République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 126
Initiative populaire Energie-Eau : notre affaire! Respect de la volonté populaire
IN 126-2-D
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier l'Initiative populaire 126-2 (Electricité) "Energie-Eau : notre affaire! Respect de la volonté populaire"

Débat

M. Francis Walpen (L), rapporteur de majorité. Comme vous pourrez le constater, il n'y a ni schizophrénie, ni mains liées, ni position idéologique de principe, puisque nous pouvons dire «oui» à l'eau et «non» à l'électricité.

Je devrais peut-être d'abord dire deux mots, par politesse, au sujet du rapport de minorité de mon collègue M. Deneys. Il est vrai qu'il est un peu au vitriol vis-à-vis des libéraux mais, Madame la présidente, il faut lui pardonner, il n'est pas méchant ! M. Deneys fait du vélo comme moi, c'est quelqu'un de très gentil ! Cela dit, si nous passons aux choses sérieuses, la question qui se pose maintenant, c'est de savoir comment assurer un approvisionnement sûr et à un prix supportable pour les usagers.

J'aimerais quand même souligner ce soir que les entreprises ont changé de comportement et font d'ores et déjà d'importants efforts en matière d'économies, que ce soit par la réduction de la consommation ou l'optimisation des profils consommateurs. Je le rappelle car, lors de présentations d'entreprises, notamment à la conférence de presse présentant le «Cap Genève» consacré à l'énergie en janvier 2007, il n'y avait que deux députés présents et j'étais malheureusement le seul représentant de la commission de l'énergie.

Faut-il donc ancrer dans la constitution le monopole des SIG en matière d'électricité ? La majorité de la commission réplique tout de go que c'est une mauvaise réponse à une question stratégique. Ce que les entreprises qui sont au premier chef visées attendent, c'est un véritable tarif industriel et non un monopole des SIG, qui n'apportera aucune réponse au consommateur.

Par ailleurs, nous avons malheureusement déposé nos rapports avant la décision des Chambres fédérales, qui est intervenue au mois de mars dernier.

En un mot, le choix est finalement simple ce soir. Dans le cas d'espèce, il s'agit de savoir si nous voulons un monopole des certitudes figées ou si, malgré les défis qui s'accumulent, la dynamique de préparation aux changements à venir sur les marchés de l'énergie, y compris les énergies renouvelables, nous intéresse davantage. Et comme réponse à cette question, la majorité de la commission vous invite à refuser cette initiative, qu'elle trouve obsolète, et renonce à proposer de lui opposer un contreprojet.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je ne pense pas avoir été particulièrement méchant avec mes collègues libéraux, mais c'est vrai que les procédés qui consistent, en dehors de cette enceinte, à recourir à des voies juridiques pour contester des initiatives est particulièrement désagréable. Parce que je pense que nous sommes là, dans ce Grand Conseil, pour faire de la politique; on a le droit d'avoir des idées différentes, de faire des choix qui ne sont pas les mêmes, mais ça devient particulièrement désagréable lorsque certains cherchent à jouer la montre et à faire échouer des initiatives en temporisant, sachant qu'il y a des projets fédéraux dans l'air. Franchement, je trouve que cette façon de faire n'est ni agréable ni acceptable, et ce n'est pas une manière de respecter les citoyens qui ont signé cette initiative et qui ont fondamentalement voulu transformer un monopole de fait en monopole de droit. On peut certes s'opposer à cette idée, mais on devrait le faire d'une façon politique. Le Grand Conseil peut tout à fait décider, dans sa majorité de l'Entente, de refuser l'initiative, mais il n'y a pas besoin de déposer un recours au Tribunal fédéral, qui fait perdre de nombreux mois. Ce n'est pas acceptable.

Et puis, concernant les certitudes, je répondrai que je suis peut-être méchant avec les libéraux, mais vous, Monsieur Walpen, vous êtes alors subitement trop naïf, parce qu'aujourd'hui l'équipe qui gagne, ce sont les Services industriels ! Cela fonctionne parfaitement et, dans le monde dans lequel nous vivons, on sait très bien qu'on ne change pas une équipe qui gagne. D'ailleurs, les libéraux devraient peut-être s'en inspirer, ce serait à leur avantage.

Mais revenons au sujet qui nous préoccupe ce soir: le monopole des Services industriels existe de fait, mais il n'est pas ancré dans la constitution. Faut-il pour autant qu'il le soit ? La proposition des initiants et d'une minorité de la commission - socialistes, Verts et MCG - est de dire que, oui, c'est mieux de l'inscrire dans la constitution, parce que, fondamentalement, cela évite des privatisations rampantes. Car aujourd'hui, c'est un peu ça le problème, on peut avoir des recours juridiques se référant à des décisions fédérales qui pourraient entamer ce monopole de fait, et cela de façon absolument pas transparente, parce qu'on attaquerait sous un biais ou sous un autre l'approvisionnement de tel ou tel client. Alors que, en instaurant un monopole de droit, tous les consommateurs genevois seront traités à la même enseigne et seront approvisionnés avec un service de qualité égale, sans distinction, et c'est ce qu'il s'agit de préserver le plus longtemps possible.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je partage bien évidemment l'avis de M. Deneys et je pense qu'il faut à nouveau rappeler que l'énergie, plus précisément, l'électricité n'est pas un bien commercial comme les autres. En effet, pour être produite, elle a besoin de ressources naturelles qui ne sont pas toutes renouvelables. Même l'électricité sur l'eau ne peut pas toujours être renouvelée indéfiniment, car on ne peut pas sans arrêt augmenter le nombre de barrages sur les cours d'eau ni le volume des rivières. Et il en va de même pour l'électricité nucléaire, les gisements en uranium ne sont pas extensibles et renouvelables à souhait.

C'est donc bien un élément vital pour tous, dont il faut user avec parcimonie et surtout selon des principes régulateurs, si l'on veut permettre à chacun d'en profiter selon ses besoins, sans avoir recours à des modes de production trop polluants qui péjoreront l'avenir de la société.

C'est pour cela que le rôle étatique dans la production et la distribution est fondamental, puisque, une fois de plus, l'électricité n'est pas un bien commercial comme les autres et qu'elle doit être disponible pour tous, comme l'a dit M. Deneys.

Mais quel but poursuit cette initiative, parce qu'il faut peut-être quand même le répéter ? Elle vise à assurer la sécurité et la qualité de l'approvisionnement - c'est ce que veut la Chambre de commerce et d'industrie - et de la distribution d'électricité. De plus, elle cherche à garantir le respect de l'environnement et à défendre une véritable égalité de traitement entre les usagers des SIG, afin d'éviter les passe-droits. En effet, il y a actuellement un vide juridique qui rend ce genre de pratiques possibles si l'on n'inscrit pas ce monopole dans la loi, car, pour l'instant, rien n'est dit.

J'aimerais aussi rappeler que la libéralisation des marchés a été refusée par le peuple en 2002. Et malgré cela, Berne veut la mettre en place, bien qu'elle reconnaisse que c'est aux cantons d'inscrire des monopoles dans la loi, même si la situation risque de changer dans quelques années.

D'autre part, l'argument de la Chambre de commerce et d'industrie, qui veut justement des prix compétitifs et un approvisionnement sûr, est contradictoire, parce que, pour avoir un approvisionnement de qualité et sûr, il faut accepter le juste prix et se plier à des réglementations pour un usage le plus rationnel possible. Et c'est l'Etat qui est le plus à même de mener à bien une telle politique.

C'est pourquoi nous soutiendrons cette inscription du monopole des SIG dans la constitution et je pense que, plus les cantons le feront, plus ce sera un signe fort de la nécessité de réglementer cette énergie si intéressante.

Je vous rappelle en outre qu'on a également signé l'accord de Kyoto et qu'on a donc des responsabilités à assumer. Et si l'on ne répète pas sans arrêt qu'il faut réglementer et faire un usage très rationnel des énergies, la libéralisation sauvage ira exactement dans le sens contraire.

Donc, pour toutes ces raisons, les Verts soutiendront cette inscription dans la constitution.

M. Alberto Velasco (S). Pourquoi voulons-nous qu'il y ait un monopole pour l'électricité ? Contrairement à ce que d'aucuns peuvent penser ici, le fait d'avoir un monopole implique beaucoup plus d'obligations que s'il n'y en a pas.

En effet, Mesdames et Messieurs les députés, avoir le monopole signifie qu'il n'y a pas de concurrence, qu'on est le seul à distribuer l'électricité, et cela oblige à avoir une qualité d'approvisionnement et surtout des prix facturés au coût de l'électricité. Voilà la définition du monopole. Et si les Services industriels - ou une autre société - venaient demain à détenir le monopole, ils auraient beaucoup plus d'obligations.

Et l'argument selon lequel il ne faut pas de monopole mais, au contraire, d'autres entités, parce que cela entraînerait effectivement une diminution des coûts et des prix, n'est pas vérifié.

Ce qu'on voit aujourd'hui et que vous avez pu lire hier dans la presse, c'est que bientôt, dans certains lieux de Suisse, l'électricité va augmenter de 40 ou 100%... Mais non pas parce que les coûts ont augmenté, Mesdames et Messieurs les députés ! Les coûts de production n'ont pour le moment jamais augmenté dans de tels rapports. C'est tout simplement en raison de ce qu'on appelle l'offre et la demande du marché, et ceux qui détiennent aujourd'hui la production de l'électricité décident qu'ils vont la vendre au plus offrant. Voilà ce qui se passe.

D'autre part, j'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que la compagnie EOS était à l'époque détenue par les cantons. Toutefois, ceux-ci ne recevaient pas d'argent de la vente d'électricité mais des parts de production. Ces cantons qui ont décidé de construire des barrages en Valais recevaient une quantité de production correspondante à la quantité d'actions qu'ils détenaient. C'est intéressant ! Ce n'est pas de l'argent qu'ils recevaient, mais de la production. Malheureusement, après tout ce qu'on a vécu, il se trouve aujourd'hui que, de transformation en transformation, cette compagnie est devenue une holding et que, au lieu de recevoir de l'électricité, on va recevoir de l'argent de l'holding en question. Mais que voulez-vous qu'on en fasse de cet argent ? Parce qu'avoir beaucoup d'argent est une chose, mais, si vous n'avez personne pour vous vendre de l'électricité, vous pouvez vous le garder !

Donc, ce qui devient éminemment important aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, c'est d'avoir justement la capacité de contrôler, non seulement la production mais aussi la distribution d'électricité. En l'occurrence, c'est ce qui est demandé ici.

D'aucuns disent qu'il y aura une loi fédérale... Je me suis renseigné auprès des conseillers nationaux et il se trouve effectivement que la loi, telle qu'elle est aujourd'hui au niveau national, donne la possibilité aux cantons qui le désirent d'avoir un monopole pour ce qui est de la distribution de l'électricité. Il n'y a donc aucune contradiction dans le fait qu'aujourd'hui nous options pour cette disposition au niveau cantonal.

C'est donc pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous encourage à voter cette initiative. Vous savez, on parle aujourd'hui de réchauffement climatique, de diminution de la consommation, et il est vrai que l'électricité, comme l'a dit Mme Leuenberger, a besoin de ressources pour être produite, et ces dernière coûtent et produisent du réchauffement. Donc, ce n'est pas un bien qui doit être soumis à la concurrence du marché.

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, notre débat d'aujourd'hui, cela a été rappelé par mon préopinant, se déroule suite à la publication, hier, dans la presse, d'un article qui a fait les grands titres sur l'évolution attendue des prix de l'électricité qui devraient flamber en Suisse romande. Ce papier rapporte une phrase intéressante - je crois qu'il faut le signaler, et d'ailleurs, vous l'avez évoqué, Monsieur Velasco - prononcée par un observateur spécialiste des échanges d'électricité en Europe, je le cite : «[...] J'ai l'impression que le client suisse est une vache à lait. Il est prisonnier d'un marché verticalisé où tous les acteurs se donnent le mot pour consolider leurs marges bénéficiaires.»

Plus bas dans l'article, il y a une interview du directeur actuel des SIG, M. Battistella, qui dit: «Nous n'avons pas encore choisi l'ampleur de la hausse et la manière dont nous l'introduirons. Mais une augmentation de 20% ne me surprendrait pas.» Et le spécialiste que j'ai cité tout à l'heure démontre également que, alors que les prix ont baissé dans l'Union européenne, ils ont augmenté en Suisse. Tout ça pour vous dire que, sans faire de polémique, qu'il y ait un monopole ou pas, cela ne change absolument rien ! Voilà le premier motif qui pousse les radicaux à refuser cette initiative.

Le deuxième, et je crois qu'on en avait beaucoup parlé dans la commission alors que j'étais remplaçant, c'est que la loi fédérale sur l'électricité, deuxième mouture, est en discussion au Parlement fédéral. Et, s'agissant de l'électricité, je crois que la Chambre de commerce, qu'on a abondamment citée ce soir, a raison de dire que les objectifs sont la sécurité de l'approvisionnement et un prix supportable pour les usagers avec égalité de traitement. Or, il faut bien le dire, pour l'électricité, qui est une source d'énergie mais qui est aussi la résultante d'une fonction de production, seule une législation fédérale pourra véritablement garantir ces objectifs.

Moi je ne siège pas au Parlement fédéral, mais puisque, sauf erreur, nous avons la chance d'avoir ici, en la personne d'André Reymond, le rapporteur de langue française de la loi fédérale au Conseil national, peut-être qu'il pourra nous dire ce que contient cette loi et si le projet de créer un monopole est contraire au droit fédéral ou non. Alors, plutôt que d'appeler le peuple à se prononcer sur une norme qui pourrait être contraire au droit fédéral, nous préférons, pour notre part, refuser cette initiative.

M. Pierre Weiss (L). Tout à l'heure, il était question de propositions pour une solution innovative, voire pour une révision de la constitution dans laquelle le titre concernant les Services industriels ne figurerait plus... La position concernant le monopole de l'électricité, quant à elle, est d'une clarté limpide.

Et j'aimerais quand même revenir sur quelques-uns des arguments qui ont été développés en commission, notamment par le représentant de la Chambre de commerce et d'industrie. Je signalerai au passage que celui-ci ne siège pas, ni moi-même d'ailleurs, au Conseil d'administration des Services industriels de Genève et que je me prononce donc en toute indépendance.

Le premier point que je voulais soulever, c'est la raison factuelle pour laquelle il convient de ne pas prévoir et voter un monopole en ce qui concerne la distribution de l'électricité. Pourquoi ? Tout simplement parce que les tarifs actuels proposés par les SIG sont compétitifs. Cette société a évolué dans son attitude à l'égard des consommateurs, et notamment des gros consommateurs d'électricité. Elle a compris qu'il fallait prendre en considération des offres qui pouvaient venir d'autres cantons, qu'il pouvait y avoir des recours au Tribunal fédéral susceptibles de mal tourner, et, par conséquent, elle a fait des efforts dans le cadre de la législation actuelle. Donc, finalement, peu importe le statut de l'entreprise, pourvu que les SIG puissent continuer à offrir de l'électricité à un prix compétitif.

C'était le premier point important qu'il convenait de souligner et qui nous mène à la conclusion que les SIG n'ont pas besoin d'un monopole constitutionnel pour continuer à être une entreprise à la fois de qualité et compétitive.

Le deuxième point, c'est qu'actuellement sur le plan fédéral une révision de la législation concernant l'électricité est en cours. Certes, le peuple suisse a refusé une précédente révision, or une nouvelle proposition, nettement plus mesurée mais qui évite quand même tout monopole, est en discussion aux Chambres fédérales. Il serait donc pour le moins paradoxal, sinon incohérent, que nous décidions ici d'avoir un monopole, alors que le peuple suisse voterait le contraire. De même, il serait tout à fait contradictoire que nous ayons ici une campagne cantonale invitant à aller dans une direction, alors qu'il y aurait une campagne fédérale allant dans un autre sens ! Il s'agit en conséquence d'éviter la création d'un nouveau Sonderfall, d'une nouvelle spécificité genevoise.

Il y a également un troisième argument qu'il convient de prendre en considération, c'est l'argument purement nominaliste. Croit-on une seconde, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en instituant un monopole dans la constitution on va développer les ressources énergétiques dont Genève a besoin pour demain, des ressources qui seraient aussi renouvelables ?! Non ! Est-ce que l'on va diminuer la consommation ?! Non ! (Grincement.) Est-ce qu'on va aller dans le sens du développement durable ?! Non ! Pour cette raison aussi, il convient d'être opposé... (Grincement. Remarque.) Ce sont les stores ! (Rires. Brouhaha.) Et qui fonctionnent à l'électricité des SIG !

Il convient donc, parce que cette initiative ne résout pas la question de l'approche en matière de consommation d'électricité, de la refuser. On veut répondre à une peur, à la peur de la concurrence diabolique des entreprises électriques fribourgeoises qui pourraient venir à Genève... Vous vous rendez compte des peurs que l'on instille ! Non ! En réalité, on n'arrive même pas à résoudre les grands défis qui se posent en matière d'énergie pour notre canton ! A ce projet inspiré par la peur, il convient donc de dire non. Et cela, également parce que l'électricité pèse lourdement dans le budget et les dépenses de certaines entreprises, notamment les entreprises industrielles. Je visitais hier l'une d'entre elles, spécialisée dans le domaine de la robinetterie, et ses représentants m'ont fort bien expliqué combien ils avaient dû se battre pour réussir à obtenir des SIG des conditions différentes.

Je conclurai en disant, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que tant l'évolution du droit sur le plan suisse, voire européen, tant la question des prix et la situation actuelle satisfaisante offerte par les SIG imposent d'avoir une solution pragmatique, d'ouverture, qui soit donc à mille lieues de l'idéologie extrêmement inflexible des initiants. Ce sera donc sans aucun état d'âme et avec une conviction ferme que le groupe libéral votera non à cette initiative. (Applaudissements.)

M. Hugo Zbinden (Ve). Tout d'abord, j'aimerais rassurer mes collègues d'en face: j'achète mon pain chez un fournisseur privé et je suis tout à fait content, ça va très bien ! Mais même si le pain est quelque chose de fondamental, l'électricité, c'est quand même autre chose. Surtout dans le contexte du réchauffement climatique. Donc pour nous, les Verts, la question va bien au-delà d'une question de monopole, de privatisation, de prix, etc.

Vous vous rappelez peut-être que le IPCC - Intergovernmental Panel on Climate Change - a publié trois rapports cette année. Et que disent-ils ?

Premièrement, que l'homme est le principal responsable du réchauffement climatique... Il y a aussi les vaches à lait dont parlait M. Barrillier, mais la production de méthane par les vaches est aussi liée à l'activité humaine... (Brouhaha.) Deuxièmement, l'IPCC fait un résumé de toutes les conséquences dramatiques qu'on va subir. Donc, des conséquences sur la qualité de vie, l'économie, la migration, etc. Enfin, le troisième rapport nous donne toute une série de mesures qu'il faut prendre pour limiter les dégâts. Parce que, si l'on arrive à freiner les émissions et à les équilibrer d'ici à huit ans, on pourrait vivre avec une augmentation de deux degrés. Mais il semble que ces deux degrés représentent déjà un seuil important.

A quelles économies ou mesures faut-il donc se plier ? La réponse est très simple. Il faut évidemment commencer à économiser de l'énergie et, deuxièmement, il faut produire cette dernière de manière respectueuse pour l'environnement.

En ce qui concerne l'électricité, le prix est un élément important pour inciter les gens à économiser de l'énergie; ce n'est peut-être pas le facteur principal, mais il compte quand même. Il faudrait aussi qu'on s'approvisionne à des sources propres, c'est-à-dire à des énergies renouvelables. Celles-ci ne sont pas forcément les moins chères, mais il faut les favoriser et ne pas simplement acheter le courant auprès d'une usine à charbon en Pologne... Et si le Conseil d'Etat ou l'Etat veut avoir son mot à dire sur le prix et les sources de l'électricité, il nous semble évident que ce sera plus simple si les SIG ont le monopole.

Voilà les raisons pour lesquelles nous soutenons cette initiative.

M. Eric Bertinat (UDC). Nous poursuivons donc notre feuilleton par un nouvel épisode concernant l'électricité. La démarche des initiants est la même que pour le marché de l'eau: s'opposer à une libéralisation - éventuellement sauvage, aux dires de certains - du marché de l'électricité.

En 2002 pourtant, le résultat de la votation sur cette question avait été sans appel, puisque le peuple avait été majoritairement défavorable à une libéralisation telle que proposée. Bien que le groupe UDC soit contre cet objet de l'initiative 126, je conserverai pour ma part mon opposition à toute libéralisation de marchés publics.

Je me permets de rappeler que la section genevoise de l'UDC s'était elle aussi, en 2002, prononcée contre ce projet de loi. Pour expliquer ce résultat, les observateurs avaient mis en avant les appréhensions des citoyens de ne plus disposer aussi sûrement d'électricité, après une arrivée de multinationales qui, de même que dans le cas du marché de l'eau, n'ont pas fait montre d'une grande envie d'investir des moyens suffisants pour l'entretien des infrastructures. C'est l'un des aspects les plus visibles que l'on constate dans tous les exemples de libéralisation de marchés publics. En matière d'électricité, l'exemple de la Nouvelle-Zélande cité dans le rapport de la commission de l'énergie est explicite. Il y en a bien d'autres, tels les incroyables ennuis rencontrés par la population américaine en Californie.

Le business est une affaire de sous, pas de morale. Ce postulat est parfaitement acceptable dans l'économie, tant que les besoins vitaux de la population ne sont pas en jeu. En acceptant d'ouvrir ainsi nos marchés publics, nous prenons de gros risques de voir le business s'imposer, comme nous le constatons partout dans le monde, et de devoir ensuite régler la facture, une fois le marché mis à sac.

Sans doute payons-nous une somme trop élevée pour nos services publics bien suisses, proches de l'excellence en matière d'infrastructures administratives et techniques, mais c'est le prix du succès. Un prix qui peut paraître cher pour les industriels qui préféreraient une libre concurrence leur permettant de faire baisser leurs factures énergétiques. Pourtant, ce coût un peu élevé, que le marché de la concurrence n'a toujours pas fait baisser, leur assure sans souci la distribution de l'électricité dont ils ont besoin pour mener à bien leur entreprise électrique.

J'aimerais encore dire que M. Weiss a partiellement raison. Un monopole en la matière n'apportera pas une assurance totale d'approvisionnement, mais je ne vois pas en quoi la libéralisation de ce marché apportera pareille assurance.

Enfin, je ne suis pas d'avis que la nouvelle loi sur l'approvisionnement en électricité, qui libéralisera en deux étapes ce marché, alors que, en 2005, elle ne prévoyait qu'une étape - qui, elle, a été parfaitement refusée, on voit l'astuce - nous empêcherait d'assurer à notre canton un monopole qui ne serait que le statu quo de la situation actuelle qui fonctionne, encore une fois, parfaitement.

C'est donc pour toutes ces raisons que je soutiendrai cette deuxième portion d'initiative.

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, les radicaux s'expriment presque toujours en faveur du marché et de la concurrence plutôt que pour le monopole, la question de l'eau faisant précisément exception.

Le cas de l'électricité, quant à lui, est particulièrement révélateur des dangers et risques de manipulation que présentent les monopoles. Et ces problèmes n'ont pas été évoqués ce soir avec suffisamment de «démonstrativité», si je peux m'exprimer ainsi. On pense notamment au risque de couvrir par des manipulations de prix le laxisme et la mauvaise gestion passée ainsi que leurs conséquences financières.

En voici l'illustration, Mesdames et Messieurs les députés: il y a quelques années, les SIG croulaient sous une dette qui frisait le milliard. Il fallait, bien entendu, l'absorber d'une manière ou d'une autre et, surtout, d'une façon politiquement acceptable. Alors comment s'y est-on pris ? En deux étapes. D'abord, en exigeant de la société Energie Ouest Suisse, EOS, dont les SIG sont un actionnaire important - 25% - des rabais considérables sur le prix du kilowatt-heure. Ensuite, tout simplement en ne répercutant pas ces baisses sur les consommateurs et en utilisant le cash flow ainsi dégagé pour rembourser la dette. Reste évidemment aujourd'hui à rétablir la situation d'EOS, et c'est à cela qu'on nous prépare actuellement parce que, dans cette affaire, EOS a perdu ses marges, en tout cas partiellement. Et M. Battistella et ses collègues des autres cantons ne font rien d'autre en ce moment que de nous annoncer les hausses massives nécessaires pour qu'EOS puisse faire son travail, non seulement aujourd'hui mais encore demain. Alors, la hausse des prix de l'électricité sur les marchés internationaux, Mesdames et Messieurs les députés, ne constitue pas la vraie raison des hausses qui nous attendent !

C'est pour cela, et en vertu de cet exemple, que les radicaux ne sont pas favorables au monopole de la distribution de l'électricité, comme l'a rappelé mon collègue Barrillier. Parce que dans cette affaire, les SIG ont aujourd'hui encore, de même que le Conseil d'Etat, un trop beau rôle. Il faut douter des arguments avancés par les SIG et par notre gouvernement, d'abord parce que nous avons affaire à un monopole, ensuite parce qu'on se rappelle l'exemple que je viens d'évoquer, et, enfin, disons-le clairement - et en cela, on rejoint l'initiative - parce que certains groupes ont fait de la hausse du prix de l'électricité, comme des autres énergies, leur credo.

Il faut donc refuser de cautionner cette initiative, même si les SIG - il faut le reconnaître - ont fait récemment des efforts considérables pour améliorer leur gestion.

La présidente. Je salue à la tribune notre ancien collègue M. Claude Blanc, par ailleurs aussi ancien président de ce Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien vous invite à refuser cette initiative sur le volet de l'électricité; et ceci pour plusieurs raisons.

D'abord, cette initiative est particulièrement inopportune, cela a été dit. En effet, les Chambres fédérales sont aujourd'hui en pleine discussion sur la question de la libéralisation totale ou partielle du marché de l'électricité, les parlementaires sont à bout touchant - M. Reymond, je pense, nous le confirmera tout à l'heure - et nous avons neuf chances sur dix, en adoptant ce texte, de nous trouver dans les prochains mois en porte-à-faux avec la nouvelle législation fédérale.

Il est vrai qu'il y a une tendance, un peu partout, à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux. Il se trouve, Mesdames et Messieurs les députés, que les initiants souhaitent faire un cadeau aux SIG que ceux-ci ne souhaitent pas. M. Battistella, directeur général, nous l'a confirmé lors des auditions. Les SIG vivent très bien avec leur monopole de fait, ils se préparent depuis des années à faire face à une ouverture du marché de l'électricité et ils ont su faire preuve d'innovation dans ce contexte de monopole de fait. Ils n'ont nul besoin d'un monopole de droit pour poursuivre une gestion des énergies, en particulier de l'électricité, respectueuse du développement durable. Ce dont les SIG ont besoin de notre part, ce n'est pas de ce monopole inscrit dans la constitution, mais bien de la poursuite d'un partenariat privilégié avec l'Etat en ce qui concerne la politique de l'énergie. Et actuellement, en commission, nous sommes en discussion sur le nouveau concept cantonal de l'énergie. Il est clair que les SIG demeurent un partenaire important et privilégié dans cette vision importante pour l'avenir de Genève. Ce n'est pas un monopole de droit qui va améliorer les choses sur ce plan-là, raison pour laquelle nous vous demandons de refuser cette initiative.

M. André Reymond (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, notre collègue Eric Bertinat a justement souligné que, en 2002, nous avions pris une position contraire à celle que les commissaires de l'UDC ont adoptée en commission concernant cette initiative.

Permettez-moi, Monsieur Zbinden, de dire que vous avez tout à fait raison de rappeler qu'il y a un réchauffement climatique et qu'il faut faire attention. Vous nous avez dit où vous alliez acheter votre pain... Mais j'aimerais justement vous signaler que les boulangers à Genève ne chauffent plus leur four à l'électricité mais au gaz.

Il est évident qu'il y a un problème d'approvisionnement en électricité, un problème de réchauffement climatique, et c'est vrai que nous devons faire attention. D'ailleurs actuellement, à la commission de l'énergie du Conseil national, nous parlons de la question de l'économie d'électricité, car il y a de réels problèmes. Prenons l'exemple du stand-by des appareils électriques: qu'en est-il de votre ordinateur en ce moment ? Est-il en fonction, éteint ou encore en stand-by ? Ou peut-être avez-vous chez vous trois télévisions que vous laissez allumées... Donc, il y a un problème - d'ailleurs, je reconnais moi-même ne pas faire très attention - et nous devons nous méfier de ce qui nous arrive. Mais cela ne m'empêchera pas de dire que la question de l'approvisionnement en électricité est réglée - ou va se régler sur le plan fédéral.

C'est vrai que des sommes considérables, prélevées sur la base du kilowatt-heure, seront réinvesties dans les énergies renouvelables, et je suis content qu'à Genève on soit sensible à ce problème. Les SIG ont investi en géothermie à Bâle pour faire une expérience dans le domaine de la recherche. Mais on sait ce qui s'est passé, le forage s'est effondré. Ce qui me fait dire que le risque zéro n'existe pas, comme peut-être pour le nucléaire... A Genève, nous ne pouvons pas avoir du nucléaire, c'est inscrit dans notre constitution, ce qui n'empêche pas que nous devons nous approvisionner à l'extérieur. Et ce qui vient de France, ne vous faites aucune illusion, est aux trois-quarts d'origine nucléaire !

Concernant cette peur qui a été évoquée, je crois que la solution n'est pas d'inscrire le monopole dans la constitution, ce n'est pas nécessaire. J'admets que nous aurons un problème d'approvisionnement, mais cela va être réglé au point de vue fédéral. C'est vrai aussi que les fournisseurs français auront de la peine à nous approvisionner et que nous devrons trouver une solution, mais il n'est pas judicieux de mettre la charrue avant les boeufs et de faire éventuellement voter deux fois Genève sur un problème énergétique qui est en phase d'être réglé. Et les Verts et les socialistes menacent de lancer un référendum là contre.

Pour conclure, je vous propose, comme les deux députés de l'UDC l'ont fait en commission, de vous prononcer contre cette initiative 126, en vous rappelant que tout se transforme et tout va très vite en Europe, s'agissant du marché de l'électricité, et que la Suisse est un régulateur important: n'oubliez pas que toute l'électricité venant du Portugal pour aller en Bulgarie est régularisée par la Suisse.

De plus, ce n'est pas avec une situation de monopole que les pannes seront évitées, on l'a vu en Suisse, au niveau des CFF, notamment au sud du Tessin. Alors j'aimerais que vous en soyez conscients et que vous suiviez la majorité de la commission en votant contre cette initiative. Je vous remercie.

M. Francis Walpen (L), rapporteur de majorité. Dans ma première intervention, je disais que de vouloir ancrer dans la constitution le monopole des SIG en matière d'électricité n'était rien d'autre qu'une mauvaise réponse à une question stratégique. Et je rappelais cette question: «Comment assurer un approvisionnement sûr à un prix supportable pour les usagers ?»

J'ai entendu parler ce soir de réchauffement climatique, de prix facturés au coût réel; à la commission de l'énergie, certains disent aussi qu'il faut augmenter de façon extrêmement importante le prix de l'électricité pour dissuader les consommateurs d'en utiliser trop. Toujours est-il que je n'ai entendu que peu d'écho, sinon dans la bouche de M. Weiss, aux propos que je tenais concernant les entreprises, qui sont les premières concernées aujourd'hui et qui, je me permets de le rappeler, ont changé de comportement et font d'ores et déjà les efforts qu'on est en droit d'attendre d'elles en ce qui concerne les économies d'énergie, notamment par la réduction de la consommation et l'optimisation de leurs profils de consommateurs. M. Weiss a évoqué un exemple, il y en a d'autres, et je vous renvoie pour cela à l'excellent numéro de «Cap Genève» de la Chambre de commerce du mois de janvier.

Pour moi en tout cas, ancrer le monopole dans la constitution n'est pas une assurance tous risques contre la pénurie et les hausses de prix. C'est pourquoi je réitère mon invite, qui est celle de la majorité de la commission, à refuser cette initiative et à ne pas lui opposer de contreprojet.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord relever les propos de M. Kunz concernant la mauvaise gestion des Services industriels par le passé. Je suis assez surpris d'entendre cela dans la bouche d'un député radical, parce qu'il me semble que l'ancien directeur général appartenait justement à ce parti, Monsieur Kunz. Mais je remarque l'élégance avec laquelle vous évoquez ce fait et j'en prends acte.

Pour revenir plus précisément à ce qui nous concerne, j'aimerais reprendre les arguments évoqués. Est-ce que ce ne serait pas le moment d'instituer ce monopole de droit dans la constitution ? Je vous citerai le passage de l'arrêt du Tribunal fédéral - d'ailleurs, je remercie M. Walpen de l'avoir intégré à son rapport, car cela permet à tous les citoyens de savoir pourquoi et comment on fait jouer la montre pour ne pas qu'on se prononce en votation populaire sur l'initiative. Je cite donc le Tribunal fédéral: «Néanmoins, tant que demeurent les compétences des cantons dans ce domaine, il y a lieu de reconnaître au Constituant cantonal la possibilité d'effectuer le choix qui lui est proposé. Dans l'attente d'une réglementation fédérale, une libéralisation totale du marché, souhaitée par les recourants, n'apparaît pas préférable à la transformation, opérée par l'initiative, d'un monopole de fait en monopole de droit, laquelle se traduirait dans les faits par un statut quo.» Donc, le Tribunal fédéral dit qu'effectivement les choses vont peut-être changer à l'avenir, mais qu'on peut quand même choisir cette option aujourd'hui. Ce sera une règle qui sera en vigueur, elle fera partie de la constitution et on devra faire avec, sans que cela ne pose de problème particulier.

Ensuite, je pense qu'il faut dénoncer quelques contrevérités qui ont été proférées, notamment par MM. Weiss et Barrillier - et en partie par M. Walpen, quand même, parce que, lorsqu'il parle d'idéologie, je pense qu'il ne faut pas se tromper. L'idéologie actuelle, c'est de croire justement qu'en privatisant, en instaurant une concurrence sur n'importe quel bien, on arrivera à des prix plus bas. Ça, c'est une idéologie de la Chambre de commerce. D'ailleurs, à mon avis, tous les membres de cette organisation ne partagent pas le point de vue de la direction. Mais c'est totalement idéologique. Le monopole ne changera peut-être rien au niveau de la garantie d'approvisionnement sur le plan international; en revanche, il est certain que cela va changer une chose, c'est que les citoyens genevois auront une garantie d'approvisionnement individuel qu'ils n'ont pas dans un régime privatisé. Et cela me semble extrêmement important. Les citoyens ont l'assurance de recevoir l'électricité avec les SIG, et ce ne sera plus le cas s'il y a une privatisation.

Ensuite, concernant le monopole, Monsieur Weiss... Il n'est pas là ou ne m'écoute pas, mais ce n'est pas très étonnant - en plus, il ne siège pas dans cette commission et ne connaît pas très bien le sujet. Parce que l'initiative, que demande-t-elle ? Elle vise l'instauration d'un monopole sur l'approvisionnement de l'électricité et la distribution de celle-ci, mais elle ne parle pas du tout de la production de l'électricité ! M. Weiss a dit que ce n'est pas en adoptant cette initiative qu'on augmentera les capacités de production à Genève, mais l'initiative ne traite pas de cela ! Aujourd'hui, les productions d'électricité sont déjà l'oeuvre d'entreprises privées ou de structures semi-privées auxquelles les SIG rachètent justement, grâce à notre bienveillante constitution, cette électricité à un prix garanti. On ne peut donc pas dire que cela serait différent si l'on votait cette initiative. (Brouhaha.)

Ensuite, il n'est pas non plus possible d'affirmer que cette initiative ferait ou non augmenter les prix de l'électricité. Il n'y a aucun lien entre le monopole et le coût de l'électricité, c'est une construction de l'esprit, et je vous rappelle qu'ici le prix de l'électricité est au final déterminé par le Conseil d'Etat et que notre Grand Conseil, par son vote sur les budgets, influence évidemment aussi cette décision, en ponctionnant l'argent dans les comptes des SIG. Donc, dans ce sens-là, le prix est une décision qui est en quelque sorte politique, car la marge est politique, par rapport au prix d'achat de l'électricité. Et on ne peut pas dire que le monopole a un lien direct avec cette marge.

Pour le reste, on peut également citer le Tribunal fédéral: «Toutefois, il paraît qu'entre un système de monopole et celui de l'autorisation préalable dans un régime de libre concurrence, le premier - donc le monopole - permet d'atteindre de façon plus sûre, plus efficace et à moindre frais pour la collectivité les objectifs d'intérêt général fixés par la constitution cantonale». Donc, le Tribunal fédéral le reconnaît lui-même: avoir un monopole est moins cher et fonctionne mieux !

Et c'est là-dessus que j'aimerais conclure. Si l'on veut garantir l'accès à l'électricité, qui est un bien de première nécessité pour toutes et tous, je vous recommande d'accepter cette initiative en instaurant un monopole de droit pour les SIG en matière de distribution et d'approvisionnement en électricité.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Beaucoup de choses ont été dites dans ce débat, dont quelques-unes qui sont un peu étonnantes. Monsieur Kunz, vous avez fait preuve d'un sens de l'autoflagellation excessif en dénonçant la mauvaise gestion passée des SIG - c'est une autoflagellation si je pense au groupe auquel vous appartenez - que vous faites contraster avec la bonne gestion actuelle. Je crois qu'il faut tout de même reconnaître à ceux qui ont précédé les directeurs actuels des SIG le fait que la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui cette société est le fruit de leur travail et aussi, je pense notamment à la politique d'approvisionnement, le résultat de leur perspicacité.

Il est en revanche exact que les prix de l'électricité pratiqués actuellement à Genève sont tout à fait concurrentiels. Ils le sont non seulement parce que les SIG se veulent bien gérés - et je remercie M. Weiss de l'avoir souligné tout à l'heure - mais aussi parce que, au fond, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que, monopole ou concurrence, cela ne joue pas un si grand rôle sur les prix. L'exemple le plus frappant est évidemment celui de l'Allemagne où, après que le marché a été libéralisé, on a vu quelques années plus tard les prix flamber. Mais on a aussi retrouvé ce même genre de phénomène en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. C'est donc dire que le marché n'est en aucun cas une garantie de prix bas, dans la mesure où l'électricité est un bien qui ne se stocke pas et qui dépend de grands centres de production. Etant donné que, finalement, les entreprises de service public comme les SIG, qui distribuent de l'électricité, doivent bien l'acheter quelque part, et par conséquent forcément dans des endroits où les conditions sont celles du marché. On est donc dans un domaine où la notion de monopole est toute relative en ce qui concerne les prix.

Pour sa part, le Conseil d'Etat partage très largement les arguments des initiants et il est très soucieux de la sécurité de l'approvisionnement. Et quand on parle de la sécurité de l'approvisionnement, on pense tout à la fois à la question d'avoir de l'énergie en quantité suffisante mais aussi à celle d'en avoir en qualité suffisante. Car vous devez savoir que, selon le système de distribution, on peut avoir de l'énergie qui est de mauvaise qualité, c'est-à-dire susceptible de provoquer des perturbations sur un certain nombre d'appareils électroniques extrêmement perfectionnés. Et quand on parle de la sécurité de l'approvisionnement et de la qualité de l'énergie, on pense aussi, bien sûr, à avoir recours à une énergie renouvelable. D'ailleurs, le fait de choisir son approvisionnement permet à Genève de ne pas du tout être approvisionné par des contrats en énergie d'origine nucléaire, mais à plus de 90% d'origine renouvelable, seuls 10 à 15% étant constitués par de l'énergie qui provient de centrales à gaz.

Tout en partageant les préoccupations des initiants, et en reconnaissant également le mérite de cette initiative d'avoir empêché un certain nombre de projets visant à demander aux SIG de pratiquer une politique des tarifs qui soit contractuelle - c'est-à-dire de sortir de la logique d'un même barème pour tous, pour entrer dans un système de contrat avec chacun des utilisateurs - le Conseil d'Etat estime tout de même qu'il faut refuser cette initiative. (Brouhaha.) Et il faut la refuser tout simplement pour l'insécurité juridique qui découlerait de son acceptation. Nous savons qu'actuellement une législation sur le plan fédéral est sur le point d'aboutir et il nous paraît préférable, plutôt que d'amener la population genevoise à accepter cette initiative - qui sera très difficile à interpréter et à appliquer dans le cadre de la législation fédérale dont nous savons qu'elle est imminente - de réfléchir à la façon dont nous allons nous adapter à cette nouvelle donne et faire en sorte que les SIG continuent à être cette grande entreprise de service public, précisément au service des entreprises du canton, de la population et, bien sûr, de la politique environnementale et antinucléaire, qui est celle de Genève.

Mise aux voix, l'initiative 126-2 est refusée par 46 non contre 35 oui.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 68 non contre 12 oui.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 126-2-D.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 126-A.