normes en vigueur. La commission des visiteurs officiels s'y est rendue pas moins de six fois en l'espace d'une année et demie. Elle a demandé, exigé, que ces cellules soient mises aux normes, mais cela n'a jamais été fait par le Conseil d'Etat !

Il a fallu, Mesdames et Messieurs les députés, que nous votions une résolution - ou une motion, je ne m'en souviens plus exactement - en séance plénière, il y a quelques mois de cela, pour que le Conseil d'Etat applique les normes légales sur les lieux de détention. Eh bien, figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à ce jour, bien des mois après, rien n'a encore été entrepris ! Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, avec tout le respect que je vous dois, vous méritez un carton rouge, parce que vous avez fauté !

Maintenant, il faut aussi savoir ce que nous voulons. Genève a connu une explosion démographique constante depuis les années 70, date où la prison de Champ-Dollon a été construite. Actuellement, cette prison accueille en moyenne 460 à 500 détenus, alors qu'elle était prévue initialement pour 270 personnes. Cela pose évidemment une multitude de problèmes, notamment en matière de travaux. Je pense par exemple à la rénovation des cuisines, qui sont dans un état catastrophique. Je puis vous assurer que si Champ-Dollon était une pension privée, le service d'hygiène aurait déjà depuis bien longtemps fermé les cuisines, car il y a des cafards de plus d'un centimètre qui s'y promènent librement ! Cela n'est pas tolérable ! Eh bien, Monsieur le conseiller d'Etat, cela mérite un deuxième carton rouge, parce que vous le savez, la commission vous l'ayant signalé depuis des mois et des mois !

C'est vrai qu'il est beaucoup moins populaire de construire et de rénover des prisons que de construire des écoles... Soit ! (Brouhaha.) Mais cela a un effet extrêmement pervers au sein de la population: c'est que nous avons dépassé le stade du sentiment d'insécurité pour entrer dans la phase de l'insécurité ! Nous devons être cohérents ! Les députés de gauche peuvent bien s'offusquer de mes propos, mais la situation ne s'est pas améliorée: nous en avons la preuve par A+B ! La construction de La Brenaz, avec ses soixante places disponibles pour des exécutions de peine, aurait dû diminuer la population carcérale de Champ-Dollon. Eh bien, il n'en est rien: Champ-Dollon compte toujours 460 à 500 détenus en permanence, alors que La Brenaz est complètement occupée !

La population carcérale étant en augmentation depuis 1977, il faut que le pouvoir judiciaire évolue en conséquence et de manière proportionnée. Je conclurai donc, car je ne veux pas trop prolonger le débat, en disant que, pour évoluer, il faut des moyens. (Brouhaha.) Et c'est au parlement de donner ces moyens supplémentaires au pouvoir judiciaire, à la gendarmerie, et de décider de construire des prisons. Cela permettrait aux habitants de notre canton de retrouver le sourire, de se sentir en sécurité la nuit, et les détenus pourraient être traités avec humanité. C'est un devoir pour la Suisse et pour Genève en particulier. Parce que la surpopulation carcérale n'est pas digne d'un canton qui est dépositaire des droits de l'Homme et de la Convention de Genève !

M. Olivier Jornot (L). Il n'était sans doute pas facile pour la commission des visiteurs de produire un rapport pondéré sur un rapport controversé dressé par des experts controversés... C'est pourtant le tour de force auquel elle est parvenue, et j'aimerais ici, comme mes préopinants, rendre hommage au rapporteur, M. Renaud Gautier, qui a su, précisément, retranscrire cette distanciation et ce recul que la commission a pris en regard des recommandations des experts. Recommandations dont elle s'est écartée d'une bonne partie, parce qu'elles n'étaient en effet pas judicieuses.

La question des droits de l'Homme, la question des conditions de détention, sont des thèmes chers au coeur des libéraux, vous pouvez bien vous en douter. Et de nombreux points particulièrement importants de ces rapports nous interpellent tout spécialement.

Le premier, sur lequel je voudrais dire quelques mots, concerne l'avocat de la première heure. Une recommandation est faite - la première recommandation des experts - préconisant d'anticiper l'entrée en vigueur des dispositions fédérales au sujet de l'avocat de la première heure... Mesdames et Messieurs les députés, cette recommandation est parfaitement illusoire, en particulier dans un canton qui, à l'heure où nous nous parlons, ne connaît pas encore le dispositif qui sera mis en place pour tenir le délai normal, c'est-à-dire le délai d'entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Nous pouvons parler du sexe des anges sur cette question de l'entrée en vigueur de l'avocat de la première heure: il serait plus judicieux de nous demander si nous serons capables, compte tenu du rythme auquel travaille le Conseil d'Etat sur ce thème, d'être prêts au 1er janvier 2010, au moment où le code de procédure pénale suisse entrera en vigueur.

Sur ce même thème, j'aimerais vous dire que je me sens beaucoup plus concerné par la quatrième recommandation des experts, qui préconise que l'on prenne, autour de cette question de l'avocat de la première heure, des mesures effectives pour que cet avocat puisse exister, que ce ne soit pas une simple chimère réglementaire, et que l'on mette sur pied, dans notre canton, un véritable système de permanence pour que tout un chacun, dès son arrestation, puisse avoir accès à cet avocat de la première heure. Et je suis au regret, pour ceux que cela choque d'entrée de cause, de dire que cela va probablement coûter quelque argent...

Le deuxième point que je voudrais aborder, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un sujet qui m'a choqué. Je suis au regret de vous le dire, Madame la députée Esther Alder, que j'ai été profondément choqué par les propos que vous venez de tenir à propos du rôle de la magistrature, par rapport au rôle de l'appareil judiciaire, dans les problématiques relevées par le rapport des experts. Je ne peux pas laisser dire que l'appareil judiciaire travaillerait jour et nuit avec la seule préoccupation de nuire aux droits des détenus, que sa seule préoccupation serait de faire en sorte que des innocents soient incarcérés et que les dossiers traîneraient des années avant que des jugements soient rendus. Non ! La magistrature est composée d'hommes et de femmes qui s'efforcent, avec les moyens dont ils disposent, de travailler au mieux ! Et quand je dis «les moyens dont ils disposent», je devrais dire «les moyens que nous consentons à leur donner» pour remplir leur tâche. Alors, en regard de ces moyens, j'aimerais, tout au contraire de ce que vous venez de faire, Madame la députée, rendre hommage à ces magistrats, qui s'efforcent de rendre la justice avec humanité, mais, aussi, dans le but de faire appliquer la loi et de faire respecter les droits des citoyens dans ce canton.

Finalement, il manque une recommandation dans ce rapport des experts... Et je serai probablement en porte-à-faux avec les interventions de certains députés, voire avec celles qui suivront, notamment celle de M. le conseiller d'Etat. J'ai en effet la conviction que le meilleur moyen d'améliorer les conditions de travail des gardiens, le meilleur moyen d'améliorer les conditions de détention, c'est tout simplement de se doter des infrastructures de détention qui correspondent à nos besoins actuels. Il est inadmissible, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on ait pu, à un moment donné - au département des institutions - recommander aux magistrats de ne pas incarcérer sous prétexte que cela entraînait des difficultés de surpopulation à Champ-Dollon ! Ce n'est pas dans ce sens-là que les choses fonctionnent ! Le code pénal doit être appliqué; des procédures doivent être mises en oeuvre, et si l'on s'aperçoit que le nombre des détenus excède les capacités pénitentiaires, eh bien, il faut adapter les capacités pénitentiaires, au lieu de prendre le problème dans l'autre sens, en affirmant que les magistrats incarcèrent trop et qu'ils devraient libérer à tour de bras !

En conclusion, Mesdames et Messieurs, je vous confirme que les libéraux soutiennent - cela va sans dire - le renvoi de cet excellent rapport au Conseil d'Etat. C'est un renvoi lucide. Lucide, parce qu'il faudra faire un tri, procéder à des choix parmi les diverses recommandations. C'est un renvoi lucide, en formant le voeu que le Conseil d'Etat, à son tour, soit lucide en examinant les recommandations des experts.

M. Michel Halpérin (L). La prison est probablement ce par quoi une société se donne à elle-même sa propre mesure. C'est en fonction de la manière dont nous traitons ce dernier étage de la société - de notre société - que nous donnons la mesure de ce que nous sommes, de ce que nous voulons être ou de ce que nous prétendons être. Et je ne suis pas étonné des passions qui ont été soulevées par ce triple travail, qui a été mis en oeuvre à l'occasion, je vous le rappelle, d'une pétition émanant de détenus.

La commission des visiteurs officiels - j'ouvre ici une brève parenthèse pour dire que Genève s'honore et se distingue, depuis plus d'un siècle, par l'existence-même de cette commission parlementaire, qui a précisément pour vocation de s'assurer que ce dernier étage de la vie sociale est un étage que l'on peut encore fréquenter - a souhaité qu'un rapport d'experts soit mis en oeuvre et obtenu. Le Bureau du Grand Conseil s'était rallié à cette proposition, parce qu'il partageait le sentiment que le moment était venu de procéder à un inventaire. Nous avons l'inventaire sous les yeux. Il est passionnant, mais le temps est trop court ce soir pour que je m'arrête, même quelques instants seulement, sur les thèmes qui y sont développés. C'est un peu un inventaire à la Prévert: on y trouve de tout, et c'est normal.

Quand ce rapport a été rendu public, on s'est surtout arrêté sur quelques-uns des thèmes qui focalisaient l'attention, notamment ceux des mauvais traitements, de la surpopulation. Mais ce n'en sont que deux: ils sont importants, bien sûr, ils ne sont néanmoins pas majeurs ! On a parlé du droit des détenus étrangers... Ils sont extrêmement nombreux à bénéficier d'une traduction à peu près convenable des procès-verbaux qu'ils signent, des interrogatoires auxquels ils sont soumis. On a parlé des conditions dans lesquelles la détention s'exerce, du type des promenades ou de leur durée, de la qualité de l'habitation, etc. Il était donc normal que cet inventaire débouche sur un document difficile et foisonnant. Et ce que la commission des visiteurs officiels a fait d'utile, c'est d'effectuer une première sélection en indiquant les points sur lesquels elle n'entrait pas en matière et ceux qu'elle prenait en considération.

Maintenant se pose la question des voies et des moyens. M. Jornot a eu raison de préciser tout à l'heure que certaines critiques dépassaient de très loin le cadre de la mission de ces experts. Les experts n'ont pas à juger de la politique judiciaire: ils peuvent simplement constater qu'elle aboutit à ce qu'il y a beaucoup de détenus. On peut aussi se poser la question en amont de savoir s'il n'y a pas beaucoup de détenus - plus qu'avant - parce qu'il y a plus d'infractions, et, par conséquent, plus d'auteurs de ces infractions qu'il faut mettre à l'écart pour protéger ceux qui en sont les victimes. Cela fait aussi partie de la réflexion.

Dans ce catalogue des voies et des moyens, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat doit travailler, mais, nous aussi, nous devrons assumer les responsabilités qui sont les nôtres, lorsque nous devrons donner des moyens. Les libéraux ont l'occasion, fréquemment, de répéter qu'ils sont favorables à ce que des moyens importants soient octroyés à la police et à la justice, pour que la tranquillité règne dans nos rues. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas donner de moyens à la justice et à la police, pour que la justice soit bien rendue, et aux gardiens de prison ou aux établissements pénitentiaires, pour que les choses se fassent correctement.

Mesdames et Messieurs, la responsabilité ultime à laquelle nous sommes renvoyés par les auteurs de ce rapport, c'est la responsabilité du pouvoir législatif dans le regard qu'il portera, lui, dans l'application de la politique qu'il choisira, lui, de donner à la prison républicaine. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L), rapporteur. J'ai parlé tout à l'heure du silence... Je me réjouis de constater, ce soir, que ce sujet a généré des réflexions des uns et des autres, tout en relevant le jésuitisme de certains auxiliaires de la justice...

Vous nous avez demandé d'être brefs, Madame la présidente... Je vais évidemment vous demander de transférer ce rapport sur le bureau du Conseil d'Etat. Je conclurai simplement avec cette phrase de Jankélévitch: «Il ne s'agit pas d'être sublime, il suffit d'être fidèle et sérieux.»

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Dans ces matières difficiles que sont l'emprisonnement et la police, il m'appartient tout d'abord de rendre hommage à mes collaborateurs et collaboratrices de la prison et de la police, car ils effectuent leur travail consciencieusement et assurent la sécurité avec dévouement, mais font trop souvent l'objet de critiques injustifiées.

En deuxième lieu, j'aimerais remercier la commission des visiteurs officiels pour son travail, en particulier pour le rapport qu'elle soumet à votre Grand Conseil. J'ai été surpris, Monsieur Gautier, que vous estimiez que le silence entourait ces questions... Je ne parle pas du battage médiatique, qui n'est que du bruit !

Quoi qu'il en soit, je dois, quant à moi, me préoccuper de toutes les recommandations qui me parviennent, en termes de respect des droits humains dans la phase des interventions policières et en prison. Or, nous disposons du rapport des experts. Nous disposons également aujourd'hui de vos commentaires sur ce rapport, étant précisé que j'aurais tendance à prendre quand même en considération certaines des recommandations que vous excluez. Nous disposons aussi, bien entendu, des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, qui vient de nous envoyer un certain nombre de questions auxquelles nous avons fort opportunément pu répondre - à la plupart d'entre elles, en tout cas - et ces réponses ne sont pas tout à fait identiques à vos propres recommandations. Et puis, bien sûr, nous disposons également du rapport que le Conseil d'Etat avait demandé en son temps à M. Bernard Ziegler, ancien président du Conseil d'Etat. Par ailleurs, Amnesty International, la Ligue suisse des droits de l'Homme et d'autres milieux: l'Ordre des Avocats, l'Association des juristes progressistes, tous nous font parvenir de nombreuses remarques, critiques ou recommandations. Ou encore, au quotidien, les recommandations du Commissariat à la déontologie. Enfin, nous disposons des normes européennes en matière de prison, en matière de police. Sans parler du rapport de M. Pedrazzini, qui avait analysé les événements du G8 et qui nous a adressé toute une série de recommandations.

Ce n'est donc pas le silence qui entoure ces sujets. Au contraire, il me semble qu'ils suscitent un florilège de recommandations - convergentes, pour l'essentiel, mais pas toujours absolument identiques. Et je me suis aperçu - en relisant votre rapport, Monsieur le rapporteur - que bon nombre d'entre elles, dès lors que, malheureusement, votre rapport date d'octobre 2007 et que nous sommes en juin 2008, ont été suivies d'effets et ont été exécutées. Quelques-unes de ces recommandations ne sont pas simples à suivre: elles exigent de nous un effort constant, notamment en termes de formation. Certaines, enfin, sont discutables, disproportionnées... Je ne parle pas forcément des vôtres, mais de l'ensemble des recommandations qui nous sont faites, sur la base des mêmes principes rappelés par M. le député Halpérin: le niveau démocratique d'une société se juge à la manière dont ladite société traite les plus faibles de ses membres, à savoir, en l'occurrence, les personnes privées de liberté.

Petite correction pour M. le député Jornot: je n'ai jamais dit que l'on faisait un usage abusif de la détention, j'ai simplement constaté qu'à Genève il était fait un usage exceptionnellement important de la détention préventive, ce que prouve n'importe quelle lecture des statistiques suisses, y compris en comparaison avec Bâle.

A M. Stauffer, je dirai que je tiens ici à prendre la défense de la police française, qui travaille fort bien. La police, la gendarmerie nationale, les compagnies républicaines de sécurité, ne font pas moins bien leur travail à Annemasse ou à Saint-Julien ! Ce sont des partenaires fiables. sur lesquels nous devons compter puisque, la criminalité ne connaissant pas de frontières, l'action policière nous oblige à collaborer. Vous avez pu voir dans les rues de Genève, ces jours, la présence de la police française. Cela n'a posé aucun problème ! Il est tout de même étonnant qu'une police étrangère se promène dans les rues sans que cela ne pose de problème. Cela démontre que nous avons, non seulement au niveau institutionnel, mais aussi dans la population, le sentiment d'appartenir à un même bassin de population. J'inclus donc, dans l'hommage que je rendais au début de mon intervention à la police genevoise, la police française ! (Applaudissements.)

Vous avez demandé ce qu'allait faire le Conseil d'Etat... Si j'ai bien compris, vous souhaitez qu'il soit lucide, qu'il travaille vite, qu'il travaille bien... Tout cela est parfaitement normal ! Ce que je vous propose - et, pour tout vous dire, cela est déjà largement le cas - c'est d'établir une liste de toutes les revendications, recommandations et critiques, en insistant, bien entendu, tout particulièrement sur celles de votre commission, mais en incluant aussi les autres. Ensuite, nous inscrirons, dans des colonnes prévues à cet effet, les mesures déjà en vigueur, celles qui sont en train d'être mises en oeuvre, celles qui sont envisagées à long terme, celles qui ne sont pas envisagées du tout. Ainsi, systématiquement, à intervalles réguliers, votre commission et, par conséquent, votre Grand Conseil, pourront suivre l'évolution de la situation en matière de droits humains dans les interventions policières et de droits humains dans le milieu pénitentiaire.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le rapport divers 707 et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le rapport divers 707 est adopté et renvoyé au Conseil d'Etat par 63 oui et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Et merci, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous terminons ici nos travaux. Je vous souhaite la plus agréable des nuits. A bientôt !

La séance est levée à 23h.