République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9163-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, Jean-Marc Odier, Jacques Follonier, Pierre Froidevaux, Hugues Hiltpold, Thomas Büchi, Bernard Lescaze, Pierre Kunz concernant l'établissement des budgets administratifs 2005 et 2006 de l'Etat de Genève (réduction de l'endettement et frein à l'accroissement des dépenses)
PL 9267-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (LGAF) (D 1 05)
PL 9319-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de MM. Guy Mettan, Patrick Schmied, Pierre-Louis Portier, Jean-Claude Egger, Philippe Glatz modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 05)

Suite du premier débat

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de première minorité. «Agitation», «sanction», «manipulation» sont les trois termes qui définissent le mieux ce projet de loi.

«Agitation», parce que cela fait un certain temps que vous êtes majoritaires et que vous continuez à faire semblant de ne pas l'être. Vous faites semblant de n'être responsables ni du déficit ni de la gestion de l'Etat, alors qu'en réalité c'est bien vous qui avez creusé ce déficit.

«Sanction», parce qu'en fuyant vos responsabilités, vous cherchez à vous ligoter. Vous voulez avoir recours à la sanction, comme si vous n'aviez pas d'autres possibilités d'agir. Et ce refus des décisions me semble très grave ! En politique, nous considérons que la raison, l'intelligence, la décision et la responsabilité constituent la cautèle que nous nous devons de garder dans la gestion de l'Etat, or c'est apparemment ce que vous fuyez.

«Manipulation», parce que la décision à prendre par la population, au bout de quatre ans, concerne une alternative inéquitable. En effet, les citoyens ne pourront pas refuser les deux termes de l'alternative, ils devront nécessairement en accepter l'un des deux. On pourra donc manipuler leur choix ! En effet, soyons clairs: pour réaliser 300 millions de francs d'économies, soit le choix portera sur quelque chose d'extrêmement important, comme la suppression de l'école enfantine, soit il y aura une augmentation d'impôts, soit, encore, un lot d'économies sera présenté, qui plaira à certains mais pas à d'autres. Et je considère que ce choix est indigne de notre démocratie.

Nous devons prendre nos responsabilités. Nous devons pouvoir envisager la possibilité, parce qu'ils ne veulent pas des solutions proposées, que les citoyens nous répondent deux fois non. On cherche désormais à réaliser l'effort d'économies sur les prestations sociales ou le pouvoir d'achat des salariés du service public, or ces deux solutions ne conviennent pas aux citoyens ! Ils nous disent: «Cherchez mieux, prenez vos responsabilités !»

Je le répète, vous cherchez à faire régner l'agitation, à infliger une sanction et à user de la manipulation. Vous refusez de prendre vos responsabilités. Eh bien, nous ne vous suivrons pas !

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à fermement refuser ces projets de lois.

La présidente. Je rappelle que la liste est close depuis hier soir, 23h, et qu'il est possible reprendre la parole après le vote d'entrée en matière.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je croyais que nous n'avions pas encore voté ce projet de loi, mais j'ai pu constater que M. Weiss, dans «L'Entreprise», déclarait: «Alors que la majorité vient d'adopter un frein à l'endettement...».

M. Pierre Weiss. Je suis toujours en avance, Monsieur Velasco !

M. Alberto Velasco. M. Weiss a donc anticipé notre vote.

Une voix. Comme toujours, les libéraux...

M. Alberto Velasco. Comme toujours ! La clairvoyance de M. Weiss... (Remarques. La présidente sonne la cloche.)

M. Muller et d'autres l'ont dit hier: des lois existent et elles ne sont toutefois pas appliquées. Cependant, cela fait soixante ans que vous avez la majorité, vous auriez donc très bien pu les faire appliquer ! Vous présentez une loi qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celles qui existent déjà, à l'exception de cet appel à la décision du peuple - mais quel appel...

Hier, on nous a redit qu'il y avait depuis quelques années 30% d'augmentation des dépenses, alors qu'il n'y avait eu que 18% d'augmentation des recettes. Ce qu'il faut savoir - les membres de l'UDC ne le disent pas, mais, au moins, les libéraux le reconnaissent - c'est qu'à plusieurs reprises ont eu lieu des votes sur la diminution des recettes fiscales. Et du fait de l'intervention de ces votes, il est logique qu'il y ait un déséquilibre entre les dépenses, qui obéissent à des lois de la République, et les recettes qui, elles, ont été déséquilibrées par des lois introduites par des députés de la République ! Les membres de l'UDC n'ont pas la subtilité de le comprendre, mais c'est ainsi.

Depuis les années 90, l'augmentation de la population de ce canton est de 13% alors que la fonction publique n'a progressé que de 2,75%. Cela, c'est important ! Parce que, si les dépenses ont augmenté - comme vous le dites, Monsieur Catelain - cela signifie que ce sont les nécessités de ce canton qui ont augmenté. Les besoins ont notamment augmenté en matière d'éducation, d'assistance sociale et d'infrastructures. Etant donné que nous sommes une République qui a la chance de compter parmi ses citoyens pas mal de personnes qui ont les moyens, nous devons tenir compte de ces éléments. Voilà la raison pour laquelle les dépenses ont augmenté, mais vous ne voulez pas le croire ! Si vous continuez sur votre lancée, vous continuerez à diminuer les recettes et à créer, de ce fait, de nouvelles nécessités - entraînant de nouvelles dépenses pour l'Etat.

Je dois tout de même admettre que, pour la première fois de l'histoire récente, les libéraux ont accepté l'idée - cette acceptation mérite d'être saluée - de soumettre une augmentation d'impôts au peuple. Cependant, si l'on observe la manière dont elle a été acceptée, il n'est pas possible de la soutenir pour les raisons que j'ai signifiées hier.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi, bien qu'il ait déposé un projet de loi et bien qu'il eût été d'accord de collaborer avec la droite. Mais, voyez-vous, il n'y a malheureusement, rien à faire: chaque fois que nous faisons un petit pas dans votre direction pour essayer de trouver une solution, vous déplacez la virgule à l'extrême de la page et nous ne pouvons pas l'atteindre... C'est la raison pour laquelle nous refuserons ce projet de loi.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Hier au cours du débat, nous avons beaucoup entendu de mots comme «irresponsabilité», «tromperie», «manipulation», «poudre aux yeux», et j'aimerais répondre à ces accusations mensongères et mettre nos contradicteurs face à leurs incohérences.

J'aimerais commencer par le faire à l'égard de M. Kanaan. M. Kanaan a dénoncé ce projet de loi en disant à son sujet que c'était de la poudre aux yeux parce que, prétendument, nous parlions de frein à l'endettement alors qu'il s'agissait d'un frein au déficit. Je souhaite inviter M. Kanaan à lire la page 2 de mon rapport - c'est pourtant tout au début - où il est explicitement écrit: «Le commissaire rapporteur PDC rappelle la philosophie du projet de loi: il s'agit d'un frein au déficit et non d'un frein à l'endettement, comme certains l'appellent à tort.» Je comprends que vous utilisiez cette terminologie de l'endettement: vous cherchez en effet à diaboliser ce projet de loi par tous les moyens ! Ce projet de loi n'est absolument pas diabolique mais parfaitement logique, puisqu'il incite simplement l'Etat à ne pas dépenser plus qu'il ne gagne.

J'aimerais aussi mettre M. Spielmann face à ses propres incohérences. M. Spielmann semble avoir oublié les leçons de dialectique qu'il a apprises, il y a une trentaine d'années. En effet, il ne cesse de nous reprocher de ne rien faire face au déficit. Dès lors, si nous ne faisons rien contre le déficit, comme il le prétend, cela signifie que Jean Spielmann, lui, est prêt à faire quelque chose... Dans ce cas, pourquoi s'oppose-t-il à ce projet de loi, qui est justement une action de lutte contre les déficits ? C'est bien parce qu'il pratique, comme à son habitude, une certaine duplicité discursive qui lui est chère... Il faut quand même être cohérent. Les Verts, sur ce chapitre, ne font pas, non plus, preuve de la plus grande cohérence... Nous essayons de mettre un frein au déficit, or que s'est-il passé pendant la législature durant laquelle vous avez eu la majorité, de 1997 à 2001 ? Les dépenses ont explosé et des mauvaises habitudes dépensières ont été acquises à cause de vous. (Exclamations.)Elles se sont poursuivies... (Brouhaha.)... sous la présidence de Mme Calmy-Rey,... (Exclamations.)... peut-être malgré elle, et, maintenant, nous essayons d'y mettre un frein. Je suis étonné que les Verts, qui se prétendent écologistes et cherchent à modérer la vitesse des voitures, eh bien, tout à coup, lorsqu'il s'agit du char de l'Etat, veulent continuer à accélérer sans vouloir mettre aucun frein aux dépenses ! (Applaudissements. Brouhaha.)

J'aimerais aussi donner raison à M. Muller qui a parlé de cigales. Je viens de le dire, l'habitude des cigales, c'est vous qui nous l'avez donnée lorsque vous aviez la majorité... (Commentaires. Brouhaha.)Puisque c'est vous qui avez donné à cet Etat l'habitude - la mauvaise habitude - des dépenses. Donc, M. Muller a eu raison de parler de cigales.

Par ailleurs, nous prenons nos responsabilités: parce que nous sommes prêts à résoudre les problèmes, même lorsqu'ils sont laissés par d'autres. (Rires.)C'est pourquoi nous vous invitons à adopter maintenant ce frein au déficit et à pratiquer la qualité d'un animal dont on a peu parlé hier - on a évoqué les castors, les cigales, les fourmis... Mais c'est un autre animal qui est très important: c'est l'écureuil ! L'écureuil démocrate-chrétien, aux vertus de prudence et d'épargne ! (Exclamations. Rires.)

Une voix. C'est le zoo, là !

M. Guy Mettan. C'est le zoo, et je mettrai un terme à cette nomenclature zoologique pour vous rappeler que le PDC a été le premier, en l'an 2000 - voyant, sous vos législatures, les mauvaises habitudes s'enraciner - à déposer une proposition de motion demandant l'accumulation de réserves pour les temps de vaches maigres. Vous auriez dû l'écouter avec davantage d'attention.

Enfin, quelque chose me gêne dans votre position, et j'ai entendu cela plusieurs fois hier soir. En effet, ce qui devrait nous guider, c'est l'amour du bien public ainsi que de nos concitoyens et non pas la haine. Or ce que j'entends dans vos propos, c'est la haine du millionnaire, la haine du nanti, la haine du riche. Et personnellement, je ne peux pas m'associer à une politique qui mettrait en avant la haine de l'autre au lieu de mettre en avant l'amour des pauvres que vous prétendez défendre, mais auxquels vous n'avez fait aucune référence lors du débat ! (Commentaires. Brouhaha.)

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite calmement - je parle aux députés de l'Alternative et aux Verts - à revenir sur votre décision et à entrer dans nos vues pour accepter qu'enfin l'Etat de Genève, au lieu de n'avoir qu'un accélérateur, se dote aussi de l'indispensable frein auquel il aspire.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je propose que nous en terminions avec la ménagerie. Le Conseil d'Etat ne sollicite aucun nom d'animal pour justifier sa position.

En ce qui concerne le frein à l'endettement, et je ne parle pas du mécanisme de sanction, le projet de loi qui vous est soumis modifié est le projet de loi qui, à l'origine, était celui du Conseil d'Etat. Le projet de loi du Conseil d'Etat a toujours affirmé la même chose, que l'on retrouve dans une bonne partie de ce projet, à savoir que l'on ne peut pas emprunter pour manger. Cela signifie mettre des limites là où le compte de fonctionnement peut au moins être autofinancé, une fois les amortissements et le différentiel des provisions déduits. C'est cela le premier sens d'un frein au déficit plutôt qu'à l'endettement.

Le deuxième élément - vous l'avez ajouté vous-mêmes - concerne le mécanisme de sanction. Il est bien difficile au Conseil d'Etat d'exercer un rôle d'arbitre, parce que certains opposants, autour de cette table, soutiennent un mécanisme un peu semblable alors que d'autres y sont totalement opposés. Les uns sont opposés au frein à l'endettement lui-même et les autres sont opposés aux mécanismes de sanctions. C'est ce qui a rendu difficile toute possibilité de trouver un chemin commun par rapport à un tel sujet, puisqu'il n'y a pas de terrain d'entente parmi les opposants et qu'il n'y en a pas non plus avec la majorité.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez déjà voté, en juin, l'article constitutionnel qui prévoit le mécanisme de sanction. Il sera soumis au peuple, démocratiquement, et chacun aura à décider si ce mécanisme convient. J'aimerais toutefois que vous voyiez autre chose dans ce projet de loi, et il s'agit d'un élément qui me semble tout de même important. Dans cette assemblée, à la veille des élections, vous pouvez donner, chacun, les bons et les mauvais points sur la gestion des finances publiques. Si l'on est un peu observateur - j'allais même dire «avec une certaine honnêteté intellectuelle» - on peut constater les faits suivants. Premièrement, il est vrai qu'il y a eu, au cours d'une période relativement limitée, une embellie; il est aussi vrai qu'un travail de rentabilité de l'administration fiscale a été effectué; mais il est tout aussi vrai que des centaines de millions de francs sont tombés bien à point, parce que certains impôts sont passés du principe de caisse au principe d'échéance. Tout comme il est vrai que, durant ces mêmes années, des droits de succession pour plus de 300 millions - en termes de «divine surprise» - ont été perçus. Tout cela s'est passé dans un délai qui a permis, à un moment donné, à la fois d'absorber l'initiative votée par le peuple - la fameuse initiative dite «libérale», pour certains d'entre vous - et d'éviter des déficits, voire de réaliser des bonis.

Je n'ai vu aucun des membres de ce parlement se lever, au moment de l'adoption de l'IN 111, pour protester contre le fait qu'on la mettait rapidement en application - plus rapidement qu'il n'était nécessaire, puisque la dernière étape aurait dû intervenir le 1er janvier 2005. Il y avait donc bien un agrément tacite en 2001. Personne dans ce parlement ne s'est jamais levé à ce propos et chacun a accepté ce qui était mis en oeuvre. (Remarque.)Tacitement ou non ! Aujourd'hui, cela fait partie du contentieux que vous avez les uns envers les autres. La réalité, c'est que, politiquement, cela s'est passé ainsi.

J'ai relu ce que chacun disait lorsque le budget 2002 a été voté. Vous étiez tous très satisfaits de la gestion des finances publiques et vous vous réjouissiez du fait que la dette allait à nouveau diminuer de 500 millions de francs. De fait, au cours de cette année 2002, la dette a augmenté de 750 millions de francs. Pas à cause d'une mauvaise gestion de la droite, mais tout simplement parce que la réalité a été rattrapée par ce qui n'était encore que des éléments de fiction. En effet, une fois les bienfaits de la «divine surprise» passés et le rythme des dépenses courantes continuant de croître de 6%, vous ne pouvez pas espérer que des recettes fiscales atteignent des taux de croissance de cet ordre - sauf si vous espérez les mêmes miracles que je citais tout à l'heure. Et ces miracles ne se sont reproduits ni en 2002 ni au cours des années suivantes. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas lieu de se jeter des responsabilités à la figure ! Il faut simplement savoir - ce que M. Spielmann a d'ailleurs rappelé à sa manière - que divers effets découlent de lois et d'automatismes.

La suppression de la progression à froid - qui date de 1989 - a aussi marqué un tournant pour les finances de l'Etat. En effet, cette progression, lorsqu'elle fonctionnait, avec des inflations d'une moyenne annuelle de 8%, finançait toutes ces lois automatiques: elle finançait des mécanismes salariaux et, en outre, elle permettait des appoints financiers dans les négociations avec la fonction publique; elle finançait également des lois sociales, permettant ainsi de faire face à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. La suppression de la progression à froid a fait cesser ces financements, mais les lois ont continué à être appliquées - bien qu'ayant parfois dû être interrompues.

Aujourd'hui, nous nous trouvons en face de simples réalités et nous devons nous poser plusieurs questions; certaines font mal parce qu'il n'est jamais facile d'accepter d'accomplir moins ou différemment.

N'envisagez pas et ne croyez pas que l'assainissement des finances publiques sera réussi uniquement par une réorganisation de l'Etat ! Vous vous souviendrez que les transferts et la masse salariale versés pour les subventionner, c'est la moitié du tout; vous vous souviendrez que les transferts, dans le budget de l'Etat, coûtent de plus en plus cher - pour toutes sortes de bonnes raisons d'ailleurs en ce qui concerne les personnes physiques.

Cela signifie que le jour où vous aurez réalisé un gain de productivité quant à l'organisation de l'Etat, vous aurez toujours à vous poser la question de l'accélération, parce qu'aucun budget public ne peut supporter d'augmentation de 6% par année. Il n'est simplement pas possible que les dépenses courantes croissent à ce rythme ! Cela avait été dit dans ce Grand Conseil et lors du vote du budget en 2002. Certains ont dit qu'il était impossible de progresser à ce rythme, mais il est vrai que la conjoncture avait fait oublier cela.

Quoi qu'on en pense et qu'il soit parfait ou imparfait, il est vrai que dans tous les cantons où il existe le frein au déficit représente un véritable garde-fou qui indique au gouvernement jusqu'où il peut aller et où il doit s'arrêter. Il constitue un garde-fou qui fixe des limites au gouvernement et qui définit le délai nécessaire pour que les choses soient rétablies.

Je ne vous cache pas - et vous le savez pertinemment - que le budget 2006 est difficile à établir. Il l'est parce que nous nous trouvons en face de réalités qui n'ont pas toutes été réglées. C'est aussi simple que cela ! Certaines fois, c'est à cause de votes populaires, d'autres fois parce qu'il s'agit d'un exercice difficile dont le résultat ne fera plaisir à personne lorsqu'il sera présenté. Mesdames et Messieurs les députés, vous ferez comme vous voudrez, nous sommes à la veille des élections et je n'ai aucune illusion sur la façon dont on peut voter en cette période dans ce parlement... C'est dans la nature des choses et je ne veux pas m'en mêler davantage.

Nous avons besoin de nous donner un cadre, non pas parce que nous voulons nous priver d'une liberté mais parce que, comme je vous le disais, le cadre est le coeur de ce projet. Ce n'est pas le mécanisme de sanction que certains adorent. C'est simplement un message fort qui est: «On ne doit pas emprunter pour manger.» Et nous devons nous donner les moyens d'empêcher cette éventualité. Je pense en outre que le coeur de ce projet de loi peut être accepté tant à gauche qu'à droite, même si vous n'acceptez pas le projet de loi. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, je demande l'appel nominal pour savoir qui approuve la sagesse dans les dépenses publiques. (Exclamations.) (Appuyé.)

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9267 est adopté en premier débat par 52 oui contre 35 non.

Appel nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (souligné) et 2 (souligné).

Troisième débat

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de première minorité. Ce moment est peut-être plus propice pour dire que nous, les Verts, récusons ce qui a été dit auparavant. Nous cherchons bien l'équilibre des finances, mais notre philosophie est différente de celle qui est à l'origine de ce projet de loi. Nous n'avons pas besoin de cautèle pour ne pas dépasser une certaine limite. Ce sont notre intelligence, notre responsabilité et notre volonté qui font office de cautèle - nous n'avons pas besoin d'une menace de coups de fouet... Et certains revendiquent la sagesse, alors qu'ils sont prêts à voter des projets fous comme la traversée de la Rade... (Exclamations.)Excusez-moi, mais nous avons tous une responsabilité ici, et nous la revendiquons ! C'est le rythme du retour à l'équilibre qui est important. Et il ne s'agit pas de s'engouffrer dans un tel projet, parce qu'il est trop rapide et fera des dégâts ! Il nous semble qu'il serait important d'avoir un rythme un peu plus lent, respectant le principe de réalité.

Il nous faut refuser ce projet de loi parce que nous disposons d'autres moyens pour arriver au même résultat.

La présidente. Merci, Madame la députée. Nous vous proposons de clore la liste des personnes inscrites, soit: MM. Bavarel, Kanaan, Mouhanna, Kunz, Glatz et Velasco.

M. Christian Bavarel (Ve). Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, nous a fait une proposition qui me semble sage. Elle nous a dit à demi-mot qu'en période électorale nous ne pouvions pas voter un tel projet d'une manière sereine. Je propose donc que ce projet de loi soit renvoyé en commission, simplement... (Exclamations. Applaudissements.)... le temps que change la composition de ce parlement Je propose d'attendre le 9 octobre, qu'une ambiance plus sereine permette de trouver de vraies solutions pour Genève, et de ne pas agir dans la précipitation.

Les Verts se sont très clairement déclarés pour limiter l'augmentation de la population et pour limiter l'augmentation du coût de la vie. Nous avions certaines solutions s'approchant du modèle fribourgeois que nous aurions pu suivre.

Aussi, nous refusons de nous retrouver ligotés par un système qui pourrait demander d'un côté la suppression de l'Université et, de l'autre, une hausse d'impôts de 300 millions de francs - éventuellement supportée uniquement par les familles monoparentales... Je donne ces exemples pour vous montrer que les solutions proposées actuellement pourraient être absurdes ! Alors, quand on prend conscience que l'on est en train de faire des choses absurdes, il vaut mieux s'arrêter, réfléchir et se remettre à travailler sereinement, dans l'intérêt de Genève et des Genevois. (Applaudissements.)

La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Les députés qui prendront désormais la parole ne s'exprimeront que sur ce renvoi, à raison d'un député par groupe. Deux socialistes sont inscrits: M. Alberto Velasco et M. Sami Kanaan. Qui va prendre la parole ? (Remarque.)C'est le rapporteur. Dans ce cas, je donne la parole à M. Velasco... (Commentaires. Brouhaha.)... qui la laisse à M. Kanaan.

M. Sami Kanaan (S). La demande de renvoi en commission a un petit goût de déjà-vu. En juin dernier, suite à un appel presque passionné de la part de la présidente du Conseil d'Etat en faveur d'une négociation pour trouver un compromis sur cette question fondamentale, ce parlement avait renvoyé ce projet en commission. Le résultat de ce renvoi s'est révélé très décevant parce qu'à l'époque le Conseil d'Etat, qui avait annoncé en plénière qu'il allait trouver une base de compromis, ne l'a pas fait. Il n'en a pas eu le temps, évidemment, puisque l'Entente ne le lui a pas laissé. En effet, à fin juin, le dossier a été bâclé en commission, cela en moins d'une heure.

Alors, que nous soyons en période électorale ou pas, nous, socialistes, n'éprouvons aucun état d'âme à cet égard. De toute façon, la solution proposée ne nous convient pas... Quand bien même nous serions en début ou en fin de législature, cette solution ne nous convient pas. Cela dit, nous voulons bien donner une autre chance à ce projet de loi, nous sommes de bonne foi, et nous voterons donc son renvoi en commission. Parce que - nous l'avons déjà dit en juin, nous l'avons dit hier et nous le redisons aujourd'hui: nous devons trouver une solution ! Cependant, pour trouver une solution, il faut négocier. Et cela ne signifie pas - pour les groupes de l'Entente - négocier uniquement avec l'UDC. C'est le choix politique qu'ils ont fait... J'ose espérer qu'il y a encore des personnes raisonnables à droite pour vouloir constituer une majorité suffisamment large, non seulement pour gagner une bataille tactique mais, aussi, pour gagner devant le peuple. Parce qu'avec ce que vous votez aujourd'hui vous allez perdre devant le peuple ! Et nous perdrons aussi et à nouveau plusieurs années. A force de draguer l'UDC, vous vendez votre âme au lieu de chercher de véritables solutions ! Alors, à un moment donné, vous faites vos choix, vous voulez une véritable solution concernant les finances publiques... Nous sommes prêts à discuter, mais à condition que vous manifestiez un minimum de signes attestant de votre bonne foi.

Redonnons-nous donc la chance de mener un débat serein et, par conséquent, votons le renvoi de ce projet de loi en commission ! (Applaudissements.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je trouve tout à fait logique de renvoyer ce projet de loi en commission, dans la mesure où le Conseil d'Etat lui-même s'est permis de reporter après les élections la date du dépôt du projet de budget.

Etant donné que nous sommes à quelques jours des élections, il est tout à fait normal d'attendre de connaître l'expression de la volonté populaire pour voir s'il faut continuer dans le sens de ce projet de loi ou s'il faut plutôt prendre en considération ce qui ressortira des urnes au soir du 9 octobre prochain. Par conséquent, je suis en faveur du renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Pierre Kunz (R). Il n'est plus temps de tergiverser, Monsieur Bavarel ! Il n'est plus temps de philosopher, Madame Künzler ! Il n'est plus temps de négocier, Monsieur Kanaan !

Nous le savons, les dépenses de ce canton ont explosé. Rappelons qu'entre 1998 et 2004 l'augmentation des dépenses de fonctionnement a été de 24,7%. Le nombre des fonctionnaires a augmenté de 15,5%. Et si les comptes de l'Etat restent gravement déficitaires, ce n'est pas à cause d'une insuffisance des recettes fiscales. (Protestations.)Celles-ci, durant la même période, ont augmenté de 27,3% ! (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur ! Ce sont des chiffres que vous devriez connaître, parce que vous êtes membre de la commission des finances depuis bientôt dix ans et que vous n'avez jamais lu ses rapports ! (Huées. Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous souffrons d'une folie dépensière et la majorité de ce Grand Conseil a décidé de prendre effectivement ses responsabilités en freinant les dépenses ! (L'orateur est interpellé.)Et pas seulement, Monsieur Kanaan, pour la génération actuelle, mais aussi pour la prochaine génération !

C'est pour cela que nous n'avons pas peur du peuple. Et c'est pourquoi nous refuserons le renvoi en commission de ce projet de loi !

M. Philippe Glatz (PDC). Il est exclu que nous renvoyions ce projet de loi en commission.

M. Kanaan se fait donneur de leçons, en disant que voter ainsi est le fait de basses manoeuvres de notre part... Nous n'avons de leçons à recevoir de personne, et particulièrement pas en cette période. Monsieur Kanaan, je vous ai entendu dire: «Vous vendez votre âme.» Vous faites partie d'un groupe qui s'appelle l'Alternative dont certains éléments ont plus que vendu leur âme pour continuer à y exister ! (Protestations.)Oui, Monsieur ! L'opprobre jetée sur les frontaliers et les étrangers n'est pas digne de parlementaires !

Une voix. Bravo !

M. Philippe Glatz. Le peuple nous donnera raison et il appuiera le maintien de ce frein aux dépenses. Je peux vous dire que c'est par vos basses manoeuvres que le peuple est aujourd'hui écoeuré !

M. Pierre Weiss (L). Il y a eu dix séances de commission et de sous-commission qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi devant notre parlement. Au cours de ces séances, des propositions ont été faites par certains, y compris par le groupe socialiste. Ces propositions n'ont pas rencontré l'assentiment d'une majorité. Il serait donc aujourd'hui vain de renvoyer ce projet de loi en commission. Cette proposition de renvoi est une simple manoeuvre dilatoire de la part de ceux qui l'ont proposée.

Il y a un moment où ce parlement doit prendre ses responsabilités. Les citoyens attendent ce moment. Ils exprimeront leur opinion le 9 octobre. (Commentaires. Brouhaha.)Ils exprimeront leur opinion - et je suis fortement confiant à cet égard - l'année prochaine, lorsqu'ils adopteront le projet de loi constitutionnel qui leur sera soumis. Et j'en prends le pari, moi aussi !

M. Robert Iselin (UDC). M. Weiss m'a un peu pris les paroles de la bouche, mais cela ne fait rien. (Exclamations.)Je voudrais simplement dire ceci: la proposition de renvoi de ce projet de loi est une manoeuvre purement dilatoire de la part de personnes qui n'ont rien compris - mais rien ! - à la gravité de la situation.

L'UDC votera la loi et refusera le renvoi de cet objet en commission.

La présidente. Monsieur le rapporteur Velasco, je vous donne la parole à propos du renvoi en commission.

M. Antonio Velasco. Je la prendrai après le vote sur ce renvoi.

La présidente. Nous allons nous prononcer sur le renvoi de ce projet de loi en commission... (La présidente est interpellée.)Mais un député de l'Alliance de gauche a déjà parlé, c'était M. Mouhanna. Nous avons procédé correctement.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9267 à la commission des finances est rejeté par 48 non contre 34 oui.

La présidente. Je vous propose de clore la liste des intervenants qui sont: MM. Mouhanna, Spielmann, Glatz et Kanaan.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Avant que nous passions au vote à l'issue du troisième débat, j'aimerais rappeler que ce projet de loi a pour objectif le démantèlement des acquis sociaux. (Exclamations.)Tout d'abord, vous essayez de faire croire que la dette est due aux autres, alors que c'est vous qui gouvernez cette République depuis des décennies. Or la seule période où les finances publiques ont été redressées est celle de 1997 à 2001, soit lors de la majorité alternative au Grand Conseil.

Vous vous êtes qualifiés de toutes sortes de noms d'animaux, Mesdames et Messieurs: les castors radicaux qui m'ont amené, m'interrompant plusieurs fois, à leur dire que le parti radical était devenu Castorama; ensuite, M. Mark Muller a dit que les cigales libérales sont devenues des fourmis... (Commentaires. Brouhaha.)Il est vrai que le parti libéral a muté entre cigales et fourmis, et vice-versa... Pourquoi ? Lorsqu'il s'agit de faire des cadeaux aux plus riches, les libéraux sont des cigales ! Mais, lorsqu'il s'agit des intérêts de la majorité de la population, les libéraux se transforment en fourmis, s'attaquant aux acquis sociaux et aux prestations à la population. Enfin, il y a l'écureuil dont M. Mettan compare les vertus à celles du groupe démocrate-chrétien... (Brouhaha.)Je pense que vous êtes plutôt des caméléons, Monsieur Mettan ! Quant au groupe UDC, il est vrai je n'ai pas entendu ses membres se comparer à un animal. Par conséquent, à la manière dont je les vois fonctionner, eh bien, ce sont les gardiens du zoo !

M. Mettan a dit de telles contrevérités... J'allais dire «mensonges», mais je voudrais être cordial avec vous, cher collègue ! Pendant toutes les années 90, durant lesquelles vous étiez majoritaires au Grand Conseil - monocolore - il y a eu entre 450 et 500 millions de francs de déficit par année ! C'était vous qui gouverniez, pas nous ! Et vous voulez faire croire que vous voulez vraiment réduire la dette et le déficit ?! C'est pourtant vous qui avez diminué les recettes de 12% ! Vous avez voulu cela ! (Remarques. Brouhaha.)Et c'est aussi entre 450 et 500 millions... (Exclamations.)

Des voix. C'est le peuple ! C'est le peuple ! (La présidente sonne la cloche.)

M. Souhail Mouhanna. S'il vous plaît, Madame la présidente, j'aimerais pouvoir m'exprimer dans le délai qui m'est imparti ! (La présidente sonne la cloche.)Je vois que, lorsqu'on leur dit des vérités, ils s'agitent dans tous les sens - ils n'aiment pas la vérité. Ils vivent dans le mensonge et veulent gagner en faisant usage du mensonge. Mais nous ferons éclater la vérité, comptez sur nous ! (Brouhaha.)Je continue. (Exclamations.)

Donc, vous êtes les principaux responsables de la situation actuelle des finances publiques. Et quand j'entendais, tout à l'heure, Mme Brunschwig Graf dire: «Nous avions annoncé une réduction de la dette de 500 millions de francs et nous avons fini par accuser un déficit de 750 millions»... Mais, Madame, cela confirme ce que j'ai dit moi-même hier: ce projet de loi n'est qu'un instrument de démantèlement social. (Protestations.)Parce que vous avez dit vous-même, Madame, pour justifier les 750 millions de francs de déficit, que la réalité avait pris le dessus. Eh bien, c'est ce qui va se passer ! Et vous pourrez décider ce que vous voulez.

A la fin des années 90, le Conseil d'Etat avait établi un plan financier quadriennal pour dire qu'il arriverait à l'équilibre en telle année - c'était dégressif par rapport au déficit. Les écarts entre ce que prévoyait ce plan financier quadriennal et les résultats des comptes, ce sont des sommes comprises entre 300 et 500 millions de francs par année. Et vous voulez nous faire croire que votre gestion est si rigoureuse qu'elle vous permet de savoir à l'avance ce qui va se passer ?! Vous n'en savez rien ! Vous ne savez rien des dégâts que vous causez. Le chômage, la précarité, la pauvreté, c'est vous qui en êtes responsables ! Tout comme vous êtes responsables de la régression sociale. Et vous nous dites que vous voulez redresser les finances publiques ?! Eh bien, vous faites des trous !

Notre collègue Mettan parlait tout à l'heure du «char de l'Etat»: pour ma part, je parlerai d'un véhicule dont vous avez crevé les quatre pneus. Et vous voulez faire croire que vous le ferez avancer en insufflant un peu d'air dans l'un des pneus... Non ! Vous avez une seule idée en tête: c'est toujours plus de cadeaux aux riches - pour qui vous roulez tout le temps, dans ce Grand Conseil - et démanteler les acquis sociaux de la population ! (Exclamations.)

Eh bien, Madame la présidente, vous pourrez décider ce que vous voulez. Comme vous l'avez dit, je suis d'accord avec vous: la réalité prendra le dessus et, aussi, la résistance de la population quand elle verra les dégâts que vous voulez causer avec ce projet de loi. Elle saura aussi vous renvoyer à vos études ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Les députés libéraux affirment que c'est le peuple qui a voté leur initiative: ils ont tout à fait raison. En revanche, il faut être correct et admettre que le discours tenu à l'époque, à propos de cette baisse d'impôts, était qu'elle allait impulser l'économie et produire plus de recettes. (L'orateur est interpellé.)Non, mais vous l'aviez dit ! Aujourd'hui, soit quelques années après, peut utiliser ce recul pour constater que cela ne s'est pas produit et que cette théorie ne tenait pas le coup. Par conséquent, vous devriez admettre qu'il faut rétablir ce qui avait été soustrait.

Hier, M. Glatz a dit qu'il ne fallait pas vivre au-dessus de ses moyens... Mais, Monsieur Glatz, cela dépend de qui l'on parle ! Certaines personnes vivaient avec des moyens restreints et, aujourd'hui, elles vivent assez mal, avec encore moins de moyens. Alors, dire à ces personnes - qui sont des milliers dans notre République - qu'elles vivent au-dessus de leurs moyens, ce n'est pas correct... (L'orateur est interpellé.)Non, attendez ! La manière dont le discours était prononcé permettait de penser que M. Glatz s'adressait à l'ensemble des citoyens. M. Weiss me fait remarquer que ce discours s'adressait à l'Etat... Mais le rôle de l'Etat, Monsieur Weiss, consiste justement à veiller à ce que les injustices ne soient pas criantes. Voilà, le rôle de l'Etat ! A son époque, Aristote définissait une société juste comme suit: la différence entre les plus pauvres et les plus riches ne devait, selon lui, pas être supérieure à un rapport de un à quatre. Or votre baisse d'impôts a produit un différentiel de répartition de un à cent cinquante ! Ce n'est pas juste, c'est ce en quoi nous ne sommes pas d'accord. Nous aussi avons relevé le problème de l'accroissement de la dette, mais, là où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur votre manière de cibler l'effort. Il n'est pas juste de toujours cibler l'effort en vue du rétablissement des finances publique sur les citoyens qui sont déjà financièrement en difficulté !

Par ailleurs, on ne peut pas assimiler notre République à un pays du tiers-monde, endetté, sous perfusion. Nous sommes une République dont le revenu par habitant est tout de même un des plus élevé de la planète... (L'orateur est interpellé.)Si on ne peut pas demander un effort à une telle République, alors que peut-on donc demander aux pays du Sud ? Quand je me balade à Genève, la quantité de voitures de sport - très riches, Madame la présidente - est hallucinante ! Je ne vois cela nulle part ailleurs. Je me dis donc que cette République a des moyens !

Alors, nous sommes d'accord qu'il faut s'attaquer à la dette, nous sommes d'accord qu'il faut rétablir l'équilibre des finances publiques, cependant il faut voir quel pôle on atteint: celui des recettes ou celui des dépenses. Nous, nous voulons attaquer le niveau des recettes par l'application, effectivement, d'une politique d'utilisation parcimonieuse et efficace de ces recettes. Or, à la manière dont vous engagez ce projet de loi, vous persistez à vous attaquer aux dépenses !

Et M. Kunz, par sa litanie, séance après séance, veut faire peur aux citoyens: il affirme en effet que la dette est due à de trop grandes dépenses en matière sociale... Arrêtez donc d'essayer de faire peur aux citoyens, cette République dispose de suffisamment de moyens !

Je suis d'accord avec le fait que notre République doit avoir des finances saines, car, comme l'a dit la présidente du Conseil d'Etat, lorsqu'on n'arrive pas à obtenir suffisamment de recettes pour payer les dépenses courantes, c'est dangereux - je vous l'accorde. Il faut donc trouver des solutions pour produire des excédents primaires. Et pour savoir de quelle manière, il faudra nous réunir en commission des finances ainsi que dans ce parlement pour en débattre à nouveau et proposer des solutions.

M. Jean Spielmann (AdG). Tout à l'heure, j'ai voté le renvoi de ce projet de loi en commission parce que je considérais que certains commençaient sérieusement à déraper; je n'avais pas encore lu l'éditorial de M. Weiss et ses «conseils bienveillants»... Il est intéressant d'en relever quelques lignes, pour bien comprendre quelle disposition d'esprit anime M. Weiss lorsqu'il envisage que nous trouvions ensemble des solutions pour réduire la dette de l'Etat et pour gérer intelligemment le fonctionnement de notre République. Lorsqu'il parle du cartel, il parle du «quarteron composant le cartel»; plus loin, lorsqu'il parle de la campagne sur le respect, il dit: «... pour les autres...». Pour les autres ! (Brouhaha.)Puisque «chez ces gens-là, Monsieur, on ne parle pas...», on éructe. Et il s'agit de «conseils bienveillants» dans le titre...

Cela continue ainsi sur toute une colonne et, à la fin, Monsieur Weiss, vous écrivez: «Alors que la majorité vient d'adopter un frein aux dépenses,...». Vous avez bien préparé votre majorité, avec vos amis de l'UDC et tous les autres ! Vous vous êtes imaginé que vous voteriez le frein aux dépenses. Mais cela résout quel problème ? Plus loin, vous écrivez: «Ce n'est pas une majorité des deux tiers qui a voté un budget déficitaire... - et je vous parie que vous voterez un budget déficitaire - ... on ne peut plus se permettre de donner un signal incohérent aux citoyens.» Quel signal êtes-vous en train de donner aux citoyens, à part les insultes, déjà très significatives du climat dans lequel vous allez instaurer votre politique ? Mais quelle politique !

J'ai dit tout à l'heure, sous forme de boutade, qu'il était plus facile de voter un frein aux dépenses que d'établir un budget. Mais les citoyens attendent tout de même de savoir comment vous allez mettre en place la politique de l'Etat ! Et comment, par exemple, en parlant du «quarteron» de fonctionnaires, vous trouverez des solutions pour régler le problème du fonctionnement de l'Etat et pour mieux gérer ses ressources financières.

Comme je l'ai dit - d'ailleurs, Messieurs Glatz et Mettan, vous pourrez relire le Mémorial, puisque vous le citez toujours, et je vous suggère de choisir des extraits qui puissent véritablement permettre au débat de progresser - vous ne réglerez pas le problème du fonctionnement de l'Etat en vous mettant tous les fonctionnaires à dos, en ne travaillant pas avec les acteurs du service public et en désignant, comme vous êtes en train de le faire dans la plupart des départements, vos petits copains à des postes de hauts cadres. En effet, vous continuez à considérer l'Etat comme une vache à lait, où l'on peut, quelle que soit leur rentabilité, placer les petits copains... Ce qu'il faut, c'est discuter avec ceux qui sont sur le terrain et doivent rendre service à la population. Et gérer l'Etat, c'est aussi pour rendre service à la population et pour répondre à ses besoins. Alors, que ferez-vous des 11 000 nouveaux arrivés en une année dans notre canton ? Dans les écoles, qu'allez-vous faire des milliers d'enfants supplémentaires ? Comment allez-vous résoudre les problèmes liés au fonctionnement si vous ne discutez pas avec les acteurs de la fonction publique pour trouver une utilisation plus intelligente des deniers publics ? Car vous n'entrez pas en matière - vous avez recours à l'insulte - et cette situation ne vous permettra pas de sortir de la crise.

Vous avez voté ce frein aux dépenses... Mais à quoi cela sert ? Avez-vous imaginé un instant, alors que tous les budgets que vous avez votés étaient déficitaires, que ce projet était intelligent ? Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de voter des budgets avec un boni et de rembourser la dette ? Avez-vous besoin d'un article constitutionnel pour parvenir à cela ? Ne suffirait-il pas de gérer intelligemment les finances de la République et d'ajuster un budget ?

La population n'attend ni des parodies ni des subterfuges - comme en présentant ce projet de loi - elle attend des actes ! Le problème, c'est que vous insultez la population et que vous fuyez vos responsabilités. Vous dites: «Nous verrons après les élections; pour le moment, nous voterons un frein aux dépenses qui, probablement, nous bridera.» Or partout, quand un frein aux dépenses a été instauré, il l'a été intelligemment: des structures ont été mises en place, des budgets présentés, des dépenses réduites et des possibilités d'améliorer les finances publiques ont été recherchées. Et vous, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez présenté des initiatives: trop d'impôts; moins d'impôts; l'impôt tue l'impôt... Vous avez dit: «Nous allons baisser les impôts, et vous allez voir la relance économique de l'emploi !» Eh bien, il y a aujourd'hui 25 000 chômeurs et un déficit comme jamais ! Vous êtes responsables de cette situation-là, tous autant que vous êtes sur les bancs d'en face, parce que vous avez toujours voté des budgets déficitaires ! Et vous avez toujours voté contre des budgets lorsqu'ils étaient présentés avec un léger boni et des améliorations de situation.

Alors, les responsables de cette situation, c'est vous ! Et vous ne vous en tirerez pas avec la méthode Coué, en proposant qu'un frein aux dépenses figure dans la constitution. Il vous faut changer votre fusil d'épaule, changer de politique, discuter avec les acteurs du service public, et non les insulter !

Des voix. Bravo !

M. Philippe Glatz (PDC). J'aimerais dire, à l'adresse des trois orateurs précédents, que nous ne sommes plus disposés à entendre leurs discours ni leurs leçons, ils ne sont plus crédibles. Vous nous demandez, Monsieur Spielmann, comment nous allons résoudre les problèmes... Eh bien, moi je sais comment vous, vous allez les résoudre ! C'est sur vos affiches: vous voulez chasser les étrangers et les frontaliers. C'est votre manière de résoudre les problèmes. (Commentaires. Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)Voilà comment vous allez faire ! Alors, ne nous demandez pas comment nous-mêmes ferons pour remédier à la situation, parce que ce que vous préconisez n'est pas raisonnable !

A l'adresse de M. Mouhanna, qui nous dit: «Nous allons faire éclater la vérité», je répondrai: vous l'avez faite éclater aujourd'hui, elle se trouve sur vos affiches. Le vrai visage de votre politique est sur vos affiches. (L'orateur est interpellé. Commentaires.)Pouvez-vous mesurer les dégâts que vous faites en préconisant la haine de l'étranger ? Pour cette raison, nous ne sommes plus du tout disposés à vous écouter<, vous avez perdu votre crédibilité.

A un moment donné, Monsieur Velasco, vous avez dit une chose sérieuse, et j'ose espérer que vous n'êtes pas accoquinés de trop près avec l'extrême gauche qui préconise la haine de l'étranger: vous avez dit que beaucoup de gens vivaient avec très peu de moyens, et vous avez raison. C'est pour cela que nous leur devons d'être parcimonieux dans nos dépenses, nous, l'Etat.

Par exemple, Monsieur Velasco, trouvez-vous normal qu'il y ait aujourd'hui- et M. Spielmann ne me contredira pas - quatre services pour les bateaux qui sont sur le port ? Quatre services pour gérer le port, alors qu'autrefois il fallait un simple garde-port. Trouvez-vous cela rationnel ? Et trouvez-vous qu'il soit normal que, pour chaque séance du DAEL, une quinzaine de fonctionnaires siègent des après-midi entières ? (Exclamations. Brouhaha.)Trouvez-vous que c'est dépenser l'argent des contribuables de manière précautionneuse ? Je réponds: non, Monsieur ! C'est ce que le peuple répond aussi. Parce qu'il constate que certaines dépenses sont somptuaires, comme les «Ferrazinettes» en ville, et qui ne servent à rien. Et nous demandons aujourd'hui un peu plus de parcimonie... Alors, Monsieur Velasco, vis-à-vis de tous ces gens qui vivent avec très peu de moyens, je vous engage à dépenser moins. C'est pour cela qu'il faut que vous votiez ce projet de loi, car il est un signe - comme l'expliquait tout à l'heure la présidente - qu'aujourd'hui nous avons pris conscience que nous ne pouvions pas vivre au-dessus de nos moyens.

La présidente. Je donne encore la parole à M. Sami Kanaan, mais je préviens... (La présidente est interpellée.)Non ! Tout à l'heure, j'ai refusé la prise de parole à M. Muller et à un autre député, parce que vous... (Remarque.)Non, vous n'avez pas été mis en cause. (La présidente est interpellée.)Comme j'ai refusé de donner la parole à M. Muller, je ne l'accorde pas non plus de l'autre côté ! Pour l'instant, je donne la parole à M. Sami Kanaan, puis nous procéderons au vote.

M. Sami Kanaan (S). M. Glatz a confirmé la tendance caractéristique des députés de la droite: ils évitent à tout prix de préciser comment assainir les finances publiques, sauf en critiquant une séance composée de quinze personnes. M. Mettan a beaucoup parlé de la minorité parlementaire, mais étonnamment peu du bilan de la majorité parlementaire durant ces quatre dernières années. J'enjoins par ailleurs M. Glatz à se renseigner de manière plus précise quant aux membres - distincts - de l'Alliance de gauche, avant de critiquer de manière aussi caricaturale ce qui s'est passé dans le but de détourner l'attention quant à ce bilan très maigre de la majorité parlementaire.

Ce qui est désolant, c'est qu'en votant cette loi - car elle sera votée - on n'aura pas avancé d'un iota dans la solution des problèmes des finances publiques. La loi en vigueur est très précise sur la nécessité d'assainir les finances publiques, elle exige l'équilibre. Vous êtes au courant, la LGAF, que l'on cite toujours, stipule clairement qu'il faut un budget équilibré ou que ce dernier soit assaini dans un délai défini. La loi n'a été ni respectée ni appliquée. Aujourd'hui vous votez une autre loi, qui est tout aussi inapplicable parce que vous continuez à éviter d'énoncer clairement la manière dont vous comptez assainir les finances publiques. Vous avez probablement des idées à ce sujet, mais vous ne les assumez pas, surtout pas à la veille des élections. Cette loi équivaut à voter une chimère. Une pure illusion ! Et je ne suis même pas très inquiet, parce qu'en l'état cette loi ne changera rien à la situation, malheureusement ou heureusement, selon les points de vue.

Le bilan de cette législature est désastreux. Vous regarderez encore une fois durant quelles années la dette du canton a réellement pris l'ascenseur, ce n'est pas durant la législature 1997-2001. Jusqu'à un certain point, c'est pendant cette législature-ci. C'est surtout au cours des législatures des années 80 et 90. Et, faut-il le rappeler, qui était majoritaire, à l'époque ?

On a beaucoup parlé du peuple, de ce qu'il pense ou ne pense pas, et sur quelle base... Lorsque vous lui avez proposé une baisse d'impôts, il a accepté en échange de votre promesse, selon laquelle «cela ne ferait pas mal» - vous avez un promis un cadeau «qui ne ferait pas mal»... Le problème, c'est que ça fait très mal ! Et maintenant, vous devez expliquer au peuple pourquoi vous n'avez pas pu tenir votre promesse.

Nous avons dit et redit que nous étions prêts à parler de réforme du système public, à la condition d'éviter les tabous, notamment celui qui consiste à ne pas parler de recettes. Mais surtout, nous ne pouvons pas partager votre méthode: cette majorité parlementaire a, pendant quatre ans, déclaré une guerre totale, non seulement à la minorité parlementaire - ce qui est de bonne guerre - mais aussi à son propre Conseil d'Etat, à la fonction publique, aux communes, aux associations, à la classe moyenne et aux milieux défavorisés. Voilà votre bilan de quatre ans de législature ! Et vous espérez être encore crédibles pour résoudre les problèmes de cette République...

Votez donc cette loi, puisque cela vous fait tant plaisir ! Ce qui est bien plus inquiétant que cette loi - qui restera théorique parce que je ne crois pas une seconde qu'elle résoudra quoi que ce soit - c'est que la fracture sociale augmente à Genève et que, de surcroît, vous ne voulez pas le voir. Globalement, Genève reste un canton riche, avec de nombreux contribuables aisés; cependant il y a aussi une partie des habitants de Genève qui sont en bas de l'échelle sociale, c'est ceux de la classe moyenne inférieure qui tendent à rejoindre les personnes qui ont besoin d'aide. Or la seule chose que vous proposez c'est de limiter les postes dans l'enseignement et de ne pas donner les moyens au département de l'action sociale ! Partout, vous gelez des postes et vous niez la vérité. C'est ça, la réalité !

Vous pouvez donc voter cette loi si cela vous fait plaisir, cela ne changera rien aux faits que je viens d'énoncer. Cette fin de législature est tout à fait caractéristique d'un bilan totalement désastreux. (Applaudissements.)

La loi 9267 est adoptée article par article en troisième débat.

La présidente. Nous allons nous prononcer sur l'ensemble du projet de loi 9267. (Commentaires.)Je vois que vous souhaitez l'appel nominal. (Appuyé.)Nous allons procéder ainsi... (Exclamations. Brouhaha.)Non, le troisième débat est clos et nous votons !

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9267 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 35 non.

Loi 9267 Appel nominal

La présidente. Nous passons au projet de loi 9163-B.

M. Hugues Hiltpold (R). J'avais annoncé en juin dernier que, aussitôt la loi 9267 votée, nous retirerions le projet de loi 9163, ce que je fais à présent au nom du groupe radical.

Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 9163.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Ce projet de loi est peut-être retiré mais les mensonges de M. Glatz ne l'ont pas été. (Exclamations.)M. Glatz a parlé de mes affiches... Mais, Monsieur Glatz, je vous mets au défi de prouver qu'une seule de mes affiches va dans le sens de ce que vous avez dit ! (Exclamations.)

Maintenant, Madame la présidente, je voudrais parler du projet de loi 9163 du parti radical... (L'orateur est interpellé.)Mais je pourrais le représenter, moi ! (Brouhaha.)Attendez ! Ce sera peut-être la conclusion de mon intervention. (Rires. Commentaires.)

Justement, pour montrer comment cela fonctionne véritablement au niveau de cette majorité, je rappelle que le projet de loi 9163 du parti radical... (L'orateur est interpellé.)Je vais vous l'indiquer: parce qu'ils disent qu'il faut des bonis ! Ils disent que les budgets 2005 et 2006 doivent afficher des bonis de 100 et 150 millions de francs. Eh bien, je propose que, lors du vote concernant le budget de l'Etat - puisque vous votez un frein aux dépenses, un frein à tout - nous votions aussi pour qu'il y ait boni de 5 milliards... (Remarque.)Pourquoi pas ?

Mme Brunschwig Graf disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas emprunter pour manger... Eh bien, votre politique a poussé des dizaines de milliers de familles à emprunter pour manger ! Mais vous êtes prêts à emprunter des milliards pour couvrir les pertes des escroqueries qui ont fait couler la Banque cantonale de Genève - et que M. Glatz connaît bien ! (Exclamations. Huées.)

M. Philippe Glatz (PDC). Je souhaiterais retirer le projet de loi 9319, puisque nous avons pu voter le projet de loi 9267. Et je voudrais juste ajouter ici, à l'adresse de M. Mouhanna...

Une voix. Mais non !

M. Philippe Glatz. Juste deux mots, s'il vous plaît ! Ce n'était pas à titre personnel que je l'interpellais, c'était au titre du groupe qu'il représente. Je sais que M. Mouhanna est un homme honorable et qu'il a un peu honte de ce qui se passe dans son groupe en ce moment.

La présidente. Donc, Monsieur Glatz, vous avez retiré le... (Brouhaha.)

Des voix. Non, non, non ! (Brouhaha. Exclamations. La présidente coupe le micro.)

M. Jean Spielmann. ... contre les étrangers et de racistes ! (Manifestation dans la salle. M. Spielmann rétorque.)

La présidente. Monsieur Spielmann, vous... (Huées.)Les deux projets de lois... (Manifestation dans la salle.)Puisque c'est ainsi, j'interromps la séance pendant cinq minutes !

La séance est interrompue à 18h35.

La séance est reprise à 18h40.

La présidente. Je vous rappelle que le projet de loi 9319 a été retiré tout à l'heure et que le projet de loi 9163 l'est également.

Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 9319.