République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 612
Hommage à Mme BRUNSCHWIG GRAF Martine, présidente du Conseil d'Etat, à M. LAMPRECHT Carlo, vice-président du Conseil d'Etat et à Mme SPOERRI Micheline, Conseillère d'Etat, qui arrivent au terme de leur mandat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle tout d'abord qu'à la fin de ce point fixe, aux environs de 19h, la séance sera levée pour accompagner les conseillers d'Etat sortants et tous ceux qui le souhaiteront à la fête qui aura lieu sur la Treille et à laquelle sont conviés les citoyens de Genève.

Je vais m'adresser maintenant à Mme la conseillère d'Etat, Micheline Spoerri. Madame la conseillère d'Etat, c'est avec tristesse que vos amis vous voient aujourd'hui quitter vos fonctions. Le souverain, parce qu'il est le souverain, n'a pas à justifier ses choix. C'est pourquoi le résultat d'une élection comporte toujours sa part d'arbitraire et consacre parfois des injustices...

Le Grand Conseil qui a eu le privilège de vous voir travailler de près comme ministre, au cours de ces quatre années, peut vous donner acte du nombre, de l'importance et de la complexité des chantiers dans lesquels vous vous êtes engagée, notamment en matière de sécurité, avec la mise en route et l'adoption d'une nouvelle loi sur la police, l'évolution du mécanisme du recrutement et de la formation des policiers, le développement d'un concept de sécurité et de proximité, la création, sur le terrain si difficile du trafic de stupéfiants, d'une Task Force et la mise en oeuvre des assignations territoriales. La question de la sécurité des écoles, la collaboration avec les commerçants, le rappel à l'ordre de certains établissements publics, toujours en rapport avec la protection de la jeunesse.

Il y a eu aussi la loi très importante contre la violence domestique, tout récemment adoptée par notre parlement, les mesures d'intégration de la police de sécurité internationale, les accords d'entraide en matière de migration internationale avec les autorités françaises, le développement de la sécurité civile, la création d'un établissement de détention administrative pour les étrangers en situation irrégulière et le projet d'agrandissement - devenu, hélas, indispensable - de la prison de Champ-Dollon.

Il y a eu encore l'ouverture, voici quelques mois à peine, d'une nouvelle institution pour la détention des mineurs, puis, dans le domaine judiciaire, le renforcement de la justice pénale et la création de la médiation civile.

Toujours dans le domaine des grands chantiers, citons aussi la réorganisation d'un certain nombre de directions dépendant de votre département, en particulier l'office des poursuites et des faillites, qui nous a tant occupés dans cette enceinte, et le service des autorisations et patentes.

Dans tous ces domaines, dans tous ceux aussi que j'omets de citer, vous vous êtes investie sans compter, avec le souci de bien faire, avec la méticulosité et la recherche du bien public qui vous caractérisent. Si l'importance de ces travaux et les difficultés auxquelles vous avez été confrontée - par la nature même des tâches qui vous étaient confiées et par le temps dans lequel vous avez eu à les assumer - n'ont pas toujours été comprises par tous, il m'importe que vous sachiez que ce parlement - qui, lui, vous connaît bien - vous tient en estime et en amitié et que c'est dans ces termes qu'il vous salue et forme des voeux pour la suite de vos activités.

Monsieur le vice-président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, vous êtes membre du gouvernement cantonal depuis huit ans. Période au cours de laquelle vous avez présidé le département que l'on appelle le «DE3» pas par référence à l'héroïne d'Homère - au contraire, on vous a comparé à Sisyphe, s'agissant du poids que le chômage faisait peser sur vos épaules lorsqu'il fallait transporter ce rocher du bas de la montagne à son sommet, puis recommencer le trajet - mais parce qu'on aime les initiales et les abréviations. Je veux parler du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures - du moins s'appelait-il ainsi, jusqu'à hier...

A ce titre, vous avez fait face à deux défis particulièrement importants pour Genève: celui de la promotion économique et celui de la lutte contre le chômage. C'est avec un indiscutable succès que vous avez relevé le premier défi, accompagnant grâce à votre entregent, d'une part, grâce aux modifications de nos infrastructures réglementaires, de l'autre, d'importantes entreprises multinationales qui ont jeté leur dévolu sur Genève pour y fixer leur siège social européen.

Au total, vos succès dans ce domaine sont tels qu'ils ont entraîné des manifestations de plus en plus visibles de mécontentement de la part d'Etats étrangers qui reprochent à Genève d'effectuer une concurrence fiscale déloyale. Ce reproche est évidemment infondé. Il révèle simplement que ceux qui effectuent sur leurs contribuables des prélèvements excessifs jugent déloyaux ceux qui essayent de traiter les leurs un peu moins mal...

En cédant aux chants de la sirène genevoise, les entreprises étrangères, dont vous avez assuré l'installation sur le territoire cantonal, n'ont pas seulement «voté avec leurs pieds» en fuyant des cieux fiscaux incléments, elles ont aussi choisi une qualité de vie, une situation géographique, la sécurité et de grandes compétences professionnelles. Même si, bien sûr, beaucoup reste à faire pour les renforcer et les améliorer encore.

L'arrivée d'une seule de ces entreprises a suffi à mettre un terme à la crise qu'a traversée pendant longtemps l'immobilier genevois. C'est ainsi que, durant les quatre ou cinq dernières années, Genève a créé, sous votre autorité, quatre mille emplois de plus, je crois, qu'elle n'en a perdus.

Dans le domaine de l'emploi, précisément, et malgré ces beaux succès, vous vous êtes trouvé confronté à un chômage endémique: c'est ce que j'appelais, en l'empruntant à un journaliste qui vous avait bien connu, votre «rocher de Sisyphe», car le chômage est en moyenne deux fois plus élevé à Genève qu'il ne l'est en Suisse. Face à cette situation, si pénible pour ceux qu'elle touche, vous avez souvent invité les Genevois à en finir avec les préjugés sur les chômeurs.

Bien que vous soyez né sous le signe du scorpion - comme moi - vous êtes un homme tout en douceur et en gentillesse. Votre contact avec les Genevois, comme avec les nombreux étrangers que vous accueillez, est toujours marqué par la bienveillance et l'attention, ce qui vous a valu partout et, notamment, au sein de ce parlement de nombreuses et durables amitiés.

Votre vitalité et votre dynamisme sont intacts. Vous allez donc commencer une retraite qui ne pourra pas, malgré les souhaits de Mme Lamprecht, être totalement paisible... (Rires.) Qu'elle vous soit néanmoins pleine d'agréments !

Madame la présidente du Conseil d'Etat, Madame la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf, vous n'avez siégé au Grand Conseil que pendant quatre ans: de 1989 à 1993, ce qui est peu, mais vous avez marqué nos débats par vos interventions solides sur d'innombrables sujets, dont la diversité atteste l'étendue de vos talents et celle de votre curiosité. Ils portaient déjà sur les questions financières, mais aussi sur l'urbanisme, l'égalité hommes femmes, les universités, la Croix-Rouge, l'aide à domicile, et j'en passe beaucoup...

La même richesse intérieure s'est affichée au cours de vos activités de conseillère d'Etat. Pendant plus de deux législatures, entre 1993 et 2003, vous avez présidé le département de l'instruction publique, à la fois si cher au coeur des Genevois et si difficile par sa nature même. Sous votre égide des décisions spectaculaires ont été prises, certaines à votre initiative, d'autres, tout simplement, en application de l'évolution du droit fédéral en cette matière. C'est ainsi que vous avez assumé la création des Hautes écoles spécialisées, introduit la nouvelle maturité fédérale - après avoir rénové le primaire - publié les résultats d'études qui montraient pourtant que Genève n'avait pas toutes les qualités en matière d'enseignement qu'on aurait pu attendre d'elle - qu'on attendait d'elle et qu'on attend d'elle encore aujourd'hui...

Puis, vous êtes passée au département des finances laissé vacant par l'élection au Conseil fédéral de Mme Micheline Calmy-Rey, alors que vous aviez déjà décidé que votre carrière dans l'exécutif cantonal se terminerait deux ans plus tard. Ce choix montrait tout simplement votre volonté permanente de relever les défis, fût-ce pour peu de temps. C'en était un avec un budget en croissance exponentielle, une dette suivant la même courbe, une fonction publique inquiète du destin qui pourrait lui être réservé. Vous auriez pu faire le choix de la facilité et laisser ce défi à d'autres: vous n'avez pas pu résister à la tentation d'essayer d'apporter votre contribution à sa solution ! Nous vous avons reconnue là, et, dans ces domaines, vous avez fait face avec une fermeté et une détermination parfaitement compatibles avec le surnom qui vous accompagne depuis votre entrée en politique «Fifi Brindacier»... Surnom que j'avais personnellement modifié, lorsque vous présidiez le parti libéral - mais la référence était la même: je vous surnommais «la main de fer dans le gant d'acier» ! (Rires.)

Vous aimez que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement... Vous ne vous perdez pas en longs discours et, même dans la présentation des budgets, vous n'avez jamais cédé à la tentation de trop longues explications trop complexes. C'est probablement la raison pour laquelle vous n'avez pas battu le record de William Gladstone, premier ministre à plusieurs reprises de Sa Majesté la reine Victoria - de regrettée mémoire en Angleterre - et qui fut aussi souvent chancelier de l'Echiquier, car les Anglais qui, en toutes choses, sont moins ponctuels que les Helvétiques - cela se sait - ont néanmoins inventé la mesure du discours sur le budget du chancelier de l'Echiquier... Et M. Gladstone, vers la fin du XIXe siècle, a battu les records de présentation du budget: presque cinq heures pour présenter le sien ! Jamais, vous ne nous avez infligé cela ! Nous nous le sommes infligé à nous-mêmes, tout seuls, sans votre aide ! (Rires.)

Il est vrai qu'en matière de discours vous êtes allée chercher vos références chez le plus concis des philosophes grecs: Zénon, dont vous rappeliez qu'il disait, je cite: «La nature nous a donné deux oreilles et seulement une langue, afin de pouvoir écouter davantage et parler moins.» Fin de citation. J'ai compris, je dois m'arrêter, même si j'ai plaisir à vous rendre cet hommage !

Je voudrais simplement livrer une autre réflexion aux Genevois qui nous écoutent: vous exprimant sur la citoyenneté, vous rappeliez - c'était, je crois, à la fin de l'année dernière - je vous cite: «Elle ne se limite pas aux droits qu'elle permet d'exercer; elle implique des devoirs, dont certains ne relèvent ni des règlements ni de quelconques directives, mais du libre arbitre de chacun.» Fin de citation. Il s'agit-là, évidemment, d'un appel à la responsabilité, dont je souhaite, en terminant cet hommage, qu'il soit entendu par tous. (Très vifs applaudissements.)

Monsieur le chef de groupe Pierre Weiss, vous avez la parole.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, je souhaite très brièvement, avant de passer la parole à mes deux collègues, Renaud Gautier et Jean-Michel Gros, dire à Mme Spoerri, à Mme Brunschwig Graf et à M. Lamprecht que tous trois ont su faire rayonner notre canton au-delà de ses frontières: Mme Spoerri par son sens du devoir, Mme Brunschwig Graf, en matière d'enseignement notamment - et elle va continuer à étendre sur la Suisse ses ailes fédérales - et M. Lamprecht par les succès qu'il a fait enregistrer à ce canton en matière d'arrivée de nouvelles entreprises.

J'aimerais les remercier au nom du groupe libéral.

M. Jean-Michel Gros (L). Je voudrais, au nom du groupe libéral, rendre hommage à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.

Madame, le peuple vous a refusé un nouveau mandat, et le groupe libéral est unanime pour dire que les Genevois ont eu tort... Car, si le peuple a toujours le dernier mot, il n'a pas toujours raison ! Ce n'est pas la gauche qui me contredira sur ce point... Et cela, même si certains militants libéraux ont été victimes d'une intoxication médiatique dont vous étiez la cible, Madame Spoerri.

Quand je parle «d'intoxication médiatique», j'appelle les choses par leur nom: une certaine presse a «voulu la peau» d'une conseillère d'Etat !

Oui, Mesdames et Messieurs les députés, quand Micheline Spoerri rétablit le dialogue avec la police, elle devient l'otage des syndicats !

Oui, quand Micheline Spoerri permet aux usagers de la gare - dont je suis, quotidiennement - de prendre le train en toute sécurité, elle ne fait que déplacer les dealers dans d'autres quartiers !

Oui, quand Micheline Spoerri gère le G8, sans mort, sans blessé grave, sans attentat sur les nombreux chefs d'Etat en transit à Genève, sa responsabilité semble totale pour les saccages subis par les commerçants de la ville ! Peut-être, en effet, ne s'est-elle pas suffisamment affichée devant les caméras de télévision !

Eh bien, Madame la conseillère d'Etat, ce n'est pas notre avis ! Le groupe libéral et, notamment, les membres des commissions judiciaire, législative, des droits politiques et de contrôle de gestion, savent ce que vous avez fait ! Le dialogue a toujours été votre volonté. Réforme de la police, des offices des poursuites et faillites, loi sur les violences domestiques: votre bilan, Madame la conseillère d'Etat, peut s'enorgueillir d'avoir servi la population genevoise ! Il peut surtout s'enorgueillir d'avoir donné au département de justice et police, à ses collaboratrices et collaborateurs, une raison d'être fiers d'agir pour la sécurité de ce canton

Il vous restait encore à faire, et, avec votre modestie habituelle, vous l'avez reconnu. Nous souhaitons ainsi vivement que les efforts entrepris - je pense particulièrement au projet pilote de police de proximité dans les communes - soient poursuivis par votre successeur pour faire aboutir les projets en cours.

Madame, vous n'avez jamais cherché la popularité pour elle-même: en cela, vous êtes profondément libérale... Vous avez toujours refusé de promettre tout et son contraire. C'est d'ailleurs pour cela que les libéraux sont toujours arrivés en queue de peloton dans les élections majoritaires. C'est la sécurité des Genevois qui vous est apparue prioritaire, tant dans les rues qu'à domicile. Les statistiques vous ont donné raison, mais, voilà, les Genevois ne l'ont pas suffisamment su !

Pour le groupe libéral, Madame la conseillère d'Etat, au-delà de votre non-élection - bien sûr, nous sommes tristes d'avoir perdu un siège au Conseil d'Etat - il reste une dimension, car, pour nous, l'individu prime largement la fonction politique.

Alors, maintenant, c'est à Micheline tout court que je souhaite m'adresser au nom du groupe. Tu as été, pendant ces quatre années, une force de dialogue et tu as pris des décisions extrêmement fructueuses. Non, ce n'est pas une phrase en l'air ! Micheline, tu as eu des doutes, des hésitations - c'est tout à l'honneur d'un membre d'un parti responsable ! - mais tes liens très forts avec le groupe ont permis des discussions constructives, qui ont souvent débouché sur des décisions unanimes de ce Grand Conseil, et ce, sur des sujets difficiles !

Les principaux reproches qui te sont faits ont trait à ta difficulté de communiquer... C'est sûrement vrai, mais - hélas ! - ce que les gens ne savent pas, c'est ta capacité à régler tous les problèmes, même les plus délicats, avant qu'ils ne se posent devant le Grand Conseil. A l'écoute des plus démunis, des délaissés de notre société, tu as toujours été là: prompte à trouver «la» solution adaptée à la personne, mais tout cela sans publicité.

J'ai retenu une phrase de M. Jacques Attali, ancien conseiller personnel du président Mitterrand, lors d'une récente émission de télévision - qui ne concernait pas Mme Spoerri, je le précise. M. Attali disait: «Elle a cette capacité à se rendre impopulaire, ce qui différencie un homme politique d'un homme d'Etat.» Le groupe libéral fait sienne cette définition qui te va bien !

Chère Micheline, tu restes dans nos coeurs. Nous t'attendons dans l'action militante. Et nous t'assurons de notre respect et de notre amitié. (Vifs applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente du département militaire, Madame la présidente du département des finances, Madame la présidente du Conseil d'Etat... et souffrez que je vous dise «chère Martine».

Vous voilà donc arrivée à la fin d'un périple qui vous a fait occuper durant douze ans ce fauteuil de conseillère d'Etat, après avoir partagé pendant quatre années les strapontins durs et calvinistes de ce parlement. Qui aurait parié, il y a quelques années, que la Fribourgeoise licenciée en économétrie que vous êtes recevrait ce soir, à Genève, un hommage, qui lui est dû ?

La légende veut que les couleurs du drapeau fribourgeois soient les conséquences d'une nuit passée par Berchtold IV de Zaehringen, duc de son état, dans l'appentis d'un pauvre charbonnier. Celui-ci lui offrit comme couche un sac de charbon et un sac de farine. Se réveillant au matin, le duc découvrit ses vêtements à moitié blancs et à moitié noirs... Il décida alors que ce seraient les couleurs de la ville qu'il allait construire. Ces couleurs vous siéent, Madame. Elles sont un peu l'illustration de votre personne : vous savez tout en même temps être claire et lumineuse, mais aussi noire - et tonnante... Fribourg, canton mi-romand mi-suisse allemand qui hébergea aussi bien Gonzague de Reynold qu'Antoine de Saint-Exupéry, dont même la capitale est partagée entre le haut et le bas... Cette dichotomie, ce partage entre le blanc et le noir, permet peut-être de mieux comprendre votre parcours.

Qui donc sait ici que vous fûtes syndicaliste - même s'il ne s'agissait que du syndicat des employés de banque - avant de rejoindre une société qui voulait défendre l'économie suisse ? Qui donc sait qu'arrivant de Berne à Genève vous vous engageâtes deux ans à la Main Tendue avant de commencer votre carrière politique ? Vous revendiquez votre tradition religieuse, et vous voilà à siéger au milieu des parpaillots... Un peu comme vos surnoms, d’ailleurs, évoqués tout à l'heure: on vous appelle aussi bien «Titine» que «la main de fer dans un gant d’acier» !

Dernier exemple: vous fûtes la premièr«re» conseillè«re» d’Etat de ce canton - j'insiste sur les «e» à la fin des mots - et la dernière à présider le département militaire.

Dire encore, Madame, qu'au lendemain de votre élection au Conseil d'Etat les médias se gaussaient du fait que la secrétaire générale du département de l'instruction publique était socialiste, et qui plus est nommée par André Chavanne... Les médias jugeaient le mélange pour le moins explosif, pour ne pas dire impossible. C'était mal vous connaître. Vous décrochâtes votre téléphone pour inviter Mme Marie-Laure François, secrétaire générale du DIP, à déjeuner. L'affaire fut tout de suite entendue. Entre femmes de qualité, vous ne pouviez que bien vous entendre. Et tant pis pour les médias ! Ce sont des élégances qui semblent maintenant disparues.

Lors de l'une de vos premières interventions publiques à l'Université, voilà que vous vous faites «entarter» sous les lazzis et les rires des étudiants. Il en aurait fallu beaucoup plus pour vous arrêter: vous avez demandé un mouchoir à votre voisin, vous vous êtes essuyé le visage et vous avez continué. Une heure et demie après, vous êtes partie sous les applaudissements de tous les étudiants, debout. Le seul commentaire que vous m'avez fait a été de dire que le fond de la tarte était assez dur ! (Rires.)

Vous voilà donc pendant dix ans à la tête de l'instruction publique; pas facile quand on est libérale ! Grave commotion chez la plupart des enseignants: on crie haut et fort à la fin de la démocratisation des études, au viol de l'héritage d'André Chavanne. Avec la tranquille détermination que l'on vous connaît, vous entreprenez une réforme audacieuse: vous mettez l'enfant au centre du «dispositif» - mot que vous avez beaucoup utilisé ces dernières années - de l'instruction. C'était, Madame, je vous le dis ici, une excellente réforme. Si bonne, d'ailleurs, que, dès que vous quittâtes ce département, il fut temps pour des vilains et des coquins de se rassembler dans quelque obscure arrière-salle de petites officines pour changer tout cela. «Surveiller et punir», écrivait déjà Michel Foucault quelques années auparavant... Je note en passant que fort peu se sont avisés de vous demander qu'elle était votre position par rapport à ces changements. De petites lâchetés qui en disent long sur la portée de ces pseudo-réformes...

Mais vous avez aussi oeuvré d’une manière essentielle pour la réalisation des hautes écoles spécialisées. La mise en place de cette structure d'enseignement alternative à l’Université, même si elle a supposé des choix difficiles et douloureux, offre tout en même temps une belle et nécessaire revalorisation à de nombreuses filières professionnelles. Mais elle propose aussi un élargissement bienvenu pour les étudiants qui ne se voient pas suivre une formation universitaire.

Le travail de conseiller d'Etat est fort peu gratifiant et demande extrêmement beaucoup; malgré, ou à cause de cela, vous avez toujours su garder une amicale attention pour toutes celles et ceux qui ont travaillé avec vous, de même que pour votre famille et pour vos amis. Ce n'est pas seulement un hasard si plusieurs de vos collaboratrices sont actuellement de hauts cadres de cette fonction publique pour laquelle vous avez brisé plus d'une lance. Soucieuse de la qualité du service public, et inquiète que celle-ci ne s'adapte pas aux réalités actuelles, vous avez fait fi des propositions extrémistes venant de tous bords, tout en négociant durement avec leurs représentants. Ce n'est trahir aucun secret que de dire que plus d'un de vos opposants vous vouaient beaucoup d'admiration et de respect. Vous avez les idées claires, Madame ! On peut ne pas être d'accord avec vous, mais, avec vous, on sait toujours où l'on va.

Vous quittez l'instruction publique en cours de législature pour reprendre le département des finances. La situation est pire que préoccupante: elle est mauvaise. Et vous n'avez trop de deux ans pour essayer de prendre quelques mesures drastiques pour tenter de corriger les mauvaises habitudes. L'Histoire dira que vous fûtes la première à avoir tiré sérieusement le signal d'alarme.

Il faut dire encore, Madame, que quelqu'un qui lit tout en même temps Tolkien, Salinger et Camus ne saurait être fondamentalement mauvais... «Le Seigneur des anneaux », «L’attrape-coeur» et l'un ou l'autre des romans de Camus: bel éclectisme ! Vous partagez, j'en suis convaincu, avec Albert Camus cette vision que dans ce monde, où l'idéologie justifie la mort des hommes au nom d'un avènement de l'histoire ou d'une divinité, il faut entreprendre la tâche épuisante de se faire entendre en utilisant les mots de tout le monde malgré le redoutable halo d'erreurs qui les entoure; il faut réfuter les abstractions qui rendent la violence confortable; il faut crier, comme Tarrou dans «La peste», contre la peine de mort et, comme Clamence dans «La chute», contre le monde du procès. Il faut lutter, et vous luttez, Madame, contre le virus de la peste qui ne meurt jamais.

Vous représentez, Madame, ce libéralisme à visage humain, éloigné de tout dogmatisme, qui place l’Homme responsable et solidaire au centre de vos préoccupations et de vos actions.

Il faut dire aussi que, dans votre travail comme dans vos lectures, la musique vous accompagne - «la musique adoucit les moeurs», dit-on... C’est Schubert, Bach et Mozart que l’on peut entendre parfois lorsque l'on vous téléphone à votre bureau. Bureau orné d'une grande télévision, car, qui sait - encore l’ombre et la lumière - que vous êtes une fan des séries télévisées et que les exégètes reconnaissent en vous la spécialiste de «Top Models» ? (Rires. Exclamations.) La saga de la famille Forrester n’a plus de secret pour vous, et chacun peut recueillir auprès de vous les avatars du dernier épisode que l’on n’aurait vu...

Il est temps de vous dire: au revoir et merci, Madame ! Merci de ce que vous avez fait et de ce que vous nous avez donné. Mais ne vous éloignez pas trop, Madame, la République pourrait encore avoir besoin de vous ! (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, chers collègues députés, au nom du parti démocrate-chrétien, je me réjouis d'avoir à faire l'éloge des trois ministres sortants, même si cet éloge est teinté de regret, voire, même, d'une pointe d'amertume, puisque nous avons à déplorer le départ des deux seules femmes du Conseil d'Etat... Or, un Conseil d'Etat sans femme est comme un hiver sans neige ou comme un printemps sans fleurs: c'est-à-dire qu'il lui manque l'essentiel ! (Applaudissements.)

Des regrets et de l'amertume, nous en avons aussi, parce que nous avons à déplorer le départ d'un homme auquel nous tenions beaucoup, à savoir notre ministre Carlo Lamprecht, qui était notre deuxième représentant au Conseil d'Etat.

Mais laissons les regrets pour faire place au panégyrique... Je dis panégyrique et non dithyrambe, car si je n'entends pas ménager les louanges, je veux toutefois éviter de tomber dans la flatterie.

A tout seigneur tout honneur, commençons par l'homme fort du gouvernement sortant, le doyen en activité des conseillers d'Etat, je veux parler de celle que toute la République appelle affectueusement MBG... Affectueusement, mais, aussi, avec prudence, car vos galons «d'homme fort», Madame Martine Brunschwig Graf, vous ne les avez pas gagnés en servant la soupe à ces messieurs pendant douze ans... Mais en montrant vos compétences et, au besoin, vos griffes et le talent de votre verbe qui sait calmer les plus récalcitrants à résipiscence.

Dernièrement encore, un mouvement politique genevois, récemment arrivé sur la scène politique, a appris à ses dépens qu'on ne pouvait pas usurper vos initiales impunément: il a vite compris qu'on ne vous marchait pas sur les pieds sans conséquence ! Après vous avoir observée de près pendant quatre ans, je suis maintenant certain que si le MBG est devenu le MCG, ce n'est pas à cause de M. Blocher, mais bien à cause de vous... (Rires.)

Votre passage au département de l'instruction publique - dix ans - vous a aussi valu un surnom: celui «d'institutrice» ou, mieux, de «maîtresse d'école»... Dans la bouche de certains - dont beaucoup se recrutaient, d'ailleurs, parmi vos chouchous de la classe libérale - ce terme «maîtresse d'école» avait une connotation péjorative, parce que leur méfiance à l'égard de la fonction publique l'emportait sur les profondes qualités pédagogiques qui furent les vôtres pendant vos douze années au Conseil d'Etat. L'âge et l'expérience politique aidant, j'éprouve aujourd'hui le plus grand respect pour les maîtres et les maîtresses d'école. Car c'est avec le temps et la distance qu'on peut vraiment apprécier ce qu'ils ont apporté aux élèves que nous avons tous été. Dans votre cas, je suis sûr que les 439 000 personnes qui forment la grande classe genevoise garderont de vous une bonne image et que leur reconnaissance grandira avec le temps.

A titre personnel, je n'ai qu'une critique à vous adresser, mais elle est amicale. C'est qu'au fond vous avez été une maîtresse trop gentille: vous auriez dû, en effet, faire un usage beaucoup plus sévère des notes et distribuer les mauvais points à celles et ceux qui le méritaient. Parfois même, vous auriez eu toutes les raisons d'administrer une bonne fessée aux plus dissipés et aux chahuteurs, notamment lorsqu'ils vous présentaient des copies pleines de contresens financiers et des budgets parfaitement éliminatoires, qui auraient valu à n'importe qui d'autre un redoublement obligatoire assorti d'une retenue tous les samedis ! (Rires.) Mais vous êtes trop élégante et trop large d'esprit pour recourir aux châtiments corporels et vouloir rétablir la discipline et les principes d'éducation d'il y a cinquante ans, comme trop de gens dans ce parlement et ailleurs dans la République le souhaitent.

Je vous dis donc merci, chère MBG, pour les efforts que vous avez déployés pendant dix ans pour adapter l'instruction publique genevoise aux besoins de son temps et pour ceux que vous avez déployés pendant deux ans pour introduire la rénovation dans les finances publiques au sein de notre Etat. Permettez-moi de vous souhaiter plein succès dans votre carrière bernoise. Après vous avoir vue à l'oeuvre à Genève, je ne me fais aucun souci à ce sujet, tant je suis sûr que vous saurez très vite faire marcher au doigt et à l'oeil le Conseil national et, peut-être même, le Conseil des Etats.

Passons maintenant à vous, Madame Spoerri. Vous méritez également toute notre considération pour avoir, quatre années durant, dirigé le département le plus difficile qui fut, à savoir celui de la justice et de la police. Car rien ne vous aura été épargné pendant ces quarante-huit mois. Les coups bas - très bas, même - n'ont cessé de voler, parfois, même, au ras du trottoir, comme on a encore pu le voir la semaine dernière dans nos rues. Et les balles, traçantes ou pas, n'ont cessé de siffler à vos oreilles durant toute la législature.

Certains ont voulu vous rendre responsable des problèmes rencontrés... Ces procès sont très injustes et très partiaux, car on a volontairement oublié que vous n'étiez pour rien dans l'affaire de l'office des poursuites et que, pendant le fameux G8, c'est le gouvernement dans son ensemble qui n'a pas été à la hauteur de la tâche.

Enfin, on ne vous a pas rendu justice - c'est le cas de le dire - pour les réformes que vous avez entreprises au sein de votre département et qui ont, dans plusieurs domaines, déjà commencé à porter leurs fruits, même si personne ne les a encore remarqués et que d'autres les cueilleront à votre place.

Chère Micheline, au poste que vous avez occupé, vous avez pu apprendre que la justice humaine était parfois sans pitié et que les sanctions qu'elle inflige peuvent être très injustes... Croyez que je le déplore, et le parti démocrate-chrétien s'associe à moi pour vous remercier de la dignité et de l'opiniâtreté dont vous avez fait preuve dans les difficultés comme dans les succès de votre mandat.

Nous vous souhaitons également bonne chance dans la suite de vos activités.

Venons-en enfin à Carlo... A Carlo Lamprecht, le doyen d'âge du gouvernement, mais certainement l'un des plus jeunes par l'esprit et par le coeur !

Cher Carlo, pendant les huit années que vous avez passées au Conseil d'Etat, vous avez été l'homme des bonnes surprises.

En sportif émérite que vous êtes, vous avez toujours su entretenir la flamme des supporters et faire battre le coeur des Genevois, lesquels vous en ont bien récompensé, car vous êtes toujours resté le personnage le plus populaire du gouvernement, ce qui n'a pas été sans susciter les envies et les jalousies, comme on a pu le voir dans le cas du chômage, dont certains ont voulu vous rendre responsable. Mais non: en basketteur brillant, vous avez toujours su dribbler les difficultés, faire des passes osées et réussir à envoyer les ballons dans le panier, à la grande surprise des sceptiques et des blasés ! JPI, Procter & Gamble, Gillette et bien d'autres firmes de renommée internationale, installées à Genève grâce à vous, témoignent de vos exploits et marquent nos mémoires.

Tout au long de votre carrière politique, comme Roger Federer aujourd'hui sur les courts de tennis, vous avez su allier le charme, l'intelligence du jeu et l'honnêteté. Les politiciens roublards vous en ont voulu de réussir sans tricher ni mentir. Mais le peuple ne s'y est pas trompé: il vous a toujours beaucoup apprécié.

Nul doute que si vous aviez décidé de continuer jusqu'à septante-sept ans, comme Tintin, vous auriez été suivi jusqu'au bout. (Rires.) Mais vous en avez décidé autrement... Pour ce que vous avez fait, et ce que vous continuerez à faire - car je ne doute pas que vous continuerez à taquiner le ballon pendant longtemps encore - soyez aussi, cher Carlo, chaleureusement remercié. (Vifs applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe radical, j'ai l'honneur de rendre hommage aux trois magistrats qui sont arrivés au terme de leur mandat.

Tous les trois ont représenté deux composantes de l'Entente nationale et genevoise dont le parti radical fait partie intégrante depuis fort longtemps.

Mesdames les conseillères d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat, vous comprendrez que votre départ ne laisse pas indifférents vos cousins radicaux, qui ont pu compter sur vous durant les interminables quatre années qui les tinrent éloignés de l'exécutif cantonal. Je tiens particulièrement à vous exprimer toute notre gratitude pour la sollicitude et les encouragements constants et discrets que vous nous avez prodigués tous les trois durant cette traversée du désert. Qu'il fait bon pouvoir compter sur les membres de la famille lorsque l'on est en grand péril !

Il ne m'incombe pas de dresser un bilan de vos parcours politiques respectifs. Je me bornerai à relever certaines actions auxquelles j'ai pu participer en qualité de responsable professionnel, puis de député. Je me permets de mettre en évidence et de souligner la parfaite collaboration qui s'est instaurée entre Mme Micheline Spoerri, présidente du DJPS et M. Carlo Lamprecht, patron du DE3, et la façon exemplaire dont ils ont anticipé, organisé et géré l'épineux dossier de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux I et II, si importants pour notre canton.

Madame la conseillère d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez, en premier lieu, pris soin de travailler ensemble en communiquant cet esprit d'équipe à vos états-majors. Vous avez surtout su associer très étroitement, dès le début, les partenaires sociaux. Ce dossier complexe et technique était chargé d'émotion. Il véhicule toujours des craintes, a fortiori dans un canton qui compte 104 kilomètres de frontières communes avec l'Union européenne. Eh bien, j'ai la conviction que votre engagement conjoint et votre perception politique et sociale en la matière ont joué un rôle décisif lors des deux votations, qui ont permis à chaque fois à la majorité de nos concitoyennes et concitoyens de faire confiance aux autorités fédérales, cantonales et aux partenaires sociaux.

Ayant directement participé à ces campagnes, je vous exprime toute ma gratitude et celle du parti radical pour le sens de l'intérêt général dont vous avez fait preuve et pour votre souci d'assurer l'avenir du canton.

Qu'il me soit permis de relever le quasi-sacerdoce de M. Carlo Lamprecht en faveur de la construction de la région franco-valdo-genevoise et le souci constant manifesté par Mme Micheline Spoerri, pour améliorer la sécurité des habitantes et habitants de Genève et l'encadrement des adolescents et des jeunes qui ont du mal à accepter les règles de vie en société.

Lors de ma première rencontre avec Mme Martine Brunschwig Graf, dans une arrière-salle du Buffet de la gare de Lausanne... (Exclamations.) ...j'avais été impressionné par la façon dont elle avait présidé avec beaucoup de détermination une séance préparatoire d'une campagne référendaire, organisée par la Société pour le développement de l'économie suisse - la SDES. Par la suite et constamment, j'ai retrouvé cette détermination, nourrie par une très vive intelligence et un esprit de synthèse remarquable. Mme Brunschwig Graf a le sens de l'intérêt général et le sens de l'Etat, c'est-à-dire de l'autorité et du service à la population. Le sens de l'Etat, comme Janus, a deux faces. Elle a, depuis 1993, durant ses douze années au gouvernement, déroulé le fil d'Ariane qui a évité aux gouvernements successifs d'être anéantis par le Minotaure...

Aujourd'hui, j'aimerais, Madame la présidente du Conseil d'Etat, vous remercier pour les impulsions que vous avez données et les mesures décisives que vous avez prises pour revaloriser la formation professionnelle et mettre en place une formation continue crédible à Genève. Comme vos deux collègues, vous avez eu le souci constant d'épauler celles et ceux qui, dans notre société, sont les moins bien armés pour affronter la vie. Jeunes filles et jeunes gens en difficulté scolaire et en recherche d'emploi, jeunes adultes en marge de la société, constituent un souci constant pour les magistrats à tous les niveaux, plus particulièrement pour vous trois, qui avez dirigé la justice, la police, l'emploi et l'instruction publique !

A l'heure du «grand coup de sac» dans l'organisation des départements, je relève qu'à l'époque - en 1993 - Mme Brunschwig Graf avait manifesté un certain courage en arrachant l'office d'orientation et de formation professionnelle au département de l'économie publique pour l'intégrer au département de l'instruction publique. L'expérience montre que la formation professionnelle n'est pas devenue un corps étranger à l'éducation nationale. Et là, je regarde M. Beer, votre successeur...

Madame, sans votre impulsion, la Cité des métiers n'aurait jamais vu le jour en 2001. Son succès fut tel que nous la rééditerons avec enthousiasme en 2006 - je vous y inviterai personnellement...

Votre intervention fut également décisive pour créer un institut de formation continue performant à Genève, avec la collaboration des partenaires sociaux.

Mesdames les conseillères d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat, le groupe réitère toute sa gratitude et vous souhaite bon vent. (Vifs applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, nous l'avons déjà entendu ce soir: les trois magistrats à qui nous rendons hommage ne poursuivent pas leur tâche au sein de l'exécutif de notre canton pour des raisons bien distinctes. Mais nous devons les remercier tous les trois chaleureusement pour leur engagement en faveur de l'intérêt général et pour le travail qu'ils ont effectué au plus près de leur conscience.

Nous vous avons souvent malmenés, critiqués, décriés - c'est le lot du jeu politique - tout en sachant la difficulté à occuper de telles fonctions. Parvenir à mettre en pratique, à faire exécuter la loi dans notre société qui se complexifie de plus en plus est une gageure toujours plus difficile à tenir.

Nous vous remercions Martine, Micheline et Carlo, pour toute l'énergie que vous avez mise à la disposition de notre République. Le groupe socialiste vous souhaite plein de succès et de plaisir pour votre avenir. (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Il paraît qu'il faut faire court et ne pas perdre de temps pour les remerciements... Moi, je pense qu'il faut prendre le temps de dire merci, car, en politique, on dit rarement merci et on manifeste rarement sa reconnaissance. Au contraire, on est toujours prêt à critiquer: à dire qu'on aurait pu faire mieux, autrement.

Quoi qu'il en soit, les trois magistrats qui nous quittent ce soir ont accompli leur tâche avec beaucoup de détermination et de sérieux. Ils ont porté leur charge, faisant suite à leurs prédécesseurs, et d'autres vont la reprendre... C'est dans cette pérennité de l'Etat que réside toute la force de la démocratie. Chacun l'a fait à sa manière, et c'est ce qui est important. De toute façon, il est trop tôt pour tirer les bilans: l'avenir nous dira ce qui sera retenu de l'action de chacun d'entre vous. Je pense que ce sera positif, parce que vous avez travaillé pour le bien de l'Etat.

J'aimerais tout particulièrement dire merci aux deux femmes... Merci Martine, merci Micheline, parce que vous avez montré qu'une femme peut siéger au Conseil d'Etat. Et, nonobstant ce qu'a dit M. Mettan - cela m'a un peu choquée - ce n'est pas un «homme fort», mais une «femme forte» ! C'est en tant que femme qu'une femme peut siéger au Conseil d'Etat ! Et j'espère que les prochaines élections rendront la chose encore possible ! Pour l'instant, Mars est passé devant Vénus, mais Vénus ne cesse pas d'exister pour autant !

Alors, bon vent à tous et merci beaucoup ! (Vifs applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). Madame la présidente du Conseil d'Etat, Madame la conseillère d'Etat, Monsieur le vice-président du Conseil d'Etat. Le groupe parlementaire du Mouvement citoyens genevois désire vous exprimer sa reconnaissance pour votre engagement au profit de la République et canton de Genève. Malgré certaines divergences d'opinion, notre groupe a toujours relevé les excellents rapports de travail entre le Conseil d'Etat et les députés. Conscients du temps, voire des nombreux sacrifices que vous aurez consentis pour accomplir votre charge de magistrat, nous ne pouvons que vous féliciter d'avoir rempli pleinement votre mission confiée par le peuple. Encore une fois, nous vous remercions et nous vous souhaitons plein succès dans vos nouvelles activités. Que celles-ci vous procurent joie et bonheur ! (Applaudissements.)

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, chers amis. Tout d'abord merci de ces éloges qui pleuvent ce soir et qui me font dire qu'au fond j'aurais pu rester... (Rires.) Mais, enfin, il est trop tard pour revenir en arrière, et, rassurez-vous, je vais bien m'en aller...

Mais, trêve de plaisanterie... Permettez-moi de vous dire combien je mesure le privilège qui m'a été donné de pouvoir servir la République et canton de Genève en qualité de conseiller d'Etat et, de surcroît, d'avoir accédé, à mon tour, à la présidence de ce gouvernement ! Vous savez, être choisi par le peuple - et reconduit par le peuple - dans une telle fonction est sans nul doute une expérience extraordinaire et génère une reconnaissance infinie.

C'est vrai: il fallait oser ! Et, comme le disait Antoine de Saint-Exupéry, celui qui, à un moment donné de sa vie, n'a pas osé risquer, n'a pas le droit de se plaindre de la médiocrité de l'existence... En ce qui me concerne - voyez-vous - je suis sans doute né sous une bonne étoile. Car, si dans le cheminement qui a été le mien, rien ne me portait particulièrement à m'asseoir dans un fauteuil de conseiller d'Etat, j'ai réussi à me frayer un chemin pour assumer cette fonction durant huit ans.

Mesdames et Messieurs, être élu est une belle chose: quel bonheur ! Je l'avoue ! Mais assumer la fonction en est une autre ! Il faut savoir surfer chaque jour à la fois sur les vagues riantes et flatteuses du succès et sur celles plus agitées et remuantes des déboires. Et, dans ce jeu, il arrive souvent que les certitudes et les doutes jouent à cache-cache dans la même journée. J'ai appris au quotidien que, pour réussir en politique, il fallait partager le succès, mais, aussi, qu'il fallait savoir assumer tout seul la responsabilité de ses échecs.

Dans un tel contexte, croyez-moi, j'ai essayé de donner le meilleur de moi-même, au sein d'un département où la souffrance des exclus de l'emploi a fortement contrasté avec le bonheur d'un développement économique remarquable. L'entrée en vigueur des accords bilatéraux a intensifié les débats avec les partenaires sociaux. Ils ont nécessité à la fois du tact, du respect mutuel, des arbitrages délicats, de la fermeté - parfois - ainsi que la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement indispensables à maîtriser le déséquilibre économique et social qu'ils pourraient engendrer si l'on n'y prend pas garde.

A travers la coopération régionale, j'ai pu mesurer les difficultés qui existent pour que la volonté politique réciproque de bâtir la région - cette volonté est bien réelle - puisse l'emporter sur les lourdeurs administratives, sur les conflits de compétences et sur nos différences institutionnelles.

Le coeur et la raison ont souvent posé à celui qui vous parle des interrogations légitimes. Au niveau de la solidarité internationale, par exemple, j'ai été témoin de situations indignes de ce siècle de progrès dans des pays pas très éloignés du nôtre.

Enfin, inutile de vous dire que la fonction de conseiller d'Etat nécessite un engagement sans limite, une excellente santé de corps et d'esprit, une capacité d'écoute hors du commun et une dose d'énergie inépuisable. Et, voyez-vous, le temps qui passe risque d'émousser en moi ces qualités indispensables non pas seulement pour moi, mais pour la République ! Voilà pourquoi j'ai estimé devoir mettre un terme à ma carrière politique. Et, ce soir, je prends officiellement congé de vous.

Alors, merci, bien sûr, à mon parti - démocrate-chrétien - auquel je reste fidèlement attaché, même si j'ai pris le soin, à chaque instant de mon mandat, de laisser une fenêtre ouverte pour être à l'écoute des autres partis politiques, de ce qu'ils proposaient, et, surtout, à l'écoute des hommes et des femmes de ce canton.

Merci également à ces hommes et à ces femmes, à toutes les personnes qui m'ont témoigné leur confiance et, souvent, offert appui et conseil, qu'il s'agisse de milieux économiques, académiques, sociaux, culturels que j'ai eu l'énorme privilège de côtoyer tout au long de mon parcours politique et qui ont enrichi mes connaissances et mon savoir-faire.

Et puis, je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance à l'endroit des collaboratrices et collaborateurs de mon département - je vous l'avoue, un peu inquiets ces jours-ci - pour leur esprit d'initiative, leur engagement, leurs connaissances professionnelles et leurs capacités à se mobiliser constamment dans les bons comme dans les mauvais moments.

Et puis, merci, bien entendu, à celles et ceux de vos départements - chers collègues - dont les relations transversales qu'ils ont pu établir avec mon département sont indispensables à l'efficacité de nos travaux. Et à la chancellerie, bien sûr, et, aussi, au personnel des institutions qui m'ont été rattachées, à savoir l'Aéroport international de Genève, la Fondation des terrains industriels, l'Office de la promotion industrielle, Genève-tourisme, Palexpo, l'OPAGE - pour quelque temps - la CGN - la Compagnie générale de la navigation - les Ports Francs. J'espère n'oublier personne...

Et merci, enfin, à vous chers collègues du Conseil d'Etat, avec lesquels j'ai partagé avec fierté la lourde responsabilité, difficile et périlleuse, de la bonne gestion de l'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, vous savez l'estime et le respect que j'éprouve face à l'engagement qui est le vôtre dans ce parlement. Je ne suis pas passé par là... Genève est sans doute l'une des capitales du monde qui possède le plus grand nombre d'atouts au mètre carré: ses beautés naturelles, sa campagne, sa Vieille-Ville, son économie, son histoire chargée d'humanisme et de solidarité. La Genève internationale, qui focalise ici des hommes et des femmes de tous les continents. L'appartenance à un pays: la Suisse, que l'on critique facilement, mais qui nous offre un système démocratique comme nulle part ailleurs. Une Genève dont l'esprit et le nom rayonnent encore aujourd'hui dans le monde entier.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est un héritage exceptionnel que vous avez entre vos mains ! Comme on le dit: la confrontation excessive n'est que la rage de l'impuissance... En revanche, dans toute bataille, il existe une occasion, une concession, parfois fugitive, qui permet de sortir vainqueur. Je n'ai pas de conseils à vous donner, mais sachez saisir ces opportunités les uns et les autres pour que, au terme de vos débats et au moment de vos décisions, vous soyez vainqueurs ensemble, vainqueurs pour Genève, pour son rayonnement dans le monde et pour le bien de ses habitants !

Merci de votre attention et bonne route à vous toutes et à vous tous ! (L'assemblée se lève et applaudit très chaleureusement. Des bravos fusent.)

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, vous le savez bien, je ne pars pas tout à fait dans les mêmes circonstances que mes deux collègues. Je le regrette évidemment profondément.

Comme certains l'ont relevé ce soir, vous aurez compris que je me suis engagée avec toute ma conviction et mon énergie non seulement pour le bien de nos concitoyens mais aussi pour le bien de notre communauté genevoise. Notre collègue Carlo Lamprecht vient de parler du joyau qu'est Genève et je dois dire que, malgré le fait que j'aie à cesser mes fonctions, mon mandat, j'ai très envie - et je le ferai - de continuer à me battre aux côtés de ceux qui le font pour cette Genève.

On s'est beaucoup plu à dire qu'il me manquait le sens de la communication... Ce que je regrette et ce qui m'a encore beaucoup plus manqué, c'est la solidarité de mes plus proches partenaires politiques. Il m'a en outre manqué le temps, qui passe à la fois très vite et très lentement, notamment dans un département ponctué en permanence d'événements où il faut à la fois être sur le terrain et écouter beaucoup. Ainsi, c'est par centaines que j'ai eu l'occasion d'écouter, en tant que ministre de la justice, des femmes et des hommes qui souffraient, quelles que soient leur condition sociale ou leurs origines. Je suis heureuse d'avoir eu l'occasion d'apporter un peu de quiétude sur leur chemin, de leur avoir offert un endroit où elles ou ils pouvaient s'exprimer, ce qui leur aura permis, quelquefois, de remonter la pente.

Ce département de justice, police et sécurité n'est pas, comme on le pense, uniquement un département de contraintes. Je le qualifie, pour ma part, de département social, et c'est dans cet esprit que j'ai conduit, avec l'ensemble de mes collaborateurs et avec beaucoup de bonheur, ces quatre ans de travail. Je pense que c'est ainsi que ce département doit travailler.

Alors c'est avec surprise que j'ai vu que les conseillers d'Etat du nouveau gouvernement avaient déjà pris un certain nombre de décisions. Je vous rassure tout de suite: je me réjouis - positivement - d'en attendre les fruits, parce que j'aime Genève, j'aime nos concitoyens et notre communauté dont vous faites partie. Mais j'ai un pincement au coeur quand je vois que le mot «justice» a été gommé de la dénomination officielle de nos institutions. On nous dit que dans d'autres cantons on utilise la même terminologie... Mais je le regrette tout de même, car aujourd'hui, alors même que Genève n'est pas un canton qui manque fondamentalement de moyens, une partie de la population souffre.

En guise de conclusion, j'aimerais ajouter que, pendant cette campagne, les femmes ont été maltraitées, je n'hésite pas à le dire. Et certains, aujourd'hui encore, se permettent d'en parler avec dérision. Je trouve cela intolérable. Les plus jeunes démocraties l'ont compris et j'aimerais que Genève le comprenne aussi. Je le dis haut et fort: je rends hommage à toutes les femmes, mais aussi aux hommes, qui ont eu le courage de défendre cette thèse. Je les rejoins et j'espère les conduire un jour dans cette cause, modestement, mais avec toute mon expérience et ma conviction. Je ne pouvais pas conclure ces quelques mots sans l'affirmer: il ne s'agit pas d'un problème dérisoire, c'est un grave problème de société.

Voilà, Mesdames et Messieurs ! Merci à tout le monde, merci à tous ceux qui ont souligné le travail que j'ai accompli. Je pars aujourd'hui, mais je ne pars pas pour toujours. (L'assemblée se lève et applaudit très chaleureusement. Des bravos fusent.) (M. Weiss remet une gerbe de fleurs à Mme Spoerri.)

Le président. Mesdames et Messieurs, je salue à la tribune nos deux anciens collègues M. Jean Rémy Roulet et M. Patrick Schmied. (Applaudissements.) Je donne la parole à Mme Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues... Avant d'en venir à mon texte, je vais bien sûr vous remercier pour vos propos à tous. Mais je ferai tout de même une petite remarque à un collègue de parti qui a trahi - chacun est désormais au courant - mon goût pour les feuilletons télévisés... (Rires.)

Chers députés, ce soir, le premier souvenir qui me vient à l'esprit date du 9 novembre 1989. Comme vous, sur ces bancs, il y a quelques semaines, je prêtais serment de députée, pleine d'émotion, d'enthousiasme et d'espoir. Pourquoi vous dire cela, alors que je quitte dans quelques jours ma fonction de conseillère d'Etat ? Sans doute parce que j'ai envie de vous parler ce soir de ce qui unit plutôt que de ce qui sépare. Nos missions respectives, à l'exécutif comme au législatif, se fondent sur les mêmes valeurs, celles qui nous imposent de nous préoccuper du bien commun, celles qui nous parlent de servir plutôt que de nous servir, celles qui nous rappellent que nous sommes là par délégation des citoyens qui nous ont élus.

Ne pensez pas que je vous pousse ainsi à mêler les pouvoirs qui nous sont respectivement dévolus. L'un et l'autre, d'ailleurs, gagneraient au contraire à préciser leurs limites, celles qui les protègent et leur donnent tous leur sens.

Dimanche dernier, des citoyens ont plébiscité la création d'une Cour des comptes: ils ont ainsi exprimé leurs attentes et leurs doutes à l'égard de l'Etat, de son fonctionnement et de sa gestion. Ils ont ainsi décidé d'élire une nouvelle catégorie de magistrats appelés à assumer leur part de contrôle à l'égard de nos institutions publiques et parapubliques. Loin d'être un aboutissement, cette décision doit nous interpeller tous; elle oblige chacun des acteurs: gouvernement, parlement, inspection cantonale des finances, entités contrôlées, à assumer pleinement son rôle, mais aussi à comprendre que l'accumulation des contrôles, à l'image des signatures administratives multiples, n'a jamais produit de meilleurs contrôles, bien au contraire !

Il y aurait bien des façons pour moi de poursuivre cette allocution: mes fonctions me pousseraient tout naturellement à enchaîner sur la dette des finances publiques en général, nos finances cantonales en particulier et ses déficits à combattre impérativement. Pourtant ce n'est pas ainsi que j'entends poursuivre !

Vous me permettrez, pour cette dernière fois, de mettre de côté les dossiers pour vous parler de ce qui devrait inspirer les femmes et les hommes en politique. Et j'ai choisi cinq lettres pour me guider...

M comme «modestie». Vertu qu'il nous faut cultiver, car, le temps passant, nous assumons, par le biais de notre fonction, le rôle de successeurs, de titulaires, puis, de prédécesseurs... Une bonne politique ne se mesure - on l'a dit tout à l'heure - ni au bilan ni aux coups d'éclat, mais au travail de fond patiemment tissé: celui qui donne à l'action son sens et sa profondeur.

E comme «engagement». Cet élan permanent sans lequel rien n'est possible et, surtout, rien n'est vrai. Il en faut beaucoup, et, surtout, qu'il soit durable. S'engager sans se laisser entamer demande de la force.

R comme «responsabilités». Vous avez entendu ce mot si souvent dans ma bouche... Celles qu'on assume volontairement, celles qu'on nous attribue, celles qu'il nous faut prendre quoi qu'il nous en coûte. Voilà un mot malheureusement bien souvent galvaudé.

C comme «courage». Qui ose prétendre qu'il n'en a pas ? Et, pourtant, le courage au quotidien est sans doute ce qui est le plus difficile à pratiquer. Dans un monde où l'on confond force de conviction et capacité de séduction, il est toujours tentant de choisir la voie du moindre danger plutôt que les pentes les plus exposées. On ne peut juger soi-même de son propre courage, mais on peut souhaiter au moins en avoir laissé l'image. Du courage, il en faudra pour mener à bien GE-Pilote, ce qu'il implique, à savoir des choix politiques, qui permettent de réaliser à la fois l'assainissement des finances publiques, le développement de projets indispensables et une gestion des prestations qui concilie les moyens et les besoins.

Le dernier mot que j'ai choisi commence, vous l'aurez compris, par la lettre I: I comme intégrité. Celle qu'il faut s'efforcer de conserver, lorsqu'on assume un mandat politique. Il y a bien sûr l'honnêteté et la probité auxquelles nous nous engageons par notre serment. Mais il y a aussi la volonté de conserver intactes, sans altération, les valeurs auxquelles nous croyons, ce qui constitue le meilleur de nous-mêmes.

C'est donc le mot «merci», déjà très souvent exprimé, que j'ai choisi de décliner. Merci à toutes celles et ceux qui, dans notre administration, proche et moins proche, dont j'ai découvert l'engagement, le sens du service public et le professionnalisme. Et ils sont, je peux vous le dire, très nombreux. Certains m'ont été hiérarchiquement rattachés, d'autres non, mais tous font honneur à la fonction publique. J'ai eu le privilège d'assumer la responsabilité de trois départements et du Centre des technologies de l'information. Je pense à toutes celles et ceux-là, mais je pense à toute la fonction publique qui sert au quotidien.

Merci, bien sûr, à mon parti et, surtout, aux citoyens qui m'ont fait confiance pendant ces trois mandats: au groupe libéral, avec lequel je n'ai pas toujours eu des rapports - comment vais-je dire ? - aussi idylliques qu'il l'aurait souhaité. Mais j'ai, là aussi, assumé la fonction démocratique qui impose d'abord le débat avant la décision.

Merci à mes collègues successifs avec lesquels j'ai partagé des moments riches en émotions aussi bien qu'en travaux.

Merci à mon mari, à ma famille, à mes amis, qui n'ont pas partagé de ma fonction le meilleur... (L'oratrice est émue en prononçant ces derniers mots.) Excusez-moi ! ...mais qui m'ont soutenue et donné la force nécessaire.

Et puis, merci à vous tous, députés d'aujourd'hui, mais aussi députés d'hier, sans lesquels la vie de conseiller d'Etat serait peut-être plus facile, mais si terne... (Rires.) Chaque législature connaît ses bouleversements: le Conseil d'Etat se donne une nouvelle organisation, et vous allez sans doute consacrer vous-mêmes un temps important à modifier votre règlement pour vous permettre une meilleure efficacité. Tous ces efforts sont certes nécessaires, mais ils n'aboutiront que si celles et ceux qui prétendent servir la République déposent leur ego aux vestiaires, acceptent les risques qu'implique le courage et conçoivent le territoire de leur action comme un espace de partage plutôt qu'un terrain à défendre.

Je souhaite tout le bonheur du monde à notre République et canton et longue vie à la Confédération à laquelle nous appartenons ! C'est de là, désormais, que je suivrai vos réussites. (L'assemblée se lève et applaudit très chaleureusement. Des bravos fusent.) (M. Weiss remet une gerbe de fleurs à Mme Brunschwig Graf.)

Le président. Merci beaucoup, Madame la présidente du Conseil d'Etat. J'invite Mme le sautier et les huissiers à bien vouloir vous apporter, Mesdames, Monsieur, les fleurs qui vous reviennent au nom de notre parlement.