République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8679-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics (L 6 05.0)
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de minorité de M. Florian Barro (L)
M 1712
Proposition de motion de MM. Gabriel Barrillier, David Amsler, Hugues Hiltpold, René Desbaillets, Jean-Marc Odier, Alain Meylan, Christophe Aumeunier, Luc Barthassat, Pierre Ducrest : Pour une politique de soumission et d'adjudication durable et non plus basée sur le seul prix

Premier débat

La présidente. M. Velasco est le rapporteur de majorité; M. Florian Barro est le rapporteur de minorité... Qui remplace M. Florian Barro ? (Brouhaha.) En attendant la réponse, je vous signale que cet objet est traité avec le point 59, proposition de motion 1712. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous passe la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Nous devons traiter aujourd'hui un projet de loi qui avait été présenté par le Conseil d'Etat à l'époque, plus précisément en 2004. Il a fait l'objet de travaux pendant quelques mois, ensuite la commission a suspendu ses travaux parce qu'il fallait obtenir des éléments supplémentaires, puis les a repris au mois de juin 2004. C'est à la suite de cette séance que le vote est intervenu. Et ce rapport a traîné en raison d'un manque de volonté de faire aboutir ce vote...

De quoi s'agit-il, Mesdames et Messieurs les députés ? De l'Accord intercantonal sur les marchés publics. Ces accords - comme d'autres, d'ailleurs - découlent des Accords de l'Organisation Mondiale du Commerce, d'ailleurs signés par notre pays au niveau fédéral et qui doivent être appliqués dans nos législations, cantonales et municipales. Certes, ces accords comportent des éléments positifs: notamment l'introduction de la concurrence, la transparence - c'est-à-dire qu'en principe le copinage disparaît, la corruption aussi... (Brouhaha.) En examinant ces accords plus en détail, il apparaît aussi que des critères sociaux ainsi que des critères environnementaux peuvent être introduits dans ces accords... (Brouhaha.) Madame la présidente, il est très difficile de travailler dans ce Grand Conseil ! (La présidente agite la cloche.) Très difficile !

La présidente. Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le rapporteur ! Celles et ceux que le sujet n'intéresse pas peuvent tout à fait se rendre dans une des salles à leur disposition ! Je souhaiterais que l'on écoute le rapporteur ! Je vous remercie.

M. Alberto Velasco. Je reprends donc. C'est vrai, certains critères intéressants peuvent être introduits dans ces accords. Deux questions fondamentales ont divisé les commissaires de tous bords, il suffit de regarder le détail des votes.

La première, c'est que le parlement va se trouver dessaisi de certaines prérogatives. Par exemple, que nous ne pouvons pas introduire des critères de sécurité ou autres qui discrimineraient les autres cantons par rapport au nôtre. Cela n'est pas possible. Ce qui veut dire que ces accords limitent le pouvoir décisionnel de notre parlement. C'est une évidence, j'ai d'ailleurs posé la question, et cela m'a été confirmé.

La deuxième question qui nous a divisés porte sur les seuils. Genève applique déjà l'AIMP - Accord intercantonal sur les marchés publics - mais notre seuil, en ce qui concerne les services, est à 500 000 F environ. Or cet accord prévoit de fixer le seuil des services à quelque 380 000 F... Alors, certes, les autres cantons romands ont signé cet accord, mais comme leur seuil est à 150 000 F, c'est une façon de se protéger. En effet, si ce seuil est fixé à 380 000 F, pour eux le plafond est plus haut, ce qui leur laisse une marge. Par contre, pour les Genevois, cela représente une baisse. C'est la raison pour laquelle des représentants de petites entreprises, bureaux d'architectes, bureaux d'ingénieurs, sont venus nombreux en commission nous expliquer que les choses étaient déjà difficiles, et qu'elles le seraient encore plus si ce seuil était baissé.

Et il en est de même pour les communes. Il faut en effet comprendre que pour répondre aux marchés publics, les frais encourus par les petites entreprises, bureaux d'architectes ou d'ingénieurs, sont très élevés, avec un seul aussi bas, par rapport à leur chiffre d'affaires. La grande entreprise, elle, peut plus facilement intégrer ce type de frais, qui représentent un pourcentage plus faible de son chiffre d'affaires. Je le répète, il est plus lourd pour les petites entreprises de soumissionner ces marchés, car on leur demande une montagne de paperasses par rapport au volume du marché. C'est la raison pour laquelle elles ont exprimé leur défiance vis-à-vis de cet accord.

Certains d'entre nous avons donc considéré qu'il était important que le Conseil d'Etat ait une marge de manoeuvre pour soutenir les petites entreprises qui constituent le tissu économique de notre canton. Et nous avons estimé qu'il n'était pas question, voire qu'il était dangereux, de trop baisser ce seuil. Le vote sur cette question a d'ailleurs été tout à fait disparate, puisque des députés du même groupe ont voté différemment. On ne peut donc vraiment pas dire qu'il s'agissait d'un vote partisan.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. Je ne sais pas si les choses ont évolué depuis, mais je sais que certains députés aimeraient reprendre ces travaux, pour tenir compte de certains éléments nouveaux. Voilà où nous en sommes.

Mesdames et Messieurs, je reprendrai la parole si des éclaircissements me sont demandés.

Mme Morgane Gauthier (Ve). En effet, deux sujets sont abordés ce soir: le projet de loi pour ratifier les accords AIMP et la motion du parti radical. La problématique soulevée par ce projet de loi a largement occupé la commission des travaux durant la précédente législature. Le traitement de ce projet a été compliqué du fait que les thèmes abordés ont des aspects émotionnels importants et, également, du fait que Genève fait partie des mauvais élèves en matière de ratification. La situation qui en découle est quelque peu inconfortable.

Comme pour chaque accord intercantonal, nous n'avons que deux possibilités: l'accepter ou le refuser tel quel, sans pouvoir apporter de modification. Pour les Verts, ces accords intercantonaux ne sont - et de loin - pas parfaits: les critères sociaux et environnementaux, ou de formation, n'y sont pas inscrits, contrairement aux critères financiers. La lourdeur administrative qui en découle et les conséquences de l'abaissement des seuils pour les petites structures ou les petites communes sont réellement préoccupantes.

Mais il existe aujourd'hui des outils qui sont utilisables par les petites structures ainsi que par les collectivités publiques, comme le Guide romand ainsi que le site internet qui permettent d'alléger quelque peu le travail des soumissionnaires.

D'un autre côté, la ratification n'est pas un luxe. Dans le cas où les cantons ne sont pas en harmonie, il y a un risque sérieux que la Confédération légifère et exige une application encore plus rigide de ces accords.

Un autre point nous semble important: l'application des Accords bilatéraux. Il nous paraît nécessaire d'adapter la législation à cela, selon la volonté populaire.

Au sujet de l'harmonisation des accès aux marchés cantonaux, nous souhaitons que les procédures soient plus transparentes et que les règles en vigueur soient clairement exprimées. Les AIMP permettent de définir des critères déterminants ainsi que plus d'égalité de traitement, de transparence; ils ouvrent aussi des droits de recours contre les adjudications.

Ce qui nous semble important aujourd'hui, c'est de prendre une décision. Aujourd'hui notre marché est ouvert, mais les règles qui le régissent sont floues. Nous souhaitons une clarification du système, des procédures, des possibilités de pondération en fonction de critères importants à nos yeux, comme le respect des normes environnementales strictes ou favoriser des entreprises formatrices ainsi que la proximité des forces de travail.

C'est donc pour toutes ces raisons qu'une grande majorité d'entre nous - du parti des Verts - va accepter ces accords révisés. Nous vous demandons que le vote ait lieu aujourd'hui et que la motion radicale soit étudiée en commission relativement rapidement, étant donné qu'une troisième série d'accords révisés va tout prochainement faire l'objet d'un autre projet de loi.

La présidente. Merci beaucoup, Madame la députée. Monsieur Amsler, vous remplacez le rapporteur de minorité ? M. Aumeunier était inscrit... Bien, je vous passe la parole.

M. David Amsler (L), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je remplace effectivement M. Florian Barro comme rapporteur de minorité pour le traitement du projet de loi 8679.

A la lecture du rapport, on se rend effectivement compte, après deux ans de discussions, de multiples auditions de maîtres d'ouvrages et de mandataires, que la commission ne sait pas très bien où elle en est, puisque le résultat du vote montre cinq voix contre, quatre pour et cinq abstentions. Il reflète donc assez bien le désarroi de la commission des travaux par rapport à la révision de la norme AIMP.

Il a été dit tout à l'heure que Genève était le dernier canton à ne pas avoir validé la révision de l'AIMP... Nous avons donc aujourd'hui, me semble-t-il, une bonne occasion de rejoindre l'ensemble des cantons suisses en ratifiant cet accord !

Je voulais aussi me rallier aux propos de Mme Gauthier selon lesquels il faut nous doter d'un outil législatif clair pour les futures attributions des grands travaux qui auront lieu dans notre canton.

En lisant ce rapport, on se rend compte que ce qui est contesté par une courte majorité n'est pas tant la révision des normes AIMP que le principe de ces accords. On reproche tout d'abord la lourdeur administrative; le droit de recours, qui peut stopper certains chantiers, et, aussi, de représenter un frein au développement durable, puisque l'on ne maîtrise plus vraiment ni la provenance des matériaux ni celle des ouvriers. Par contre, les transports augmentent et le marché du travail est déréglementé. Ce sont un peu tous ces aspects qui ont été analysés par la commission des travaux pendant deux ans.

Nous devons être conscients aujourd'hui que ces AIMP ne peuvent pas être mis en cause. La seule chose dont traite ce projet de loi, c'est la fixation de nouveaux seuils pour déterminer les différentes procédures, qu'elles soient de gré à gré, qu'elles soient sur invitation, qu'elles soient sélectives ou qu'elles soient ouvertes.

Certains disent que les seuils augmentent, ce qui donnera peut-être plus de liberté à des maîtres d'ouvrage pour les attributions de marché. D'autres y voient une restriction des seuils, ce qui augmentera d'autant les procédures. Donc - vous le voyez - pour certains, les seuils augmentent, pour d'autres, ils baissent, rendant d'autant plus difficile la discussion.

Au cours des auditions auxquelles la commission a procédé pendant ces deux années de négociations, il y a d'abord eu de grandes discussions avec les communes genevoises par rapport à l'entrée en force des normes AIMP. Il était en effet question que les communes genevoises soient exclues de ces normes... Aujourd'hui, elles sont intégrées dans les procédures, et les communes ont dû s'adapter. Comme l'a dit Mme Gauthier tout à l'heure, les communes ont effectivement dû s'organiser administrativement, pour pouvoir répondre à ces règlements, et elles ont su s'entourer de professionnels afin de pouvoir répondre à cette demande.

Par ailleurs, la Fédération des architectes et ingénieurs reprochait aussi les lourdeurs administratives générées, mais, sur le fond, elle n'est pas opposée à cette révision. Elle aimerait surtout être associée à la démarche de la révision.

Comme cela a été dit tout à l'heure, nous traitons en parallèle la motion 1712, qui ne porte pas sur les seuils, mais sur les critères d'adjudication de ces marchés. En complément à cette révision sur les seuils, il est effectivement important que notre canton se dote aussi d'une législation pour fixer les critères d'analyse des offres. En tant que rapporteur de minorité du projet de loi 8679, je pense que la motion 1712 est un complément tout à fait judicieux pour fournir des critères précis qui tiennent compte, précisément, de la formation professionnelle, de la protection de l'environnement et des conditions de travail, lors de l'adjudication de marchés publics.

En résumé, accepter cette révision, c'est accepter la négociation intercantonale, c'est accepter la modification de certains seuils. L'impact, en fait, sur les procédures d'adjudication serait aujourd'hui pratiquement nul. Le souhait de tous - en tout cas ceux que je représente comme rapporteur de minorité - c'est d'accepter ces seuils et, peut-être, de revoir le fonctionnement de l'AIMP, qui n'est malheureusement pas à l'ordre du jour aujourd'hui.

La proposition de la minorité de la commission est d'accepter aussi bien le projet de loi 8679 qui nous est soumis que la motion 1712, afin de donner au Canton de Genève une législation claire pour l'adjudication des futurs grands travaux dont nous avons souvent l'occasion de parler, comme le CEVA ou d'autres grandes infrastructures dont le canton a le plus grand besoin. Et puis, accepter ces deux projets, c'est également croire en la capacité des mandataires et des entreprises genevoises de relever le défi de la concurrence intercantonale et internationale par rapport aux grands travaux prévus dans notre canton.

Voilà, Madame la présidente, le point de vue de la minorité de la commission des travaux !

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que, lors de la réunion du Bureau et des chefs de groupe, nous nous sommes mis d'accord pour limiter le temps de parole à cinq minutes par groupe. Je vous rappelle également que je vais clore nos débats à 18h30 pour passer au huis clos sur les naturalisations. Je souhaiterais donc que nous arrivions à terminer le point en cours.

Par ailleurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: M. Gabriel Barrillier, M. René Desbaillets, Mme Loly Bolay, M. Pascal Pétroz, M. Alberto Velasco et M. Christian Luscher.

M. Gabriel Barrillier (R). Merci, Madame la présidente. Ce sujet a déchaîné beaucoup de passions... Mais il faut, dans notre débat, faire la distinction entre l'adhésion du canton de Genève à la révision d'un concordat intercantonal - qui porte essentiellement sur l'abaissement des seuils au-delà desquels un certain nombre de procédures sont ouvertes - et les critères.

Cela a été dit aujourd'hui, notre canton est le seul - le derniers des vingt-six cantons et demi-cantons - à ne pas avoir ratifié cette modification technique de l'accord de base. Sur le plan purement juridique et technique, cela veut dire que Genève ne peut pas obtenir la réciprocité. Par exemple, si les entreprises genevoises voulaient - elles sont capables de le faire - offrir leurs services en dehors du canton, elles pourraient se heurter à un refus pour absence de réciprocité. Il faut le comprendre, c'est un problème technique et juridique !

Maintenant, même si Genève ne ratifie pas cette modification de l'AIMP, en vertu de la LMI - loi sur les marchés intérieurs - qui a ouvert la Suisse à un grand marché national, eh bien, n'importe quelle entreprise, d'où qu'elle vienne en Suisse, a le droit de faire des offres, puisque cette possibilité est garantie.

Le problème auquel nous sommes confrontés depuis plusieurs mois et qui prend une importance de plus en plus grande n'est pas l'adhésion à cet accord, ce n'est pas la mise en conformité avec le reste de la Suisse: le problème, c'est la façon dont les autorités publiques - que ce soit le canton, les communes ou les organismes de droit public - attribuent les travaux ! C'est-à-dire les critères - cela a été rappelé par M. Hiler qui connaît bien le sujet - qui sont appliqués pour adjuger les travaux et tenir compte d'un certain nombre de paramètres. Il faut faire la distinction entre ces deux phases.

Ce qui pose problème - vous le savez bien - c'est que l'on n'a pas le courage dans ce canton - ou bien peu - de tenir compte de certains critères, lorsque l'on adjuge des travaux importants ou, même, moins importants. Par exemple, le rôle de l'entreprise locale en matière de formation professionnelle; le fait qu'elle est une entreprise de proximité: qu'elle a les ouvriers et des matériaux sur place, ce qui va éviter de faire venir des ouvriers tous les matins de Berne, d'importer ou de faire circuler des camions lourdement chargés sur des centaines de kilomètres. C'est un problème de critères qui soient respectueux du développement durable et de la formation professionnelle.

Et c'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion ! Celle-ci doit permettre, précisément, à l'autorité adjudicataire, de mieux tenir compte de ces critères ! C'est pour cela que notre groupe demande le renvoi de cette motion à la commission des travaux pour l'étudier, l'examiner en détail et recevoir un certain nombre d'explications.

En revanche, nous souhaitons que soit ratifiée la révision de l'AIMP ! Je sais bien - je l'ai d'ailleurs déjà dit - que c'est passionnel, parce que, dès le départ, des peurs et des résistances se sont manifestées, notamment de la part des mandataires. Il faut le dire ! Et il y a dans cet hémicycle des mandataires: des architectes, des ingénieurs... Qui ne sont pas du tout satisfaits de la façon dont se passent, par exemple, les concours - mais je ne suis pas un spécialiste en la matière ! Il faut donc tenir compte de ces résistances ! Il faut que les autorités - le DCTI - aient des contacts avec les architectes, qu'ils s'arrangent pour améliorer cette situation, pour supprimer ces peurs !

Pour le reste, les partenaires sociaux du bâtiment sont favorables - ils l'ont dit en commission - à la ratification de cet accord.

Pour conclure, je dirai qu'il faut éloigner nos peurs, il faut adhérer à cet accord - d'autant plus que nous sommes le dernier canton à le faire - et renvoyer la motion 1712 à la commission des travaux, pour obtenir de réelles garanties que les critères de proximité, de formation professionnelle, de développement durable soient enfin appliqués dans ce canton en matière d'adjudication des travaux !

M. René Desbaillets (L). Les députés libéraux ont décidé de se partager les cinq minutes de temps de parole qui leur sont imparties. Personnellement, je vous entretiendrai principalement de la motion 1712, qui me tient à coeur, notamment parce que je participe activement - comme beaucoup de Genevois - bénévolement à l'organisation de manifestations, à la gestion de clubs sportifs, culturels ou autres. C'est donc sur ce sujet que j'attire votre attention, Mesdames et Messieurs les députés.

Vous devez savoir que la plupart des clubs, sociétés et associations genevois, qu'ils soient sportifs, culturels, musicaux ou patriotiques, que la plupart des spectacles, fêtes, festivals, matchs, concours et courses divers, ne peuvent exister dans notre canton que grâce à la manne financière ou à l'aide pratique des PME locales. Ces PME locales vont du menuisier au maçon, du bistrot du quartier au restaurant gastronomique, de l'imprimeur à l'assureur, du mécano au vendeur de télévisions, sans oublier les vignerons, bien sûr, et les banquiers, chers au parti libéral.

Cette manne non chiffrée aujourd'hui doit certainement représenter plusieurs dizaines de millions par année. Ces efforts doivent donc être pris en considération lors des adjudications, faute de quoi les premières économies que feront les PME pour être compétitives seront de diminuer leur budget publicité !

Que se passera-t-il alors ? Les sociétés, clubs et organisateurs précités devront soit augmenter leurs cotisations, soit augmenter le prix des billets, soit - pire encore - cesser leurs activités ! A moins qu'ils ne sonnent au guichet des subventions ! Mais cela fera l'objet de nos discussions lors de la prochaine session...

En conclusion, Mesdames et Messieurs, nous devons éviter de nous infliger un magistral autogoal et nous devons renvoyer cette motion à la commission des travaux. Cela nous permettra de revoir la problématique des adjudications avec un peu plus de recul et de mieux tenir compte de la notion de développement durable, chère à tous et à toutes avant les élections, mais, bien souvent, oubliée après ces dernières...

Je relèverai encore que la motion 1712 n'est pas une motion radicale, elle a été contresignée par plusieurs députés libéraux.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Et, en plus, vous avez respecté les deux minutes trente qui vous étaient imparties ! Madame Loly Bolay, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à préciser que le groupe socialiste est d'accord de renvoyer ces deux objets à la commission des travaux.

J'aimerais également rappeler - c'est un élément important - pour quelle raison les AIMP ont été créés. Ils ont été créés, notamment dans les pays du Sud, pour éviter les magouilles. Les pots de vin ! Quelques-uns d'entre nous se souviennent des problèmes survenus dans certains pays...

Comme vous le savez, Genève a adhéré, en 1997, aux premiers accords sur les marchés publics. La question qui se pose maintenant est de savoir s'il faut accepter les AIMP révisés. Les premiers accords s'appliquaient uniquement aux marchés portant sur des montants importants. Or, les AIMP révisés que l'on nous demande d'accepter élargissent les champs d'application, c'est-à-dire que les seuils sont abaissés, ce qui aura des conséquences importantes. Mme Morgane Gauthier l'a souligné tout à l'heure: d'une part, ils engendreront des surcoûts - c'est évident - et, d'autre part, des lourdeurs administratives. Il faut tout de même signaler que les communes ne peuvent pas, avec les moyens qu'elles ont à leur disposition actuellement, répondre à la masse de travail générée par les demandes multiples. Les communes s'adressent au département de M. Muller, qui doit répondre, donner des informations et des renseignements. Mais il faut savoir que très peu de personnes connaissent les procédures des AIMP dans le département de M. Muller. Et la personne qui s'en occupait va changer d'activité... Alors, à qui vont s'adresser les communes ? Il y a donc un problème à ce niveau-là ! Les communes ne sauront plus à qui s'adresser au sein du département si les procédures sont alourdies, ce qui sera le cas si les accords sont acceptés.

Il faut aussi relever que l'abaissement des seuils - M. Barrillier l'a dit tout à l'heure avec passion, et on le comprend très bien - va davantage pénaliser les prestataires de services et, surtout, les petites entreprises, parce que celles-ci vont voir leurs frais augmenter de façon importante et qu'elles ne pourront de toute façon pas les assumer. Du reste, la commission des travaux a auditionné des architectes - par le biais de l'Association des architectes - qui se font, bien évidemment, énormément de souci par rapport à l'abaissement de ces seuils, car les petites structures seront très désavantagées.

Pour conclure, j'aimerais signaler que tous les autres pays européens - notamment la France - augmentent les seuils. Le canton de Vaud aussi. Genève demande de les abaisser. C'est la raison pour laquelle ce dossier, même s'il a déjà été longuement été étudié en commission des travaux lors de l'avant-dernière législature, mérite encore d'être étudié. Cela a été relevé tout à l'heure par M. Barrillier, la notion de développement durable est plus que jamais pertinente, sachant que certaines entreprises viennent d'autres pays pour réaliser des travaux à Genève, ce qui implique des transports quotidiens... On peut se demander où est le critère du développement durable dans ces cas-là !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à renvoyer ces deux objets à la commission des travaux.

La présidente. Merci, Madame la députée. Vous avez demandé le renvoi du projet de loi, également, à la commission des travaux ?

Mme Loly Bolay. Madame la présidente, je crois que M. Barrillier avait demandé son renvoi à la commission des travaux...

La présidente. Non, il l'a demandé pour la motion. Je voudrais être certaine de votre demande.

Mme Loly Bolay. Madame la présidente, je demande également le renvoi du projet de loi à la commission des travaux.

M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, en matière de marchés publics, nous devons réussir l'improbable amalgame entre une saine gestion des deniers publics et notre volonté de défendre les entreprises genevoises. C'est toute l'ambiguïté de notre démarche !

D'un côté, nos règles sur les marchés publics poursuivent l'objectif tout à fait simple de préserver les deniers du contribuable, en laissant davantage s'exercer la concurrence, en fixant des règles de soumission claires, en faisant des appels d'offre publics. Cela permet d'obtenir des meilleurs prix pour les collectivités publiques, que ce soit le canton, les communes et les autres collectivités publiques visées - SI, TPG, etc.

Ces accords sur les marchés publics répondent donc à un véritable besoin d'intérêt public: faire en sorte que la construction d'ouvrages coûte le moins cher possible aux contribuables. Et ce but est totalement méritoire.

De l'autre côté, certaines décisions qui sont prises en matière de marchés publics peuvent, à tort ou à raison, heurter quelques-unes de nos entreprises qui ont l'impression, avec les règles régissant les marchés publics, d'être livrées à la mainmise de la libéralisation outrancière. Et ce sont parfois des entrepreneurs de droite qui se plaignent d'une libéralisation excessive...

Nous devons donc être extrêmement prudents en la matière. Nous devons choisir une voie médiane, et c'est un peu l'approche que nous vous proposons - que la majorité vous propose - ce soir.

D'une part, nous estimons que Genève ne peut pas prétendre à l'ouverture au monde et, en même temps, vouloir se replier sur elle-même, comme le village d'Astérix, en refusant de ratifier l'AIMP-II, alors que tous les autres cantons l'ont fait. Non ! Si nous voulons jouer avec le monde, nous devons déjà pouvoir jouer avec les Vaudois, sinon nous sommes totalement incohérents !

Donc, nous voulons poursuivre cette politique de concurrence instaurée dans le cadre des marchés publics, mais, de l'autre, nous voulons également donner un signal clair et fort aux entreprises de ce canton: qu'elles sont entendues, que nous partageons leurs préoccupations et que nous voulons mettre en valeur les efforts réalisés par toute une série d'entreprises dans le secteur du développement durable et dans celui de la formation.

J'imagine que nombre d'entre vous dans cette salle êtes allés à la Cité des Métiers, il y a deux ou trois semaines. Vous aurez pu constater l'effort considérable qui a été fourni pour l'organisation de cette Cité des Métiers. C'était absolument remarquable ! La formation professionnelle doit vraiment être valorisée. Il en va de même pour le développement durable, qui est l'un des principes cardinaux qui régissent désormais - et c'est tant mieux - notre Etat, notre République.

Le message, Mesdames et Messieurs les députés, de cette motion qu'il vous est demandé de renvoyer en commission aujourd'hui, est que des règles d'attribution des marchés publics sont en vigueur: elles sont claires, et elles doivent être appliquées dans tous les cas. Mais, en pratique, dans l'établissement des critères d'adjudication, nous devons tenir compte du développement durable et de la formation.

Pour notre part, nous soutiendrons le renvoi de cette motion à la commission des travaux, parce que des modifications d'ordre rédactionnel doivent être apportées. Par contre, nous nous opposerons au renvoi du projet de loi à la commission des travaux. Nous souhaitons en effet qu'il soit voté sur le siège, parce que Genève, dernier canton de Suisse à ne pas avoir ratifié l'AIMP, ne peut plus se prendre pour le village des Gaulois !

M. Christian Luscher (L). Je sais qu'il me reste deux minutes trente, je vais donc tenter d'être extrêmement bref.

En quelques mots, je dirai que notre canton ne doit pas, dans ce domaine comme dans d'autres, se croire plus intelligent que les autres... Ce n'est pas possible, et il ne l'est probablement pas dès lors que vingt-cinq cantons ont déjà adopté des accords qui, de toute évidence, doivent l'être également par le canton de Genève.

Je comprends que certains craignent un éventuel dumping dans ce domaine, mais - ceux qui connaissent quelque peu les accords intercantonaux le savent - toutes les cautèles possibles et imaginables ont été prévues. Je dirai même que les personnes qui sont favorables à la protection de l'environnement et des travailleurs devraient voter ces AIMP les yeux fermés. Parce que lorsqu'une collectivité publique accorde un marché à une entreprise, elle procède à toutes sortes de vérifications: non seulement que les conventions collectives soient respectées, mais, également, du fait que les charges sociales de ces entreprises sont payées. Avec ces accords, l'Etat peut donc - par un biais détourné, mais tout à fait sain - contrôler que les entreprises qui soumissionnent sont des entreprises saines: qu'elles respectent la concurrence, qu'elles respectent les travailleurs et qu'elles respectent également les retraites de leurs employés, puisque les charges sociales doivent être payées et les attestations doivent être produites aux collectivités publiques qui adjugent les marchés.

Deux remarques encore, Mesdames et Messieurs les députés. M. Barrillier a raison de préciser que la LMI - loi sur les marchés intérieurs - permet déjà aux entreprises de tous les cantons de soumissionner dans d'autres cantons. Mais à ce droit doit évidemment correspondre l'obligation faite aux cantons de respecter les entreprises d'autres cantons qui soumissionnent dans le canton en question. En d'autres termes, les entreprises d'un canton peuvent soumissionner dans d'autres cantons, mais ce canton doit aussi respecter - cela s'applique également aux Genevois, et cela leur est aussi favorable - le droit d'une entreprise venant d'un autre canton d'être adjugée si son offre est la meilleure.

D'ailleurs, si nous devions ne pas adopter cette loi, les entreprises genevoises seraient discriminées, car elles ne pourraient pas soumissionner dans les autres cantons dans le cas où le marché se trouverait entre le seuil 1 AIMP et le seuil 2 AIMP. Et je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, à vous qui prétendez protéger les entreprises, de garder cet élément à l'esprit lorsque nous passerons au vote.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député !

M. Christian Luscher. Et puis, finalement - Madame la présidente, j'en ai terminé - l'intérêt du contribuable, de toute évidence, et pour autant que la concurrence soit saine, c'est que ces AIMP soient respectés, puisque l'effet sur le prix des marchés publics est positif. Et c'est vous, Mesdames et Messieurs les députés, et nous, contribuables, qui payons en fin de compte la facture de nos propres deniers. Je vous remercie. J'ai légèrement dépassé le temps qui m'était imparti et je vous prie de m'en excuser !

M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais réagir rapidement par rapport à ce qui a été dit sur ces deux objets.

S'agissant du projet de loi, il faut l'adopter, sinon cela mettrait en péril nos entreprises lors de soumissions dans d'autres cantons. Dans ceux-là, si je prends l'exemple des bains thermaux qui sont construits à Charmey ces temps-ci, nous voyons que l'adjudication s'est faite selon ces normes: les entreprises locales fribourgeoises ont parfaitement pu obtenir des marchés; d'autres marchés ont été attribués dans le cadre de ce chantier à des entreprises bernoises, valaisannes et, même - sauf erreur - vaudoises. Mais à aucune entreprise genevoise ! Cet accord ne restreint pas l'attribution de marchés à des entreprises genevoises et nous devons, par conséquent, adopter ce projet de loi.

Pour ce qui est de la motion, nous sommes effectivement sensibles aux arguments développés par ses auteurs... Toutefois, j'aimerais relever l'incohérence qui se révèle dans cette enceinte: d'un côté, on veut être europhile, voire «euroturbo», alors que l'Europe préconise justement une Europe de la concurrence, une Europe libérale, une Europe qui favorise effectivement les délocalisations, les pertes d'emplois dans l'Europe occidentale au profit de pays nouvellement intégrés... Et, de l'autre côté, on veut faire exactement l'inverse, à savoir une Europe des nations, une Europe qui favorise les entreprises locales par le biais de critères qui ne sont pas reconnus par cette même Europe !

Pour notre part, nous - qui ne sommes pas europhiles, vous le savez - n'avons aucun complexe par rapport à cette motion. Nous voterons par conséquent son renvoi en commission. Mais, en matière économique, je suggère aux députés de ce parlement de tenir un discours cohérent sur ce sujet !

M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, les députés du Mouvement Citoyens Genevois sont très attentifs à la qualité des PME genevoises, et nous les défendons avec beaucoup d'énergie. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi en commission de la motion et du projet de loi. Nous estimons qu'il faut vraiment étudier ces sujets en profondeur, pour la simple et bonne raison que jamais une PME genevoise n'a pu participer à un appel d'offre d'un marché public chez nos voisins naturels les plus importants, c'est-à-dire en France. C'est d'autant plus dramatique que cela se passe dans tous les domaines. C'est une situation générale... Nos viticulteurs importent de France des millions de tonnes de raisin, mais ils ne peuvent pas exporter ne serait-ce que deux bouteilles de vin en France, tellement le protectionnisme est important...

C'est pourquoi, en ce qui concerne tous ces sujets - mais d'une manière plus élargie - nous devons les étudier et tout faire pour protéger nos PME genevoises. Il faut qu'elles puissent avoir accès aux autres marchés publics. De la même manière que nous, à Genève, donnons accès aux marchés publics à nos voisins, notamment à nos voisins français.

Je conclurai en disant qu'il ne faut pas oublier que l'Etat de Genève verse environ 100 millions par année aux collectivités locales voisines françaises, plus 57 millions aux communes. Et sur ces 157 millions qui servent, entre autres, à construire des infrastructures publiques chez nos voisins, nous n'avons jamais - jamais ! - pu participer à ces chantiers, alors que la réciproque n'est pas vraie, puisque des entreprises françaises viennent travailler sur le territoire genevois !

M. Georges Letellier (Ind.). Je m'étonne des propos qui viennent d'être tenus... Je pense que la position actuelle de notre Grand Conseil est quelque peu «à côté de la plaque» !

Nous parlons aujourd'hui de l'Europe - je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Catelain à ce propos - mais nous parlons aussi de la régionalisation et, en particulier, de la région franco-valdo-genevoise ! Autrement dit, ce que nous allons voter tout à l'heure risque d'être obsolète dans un avenir plus ou moins proche - peut-être dans les dix années qui viennent... Nous devons nous préparer mentalement à cette région et ne pas camper sur une position obtuse en critiquant les Français par rapport aux Suisses ! C'est complètement ridicule !

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

La présidente. Merci, Monsieur le député... Restez calme et serein ! Je passe la parole à M. Alberto Velasco, rapporteur de majorité.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Monsieur Luscher, les critères sociaux existent déjà aujourd'hui, indépendamment de l'AIMP. Par ailleurs, vous avez indiqué que si Genève ne ratifiait pas ces accords, la LMI serait appliquée... J'ai posé la question, lors d'un séminaire qui a été organisé par notre Grand Conseil dans cette enceinte, à M. Auer qui était invité. Je lui ai expliqué que nous avions un problème au sein de la commission des travaux, que des syndicalistes nous avaient dit que si Genève ne ratifiait pas la révision des AIMP - car nous avons déjà adhéré à l'AIMP - la LMI s'appliquerait à notre canton... Je lui ai donc demandé si, dans un tel cas, la LMI s'appliquerait. M. Auer m'a répondu que non, que ce n'était pas le cas ! Moi, je ne suis pas juriste - et encore moins éminent... - mais, Messieurs, la LMI ne s'appliquerait pas à Genève si nous ne ratifions pas la révision des AIMP !

Mesdames et Messieurs les députés, je le répète: nous sommes dans l'AIMP ! Le débat ne porte pas sur le fait d'être ou ne pas être dans l'AIMP... Nous y sommes ! La question qui se pose porte sur le niveau des seuils. Le rapporteur de minorité l'admet d'ailleurs... C'est sur ce point que porte le débat.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je dirai que la motion qui nous est proposée, c'est du «bouillon pour les morts» ! Du «bouillon pour les morts» ! Parce que je vois mal Genève imposer des critères aux vingt-cinq autres cantons ! Soyons cohérents, Mesdames et Messieurs ! On se plaint ici d'être seuls face aux vingt-cinq autres cantons et on présente une motion avec la prétention de vouloir imposer nos critères ! Ce n'est vraiment pas possible !

Mesdames et Messieurs les députés, lorsque l'on adopte des accords, il faut pouvoir les appliquer ! Il faut en avoir les moyens ! C'est cela le problème ! D'ailleurs, dans mon rapport - je vois, comme d'habitude, que peu de députés l'ont lu - j'évoque le rapport de l'Inspectorat cantonal des finances. Ce dernier a eu la clairvoyance de vérifier que les AIMP étaient appliqués comme il se devait...

Si vous me le permettez, Madame la présidente, je vais lire deux passages de ce rapport: «Il constate que l'Etat de Genève et ses départements ne sont actuellement pas dotés d'un système de contrôle interne suffisant lui permettant de gérer de manière adéquate les risques liés à l'attribution des marchés publics. Car ce sont les services et départements exerçant une fonction d'autorité adjudicatrice qui sont chargés de l'exécution de la réglementation sur les marchés publics de l'Etat de Genève.»

Et il ajoute: «Dans plusieurs cas, les SCI - systèmes de contrôle interne - actuellement en place ne permettent pas de garantir avec une assurance raisonnable que les risques soient correctement gérés. En effet, la problématique des marchés publics est abordée avec une sensibilité différente selon les services et les départements, avec comme conséquence le risque avéré que des marchés publics ne soient pas attribués dans le respect de la réglementation.» Ce n'est pas M. Velasco qui vous dit cela aujourd'hui, c'est l'Inspectorat cantonal des finances, il y a quelques mois ! Pas des années: quelques mois !

Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je veux bien que nous adhérions à ces accords révisés, mais il faut nous en donner les moyens ! Car, aujourd'hui, notre canton n'a pas les moyens de les appliquer !

Alors, certes, ces accords sont intéressants, parce qu'ils font disparaître le copinage - ce qui est un thème cher aux libéraux - en instaurant la transparence, la concurrence. Je suis tout à fait d'accord avec cela ! La seule chose que j'essaie de vous faire comprendre, Mesdames et Messieurs - et je ne devrais pas le dire... - c'est que les petites et moyennes entreprises - les artisans, les bureaux de services - qui constituent le tissu économique de notre canton, risquent d'être affectées si l'on abaisse les seuils. Et puis, Genève peut très bien rester dans l'AIMP, comme c'est le cas actuellement, tout en conservant le niveau des seuils actuels.

Monsieur Pétroz, vous avez dit que, pour jouer avec les autres, il faut accepter des critères communs... En effet ! Mais moi, Monsieur Pétroz, je préfère garder ma liberté qu'aller jouer avec les autres ! Pour moi, la liberté d'action est beaucoup plus importante que le jeu ! Ma foi, Genève peut considérer que sa liberté à un prix, et qu'elle préfère garder le seuil à 500 000 F... Elle n'est pas d'accord d'aliéner sa liberté en acceptant de baisser ce seuil ! Les choses sont aussi simples que cela ! Et je défie quiconque dans ce Grand Conseil de me dire combien de contrats Genève a perdu parce que le deuxième accord AIMP n'a pas été ratifié ! (L'orateur est interpellé.) Je ne crois pas ! Honnêtement, je ne crois pas que vous puissiez me le dire combien d'entreprises ont été lésées ! Aucune, Messieurs ! Aucune ! (L'orateur est interpellé.) Aucune !

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que nous pourrons effectivement nous «amuser» avec la motion de M. Barrillier, en discuter, mais cela ne changera rien du tout ! La seule chose qui arrivera, si vous votez ce projet de loi et que les seuils baissent, c'est que la concurrence sera accrue pour les entreprises genevoises. Et certaines d'entre elles, étant donné ce que j'ai déjà dit à propos de l'ICF, et étant donné la masse de travail que cela représente, n'auront pas les moyens de se présenter à certains concours. Ça, c'est la réalité !

J'estime - et ce sera ma conclusion, Madame la présidente - qu'un canton, quel qu'il soit - petit ou grand - a le droit de préserver un minimum son tissu industriel et artisanal. Je vous invite par conséquent à renvoyer ces deux objets, comme l'a demandé Mme Bolay, à la commission des travaux, pour examiner d'éventuels nouveaux critères, ou de nouveaux apports de notre canton, ou un événement majeur, pour que nous puissions, peut-être, nous mettre d'accord.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Près de deux ans et demi après la fin des travaux de commission sur cet objet, il semble que le Grand Conseil s'apprête à ratifier la dernière version de l'accord intercantonal sur les marchés publics. Le Conseil d'Etat en est très satisfait... Il est satisfait, parce que, au fond, ce que vous allez confirmer par ce vote, c'est votre attachement aux principes qui sont à la base de cet accord intercantonal. Je vous les rappelle brièvement.

Tout d'abord, le principe de la saine concurrence entre entreprises sur les marchés publics, complétée par une très grande transparence dans ce domaine. Et même si la Suisse n'est pas un pays qui pratique la corruption et le copinage - loin de là - il est important qu'un certain nombre de règles soient fixées pour éviter de telles dérives.

L'autre principe qui sous-tend l'Accord intercantonal sur les marchés publics, Mesdames et Messieurs, c'est le principe de l'utilisation parcimonieuse des deniers publics. Et l'application de ces accords a permis, il faut bien le dire, de mettre un terme à un certain nombre de pratiques cartellaires qui avaient cours dans le domaine du bâtiment. Et c'est dans l'intérêt du consommateur, au fond, que nous avons pu mettre un terme à ces pratiques. C'est également dans l'intérêt des collectivités publiques, qui bénéficient aujourd'hui des meilleurs prix sur les marchés publics.

Le dernier principe que j'aimerais rappeler, et dont le respect est garanti par l'application de ces règles, ce sont les règles sociales de protection des travailleurs, qu'il s'agisse du respect des conventions collectives de travail ou du paiement d'un certain nombre de charges sociales.

Mesdames et Messieurs, ce soir, s'agissant de la ratification de cet accord, vous avez le choix soit de le ratifier - et Genève est le dernier canton à ne pas l'avoir fait - soit de ne pas le ratifier. Si vous choisissez de ne pas le ratifier, cela reviendrait, en réalité, à exclure toute une série d'entreprises genevoises - eh oui, Monsieur Letellier ! - de marchés publics ouverts dans toute la Suisse. Et je crois que personne ici ne le souhaite !

En dehors de cela, je voudrais adresser deux messages à deux destinataires bien particuliers. Tout d'abord, aux communes. Les communes, avec ce nouvel accord, seront pleinement soumises aux règles sur les marchés publics, et je comprends tout à fait que cela puisse susciter un certain nombre d'inquiétudes.

Du reste, Mme Bolay s'en est fait l'interprète, puisqu'elle a évoqué le fait que M. Patrick Vallat, l'un des grands connaisseurs de ce domaine, a été appelé à d'autres fonctions au sein de l'Etat. Et elle craint que plus personne au sein de l'administration ne soit en mesure de répondre aux questions des communes... Je voudrais la rassurer: d'autres personnes sont compétentes pour répondre à ces questions, et elles seront habilitées à répondre aux questions des communes et des usagers sur les règles sur les marchés publics.

Je voudrais aussi vous informer qu'un «Guide romand pour les marchés publics» a été édité tout récemment; ce guide, d'ailleurs, a reçu le prix d'excellence de l'IDHEAP - l'Institut de hautes études en administration publique. Ce guide a fait l'objet d'un travail approfondi de l'administration genevoise, et je pensais qu'il était intéressant de vous en faire part.

Et puis, enfin et bien sûr, mon autre message s'adresse aux entreprises... Plusieurs d'entre vous ont également exprimé les craintes que les entreprises genevoises pouvaient ressentir dans le cadre de la concurrence que nous étendons ce soir à Genève... J'aimerais également les rassurer sur ce point. En effet, le Conseil d'Etat est tout à fait conscient de ces craintes: non seulement il écoute les entreprises, mais il les entend ! Et il a l'intention de les soutenir et de répondre à leurs craintes, par deux rappels et un engagement.

Premier rappel: aujourd'hui, 90 à 95% des marchés publics sont d'ores et déjà attribués à des entreprises genevoises. Par conséquent, ces dernières ne sont - et de loin - pas maltraitées par l'Etat de Genève.

Deuxièmement, le respect des règles sur les marchés publics et leur intégration dans un régime de concurrence est une chance pour les entreprises genevoises. Une chance qu'il faut saisir pour améliorer la compétitivité, pour s'aligner sur d'autres entreprises, lesquelles, ailleurs, que ce soit en France ou dans d'autres cantons, n'attendent pas pour faire de tels efforts.

Enfin, le Conseil d'Etat entre en matière sur les invites de la motion 1712. Nous sommes en effet parfaitement d'accord d'examiner la prise en compte étendue des règles relatives à la formation professionnelle, à l'engagement des entreprises dans le domaine du développement durable. Nous sommes sensibles - vous le savez, Monsieur le député Barrillier - à ces éléments, et nous ferons en sorte de les intégrer dans les critères d'adjudication, de façon concertée avec les milieux représentatifs des entreprises et dans le respect, bien évidemment, des règles qui nous régissent.

Voilà les quelques éléments dont je souhaitais vous faire part. Le Conseil d'Etat ne s'oppose bien évidemment pas au renvoi en commission de la motion; il est prêt à accepter son renvoi immédiat au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous soumets tout d'abord la proposition de renvoi du projet de loi 8679-A à la commission des travaux.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 8679 à la commission des travaux est rejeté par 55 non contre 26 oui et 1 abstention.

La présidente. Nous passons ainsi à la prise considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 8679 est adopté en premier débat par 66 oui contre 8 non et 10 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2 (soulignés).

Troisième débat

La présidente. Monsieur Velasco, vous désirez prendre la parole ? (Protestations.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'aimerais juste vous prévenir, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'en cette période de restrictions budgétaires et de restructuration de l'Etat au niveau des postes je veillerai, par le biais d'une interpellation déposée en tant que député, à ce que les deux paragraphes du rapport de l'Inspectorat cantonal des finances que j'ai cités soient appliqués comme il se doit, non pas «dans l'intérêt politique de M. Velasco», mais, tout simplement, dans l'intérêt de l'économie genevoise. (Brouhaha.) En effet, il n'est pas possible de signer des accords dont l'Inspectorat cantonal des finances nous dit qu'on n'est pas capable de les appliquer convenablement ! Ce n'est pas possible ! Je veillerai donc à cela, Monsieur le président ! Et j'aurais souhaité, Monsieur le président du département, que vous évoquiez ce constat de l'Inspectorat cantonal des finances !

La loi 8679 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 8679 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 14 non et 13 abstentions.

Loi 8679

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la proposition de renvoi de la motion 1712 à la commission des travaux. (Commentaires pendant le vote.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1712 à la commission des travaux est adopté par 69 oui contre 4 non et 4 abstentions.

La présidente. Monsieur le député Gautier, je vous signale qu'il fallait d'abord faire voter le renvoi de la proposition de motion à la commission des travaux !