République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8932
Projet de loi de Mmes et MM. Pierre Kunz, Ivan Slatkine, Philippe Glatz, Gabriel Barrillier, Patrick Schmied, Pierre Froidevaux, Stéphanie Ruegsegger, Pierre Weiss, Renaud Gautier, Pascal Pétroz, Thomas Büchi, Jean-Marc Odier, Claude Blanc, Janine Hagmann, Alain Meylan, Pierre-Louis Portier modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 05)

Préconsultation

M. Ivan Slatkine (L). En 1998, notre parlement a adopté l'introduction des normes IAS dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. Depuis le 1er janvier 2001, plusieurs établissements publics, tels que l'Hospice général, les Transports publics ou encore les HUG, devraient appliquer ces normes comptables dans le but d'optenir une meilleure transparence de leurs états financiers. Dans son discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a encore rappelé sa volonté de poursuivre la réforme «Service public 2005», réforme ayant pour but d'améliorer entre autres le fonctionnement de l'ensemble des systèmes de gestion des affaires publiques. Cette réforme devrait tendre à améliorer la transparence, l'application de normes comptables et de règles financières cohérentes et comparables, uniformes pour l'Etat et les établissements publics. A ce jour, force est de constater que la loi concernant les normes IAS n'est pas appliquée. A l'exception de l'aéroport et des SIG, qui appliquent partiellement les normes IAS, aucun des autres établissements publics soumis à ces normes ne les applique. Diverses raisons expliquent cette situation. Il n'est pas nécessaire d'ouvrir ici le débat.

Le projet de loi qui vous est soumis vient corriger les lacunes actuelles et doit permettre d'atteindre les objectifs fixés, entre autres un meilleur contrôle, une plus grande transparence des états financiers. Une application de normes comptables dignes de ce nom doit améliorer le contrôle des comptes.

Pour cette raison, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le renvoi de ce projet de loi en commission de contrôle de gestion, commission la plus compétente pour traiter de cet objet relatif à la réforme de l'Etat.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je n'interviendrai que brièvement. Nous sommes d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission, mais je suis scandalisée ! Même si Mme Brunschwig Graf est déjà intervenue tout à l'heure, je trouve scandaleux de lire dans l'exposé des motifs que «ce projet de loi vise donc à mettre un terme rapide aux pratiques de camouflage et de manipulation des chiffres qui ont toujours cours au sein de l'administration publique». Je trouve cela scandaleux ! Je suis étonnée des signatures qui figurent sur ce projet. Que ce soit Mme Calmy-Rey ou Mme Brunschwig Graf, on n'a pas à remettre en cause les conseillers d'Etat de cette manière. Je trouve vraiment scandaleux d'en arriver là! C'est tout ce que je voulais dire. (Applaudissements.)

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

M. Pierre Kunz (R). Vous savez, Monsieur le président, que les Radicaux ne sont pas très friands des débats de préconsultation ! M. Slatkine ayant dit ce qu'il fallait dire, Mme Künzler s'étant excitée comme il convenait, je renonce à poursuivre... (Brouhaha. Exclamations.)Et je recommande à ce Grand Conseil d'envoyer ce projet à la commission de contrôle de gestion !

M. Philippe Glatz (PDC). Je prendrai la parole pour dire deux ou trois choses. Mme Künzler a raison. Il ne s'agit pas, et l'exposé des motifs est excessif ici, de dire qu'il y a des pratiques de camouflage. Nous en avons parlé lors de la rédaction de ce projet de loi, cette phrase devait être supprimée. Dans un concours de circonstances malheureux, ce projet de loi est présenté juste après les projets de lois démagogiques et populistes de l'UDC qui jette fréquemment le soupçon sur les institutions démocratiques, comme le soulignait Mme la présidente. Et contrairement à Mme la présidente, je n'aurais pas la même mansuétude en voulant croire que vous le faites comme cela, par naïveté. Je pense au contraire que l'UDC agit par stratégie électorale, visant à remettre en question perpétuellement nos institutions démocratiques en jetant le soupçon sur l'honnêteté des parlementaires et de l'exécutif. Ainsi, je ne voudrais pas que le projet de loi qui vous est soumis ce soir soit confondu avec ceux de l'UDC. Car il s'agit ici essentiellement pour nous d'apporter une amélioration technique avec une portée constructive.

Ce projet de loi vise en effet à introduire des normes, celles dont nous parlions tout à l'heure, les normes IPSAS. Pourquoi IPSAS ? Parce que ce sont des normes relatives aux collectivités publiques. Ce sont celles mises sur pied par un collège d'experts en Europe et qui sont applicables aux collectivités publiques. Alors, quel est le sens de la norme et pourquoi veut-on une norme? Mme la présidente le disait tout à l'heure, il est souhaitable de pouvoir faire des comparaisons avec d'autres. Et quel est le sens de la comparaison ? C'est de stimuler les échanges avec les autres collectivités publiques, de manière que les uns et les autres puissent partager leurs expériences et améliorer les performances de gestion.

Ce projet de loi propose par ailleurs une innovation et la solution à un problème, celui de l'évaluation des actifs des collectivités publiques, évaluation des actifs qui a toujours posé problème jusqu'à ce jour, parce que l'on ne savait pas comment faire. Cette évaluation des actifs, qui se fera sur la valeur de remplacement selon ce qui est proposé par les normes IPSAS, aura pour avantages, premièrement, de garantir le principe de vérité; deuxièmement, de mettre en évidence tous les efforts consentis par les collectivités publiques dans le cadre des investissements de structure qu'elles ont opérés.

En effet, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, au bilan de l'Etat, le bâtiment dans lequel nous sommes est porté à moins d'un franc ou à quelques centimes, alors qu'il a une valeur de loin supérieure, quand bien même sa valeur est historique! Ceci peut avoir un intérêt en termes financiers, car vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, notre Etat est aujourd'hui évalué par des instituts de quotation, tel que Standard & Poor's, évaluation initiée par Mme Calmy-Rey, autrefois responsable des finances ici même et aujourd'hui conseillère fédérale. Elle a eu raison de le faire, parce que ceci nous permet d'obtenir, au regard de notre dette, de bien meilleurs taux d'intérêt si notre évaluation est positive. Or, une évaluation des actifs nous permettrait peut-être d'obtenir une meilleure notation. Plutôt que de laisser toujours accroire que l'Etat de Genève est complètement dans le rouge et déficitaire, il convient aussi de dire qu'il a créé, au fil des ans, un certain nombre de richesses, qui constituent une garantie extraordinaire et qui doivent nous permettre d'obtenir des taux d'intérêt très avantageux également.

Pour cela, je souhaiterais vraiment que ce projet de loi puisse être examiné sereinement en commission des finances, dans le cadre des améliorations qu'il peut apporter, des améliorations techniques essentiellement, et du soutien qu'il peut apporter en offrant une plus grande possibilité de communiquer la réalité de notre patrimoine.

Le président. La Tour Baudet est propriété de l'Etat de Genève depuis six siècles et je crois qu'elle va le rester !

M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout à l'heure, Mme la conseillère d'Etat a exprimé, à travers des paroles dures à l'égard de l'UDC, son indignation concernant les termes utilisés dans l'exposé des motifs de son projet de loi concernant le même objet. Mme Künzler a cependant relevé dans l'exposé des motifs de ce projet de loi que l'on trouvait la signature des représentants de l'ensemble des partis de l'Entente. Il serait donc juste et équitable que les paroles de Mme la conseillère d'Etat s'appliquent aux partis de l'Entente ! C'est la première remarque.

Voici ma deuxième remarque: on nous dit que les normes IPSAS, et d'autres normes d'ailleurs, ont été, si j'ai bien compris, formulées. Je n'ose pas dire édictées, parce que le collège d'experts-comptables, aussi éminent soit-il, n'est, à ma connaissance, pas investi par je ne sais quel pouvoir divin des tables de la loi pour dire ce que les uns et les autres doivent faire. On peut d'ailleurs se demander si ces normes sont vraiment adoptées par le collège d'experts. Je ne sais pas comment ce collège est constitué, ni comment il se prononce, à la majorité simple, à la majorité qualifiée, à l'unanimité, je n'en sais rien. Je rappelle d'ailleurs que le Conseil d'Etat avait mandaté il n'y a pas si longtemps de cela une fiduciaire, composée bien sûr d'experts-comptables, pour examiner le travail d'autres experts-comptables, par exemple ceux qui ont travaillé au service de la Banque cantonale. Le Conseil d'Etat, au vu des résultats de cette évaluation, a déposé une action civile dans laquelle il demande 3 milliards de dommages et intérêts. Ce que disent certains experts-comptables n'est donc pas forcément quelque chose qui est considéré par d'autres comme tout à fait pertinent. Il peut même y avoir un certain nombre d'éléments qui mettent en doute beaucoup de choses dites par des experts-comptables.

Ceci étant, il ne s'agit pas, en ce qui me concerne, de mettre en cause ou de porter la moindre atteinte à ce corps de métier. Dans l'ensemble, il y a beaucoup de gens parmi les experts-comptables qui sont parfaitement honnêtes, parfaitement compétents et dignes d'écoute. La question se pose cependant de savoir à partir de quel moment les normes retenues sont applicables. Souvenez-vous: nous avions commencé par les normes IAS; on nous avait expliqué que les normes IAS étaient les normes les plus respectables, qu'elles devaient absolument être appliquées partout; on nous a ensuite précisé qu'elles n'étaient pas applicables aux collectivités publiques et qu'il y avait à présent les normes IPSAS. Ce sont les mêmes personnes qui ont indiqué qu'il fallait modifier les normes en question. Je ne suis pas sûr aujourd'hui que d'autres normes ne seront pas encore proposées, vu les impossibilités qui pourraient apparaître au niveau de l'application des normes IPSAS aux collectivités publiques. Nous verrons.

Nous allons donc examiner l'ensemble de ces éléments. M. Kunz a proposé tout à l'heure que ce projet de loi soit renvoyé à la commission de contrôle de gestion. Il n'a manifestement pas suivi les discussions. Car le projet de loi 8928, Monsieur Kunz, qui émane du groupe UDC, porte exactement sur les mêmes éléments, c'est-à-dire sur les comptes! Voilà ce que stipule l'article 11, alinéa 1, du projet de loi du groupe UDC. Les comptes de l'Etat doivent par exemple être soumis au Code des obligations. Mme la conseillère d'Etat l'a d'ailleurs relevé tout à l'heure. Vous proposez pour votre part qu'ils soient soumis aux normes IPSAS. Les uns veulent que ce soit le Code des obligations, les autres les normes IPSAS. Le premier projet a été envoyé à la commission des finances et vous voulez adresser celui-là à la commission de contrôle de gestion? Imaginez que chacune de ces commissions envoie une recommandation au Grand Conseil, disant, pour l'une, que c'est le Code des obligation qui s'applique, pour l'autre les normes IPSAS! Ce serait un beau «petchi» au niveau de notre Grand Conseil...

Le président. Il est temps de conclure !

M. Souhail Mouhanna. Je préconise par conséquent que ce projet soit renvoyé à la même commission que le projet de l'UDC, c'est-à-dire à la commission des finances.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). L'absence totale de respect des normes IAS ou IPSAS dans les comptes de l'Etat a été maintes fois signalée par l'ICF dans le passé. La situation s'est cependant beaucoup améliorée ces dernières années, notamment sous l'impulsion de notre ancienne ministre des finances, Mme Calmy-Rey. Tout en donnant raison aux auteurs du projet de loi, dans le sens qu'il reste encore beaucoup à faire et beaucoup à améliorer, on peut regretter leur silence concernant les améliorations apportées et l'effort fourni par les experts du département des finances. Il n'est en conséquence pas admissible et pas acceptable de vouloir prétendre, comme le font les représentants de l'Entente, qu'aucun établissement public autonome, hors les SIG et l'AIG, n'a pu adapter ses comptes aux normes IAS en raison des tergiversations des experts du département des finances et du Conseil d'Etat. De tels propos sont absolument scandaleux.

Comme le soulignent du reste les auteurs du projet de loi, une des difficultés constitue en l'évaluation et l'établissement d'un inventaire complet des immeubles et des terrains de l'Etat. Une autre difficulté se situe dans l'identification de la valeur réelle de nombre de subventions tacites afin de pouvoir les faire figurer correctement dans les comptes.

Les Socialistes sont en faveur d'une meilleure transparence des comptes de l'Etat et des établissements publics autonomes. Nous avons toutefois quelques doutes sur l'efficacité de ce projet de loi, sur une accélération du travail déjà en cours, je le précise. Nous étudierons tout de même en commission toutes les mesures dans le but d'obtenir le plus rapidement possible une transparence parfaite des comptes de l'Etat et des établissements publics autonomes.

M. Robert Iselin (UDC). Mon intervention sera brève. Je voudrais remercier Mme la députée Künzler d'avoir attiré mon attention sur les pages 4 et 5 dans lesquelles figure l'exposé des motifs de ce projet de loi 8932. Je remercie également le député Mouhanna de ses paroles. Je constate que je ne suis pas le seul... et que j'ai peut-être utilisé des mots moins violents que ceux qui sont contenus dans ces pages.

Je déplore, Madame la conseillère d'Etat - parce que j'aime les discussions franches et ouvertes, cela me vient des montagnes d'où je sors à 70 ans de distance - je déplore donc que vous n'ayez pas relevé mon regret, l'autre jour, lorsque j'ai parlé de supercherie. C'était peut-être un peu fort, mais j'ai regretté que l'on n'ait pas placé le peuple de ce canton devant la réalité, qu'il n'y ait pas eu un petit profit de 24 millions, mais probablement une perte de 300 à 400 millions. Cela aurait réveillé les citoyens de ce canton et, comme je l'ai dit, au lieu de rentrer et dormir sur leurs deux oreilles - quoique j'ai ajouté que je ne savais pas comment l'on pouvait dormir sur deux oreilles à la fois - cela les mettrait face à leurs responsabilités!

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Voilà qui va tous nous réconcilier ! Le député Iselin nous pose une question essentielle: comment peut-on dormir sur ses deux oreilles à la fois? Il a parfaitement raison de poser cette question, mais l'on n'est pas près d'y répondre!

Cela étant, s'agissant du projet de loi qui nous est soumis, indépendamment des commentaires pouvant être faits dans l'exposé des motifs, il y a là, si l'on se met d'accord sur les normes, leur application, en évitant aussi de tomber dans la bureaucratie, une belle occasion à saisir, permettant à tous les partis de se mettre d'accord.

Vous avez raison, les uns et les autres, de souhaiter la transparence et la comparabilité dans le temps et avec d'autres institutions publiques. Vous avez raison de réclamer que la loi donne un cadre à ces éléments-là. Vous auriez pu être plus exigeants dans la mesure où vous avez voté une loi sur les normes IAS qu'il n'était pas possible d'appliquer. Nous devrons, avec les normes IPSAS, qui sont adaptées aux collectivités publiques, retenir les éléments qui, dans la durée, pourront être applicables, comparables et praticables. Si vous êtes d'accord les uns et les autres de faire ce travail en commission des finances, et pas ailleurs, et de déterminer ensemble ce que seront les repères des prochaines années par rapport à l'évolution des finances de l'Etat, nous aurons fait, indépendamment de nos différences, un travail important, qui devrait nous réunir autour de la volonté de rendre compte à nos concitoyens.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.