République et canton de Genève

Grand Conseil

No 3

Vendredi 28 janvier 1994,

soir

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et M. Erica Deuber-Pauli, David Revaclier et Micheline Spoerri, députés.

3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

Le président. Je salue à la tribune du public des classes de sciences humaines du collège Rousseau, sous la conduite de Mme Laurence Hauck et de MM. Gérard Lévêque et Giovanni Chiabero, qui assistent à nos débats.

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :

I 1879
Mme Erica Deuber-Pauli (AG) : Office cantonal de l'emploi. ( )   I1879

Cosignataires : Pierre Meyll, Jacques Boesch, Gilles Godinat, Danielle Oppliger, Bernard Clerc.

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

M. Pierre Vanek(AdG). On vient de me communiquer des informations relativement inquiétantes concernant le dossier Creys-Malville qui préoccupe, comme vous le savez, ce Conseil. J'aimerais interpeller le gouvernement à ce sujet, si possible de manière urgente dès ce soir.

M. Bernard Annen(L). Malgré l'actualité, Monsieur Vanek, je pense que nous ne pouvons pas donner une suite favorable à votre demande. En effet, chaque fois que, par la suite, il y aura un fait d'actualité dans les journaux, chacun d'entre nous, fort de votre précédent, demandera à développer une interpellation urgente. Je crois que nous ne pouvons pas retenir votre demande. Attendez encore un mois !

Monsieur Ferrazino, vous qui me regardez avec insistance, la grande différence est qu'une interpellation développée aujourd'hui serait limitée à trois minutes. Cela est totalement différent de l'interpellation telle que nous la connaissons et qui peut durer dix minutes.

Je crois qu'il y a aussi un respect des autres. J'ai vu que le Conseil d'Etat, sur la question de Creys-Malville, avait été très clair. Il a notamment dit qu'il allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour s'opposer à ce qui se passe. Monsieur Vanek, j'espère que vous aurez aussi un peu de respect pour vos adversaires.

Le président. C'est le Grand Conseil qui se déterminera pour rajouter ou non ce point à l'ordre du jour.

M. Pierre Vanek(AdG). Il ne s'agit pas d'une petite information trouvée dans un journal. L'information concerne la réunion aujourd'hui d'un comité interministériel français qui donnerait le feu vert au redémarrage de Creys-Malville. Je crois qu'il y a lieu de réagir et de donner un signal politique clair quant à la détermination de ce parlement et du gouvernement de continuer à s'opposer à ce redémarrage. Il y a quelques orientations qu'il s'agit de préciser dans ce Conseil. J'ai pris note également dans la presse que...

Le président. Monsieur Vanek, je vous interromps, car vous abordez le fond. Il s'agit d'abord de savoir si oui ou non vous intervenez dans cette séance.

Mme Fabienne Bugnon(Ve). Bien entendu, je ne suis pas d'accord avec M. Annen, car j'estime que chacun a le droit de développer des interpellations et heureusement que nous avons changé le règlement et que nous avons maintenant les interpellations urgentes.

Monsieur Haegi, il me semblait avoir lu dans la presse, il y a quelque temps, que vous alliez nous faire une déclaration concernant Creys-Malville lors de cette session. Nous attendions déjà hier une déclaration de votre part. Je crois donc que le plus simple...

Le président. Madame Bugnon, nous sommes à l'inscription d'une interpellation à l'ordre du jour de cette séance.

Mme Fabienne Bugnon. Mais je m'exprime sur l'ordre du jour de cette séance. Je soutiens la demande d'interpellation de M. Pierre Vanek.

Le président. Que celles et ceux qui souhaitent aborder ce point de l'ordre du jour aujourd'hui encore lèvent la main.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. Nous prenons donc acte de la demande d'interpellation :

I 1880
de M. Pierre Vanek (AG) : Dernières nouvelles concernant Creys-Malville. ( )  I1880

Cosignataires : Claire Chalut, Gilles Godinat, Liliane Johner, Christian Ferrazino, Luc Gilly.

Elle figurera à l'ordre du jour du mois de février.

 

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7066
5. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'assistance publique (J 6 1). ( )PL7066

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'assistance publique, du 19 septembre 1980, est modifiée comme suit:

Art. 15, al. 1, lettre a (nouvelle,

les lettres a à d anciennes devenant les lettres b à e)

1 L'Hospice général est géré par une commission administrative composée de la manière suivante:

a) un président, nommé par le Conseil d'Etat.

Art. 15, al. 6 (abrogé)

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Rappel historique

1.1 A part le Consistoire, quatre grandes institutions genevoises sont directement issues de l'époque de la Réforme. Ce sont:

 a) le Grand Conseil;

 b) le Procureur général;

 c) l'école publique;

 d) l'Hospice général.

1.2 Pratiquement, l'Hospice général est né en même temps que la Réforme: en effet, peu après l'interdiction de la messe et le départ des religieux, les fonctions de gouvernement de l'évêque et des autres organismes religieux ont été reprises par la Ville de Genève. Après avoir fait un inventaire des biens de l'Eglise catholique, le Conseil général des citoyens décida de réunir tous les biens et tous les revenus des anciens hôpitaux, églises, paroisses et couvents en un seul établissement, l'Hôpital général, qui fut installé dans le couvent de Sainte-Claire, là où se trouve l'actuel Palais de justice.

1.3 Héritage de la Genève réformée, successeur partiel de l'Hôpital général, l'Hospice général a été organisé par une loi du 8 février 1869 (J 6 12), remplacée par la loi générale sur l'assistance publique, du 19 septembre 1980 (J 6 1).

1.4 Aujourd'hui, l'organisation de l'Hospice général est décrite au chapitre III de la loi sur l'assistance publique (J 6 1), qui:

 a) énumère les attributions de l'établissement (art. 14);

 b) définit la composition et le rôle de la commission administrative qui gère l'établissement (art. 15 à 19);

 c) aborde d'autres problèmes, en particulier les biens propres et les revenus de l'Hospice général (art. 20 à 22).

2. Les activités de l'Hospice général

2.1 En 1994, l'Hospice général est un service social polyvalent dont les activités principales consistent à:

 a) aider les familles et les personnes dans le besoin;

 b) soutenir les personnes âgées et améliorer leur confort de vie;

 c) mettre à disposition des foyers et centres d'accueil à des enfants et à des jeunes en difficulté;

 d) informer sur le plan social et juridique à titre préventif;

 e) accueillir et favoriser l'intégration des étrangers à Genève;

 f) offrir un centre de soins et un foyer spécialisé aux personnes souffrant d'alcoolisme et de toxicomanies;

 g) participer à la réflexion face aux nouveaux problèmes socio-économiques.

2.2 Afin de remplir ses différentes missions, l'Hospice général est organisé en cinq champs d'activités, soit:

 a) enfance et jeunesse:

  - foyers pour enfants et adolescents (Doret et Guéry; Chalet Savigny; Villa Rigaud; Pierre Grise; Le Pont);

  - appartements pour jeunes adultes (Centre Gabrielle Sabet; Villa Lancy);

  - centre d'accueil (Infor Jeunes);

 b) personnes âgées:

  - Maison de Vessy;

  - appartements avec encadrement médico-social (D2);

  - maisons de vacances Florimont et Nouvelle Roseraie;

  - centre artisanal et de détente (CAD);

  - club d'aînés;

 c) action sociale et assistance financière:

  - 23 centres sociaux de quartiers et de communes, lieux d'accueil et d'information;

  - action sociale auprès de populations spécifiques (Suisses de retour de l'étranger, toxicomanes, prostituées, sans-emploi);

  - accueil, aide sociale et financière pour requérants, réfugiés et étrangers;

 d) établissements pour personnes alcooliques:

  - Maison de l'Ancre;

  - Petit Beaulieu;

 e) information sociale et juridique:

  - boutique d'information sociale;

  - publications;

  - centre de documentation;

  - consultations juridiques;

  - débats/rencontres thématiques;

  - études et statistiques.

2.3 Les députés au Grand Conseil trouveront, en annexe, le rapport annuel 1992, qui retrace toutes les activités conduites par l'Hospice général et ses collaborateurs et collaboratrices.

3. Les finances de l'Hospice général

3.1 L'Hospice général est financé par différentes sources, soit, pour l'essentiel:

 a) 70% du produit net du droit des pauvres (voir art. 443 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, D 3 1);

 b) une subvention cantonale;

 c) des subventions communales;

 d) des dons et legs de personnes physiques et morales;

 e) les revenus immobiliers et mobiliers de ses biens propres.

3.2 En 1992, les dépenses totales de l'Hospice général se sont élevées à56 996 000 F, qui se répartissent de la manière suivante:

 F

 Frais généraux communs  6 278 000

 Secours d'assistance 19 778 000

 Administration sociale 12 396 000

 Secours aux réfugiés  2 993 000

 Administration réfugiés 1 633 000

 Information sociale et juridique  2 177 000

 Prestations aux personnes âgées  8 289 000

 Maison de Vessy   - 24 000

 Prestations aux personnes alcooliques  1 870 000

 Prestations aux jeunes  1 606 000

3.3 En 1992, les recettes totales de l'Hospice général se sont élevées à 56 991 000 F, dont 50 269 000 F ont été versées par les contribuables genevois (12 592 719 F par le droit des pauvres; 37 676 300 F par la subvention cantonale).

4. La présidence de l'Hospice général

4.1 Dans l'organisation actuelle, la commission administrative de l'Hospice général est présidée par un président élu par les membres de la commision, sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat (art. 15, al. 6).

4.2 Dans son rapport no 41, remis au Conseil d'Etat et à la commission des finances, la commission cantonale de contrôle de gestion indique:

«En ce qui concerne les relations avec le Conseil d'Etat, la question peut se poser de faire présider d'office la commission administrative de l'Hospice général par un conseiller d'Etat. La commission cantonale de contrôle de gestion n'y est pas favorable car cela marquerait une tendance à l'étatisation de l'Hospice général (...). En revanche, le président de cette commission devrait être nommé par le Conseil d'Etat à l'instar d'autres commissions administratives pour assurer une liaison plus efficace entre le Conseil d'Etat et l'Hospice général» (rapport no 41, page 10).

4.3 Le Conseil d'Etat partage l'avis de la commission de contrôle de gestion. Il invite donc le Grand Conseil à adopter le projet de loi qu'il lui présente, afin de donner au gouvernement la compétence de nommer le président de l'Hospice général.

4.4 A l'appui de cette proposition, le Conseil d'Etat fait valoir les arguments suivants:

 a) dans la période économique actuelle, il est nécessaire de renforcer les liens entre le Conseil d'Etat et l'Hospice général, qui est chargé de la mise en oeuvre de la politique sociale dans des secteurs délicats tels que les chômeurs en fin de droit ou les requérants d'asile;

 b) par ailleurs, le Conseil d'Etat répond, devant le Grand Conseil et la population, du bon usage de l'argent public et de la ligne suivie en matière d'assistance publique: il est donc nécessaire qu'un établissement public de la taille et de l'importance de l'Hospice général - qui reçoit plus de 50 millions de la part de l'Etat en 1994 - soit conduit avec fermeté et qu'il bénéficie d'une gestion rigoureuse;

 c) le tournus de la présidence entre les différents partis, avec des disponibilités variables et des qualifications parfois aléatoires, ne permet plus de garantir à coup sûr les qualités nécessaires à la bonne gestion de 50 millions d'argent public et de 626 collaborateurs et collaboratrices: le Conseil d'Etat doit pouvoir désigner le président de l'Hospice général, assumant ainsi réellement les responsabilités qui lui incombent tout en retenant la solution adoptée par le Grand Conseil pour la Banque cantonale et pour l'aéroport.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat vous propose d'adopter le présent projet de loi qui donne une suite concrète aux recommandations de la commission cantonale de contrôle de gestion.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales. 

PL 7067
6. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 1). ( )PL7067

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

1 En dérogation à l'article 6, alinéa 2, de la loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, le mandat des commissions suivantes est prorogé au 30 juin 1994:

a) commission administrative de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève;

b) commission administrative des Institutions universitaires de psychiatrie;

c) commission administrative des Institutions universitaires de gériatrie;

d) commission administrative de l'Hôpital de Loëx;

e) commission administrative de la centrale commune de traitement du linge des établissements publics médicaux;

f) commission de surveillance des activités médicales;

g) commission paritaire des établissements publics médicaux.

2 L'urgence est déclarée.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

La commission de la santé est en train de terminer l'étude de deux projets de lois modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (projets de loi 6834 et 6845).

Vu les délais nécessaires au travail en commission, à l'examen du projet de loi en séance plénière et, en cas d'acceptation, le respect du délai référendaire de 40 jours, il est impératif de proroger dans une mesure appropriée l'échéance usuelle des mandats des commissaires des quatre commissions concernées par ces modifications.

De même, les mandats des commissaires siégeant dans trois autres commissions qui dépendent des quatre premières doivent également être prorogés.

Il sied également de rappeler qu'une loi identique avait été votée par le Grand Conseil il y a quatre ans (PL 6458), en raison d'un projet visant à permettre l'éligibilité des collaborateurs de nationalité étrangère dans les commissions administratives.

Au vu des explications qui précèdent, le Conseil d'Etat vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter sans délai et avec la clause d'urgence ce projet de loi, qui laisse cependant toute liberté au Grand Conseil quant à sa décision finale sur les deux projets de lois, et un temps suffisant à la commission de la santé pour en terminer l'examen.

M. Dominique Hausser (S). Notre groupe considère que le Conseil d'Etat fait preuve, avec ce projet de loi, d'un optimisme quelque peu surprenant. Il met notre parlement sous pression pour résoudre, en deux coups de cuillère à pot, un problème dont les dimensions sont multiples et complexes. Il considère - et pour cela nous les en remercions ! - que ce parlement est plus capable que le Conseil d'Etat lui-même qui, malgré le fait qu'il dispose de l'appui de professionnels salariés et compétents - peut-être n'en a-t-il pas assez, hélas ! - n'arrive pas à répondre dans les délais aux diverses invites que notre parlement lui adresse. Il suffit de regarder le nombre d'objets en suspens déposés sur le bureau du Conseil d'Etat pour s'en convaincre.

Revenons à l'objet qui nous occupe ce soir. La commission de la santé de la précédente législature a planché plusieurs semaines, pour ne pas dire plusieurs mois, sur les projets de lois 6834 et 6845 déposés respectivement par M. Giromini et par les démocrates-chrétiens. Suite à cet important travail, le Conseil d'Etat a proposé en octobre à la commission une nouvelle mouture visant à adapter la loi sur les établissements publics médicaux. Cette mouture ne reflète plus exactement les propositions des motionnaires et implique une réflexion pour les raisons suivantes.

Premièrement, en plein milieu des discussions de la commission, il y a eu les élections, dictées par la constitution. Aussi compétente que soit la nouvelle députation, elle a besoin de s'immerger dans le bouillon parlementaire. Hélas, cela prend un peu de temps.

Deuxièmement, une nouvelle consultation des divers partenaires concernés par ces modifications est nécessaire sur la base de la nouvelle mouture du projet de loi afin que la commission puisse en tenir compte dans ses réflexions.

Troisièmement enfin, plusieurs discussions sont actuellement en cours sur diverses institutions d'intérêt public au sujet de la structure de leur direction. Je ne citerai que deux exemples : le projet de loi 7066, que nous venons de passer rapidement, et le projet de loi 7063 de MM. Lombard et consorts. Cela implique une concertation entre les diverses commissions qui ont et auront à traiter de ces objets pour assurer une politique cohérente du législateur.

Au vu de ce qui précède, le groupe socialiste vous propose, non pas de rejeter ce projet de loi tel quel, mais de l'amender. La prorogation du mandat des commissions au 30 juin 1994, telle que proposée par le Conseil d'Etat, est irréaliste, surtout s'il faut encore tenir compte du délai de quarantaine référendaire. Aussi nous vous proposons de proroger le mandat de la commission de la santé et le mandat des commissions mentionnées dans ce projet de loi au 31 décembre 1994. Je dépose donc un amendement dans ce sens.

Le président. Monsieur le député, je vous serais reconnaissant de représenter votre amendement au deuxième débat.

M. Gilles Godinat (AdG). Effectivement, comme mon collègue le docteur Hausser vient de le souligner, sachant que l'efficacité des différentes commissions administratives est actuellement insuffisante, l'entrée en matière sur la réforme des structures nous a paru nécessaire, compte tenu de la complexité des problèmes posés par la réorganisation des établissements publics médicaux, par la mise en place de nouvelles structures, par le fait que l'organigramme est en gestation et que la commission de la santé a effectivement travaillé depuis neuf mois sur différents projets - dont deux projets de lois et quatre versions différentes de projets venant du département de l'action sociale et de la santé. Les travaux sont engagés, mais nous craignons une relative précipitation du département dans cette mise en place.

Un projet de loi doit être débattu au Grand Conseil avant l'été, mais il n'est pas sûr que nous puissions adopter un tel projet avant l'été. Les mandats des différentes commissions administratives doivent être prorogés pour une année et non pour trois mois.

Dans ce cas, il nous semble qu'un précédent est créé. Sur le principe, il n'est pas souhaitable de ne pas respecter le renouvellement des commissions comme la loi actuelle le prévoit. Ce parlement a été profondément modifié par l'arrivée de nombreux nouveaux députés, qui se retrouvent également dans les commissions permanentes. Le renouvellement des commissions administratives actuelles apporterait, de toute façon, un peu d'air frais à ces structures.

Dans une premier temps, nous nous abstiendrons donc sur un tel projet et nous soutiendrons probablement l'amendement proposé par notre collègue Hausser.

M. Nicolas Von der Weid (L). Effectivement, le projet de loi sur lequel nous travaillons est important. Il vise à modifier les structures administratives des établissements cités au bas de ce projet de loi.

Toutefois, il faut bien comprendre que l'amendement que nous soutiendrons ne vise pas l'affaiblissement politique de notre volonté. Il a simplement pour but de nous permettre de travailler dans la sérénité. Par ailleurs, il nous faut un peu de souplesse pour percevoir tous les problèmes qui peuvent apparaître au fur et à mesure de l'établissement de ce projet de loi. Nous soutiendrons en temps et lieu cet amendement.

M. Bernard Annen (L). Pour la bonne marche de ce que vient de proposer notre collègue, il est important qu'il y ait une discussion immédiate. C'est pourquoi nous la demandons.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je soutiens la demande de discussion immédiate pour des raisons évidentes. Je vous informe également que le Conseil d'Etat est d'accord d'accepter l'amendement déposé et de modifier le texte en indiquant que le mandat des commissions est prorogé au 31 décembre 1994. Monsieur Godinat, cela ne crée aucun précédent : il en a été de même il y a quatre ans au moment du changement de législature.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Article unique

Mis aux voix, l'amendement de M. Hausser (remplacement du 30 juin 1994 par 31 décembre 1994) est adopté.

Mis aux voix, l'alinéa 1 ainsi amendé est adopté, de même que l'alinéa 2.

L'article unique est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur les établissements publics médicaux

(K 2 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

1 En dérogation à l'article 6, alinéa 2, de la loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, le mandat des commissions suivantes est prorogé au 31 décembre 1994:

a) commission administrative de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève;

b) commission administrative des Institutions universitaires de psychiatrie;

c) commission administrative des Institutions universitaires de gériatrie;

d) commission administrative de l'Hôpital de Loëx;

e) commission administrative de la centrale commune de traitement du linge des établissements publics médicaux;

f) commission de surveillance des activités médicales;

g) commission paritaire des établissements publics médicaux.

2 L'urgence est déclarée.

Le président. Le projet de loi 7067 ayant été adopté, les élections initialement prévues aux points 51 à 55 de l'ordre du jour sont reportées à une date ultérieure.

En vertu de ce vote, le mandat des membres des commissions suivantes est prorogé du 1er mars au 31 décembre 1994.

Commission administrative de l'hôpital cantonal universitaire (Z 9 16). (E 689)

La commission est composée des membres suivants : André Gautier (L); Daniel Viret (L); Jean-Pierre Thorel (S); Maurice Giromini (R); Bernard Comte (DC).

Commission administrative des institutions universitaires de psychiatrie (Z 9 17). (E 690)

La commission est composée des membres suivants : Marie-Charlotte Pictet (L); Claire Torracinta-Pache (S); Jean Clerc (R); Hélène Braun-Roth (DC); Josiane Chevrolet (DC).

Commission administrative des institutions universitaires de gériatrie (Z 9 18). (E 691)

La commission est composée des membres suivants : Armand Schweingruber (L); Eliane Muster (S); Daniel Auderset (R); Simone Maitre (DC).

Commission administrative de la Maison de Loëx (Z 9 19). (E 692)

La commission est composée des membres suivants : Roland Félix (L); Christiane Magnenat Schellack (S); Lisette Thévenaz (R); Maurice Cadoux (DC).

Commission de surveillance des activités médicales (Z 9 30). (E 698)

(Membres n'appartenant pas aux professions de la santé)

La commission est composée des membres suivants : Béatrice Luscher (L); Adriana Keel (S); Véronique Grolimund (R); Jaqueline Gillet (DC).

 

M 889
7. Proposition de motion de Mmes et MM. Danielle Oppliger, Gilles Godinat, Fabienne Blanc-Kühn, Liliane Maury Pasquier, Fabienne Bugnon et Andreas Saurer invitant le Grand Conseil à maintenir les indemnités aux élèves infirmiers/infirmières et sages-femmes de l'école du Bon Secours. ( )M889

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que les élèves effectuent un travail productif lors de leurs différents stages;

 que la seule modification statutaire prévue à la rentrée de septembre 1994 est la suppression totale ou partielle des indemnités s'élevant à environ 600 francs par mois;

 qu'une telle mesure aurait comme effet de rendre plus difficile à beaucoup l'accès à la formation d'infirmiers/infirmières et sages-femmes;

 qu'il convient de lier cet aspect financier aux réformes de la formation proprement dite, dont la mise en place se fera ultérieurement,

invite le Conseil d'Etat

à maintenir en l'état les indemnités de formation des élèves infirmiers/infirmières et sages-femmes, afin que les futurs élèves puissent en bénéficier lors de la rentrée 1994.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Situation actuelle

La formation des élèves infirmiers/infirmières et sages-femmes à l'école du Bon Secours se fait soit en 3 ans (IG3 + sages-femmes) pour les titulaires d'une maturité et les diplômés des écoles de culture générale, soit en 4 ans (IG4) pour celles et ceux qui, par exemple, possèdent un CFC.

Dans ces deux cadres de formation, les élèves font des stages à plein temps en milieu hospitalier - 16 semaines en première année - 6 mois et plus les années suivantes. De plus, lors de la dernière année, elles/ils effectuent des veilles et des week-ends, les élèves sages-femmes, dès leur 1re année de formation. Les élèves reçoivent pendant toute la durée de la formation, une indemnité mensuelle d'environ 600 francs. Leur situation est assez similaire à celle des apprentis, puisqu'ils effectuent un travail productif, même s'ils ne sont pas officiellement dans les effectifs du personnel hospitalier.

2. Modifications prévues

Dans le cadre du projet de la Conférence romande des chef/cheffes des départements des affaires sanitaires et sociales (CRASS), l'école du Bon Secours deviendrait une haute école spécialisée (HES). Elle formerait des infirmiers/infirmières en 4 ans. Les élèves auraient le statut d'étudiants/es. Les indemnités seraient réduites, voire supprimées.

a) Cette suppression prendrait effet pour la rentrée 1994.

b) La restructuration de la formation n'entrerait en vigueur qu'ulté-rieurement.

La prochaine volée se trouvera donc dans les mêmes conditions de formation que les précédentes. Le/la futur/e élève aura le statut formel d'étudiant sans avoir pour autant les conditions d'études dont bénéficient en général les étudiants/es, telles que par exemple plusieurs mois de vacances annuelles. Par contre, ils/elles continueront de fournir un réel travail pendant leurs stages.

3. Conséquences

L'aboutissement le plus prévisible de cette mesure sera une sélection sociale accrue. En effet, seules les personnes bénéficiant de revenus suffisants pourront entreprendre cette formation. Les jeunes adultes ayant besoin d'un revenu seront découragés et feront probablement un autre choix de profession. Les adultes, obligés par les circonstances actuelles à une réorientation professionnelle, tout particulièrement les femmes, seront fortement pénalisés par cette mesure. Et last but not least, la possibilité d'obtenir des bourses ou des allocations d'études est, comme on le sait, assez limitée.

Dans le contexte actuel de crise et de chômage, envisager l'élimination totale ou partielle de ces indemnités apparaît véritablement comme une mesure antisociale. Etant donné qu'elle aura non seulement pour effet la restriction de l'accès à des professions de la santé des plus nécessaires, mais aussi un impact sur la diversité de ses effectifs qui est depuis toujours le fondement même de professions que sous-tend la notion de service, où les qualités humaines seront aussi importantes que la qualité de la formation technique.

Enfin, nous vous rappelons que les infirmiers/ères et sages-femmes font défaut en Suisse à l'heure actuelle et que des études tendent à prouver que ce phénomène ira en s'aggravant. C'est la raison pour laquelle le Centre d'information sur les professions de la santé (CIPS) avait entrepris, il y a deux ans, une large campagne d'information et de recrutement. La suppression des indemnités de formation va exactement à fins contraires de cette action en diminuant l'attractivité de ces professions.

Débat

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Soyez rassurés, je n'ai pas l'intention de reproduire aujourd'hui le débat du 16 décembre. Cependant, j'ai le sentiment que la suppression des indemnités automatiques, accordées aux élèves infirmiers/infirmières et sages-femmes dès le premier jour de leur formation, ne prend pas en compte le travail réellement fourni sur les lieux de stage, notamment en fin de formation. J'avais déjà essayé, le 16 décembre, d'attirer votre attention sur ce point. Je sais que le 16 décembre nous avons voté - enfin, vous avez voté - la suppression de cette allocation mensuelle de 600 F lors du vote du budget 1994, mais, pour l'instant, seulement pour les élèves infirmiers/infirmières et sages-femmes de première année. Les élèves de deuxième et de troisième année bénéficieront encore de cette allocation durant l'année scolaire 1994-1995.

C'est la raison pour laquelle cette motion reste valable et n'est pas vidée de toute sa substance. Je souhaite - et cela va peut-être vous surprendre - son renvoi à la commission de l'enseignement, parce qu'il s'agit là d'un problème touchant à la formation des infirmiers/infirmières et sages-femmes. La description et l'étude de cette formation en commission de l'enseignement pourraient permettre l'extension de la discussion aux autres professions de la santé, également touchées par cette mesure. Ce renvoi nous permettrait d'étudier tranquillement, et non dans l'urgence, ce système de formation, d'évaluer le travail que les élèves effectuent réellement sur leurs lieux de stage et les services qu'ils y rendent. Ce renvoi permettrait peut-être également de proposer un système d'indemnités différent de celui qui était appliqué jusqu'à maintenant et directement lié aux activités des élèves.

Enfin, n'oublions pas que la commission des pétitions a été saisie d'une pétition demandant la même chose que cette motion. Cette pétition devra être étudiée et, peut-être, renvoyée également à la commission de l'enseignement.

M. Gilles Godinat (AdG). J'irai dans le même sens que ma collègue et je ne reviendrai pas non plus sur les arguments développés lors du précédent débat.

Je vous rappelle simplement que nous soutenons la valorisation de la profession d'infirmier/infirmière et sage-femme et les décisions qui ont été prises par la Commission romande des directeurs sanitaires. Cependant, le statut de hautes écoles spécialisées n'est pas encore en place, ce qui fait que les élèves actuellement en formation n'ont pas ce statut. Il n'y a donc pas de raison de les pénaliser avant qu'ils aient obtenu le statut avec les vacances qui vont de pair avec le statut d'étudiant. Nous maintenons donc notre position, à savoir garder les indemnités jusqu'à ce que le statut soit en place. Nous souhaitons que l'on étudie en commission comment effectivement adapter le financement de la formation, raison pour laquelle le renvoi à la commission de l'enseignement me paraît tout à fait adapté.

Mme Isabelle Graf (Ve). Le groupe écologiste soutient la motion 889. Nous souhaiterions néanmoins y apporter une nuance complémentaire. En effet, nous estimons qu'un adulte jeune, qui décide d'entreprendre des études supérieures afin d'accéder à une profession qui exige autant de qualités intellectuelles et humaines - ce qui, dans notre société actuelle, est un challenge audacieux - devrait bénéficier non seulement d'un statut d'étudiant, qui garantirait la qualité de l'enseignement, mais également d'indemnités lors de sa période de stage, comme peuvent en bénéficier d'autres étudiants des professions médicales, les étudiants en médecine, par exemple. C'est pourquoi le groupe écologiste soutient la motion et présentera des amendements.

M. Pierre-François Unger (PDC). La motion qui vous est soumise invite le Conseil d'Etat à maintenir les indemnités de formation des élèves infirmiers/infirmières ainsi que des élèves sages-femmes. Cette motion nous invite à revenir sur un sujet voté il y tout juste un mois. Il apparaît donc que les règles de notre démocratie ne semblent pas être comprises de la même manière par tous. Cette motion nous donne cependant l'occasion de revenir sur un sujet important.

Une seule invite est adressée au Conseil d'Etat : l'octroi de 600 F par mois pendant la durée des études. Quels sont les arguments développés par les motionnaires ?

Premièrement, les étudiantes et étudiants effectueraient un travail productif. Si cette affirmation est vraie, une indemnité mensuelle de 600 F est inadéquate, car elle légitimerait l'esclavagisme. En réalité, elle est fausse. Il n'est en effet pas correct d'assimiler la formation sur le terrain à un travail productif. Les étudiantes et étudiants sont l'objet d'un encadrement clinique, tant par les enseignants de l'école que par les professionnels des services. Les contrats entres écoles et hôpitaux sont, à ce titre, très clairs. Une indemnité de 600 F ne ferait que légitimer d'éventuelles entorses à ces contrats.

Deuxièmement, ces 600 F viseraient à indemniser le travail de nuit et de week-end. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler que les étudiantes infirmières doivent effectuer trois nuits en trois ans, ce qui, vous en conviendrez, est sans doute très inférieur au nombre de nuits blanches librement consenties. (Rires.) Quant aux week-ends, la Croix-Rouge n'émet aucune exigence. Il s'agit d'une affaire contractuelle entre écoles et hôpitaux.

Troisièmement, la pénurie de personnel soignant serait vaincue par ces 600 F. S'il est vrai que le centre d'information sur les professions de la santé a entrepris, il y a deux ans, une large campagne d'information et de recrutement, vous devriez également, Mesdames et Messieurs les motionnaires, avoir l'honnêteté de signaler que celle-ci a été interrompue en raison du très grand nombre d'inscriptions déposées.

En réalité, pour ce qui concerne la formation d'infirmiers, d'infirmières et de sages-femmes, les enjeux, de notre point de vue, se situent à un tout autre niveau. L'évolution, d'une part, de la complexité des soins et, d'autre part, du rôle sanitaire propre de l'infirmière dans le système de santé a considérablement transformé la profession d'infirmier. De simple exécutante qu'elle était il y a vingt ans encore, l'infirmière est devenue une actrice dont le rôle est central. Dans le système actuel de santé, elle dispose, et doit disposer, d'une très large autonomie. Sa mission, notamment dans le développement incontournable de la prévention, de l'écoute, de l'enseignement, du conseil aux consommateurs de soins, ne cesse de prendre de l'importance.

Sur ce terrain d'approche qualitative, nous n'hésiterions pas une seconde à vous suivre et nous pouvons vous assurer que nous ferons tout ce qui est possible pour que les étudiantes et étudiants de l'école puissent, lorsque celle-ci aura son statut de haute école spécialisée, bénéficier de l'accès aux bourses d'études de la manière la plus aisée qui soit pour ceux qui en ont besoin.

Ces 600 F ressemblent plus à une piécette coupable jetée dans une sébile qu'à la mise en valeur d'une formation qui mérite mieux que cela. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons le rejet de cette motion.

M. Nicolas Brunschwig (L). Au début de l'intervention de Mme Maury Pasquier, j'ai pensé que nous allions aborder quelque chose de nouveau et j'ai été soulagé. Malheureusement, je constate que nous avons déjà eu ce débat lors du budget alors que, en l'occurrence, ce budget a été voté en tenant compte de cet élément. Il serait totalement faux de revenir par le biais d'une motion sur ce problème.

En ce qui concerne l'intervention de Mme Graf, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, bien que je croie avoir entendu son message disant que le groupe écologiste aimerait que l'on aborde ce problème non seulement pour ces élèves-là, mais également pour toute une série de formation dans certaines professions. Cela me semble assez irréaliste dans la situation financière actuelle. Lorsque l'on parle de choix, une fois de plus, par le biais de cette motion, on montre que ce parlement est parfois incapable d'en faire.

M. Dominique Hausser (S). J'aimerais rappeler à ce parlement, et tout particulièrement au médecin chef de service des établissements hospitaliers, que les étudiants en médecine, lorsqu'ils sont en stage, sont indemnisés. Je ne vois pas pourquoi d'autres professionnels de la santé ne pourraient pas bénéficier de ce même traitement.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je souhaite dire à M. Brunschwig que cette proposition de motion avait effectivement été déposée en décembre, que nous avions demandé qu'elle soit traitée en même temps que le budget, ce qui n'a pas été le cas. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que le renvoi à la commission de l'enseignement pourrait nous permettre d'en discuter plus calmement. Une deuxième remarque, qui n'est peut-être pas très calme, s'adresse à M. Unger. Je suis choquée lorsqu'il parle de non-productivité, alors que j'ai rencontré, pas plus tard que ce matin, une élève sage-femme qui a passé sa semaine en service de néonatalogie seule à s'occuper de treize nouveau-nés, a priori pas en bonne santé. Si une telle situation n'est pas de la productivité, alors je ne sais pas ce que c'est !

M. Pierre-François Unger (PDC). Je souhaite signaler à mon éminent collègue Hausser que le débat sur les indemnités des stagiaires médecins n'est pas à l'ordre du jour. (Huées et sifflements.)

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Notre groupe soutiendra la demande de renvoi à la commission de l'enseignement et de l'éducation. En effet, selon le débat qui se déroule en ce moment, la question essentielle reste de savoir quel genre de formation les infirmières doivent avoir. La décision ne peut évidemment être genevoise. Les conditions de leur formation sont un vrai problème, un vrai débat en ce moment. La qualité de la formation des infirmières n'est pas une question strictement genevoise puisqu'elle est réglementée par la Croix-Rouge suisse. Les diplômes sont reconnus par la Croix-Rouge suisse et l'instruction publique genevoise ne peut décider de ce que seront ces diplômes.

Cependant, notre chef du département de l'action sociale et de la santé représente notre canton dans les discussions nationales de la Conférence des directeurs et il peut se faire le porte-parole du point de vue genevois.

Le point de vue genevois a été clairement exprimé par l'école d'infirmières du Bon Secours, qui estime que les études doivent se situer à un niveau d'études tertiaire, c'est-à-dire à un niveau d'institut universitaire.

La discussion sur les indemnités concerne très directement la question de la formation, car, au plan suisse, le problème est le suivant. Les formations d'infirmières sont-elles des apprentissages ou sont-elles des études supérieures ?

Les décisions et les discussions sur les indemnités concerne cette question du degré des études d'infirmière. Or je pense qu'à Genève, et même au parlement genevois, on est d'accord pour dire que ces études ne sont pas d'un niveau d'apprentissage, d'autant plus que, comme vous le savez, pour commencer ces études il faut avoir dix-huit ans et qu'à l'école de Genève 90 % des élèves infirmières ont une maturité.

Je crois qu'il est particulièrement judicieux de discuter de cette question à la commission de l'enseignement et de l'éducation, même si, par ailleurs, ce problème est inscrit à l'ordre du jour du département de l'action sociale et de la santé. C'est en effet ce dernier département qui finance les indemnités. Mais le fond de la discussion concerne la formation. Nous sommes un cas particulier à Genève. En effet, nous sommes les seuls à avoir la formation des infirmières inclue dans le département de l'instruction publique, alors que le reste du pays a intégré cette formation dans les départements touchant à la santé. C'est donc à M. Segond de représenter le point de vue genevois parmi ses collègues qui sont en charge de ce dossier dans leur canton. Mais la discussion porte essentiellement sur la formation et doit avoir lieu à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

M. Andreas Saurer (Ve). Je constate que j'apprends tous les jours quelque chose. (Rires et applaudissements.) On en a bien besoin ! Aujourd'hui, j'apprends que je n'étais pas un homme libre, mais un esclave. Monsieur Unger, vous dites que nous avons travaillé avec des salaires d'esclave. Effectivement, c'est vrai, en tant que médecin-stagiaire, nous avons travaillé à l'hôpital avec une rémunération de 500 ou 600 F. Mais je vous rappelle que nous avons pu bénéficier - en tout cas théoriquement - de bourses. Là se situe le problème. Nous souhaitons une approche globale, c'est-à-dire que l'on discute du problème du statut de la formation d'infirmière, de l'intégration de cette formation dans les hautes écoles spécialisées et, parallèlement, du problème des bourses.

Monsieur Segond, vous avez beaucoup de qualités, mais quelquefois vous foncez comme un TGV. Vous allez un peu rapidement alors que je pense que, dans certains cas, il serait préférable de se hâter lentement pour éviter trop de dégâts à gauche et à droite. C'est pour cette raison qu'il serait préférable d'aménager un peu les choses et, surtout, d'aborder le problème globalement, ce que nous essayons de faire tant en médecine, avec une médecine holistique, que dans le domaine des études d'infirmière, et cela grâce à une approche globale. Je souhaiterais donc que le Conseil d'Etat essaie d'utiliser le même mode d'approche. C'est la raison pour laquelle je demande que cette motion soit renvoyée à la commission adéquate.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je suis heureux d'avoir à nouveau l'occasion de répondre aux différentes questions posées et de dissiper un malentendu qui, j'en ai l'impression, est sciemment entretenu.

Aujourd'hui, les élèves infirmières sont les seules élèves en formation qui touchent, au cours de leurs études, dès le début, deux types de prestations financières. Elles touchent, comme n'importe quel autre étudiant, des allocations d'études servies au titre de la loi sur les allocations d'études. Elles perçoivent ensuite, bénéficiant d'une sorte de régime d'apprentie, un présalaire de 600 F par mois dès le premier jour de leur formation, indépendamment de tout stage et alors que, très certainement, elles ne sont pas productives aux premiers jours de leur formation.

Cette situation est profondément anormale. Elle est injuste par rapport aux autres jeunes en formation qui, lorsqu'ils sont à l'université, touchent les allocations d'études mais pas un présalaire et, lorsqu'ils sont en stage, touchent une indemnité de stagiaire mais plus d'allocations d'études.

Cette situation, Monsieur Saurer, a occupé la Conférence des directeurs de la santé à partir de septembre 1991. La décision a été prise... (M. Saurer converse avec Mme Maulini-Dreyfus.) ...si vous voulez bien m'écouter ! ...a été prise en décembre 1992, quinze mois après que le sujet ait été abordé pour la première fois. Il a été décidé de la mettre en vigueur pour la rentrée de septembre 1994. Il y a donc eu trois ans entre l'ouverture du dossier et l'entrée en vigueur. Si c'est la vitesse des TGV, alors je me méprends sur celle des omnibus !

Cette décision est plus importante que vous ne le croyez : sur le plan romand - elle a été prise sur le plan romand - elle représente chaque année 66 millions de dépenses pour des indemnités de formation dès le premier jour. C'est l'équivalent de 660 postes d'infirmière au pied du lit du malade.

Vous nous demandez, en toute circonstance et en toute occasion, de faire des choix. Nous voulons ici ramener les élèves infirmières au régime ordinaire de la formation, comme des étudiantes. Vous avez justement dit qu'elles étaient à Genève dépendantes du département de l'instruction publique : c'est donc bien l'affirmation d'une qualité d'étudiantes. D'autre part, elles bénéficient du régime des allocations d'études comme tous les autres étudiants en formation.

Cette décision a été prise correctement quant à la forme. Elle a également été prise correctement dans les délais : elle doit entrer en vigueur en septembre 1994 et elle ne touchera que les élèves qui s'inscriront en septembre 1994. S'étant inscrites sur d'autres bases, les élèves des volées précédentes auront encore le maintien du régime ordinaire pendant deux ans pour celles qui sont en deuxième année, pendant un an pour celles qui sont en troisième année. Le démantèlement se fait donc en l'espace de trois ans, période correspondant à la durée des études.

Pour Genève, cela représente 4,5 millions. Nous avons déjà eu cette discussion lors du débat budgétaire. A l'époque, vous aviez soutenu cette mesure. Je vous prie donc de la confirmer en rejetant cette motion. Cette mesure n'a aucun effet d'injustice. Au contraire, elle met les élèves infirmières au même régime que tous les autres jeunes en formation.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Monsieur Segond, vous avez parlé de deux types d'allocations que les élèves infirmières reçoivent. Je désirerais connaître quelle est la limite de ces allocations d'études. S'agit-il de bourses d'études ? J'aimerais savoir si les infirmières ont droit à une indemnité de stage lorsqu'elles travaillent. J'aimerais également connaître quelles seront les conséquences d'un statut d'étudiante pour les infirmières. Lors des discussions budgétaires sur ce sujet, j'ai dit qu'il me semblait que ce n'était pas la même chose de faire des études à l'université ou une école d'infirmière. C'est tout à fait différent. Quand vous êtes étudiant à l'université vous pouvez travailler à côté. Quand vous faites des stages d'infirmière vous ne pouvez pas travailler en parallèle parce que vous travaillez de 7 h du matin à 16 h, ou même 20 h. Alors, à mon avis, la situation est très différente.

J'aimerais aussi que l'on regarde les conséquences. Si on a un statut d'étudiant, il faut également qu'il y ait un changement au niveau du métier. Le salaire, notamment, doit correspondre à ceux de personnes ayant fait des études universitaires. Et cela n'est pas le cas actuellement.

A nouveau, j'ai un peu l'impression qu'on se trouve face à un métier de femmes et l'on agit dans ce cas comme lors de différents problèmes concernant l'égalité entre homme et femme. On enlève les petits avantages que les femmes ont actuellement avant de donner une vraie égalité. Regardez par exemple l'âge des femmes à la retraite. C'est exactement le même problème. Je trouve que cela est vraiment inacceptable.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je pense que c'est un débat difficile en plénière. Mais, pour le cas où ce débat ne se ferait pas en commission, je désire faire encore une remarque.

M. Segond dit que la suppression des indemnités aux élèves infirmières les met au même régime que tous les autres étudiants. Cela est faux pour la raison suivante. La discussion des indemnités fait partie de la discussion de la formation en général parce que la suppression des indemnités sans discussion globale sur le statut de la formation des infirmières signifie mettre les élèves infirmières au même régime que les apprentis sans le présalaire des apprentis. La question est bien celle-ci. S'agit-il d'études supérieures ou d'un apprentissage ?

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je regrette de contredire Mme Maulini. La question n'est pas là. Les élèves de l'école d'infirmières, comme tous les autres élèves, ont droit aux allocations d'études, sous certaines conditions de revenus, comme pour toutes les autres formations. S'ajoute à cela une indemnité forfaitaire, qui est un présalaire, de 600 F par mois dès le premier jour de formation. C'est cette indemnité-là que nous supprimons, mais le régime des allocations d'études est intégralement maintenu pour les infirmières.

M. Gilles Godinat (AdG). Je vais répondre brièvement au président du département. Vous avez parlé de démantèlement et c'est exactement cela qui m'inquiète. J'espère que c'est un lapsus parce que, dans la réalité... (Manifestations.) Vous avez dit démantèlement. Ce que je vois c'est que le statut d'étudiant pour les élèves infirmières n'est pas encore en place. Alors, tant qu'il n'est pas en place, maintenons les indemnités. C'est le minimum !

Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion en commission est rejetée.

Mise aux voix, la motion est rejetée.

PL 7060
8. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 1). ( )PL7060

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit:

Art. 134 (nouvelle teneur)

Peuvent être engagées dans l'enseignement primaire les personnes qui ont achevé avec succès la formation professionnelle visée à l'article 133 ou, en dérogation, une formation jugée équivalente.

Art. 165 (nouveau)

Dispositions

transitoires

Les candidats entrés aux études pédagogiques avant le 1er septembre 1992 et qui obtiennent le brevet d'aptitude à l'enseignement sont alors chargés de diriger une classe.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Remarques générales

Le projet de loi qui vous est soumis a pour but de supprimer la pratique actuelle qui consiste à rendre toute personne, dès l'obtention du brevet d'aptitude à l'enseignement primaire, titulaire de la fonction d'instituteur ou d'institutrice en dirigeant une classe (titularisation).

La suppression de la titularisation automatique est rendue nécessaire par la reconnaissance des diplômes sur le plan intercantonal: en été 1990, notre canton s'est engagé à reconnaître les diplômes cantonaux des enseignants pour l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire I. Le 18 février 1993, la conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a décidé l'accord intercantonal sur la reconnaissance des diplômes de fin d'études qui portent notamment sur la reconnaissance de la formation des enseignants de tous les niveaux. Les cantons qui adhèrent à l'accord garantissent aux détentrices et détenteurs de diplômes reconnus les mêmes droits d'accès aux professions réglementées sur le plan cantonal que ceux accordés à leurs propres ressortissantes et ressortissants au bénéfice d'un diplôme de fin d'études correspondant (voir art. 8, al. 2). Le 7 juillet 1993, le Conseil d'Etat a adopté un projet de loi l'autorisant à adhérer à l'accord intercantonal sur la reconnaissance des diplômes, projet dont le Grand Conseil est actuellement saisi.

De plus, la suppression de la titularisation automatique rend au Conseil d'Etat le droit de choisir les futurs institutrices et instituteurs, soit sa responsabilité entière d'employeur.

Commentaires article par article

Article 134: suppression de la titularisation automatique

Avec la reconnaissance des diplômes extra-cantonaux, il doit y avoir dorénavant deux voies d'accès à l'engagement dans l'enseignement primaire. Or, les articles 133 et 134 de la loi sur l'instruction publique actuelle imposent l'obtention du brevet genevois pour accéder à une carrière dans l'enseignement primaire, d'une part, puis la titularisation automatique dès l'obtention de ce brevet, d'autre part. Ces dispositions légales sont incompatibles avec l'exigence d'une seconde voie ouvrant une carrière dans l'enseignement primaire.

L'article 133 de la loi constitue la base légale de l'institution des études pédagogiques actuelles et du mode de recrutement des candidats. Il sera modifié dès que le projet de nouvelle formation sera entièrement défini.

Article 165: dispositions transitoires

Les dispositions transitoires permettent aux candidats actuellement en formation de bénéficier de la pratique en vigueur lorsqu'ils sont engagés dans la formation d'institutrice ou d'instituteur primaire.

Pour ces raisons, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

 

PL 7063
9. Projet de loi de MM. Armand Lombard, Pierre Kunz et Philippe Schaller modifiant la loi sur l'université (C 1 27,5) (renforcement du rectorat). ( )PL7063

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:

Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)

Classification

1 Sur préavis du rectorat, le Conseil d'Etat détermine, lors de la nomination, la fonction et la classification dans l'échelle des traitements des membres du corps enseignant.

Art. 30, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les membres du corps professoral à charge complète peuvent avoir une activité accessoire rémunérée si elle est en rapport direct avec le domaine de leur enseignement et de leurs recherches; le Conseil d'Etat peut, en outre, sur préavis du rectorat, les autoriser exceptionnellement à exercer une autre activité lucrative.

Art. 41, al. 3, lettre a (nouvelle teneur)

a)

la proposition de nomination présentée au Conseil d'Etat par le rectorat doit obtenir préalablement l'approbation, à la majorité des deux tiers des votants, du collège des professeurs ordinaires de la faculté ou des professeurs de l'école, siégeant avec un quorum des deux tiers de ses membres.

Art. 42, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Elaborées par la commission prévue à l'article 43, alinéa 1, les propositions de nomination concernant les professeurs invités et les chargés de cours sont présentées au Conseil d'Etat par le rectorat sur proposition du collège des professeurs ordinaires et extraordinaires de la faculté ou des professeurs de l'école.

Art. 46 (abrogé)

Art. 47, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le dossier, transmis par l'intermédiaire du département de l'instruction publique, contient obligatoirement le rapport de la faculté ou de l'école, le procès-verbal de la séance de la commission d'experts et le préavis du rectorat.

Art. 47 C (abrogé)

Art. 47 D, al. 1 (abrogé)

Art. 47 D, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le dossier, transmis par l'intermédiaire du département de l'instruction publique, contient obligatoirement le rapport de la faculté ou de l'école et le préavis du rectorat.

Art. 73 (nouvelle teneur)

Recteur et

vice-recteurs

1 L'université est dirigée par un recteur. Il est assisté de3 vice-recteurs.

2 Le recteur est nommé par le Conseil d'Etat sur proposition du Conseil académique. Le mandat du recteur est de4 ans, immédiatement renouvelable 2 fois.

3 Les vice-recteurs sont nommés par le recteur. La nomination est soumise à approbation par le Conseil académique.

4 Le recteur et les vice-recteurs forment le rectorat.

5 Le directeur de l'administration (art. 92) et le secrétaire général (art. 93) assistent aux séances du rectorat.

Art. 74 (nouvelle teneur)

Compétences

du rectorat

1 Sous réserve des compétences des autres organes ou des autorités cantonales, le rectorat dispose d'une compétence générale et notamment:

a)

définit la politique générale de l'université;

b)

adopte les plans de développement pluriannuels;

c)

établit le rapport de gestion annuel;

d)

prépare le projet de budget annuel qu'il soumet pour approbation au Conseil académique;

e)

approuve les projets de règlements d'études et d'organisation des facultés et écoles;

f)

propose au département de l'instruction publique la création, le maintien et la suppression des enseignements, en tenant compte des plans de développement pluriannuels, et la nomination des membres du corps enseignant;

g)

évoque les problèmes en suspens au sein des subdivisions de l'université et intervient auprès de celles-ci afin qu'elles s'en saisissent ou en accélèrent la résolution;

h)

assure la liaison entre l'université et les autorités cantonales, notamment le département de l'instruction publique;

i)

peut être saisi par un membre de la communauté universitaire de toutes présomptions sérieuses et concordantes d'irrégularités graves d'ordre administratif ou de fraudes caractérisées d'ordre scientifique. Il ouvre alors une enquête à l'issue de laquelle il prend le cas échéant une mesure relevant de sa compétence.

2 Le rectorat consulte le collège des doyens des facultés et présidents d'écoles, organe qui assure la liaison entre la direction de l'université et la direction des facultés et écoles.

Art. 75, al. 4 (nouveau)

4 Lorsqu'il envisage la création ou la suppression d'un enseignement ou d'une direction de recherche, le rectorat sollicite le préavis d'une commission d'experts extérieurs à l'université, qui comprend 2 à 4 membres désignés par ses soins.

Art. 76 (nouvelle teneur)

Compétences

1 Sous réserve des compétences des autorités cantonales, le conseil de l'université:

a)

élit au sein de la communauté universitaire genevoise 5 membres du Conseil académique;

b)

procède à l'examen du programme que le rectorat lui soumet, sur lequel il donne son avis;

c)

prend connaissance du projet de budget annuel;

2 Le conseil de l'université peut en tout temps décider à la majorité de ses membres de soumettre au rectorat une proposition ou une question d'intérêt général, à laquelle le rectorat doit donner une réponse écrite, le cas échéant sous forme de contreproposition, dans un délai de 3 mois.

SECTION 3 (abrogée)

Art. 78 et 79 (abrogés)

Art. 80 (nouvelle teneur)

Compétences

Le sénat:

a)

prend connaissance du rapport de gestion annuel;

b)

interroge le rectorat sur toutes les questions relatives à l'université et émet des voeux ou des recommandations;

c)

veille à la sauvegarde de la liberté académique.

SECTION 5 (nouvelle)

CONSEIL ACADÉMIQUE

Art. 81 A (nouveau)

Composition

et nomination

1 Le Conseil académique comprend 11 membres: un président nommé par le Conseil d'Etat; 5 membres issus de la communauté universitaire genevoise désignés par le conseil de l'université; 5 membres extérieurs à l'université désignés par un collège formé par les doyens des facultés.

2 Le mandat du Conseil académique est de 4 ans. Il débute 6 mois avant l'échéance du mandat du recteur.

Art. 81 B (nouveau)

Compétences

Le Conseil académique:

a)

soumet au Conseil d'Etat les dossiers de candidature au poste de recteur;

b)

approuve la nomination des vice-recteurs;

c)

approuve le projet de budget préparé par le rectorat, avant de le transmettre au département de l'instruction publique;

d)

donne au rectorat son avis sur les plans de développement pluriannuels;

e)

procède à l'examen du programme que le rectorat lui soumet, sur lequel il donne son avis;

f)

est l'organe consultatif du rectorat pour les problèmes essentiels liés à la coordination de l'enseignement et de la recherche à l'échelon régional, national ou international ainsi qu'avec les autres ordres d'enseignement.

CHAPITRE V (abrogé)

Art. 95 à 98 (abrogés)

Art. 102, al. 7 (nouvelle teneur)

7 Le premier recteur désigné selon la procédure prévue à l'article 73, alinéa 2, dans sa nouvelle teneur entre en fonction le ....... (à préciser).

Art. 102, al. 8 (nouveau)

8 Le premier conseil académique composé conformément à l'article 81 A entre en fonction le ....... (à préciser).

Art. 2

Le Conseil d'Etat fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Un nombre croissant d'étudiants, un soutien financier de l'Etat qui stagne, voire régresse, des rapports d'encadrements qui se dégradent, une durée des études parfois trop longue, la régionalisation des universités, l'accès aux études, tels sont, parmi d'autres, les problèmes que l'université de Genève doit résoudre. Mais, pour cela, il est nécessaire que l'institution se dote d'organes décisionnels à la hauteur de ces enjeux tout en tenant compte de sa mission fondamentale qui est l'enseignement et la recherche. Dès 1990, le président du département de l'instruction publique ne lançait-il d'ailleurs pas un appel aux autorités universitaires afin qu'elles prennent des «mesures de survie face à la crise qui se prépare»?1 Dans cette perspective, le projet qui vous est soumis vise à un renforcement de l'autonomie de l'université et à un accroissement de son pouvoir de gestion et de négociation. Centré principalement sur les structures de décision, le projet propose des solutions qui permettent à l'institution universitaire de disposer d'un organe décisionnel efficace et de rester, par voie de conséquence, un centre d'excellence, condition indispensable à son rayonnement intellectuel tant à l'échelle nationale qu'internationale.

Au vu de ce qui précède, le projet de loi suggère des transformations qui tournent essentiellement autour de quatre axes:

1. un recteur aux pouvoirs largement renforcés;

2. la création d'un nouveau Conseil académique doté de larges compétences en vue d'encadrer le rectorat dans certaines prises de décision;

3. un conseil de l'université recentré sur un champ d'activité qui corresponde mieux à ses compétences réelles en lui conférant un droit d'initiative légalement reconnu et assorti d'une obligation de réponse de la part du rectorat;

4. le remplacement du Collège des Recteurs et Doyens par un Collège des Doyens disposant de compétences consultatives à l'intention du rectorat.

1. Le recteur est élu par le Conseil d'Etat sur la base de dossiers présentés par le Conseil académique «nouvelle formule», qui a procédé auparavant à l'audition et à la sélection des candidats. Il est élu pour un mandat de quatre ans renouvelable deux fois. Il choisit les vice-recteurs et soumet leurs candidatures pour approbation au Conseil académique. Il est doté d'un pouvoir étendu en récupérant une grande partie des prérogatives du Collège des Recteurs et Doyens, notamment en matière de plan de développement pluriannuel, de projet de budget, et de création, maintien ou suppression d'enseignements (voir annexe pour le détail). En somme, il définit la stratégie globale de l'université, tout en en discutant régulièrement avec les membres du Conseil académique.

2. Le Conseil académique «nouvelle formule» se compose de 11 membres élus pour quatre ans (leur élection a lieu six mois avant celle du nouveau recteur). Il est composé d'un président nommé par le Conseil d'Etat, de cinq membres issus de la communauté universitaire désignés par le conseil de l'université, et de cinq membres extérieurs à l'université désignés exclusivement par les sept doyens réunis pour l'occasion. Ses principales compétences sont d'approuver le projet de budget élaboré par le rectorat, qui l'a préalablement soumis pour préavis au Conseil de l'université, de sélectionner les candidatures à la fonction de recteur en vue d'une élection par le Conseil d'Etat, et d'approuver la nomination des vice-recteurs. En outre, il tient des réunions fréquentes avec le rectorat et discute avec lui de l'élaboration des plans de développement.

3. Le conseil de l'université subsiste dans sa forme actuelle mais voit ses compétences réorientées sur la politique générale de l'université qu'il définit en collaboration avec le rectorat et le Conseil académique. A ce titre, il dispose d'un droit d'initiative en ce sens qu'il peut soulever toute question d'intérêt général, et soumettre, le cas échéant, des propositions concrètes au rectorat par l'intermédiaire d'un rapport de groupe de travail. Dans la mesure où ce dernier est approuvé par la majorité des membres du Conseil, le rectorat est tenu, dans un délai de trois mois, de prendre position ou de faire des contrepropositions. Dans cette optique, le Conseil de l'université est déchargé de l'approbation des règlements d'études et d'organisation des facultés, laquelle revient à ces mêmes facultés et au rectorat. En somme, il redevient un véritable lieu de débats sur les enjeux futurs de l'université.

4. Dans ce contexte, le collège des recteurs et doyens est remplacé par un collège des doyens qui devient un organe consultatif à l'intention du rectorat, et qui assure la désignation des cinq membres du Conseil académique extérieurs à l'université. Par voie de conséquence, les doyens se recentrent sur la gestion de leur faculté tout en respectant la stratégie globale de l'université élaborée par le rectorat. Leur mode d'élection n'est pas modifié2.

Annexes: 1. Situation actuelle de l'organisation universitaire.

  2. Tableau récapitulatif des fonctions et des compétences

  3. Tableau des mécanismes d'élection proposés

Préconsultation

M. Armand Lombard (L). Au cours de ces derniers mois, on a pu, en suivant la vie de l'université, se rendre compte des nombreux problèmes qui l'assaillent et des nombreux choix auxquels elle a à faire face pour rester ouverte aux sollicitations, pour rester de qualité, pour conserver des coûts contrôlés.

On peut citer des dossiers externes spécifiques. Il y a eu l'implosion de l'Institut des études européennes. Il y a eu la création incertaine de l'Académie de l'environnement. Il y a eu des essais mitigés de mise sur pied de centres interfacultaires.

On peut aussi citer des dossiers internes : l'explosion des participants à certains cours de premier cycle et les tentations du numerus clausus, les coupes budgétaires et les tentations de réduction linéaire, la régionalisation qui élargit la masse critique et les tentations de repli sur soi. Il y a eu aussi l'évocation des taxes d'écolage et les entrechats qui l'on entourée.

Ces dossiers n'ont pas pu être traités aussi efficacement qu'ils auraient dû l'être. Rarement on a pu voir une direction de l'université dirigeant et progressant selon un programme clairement contrôlé. Dans le traitement de ces dossiers, il apparaît des faiblesses de direction et un flou de management. Que l'on me comprenne bien. Cela n'a rien à voir avec les personnes en charge parfaitement compétentes.

Mais l'organisation de cette grande entreprise qu'est l'université avec ses 3 000 enseignants et ses 12 000 étudiants ne s'est pas adaptée aux exigences du nombre et à l'évolution des organigrammes.

Il nous paraît nécessaire, dès lors, puisque c'est la loi et que ce Grand Conseil en tient les clés, de rénover le système de direction de l'université pour lui donner les moyens de se gérer, de gérer son autonomie et aussi de gérer ses lourdes responsabilités.

Sans doute, le projet de loi que nous vous proposons n'est pas complet. Il ne guérira pas tous les maux d'un coup. Ce n'est pas son but qui est précis et limité. Il redresse - sans mettre sens dessus dessous la loi sur l'instruction publique et son secteur qui concerne l'université - un aspect qui devrait, par effet de domino, permettre d'en redresser d'autres. Laissez-moi, en terminant, vous indiquer brièvement les trois outils proposés dans le projet de loi.

Tout d'abord, un recteur fort. Dans le projet de loi que nous vous soumettons, un seul objectif est visé : le renforcement de la direction, à savoir le renforcement du rectorat. Un exemple vous illustrera le problème. C'est aujourd'hui le collège du recteur et des doyens qui est en charge du budget et de la politique générale de l'université.

Le recteur, c'est normal : il est le directeur général de l'université. Les doyens, eux, sont les directeurs des différents grands services et c'est normal qu'ils soient consultés par le recteur dans ses tâches, en plus de la gestion de leur faculté.

Ce qui est anormal, c'est que, sur les douze voix de ce collège, le recteur dispose de cinq et les doyens de sept. Un comité de direction où les chefs de service peuvent mettre en minorité leur directeur est une erreur. Nous vous proposons de la corriger.

Deuxième outil : le conseil académique. Face à un pouvoir renforcé du recteur, il est nécessaire d'établir un contre-pouvoir qui équilibre la structure. Nous l'avons conçu comme un conseil où seront représentés les milieux universitaires en égalité avec les milieux de la Cité. Dix personnes de qualité, présidées par un «chancelier» choisi par le Conseil d'Etat. Ce conseil partagerait avec le recteur les fonctions budgétaires et de politique à long terme.

Enfin, troisième outil, troisième objectif : il s'agit d'un projet suisse. L'école d'architecture a été un moment de grande déconvenue, pour des raisons fédérales en partie, mais aussi parce que ce ne sont pas des recteurs, disposant des moyens nécessaires, qui ont négocié. Ce projet de loi ne peut rester genevois seulement. Il est discuté avec d'autres universités déjà en Suisse car, à l'évidence, un seul recteur fort ne pourra pas faire avancer les dossiers de coordination, de régionalisation et de spécialisation qui assureront une meilleure qualité d'enseignement et de recherche et qui permettront de la réaliser à moindres coûts.

Voilà, en quelques mots, le projet que nous vous soumettons et que nous souhaitons voir renvoyé à la commission de l'université.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je ne suis pas membre de la commission de l'université, mais vous me permettrez d'intervenir en toute liberté dans cette discussion. Après tout, nous sommes en débat de préconsultation et ce type de débat est fait pour que nous nous éclairions mutuellement.

J'ai le sentiment que ce projet manque d'une vision d'ensemble. Il se focalise, pour réformer l'université, sur la seule réforme des structures de décision, sans tenir compte d'une philosophie générale.

Je comprends bien, Messieurs les députés, que vous déposiez un tel projet de loi. D'une part, la «maison université» est devenue une grosse chose de plus en plus difficile à mener et à gérer et, d'autre part, le recteur est trop faible pour pouvoir mener des réformes. Il se heurte à des champs de corporatisme conservateurs.

Le besoin de dire où est le pouvoir et par qui il est exercé existe donc. Le besoin existe de définir un centre de décision et de clarifier les rôles. Le besoin existe enfin de passer d'une sorte de gestion militante de l'université à quelque chose d'un peu plus professionnel.

Messieurs, votre projet ne s'inscrit pas dans l'absolu, dans l'abstrait. Il n'est pas une idée posée sur une branche comme un oiseau ! Votre projet, s'il est accepté, s'inscrira dans un contexte précis : celui d'un processus d'autonomie de l'université, actuellement en cours.

La commission des finances a accepté d'octroyer par étape à l'université un système d'enveloppe budgétaire globale. Ce système permettra au Conseil d'Etat et au Grand Conseil de n'agir qu'au niveau de l'enveloppe. C'est un tremplin formidable pour gérer l'université comme une banque. Cette réforme, assortie de celle que vous proposez, c'est-à-dire du renforcement du rectorat, appuyé par une sorte de conseil d'administration qui comprendrait des gens de la société civile - comme à l'aéroport ou à la Banque cantonale - pourrait conduire à ce que la politique de formation universitaire et les objectifs qu'elle poursuit ne se situent plus dans le cadre d'une politique de formation générale et échappent aux regards des élus, c'est-à-dire de la collectivité dans son ensemble.

Il est curieux d'ailleurs de constater que le Conseil fédéral a pensé différemment avec la loi sur les hautes écoles spécialisées. M. Delamuraz et le Conseil fédéral n'ont pas misé sur l'autonomie mais, au contraire, sur la soumission. Ils ont jugé que les hautes écoles spécialisées avaient une mission extrêmement importante à remplir sur le plan de l'intérêt général et ils n'ont pas laissé l'iceberg s'éloigner de la banquise. Au contraire, ils l'ont retenu en faisant fonctionner, de manière étroite, ces hautes écoles spécialisées dans le cadre des structures du Département fédéral de l'économie publique.

Vous conviendrez avec moi que, quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir sur ce point, ce n'est pas un point de détail. Les auteurs du projet de loi proposent d'ailleurs une solution pour renforcer le pouvoir d'intervention du département de l'instruction publique. Ils proposent de donner au Conseil d'Etat la compétence de nommer le recteur. Mais, à notre avis, cette solution n'est pas très pertinente dans la problématique qui est la nôtre ce soir. Après tout, il est possible que le recteur soit le fidèle porte-parole du Conseil d'Etat et défende la politique de formation voulue par les élus que nous sommes et par le Conseil d'Etat. Mais, plus probablement, la situation d'un recteur qui ne serait pas en accord avec l'institution qu'il est censé diriger serait vite intenable et, très probablement, soit le Conseil d'Etat se bornera à confirmer le choix de l'institution, soit le recteur aura des propensions d'indépendance à l'égard du pouvoir politique.

Par conséquent, la solution que vous proposez n'est, à notre sens, pas une véritable réponse au problème des liens entre le pouvoir politique et le pouvoir universitaire. Je voudrais à ce stade évoquer la loi sur l'université que nous avons adoptée il y a quelques années et qui, elle, propose une autre solution, à notre sens, plus élégante, plus démocratique, plus conviviale.

Au travers de cette loi, un véritable contrat de confiance avait été établi entre, d'une part, le département de l'instruction publique et le Grand Conseil et, d'autre part, l'université. Ce contrat portait sur des objectifs généraux, en l'occurrence des objectifs de réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes.

On peut très bien imaginer étendre cette pratique de contrats de confiance entre une institution, telle l'université, et les élus que nous sommes à d'autres domaines d'intérêt général comme, par exemple, les priorités budgétaires ou l'accès des élèves à la formation. Cela se fait dans d'autres pays et nous pourrions y réfléchir. Je souhaite terminer en remerciant tout de même les auteurs du projet de loi de l'avoir déposé, puisque cela nous permettra d'entrer dans la discussion sur la réforme de l'université. L'université n'est pas une planète à part. Il faut la réformer.

M. Jacques Boesch (AdG). Nous avons reçu ce projet de loi et je vous avoue qu'il nous a laissés pour le moins perplexes. Nous avons bien saisi la portée de ce projet qui prône, en fait, la réorganisation complète de l'université. L'exposé des motifs dépeint une situation des plus difficile, de sombres perspectives pour ce haut lieu genevois de formation et de recherche. Nous ne sommes pas loin de partager ce constat, mais pas forcément sur la base de la même analyse. Bien entendu, nous ne préconiserons pas forcément les mêmes solutions.

Je vois d'abord un premier problème : c'est cette invitation de trois députés de la majorité qui tombe pratiquement en même temps que la prise de fonctions de Mme Martine Brunschwig Graf. Qu'est-ce que cela signifie ? (Manifestation de certains députés.) Je me pose vraiment la question. Est-ce une non-confiance envers la conseillère d'Etat qui vient de prendre ses fonctions. Elle a commencé par un audit et l'audition du rectorat qui ont mis en évidence toute une série de problèmes ? Est-ce que vous ressentez la nécessité de «squeezer» l'initiative du Conseil d'Etat en la matière ? C'est une question que je me pose et que l'on pourrait se poser en raison de ce dépôt immédiat.

Quant à moi, je pense que nous venons de commencer un travail en commission parlementaire. Je crois que Mme Brunschwig Graf a commencé aussi ses consultations. Je me réjouis de connaître ses projets pour que nous puissions vraiment en débattre.

Le deuxième problème qui me semble être posé est que vous visez un renforcement de l'autonomie et un accroissement du pouvoir de gestion et de négociation. Je me pose aussi la question de savoir si, au jour d'aujourd'hui, l'autonomie de l'université est autant remise en cause et si l'université est tellement mal gérée et n'arrive plus à négocier qu'il soit nécessaire de la mettre aux soins intensifs. Si un tel constat est reconnu, alors je crois que ce n'est pas la «réformette» que vous proposez qui est adaptée.

Je constate un troisième problème. Depuis quelques années nous avons infligé à l'université toute une série de réformes et de «réformettes». Va-t'on continuer longtemps ce petit jeu ou ne conviendrait-il pas de débattre réellement aujourd'hui, en début de législature, de l'organisation et de la mission de l'université ? En fonction de ce qui se dégagera, par un processus de concertation, il faudra déterminer, une fois de plus, la mission de l'université, son organisation, et ensuite seulement il faudra légiférer. Je crois donc qu'il aurait mieux valu, Messieurs Lombard, Schaller et Kunz, proposer une motion, la renvoyer en commission, en débattre de manière que, sur les points fondamentaux, nous puissions nous mettre d'accord, puis légiférer.

Nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet de loi en commission - de toute façon, nous ne pouvons pas le faire ! - et ce sera pour nous l'occasion de poser toute une série de questions.

Le quatrième problème qui me préoccupe est, si j'en crois un article paru dans «La Suisse», que le recteur n'a pas du tout l'air d'accord avec votre projet. J'y vois une contradiction avec le fait que l'université est l'objet de toute une série de débats et qu'un certain nombre de politiciens soutiennent l'une ou l'autre tendance, violant par là même quelque peu cette autonomie. Je crois qu'il faut absolument que le débat se fasse au sein de l'université, qu'une majorité se dégage, qu'elle engage des négociations, voire une confrontation, avec le pouvoir politique et que des solutions législatives soient trouvées.

Toujours est-il que je me réjouis de pouvoir discuter maintenant d'une gestion démocratique ouverte et efficace de l'université et non pas d'un modèle importé et calqué sur l'université. Je me réjouis de débattre de l'autonomie de l'université et de l'interaction de celle-ci avec la Cité. Je me réjouis de débattre du contrôle budgétaire possible à l'intérieur de l'université et de l'adaptation de celle-ci aux contraintes économiques actuelles. Je crois que cela ne pourra se faire que par la concertation et non pas par l'application d'un modèle extérieur sur l'université.

M. Pierre Kunz (R). J'ai un peu le sentiment qu'à gauche Mme Calmy-Rey et M. Boesch, lorsqu'ils lisent un texte de loi, s'attachent beaucoup trop à la lettre et pas assez à l'esprit. Quel est l'esprit qui a été voulu par les trois auteurs du projet de loi ?

Partout il faudra restaurer et développer l'esprit de leadership qui, seul, peut faire obstacle à la dérive technocratique. C'est ce que Michel Crozier écrivait au sujet de ce qu'il considère comme la nécessaire réforme de l'Etat. Il est évident que l'université ne fait pas exception.

Lorsque l'on parle avec les étudiants comme lorsque l'on écoute le corps professoral ou le rectorat, on comprend vite que l'université, dans sa structure actuelle, n'est pas prête à affronter les défis qui l'attendent en cette fin de siècle. Ces défis concernent notamment sa capacité à conserver son niveau d'excellence, l'accroissement du nombre d'étudiants, la coopération intercantonale, la recherche pluridisciplinaire, la collaboration avec le secteur privé. Ces défis sont manifestement alourdis par les difficultés financières auxquelles l'université ne manquera pas d'être toujours plus confrontée.

Cette université est donc face à la nécessité de repenser sa structure et son organisation et de se réformer. Mais cette réforme, seule l'université, elle-même, peut efficacement la mener à bien. Il lui revient de trouver en elle-même les solutions aux problèmes d'efficacité et de productivité que cette fin de siècle - je l'ai déjà dit - lui apporte.

On ne saurait concevoir le succès de cette démarche réformatrice sans qu'au préalable cette université se soit dotée de ce que l'on pourrait appeler un management moderne. Pour que l'université puisse accomplir son indispensable transformation, il faut qu'elle soit munie d'organes décisionnels et de responsabilité à la hauteur des enjeux. Il faut que ces organes dirigeants soient en mesure de mobiliser les forces et les talents qui constituent l'université. Il faut également que cette université, par conséquent, dispose d'une autonomie renforcée et de pouvoirs plus étendus en matière de gestion et de négociation. C'est à cela que tend ce projet de loi, et les radicaux sont, par conséquent, favorables à son renvoi en commission.

Mme Marlène Dupraz (AdG). Sans entrer dans les détails - comme je n'ai pas participé aux travaux de la commission de l'université - toujours est-il qu'en regardant le schéma qui nous est soumis nous pouvons constater que le conseil académique reçoit plus de compétences; il est donc renforcé. Il a surtout pour rôle d'encadrer le rectorat. Toujours d'après ce schéma, nous constatons que le conseil de l'université se trouvera dans une position où il pourra seulement faire des propositions et ne jouera pas de rôle moteur.

C'est tout de même inquiétant parce que nous avons vingt ans de retard par rapport à la France ou à d'autres pays. Heureusement pour nous, ces vingt ans de retard nous les avons gagnés ailleurs.

En renforçant le contrôle du rectorat, en faisant intervenir les partenaires et les acteurs économiques directement par le conseil académique, j'ai l'impression qu'on veut contrôler toutes les activités de l'université. En outre, on voudrait mettre au pas l'université pour qu'elle réponde prioritairement aux besoins de l'économie. C'est à partir de ce sentiment que je dirais que ce projet de loi mérite d'être renvoyé en commission. Mais j'aimerais tout de même exprimer là l'inquiétude d'une population qui craint également, dans l'avenir, un numerus clausus dû justement aux pressions et au forcing exercés sur certaines disciplines laissant en sursis d'autres. Malheureusement, on a vu, aux Etats-Unis comme en France, sacrifiées beaucoup de disciplines qualifiées non rentables pour l'industrie, non rentables pour l'économie. Finalement, ce sera un déficit intellectuel, un déficit scientifique parce que la seule préoccupation sera la rentabilité. J'ai l'impression que l'intention de ce projet de loi vise précisément ce contrôle pour la rentabilité.

Mme Claire Chalut (AdG). J'entends M. Kunz parler de leadership, de management. Je m'interroge aussi sur le problème d'une université orientée selon la volonté de l'économie et soumise à ses exigences. Je me demande également si, tôt ou tard, on ne regrettera pas cette ouverture vers laquelle l'université doit former les esprits. Elle ne doit pas seulement former au management, à la technologie, parce que la vie n'est pas uniquement composée de ces éléments. Il y a sûrement d'autres choses dont on ne doit pas faire abstraction.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je souhaite simplement rassurer M. Boesch. Je ne peux pas supporter l'idée qu'il puisse être inquiet à cause de moi sur un point aussi simple ! (Quelques rires.) Non, Monsieur Boesch, je ne ressens pas le dépôt de projets de lois, d'où qu'ils viennent, même s'ils surviennent assez rapidement après ma nomination, comme une marque de défiance. Je vous le dis à vous comme je le dis d'ailleurs à tous les députés présents dans cette salle.

Cela dit, pour répondre à un souci légitimement évoqué, je suis certaine que la commission de l'université fera son travail jusqu'au bout, à savoir qu'elle entendra très certainement l'université. Elle aura donc la possibilité de discuter avec l'université et d'en évaluer les opinions et les intentions. Le sujet, tel qu'il est abordé, est un souci évoqué aussi dans d'autres universités - vous l'avez constaté dans la presse, vous l'avez aussi certainement entendu - et qui n'échappe donc pas à notre institution. Il est vraisemblable que l'université vous fera part de ses réflexions et de ses propositions. Vous pourrez donc en débattre en commission.

Mise aux voix, cette motion est renvoyée à la commission de l'université.

 

P 1015-A
10. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition relative à M. Pierre Vanek. ( -)P1015
Rapport de Mme Liliane Charrière Urben (S), commission des pétitions

En date du 20 décembre 1993 la commission des pétitions a pris connaissance d'une pétition adressée au Grand Conseil en date du 3 décembre 1993 par les parents d'élèves de la classe de M. Pierre Vanek. Recouvert de 51 signatures, ce texte a la teneur suivante:

«Nous avons appris, en date du 4 novembre 1993, la démission de M. Pierre Vanek, maître de classe de nos enfants.

Sans nous prononcer sur l'aspect politique et juridique de la question, nous sommes préoccupés par l'avenir scolaire de nos enfants qu'une telle démission pourrait perturber si elle venait à être appliquée dans le courant d'une année scolaire. En conséquence, nous vous adressons cette pétition afin de vous demander d'intervenir auprès du département de l'instruction publique afin qu'il autorise M. Vanek à assumer, comme il le souhaite du reste, son rôle de maître de classe et ce jusqu'à la fin de l'année scolaire 1993-1994.

Nous vous l'adressons avec d'autant plus de conviction que nous avons pu constater que ses engagements personnels ne perturbent en rien son mandat d'enseignant et que nos enfants apprécient le climat que M. Vanek a su créer par ses compétences pédagogiques et ses qualités humaines.

En vous remerciant par avance de l'attention que vous porterez à cette pétition, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.

Les parents des élèves de 5P de M. P. Vanek

et des enseignants de l'école de Geisendorf.»

1. Les faits

Instituteur à l'école primaire de Geisendorf, M. Pierre Vanek dirige une classe de 5e primaire. Ses élèves, au nombre de 18, sont, en moyenne, âgés de 10 ans. Tous les parents ont signé la pétition.

Aux élections d'octobre dernier, M. Vanek a été élu député de l'Alliance de gauche. Fonctionnaire de l'Etat de Genève, il tombe sous le coup de l'incompatibilité prévue par la loi genevoise et il s'est vu contraint de démissionner immédiatement de sa charge d'instituteur. Lecture a d'ailleurs été donnée au Grand Conseil de cette décision, qui a été acceptée et prend effet le 28 février 1994.

Compte tenu des vacances scolaires, M. Vanek devrait donc prendre congé de ses élèves le 18 février prochain.

2. Discussion

Vu les délais extrêmement courts, la commission devra renoncer à entendre des pétitionnaires. Pour les mêmes raisons, elle choisit de traiter elle-même cette pétition plutôt que de la renvoyer à celle du règlement.

Il ressort nettement de la dicussion que c'est l'intérêt des enfants qui est en jeu, notamment leur jeune âge - 10 ans - et non la situation personnelle de M. Vanek.

Chacun sait les liens qui se tissent au cours du temps entre élèves et maîtres. Chaque classe a son caractère propre, ses habitudes, son ambiance, qui font qu'elle est différente de celle d'à côté ou d'une autre volée, du fait de la personnalité des élèves et du maître. Dans le cas particulier les relations sont excellentes, les compétences et qualités de l'instituteur sont reconnues, ainsi que le précise l'inspectrice de la circonscription avec qui la rapporteuse a eu un contact.

On peut donc comprendre que les parents redoutent une rupture dans la scolarité de leurs enfants par un changement de maître. A ce propos une commissaire cite sa propre expérience: l'année où son institutrice primaire dut s'absenter plusieurs mois fut la plus mauvaise de sa carrière scolaire. Plusieurs commissaires s'expriment dans le même sens. Si de telles situations se produisent parfois, elles ne vont pas sans créer des difficultés: adaptation à une nouvelle personne, programmes et activités antérieures inconnues du nouveau maître, etc.

Pour les quatre mois qui conduiront ces élèves à la fin de l'année scolaire, le département de l'instruction publique, en ce cas la Direction de l'enseignement primaire, devra chercher un nouvel enseignant. Dans de tels cas, on recourt la plupart du temps à du personnel non fonctionnarisé.

Dès lors la meilleure solution se dessine tout naturellement: faire appel à M. Vanek - non plus en tant que fonctionnaire puisqu'il a régulièrement démissionné mais avec un contrat temporaire - pour qu'il assure la bonne marche de sa classe jusqu'à fin juin. Une solution judicieuse où toutes les parties trouveraient leur compte:

- les enfants, qui termineraient leur année scolaire harmonieusement, sans rupture;

- les parents, rassurés, pour les mêmes raisons;

- l'administration, qui n'aurait pas à rechercher et mettre au courant un autre enseignant;

- la loi, respectée, puisque le nouvel engagement de M. Vanek n'aurait qu'un caractère temporaire sans rien de commun avec celui d'un fonctionnaire.

Sur ce dernier point, on rappelle une situation - sinon identique, du moins comparable - où tel professeur de la scolarité postobligatoire, frappé d'incompatibilité par suite d'une élection à une charge publique, s'est vu octroyé sans difficulté une dérogation à son statut de fonctionnaire lui permettant de poursuivre son enseignement jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours.

Ce qui est proposé par la commission est plus modeste. Il s'agit ici de préserver pour les enfants une fin d'année harmonieuse, avec un maître qu'ils connaissent bien et dont l'administration scolaire est tout à fait satisfaite.

Consulté, M. Vanek accepterait cette solution. De leurs côtés, il semble que tant la direction de l'enseignement primaire que l'inspectrice de la circonscription n'y verraient que des avantages. Il en va de même pour le corps enseignant de l'école de Geisendorf.

Conclusions

Vu l'âge des enfants, vu la brièveté des délais, la commission des pétitions à l'unanimité, à 6 voix pour 4 abstentions, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il (le département de l'instruction publique) consente à M. Vanek un contrat de suppléance pour les mois de mars à juin 1994.

Débat

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. Lorsque nous avons reçu cette pétition, soyez bien certains que nous n'avons eu qu'un souci en tête, celui de l'intérêt des enfants. Je vous rappelle que cette pétition est adressée par des parents qui s'inquiètent de la perturbation que subiront ou subiraient leurs enfants au cas où ils devraient terminer l'année avec un autre enseignant que celui qui dirige leur classe actuellement.

Bien sûr, il s'agit d'enfants jeunes, dix ans en moyenne, d'enfants dont la langue maternelle, pour la plupart d'entre eux, n'est pas le français. Cela signifie que l'enseignement qu'ils reçoivent doit être adapté à chacun. Il est arrivé, en d'autres occasions - certains le diront, alors autant les précéder - de devoir changer d'enseignant en cours d'année dans certaines classes. C'est ce qui arrive en cas de maladie, d'accident ou, bien sûr, de maternité. Dans ces cas-là, on est bien obligé de recourir à un remplaçant pour pouvoir continuer la classe jusqu'à la fin de l'année, le titulaire étant devenu indisponible.

Pour ce qui est de la pétition en elle-même, vous constaterez qu'elle est apparue à la commission en date du 20 décembre et que la brièveté du délai imparti nous a obligés à travailler rapidement. En effet, par respect pour les pétitionnaires et pour les enfants, nous ne pouvions discuter plus longtemps, ni renvoyer cette pétition à d'autres instances puisque, comme vous avez pu le constater, ce changement éventuel de maître interviendrait à la fin du mois de février. Mais, en réalité, compte tenu des vacances scolaires, c'est à partir du 18 février qu'une décision doit intervenir. Il était donc inutile de s'enliser dans de longues discussions pour aboutir à une solution qui aurait été caduque, vu le dépassement des délais.

Il nous est donc apparu que cette classe, de toute façon, à partir du mois de février serait conduite par quelqu'un d'autre que par le fonctionnaire qui s'en occupe actuellement. Il fallait donc chercher un remplaçant. Dès lors, quelle solution plus facile, plus simple et plus intelligente que de demander à celui qui a démissionné de son poste de prendre lui-même un remplacement. J'aimerais indiquer immédiatement à ce sujet que la situation personnelle de M. Vanek ne nous intéresse pas. Ce n'est pas le sujet de la pétition. Les parents d'élèves sont soucieux que leurs enfants ne soient pas perturbés sans se préoccuper du statut de fonctionnaire ou non de M. Vanek.

Il est bien évident que lorsqu'on a affaire à des élèves de 10 ans, il faut prendre un certain nombre de précautions, et je voudrais rappeler à ce Conseil que dans d'autres circonstances on s'est montré beaucoup plus souples à propos d'élèves qui avaient sept, huit ou dix ans de plus que ceux-ci.

Enfin, en ce qui concerne l'incompatibilité - je pense que le débat va porter dessus, bien que ce ne soit pas le sujet - je tiens à rappeler que tant la constitution, dans son article 73, que le règlement du Grand Conseil, dans son article 21, parlent d'un traitement et indiquent que le mandat de député est incompatible avec toute fonction publique à laquelle est attribué un traitement permanent de l'Etat. Or, il s'agit en l'occurrence de trouver un remplaçant qui assume et qui dirige une classe pendant quatre mois, soit du 1er mars au 30 juin. Il ne s'agit en aucun cas d'un contrat qui aurait un caractère permanent puisqu'il a un début et une fin.

Je vous invite donc à rejoindre les conclusions de la commission des pétitions et à renvoyer ce dossier au Conseil d'Etat pour qu'il prenne rapidement une décision.

M. Bénédict Fontanet (PDC). J'ai du respect pour M. Vanek qui, en l'occurrence, a fait l'automne passé un choix courageux qui n'a pas été celui des autres élus qui se sont trouvés dans la même situation.

Cela étant, notre Grand Conseil a déjà tranché cette question d'incompatibilité, et quoi qu'en dise la rapporteuse, ou la rapporteure... (M. Bénédict Fontanet appuie sur la dernière syllabe.) ...le débat sur ce sujet subsiste et subsiste bien. On nous demande à travers cette pétition, malgré ce que vous nous avez dit, Madame, de revenir indirectement sur la décision prise par ce Grand Conseil. Il n'y a en l'espèce aucune raison de le faire.

M. Vanek, lorsqu'il s'est porté sur une liste au Grand Conseil, a pris ses responsabilités, il les a prises vis-à-vis de sa famille, vis-à-vis de son employeur et aussi vis-à-vis de ses élèves. Lorsqu'il s'est maintenu sur cette même liste, alors que le peuple de Genève avait décidé que les fonctionnaires devaient rester incompatibles à une large majorité, il a encore une fois pris ses responsabilités, notamment vis-à-vis de ses élèves, et lorsqu'il a décidé de démissionner de ses fonctions d'enseignant pour pouvoir continuer à siéger dans ce Grand Conseil il a encore pris ses responsabilités ! Je ne doute pas que M. Vanek soit un bon enseignant et qu'il soit indispensable à ses élèves, mais il ne l'est pas plus que d'autres enseignants qui peuvent être empêchés, malades, ou des enseignantes qui s'absentent pour raison de maternité pendant plusieurs mois. Il est vrai que M. Vanek aurait de la peine à accoucher, je vous le concède bien volontiers ! (Rires.)

M. Michel Balestra. Quoique ! (Grand éclat de rires.)

M. Bénédict Fontanet. Force nous est de constater que les parents des élèves ne nous inondent pas de pétitions dans ces cas d'absence.

Plus sérieusement, notre Grand Conseil a pris une décision sur le cas Vanek. La pétition qui a été adressée à notre Grand Conseil est un moyen certes détourné et sympathique de revenir sur la décision prise. Nous sommes au premier chef, comme élus genevois, les gardiens de notre constitution cantonale que nous avons interprétée d'une certaine manière. On ne prend pas des accommodements avec la constitution, on la respecte ! C'est dans le respect des décisions prises que je vous inviterai à bien vouloir déposer la pétition dont nous sommes saisis sur le bureau du Grand Conseil, contrairement aux conclusions de la commission.

M. Jean-François Courvoisier (S). Le plus élémentaire bon sens voudrait que l'intérêt des élèves passe avant l'application d'un règlement dont la valeur est plus ou moins discutable. Quelles que soient nos opinions politiques, nous devons admettre que l'intérêt des élèves est que M. Vanek puisse continuer son enseignement jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il nous faut donc répondre favorablement à l'appel de ces parents d'élèves.

M. Pierre Vanek (AdG). J'ai le droit de dire que je ne vais pas prendre la parole ! On a entendu M. Opériol et M. Lescaze sur ce sujet. Effectivement, en fonction de l'article 24 du règlement, je n'interviendrai pas sur cette pétition. Je voudrais simplement rectifier un point de détail factuel dans le rapport, si vous me le permettez.

M. Claude Blanc. Bien sûr !

M. Pierre Vanek. Merci ! (Rires.)

Dans l'exposé des faits, mon congé prend effet au 28 février - c'est une question de rapport avec mon employeur - et j'ai effectivement déposé un recours par les voies administratives et juridiques ad hoc pour que le délai de congé soit prolongé jusqu'à la fin de l'année. Ce n'est pas à ce Grand Conseil de se prononcer là-dessus, mais je tenais à apporter cette information. Cette affaire suivra son cours devant les instances prévues à cet effet.

J'aimerais dire - cela ne concerne pas la pétition - que nous avions convenu hier, lors de l'adoption de l'ordre du jour des séances du Grand Conseil, d'évoquer à ce point-ci de l'ordre du jour le cas de l'incompatibilité supposée de la fonction occupée par notre ancienne collègue Mme Sabine Haupt Secretan. Je me permettrai donc, sur ce point et après que la question de la pétition ait été réglée, d'intervenir sur le fond.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre groupe soutiendra le rapport sur la pétition pour toutes les raisons invoquées par Mme Charrière Urben et non pas à titre personnel pour M. Vanek.

Je vous ai demandé hier, au moment de la correspondance, de pouvoir intervenir à ce point de l'ordre du jour au sujet de la situation de Mme Haupt Secretan étant donné les similitudes.

Je vous rappelle brièvement que Mme Haupt Secretan a été élue en même temps que nous tous et qu'elle n'avait pas d'emploi à ce moment-là. Il lui a été proposé ensuite un emploi de cinq mois comme maître-assistant à l'université, poste qu'elle a accepté. Suite à cela, le département de l'instruction publique lui a demandé de démissionner de son poste de députée. Ceci a eu lieu pendant les vacances de Noël, ce qui fait que personne n'a pu intervenir en sa faveur.

Elle vous a écrit une deuxième lettre dans laquelle elle pose deux questions. Je me permets de les reprendre à mon nom.

Première question. Le Grand Conseil suit-il l'interprétation du département de l'instruction publique de l'article 21, chapitre 4, du règlement du Grand Conseil en disant que l'incompatibilité d'un mandat de député avec un traitement permanent de l'Etat concerne même un remplacement d'une durée limitée à cinq mois ? Je me suis permis de chercher la définition du mot «permanent» dans le dictionnaire qui est à notre disposition. Permanent : «qui dure sans discontinuer ni changer, qui ne cesse pas, qui exerce une activité continuelle.».

Deuxième question. Quelle est, selon l'avis du Grand Conseil, l'instance compétente pour statuer sur cette question ? L'incompatibilité doit-elle être la préoccupation de l'Etat employeur, en l'occurrence le DIP, ou plutôt celle du Grand Conseil, auteur du règlement cité ? Dans cette situation, le DIP n'a-t-il pas outrepassé ses compétences ? Il est très important que le Grand Conseil réponde à ces questions, et je dois dire qu'après avoir entendu certaines interventions hier dans cette enceinte, le fait que la fonction d'enseignant soit incompatible avec un mandat de député m'a laissée quelque peu songeuse.

Le président. Madame la députée, vous avez effectivement demandé, lors de la rédaction de l'ordre du jour ou de sa correction d'hier, à ce que vous puissiez mentionner la lettre de Mme Sabine Haupt Secretan. Je n'ai pas pu vous empêcher de le faire, c'est déjà fait ! Je vous demanderai maintenant d'appliquer l'article 103, alinéa 2, qui précise qu'un député, appuyé par neuf collègues, ce dont on vous a dispensée, peut demander la lecture d'une lettre. Aucun débat ne peut être ouvert à la suite de cette lecture. Nous continuons le débat sur la pétition 1015 et le rapport de Mme Liliane Charrière Urben.

M. Michel Halpérin (L). Je pense que la pétition qui nous est soumise est un bel hommage rendu par les parents d'élèves à leur enseignant. Il faut donc le féliciter d'avoir suscité cette affection et ce soutien. Ce n'est pas souvent le cas et je crois que M. Fontanet avait raison de rappeler qu'il est d'autres enseignants qui sont contraints, par les nécessités de la vie, d'interrompre leur enseignement au cours d'une année scolaire et peut-être pour des périodes prolongées sans que cela suscite nécessairement le même élan. Je pense que la différence ne tient pas au fait que les unes accouchent et les autres pas, mais peut-être au fait que les uns sont des enseignants particulièrement émérites. Je vous félicite, Monsieur Vanek !

Cela dit, la pétition qui nous est soumise ne manque pas de singularités, outre celle de quelques débordements à notre ordre du jour. D'abord, je voudrais partager une curiosité arithmétique qui vous aura sans doute tous frappés. On nous dit que cette pétition, qui émane des parents d'élèves, est signée par 51 d'entre eux. Je crois me souvenir que la plupart des enfants, sauf les orphelins, bien sûr, ont deux parents. Or, il y a dix-huit élèves dans cette classe et je me demande si la classe de M. Vanek n'a pas la particularité d'avoir des enfants qui ont trois parents. Je trouve cela sympathique. (Rires.)

Plus concrètement, il y a une deuxième singularité formelle dans cette pétition. On nous explique aujourd'hui, et dans le texte, qu'elle présente une urgence telle qu'il a fallu violer nos procédures. Je me demande s'il est véritablement convenable, à propos d'un sujet comme celui-ci, de traiter cette affaire comme si elle était d'Etat et que l'ébranlement de nos institutions justifiait un régime tel puisque nous avons une commission des pétitions qui a tout simplement ignoré l'article 224 du règlement du Grand Conseil, lequel prévoit l'obligation de soumettre à la commission des droits politiques et du règlement ce type de texte. On nous explique qu'on n'a pas eu le temps de le faire, ce qui, à mon sens, n'est pas tout à fait convaincant, s'agissant d'un texte aussi clairement contraignant que l'article 224.

Pour ce qui est du fond du débat, je ne sais pas à vrai dire s'il s'agit ou non de venir au secours de M. Vanek ou des élèves de M. Vanek, mais je pense que notre responsabilité est de nous poser les questions telles qu'elles se posent. Le Grand Conseil n'a pas vocation à intervenir directement sur la gestion des classes, même de l'enseignement primaire. En revanche, il a certainement vocation à faire respecter un certain nombre de textes qui ont été rappelés tout à l'heure par le rapporteur de ce débat, l'article 73 de la constitution, l'article 21 de notre règlement et je ne voudrais pas que nous entrions aujourd'hui - cela semble être l'impression que nous finirons par donner - dans une tentation de contourner avec habileté et un peu d'astuce les textes qui nous sont soumis. Il y a longtemps que la gauche ne prétend pas avoir le monopole du coeur, mais la voilà qui prétend ne plus avoir même celui de la morale et nous en sommes tout estomaqués parce qu'il va falloir que nous nous y mettions. (Remarques et commentaires. M. Halpérin hausse le ton.) Comment comprendre une proposition qui consiste à nous dire en substance : appelons les choses autrement qu'elles ne sont pour leur donner une autre définition. Ce n'est pas un traitement permanent parce que c'est une fonction temporaire. Soyons sérieux ! C'est un peu comme si les conseillers d'Etat entrant en fonction nous disaient qu'en vertu de l'article 106 de la constitution ils n'ont que six mois pour entrer dans la fonction magistrale et qu'ils nous en demandaient sept ou six et demi. Nous éclaterions de rire en constatant que la loi est violée.

Autre exemple très simple qui a été cité par M. Vanek tout à l'heure. L'article 24 de notre règlement récemment adopté dit, si j'ai bonne mémoire, que les députés qui, pour eux-mêmes, leurs ascendants, descendants, frères, soeurs, conjoints ou alliés au même degré, ont un intérêt personnel direct n'interviennent ni ne votent. J'ai observé hier, sur d'autres débats, que sur une intervention où il n'y avait pas de rapport de parenté le choc d'immoralité ou de peu d'éthique a été ressenti par quelques-uns d'entre vous. Ne pensez-vous pas que l'on pourrait imaginer - même à tort - qu'une intervention de ce genre au terme de laquelle on donnerait un mandat provisoire pour faire durer celui qui est permanent puisse être interprétée de cette façon ?

Pour revenir sur le cas de M. Vanek, on a vu dans la presse qu'il était déjà l'objet d'un soutien très actif d'un certain nombre d'enseignants qui pensent qu'il est le représentant des enseignants au Grand Conseil. Que viendrait-on dire si les architectes se mettaient à payer les architectes qui siègent au Grand Conseil comme un de leur représentant, ou les avocats ou d'autres ? (Contestation sur les bancs de la gauche.) (Rires de toutes parts.) Vous pouvez huer si c'est l'essentiel de votre argumentaire, n'empêche que nous étions habitués de votre part à un souci de rigueur qui aujourd'hui vous fait un peu défaut.

Enfin, j'en viens à l'interprétation des textes proprement dits. Lorsque l'article sur l'incompatibilité dit que le mandat de député est incompatible avec une fonction qui entraîne un traitement permanent de l'Etat, on parle du moment où le député entre en fonction. Alors il est possible - je n'en sais rien - que la question posée tout à l'heure par Mme Bugnon soit pertinente, mais elle est hors du sujet. J'observe que la question de la compatibilité ou non se posait à M. Vanek il y a quelques mois lorsqu'il a été élu. C'est à cette époque que son traitement était permanent ou pas. Transformer aujourd'hui un traitement permanent en traitement supplétif ou provisoire c'est ne pas répondre à la vraie question qui est celle-ci : un député peut-il entrer en fonction lorsqu'il est au bénéfice d'un traitement permanent ? La réponse est claire. Elle est négative puisque le règlement nous fait une obligation de démissionner nous-mêmes celui qui n'aurait pas fait le choix de sa fonction rémunérée ou de sa fonction éligible. En conséquence de quoi la situation ici est très simple. A l'heure où il est entré en fonction au Grand Conseil, M. Vanek avait un traitement permanent. On ne peut pas aujourd'hui le transformer en autre chose, parce que la question se posait il y a quatre mois. Il a donné une réponse que nous connaissons.

Avec le regret de faire de la peine aux élèves de M. Vanek, nous devons déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil

Mme Claire Torracinta-Pache (S). J'ai vraiment l'impression que si nous n'entreprenons pas rapidement l'étude de modifications législatives ou constitutionnelles nous n'aurons bientôt plus, dans ce Grand Conseil, que des indépendants de profession libérale, des retraités ou des députés entretenus par leur conjoint comme c'est mon cas. (Rires de l'assemblée.) Je ne pense pas qu'ils puissent prétendre représenter l'intégralité de la population genevoise. Il est clair que nous n'allons pas relancer le débat de l'automne dernier à ce sujet, mais notre groupe voudrait vraiment, à l'occasion de cette pétition, Monsieur le président, que l'on reparle du problème de fond. M. Halpérin vient de l'aborder. Notre groupe voudrait s'insurger contre cette situation qu'il juge peu démocratique puisqu'elle crée deux catégories de citoyens : ceux qui sont éligibles et les autres.

Une voix. Le peuple a voté !

Mme Claire Torracinta-Pache. Ceux qui ne sont pas éligibles sont malheureusement de plus en plus nombreux, et on vient d'en avoir un exemple tout récent avec celui de Mme Haupt Secretan. Cela est d'autant plus choquant, je suis navrée Monsieur Halpérin, si l'on considère que siègent ici même des députés qui sont directement concernés par des sujets qu'on y traite, des députés qui n'hésitent pas à participer aux discussions, que ce soit en séance publique, en commission ou à huis clos et qui défendent par là même leurs intérêts professionnels ou privés.

Maintenant, pour en revenir à l'article 73, je crois qu'en ce qui concerne le cas de Mme Haupt Secretan, et on est obligé d'y faire allusion aujourd'hui suite à sa lettre, nous avons la preuve de l'application aberrante que l'on peut en faire. Nous devrions donc, je le pense, envisager de le modifier. En effet, si nous pouvons assimiler un remplacement temporaire de cinq mois, avec un salaire et un travail limité à cinq mois, à une fonction publique à laquelle est lié un traitement permanent de l'Etat, excusez-moi, je ne suis pas une éminente juriste, je ne produis pas d'avis de droit, mais cela me choque.

Sur la forme, Monsieur le président, vous ne m'empêcherez pas de poser quelques questions à Mme Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique, au sujet de la procédure appliquée à Mme Haupt Secretan. Je le fais en tant que députée et je pense que j'ai le droit de m'exprimer à ce sujet dans cette enceinte.

Madame la présidente, était-il du seul ressort de l'administration de mettre Mme Haupt Secretan en demeure de choisir entre son mandat de députée et le poste qui lui était proposé ? En l'occurrence j'ai cru comprendre que c'était à l'instigation d'un haut fonctionnaire. Ou bien, étant donné que c'était une application limite de l'article 73 dans le cas précis, n'aurait-on pas dû spontanément en saisir la commission des droits politiques ou celle de vérification des pouvoirs ? Dans mon esprit, cela n'est pas très clair, et j'aurais souhaité profiter de cette occasion pour obtenir des explications.

Quant au rapport de la commission des pétitions tel que vous l'a présenté Mme Charrière Urben, notre groupe le soutiendra et je vous engage à en faire autant.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Votre réaction m'incite à intervenir à nouveau ! Il me semble que vous n'avez pas compris le sens de mon intervention. En effet, j'ai dit que je reprenais à mon compte les deux questions posées dans la lettre de Mme Haupt Secretan.

Le président. Faites-le en la forme, Madame ! Déposez une demande d'interpellation.

Mme Fabienne Bugnon. (Coupant la parole au président et en haussant le ton.) Vous m'avez déjà empêchée de parler de Creys-Malville, je commence à croire que c'est un parti pris ! (Contestation de certains mais bravos des autres.) Je pense que j'ai le droit de poser deux questions. Si quelqu'un dans ce Grand Conseil souhaite y répondre...

Le président. Posez vos questions, Madame, revenez au sujet !

Mme Fabienne Bugnon. (Sans laisser finir le président et sur un ton excédé.) Je les ai posées et j'attends une réponse. Je ne vois pas pour quel motif vous vous opposeriez au fait que nous posions des questions et qu'on nous y réponde !

M. Gilles Godinat (AdG). Je serai très bref. Je ne vais me faire le défenseur ici de Pierre Vanek, ce n'est pas mon rôle.

Le problème de l'incompatibilité est un problème politique grave. Nous estimons que le peuple a voté avec égarement... (L'assemblée éclate de rire.) (M. Godinat hausse le ton.) Nous nous battrons contre cette incompatibilité et nous avons de bons arguments pour cela ! (M. Godinat hausse encore le ton pour se faire entendre.) Cette bataille n'est pas terminée ! Cela dit, dans la situation précise qui nous concerne actuellement, Monsieur Halpérin, au sujet des 51 signatures, je tiens à préciser qu'il s'agit des parents de chaque élève de la classe, plus les enseignants collaborateurs de M. Vanek dans son école. (Aahh de satisfaction.) Il n'y a pas de secret dans cette affaire. Par solidarité, des enseignants proches de lui ont appuyé la pétition des parents.

Nous estimons qu'il n'y a pas de contournement de la loi avec astuce. Il y a un problème qui est posé, effectivement, parce que le statut de M. Vanek change. Alors, voulez-vous rester dans la logique d'un traitement permanent ou voulez-vous accepter que le statut de remplaçant pose le problème de l'incompatibilité ? C'est sur cette question qu'il faut se prononcer.

M. Pierre Meyll (AdG). Je ne vais pas ouvrir le débat sur l'incompatibilité. S'il le faut, j'ai suffisamment de dossiers, puisque l'on ne connaît jamais mieux le problème que lorsqu'on en est soi-même la victime. J'aimerais simplement vous lire deux pages, très courtes. (L'assemblée conteste.) Cela sera beaucoup plus court que le discours de M. Halpérin, soyez sans crainte !

Je vous citerai déjà le rapport 42 paru en 1982, et en date du 10 septembre 1966, une déclaration de M. Robert Ducret qui, depuis lors, a tout de même obtenu de hautes fonctions cantonales et nationales. Voici ce qu'il disait : «Quant au problème du choix qui évidemment est un argument de poids, il est évident qu'un comptable, qu'un architecte qui désire faire de la politique peut choisir l'Etat ou le domaine privé. Mais que fait-on d'une vocation d'instituteur ? Ce ne sont pas les quelques écoles privées qui peuvent accueillir tous les enseignants qui veulent faire de la politique. Allons-nous nous priver automatiquement et définitivement de tous ceux qui ont une vocation d'enseignant, d'instituteur dans la fonction de député ?». Voilà ce que disait Robert Ducret le 10 septembre 1966. Je laisserai de côté la décision du Tribunal fédéral à mon endroit et la manière dont il fustigeait l'attitude du Grand Conseil.

Je voudrais encore vous lire un tout petit paragraphe de la lettre que j'ai reçue personnellement le 23 mars 1990 de M. Michel Jacquet, alors président du Grand Conseil. Je vous le cite in extenso : «Au mois de décembre passé, le Bureau vous a autorisé oralement à prolonger votre temps d'enseignant au CEPIA jusqu'à fin juin. Afin d'éviter toute ambiguïté, le Bureau tient à préciser que cette autorisation exceptionnelle vous est accordée pour ne pas perturber vos élèves et qu'en aucun cas une possibilité de reprise quelconque d'enseignement public de votre part, au-delà de la date limite du 30 juin, ne vous sera octroyée. En vous remerciant. Bons baisers ! Michel Jacquet.». (Rires.) M. Vaissade a reçu une lettre circonstanciée à peu près semblable, si ce n'est qu'il y avait une séparation dans le genre de classe.

Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas prolonger la date jusqu'au 30 juin pour M. Vanek. Il me semble qu'une décision du département de l'instruction publique dans ce sens apaiserait une situation qui, à mon avis, n'est pas équitable.

M. Bernard Clerc (AdG). J'ai participé à la séance de la commission des pétitions en tant que remplaçant, lorsque le sujet a été abordé. Dans cette séance, j'ai constaté que le centre de la discussion était bien la situation des élèves de la classe de M. Vanek. Cette discussion a été tout à fait correcte, ouverte, et elle a eu le mérite de tenir compte de l'intérêt des élèves. Il semble que, depuis le rapport de la commission des pétitions, les troupes aient été reprises en mains.

Je voudrais faire un certain nombre de remarques à ce sujet. Parlons d'incompatibilité. L'intervention de Me Halpérin, hier, portait sur un sujet qui le touchait très directement sur le plan professionnel. Pourtant il ne s'est pas gêné pour intervenir. C'est une démonstration tout à fait évidente de ce qui se passe dans ce parlement. Un certain nombre de députés sont là non seulement pour défendre des options politiques, mais aussi pour défendre un certain nombre d'intérêts personnels, notamment économiques. (Des remarques fusent.)

J'aimerais dire, par ailleurs, que la comparaison, faite par M. Fontanet, avec les congés de maternité me paraît vraiment - excusez-moi de vous le dire - stupide ! Que je sache, vous n'avez pas encore prise, Monsieur Fontanet, sur le fait que des enseignantes sont enceintes, accouchent et ont un congé de maternité. Je le souhaite en tout cas ! Par contre, il me paraît évident que ce Grand Conseil a la possibilité d'accepter les conclusions de la commission des pétitions et, par conséquent, de permettre aux enfants de cette école de ne pas subir un changement d'enseignant en cours d'année.

Je remarque également qu'un certain nombre d'intervenants ont rendu hommage à M. Vanek. Permettez-moi de vous dire que je trouve que c'est un peu de la mélasse pour éviter de poser le vrai débat de fond, je veux parler du sort des élèves.

Des voix. Oohh !

Une voix. Démagogie !

Une autre voix. Scandale !

M. Bernard Clerc. Et je constate, d'ailleurs, que vous avez la même attitude sur d'autres objets. Lorsque nous avons discuté tout à l'heure du Bon Secours, vous avez «sorti» un certain nombre d'arguments, mais le fond de votre position c'est que vous avez une majorité automatique, que vous voulez l'appliquer de manière systématique, sans vous préoccuper des arguments avancés.

M. John Dupraz. C'est d'la démocratie !

M. Bernard Clerc. Ce n'est pas de la démocratie, c'est du vote automatique !

J'espère simplement, pour terminer... (Aahh de satisfaction.) Rassurez-vous ! Vous voulez que j'utilise les dix minutes ?

Je souhaite donc que les personnes tant soit peu raisonnables, qui ont, en l'occurence, compris l'enjeu qui n'est pas celui des incompatibilités, mais bel et bien le changement d'un professeur à la tête d'une classe, seront assez autonomes pour voter sans tenir compte des mots d'ordre de leur parti.

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. J'ai déjà entendu quelques réponses à mes questions. Je dirais quand même à M. Halpérin qu'il n'était pas difficile de lire que la pétition est signée par les parents des élèves de 5ème P de M. Vanek et les enseignants de l'école de Geisendorf.

Quelque chose m'échappe tout de même. Il me semble que l'on pourrait dire de cette situation : deux poids deux mesures !

M. Meyll vient d'évoquer ce qui lui était arrivé personnellement et la prolongation de son contrat par égard envers ses élèves. Il y a eu d'autres cas semblables. Sauf erreur - vous me corrigerez si je me trompe - on avait accordé, alors qu'il s'agissait d'un traitement permanent, la même dérogation à M. Vaissade dont les élèves avaient 19 ans. On a accordé, ici même, la même dérogation à Mme Luscher, pour un temps à peu près équivalent à la prolongation demandée par M. Vanek.

Cela dit, j'aimerais avoir une précision de français. Lorsque l'on parle de traitement «permanent», que l'on prenne le Grand Larousse ou le Petit Robert, la définition est la suivante : «qui dure sans intermittence ni changement, qui ne cesse pas.». Par contre, on trouve à provisoire : «qui n'existe ou ne se fait que pour un temps, s'il s'agit d'une personne qui exerce une fonction pour un temps limité.». Il s'agit bien en l'occurrence d'un temps limité puisqu'il est de quatre mois et non de cinq mois comme il l'a été dit. Je vous pose donc la question suivante. En matière de langue, même si je ne suis pas experte en linguistique, et de loin pas, faut-il croire les dictionnaires ou faut-il éditer un glossaire particulier à l'usage des députés de ce Grand Conseil ? Moi, j'aurais plutôt tendance à penser que permanent veut dire : qui dure; c'est ce que l'on indique dans plusieurs ouvrages de qualité.

Dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit plus d'un traitement permanent. Nous sommes bien d'accord, M. Vanek devait démissionner; il l'a fait et la pétition le mentionne tout à fait clairement. Il faut apporter à ces élèves une qualité d'enseignement pour la fin de l'année scolaire en cours. Pourquoi traiter différemment des élèves de 9 ou 10 ans et des enfants de 19 ans, qui sont d'ailleurs des adultes. Pour moi, c'est la représentation même de l'expression : «deux poids, deux mesures». J'ai entendu que les congés de maternité n'engendraient pas tant d'histoires. Détrompez-vous, lorsqu'il s'agit d'une maternité, cela se sait longtemps à l'avance... (Rires.)

M. John Dupraz. Ils annoncent la procréation ? (Rires.)

Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. Oui, Monsieur, nous annonçons trois ou quatre mois à l'avance... (Les rires redoublent.) Je préfère ne pas entrer en matière sur la réflexion de M. Dupraz, car je ne voudrais pas tomber si bas que lui !

Lorsqu'une collègue envisage de prendre un congé de maternité, elle doit l'annoncer suffisamment tôt de façon que le remplacement puisse être organisé tranquillement. L'enseignant remplaçant peut ainsi prendre des contacts et organiser une transition agréable pour les élèves. Evidemment, dans les cas de maladie ou d'accident, ces mesures ne peuvent malheureusement pas être prises.

Cela dit, Monsieur Fontanet, je voudrais vous préciser que des pétitions de parents circulent pour exprimer leurs regrets lorsqu'il y a des remplacements en milieu d'année. Je ne veux pas violer de secret professionnel, mais je vous assure qu'il arrive - peut-être pas toutes les fois, je vous l'accorde volontiers - que des parents soient assez déçus, voire fâchés, d'un changement d'enseignant en cours d'année.

Dans le cas particulier, une solution que je qualifierai d'élégante pourrait permettre aux élèves de garder leur maître jusqu'à la fin de l'année. Encore une fois, je vous le répète, il ne s'agit pas du cas personnel de M. Vanek.

En ce qui concerne l'incompatibilité et l'interprétation que l'on veut bien donner aux termes «permanent» et «provisoire», j'aimerais bien que l'on me dise si le Grand Conseil se met au-dessus des interprétations données par l'Académie française.

M. Max Schneider (Ve). J'interviens en tant qu'indépendant et je m'adresse à tous les autres indépendants ici présents. Leur mandat de député au Grand Conseil ne les empêche pas de recevoir des mandats de l'Etat. Vous faites un certain travail en commission et en plénière, Mesdames et Messieurs les indépendants, et nous pouvons penser que vous essayez de le faire au mieux et que vous êtes objectifs. Si cela n'était pas le cas et si vous pensez qu'il est choquant qu'un enseignant qui a été élu député puisse terminer un travail commencé, quelque chose pourrait aussi nous choquer. Je suis toujours surpris de voir des mandats attribués à des bureaux d'ingénieurs, à des architectes qui font partie de commissions, à des bureaux de relations publiques ou à des études d'avocats qui viennent défendre leurs clients, en plénière dans ce Grand Conseil, notamment en matière de circulation ! C'est la même chose pour les entreprises de transports, n'est-ce pas, qui sont ici très fortement représentées et, en plus, dans la commission des transports où elles ont un poste important !

Des voix. Des noms, des noms !

M. Max Schneider. Alors, que ces gens qui reçoivent des mandats de l'Etat veuillent, en plus, «sortir» un enseignant parce que cela les gêne, me semble parfaitement inconvenant ! J'aimerais que la tolérance soit équilibrée, autant avec ces indépendants qu'avec mon cher ami Pierre Vanek, et qu'il puisse terminer son année.

Je regrette que Sabine, notre chère collègue Sabine, soit partie de ce Grand Conseil. En effet, elle aurait pu se battre, et Mme Brunschwig Graf aurait certainement été très compréhensive à son égard. Elle lui aurait accordé un délai de cinq mois. Ce n'est pas un travail permanent ! Mais, malheureusement, certains hauts fonctionnaires se prennent probablement un peu trop au sérieux et ils ont dû se tromper ! Des délégués d'entreprises de construction dans le domaine du bétonnage de Genève sont également représentés dans les commissions. Ils ont beaucoup de poids et ce sont eux qui, ce soir aussi, vont influencer le vote. Je leur demande donc d'être eux aussi plus compréhensifs.

Il ne faut pas non plus oublier les agriculteurs et les vignerons.

Des voix. Aahh ! (Exclamations et rires.)

M. Max Schneider. En commission de l'agriculture et de l'environnement, lors de la dernière législature, ces derniers nous ont beaucoup apporté en nous montrant les réalités et les difficultés rencontrées dans leur domaine, ce qui est positif pour faire évoluer les situations. Ce sont des députés comme nous tous. Nous ne leur avons jamais fait de reproches. Nous leur avons même demandé, en commission, d'atténuer leurs positions. Nous avons trouvé un consensus et ces députés ont pu terminer leur législature en apportant quelque chose de positif à ce Grand Conseil.

Pour Sabine, c'est trop tard, mais pour Pierre, je souhaite, comme le demande l'excellent rapport de la commission des pétitions, qu'on lui laisse terminer cette période pour éviter de perturber ces enfants. Soyez un peu compréhensifs, Mesdames et Messieurs les indépendants, et acceptez donc cette pétition !

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je suis très surpris par l'intervention de M. Godinat. En effet, il parle d'égarement du peuple par rapport au problème des incompatibilités ! J'espère, Monsieur, que notre présence ici, en tout cas la mienne, n'est pas le fruit d'un égarement ! (Rires.) J'ose espérer que tel n'est pas le cas ! Mais, enfin, le peuple a tranché; il s'est penché sur la question et a décidé que les fonctionnaires sont incompatibles avec la fonction de député. Le débat est plus vaste et la situation à Genève n'est peut-être pas tout à fait satisfaisante, mais je crois que le verdict du peuple a été tellement sec et sonnant qu'il serait plutôt curieux de revenir aussi rapidement sur sa volonté.

Monsieur Clerc, vous disiez que mes arguments étaient stupides. Alors, il faut penser que le peuple qui nous a suivis dans cette affaire a fait montre du même manque de clairvoyance qui a été le nôtre lorsque nous nous sommes opposés à la modification de la constitution l'été passé !

Enfin, je constate aussi - puisqu'on faisait le parallèle avec les enseignantes qui accouchent - que M. Vanek a largement eu le temps de la gestation, Madame... (Rires.) En effet, nous avons constitué nos listes au Grand Conseil au printemps de l'année passée, il y a donc de cela plus de neuf mois... et, par voie de conséquence, M. Vanek a largement eu le temps de savoir s'il voulait ou non se présenter à ce Grand Conseil et en assumer toutes les conséquences.

Plus sérieusement, il y a peut-être eu des précédents et les textes n'ont pas toujours été tout à fait respectés. Je rappelle tout de même que la constitution du canton de Genève a été voulue et votée par les citoyens de ce canton, et que notre premier devoir de législateur est de nous y conformer. Si nous ne le faisons pas, le Tribunal fédéral peut nous rappeler à nos devoirs. Par conséquent, l'article de notre constitution est clair, une décision a été prise, et je persiste à penser qu'en faisant droit à cette pétition nous irions à l'encontre d'une décision prise voici quelques mois maintenant et à l'encontre de la constitution dont il est notre premier devoir de la respecter.

C'est pour cela que je vous demanderai, non pas par manque de respect envers ces parents d'élèves, non pas par manque de tendresse envers ces élèves en question, de bien vouloir déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Chaïm Nissim (Ve). Vous savez que je suis un député de l'Alternative qui essaye toujours d'écouter avec le plus de coeur et d'ouverture possibles les arguments d'en face pour tenter de jeter un pont entre vos propos et les nôtres. Ce soir, j'ai une fois de plus essayé d'ouvrir mon coeur, mais je n'ai rien entendu d'intéressant dans vos arguments. Un seul pourrait éventuellement retenir mon attention. En effet, Mme Brunschwig Graf me l'a donné hier soir, ce n'était pas en public, c'était en privé...

Toute l'assemblée en choeur. Ooohhh ! Aaahhh ! (Sourires en coin.)

M. Chaïm Nissim. Elle m'a dit que cette loi sur l'incompatibilité des fonctionnaires avait une portée philosophique. Le statut du fonctionnaire n'aurait-il pas une incompatibilité avec le mandat de député ? En effet, celui-ci entraîne toute une série de protections contre les licenciements, protections salariales, etc. et, dans ce sens, il est vrai qu'il existe une différence existentielle et philosophique entre le statut du fonctionnaire et le statut d'un indépendant, d'un architecte, ou d'un avocat. C'est vraiment le seul argument que je trouve valable.

Je vous signale, entre parenthèses, que la loi ne concerne pas le cas de Pierre Vanek, ni celui de Sabine Haupt Secretan, puisqu'ils ne sont plus ni l'un ni l'autre fonctionnaires. Pierre Vanek a démissionné et Sabine a juste accepté un remplacement. Cette loi sur l'incompatibilité est stupide. Il n'y a pas d'autre mot. Elle est exclusive et idiote. Nous en sommes tous conscients. La meilleure preuve est que l'on sait qu'elle doit et qu'elle va changer malgré ce que le peuple a voté il y a une année. Nous savons tous qu'il existe un projet de loi du parti radical pour ne réserver le statut d'incompatibilité qu'aux seuls hauts fonctionnaires, ce qui serait tout à fait logique. Par contre, ce n'est pas logique pour un instituteur.

En plus d'être stupide, Mesdames et Messieurs de la droite, cette loi est cruelle. Pourquoi empêcher ces enfants de garder leur «prof» avec lequel ils ont développé un rapport de confiance ? Alors, je suis désolé, mais malgré toute l'ouverture d'esprit que je manifeste à votre égard, je vous dis que vous ne m'avez vraiment pas convaincu ce soir !

Le président. Je ne peux pas céder la parole à M. Pierre Vanek dont le nom est explicitement mentionné à la page 4 des conclusions de la commission des pétitions. C'est contraire à l'article 24 du règlement qui prévoit qu'une personne directement concernée dans ses intérêts ne peut prendre part à la discussion, ni voter.

Mme Marlène Dupraz (AdG). Après tout ce que j'ai entendu, c'est vrai que ce Grand Conseil présente une image un peu insolite.

Ce que disait Mme Torracinta-Pache, en effet - sans entrer dans les méandres de la législation sur l'instruction publique ou dans d'autres domaines - est juste; il faut reconnaître qu'il est grand temps que nous remaniions la législation pour l'adapter aux réalités pratiques ! M. Halpérin parlait d'incompatibilité. Je crois que ce problème a été longuement soulevé dans ce Grand Conseil.

J'ai pu entendre à tout bout de champ, dans certaines commissions, comme par exemple celle de l'aménagement, qu'il faut assouplir les lois. Alors, j'ai l'impression, Mesdames et Messieurs d'en face, que vous assouplissez lorsque cela vous est commode. Vous parlez de libéralisation et de démantèlement lorsque cela vous arrange, mais lorsqu'il faut répondre aux besoins sociaux, alors là, vous réagissez différemment. Vous avez deux langages. La libéralisation et l'assouplissement lorsque cela avantage vos entreprises. D'ailleurs - je vous le dis en guise d'anecdote - j'ai pu constater qu'il y a des coups de tête et de sombres mouvements d'humeur, n'est-ce pas, lorsque les travaux d'adjudication ne sont pas encore attribués aux entrepreneurs ! En matière d'incompatibilité, nous pouvons également trouver que les choses sont loin d'être conformes, puisque vous comptez dans vos rangs beaucoup d'architectes qui font partie des commissions. Cela a été longuement évoqué, aussi je ne reviendrai pas sur ce sujet.

Le but de cette pétition est de tenir compte de l'intérêt des enfants afin qu'ils puissent étudier tranquillement et dans l'épanouissement. Je pense que cette pétition n'a pas d'autre ambition que celle de permettre aux enfants et aux parents d'avoir une certaine quiétude. L'année se termine dans peu de mois et le Grand Conseil, lui, peut - c'est le fait du prince - accorder ces quelques mois à M. Vanek, non pas pour M. Vanek, comme cela a déjà été souligné à maintes reprises, mais pour permettre à ces enfants de mener leurs études dans la quiétude et dans un cursus tout à fait normal.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Nous avons entendu beaucoup d'arguments juridiques. Permettez à une députée qui passe un certain nombre d'heures par jour et par semaine au métier de mère de famille de s'exprimer et de redescendre le débat un peu plus «au ras des pâquerettes».

Une voix. Ça va pas être difficile !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Comment les parents apprennent-ils à connaître les enseignants de leurs enfants ? En général, c'est au travers des qualificatifs, pas toujours très élogieux, utilisés par les enfants qui ont un certain penchant à la critique. L'opinion des parents se construit sur cette base, mais aussi, bien sûr, à travers un certain nombre de contacts avec l'enseignant en question. Si tous les parents ont signé cette pétition, c'est qu'ils souhaitent vraiment que l'enseignant de leurs enfants puisse poursuivre sa classe jusqu'à la fin de l'année.

Vous avez évoqué le cas des congés de maternité. Malheureusement, M. Fontanet n'est plus là ! Il est vrai qu'un changement d'enseignant en cours d'année peut ne pas poser trop de problèmes à un certain nombre d'enfants, mais cela peut aussi, pour ceux qui sont sur la «tangente», provoquer de graves difficultés. Il est évident qu'il n'y a pas de moyen de remédier à une absence due à un cas de maternité, mais cela n'est pas une raison pour ne pas éviter un changement lorsque cela est possible. J'appelle votre façon de faire le nivellement par le bas. Je crois savoir qu'un certain nombre de parents sont en colère lorsque leurs enfants ont des remplaçants, car cela les perturbe. Ils n'aiment pas cela et les enfants non plus ! Je suis sûre que vous y êtes sensibles en tant que parents.

Il faut aussi, dans ce contexte, penser aux enfants pour lesquels ce changement pourrait poser problème. Puisque nous avons la possibilité de l'éviter, accordons dès lors ces quatre malheureux mois à M. Vanek pour qu'il termine son année. Au nom de ces enfants, je crois que nous devons accepter cette solution.

Je voudrais encore citer la convention des droits de l'enfant que la Suisse est en train de ratifier. Visiblement, cela n'a pas l'air de beaucoup vous impressionner. C'est pourtant par là que nous devons passer si nous voulons avancer. L'enjeu de cette pétition, c'est aussi le respect que nous devons aux enfants, le respect de leurs droits et de leurs intérêts.

M. René Longet (S). Si on cherchait à faire la démonstration que notre règle sur les incompatibilités était absurde, je crois que nous sommes en train d'y parvenir. La discussion autour des cas de Mme Haupt Secretan et M. Vanek nous donne vraiment la preuve que quelque chose ne tourne pas rond !

Toutes les arguties juridiques nous montrent que le bon sens doit trouver sa place à la fois dans une règle que l'on doit pouvoir changer, et dans l'application de la règle qui existe. On ne peut tout de même pas constamment vivre dans l'absurde et constater, à chaque fois, que l'interprétation de ces règles crée des injustices flagrantes, des disparités de traitement et en rester là ! Il faut se demander le pourquoi de ces règles. Nous ne pouvons pas débattre pendant deux heures ici en disant que la loi est la loi, que le peuple a voté et que l'on ne peut rien changer, sans se demander si ces règles ont un sens ! Quel est leur sens ? Elles sont faites pour éviter la confusion des pouvoirs, mais trouvez-vous réellement qu'elles atteignent leur but ? Les règles qui existent répondent-elles au seul sens qu'il est possible de leur reconnaître ?

Prenons la séparation entre l'exécutif et le législatif. Pouvez-vous dire que cette séparation est bien faite par la règle actuellement en vigueur, qui a été confirmée au mois de juin dernier ? Quant à la séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, la démonstration est faite qu'elle n'existe pas !

En ce qui concerne les cas dont nous parlons, la fonction d'enseignant de M. Vanek, la fonction d'enseignante universitaire de Mme Haupt Secretan ont-elles véritablement quelque chose à voir avec l'exercice d'une parcelle de pouvoir exécutif dont il faudrait protéger ce Grand Conseil ? Chacun voit bien que c'est absurde ! Autant dire que nous espérons vivement que le parti radical acceptera de ressortir son projet des tiroirs. C'est la seule réponse possible, qui consiste à limiter les incompatibilités aux véritables problèmes de confusion entre les pouvoirs législatif et exécutif. Nous ne pouvons pas, effectivement, escamoter le problème que posent les hauts fonctionnaires qui détiennent une part de responsabilité exécutive. Mais, cessons cette discrimination pour ce qui est des enseignants et pour toute une série de fonctionnaires qui n'ont rien à voir avec le pouvoir exécutif ! Plusieurs milliers de personnes sont ainsi exclues des fonctions politiques et cela n'est pas normal.

Cette règle doit être changée et nous espérons que la solution du parti radical pourra trouver ici une majorité. Nous nous battrons ensemble pour la faire passer devant le peuple, pour que ces décisions aberrantes puissent être corrigées.

En ce qui concerne la séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir économique - M. Clerc et M. Schneider y ont fait allusion - à part l'article 24 du règlement cité, la récusation pour des cas de confusion d'intérêts directs, il n'y a aucune disposition, aucune restriction à la représentation de toutes sortes d'intérêts, légitimes ou pas, dans ce Grand Conseil. Cette disparité de traitement entre la représentation impossible des enseignants, par exemple de tous les fonctionnaires qui n'ont pas la moindre parcelle de pouvoir exécutif, et de tous ceux qui sont ici pour faire avancer un certain nombre de dossiers qui leur sont personnels et qui leur tiennent à coeur, car ils défendent leurs intérêts économiques, est de moins en moins supportable !

La moindre des choses à faire dans ce Grand Conseil - et nous nous y emploierons dans la mesure de nos moyens - est de faire régner la transparence dans ce domaine. J'étais très étonné d'apprendre, en rejoignant ce Grand Conseil, qu'aucune disposition de son règlement ne rendait obligatoire la transparence des intérêts. Eh bien, dans un certain nombre de parlements cantonaux et aux Chambres du Parlement fédéral, il est obligatoire d'indiquer les intérêts que l'on défend et chaque élu doit spécifier dans quel domaine il exerce son activité économique ou sociale. C'est bien la moindre des choses, et vous serez confrontés à des projets allant dans ce sens - le public a le droit de savoir pour qui on «roule» !

En attendant de pouvoir ainsi changer les règles, nous devons naturellement respecter le vote populaire, mais nous avons tout de même une certaine marge d'appréciation quant à l'interprétation de cet article sur les incompatibilités. Nous sommes juges de cette marge. Nous nous sommes élevés contre le fait que l'administration nous a privés de ce pouvoir dans le cas de notre ancienne collègue, Mme Haupt Secretan. Pour M. Vanek, nous pouvons exercer ce pouvoir et nous devons l'exercer. Alors, Mesdames et Messieurs, je vous le demande, exerçons cette marge d'interprétation pour limiter l'absurde ! C'est le moins que l'on puisse faire !

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Je ne vais pas allonger le débat et vous imposer des redites, puisque beaucoup d'intervenants ont pris la parole.

Je suis surpris d'un tel débat, par rapport à l'expérience que j'ai d'un parlement municipal, où on nous a toujours fait comprendre que l'exécutif est le patron des fonctionnaires tant sur le plan fédéral que cantonal. Ce soir, j'ai le sentiment que l'on ne veut pas laisser au Conseil d'Etat la responsabilité de cette décision. En votant les conclusions du rapport de la commission des pétitions, on veut essayer d'épargner le Conseil d'Etat ! On nous a dit, au cours des dernières élections, que l'on nommait un Conseil d'Etat responsable qui prendrait des décisions et, ce soir, vous voulez refuser à ce Conseil d'Etat de prendre des décisions, contrairement à ce que vous nous aviez annoncé ! Vous protégez la conseillère d'Etat. Mais de quoi avez-vous peur, puisqu'elle va prendre une décision concrète qui sera la sagesse même ! Si vous refusez les conclusions de la commission, cela veut dire que votre gouvernement n'est pas capable !

M. Jean-Pierre Rigotti (AdG). Je suis vraiment étonné. (Eclat de rires général car M. Rigotti insiste en disant : je suis vraiment z'étonné.) Pardon ! Excusez-moi, Madame la professeure cheffe ! Je suis vraiment étonné de l'étonnement de ceux d'en face qui prétendent que l'on ne respecte pas la loi en demandant, par le biais des conclusions de cette pétition, le prolongement de l'enseignement de M. Vanek jusqu'au mois de juin prochain, cela dans l'intérêt des enfants.

Je vous rappelle que, lors du premier débat sur les incompatibilités, vous avez refusé à Pierre Vanek de poursuivre son enseignement en raison de son statut de fonctionnaire, cela avec raison et conformément à la loi. Il a immédiatement proposé sa démission. Maintenant, celui-ci vous demande de prolonger son mandat afin de terminer l'année scolaire dans le seul intérêt des enfants.

C'est vrai que, pour certains, le débat est mené par un professeur de l'Alliance de gauche, que l'on voudrait bien voir ailleurs, car il dérange peut-être. Mais la qualité de son enseignement n'est nullement contestée par qui que ce soit. Il a toutes les références valables pour enseigner convenablement ce qu'il doit apprendre à des enfants de 10 ans.

Le rapport vous explique clairement que ce que nous vous demandons d'accepter est tout à fait légal, aussi je ne comprends pas votre réaction. Nous voulons simplement appliquer un règlement en vigueur. Des enseignants qui ne sont pas fonctionnaires peuvent, à un moment donné de l'année, effectuer un remplacement. On peut tout simplement imaginer que, tout en respectant la loi et en appliquant le règlement, le remplaçant Vanek peut, jusqu'à la fin juin prochain, remplacer le professeur Vanek démissionnaire. C'est tout ce que l'on vous demande ! Nous avons déjà connu des précédents ici. Cela a été le cas du député enseignant Vaissade à qui on a accordé l'autorisation de terminer son année. Cela a également été le cas du député enseignant Pierre Meyll dans le cadre de la formation professionnelle. Il l'a d'ailleurs expliqué et il a même lu la lettre du président libéral Jacquet l'autorisant à terminer son enseignement jusqu'à la fin de l'année scolaire !

Alors, ce n'est pas compliqué ! Vous dites que l'on ne respecte pas la loi, ce qui est faux, puisque Pierre Vanek a démissionné. C'est vous qui ne respectez pas le règlement qui autorise un remplaçant non fonctionnaire - qui n'est donc plus ou pas nommé - de pouvoir effectuer un remplacement ! Le débat que vous refusez, par bassesse politicarde, et dont vous vous déchargez, parce que cela ne vous intéresse pas, c'est quand même la qualité de l'enseignement et le succès des enfants dans leur scolarité. Cela est plutôt inquiétant. En tout cas, moi, je m'inquiète beaucoup de votre refus et du scandale que vous faites autour de cette affaire ! En effet, nous vous avons fait une demande, au travers d'un excellent rapport qui respecte les lois et les règlements - la commission des pétitions s'est tout de même renseignée avant de rédiger ses conclusions - pour remplacer M. Vanek par lui-même en toute légalité.

Pour des sujets beaucoup plus graves, s'agissant des trafiquants d'armes que vous défendez, vous n'avez même pas la pudeur de vous taire ! (Quelques applaudissements sur les bancs de la gauche.)

M. Nicolas Brunschwig (L). Je regrette de devoir prolonger quelque peu ce débat, mais il me semble que celui-ci n'est pas axé sur le bon sujet.

En l'occurrence, nous avons une norme constitutionnelle qui est l'article 73. Nous avons eu un long débat lors de la législature précédente, au mois de juin 1993, sauf erreur de ma part, qui a été suivi par une votation populaire. C'était la quatrième ou la cinquième sur le même sujet. Je m'en rappelle particulièrement bien, car j'étais rapporteur sur ce projet. Or, nous retombons dans le même débat, certes personnalisé, car nous avons un cas concret dont nous discutons aujourd'hui, mais il me semble tout à fait déplacé !

Vous pensez - beaucoup l'ont exprimé, certains avec pudeur, d'autres, comme M. Godinat, avec plus d'accent révolutionnaire - que vous regrettez ce vote et que la population se trompe. Peut-être avez-vous raison ? A ce moment-là, lancez une nouvelle initiative et si vos arguments sont justes, vous séduirez très certainement la population et, dès lors, nous n'aurons plus à régler ce problème. Votre attitude d'aujourd'hui démontre le non-respect du choix extrêmement clair de la population, quoi que vous en disiez. Si, par contre, vous estimez que l'interprétation que nous donnons de cet article est fausse, alors vous devez utiliser les voies usuelles des recours juridiques - comme le fait M. Vanek - et les instances compétentes en la matière exprimeront leur décision. Le débat doit donc en rester là. Je ne pense pas qu'il soit légitime de mettre en avant la charte des enfants en supposant que ces derniers vont subir un traumatisme épouvantable parce qu'un enseignant va changer en cours d'année. Je regrette que Mme Reusse-Decrey utilise de telles argumentations.

M. Olivier Vaucher (L). J'ai écouté très attentivement tous ces débats dont la plupart, s'ils étaient non politiques, me toucheraient et me sensibiliseraient tout particulièrement.

Cependant, je souhaiterais que l'on ramène le problème à sa base. M. Vanek s'est-il inquiété de ses élèves lorsqu'en toute connaissance de cause il a accepté de figurer sur une liste au Grand Conseil alors qu'il savait pertinemment qu'il ne pouvait y siéger ? Ainsi donc, est-ce bien de l'intérêt des élèves dont on se préoccupe ce soir ?

M. Roger Beer (R). Je tiens à remercier M. Longet de me donner l'occasion de parler très brièvement du projet radical.

Tout d'abord, je voudrais rassurer Jean-Pierre Lyon pour lui dire que nous attendons, évidemment, du Conseil d'Etat nouvellement élu qu'il prenne des décisions dans le cadre de la loi et de la constitution, cela paraît évident. Mme Brunschwig Graf décidera de ce qu'elle voudra, mais dans la légalité. Monsieur Longet, le projet de loi radical n'est pas dans nos tiroirs, il est dans ceux de la commission et j'avoue que je suis presque reconnaissant à M. Vanek d'avoir permis de lui redonner une certaine actualité. En effet, paradoxalement, à la fin de la dernière législature, ce projet de loi radical que j'avais cosigné avec mes collègues, Mme Saudan, M. Dessimoz et M. Fontaine, qui n'est plus là aujourd'hui, était plutôt dérangeant.

En commission des droits politiques, on nous a trouvé tous les arguments possibles pour nous expliquer qu'il n'était pas possible de faire la distinction entre les fonctionnaires d'autorité et les fonctionnaires de prestation, les uns ne pouvant pas être élus et les autres pouvant siéger au Grand Conseil. Merci, donc, Monsieur Longet, de penser qu'il faudrait reprendre cette question. Il est inutile de redéposer un projet de loi, il est déjà à la commission des droits politiques. J'espère que vous ferez également en sorte qu'il ressorte des tiroirs de la commission pour être traité en plénière. Nous avons effectivement pu constater qu'un certain nombre de problèmes doivent être réglés. Nous ne pensons pas que notre projet apportera la solution idéale, mais il contient tout ce qu'il faut pour approfondir la question afin de la trouver, ce qui permettra à ce Grand Conseil d'être plus réaliste.

La «sortie» de je ne sais plus quel collègue député qui prétend que le peuple s'est trompé est inacceptable ! Vous êtes 21, ils sont 27, on est 56/44. Je ne sais pas où ils se sont trompés, mais visiblement pas partout ! (Rires.)

Une voix. Merci, merci, Roger !

M. Roger Beer. En fonction des différents arguments avancés ce soir, je dois vous avouer que la pétition que nous devons traiter ne nous laisse pas indifférents. Nous sommes tous sensibilisés aux problèmes liés aux enfants, et celui des remplacements des maîtres en particulier.

Je soutenais personnellement, avec Mme Calmy-Rey, la suppression des incompatibilités, mais toujours est-il que le peuple a tranché très nettement pour la troisième fois. En fonction de cela, il ne me semble pas possible d'entrer en matière sur cette pétition. Nous devons donc la refuser.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Il me semble que nous faisons preuve, ce soir, de beaucoup de rigorisme et que nous passons un temps considérable sur cette affaire.

Respecter l'incompatibilité des fonctionnaires votée par le peuple est juste, mais, dans le cas d'espèce, nous pourrions faire montre de clémence. (Contestation sur les bancs de la droite.) Je vous demande, Messieurs les avocats, si dans la pratique vous suivez les lois avec intransigeance ou si vous essayez de concilier des oppositions entre deux antagonistes. Nous avons fait des exceptions pour trois de nos collègues. Je pense que M. Vanek mérite votre bonté et votre mansuétude.

Pour ma part, je voterai le prolongement de son enseignement.

Une voix. Faux jeton !

M. Jean Spielmann (AdG). Par rapport au débat qui vient de s'ouvrir, il me semble qu'il faut apporter quelques éclaircissements.

Sur les bancs d'en face, il a été dit que la décision sur l'incompatibilité avait été prise et qu'il fallait la respecter. Il faut préciser que M. Vanek respecte totalement les décisions prises puisqu'il a démissionné. Il n'y a donc rien à redire sur ce plan. Il n'est donc pas juste de nous reprocher de vouloir revoir la question de la légitimité de l'incompatibilité.

Deuxième point. M. Vaucher a évoqué le fait que M. Vanek savait, en se présentant aux élections, qu'il ne pourrait pas siéger sans démissionner. Ce n'est pas exact. C'est une appréciation fausse de la loi. Elle prévoit des incompatibilités, mais la personne incompatible doit faire un choix entre son mandat et sa profession. Donc, cet argument n'est pas justifié. L'éventualité de l'incompatibilité est prévue dans la loi, et reconnaissez, en tout cas, qu'il est parfaitement légitime de le faire. La décision a été prise, puisque M. Vanek a démissionné. (Grand chahut. L'orateur hausse le ton pour se faire entendre. Rappel à l'ordre du président.)

Aujourd'hui, dans le cadre de nos discussions, ce n'est pas M. Vanek qui présente une demande, ce sont les parents d'élèves. Comme cela a très bien été exprimé par le rapporteur, c'est une question d'appréciation. Je crois que chacun de vous peut se rendre compte de l'importance de la décision prise par M. Vanek. Son choix est de respecter le vote du peuple sur l'incompatibilité. Il y a donc une parfaite cohérence dans son attitude, et je ne comprends pas l'esprit revanchard qui vous anime.

Le problème soulevé aujourd'hui est de savoir si, dans le cadre des décisions qui ont été prises, il est possible à M. Vanek de prolonger son mandat, avec les caractéristiques précisées par la rapporteuse. Il faut bien peser le pour et le contre. Cette pesée d'intérêts devrait vous engager à faire preuve d'un peu plus d'ouverture. Des précédents ont déjà eu lieu et ce serait faire preuve d'équité que d'accorder ce délai. J'ai quelques soucis et quelques inquiétudes par rapport à cette égalité de traitement à laquelle vous vous référez toujours.

Je m'adresse ici directement au président. Tout à l'heure, il a dit très fermement à M. Vanek qu'il ne pouvait pas intervenir en raison de l'article 24. M. Vanek lui a précisé qu'il ne parlerait pas de son cas personnel. Vous avez raison de rappeler la teneur de cet article à M. Vanek, mais ce rappel aurait plus de pertinence et de poids si vous agissiez de même quand vos amis politiques et les collègues de votre parti interviennent dans la défense de personnes impliquées dans des trafics d'armes aussi importants que celui de l'Iran Gate ! En agissant ainsi, vous seriez plus crédible, Monsieur le président !

Une voix. Bravo !

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. J'ai parfois l'impression que certains font montre d'un certain obscurantisme, continuant à faire comme si nous parlions du maintien d'un fonctionnaire nommé, alors qu'il ne s'agit absolument pas de cela.

Nous avons admis, et nous sommes d'accord qu'il était tout à fait normal et juste que M. Vanek en l'occurrence démissionne de son poste. Il l'a fait. Je pose la question aux juristes présents susceptibles de répondre : Quelle différence fait-on entre un statut permanent et un statut temporaire ?

Par ailleurs, je tiens à apporter une petite précision quant aux dérogations qui ont été accordées antérieurement. Elles ont été accordées dans des proportions beaucoup plus larges qu'il ne faudrait le faire dans le cas présent. Il s'agissait de dérogations à un statut de fonctionnaire, alors qu'ici il s'agit simplement de savoir si le législateur, lorsqu'il parle de traitement permanent, met tout dans le même paquet et considère que temporaire et permanent veulent dire la même chose. Nous imaginons le contraire.

Temporaire, dans le cas particulier, signifie qu'il s'agit d'un laps de temps relativement bref. Sans parler du cas de M. Vanek en particulier qui, en l'occurrence, m'indiffère passablement, je voudrais savoir si, à l'avenir, toute personne qui aurait l'occasion dans cette enceinte de faire un remplacement, de donner un cours ponctuel dans une université, dans une école ou dans un collège, se verrait ipso facto accusée d'incompatibilité. Cela m'étonnerait quand même que le législateur ait été aussi étroit d'esprit !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai été très touchée des tentatives de séduction de certains membres de l'Alternative.

Mais je crois qu'il faut revenir au fond du problème. Le Conseil d'Etat, le 24 novembre 1993, sous la signature de son président d'alors, a communiqué à M. Vanek qu'il fixait un délai de trois mois pour qu'il remette ses obligations, donc jusqu'au 28 février 1994. M. Vanek nous a dit lui-même, tout à l'heure, qu'il avait interjeté recours contre cette décision et qu'il était en attente de cette décision par l'instance judiciaire compétente. Dans le même temps, vous nous demandez - par le biais de cette pétition et par un contrat de suppléance - de dire à M. Vanek, qui n'est plus fonctionnaire, qu'il peut continuer son mandat, sans attendre la décision de l'instance compétente, détournant ainsi la décision que nous avions prise nous-mêmes. Ce sont les faits. M. Vanek a fait le choix d'interroger l'instance en question pour savoir comment statuer sur son cas. Il n'en saura jamais rien si nous prenons cette décision.

En deuxième lieu, je voudrais vous exprimer mon malaise en entendant à quel point on peut prendre, d'une certaine manière, les enfants en otage. Les congés, et notamment les cinquante-six congés accordés depuis le mois d'août dernier, sont des congés que vous appelleriez pour la plupart inéluctables. Ces congés ont les mêmes effets sur les enfants que celui dont on parle aujourd'hui. Ce n'est donc pas ce critère qu'il faut choisir. Il ne faut pas utiliser cette cause pour en plaider une autre.

En ce qui concerne l'incompatibilité, je voudrais que l'on apporte une rectification au rapport de Mme Charrière Urben. Madame, jusqu'au 31 décembre dernier, vous étiez donc fonctionnaire de mon département. A ce titre, je ne crois pas que vous puissiez faire état dans un rapport d'opinions de la direction de l'enseignement primaire. En effet, ces opinions interprétées et récoltées au gré de conversations ne sont pas des opinions qui ont été portées à la connaissance de la commission des pétitions. Telle n'est pas non plus l'opinion officielle de la direction de l'enseignement primaire s'agissant de la question que vous avez posée. Dès lors, je ne peux pas accepter qu'il soit fait état de cette opinion dans ce rapport étant donné qu'elle n'a jamais été donnée officiellement et que les questions posées étaient des questions que je qualifierais de questions pour le moins biaisées.

J'aimerais dire, pour terminer, que les discussions sur les incompatibilités ont été multiples et qu'elles resurgissent, comme l'a dit très justement tout à l'heure Mme Fabienne Bugnon, à une autre occasion. Cela vous montre bien quelle est la difficulté de prendre des décisions, s'agissant de députés ou de candidats députés qui, à un certain moment et en fonction de l'élection, se retrouvent dans une situation d'incompatibilité.

Dans le cas de Mme Haupt Secretan, il est vrai que la situation est particulièrement délicate à juger pour la simple raison que les choses se sont déroulées de la façon suivante.

Mme Haupt Secretan a en effet postulé pour un poste de maître-assistante pour cinq mois à l'université. Lorsque cette demande est arrivée auprès du fonctionnaire responsable de ces questions, il s'est demandé si ce poste allait rester un poste de suppléant ou s'il allait faire l'objet par la suite d'une demande de renouvellement et si l'on n'allait pas retomber justement dans le cas évoqué par ce Grand Conseil. Ce fonctionnaire a donc bloqué cette nomination.

Mme Secretan, le 5 janvier 1994, a téléphoné à ce fonctionnaire pour savoir ce qu'il en était. Il n'a jamais dit ni déclaré l'incompatibilité comme telle; il n'en avait pas le pouvoir et il ne l'a dès lors pas fait. Son pouvoir était uniquement un pouvoir de signature d'engagement qu'il soumettait au département de l'instruction publique. Mais il a dit ceci : Mme Haupt Secretan avait décidé, et ceci l'honore, de mettre volontairement fin à ses allocations de chômage, et, ce faisant, il est apparu dans la discussion qu'elle souhaitait véritablement, si cela était possible, non pas simplement un contrat de cinq mois comme celui qui lui était offert, mais un contrat permanent. C'est la raison pour laquelle ce fonctionnaire n'a pas voulu prendre le risque de signer à ce moment-là.

Mme Haupt Secretan a demandé conseil à ce fonctionnaire. Il m'en a d'ailleurs parlé. Connaissant sa position, elle lui a demandé ce qu'il ferait à sa place. La réponse de ce fonctionnaire a été : «Madame, je ne suis pas à votre place, mais compte tenu de ce que vous me dites, je choisirais plutôt d'assurer mon revenu principal que la voie politique, mais ce choix est éminemment personnel.».

C'est à la suite de cette discussion que Mme Haupt Secretan m'a adressé sa lettre de démission.

Je dirais que j'ai peut-être manqué là d'attention, car si j'avais relu sa lettre j'aurais compris quel malentendu risquait de survenir lorsqu'elle a parlé de décision du DIP. J'ai parlé à ce fonctionnaire. Il m'a confirmé qu'il était hésitant non pas sur la question des cinq mois mais, compte tenu de la situation de Mme Haupt Secretan, sur le fait que sa présence à l'université était plutôt une confirmation d'un engagement moins temporaire, comme elle le souhaitait. Il n'a donc pas voulu prendre ce risque. Il a mal fait, ou il a bien fait ! En tout état de cause, il n'a jamais pris de décision d'incompatibilité; il lui a seulement donné un avis. On peut discuter de son interprétation, mais on ne peut en tout cas pas dire de lui qu'il a outrepassé ses compétences. En effet, ses propos tenus sur un ton de conversation répondaient à une demande d'information. Le ton qu'il a employé n'était pas celui d'un fonctionnaire qui prend une décision administrative. Il n'a d'ailleurs jamais pris de décision.

Je tenais à vous donner ces informations pour répondre à vos questions, bien que M. le président du Grand Conseil n'ait pas souhaité que l'on aborde ce sujet.

En ce qui concerne la pétition, je vous demande instamment de la déposer sur le bureau du Grand Conseil pour toutes les raisons déjà avancées et pour permettre aussi, une fois pour toutes, à la justice de trancher. En effet, ces débats deviennent un peu vains. Cas après cas, nous devons savoir ce qui se produit par rapport à une incompatibilité dès lors que nous sommes en présence de personnes qui briguent un mandat, qu'il soit temporaire ou semi-temporaire, ou qu'elles souhaitent prolonger leur mandat jusqu'à un temps déterminé. Il serait sain qu'une décision juridique soit prononcée. Si vous ne déposez pas cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, je peux vous dire que vous n'aurez jamais la réponse juridique à cette question.

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. Je ne voudrais pas prolonger le débat, mais je tiens à m'exprimer à nouveau, puisque j'ai été interpellée personnellement.

Madame Brunschwig Graf, je tiens à vous dire que ce rapport n'est pas mon fait. Je l'ai lu à la commission avant qu'il ne soit déposé dans sa totalité. Bien entendu, mon brouillon a été remis à la secrétaire qui prenait le procès-verbal de la séance en question. Il est bien évident - j'espère que vous croyez à ma bonne foi - que je ne suis pas allée au bureau, ni au secrétariat du Grand Conseil pour faire modifier quoi que ce soit.

Quant aux conseils que j'ai pris, il faut effectivement opposer la parole de l'un à la parole de l'autre. De plus, pour ce qui concerne la dernière partie du dernier paragraphe avant les conclusions, je vous précise que si j'ai eu le plaisir, Madame, d'appartenir à votre département pendant quelque cinq ou six semaines, lorsque j'ai pris ces renseignements je n'étais plus fonctionnaire.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je demande l'appel nominal (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent les conclusions de la commission des pétitions et qui souhaitent que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat afin que le département de l'instruction publique consente à M. Vanek un contrat de suppléance pour les mois de mars à juin 1994 répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Les conclusions de la commission sont rejetées par 46 non contre 41 oui et 2 abstentions.

Ont voté non (46):

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Dominique Belli (R)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain Mauris (L)

Jean Montessuit (DC)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

Martine Roset (DC)

Françoise Saudan (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Olivier Vaucher (L)

Nicolas Von der Weid (L)

Ont voté oui (41):

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Fabienne Bugnon (E)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Jean-Claude Genecand (DC)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Isabelle Graf (E)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Laurent Rebeaud (E)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Andreas Saurer (E)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Se sont abstenus (2):

Philippe Schaller (DC)

Pierre Vanek (AG)

Etaient excusés à la séance (3):

Erica Deuber-Pauli (AG)

David Revaclier (R)

Micheline Spoerri (L)

Etaient absents au moment du vote (7):

Janine Berberat (L)

Daniel Ducommun (R)

René Ecuyer (AG)

Bernard Lescaze (R)

Christine Sayegh (S)

Jean-François Unger (DC)

Michèle Wavre (R)

Présidence:

M. Hervé Burdet, président.

Cette pétition est déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

 

IN 103
11. a) Initiative populaire constitutionnelle : «Des transports publics au service de la population». ( )IN103
IN 103-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire constitutionnelle : «Des transports publics au service de la population». ( -)IN103

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 27 octobre 1993, publié dans la Feuille d'avis officielle du 29 octobre 1993. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 28 janvier 1994. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. LA VALIDITÉ DE L'INITIATIVE

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Des transports publics au service de la population» (IN 103) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou «non».

L'initiative 103 comporte comme seule et unique proposition de compléter les dispositions constitutionnelles qui règlent le statut, l'organisation et le développement des transports publics genevois.

Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la constitution).

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 A de la constitution, l'iniative répond à cette condition.

3. Unité du genre

L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur une révision partielle de la seule constitution cantonale, soit plus précisément de l'article 160 A du titre X B consacré aux transports publics.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit

Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative constitutionnelle, l'initiative n'a pas à respecter le droit cantonal préexistant et il convient de s'assurer seulement qu'elle respecte l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.

En matière de transports publics, la compétence générale appartient à la Confédération, les cantons n'ayant une compétence qu'au niveau de l'organisation et de l'exécution.

Cette initiative ne se heurte dès lors, au niveau fédéral, à aucune disposition contraire tant de niveau législatif que constitutionnel.

2. Exécutabilité

Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.

L'initiative 103 apparaît réalisable. Il n'existe en effet aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation.

B. LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE

Il y a lieu de comparer la proposition des initiants avec le texte actuel de l'article 160 A de la Constitution cantonale:

Texte actuel

Titre X B

TRANSPORTS PUBLICS

Art. 160 A

Organisation

et dévelop-

pement

1 L'Etat, dans les limites du droit fédéral, prend les mesures nécessaires à l'organisation et au développement du réseau des lignes de transports publics.

Etablisse-

ment de droit

public

2 Il est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des transports publics. Cet établissement est soumis à la surveillance du Conseil d'Etat.

Budgets

3 Les budgets annuels d'exploitation et d'investissements de l'établissement sont soumis à l'approbation du Grand Conseil. Le référendum ne peut s'exercer contre la loi y relative, ni prise dans son ensemble, ni prise dans l'une ou l'autre de ses rubriques.

Dispositions

législatives

d'exécution

4 La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent titre.

Initiative 103

Titre X B

TRANSPORTS PUBLICS

Art. 160 A

Organisation

et dévelop-

pement

1 L'Etat, dans les limites du droit fédéral, prend les mesures nécessaires à l'organisation et au développement du réseau des lignes de transports publics.

Etablisse-

ment de droit

public

2 Il est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des transports publics. Cet établissement est soumis à la surveillance du Conseil d'Etat.

Exécution du

mandat

3 Le personnel de l'établissement de droit public assure l'exploitation, la gestion et la maintenance du réseau des lignes, du matériel et des véhicules des Transports publics genevois.

Financement

4 Le financement des dépenses d'exploitation et d'investissement de l'établissement est assuré par un contrat de prestations liant l'Etat et l'établissement pour une durée de 4 ans renouvelable. Le contrat de prestation et les comptes annuels de l'établissement sont soumis à l'approbation du Grand Conseil.

Politique

tarifaire

5 L'ensemble des offres de transport est organisé et financé de manière à assurer la mise à disposition de la population d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.

Dispositions

législatives

d'exécution

6 La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent titre.

La disposition constitutionnelle actuellement en vigueur résulte déjà d'une initiative populaire. Elle a été approuvée par le peuple le 2 mars 1975 pour concrétiser une initiative non formulée concernant la réorganisation et le développement des transports publics, déposée le 25 août 1971 par l'Institut de la vie (aujourd'hui branche romande de la Société pour la protection de l'environnement). Le but de la disposition proposée alors par le Grand Conseil était la transformation de la Compagnie genevoise des tramways électriques, société de droit privé dont l'Etat était devenu, au fil des ans, l'actionnaire quasi unique et le partenaire obligé par ses subventions, en un établissement public autonome ayant en charge l'exercice de ce qui était désormais, par consensus général, considéré comme un service public à part entière.

La proposition des initiants conserve les alinéas 1, 2 et 4 du texte actuel; la portée de l'initiative déposée par le Cartel SEV-TPG réside dans les ali-néas 3, 4 et 5 (les alinéas 1 et 2 étant inchangés et le nouvel alinéa 6 étant la reproduction de l'alinéa 4 actuel):

- l'alinéa 3 a pour objet, selon l'exposé des motifs, de parer à un danger de privatisation et de sous-traitance;

- l'alinéa 4 substitue à l'alinéa 3 actuel un nouveau régime de contrôle du financement de l'entreprise des TPG: au lieu du mécanisme traditionnel de l'approbation du budget annuel par le Grand Conseil, il introduit la notion d'un «contrat de prestations» quadriennal approuvé par le Grand Conseil;

- l'alinéa 5 donne le mandat de conduire une politique tarifaire incitative pour les abonnements.

I. Privatisation/Sous-traitance

Ce n'est pas la première fois que le principal syndicat de l'entreprise des TPG s'inquiète d'une prétendue menace sur l'emploi du personnel de l'entreprise et, par extension, la qualité du service public en raison de la sous-traitance de certaines lignes à des entreprises privées de transport. En juillet 1989, le Cartel SEV-TPG avait déjà déposé une pétition (P 836) à ce propos au Grand Conseil. L'entreprise s'apprêtait à mettre en place une extension importante du réseau; confrontée alors à une pénurie de personnel roulant et à la nature particulière de certaines des nouvelles lignes, elle avait lancé des appels d'offres à des sous-traitants potentiels.

Lors de l'examen de cette pétition, la commission des transports a pu constater à l'unanimité que c'est seulement lorsque des circonstances spéciales le justifient qu'il est fait appel à un sous-traitant: ligne mise en place à titre provisoire, période d'essai pendant laquelle il est souhaitable de pouvoir modifier rapidement l'horaire, voire l'itinéraire, localisation particulière, etc. Le syndicat auteur de la pétition admettait lui-même ces critères et sa pétition avait avant tout un but préventif. Le Grand Conseil a pris acte de ce rapport le 13 décembre 1990 et déposé la pétition sur le bureau à titre de renseignement.

L'entreprise des TPG compte 745 postes de conducteurs en 1994 et exploite elle-même l'immense majorité du réseau. C'est seulement dans des cas exceptionnels qu'une ligne est sous-traitée. Il faut préciser que, dans un tel cas, la concession de la ligne reste détenue par les TPG qui en déterminent toutes les caractéristiques et en conservent la responsabilité, de sorte qu'il n'y a aucune différence pour la clientèle. A l'heure actuelle, les lignes suivantes font l'objet d'une sous-traitance: 11 bis (Bout-du-Monde - Gare des Eaux-Vives), 17 (Vieille-Ville), 18 (Zimeysa), 24 (Bachet - Ziplo), 31 (Bel-Air - Chêne-Bourg - Puplinge), 41 (Carouge - Veyrier), 51 (CO Renard - Mervelet), 52 (Vernier - Pailly), V (Cornavin - Mies), X (La Plaine - Dardagny) et Y (Blandonnet - Thoiry) ainsi que le service des taxibus. Sur ce modèle, il est prévu d'exploiter prochainement par l'intermédiaire d'un sous-traitant deux nouvelles lignes transfrontalières et deux, voire trois nouvelles lignes de desserte locale et de rabattement sur le chemin de fer dans le cadre de la revitalisation de la ligne de La Plaine.

Le Conseil d'Etat considère que l'alinéa 3 de l'initiative est inopportun. D'une réaction extensive, il est inadapté à la vie d'une entreprise et à la nature changeante de l'économie. La frontière entre l'activité propre d'une entreprise et de son personnel et ce qui fait l'objet de contrats avec d'autres entreprises évolue constamment; même le texte proposé n'éviterait pas d'ailleurs des problèmes d'interprétation. Le nettoyage quotidien des véhicules par une entreprise spécialisée, qui a permis de mettre à disposition une technologie particulière, devrait-il par exemple être remis en cause?

L'introduction d'un facteur de rigidité dans la gestion de l'entreprise va directement à l'encontre de l'amélioration du service public prônée par les initiants, car celui-ci doit être à même de s'adapter avec souplesse aux besoins de la clientèle et de se concentrer sur les activités qu'il est le mieux à même d'exercer.

II. Le contrôle du financement

Exerçant une activité de service public dans le cadre d'une autonomie juridique (et non en tant que service de l'administration), l'entreprise des TPG dispose de sa propre organisation administrative et de sa propre comptabilité quand bien même son activité repose sur un financement public important.

La disposition constitutionnelle applicable aux TPG, détaillée dans la loi, constitue la reprise de la disposition applicable aux Services industriels de Genève:

- le Conseil d'administration de l'entreprise adopte un budget annuel d'exploitation et un budget annuel des investissements qui sont transmis au Conseil d'Etat;

- ces budgets sont soumis à l'approbation du Grand Conseil sous la forme d'un projet de loi;

- le référendum est exclu contre la loi approuvant les budgets;

- une procédure parallèle existe pour les comptes annuels.

En ce qui concerne le financement public, la loi sur les TPG stipule seulement que le déficit annuel est à la charge de l'Etat. Ce système, repris du fonctionnement de la CGTE, n'est à la vérité pas très satisfaisante. Appliqué littéralement, il signifie que l'Etat aurait l'obligation de couvrir un déficit décidé en toute souveraineté par le Conseil d'administration de l'entreprise, quel qu'en soit le montant! Dans la pratique, l'élaboration du budget (c'est-à-dire à la fois le montant total des charges - largement, le volume des prestations -, la politique tarifaire - qui détermine les produits payés par les voyageurs -, et la part des revenus qui est payée par la collectivité) résulte d'un processus d'interaction entre le Conseil d'Etat et l'entreprise.

Du simple point de vue de la gestion, d'autre part, il est apparu défavorable, car démotivant, de conserver une présentation décrivant la part du financement à la charge de la collectivité comme un déficit (différence entre les charges et les produits) alors qu'il s'agit bien plutôt, dans une conception moderne, de la rémunération de prestations de service public indispensables à la collectivité.

Avec l'approbation du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, l'entreprise des TPG a dans un premier temps (dès 1988) intégré la «couverture du déficit» sous forme de contribution d'exploitation dans la colonne «produits» de son budget. Dans un second temps (1991), la notion d'enveloppe annuelle des contributions de l'Etat a été introduite, avec pour corollaire la création d'un fonds de réserve:

- le Conseil d'Etat fixe le montant de l'enveloppe annuelle des contributions de l'Etat;

- l'entreprise des TPG établit alors son budget, dont l'approbation fait l'objet d'un projet de loi;

- si, à l'issue de l'exercice comptable, un bénéfice d'exploitation apparaît, celui-ci est partagé entre le fonds de réserve de l'entreprise et l'Etat selon une clé qui a varié dans le temps; elle est depuis l'exercice 1993 de 3/4 - 1/4 sur la totalité du bénéfice;

- si, inversement, l'exercice se termine par un déficit d'exploitation, celui-ci n'est en principe pas pris en charge par l'Etat; sa couverture est la principale affectation du fonds de réserve.

Cette manière de faire encourage la gestion la plus efficace possible de l'entreprise, qui en tire un avantage partagé avec l'Etat, là où le mécanisme de la couverture automatique du déficit mettait à la charge de l'Etat des dépassements éventuels (qui se sont effectivement produits dans le passé) et ne stimulait pas la créativité, dans la mesure où tout gain éventuel profitait exclusivement à l'Etat et pas à l'entreprise.

Quelques chiffres permettront d'illustrer ce qui précède:

- l'exercice 1992 comportait 199 586 827,59 F de charges; l'enveloppe des contributions de l'Etat s'établissait à 109 686 095 F; l'entreprise a réalisé un bénéfice d'exploitation de 1 576 495,77 F entièrement versé à la réserve (car la clé de répartition était alors: part du bénéfice jusqu'à 2% du total des charges de l'exercice suivant à l'entreprise, le surplus à l'Etat);

- le montant cumulé de la réserve d'égalisation des résultats (avant clôture de l'exercice 1993) s'élève à 4 876 495,77 F;

- le budget 1993 se présente comme suit: charges et produits: 199 412 000 F; enveloppe des contributions de l'Etat: 105 300 000 F;

- le budget 1994 a été établi sur la base d'une enveloppe des contributions de l'Etat de 106 274 840 F et prévoit, pour la première fois, un déficit d'exploitation de 714 659 F destiné à être financé par les réserves accumulées; l'enveloppe des contributions de l'Etat a par ailleurs été réduite de 250 000 F lors du vote du budget de l'Etat.

Cette évolution des modes de gestion du service public, qui a déjà produit des résultats considérables puisqu'il a permis de faire face avec souplesse aux circonstances difficiles de ces dernières années et au freinage, voire à la réduction, des contributions de l'Etat qui étaient jusqu'alors en forte croissance, n'est cependant pas terminée. C'est dès 1988 que le Conseil d'Etat a déterminé l'objectif de placer les relations financières entre l'Etat et les TPG dans un cadre contractuel quadriennal permettant à la fois de mieux programmer l'évolution des charges et d'accroître l'autonomie de gestion de l'entreprise, source de créativité et de dynamisme. Une telle démarche, qui a trouvé une première étape dans la mise en place d'un plan de développement pluriannuel par la loi sur le réseau des transports publics, requérait cependant d'importantes études préliminaires qui ont été conduites au sein de l'entreprise, avec le concours d'un mandataire spécialisé, et qui font encore l'objet de délibérations du Conseil de direction des TPG.

L'alinéa 4 de l'initiative est manifestement un écho de ces préoccupations et le Conseil d'Etat se félicite que ses propositions soient reprises par le principal syndicat de l'entreprise. S'il paraît ici y avoir accord sur le fond, il est cependant à craindre que la formulation proposée ne soulève des difficultés; en effet, alors que, traditionnellement, le référendum est exclu pour les lois budgétaires, l'alinéa 4 proposé supprime cette précision à propos du contrat de prestation quadriennal, ce qui paraît extrêmement contestable. Il faut rappeler que c'est cette préoccupation légitime qui a conduit, en 1974, le Grand Conseil à proposer une disposition constitutionnelle, et non une simple loi qui aurait, juridiquement, été suffisante à la seule exception de la disposition excluant le référendum contre l'approbation du budget.

On peut se demander, par ailleurs, si c'est bien le contrat de prestations lui-même, dans tous ses détails (y compris la définition quantitative et qualitative de l'offre de transports publics à mettre à disposition), qu'il faut soumettre au Grand Conseil, ou s'il ne faut pas plutôt distinguer entre le plan quadriennal budgétaire, d'une part, qui devrait faire l'objet d'une loi soustraite au référendum, et le contrat de prestations lui-même, conclu par le Conseil d'Etat avec le Conseil d'administration de l'entreprise. Tel est en tout cas le voeu que le Conseil de direction de l'entreprise a fait connaître au Conseil d'Etat au stade actuel de ses réflexions.

III. Politique tarifaire

L'alinéa 5 constitue le troisième volet de l'initiative: il donne valeur constitutionnelle à la politique actuelle d'encouragement à utiliser les transports publics au travers d'un abaissement du prix des abonnements, qui se traduit par une indemnisation de l'entreprise pour la différence entre le prix de vente théorique et le prix effectif.

A plus long terme, cependant, le Conseil d'Etat croit faux d'ancrer un tel principe dans la Constitution cantonale: la politique tarifaire n'est qu'un des éléments du choix des transports publics; les lignes offertes, la limitation des transbordements, la fréquence, la vitesse commerciale sont des éléments tout aussi déterminants. Il importe de conserver ici une large liberté d'action pour adapter la politique des transports aux conditions du marché et aux priorités du moment. Dans le cadre de la politique tarifaire elle-même, l'accent peut devoir être mis tantôt sur les abonnements (pour fidéliser une clientèle occasionnelle) tantôt sur d'autres titres de transport (pour amener aux transports publics une clientèle nouvelle). Sur le plan des principes, les tarifs ne sauraient par ailleurs faire abstraction des coûts, d'une part, de la valeur de la prestation, d'autre part.

Combinée avec l'introduction de la possibilité du référendum contre la loi approuvant le contrat de prestations, une telle disposition expose la politique des transports au danger d'une sous-enchère tarifaire qui n'est pas opportune.

IV. Conclusion

Telles sont les réflexions dont le Conseil d'Etat tenait à vous faire part en préambule à la discussion sur l'initiative populaire constitutionnelle «Des transports publics au service de la population». Elles amènent le Conseil d'Etat à proposer au Grand Conseil d'élaborer un contreprojet à l'initiative, reprenant selon des modalités améliorées, la notion de contrat de prestations quadriennal mais renonçant aux dispositions sur la sous-traitance et la politique tarifaire.

Il serait souhaitable que ce nouveau régime puisse déployer ses effets dès le 1er janvier 1995, ce qui implique que la votation constitutionnelle (qui est obligatoire même dans l'hypothèse d'un retrait de l'initiative à la suite d'un accord des initiants avec un tel contreprojet) intervienne cette année encore.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

IN 103

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

Le Cartel SEV-TPG a lancé une initiative populaire constitutionnelle intitulée «Des transports publics au service de la population», qui a abouti.

1

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initia-tive publié dans la Feuille d'avis officielle le 

29 octobre 1993

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et la prise en considération de l'initiative au plus tard le 

29 janvier 1994

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative au plus tard le 

29 juillet 1994

4.

Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge au plus tard le 

29 avril 1995

INITIATIVE POPULAIRECONSTITUTIONNELLE

«Des transports publics au service de la population»

Les soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuyent la présente initiative rédigée, en faveur de transports publics au service de la population. Ils demandent que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 1) soit modifiée comme suit :

TITRE X B

TRANSPORTS PUBLICS

Art. 160 A (nouvelle teneur)

Organisation et développement

1 L'Etat, dans les limites du droit fédéral, prend les mesures nécessaires à l'organisation et au développement du réseau des lignes de transports publics.

Etablissement de droit public

2 Il est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des transports publics. Cet établissement est soumis à la surveillance du Conseil d'Etat.

Exécution du mandat

3 Le personnel de l'établissement de droit public assure l'exploitation, la gestion et la maintenance du réseau des lignes, du matériel et des véhicules des Transports publics genevois.

Financement

4 Le financement des dépenses d'exploitation et d'investissement de l'établissement est assuré par un contrat de prestations liant l'Etat et l'établissement pour une durée de 4 ans renouvelable. Le contrat de prestation et les comptes annuels de l'établissement sont soumis à l'approbation du Grand Conseil.

Politique tarifaire

5 L'ensemble des offres de transport est organisé et financé de manière à assurer la mise à disposition de la population d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.

Dispositions législatives d'exécution

6 La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent titre.

EXPOSÉ DES MOTIFS

80 % des Genevois ont dit oui !

Le peuple genevois s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur des transports. Le 12 juin 1988, la loi fixant le programme de développement et le financement des Transports publics genevois a été approuvé par près de 80 % des votants.

Deux fois plus de passagers !

En dix ans, le nombre de passagers transportés a doublé.

Ce dynamisme est le fruit de la confiance que fait la population au service public. Aujourd'hui, les TPG :

 transportent plus de 100 millions de passagers par an (50 millions en 1980) ;

 85'000 personnes achètent un abonnement chaque mois ;

 près de 300'000 personnes sont transportées chaque jour ;

 l'introduction de la communauté tarifaire dynamise les offres des transports.

Danger de la privatisation

Le danger est grand de voir ce dynamisme remis en cause par les privatisations et la sous-traitance avec, pour conséquence, des services à la population à deux vitesses par le jeu de la privatisation des bénéfices et le report des pertes sur les usagers.

Difficultés financières

Avant même la crise budgétaire de 1992, le personnel et l'entreprise des Transports publics genevois ont mis en place des commissions d'économies. Le personnel a ainsi fait la démonstration de sa volonté d'utiliser de manière la plus efficace possible les deniers publics.

Renverser la vapeur !

Les restrictions budgétaires réduisent déjà les prestations du service public qui n'est plus en mesure de respecter les décisions votées par le peuple en ce qui concerne les fréquences de passage sur certaines lignes. Alors que le Parlement vient d'accepter, à une très large majorité, un ambitieux programme de développement du réseau des transports, il s'agit de renverser la vapeur pour assurer le maintien et le développement du service public.

But de l'initiative

C'est précisément ce but que l'initiative pour «des transports publics au service de la population» cherche à réaliser en proposant de :

 compléter les dispositions constitutionnelles qui règlent l'organisation et le développement des transports ;

 permettre à l'entreprise de répondre à la volonté populaire clairement exprimée en 1988 ;

 préciser que l'exécution de ce mandat doit être assurée par l'établissement de droit public ;

 fixer clairement la volonté d'assurer à la population des offres d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.

IN 103

L'initiative 103 est renvoyée à la commission des transports.

IN 103-A

Ce rapport est renvoyé à la commission législative. 

P 983-A
12. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition «Non à une Vieille-Ville "Réserve d'Indiens". Halte à la démagogie». ( -)P983
Rapport de Mme Fabienne Bugnon (E), commission des pétitions

En date du 5 mars 1993, en marge des conflits qui opposaient certains commerçants à certains habitants de la Vieille-Ville sur l'adoption du plan de circulation prévu pour celle-ci, l'Association des habitants du Centre et de la Vieille-Ville déposait devant notre Grand Conseil une pétition munie de plus de 400 signatures.

PÉTITION

Non à une Vieille-Ville «Réserve d'Indiens»:

Halte à la démagogie!

Les soussignés demandent aux autorités municipales et cantonales de réaliser au plus vite le projet de nouveau schéma de circulation dans la zone de la Vieille-Ville, communément appelé «3e boucle», soumis à l'enquête publique par le Conseil d'Etat. Ce projet maintient l'accès au trafic privé à la quasi-totalité de la Vieille-Ville, à l'exception de la rue de l'Hôtel-de-Ville et du pourtour de la cathédrale. Il complète le schéma de circulation mis en place il y a quelques années qui visait à supprimer le trafic de transit exclusivement, et qui donne d'ailleurs entière satisfaction, tant aux habitants qu'aux commerçants ou aux visiteurs de la Vieille-Ville.

Malgré la cohérence de ce projet, certains s'obstinent à en nier l'utilité. Ce sont d'ailleurs les mêmes personnes qui, lors de la suppression du transit au Bourg-de-Four, annonçaient la mort du commerce dans le secteur, et qui cependant, aujourd'hui, se félicitent des résultats obtenus! Les meilleures choses allant souvent par deux, leur faire à nouveau violence ne pourra que les satisfaire à terme!

La Vieille-Ville doit rester ouverte, accessible raisonna-blement à tous ceux qui en ont besoin: n'en faisons pas une «réserve d'Indiens», ni un circuit de formule 1!

N.B.: 425 signatures

Association des habitants

du Centre

et de la Vieille-Ville

Case postale 43

1211 Genève 3

Elle fut traitée par la commission des pétitions, sous la présidence de la rapporteuse; les pétitionnaires furent auditionnés le 26 avril 1993.

Audition des pétitionnaires

représentés par MM. Juon et Wisard

M. Juon est l'ancien président de l'Association des habitants et M. Wisard en est l'actuel.

Les habitants de la Vieille-Ville sont regroupés en deux associations distinctes.

M. Wisard explique aux commissaires que cette pétition est devenue partiellement sans objet pour les raisons suivantes: lorsque le département de justice et police a mis à l'enquête le projet de circulation dit de la 3e boucle de circulation dans le secteur de la Vieille-Ville, les membres de l'autre association - en très grande majorité des commerçants - ont vivement réagi et protesté. C'est en réponse à ces protestations et pour que le projet soit concrétisé que l'association de M. Wisard a lancé cette pétition, en précisant qu'il n'est pas opposé à la circulation dans la Vieille-Ville pour autant qu'elle soit raisonnable et donc que le trafic de transit soit supprimé.

Les pétitionnaires ont constaté que depuis le début des travaux pour établir la 3e boucle de circulation, l'accès à la Vieille-Ville était devenu plus aisé.

La seule raison qui consiste à maintenir la pétition concerne le périmètre de la cathédrale, car les pétitionnaires souhaitent vivement que le pourtour de la cathédrale soit limité à la circulation des riverains et que les places de parking situées devant la cathédrale soient supprimées et ceci dès la fin des travaux qu'effectuent les SIG à la rue de l'Hôtel-de-Ville (1994) et non pas, comme le propose le Conseil d'Etat, lorsque le parking de Saint-Antoine sera achevé (1995). M. Juon précise que lorsque cette pétition a été lancée en décembre 1992, elle était le reflet d'une situation précise, de même que l'expression d'une partie des habitants qui ne savaient pas encore quand les travaux de la 3e boucle débuteraient.

Il ajoute qu'une information plus détaillée à la population concernant les différents lieux de parking à la Vieille-Ville serait souhaitable.

Il mentionne également que les deux associations d'habitants ne sont pas systématiquement opposées l'une à l'autre, puisque dans le dossier du parking Saint-Antoine, elles ont mené de concert les différents pourparlers, notamment avec l'ATE.

Suite à l'audition des pétitionnaires, la présidente de la commission a adressé un courrier à M. Bernard Ziegler, concernant le problème du pourtour de la cathédrale. Il a paru utile à la rapporteuse de faire figurer intégralement dans ce rapport le contenu de ces deux lettres qui ont la teneur suivante:

Lettre de Mme Bugnon

(page 4)

Lettre de M. Ziegler

(page 5)

Annexe

Circulation et parcage dans la Vieille-Ville

(feuille A4)

Page 2

(feuille A4)

Plan

(feuille A4)

Travaux de la commission

Les commissaires ont pris acte de la décision de M. Bernard Ziegler de limiter le pourtour de la cathédrale à la circulation des riverains dès l'achèvement de la construction du parking Saint-Antoine, ceci pour les raisons développées à la page 2 de sa réponse aux participants à l'enquête publique sur la circulation et le parcage dans le secteur ouest de la Vieille-Ville.

Ces motifs ont convaincu les commissaires que la modification du régime de circulation actuel dans le pourtour de la cathédrale n'était pas applicable dans l'immédiat.

Certains commissaires (PEG) estiment toutefois que, dès la clôture de ce chantier, un nouveau régime tel que proposé pourrait être mis en place.

Conclusion

Les commissaires estiment que la pétition des habitants de la Vieille-Ville a trouvé un écho favorable puisque d'importants projets de restriction de la circulation ont été mis en place. La seule raison motivant son maintien n'a pas rencontré l'approbation des commissaires, convaincus du bien-fondé des explications de M. Ziegler.

C'est pourquoi la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignements.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. Je vous signale qu'il manque la deuxième partie de la lettre de M. Ziegler dans le rapport. Cela ne rend pas les choses très claires. Je crois qu'elle a été distribuée sur les tables ou en tout cas remise aux chefs de groupe.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

 

I 1875
13. Interpellation de M. Laurent Rebeaud : Zone agricole et surface d'assolement, intentions du chef du département des travaux publics et de l'énergie. ( )I1875

Le président. Le chef du département des travaux publics a demandé à être excusé pour la séance d'aujourd'hui. Voulez-vous développer votre interpellation ?

M. Laurent Rebeaud (Ve). J'ai beaucoup de mal à dire sur les considérations de M. Philippe Joye à propos de la zone agricole parues dans «La Tribune» d'hier. Et comme je préfère critiquer en présence de la personne concernée, j'accepte de développer cette interpellation dans un mois.

 

I 1876
14. Interpellation de M. Christian Ferrazino : Pénurie de logement et pénurie de chiffre. ( )I1876

M. Christian Ferrazino (AdG). Cette interpellation appelle un commentaire du Conseil d'Etat, en particulier de M. Joye. Ce dernier m'a informé hier qu'il serait absent ce soir, mais que son collègue, le président Haegi, pourrait répondre à sa place. Si M. Haegi peut répondre, étant donné qu'il s'agit d'un arrêté pris par le Conseil d'Etat in corpore, et non pas par l'un des départements, je développerai mon interpellation ce soir. Si M. Haegi n'est pas en mesure de donner la réponse du Conseil d'Etat, il n'y a pas grand intérêt à la faire dans la mesure où, si cette interpellation est développée ce soir, c'est précisément pour connaître la position du Conseil d'Etat afin d'éviter un recours au Tribunal fédéral.

Le président. Monsieur le député, il vous appartient de décider si vous faites ou non votre interpellation. Le Conseil d'Etat, lui, décide s'il répond ou non.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Il est assez inhabituel qu'on demande au Conseil d'Etat s'il va répondre à une interpellation dont il ne connaît pas le contenu, même si le sujet ne lui est pas étranger. Si vous aviez voulu vous assurer d'une réponse, vous auriez pu contacter - ce qui se fait parfois par courtoisie - ceux que vous souhaitez entendre. Je ne suis pas sûr de vous donner une réponse dans la mesure où j'entends pouvoir consulter mon collègue, M. Joye. Il me semble donc que ce serait plus sage de remettre votre interpellation au mois prochain.

M. Christian Ferrazino (AdG). Ma sagesse est inversement proportionnelle à la vôtre, et je crois qu'on ne partage même pas cette notion, Monsieur le président. Il m'apparaît plus sage de la développer ce soir, ce que je fais présentement.

Cette interpellation a été motivée par l'arrêté récemment pris par le Conseil d'Etat - et publié dans la Feuille d'avis officielle du 24 janvier dernier - concernant un arrêté visant à réglementer les catégories de pénurie de logements à Genève. Cet arrêté nécessite cette intervention parce que, pour la première fois depuis des années, le Conseil d'Etat vient de décréter dans cette République... (L'orateur doit s'interrompre en raison du bruit dans la salle.)

Le président. Soit vous écoutez, soit vous vous retirez. Mais vous ne pouvez pas bavarder et tourner le dos à l'orateur.

M. Christian Ferrazino. M. Haegi a déjà de la peine à me comprendre, alors laissez-lui au moins la possibilité de m'écouter !

Pour la première fois depuis de nombreuses années, le Conseil d'Etat a pris un arrêté qui reconnaît que certaines catégories de logements à Genève ne souffriraient plus de la pénurie de logements. Pour prendre cette arrêté, le Conseil d'Etat s'est basé sur une statistique de l'office cantonal de statistique qui n'est pas récente, puisqu'elle a été effectuée au 1er juin de l'année dernière et qu'elle était déjà connue du Conseil d'Etat en novembre dernier lorsqu'il a pris un autre arrêté concernant précisément la pénurie de logements à Genève.

Sur la base de cette même statistique, le Conseil d'Etat a réussi - l'exercice n'était pas simple ! - à l'interpréter totalement différemment, puisqu'en novembre l'arrêté nous disait qu'il existait une pénurie de logements dans toutes les catégories de logements alors qu'en janvier le nouveau Conseil d'Etat, interprétant la même statistique, arrive à une conclusion différente qui voudrait qu'il n'existe plus de pénurie de logements pour les studios et les appartements de deux pièces.

Il faut savoir que cet arrêté est pris en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations d'immeubles. Cette loi vise précisément à faire en sorte que Genève puisse conserver des logements dont les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population. Les tribunaux définissent cette notion depuis de nombreuses années. Régulièrement, le Tribunal administratif s'est penché sur cette question et encore tout récemment dans un arrêt qui vient d'être rendu par le Tribunal administratif dans une affaire de la rue Moïse-Duboule - dont le département des travaux publics a pris connaissance et n'aura certainement pas manqué d'en informer le Conseil d'Etat qui s'est précisément penché sur ces questions.

A cette occasion, le Tribunal administratif a reconnu qu'il y avait un besoin prépondérant d'appartements oscillant entre 2'400 F et 3'225 F la pièce par année. C'est dire, grosso modo, que pour un deux-pièces, selon le Tribunal administratif lui-même - et je suis dans la fourchette maximum - le loyer répondant aux besoins prépondérants de la population s'élèverait à 6'500 F par année.

Alors, Monsieur le Président du Conseil d'Etat, je vous mets au défi de nous démontrer qu'il existe, dans cette République, un nombre de deux-pièces et de studios, dont les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population, supérieur de 2% par rapport à leur catégorie. Je vous mets au défi de le faire, car l'office cantonal de statistique, lui-même, reconnaît que tel n'est pas le cas.

Qu'a fait le Conseil d'Etat pour interpréter de cette manière les chiffres de l'office cantonal de statistique ? Eh bien, il a fait une appréciation uniquement quantitative, c'est-à-dire qu'il a pris le nombre de logements considérés, sans se soucier le moins du monde de savoir quel était le montant des loyers.

Il suffit d'ouvrir le journal - il n'est donc pas nécessaire de faire travailler l'office cantonal de statistique ! - pour arriver à la conclusion qu'on offre effectivement aujourd'hui à Genève des studios avec un loyer de 1'000 F par mois, voire des deux-pièces à 1'200 F. Alors je ne pense pas que cela soit la révélation que vous avez eue en examinant les chiffres de l'office cantonal de statistique. Vous aurez pu voir, au contraire, qu'il n'y avait toujours pas à Genève un nombre supérieur de 2% de studios, voire de deux-pièces, dont les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population.

Cette mauvaise interprétation, tant des statistiques que de l'objectif de la LDTR - qui vous oblige à apprécier la pénurie non seulement en fonction de critères quantitatifs mais également en tenant compte de critères qualitatifs - faite par le Conseil d'Etat a des conséquences très graves. Cette double mauvaise interprétation implique que désormais ces petits logements ne sont plus soumis à autorisation de vente.

Cet arrêté - je le dis au passage - a été publié en catimini dans la Feuille d'avis officielle, fondu au milieu d'autres arrêtés tout à fait anodins. Je crois que, pour quelqu'un qui prône souvent la concertation et l'information, il serait indispensable, quand le Conseil d'Etat prend des décisions qui vont à l'encontre de celles prises depuis de nombreuses années, d'en informer les citoyens de cette République et non pas, avec un grand courage, de le faire en catimini. Je referme la parenthèse sur ce point.

J'enchaîne en disant, Monsieur le président, que si véritablement vous pensez qu'à Genève il n'y a plus de pénurie de studios et de deux-pièces à loyer bon marché, alors vous pouvez tout de suite nous proposer de rebaptiser cette ville la «capitale européenne des loyers bon marché». Mais je crois que tout le monde comprendra le peu de sérieux avec lequel le Conseil d'Etat s'est livré à l'examen de ces statistiques.

Je reviens sur les conséquences de cet arrêté, car elles sont graves. Le gouvernement ne pourra pas dire qu'il n'a pas été prévenu. Vous vous souviendrez que, ce n'est pas si vieux, dans les années 80, la République a été empoisonnée par ce phénomène des congés-vente que tout le monde décriait et que, finalement, le peuple a sanctionné par une initiative largement adoptée qui nous a permis de mettre un terme, du jour au lendemain, à ce processus. Tout le monde s'en était déclaré satisfait. Depuis la votation de 1985, il n'y a plus eu un seul congé-vente à Genève et ce problème a été, depuis lors, oublié.

Voilà, Monsieur le président, que vous nous proposez, par la petite porte et en catimini, de réintroduire cette possibilité, car cet arrêté aura cela pour conséquence. (Manifestation de M. Balestra.) Vous souriez, Monsieur Balestra, parce qu'effectivement cela va faire plaisir à un certain nombre de personnes. Mais cela ne fera pas plaisir, Monsieur Balestra, à la majorité de nos concitoyens, car, si cet arrêté permettra effectivement de vendre certains appartements précédemment loués, et par conséquent d'enrichir diverses personnes et de faire remonter, toujours par voie de conséquence, le prix de ces loyers, vous aurez un phénomène beaucoup plus grave. L'expérience a montré en 1980 qu'il suffit qu'un logement soit modifié dans son statut de propriété juridique pour passer de logement loué à un logement en propriété par étage pour que le processus s'enclenche. Or aujourd'hui, grâce à cet arrêté, la vente des studios et des deux-pièces n'est plus soumise à autorisation.

Le Conseil d'Etat a pris sa décision sur la base de chiffres qui existent, mais qui, interprétés par lui en novembre, l'ont amené à une conclusion différente.

Tout le monde attend une réponse du Conseil d'Etat. Comment arrivez-vous, malgré toute votre agilité, à pouvoir faire dire aux mêmes chiffres deux choses différentes en l'espace de quelques semaines ? C'est la première question que je me permettrai de vous poser.

Si vous voulez ranimer à Genève la guerre du logement, vous ne pouvez pas mieux vous y prendre. Alors, soit c'est l'objectif que vous recherchez, et je vous dis bravo, vous y êtes parvenu, soit ce n'est pas l'objectif que vous recherchez, comme tendent à le prouver les propos tenus par le Conseil d'Etat dans le cadre de sa campagne. En effet, tous les candidats qui forment ce nouveau Conseil d'Etat semblaient beaucoup se préoccuper de la situation des locataires. Je me demande si c'est toujours le cas ! Si oui, qu'entend faire le Conseil d'Etat - et c'est ma deuxième question - pour éviter que cet arrêté ait les conséquences que je viens de soulever, sachant que la seule possibilité est de reconsidérer cet arrêté et que le délai pour le faire est très bref puisque, encore une fois, s'il n'est pas modifié dans les jours qui viennent, un recours au Tribunal fédéral devra être interjeté.

Voilà, Monsieur le président, les questions que j'entendais vous poser. Je pense que vous n'avez pas lieu d'être surpris, car je ne crois pas que ce que je vous ai dit ce soir soit bien différent de ce que vous pensiez entendre dans la mesure où la presse s'est déjà faite largement l'écho de cette situation qui, une fois encore, inquiète beaucoup nos concitoyens.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Des questions précises ont été posées au niveau des statistiques. J'entends y répondre avec la précision que vous attendez de nous. J'éviterai de polémiquer et d'aborder deux fois le sujet. Il vous sera donc répondu ultérieurement.

Le président. La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

La séance est levée à 19 h 50.