République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8955-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Hugues Hiltpold, Louis Serex, Pierre-Louis Portier, John Dupraz, Marie-Françoise De Tassigny, Jean-Marc Odier, Pascal Pétroz, Gabriel Barrillier modifiant la loi sur les commissions d'urbanisme et d'architecture (L 1 55)
Rapport de majorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)
Rapport de minorité de M. Mark Muller (L)

Premier débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. Je rappelle que ce projet de loi émane des députés de l'Entente. Il vise à remettre en question les compétences des commissions d'urbanisme et d'architecture.

Deux arguments ont été avancés à l'appui de ce projet. Le premier est que chacune des commissions devrait se prononcer dans des domaines bien définis, afin d'éviter des avis contradictoires. Le deuxième concerne spécifiquement la commission d'architecture, qui ne devrait donner de préavis que sur demande du département, cela afin d'alléger les procédures.

Nous avons donc procédé à l'audition des deux commissions concernées, auditions qui ont été très instructives et nous ont permis de mieux comprendre leur rôle et le travail important qu'elles fournissent avec beaucoup de sérieux.

Contrairement à ce que craignent les auteurs du projet, il est rare - on a pu le remarquer - que ces commissions donnent des avis contradictoires. En revanche, il semble que les lenteurs de la commission d'architecture proviennent souvent du fait que les projets soumis par les mandataires ne répondent, la plupart, du temps pas aux critères objectifs fixés par la commission. C'est la raison principale qui explique les lenteurs reprochées à cette commission.

Limiter, comme le voudraient les auteurs de ce projet de loi, les compétences de ces deux commissions, c'est, d'une part, appauvrir le débat sur l'aménagement ou l'architecture dans ce canton, et, d'autre part, courir le risque que des procédures de recours ne soient lancées a posteriori, ce qui serait beaucoup plus long et pourrait effectivement entraîner des blocages.

Je vous engage donc à suivre la majorité de circonstance et à rejeter ce projet de loi.

M. Mark Muller (L), rapporteur de minorité. Une fois n'est pas coutume, je me retrouve du côté de la minorité... J'espère qu'elle se transformera en majorité, ce soir.

Vous l'aurez compris, nous vous invitons à entrer en matière sur ce projet de loi et à l'adopter.

Tout d'abord, je regrette le vote de commission, qui a permis à la majorité de circonstance de gauche de refuser l'entrée en matière de ce projet de loi. Nous étions pleins de bonnes dispositions... (Rires et exclamations.)Nous étions prêts à faire un certain nombre - je ne dirai pas de concessions - de compromis, pour répondre positivement aux propositions d'amendement de M. Moutinot... La gauche en a voulu autrement; elle a préféré refuser l'entrée en matière. Alors, il est bien évident que ce soir, en plénière, nous ne sommes plus forcément dans d'aussi bonnes dispositions, et puis ce n'est pas le lieu de faire un débat de commission. Nous ne souhaitons donc pas voter d'amendements sur ce projet de loi.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à voter ce projet de loi sans modification, sous une réserve: indépendamment de ce que l'Alternative a proposé ou n'a pas proposé en commission, nous avons nous-mêmes estimé, notamment à la suite de l'audition des membres de la commission d'architecture, qu'il n'y avait pas lieu de modifier l'article 15, alinéa 2 de la LCI. En effet, confier aux seules communes la compétence de trancher les questions d'esthétique ne nous paraissait pas forcément opportun. Les architectes que nous avons auditionnés à ce sujet nous ont convaincus. Nous renoncerons donc, de nous-mêmes, à cette disposition.

Pour le surplus, il me paraît extrêmement important de débroussailler un petit peu les compétences des commissions consultatives du DAEL, dans la mesure où l'on a pu se rendre compte que, bien souvent, des préavis contradictoires sont rendus par ces différentes commissions et que le département éprouve parfois de la peine à trancher entre ces préavis. Les requérants et leurs architectes sont renvoyés, plusieurs fois s'il le faut, à répondre à des préavis contradictoires, ce qui, évidemment, ne facilite pas la tâche des requérants.

Nous souhaitons donc clarifier les compétences respectives des commissions consultatives du DAEL. A chacun son travail, à chacun sa spécialité. Nous pensons que cela permettra de faire avancer plus rapidement un certain nombre de dossiers.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). A la fin de nos longs débats en commission, nous aurions été prêts à nous rallier à l'amendement proposé par M. Moutinot à l'article 4, alinéa 1, qui permettait la suppression du double passage des dossiers à la CMNS et à la commission d'architecture. Cela nous aurait semblé acceptable, puisque le département nous affirmait qu'il était extrêmement rare que la commission d'architecture, la CMNS et la commission d'urbanisme fournissent des préavis contradictoires. Mais les députés de l'Entente ont voulu maintenir une position intransigeante sur l'article 1, alinéa 1. Accepter un compromis aurait été possible... Mais accepter la teneur de l'article 1, alinéa 1, aurait été de la compromission !

C'est pourquoi ce projet de loi n'a pas été accepté en commission: cela est dû au hasard d'une majorité de circonstance. Sinon, nous aurions refusé le texte proposé et fait, sans hésiter, un rapport de minorité.

Mme Michèle Künzler (Ve). Si vous avez pris le temps de lire le rapport de minorité, vous aurez pu constater que les débats de commission n'ont pas été tristes... Bonjour l'ambiance ! Il faut dire que les choses se passent toujours un peu bizarrement à la commission de l'aménagement.

Finalement, ce projet de loi a une importance toute relative, mais il est quand même significatif pour nous, parce qu'il est symbolique. Il est l'illustration, de la part de la droite, d'une vision simplificatrice du monde, qui, au fond, devient vite simpliste...

Le monde est en fait un peu plus subtil... Et nous, les Verts, nous nous battons contre un monde univoque, où les décisions seraient automatiques. Nous pensons qu'il faut sortir d'une réflexion binaire. Mais, attention, nous ne sommes pas en train de vous vanter un système arbitraire ! Nous prônons un système qui peut supporter la diversité, une diversité des points de vue, qui permet d'avoir plusieurs préavis de commissions. Parce que, finalement, le problème ne porte pas sur la diversité des points de vue, mais sur la décision qui est prise. En l'occurrence, il vaudrait mieux fixer des échéances pour rendre les préavis et la décision. Et pour cela, il faudrait plutôt mettre en cause le DAEL. Ce n'est certainement pas avec ce projet de loi que vous allez changer quoi que ce soit !

Nous sommes favorables à une vision pluraliste, mais aussi à des décisions qui soient prises en temps voulu.

M. André Reymond (UDC). Dans le cadre des auditions de la commission, M. Moutinot - il faut le relever - a indiqué que les différents services sont consultés simultanément pour que les décisions soient prises plus rapidement.

Je ne vais pas reprendre le débat de commission... Comme cela a été dit, la gauche a obtenu une majorité de circonstance.

Tout va trop lentement en matière de construction à Genève, et je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose pour que cela aille plus vite. Pour gagner du temps, il serait judicieux de supprimer le passage des dossiers dans plusieurs commissions, qui souvent se contredisent, et d'alléger les procédures.

L'UDC vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir le rapport de minorité.

M. Gabriel Barrillier (R). L'UDC, pour des raisons indépendantes de sa volonté, n'était pas représentée, lors des séances de commission. Enfin, bref, je note avec plaisir qu'elle s'est rachetée ce soir en rejoignant la majorité, et je l'en remercie.

Madame Künzler... Je peux m'adresser à vous ? C'est permis?

La présidente. Monsieur le député, vous devez...

M. Gabriel Barrillier. Madame la présidente, je m'adresse à vous et à Mme Künzler en même temps... (Commentaires.)La représentante des Verts nous dit qu'elle est favorable à une vision pluraliste, mais que les décisions doivent être prises en temps voulu... Mais ce n'est pas possible ! Une vision pluraliste... En commission de l'aménagement, ce sont les femmes qui mènent le bal ! Je le reconnais, c'est vrai ! (Exclamations.)

Une voix. Vous dansez, Madame !

M. Gabriel Barrillier. Soit Mme Schenk-Gottret, à qui je rends hommage ici, qui est une fine juriste... Soit Mme Michèle Künzler, sa collègue... Donc, il est très difficile de se mettre d'accord et de prendre des décisions, parce qu'elles accrochent et qu'elles campent fermement sur leur position. Je ne crois pas du tout à une vision pluraliste et à des décisions qui se prennent rapidement. Et c'est ce qui se passe avec la commission de l'urbanisme et la commission de l'architecture, dont les préavis sont quelquefois contradictoires ! Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs les députés: nous ne voulons pas soulever une guerre de tranchées ! Nous ne voulons pas sexualiser ces deux commissions !

Ce projet de loi vise simplement à clarifier les champs d'activité de ces deux commissions qui sont appelées très logiquement à prendre position, à donner des préavis en matière d'urbanisme et de construction, étant précisé que c'est le département qui tranche. Et s'il est possible de supprimer des doublons et de travailler de façon plus rationnelle, cela permettra d'obtenir des décisions plus rapidement, et nous pourrons répondre aux besoins de la population.

J'ai donné des chiffres tout à l'heure, je les rappelle encore une fois: taux de vacance: 0,17%; logements construits en 2003: 1209 pour 6700 habitants de plus. Voilà les faits ! Nous ne voulons pas faire une guerre de tranchées ni de religion, nous voulons simplement améliorer les choses, en toute logique !

Le parti radical votera cette loi comme un seul homme !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Christian Grobet (AdG). Je déplore vivement ce projet de loi...

J'aimerais quand même rappeler que lorsqu'on construit, ce n'est pas pour un ou deux ans... Les constructions doivent durer des décennies !

Même si je comprends et partage le point de vue selon lequel il faut traiter les requêtes en autorisation de construire le plus rapidement possible, il n'empêche qu'il faut aussi les examiner avec beaucoup d'attention pour éviter des solutions malencontreuses. Et à ce sujet, j'entends constamment des citoyennes et des citoyens se plaindre de telle ou telle construction, qui est totalement en rupture de gabarit, ou des constructions qui ont été réalisées sans tenir compte de la planification d'un quartier, de démolitions reconstructions particulièrement malencontreuses... On pourrait en citer encore... Les exemples sont innombrables: l'ancien Hôtel de Russie qui a été reconstruit à l'angle du quai du Mont-Blanc et de la rue du Mont-Blanc, l'ancien Café du Siècle, avec le bâtiment de l'UBS sur la place Cornavin, et j'en passe... Sans parler des bâtiments qui ne s'intègrent pas encore aujourd'hui ! D'ailleurs, des gens se plaignent du bâtiment - c'était celui de la Caisse d'Epargne - en bas de la Corraterie, qui ne s'intègre pas du tout, et de celui qui est en haut du boulevard des Deux-Ponts.

Il est donc, à mon sens, important d'avoir plusieurs avis, et, selon mon expérience, en tant que responsable du département des travaux publics durant douze ans, il est complètement faux de dire que de consulter plusieurs commissions a pour effet de ralentir les procédures, puisqu'elles ont la même date d'échéance pour rendre leur préavis. Et le chef du département, si les préavis ne sont pas rendus à la date fixée... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Ducret ! ... peut s'en passer, y compris du préavis d'une commune.

Quelle est la raison invoquée, pour justifier ce projet de loi ? Qu'il puisse y avoir deux avis contradictoires... C'est ce que dit M. Staehelin, qui a quitté le département entre-temps, il lui semble plus plus judicieux que les communes ne se prononcent pas sur les questions d'esthétique... Je regrette de le dire, parce que j'ai beaucoup d'estime pour lui, mais il semble évident pour des fonctionnaires - et je ne veux pas le dire d'une manière péjorative - de préférer traiter des dossiers dont les préavis ne sont pas contradictoires, c'est l'idéal ! C'est évident, cela leur évite d'avoir à prendre des décisions ! Excusez-moi, Mesdames et Messieurs, mais notre rôle, dans cette République, n'est pas de ne pas prendre de décision ! On ne doit pas se satisfaire de préavis qui iraient tous dans le même sens !

En ce qui me concerne, j'étais très attentif aux préavis des communes. On dit aujourd'hui - c'est malencontreusement encore une vieille habitude de la police des constructions - que les communes ne devraient pas se prononcer sur l'aspect esthétique, notamment sur les toits à deux pans, etc. Pour ma part, je trouve qu'il est parfaitement normal que les communes, qui s'inquiètent de maintenir unité architecturale, formulent un préavis ! Et il m'est arrivé, quand j'étais au département, de dire oui au préavis de la commune et non au préavis de la commission d'architecture ! J'aime bien l'architecture contemporaine, mais c'est vrai qu'on peut être étonné de certaines réalisations situées dans des sites très exposés comme le coteau de Cologny. J'ai entendu beaucoup de citoyennes et de citoyens se plaindre de constructions assez agressives, qui avaient pourtant reçu des préavis négatifs de la commune, lesquels n'ont pas été pris en considération.

Le fait qu'il y ait deux préavis contradictoires ne pose pas problème. Comme l'expliquait M. Vernet, le préavis n'est qu'un préavis: on n'est pas obligé de le suivre, puisque c'est au chef du département de trancher, après examen. Je vous dirai que j'étais beaucoup plus intéressé lorsque les préavis étaient négatifs que lorsqu'ils étaient positifs; en effet, quand un dossier ne comporte que des préavis positifs, on peut se demander si l'on n'est pas en train de faire une erreur. Par contre, si on a un ou deux avis négatifs, cela nous interpelle, alors on examine le dossier avec plus d'attention. Cela ne veut toutefois pas dire que celui qui a donné un préavis négatif a forcément raison...

Je peux le dire sans me vanter: j'ai eu très peu de contestations - et tout le monde le sait - pendant les douze années durant lesquelles j'étais au département. Et je vais vous en donner la raison, Monsieur Barrillier: c'est que, moi, j'écoutais les gens, et quand quelqu'un me disait qu'un dossier posait problème, je l'examinais, et je corrigeais le projet s'il y avait lieu ! Et si le préavis négatif était abusif, je l'écartais. Mais, vous, vous voulez éviter ce débat ! Vous pouvez le faire, puisque vous avez la majorité, mais, je vous le dis: c'est une profonde erreur ! Cela conduira à la médiocrité. Et laisser passer des dossiers sans qu'un avertissement ne soit donné au chef du département conduira - vous le verrez - à refaire des erreurs architecturales, comme cela a souvent été le cas dans la période d'après-guerre. (Applaudissements.)

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: MM. Rémy Pagani, Jean Spielmann, Alain Etienne, Claude Aubert, Olivier Vaucher, Michel Ducret. Je donnerai ensuite la parole aux rapporteurs, puis au Conseil d'Etat, et je vous ferai voter.

M. Rémy Pagani (AdG). Je relève tout d'abord qu'il y a un petit problème sur la forme...

On nous dit que, comme nous n'avons pas voulu entrer en matière sur les propositions d'amendement du département, nous allons être punis par la minorité qui va adopter le projet de loi tel quel, sans tenir compte de l'amendement en question... C'est ce que vient de dire M. Mark Muller ! En fait, cela revient à nous faire payer - à nous, la minorité - l'absence d'un député de la majorité à la commission ! Je trouve ce mode de faire assez pernicieux... En somme, parce que vous n'arrivez pas à faire bloc sur vos positions, Monsieur Muller, vous faites payer à la minorité de jouer le rôle qui est le sien: en l'occurrence, de s'opposer à ce projet et d'expliquer pourquoi elle le fait. Ce procédé est extrêmement désagréable, mais cela fait partie de votre manière d'agir habituelle...

Cela étant, M. Grobet vient d'expliquer qu'il fallait tenir compte de l'ensemble des avis donnés par les uns et les autres... Une boutade circule selon laquelle il y aurait 400'000 architectes dans notre République... Cela signifie simplement que les gens sont très préoccupés de leur cadre de vie bâti, et ils ont bien raison, parce que le cadre de vie n'est pas sans influence sur chacun de nous.

Nous allons nous retrouver dans la situation d'il y a trente ans, à l'époque de M. Vernet - avant M. Grobet... Il avait fallu que des citoyens recourent au Tribunal fédéral pour déplacer de 200 mètres l'entrée d'un parking, d'une rue à l'autre... Cela s'est passé dans mon quartier, à la Jonction. Alors, vous induisez ce type de procédure, car, dès lors que les erreurs urbanistiques importantes ne seront pas vues - que ce soit par les citoyens, voire par la commission d'urbanisme - les citoyens se verront dans l'obligation de remédier à la situation et ils déposeront des recours - à raison - jusque devant le Tribunal fédéral pour faire valoir leur droit à un bon urbanisme.

S'agissant du fond, Monsieur Muller, j'ai dernièrement lu l'article d'un journaliste qui se demandait pourquoi M. Luis Borges, un grand écrivain latino-américain, était venu se faire enterrer au cimetière des Rois... Après une étude approfondie, ce journaliste s'est rendu compte que c'était un des lieux, entre l'Arve et le Rhône, que Luis Borges avait apprécié au cours de sa vie et qu'il avait gravé dans sa mémoire. Il voulait donc se faire enterrer à cet endroit. Moi qui suis né à la Jonction et qui y habite, je me suis demandé pourquoi un tel homme était venu se faire enterrer à cet endroit... C'est qu'il devait y avoir des choses très importantes. En fait, en me promenant dans ce quartier, que je connais pourtant parfaitement bien, j'ai découvert des effets urbanistiques très intéressants.

Or il me semble que c'est cela que vous remettez en cause aujourd'hui, la considération pour l'urbain qu'avaient nos grands-parents, nos arrière-grands-parents, notamment en construisant la rade de Genève. Vous remettez en cause cette logique en matière d'aménagement. Nous ne pouvons que nous y opposer avec tous les moyens à notre disposition.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. Les partis de l'Entente et l'UDC se trompent de cible avec ce projet de loi. Peut-on affirmer sérieusement que le fait de modifier légèrement les compétences de ces deux commissions va aboutir à juguler la crise du logement ? Il faut rester sérieux et pragmatique: personne ne peut croire à ces pseudo-allègements de procédures !

M. Grobet l'a bien dit tout à l'heure, de telles mesures - comme celle de vouloir brider ces deux commissions, voire d'autres - contribuent à appauvrir le débat et empêche d'agir en amont pour élaborer des projets qui tiennent la route.

Contrairement à ce qu'a dit M. Muller - on l'a relevé notamment lors des auditions - il y a peu d'avis contradictoires. Certains peuvent éventuellement le regretter, mais on ne peut en tout cas pas invoquer cet argument pour dire que les blocages sont dus aux débats qui ont lieu dans les commissions, d'autant moins que le DAEL demande que les préavis soient rendus à une date fixe, la même pour tous. Au cours des auditions, notamment celle des représentants de la commission d'architecture, nous avons effectivement eu l'impression que ceux-ci étaient blessés par la suspicion jetée sur le sérieux de leur travail. Ces auditions ont donc été utiles à cet égard, car elles nous ont montré les compétences de ces personnes et l'objectivité avec laquelle elles s'efforcent de travailler. Il me semblerait vraiment plus sage, comme vous l'avez proposé au début, d'abandonner le préavis exclusif des communes et de renoncer à ce projet de loi qui, franchement, n'apporte rien.

M. Alain Etienne (S). J'aimerais revenir sur les propos de M. Barrillier... Comme il est sorti, soit vous lui transmettrez, soit il lira le Mémorial... (Remarques.)

Tout à l'heure, M. Barrillier a fait état de la représentativité des femmes à la commission d'aménagement du canton, dans les rangs de la gauche... C'est vrai, et je m'en réjouis, de nombreuses femmes représentent la gauche dans cette commission: Mme Mahrer, Mme Künzler, Mme Schenk-Gottret, Mme Fehlmann Rielle... Et il y avait encore Mme Blanchard-Queloz tout récemment.

Par contre, du côté de la droite, nous n'avions effectivement, jusqu'à maintenant, que des hommes en face de nous; or heureusement, et même si nous regrettons son absence, M. Dethurens a été remplacé récemment par Mme Guichard qui a rejoint notre commission. Alors, je m'en réjouis, mais j'invite la droite - l'Entente - à laisser place aux femmes dans ses rangs, cela également en matière d'aménagement du territoire. Nous pourrions ainsi éviter les blocages auxquels nous assistons actuellement dans nos travaux.

Cela dit, j'aimerais revenir sur l'objet qui nous concerne: supprimer les préavis, c'est effectivement empêcher que ne soient détectés les défauts que peuvent présenter certains projets, et c'est donc empêcher la possibilité de les améliorer. Cela risque d'engendrer des recours et, ce que vous dénoncez déjà, d'allonger encore les procédures. Il vaut donc mieux tout entreprendre pour éviter des procédures juridiques inutiles.

M. Mark Muller (L), rapporteur de minorité. J'aimerais revenir sur certaines interventions, notamment sur la vôtre, Monsieur Pagani...

Vous nous faites en effet un procès d'intention... Vous vous placez presque sur un plan moral dans le domaine de l'urbanisme, en nous accusant de vouloir bafouer l'héritage de nos ancêtres... C'est tout juste, Monsieur Pagani, si vous ne nous accusez pas d'attenter à la paix des morts !

Loin de nous l'idée de vouloir prêter moins d'attention à l'urbanisme dans notre ville de Genève ou dans notre canton: au contraire, nous y sommes très attachés, et tout autant que vous ! On a pu dire à certaines époques que vous n'aviez pas le monopole du coeur... On peut dire également que vous n'avez pas le monopole du bon goût architectural ni de l'urbanisme parfait !

Nous souhaitons simplement éviter que deux voire trois commissions du département donnent leur avis sur la même question... A notre sens, une commission composée de spécialistes suffit amplement à cette tâche. Lorsque deux commissions se prononcent sur le même sujet, il y a de forts risques pour que leurs avis soient contradictoires, ce qui provoque le blocage des dossiers.

S'agissant de l'esthétique, je voudrais vous rendre attentifs au fait que, dans la mesure où nous renonçons à modifier l'article 15 de la LCI, nous ne modifions absolument en rien la manière dont on traite ces questions dans le domaine de la construction. Les choses restent en l'état à ce niveau-là: plusieurs préavis peuvent être recueillis et nous ne touchons pas celui de la commune. Quelques députés ont laissé entendre que nous réduisions les compétences communales ou l'attention apportée aux questions esthétiques... Sur ce point, ils sont complètement à côté du sujet, puisque, je le répète, la réglementation actuelle sur ce point n'est pas du tout touchée par ce projet de loi.

M. Claude Aubert (L). Cette discussion me ramène au Xe ou au XIe siècles... En effet, à cette époque, un médecin arabe avait dit ceci: «Lorsqu'un patient consulte plusieurs médecins, il additionne les erreurs de chacun»... Il additionne les erreurs de chacun !

Il est assez intéressant de savoir si le nombre de commissions et le nombre de préavis ne tombent pas, par analogie, dans même cas... C'est donc que plus il y a de commissions sollicitées, plus les erreurs potentielles augmentent. Dans ce sens-là, la garantie d'un travail de qualité n'est pas du tout forcément fonction du nombre de préavis donnés. (Applaudissements.)

M. Olivier Vaucher (L). Les différents membres des deux commissions concernées, que nous avons auditionnés, ont relevé une chose fort juste: les projets qui leur sont présentés manquent souvent de précision ou sont incomplets, ce qui leur donne du travail supplémentaire. Malheureusement, trop de mandataires, pas suffisamment qualifiés, ne font pas le travail qu'ils devraient.

D'ailleurs - c'est peut-être un scoop... - notre groupe va très prochainement déposer un projet de loi dans ce sens-là, dans le but de soulager le département en mandatant ce que nous appelons des MPQ, c'est-à-dire des mandataires professionnellement qualifiés. Lorsque ces personnes seront agréées et figureront sur une liste du département, elles pourront, je pense, effectuer le travail de ces commissions. Ces dernières réalisent un excellent travail, bien sûr, mais, malheureusement, certaines d'entre elles font doublon, dans la mesure où leur composition est la même. Il n'est donc pas forcément utile que les projets fassent le tour de toutes ces commissions.

Nous déposons ce projet de loi dans le but de modifier et de simplifier les procédures... Peut-être qu'à l'avenir d'autres projets de lois, comme je l'ai évoqué, permettront d'accélérer encore les procédures pour pouvoir aller de l'avant en matière de construction de logements à Genève.

Mme la députée Fehlmann - si je ne m'abuse - pense que ce projet de loi jette une suspicion sur le sérieux du travail des personnes composant ces commission... Non, ce n'est pas du tout le cas ! La qualité du travail de ces personnes n'est absolument pas mise en cause, pas plus que celle du travail des collaborateurs du département de M. Moutinot ! Le but final est tout simplement de diminuer le nombre d'intervenants de manière - comme M. Barrillier l'a rappelé tout à l'heure - à pouvoir agir avant que nous ne nous retrouvions dans une situation inextricable en matière de construction de logements et d'aménagement du territoire à Genève.

C'est pour cela que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi tel que nous l'avons déposé.

M. Michel Ducret (R). M. Grobet se trompe quelque peu... Ou, plutôt, il pèche par angélisme...

Je souhaiterais qu'il ait raison, mais la pratique montre que les requérants sont souvent «baladés» avec des demandes complémentaires, qui présentent quelquefois des exigences contradictoires. Et je tiens à préciser, d'ailleurs, que ces exigences n'émanent pas forcément des commissions. Elles émanent aussi des services du département qui ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde.

Et je peux prouver ce que je dis ! Une fois, j'ai obtenu un préavis selon lequel il s'avérait que mon projet était trop dense et, sur la même page A4, Mesdames et Messieurs - tenez-vous bien ! - qu'il n'était pas assez dense... ! Et, très récemment, dans un village genevois, un service de l'Etat a demandé à un autre requérant de densifier son projet: de faire deux étages et combles habitables, alors qu'un autre service du département - dans ce cas, les commissions ne sont pas en cause - lui a demandé de faire un étage avec combles habitables... Comment voulez-vous que l'on puisse avancer dans ces conditions !

Et puis, quand vous téléphonez ensuite à la police des constructions, on vous répond très gentiment qu'on est navré, qu'il faut nous débrouiller, qu'on ne sait plus quoi nous dire... Ça, c'est la réalité, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas une invention ! Je peux vous prouver tout ce que je viens de vous dire à propos de ces deux exemples.

Pour contester une décision, encore faut-il en avoir une ! Et tant que la décision n'est pas rendue, il n'est pas possible de faire avancer le dossier. Il n'est pas acceptable de ne pas rendre une décision.

Les situations courtelinesques sont finalement légion... Je ne sais pas si ce projet de loi va résoudre tous les problèmes qui se posent, mais, au moins, il va y contribuer et éviter en partie que de tels cas de figure ne se reproduisent.

Mme Fehlmann Rielle a raison, cela ne changera pas grand-chose à la production de logements dans l'immédiat: ça, c'est quasiment sûr ! Mais cela évitera que les requérants ne se découragent, que quelques-uns de mes confrères n'aient une crise cardiaque ou fassent une dépression nerveuse. Car on traite leur travail par-dessous la jambe, en ne donnant pas de véritable décision.

Rien que pour cela, Mesdames et Messieurs, il faut accepter cette petite modification, qui n'est pas de nature à diminuer la qualité de la production architecturale à Genève ni, encore moins, celle de la protection de notre patrimoine, puisqu'elle ne concerne pas la commission des monuments, de la nature et des sites - qui, elle, continue à faire un excellent travail de protection... Je ne crois pas qu'il soit possible de protéger davantage le patrimoine bâti qu'on ne le fait aujourd'hui à Genève ! Et il suffit, pour s'en rendre compte, d'aller ailleurs en Suisse.

Notre système évite sans doute les grosses erreurs architecturales, mais, Mesdames et Messieurs, il faut aussi savoir qu'il coupe les ailes à toute inventivité. Et, plus vous demandez d'avis, plus ce phénomène s'accentue... En effet, chaque organisme chargé de donner son avis prend ses petits ciseaux et coupe un petit morceau du projet... Ainsi, les trois quarts du temps, les projets ne sont plus que l'expression de la seule neutralité fonctionnelle...

Voilà, Mesdames et Messieurs, quelle est la situation. Voilà, sans doute, ce qui rend nécessaire la petite modification souhaitée à travers ce projet de loi.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'avais formulé quelques propositions d'amendements... Lors du traitement de ce projet de loi en commission, l'Alternative n'en a pas voulu. Aujourd'hui, c'est l'Entente qui n'en veut pas... Par conséquent, il me paraît totalement inutile que je tente de les proposer à nouveau, puisque personne n'en veut...

Je vous rends simplement attentifs à ce que vous êtes en train de faire... S'agissant de la commission d'urbanisme, vous êtes en train de soustraire à sa compétence les préavis en matière de constructions d'une certaine importance, ce qui peut tout de même poser un certain nombre de problèmes, dès lors qu'un tel édifice - un stade ou un centre de congrès, par exemple - peut avoir un impact urbanistique.

En deuxième lieu, vous allez soustraire à la commission d'architecture les cas sur lesquels la CMNS aura déjà statué... J'ai dit que j'étais d'accord sur ce point, parce qu'il me semble que, s'il y en a une, la question patrimoniale doit primer. Et, dès lors, il me paraît juste de ne donner cette compétence qu'à la CMNS.

Par ailleurs, vous souhaitiez accorder une importance excessive aux préavis communaux en matière d'esthétisme... Vous êtes revenus au système actuel, qui prévoit le double préavis: de la commission d'architecture et de la commune, à charge pour le département de trancher... C'est une sagesse, dont je me réjouis.

Tels sont les principaux changements introduits par celle loi. Vous codifiez une pratique, qui est que le passage devant la commission d'architecture n'est pas automatique et systématique pour tous les dossiers... Encore faut-il qu'il y ait une matière architecturale à lui soumettre, sinon cela n'aurait pas de sens !

Mesdames et Messieurs les députés, voilà ce que je tenais à vous dire, pour que vous sachiez ce que vous allez accepter ou refuser, et dont, évidemment - si vous l'acceptez - nous tirerons les conclusions et les conséquences, vous et moi, au bout d'un certain temps. Pour voir si, comme certains l'imaginent, nous allons faciliter le travail ou si, comme d'autres le redoutent, nous allons prendre le risque d'un certain nombre de décisions malencontreuses...

J'ai en effet le plus grand respect pour les médecins, mais, il est vrai que des diagnostics contradictoires sont catastrophiques pour déterminer un traitement qui doit aller dans une seule voie. L'urbanisme étant la résultante démocratique de l'avis et des intérêts divergents de l'ensemble des acteurs, la multiplicité des opinions ne peut donc qu'améliorer un projet, alors qu'à l'inverse la multiplicité des médecins ne peut que tuer le patient...

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur la prise en considération de ce projet de loi, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 35 non.

Deuxième débat

M. Rémy Pagani (AdG). J'ai déposé un projet d'amendement en ce qui concerne une des problématiques soulevées par M. Moutinot...

Le président. Monsieur Pagani, laissez-moi arriver à l'article...

M. Rémy Pagani. Non, non ! J'aimerais d'abord que M. Moutinot nous précise la notion visant à soustraire les projets d'urbanisme de la commission d'architecture... Cela semble en effet encore plus grave que je ne le pensais, et j'aurais bien aimé avoir de plus amples renseignements à ce sujet. Le cas échéant, je déposerai un deuxième amendement pour essayer d'éviter une catastrophe à ce parlement... (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous répondre à M. Pagani ? Je vous donne la parole.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Si je comprends bien, la question porte sur l'amendement que vous n'avez pas encore déposé, alors que celui-ci porte sur l'article suivant... (Rires et exclamations.)

Par contre, je n'ai pas vraiment compris votre question... (Rires.)

Le président. Si cela peut vous rassurer, Monsieur le conseiller d'Etat, moi non plus ! (M. Rémy Pagani demande la parole.)Oui, vous avez la parole, Monsieur Pagani.

M. Rémy Pagani (AdG). Je précise ma pensée... M. Moutinot a fait référence au fait qu'on allait supprimer, du texte de l'article 1 actuel, les mots: «les projets de construction importants»... Cela revient à vider de sa substance la commission d'urbanisme ! J'aimerais qu'il nous précise sa position à ce sujet, parce que je trouve que c'est encore plus grave que ce que je croyais, et c'est pourquoi je proposais un amendement à l'article 4, alinéa 1.

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat Moutinot, vous avez la parole. Je la donnerai ensuite à M. Mark Muller, rapporteur de minorité.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je vais vous expliquer le texte de cet article, dont je ne suis pas l'auteur...

Il se trouve que la loi actuelle est identique à celle qu'il vous est proposé de voter, à une réserve près. Il est simplement proposé de supprimer les mots «et de projets de construction» qui se trouvaient après «projets routiers» dans la phrase «... sur les projets de modification de zones, de plans directeurs, des plans localisés de quartier et sur les projets routiers d'une certaine d'importance». C'est la seule chose qui est supprimée, dans l'alinéa 1 de l'article 1 qui vous est soumis en deuxième débat.

Dans la pratique, vous ai-je dit, on ne va en effet pas demander à la commission d'urbanisme ce qu'elle pense de la surélévation d'un immeuble, ni même de la construction de trois villas ou d'un immeuble de logements conforme à un plan localisé de quartier. Or on sollicite son avis dans des projets de construction d'une certaine importance. Et voilà ce qu'on nous demande de ne plus faire, ce qui sera le cas si vous acceptez cet article 1, alinéa 1, tel qu'il ressort de vos débats de commission ! A mon avis, c'est une perte dans le processus décisionnel.

M. Mark Muller (L), rapporteur de minorité. Je vais vous donner deux raisons pour ne pas amender l'article 1, alinéa 1, tel que nous le proposons. Il n'est en effet pas nécessaire que les projets de construction d'une certaine importance soient soumis à la commission d'urbanisme. Premièrement, parce que tout projet important - M. Moutinot a évoqué un stade, tout à l'heure - comme un stade, fait l'objet d'étapes antérieures au dépôt d'autorisation de construire, notamment l'étape du plan de quartier qui est obligatoire pour des projets de ce type - de par le droit fédéral. Le plan de quartier devra donc être adopté avant le dépôt d'une demande d'autorisation de construire un ouvrage important, et, à cette occasion, la commission d'urbanisme pourra examiner le projet et rendre un préavis. Il n'est donc pas nécessaire que le projet lui soit soumis une seconde fois.

Deuxièmement, parce que ce projet sera soumis à une autre commission - la commission d'architecture - qui est également composée de spécialistes de la construction et qui pourra parfaitement déceler d'éventuels problèmes.

Pour ces deux raisons, je pense que l'on peut tout à fait supprimer cette compétence actuelle de la commission d'urbanisme.

M. Christian Grobet (AdG). J'approuve les propos de M. Moutinot...

Et j'ai le regret de vous dire, Monsieur Muller, que vous venez d'exprimer des choses inexactes, parce qu'on peut donner un certain nombre d'exemples de constructions importantes qui n'ont pas fait l'objet de plans d'affectation du sol... Je pense au Palais des expositions... L'extension du Palais des expositions par-dessus l'autoroute est un projet extrêmement important, qui n'a pas fait l'objet de plan localisé de quartier ! La halle 7 avec le bâtiment de l'Arena n'a pas fait l'objet d'un plan d'affectation du sol - j'aurais aussi dû le préciser pour le Palais des expositions. Il n'y a eu ni plan de zone ni de plan de quartier ! Tous les bâtiments de l'Aéroport... (L'orateur est interpellé.)Non, mais je le sais quand même, Monsieur, parce que j'étais au département des travaux publics quand ces projets ont été réalisés, et j'ai une assez bonne mémoire ! Et je peux vous garantir qu'il n'y a pas eu de plan d'affectation du sol pour la halle 7 et l'Arena, pas plus qu'il n'y en a eu pour les bâtiments de l'aérogare ! Pour donner un autre exemple, des bâtiments sportifs importants, qui peuvent attirer beaucoup de visiteurs et de public, n'ont pas non plus fait l'objet de plans d'affectation du sol. Pas plus que le très grand quartier d'Uni-Mail et tout les logements qui y ont été construits, mais, heureusement, ils ont été examinés de près par la commission d'urbanisme.

Vous savez que dans les zones urbaines l'adoption d'un plan localisé de quartier est facultative pour les première, deuxième et troisième zones. Il fut un temps où l'urbanisme suscitait beaucoup d'intérêt de la part du parti radical, mais il semble qu'aujourd'hui cela ne l'intéresse pas plus que le PDC ne s'intéresse au logement social, qui était son...

M. Claude Blanc. Menteur !

M. Christian Grobet. Pardon, Monsieur Blanc ! Pouvez-vous répéter, je n'ai pas bien entendu ?

M. Claude Blanc. Menteur !

M. Christian Grobet. Menteur ! Mais enfin, vous nous proposez d'abroger les lois de vos prédécesseurs - les lois Dupont et autres ! Vous dites que je mens, parce que je révèle, ici, publiquement, que vous voulez abroger les lois qui ont été imaginées par votre propre parti ! Bref, je voulais simplement souligner que, dans les années 50, beaucoup de quartiers ont été construits dans des zones ordinaires, que ce soit Vermont, Vidollet, le quartier de l'avenue Krieg, Contamines, sur la base de plans localisés de quartier. Ce ne sont pas des zones de développement, mais il faut bien reconnaître que, depuis trente ans, les plans d'affectation du sol ou les plans de quartier, comme les appelle... Tiens, il a disparu, le rapporteur de majorité ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je ne sais pas où il est... Il passe son temps à faire le tour des députés...

Le président. Poursuivez, s'il vous plaît, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ... pour être bien sûr que tout le monde vote comme il le souhaite... La moindre des courtoisies, Monsieur Muller, c'est d'écouter quand on vous répond ! Mais il est vrai que vous n'avez pas besoin d'écouter !

Quand vous prétendez que toutes les grandes constructions font l'objet de plans localisés de quartier, c'est tout simplement faux !

Alors, à partir de là, je pense, comme l'a fort justement dit, M. le conseiller d'Etat Moutinot, qu'il est important que la commission d'urbanisme statue sur ces projets. J'ai le sentiment qu'il y a une importante méconnaissance - me semble-t-il, même de la part du rapporteur de minorité, ou de majorité, puisqu'il va tout d'un coup passer de rapporteur de minorité à rapporteur de majorité... Donc, une importante méconnaissance du rôle des commissions. La commission d'architecture, comme son nom l'indique, doit se prononcer sur l'architecture des constructions: c'est son rôle principal. Et, c'est vrai, la commission passe beaucoup de temps sur cet aspect des choses; elle ne se préoccupe pas de l'insertion des projets de construction et de tous les problèmes qu'ils peuvent entraîner dans un quartier: cela, c'est le rôle de la commission d'urbanisme. Ces deux commissions sont donc parfaitement complémentaires.

Certes, comme l'a dit M. Ducret tout à l'heure, la gestion des préavis laisse parfois à désirer. Peut-être a-t-on eu tort, à un moment donné, de brocarder l'idée d'avoir un architecte cantonal, quoique l'esprit dans lequel il était conçu était des plus discutables... C'est vrai qu'il serait peut-être judicieux qu'une personne soit chargée de gérer les préavis, parce que - vous l'avez bien souligné - il y a aussi des conflits entre les services, qui sont dus au fait que les problèmes de construction sont traités par des directions différentes dont les directeurs sont au même niveau hiérarchique. Ainsi, Mme Bietenhader, qui est une femme très compétente et efficace, a quand même de la peine à passer par-dessus l'avis d'un autre directeur qui est au même niveau qu'elle !

Je trouve, pour ma part, qu'il serait plus efficace - peut-être que M. Moutinot a des idées à ce sujet; le temps passant, on peut imaginer que les idées viennent - de trouver une solution pour... (L'orateur est interpellé.)Ecoutez, j'attends de voir ceux qui donnent des leçons ici assumer la responsabilité de ce département, qui est probablement le plus difficile à diriger ! Il est toujours aisé de critiquer, et j'en profite pour indiquer que je plains M. Moutinot.

Cela étant dit, je voulais simplement souligner le fait que ces commissions sont complémentaires et que l'une ne devrait pas empiéter sur les prérogatives de l'autre. Il serait donc judicieux de trouver une solution pour qu'une personne, qui se trouverait au-dessus des directeurs, puisse analyser les préavis pour prendre position. Parce que, c'est vrai, il est difficile pour la directrice de la police des constructions d'écarter des préavis sans autre forme de procès. Et c'est peut-être là que le bât blesse...

Je pense que vous êtes en train de prendre les problèmes par le petit bout de la lorgnette... Vous vous imaginez que vous allez les résoudre, mais je ne le crois pas, et je crains bien que votre projet de loi ne tape à côté du véritable problème !

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je constate que le débat porte sur l'article 1, alinéa 1. Pour la forme, je vais vous faire voter le titre et le préambule.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous en sommes donc maintenant à l'article sur lequel nous débattons depuis un petit moment. Monsieur le député Pierre-Louis Portier, vous avez la parole.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Au risque de vous décevoir, je ne vais pas intervenir précisément sur l'article que vous venez d'évoquer...

J'aimerais quand même très revenir brièvement sur votre intervention, Monsieur Grobet, car il y a des propos que mon groupe ne peut pas laisser passer sans réagir. Quand vous dites que les démocrates-chrétiens se moquent du logement social, c'est un mensonge ! Je pense que vous faites allusion au projet de loi novateur que le parti démocrate-chrétien vient de déposer, qui prévoit une aide personnalisée au logement. Et c'est vrai - nous pouvons le rappeler - le parti démocrate-chrétien est certainement à la base d'une des lois très importantes sur le logement à Genève: la loi HLM.

Mais, au contraire de vous, Monsieur Grobet, et de vos coéquipiers, qui vous arc-boutez sur des règles, des dogmes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... et des lois archaïques, qui ne suivent pas l'évolution de la démographie et de la sociologie dans ce canton et qui aboutissent à une crise du logement sans précédent - nous venons de l'évoquer - les démocrates-chrétiens prouvent qu'ils sont capables, eux, d'évoluer, ce dont vous ne pouvez pas vous prévaloir ! (Applaudissements.)

M. Jacques Baud (UDC). Ça fait une heure que j'entends des âneries ! (Exclamations.)Je commence à en avoir un peu ras le bol !

La gauche adore mettre la société sous tutelle... Eh bien, non, Mesdames et Messieurs ! Je ne suis pas du tout d'accord ! La commission d'architecture existe... C'est à croire que nos architectes sont des imbéciles ou des enfants de choeur... Ils ont eu leurs diplômes que je sache ! Ils connaissent leur métier ! Alors, pourquoi devrait-on les mettre sous la tutelle d'une association, d'un truc - d'un «machin», devrais-je dire - qui ne sert à rien du tout ? Vous en êtes où ? A quel degré ?

Je pense que ce projet de loi est bon; il va dans la direction opportune. Il y a trop d'intervenants, et quand il y en a trop - excusez-moi du terme - c'est le foutoir !

Nos constructeurs en ont ras le bol ! Nous devons mettre de l'ordre sans tarder ! (Exclamations.)Que ceux qui sont capables de faire les choses le fassent et que les autres restent à la maison !

Nous voterons donc ce projet de loi.

Des voix. Bravo !

M. Rémy Pagani (AdG). Je vous répondrai, Monsieur baud, que le problème n'est pas là. Nous voulons maintenir les urbanistes compétents - ils sont réputés tels - qui composent ces commissions, afin qu'ils puissent avoir leur mot à dire pour définir une politique urbaine qui corresponde à une certaine forme de consensus.

Cela étant, Monsieur Portier, je pense qu'il faudrait un jour débattre sérieusement de ce que signifie votre politique de subvention aux personnes, alors que, jusqu'à maintenant, les subventions allaient à la construction, ce qui permettait vraiment de construire des logements... Car, vous le savez très bien, l'argent que vous donnez ne fait rien construire du tout, il ne fait que grossir le porte-monnaie des régisseurs, des propriétaires et de promoteurs ! (Exclamations.)C'est cela la véritable question ! Le parti démocrate-chrétien a effectivement changé de politique ! Vous êtes en train de passer du subventionnement à la pierre - qui, selon les lois Dupont, permettait au moins de construire des immeubles dans ce canton - à un subventionnement à la personne. Et on ne peut que constater que le subventionnement à la personne n'a fait construire aucun logement, aucun appartement, dans ce canton depuis dix ans ! Nous sommes, pour notre part, favorables à l'aide à la pierre, car, au moins, elle se concrétise en logements. (Exclamations.)

Par ailleurs, pour revenir au débat qui nous occupe, nous proposons de ne pas vider de sa substance la commission d'urbanisme, et nous proposons un amendement, qui va, du reste, tout à fait dans le sens du département, puisqu'il vise à faire en sorte que la commission d'urbanisme se préoccupe également des projets de construction, ce qui donne: «...sur les projets routiers et des projets de construction d'une certaine importance.» Cela me paraît aller de soi, c'est l'évidence ! Sinon je ne sais pas à quoi sert cette commission d'urbanisme.

C'est pour cela que je vous invite à soutenir cet amendement, dans la mesure où il est proportionné: il tient compte de la réalité tout en évitant les principales embûches. Du reste, un député - je crois que c'est M. Barrillier - a reconnu qu'il y a toujours des problèmes par rapport au dépôt des projets de construction. Le rôle du département n'est pas seulement de censurer les projets mais de les améliorer. Alors, évidemment, si vous souhaitez passer d'un système de service public à des mandataires privés, Monsieur Vaucher - je vous vois arriver - c'est parce qu'il y a effectivement de l'argent à se faire ! Si c'est l'objectif de ce projet de loi, nous le dénonçons !

Une voix. Des économies !

M. Rémy Pagani. Des économies ! En l'occurrence, qui va payer les mandataires qualifiés qui devront se prononcer avant tout dépôt de projet de construction de logement ? Je pose la question, mais poser la question, c'est y répondre !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Monsieur Pagani, votre amendement - je dois le dire - est amusant, dans la mesure où il propose d'ajouter: «et des projets de construction» après «des projets routiers», alors que le texte actuel mentionne: «et sur les projets de construction et les projets routiers d'une certaine importance». C'est une simple inversion. Je pars donc du principe que vous voulez en rester au texte actuel... (M. Pagani s'exprime hors micro.)

En réalité, votre amendement fait qu'on en revient au texte actuel; il y a juste une inversion entre «projets routiers» et «projets de construction». Si vous êtes d'accord, je vais faire voter sur l'article tel qu'il est proposé dans le projet de loi. S'il est adopté, cela voudra dire que votre amendement est rejeté... (Exclamations.)Mais l'amendement est identique... (M. Pagani continue à s'exprimer hors micro.)Non, je ne vous donne pas la parole, Monsieur Pagani ! Je n'ai pas envie que vous repartiez pour un tour ! Je préfère faire voter un amendement qui n'a pas de sens plutôt que de vous redonner la parole ! (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur l'amendement proposé par M. le député Pagani. Je vous rappelle que nous sommes en procédure de vote et que je ne donnerai plus la parole.

Il s'agit d'ajouter à l'article 1, alinéa 1... (Exclamations.)Il s'agit d'ajouter à cet article: «et des projets de construction» après «les projets routiers», ce qui donne: «...sur les projets routiers et des projets de construction d'une certaine importance.»

Nous procédons au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 38 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 1, alinéa 1 (nouvelle teneur) est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'article 1, alinéa 1, est donc adopté, tel qu'il figure dans votre rapport.

Nous sommes saisis d'un autre amendement à l'article 4, alinéa 1, présenté par M. le député Pagani, à qui je donne la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve le procédé un peu spécieux, parce que... (Exclamations.)Non, non, je vais m'exprimer sur l'amendement !

Je vous signale simplement que mon amendement avait tout son sens par rapport à l'article du projet qui nous est soumis ce soir. Qu'il revienne à la loi actuelle est une autre chose ! Aujourd'hui, c'est l'article du projet qui nous est soumis qui nous occupe et non le texte de la loi actuelle ! J'avais donc tout à fait le droit de proposer cet amendement, qui était tout à fait légitime par rapport au texte de l'article en question. Mais je ne vais pas épiloguer à ce propos...

J'en viens au deuxième amendement que je vous propose... Comme vous l'aurez compris, cet article est un merveilleux autogoal, car les personnes qui voulaient prétendument alléger la procédure vont donner l'ensemble des pouvoirs à l'administration ! Celles et ceux, parmi les députés des bancs d'en face - de l'Entente et de l'UDC - qui voulaient retirer «des mains de cette administration perverse... (Exclamations.)... le processus de construction» n'ont qu'à voter cela ! Cet article va, en fait, lui donner tous les pouvoirs ! En effet, dorénavant, c'est l'administration qui aura la compétence de remettre ou de ne pas remettre les projets de construction entre les mains d'une commission consultative, c'est-à-dire qu'elle pourra les garder par-devers elle et en faire ce qu'elle en veut...

Si vous étiez un peu raisonnables - mais, malheureusement, vous ne l'êtes pas ! - je vous inviterais à soutenir mon amendement, car c'est le seul qui donne la garantie à la commission d'architecture de faire un tant soit peu son travail. Sinon, vous videz également cette commission de son sens...

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, depuis que vous avez été élu président du Grand Conseil, je considère que vous avez bien présidé les débats, mais il n'est pas acceptable qu'au moment où vous deviez mettre aux voix un amendement, vous déclariez que celui-ci n'a pas de sens ! Vous n'avez manifestement pas compris ce qui a été proposé, et je vous prie, à l'avenir, de faire preuve d'indépendance au moment du vote.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je ne vais pas épiloguer, mais vous avez pu voir que j'ai fait preuve d'indépendance jusqu'à présent - ce qui est le propre du président. Je l'ai encore prouvé ce soir.

Mon but est d'essayer de faire en sorte que nos travaux se déroulent dans la sérénité et que nous ne votions pas des choses qui n'ont pas de sens. Cela étant, je considère l'incident clos. J'ai fait voter l'amendement tel qu'il m'était présenté.

Je vais vous faire voter sur le deuxième amendement proposé par M. Pagani à l'article 4, alinéa 1. Il est tard, et si nous pouvions aller nous coucher, cela serait assez sympathique...

Cet amendement propose de supprimer à l'article 4, alinéa 1, les termes «...lorsqu'elle en est requise par ce dernier...», ce qui donne: «... en matière architecturale au département sur les projets faisant l'objet d'une requête en autorisation de construire.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 39 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 4, alinéa 1 (nouvelle teneur) est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est proposé d'abroger l'article 15, alinéa 2. Je mets aux voix cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement (suppression de l'article 15, alinéa 2) est adopté.

L'article 2 (souligné) est donc abrogé.

L'article 1 (souligné) devient l'article unique (souligné).

Troisième débat

Le président. Madame Schenk-Gottret, vous avez la parole.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Monsieur le président, je demande le vote nominal. (Appuyé.)

Le président. Bien, nous procédons à l'appel nominal. Le vote est lancé.

La loi 8955 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8955 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 38 non.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de lever la séance et de nous quitter, je tiens à souhaiter un excellent anniversaire à Mmes Marie-Paule Blanchard-Queloz et Jeannine de Haller. (Applaudissements.)Tous nos voeux ! (L'assemblée chante« Joyeux anniversaire».)

Je lève la séance. A demain !