République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Thomas Bläsi, Simon Brandt, Jennifer Conti, Jean-Luc Forni, Adrien Genecand, Serge Hiltpold, Danièle Magnin, Alessandra Oriolo, Rémy Pagani, Daniel Sormanni et Stéphanie Valentino, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Florian Gander, Patrick Hulliger, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner, Youniss Mussa et Vincent Subilia.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2606-A
Prestation de serment de Mme Renate PFISTER-LIECHTI, élue Juge à la Cour d'appel du Pouvoir judiciaire
E 2623-A
Prestation de serment de M. Johan DROZ, élu Juge au Tribunal civil, à demi-charge
E 2624-A
Prestation de serment de M. Philippe KNUPFER, élu Juge à la Cour de justice
E 2587-A
Prestation de serment de Mme Fabienne KNAPP, élue Juge assesseure à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice
E 2600-A
Prestation de serment de Mme Zoé SEILER, élue Juge assesseure à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, représentant les groupements de locataires
E 2615-A
Prestation de serment de M. Stéphane SCHULER, élu Juge assesseur au Tribunal criminel
E 2616-A
Prestation de serment de M. Laurent BORNATICI, élu Juge assesseur à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, représentant les bailleurs
E 2619-A
Prestation de serment de M. Andres PEREZ, élu Juge assesseur à la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice, représentant les employeurs/assureurs

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Renate Pfister-Liechti, M. Johan Droz, M. Philippe Knupfer, Mme Fabienne Knapp, Mme Zoé Seiler, M. Stéphane Schuler, M. Laurent Bornatici et M. Andres Perez.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2620-A
Prestation de serment de M. Jean-Marc STRUBIN, élu suppléant extraordinaire de la chambre des relations collectives de travail

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment du suppléant extraordinaire de la chambre des relations collectives de travail. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Jean-Marc Strubin entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)

Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

A prêté serment: M. Jean-Marc Strubin.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

R 880
Proposition de résolution de Mmes et MM. Jean-Luc Forni, Pierre Eckert, Jocelyne Haller, Sandro Pistis, Thomas Wenger, Yvan Zweifel, Anne Marie von Arx-Vernon, Claude Bocquet, Jean-Marc Guinchard, Delphine Bachmann, Souheil Sayegh, Patricia Bidaux, Vincent Maitre, Beatriz de Candolle, François Lance, Jacques Blondin, Olivier Cerutti, Bertrand Buchs, Sylvie Jay, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Jean-Charles Rielle, Christian Dandrès, Xhevrie Osmani, Charles Selleger, Salima Moyard pour le maintien à Genève de l'actualité télévisuelle (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 14 et 15 mai 2019.

Débat

Le président. Nous traitons la proposition de résolution 880 déposée par M. Jean-Luc Forni et consorts. La parole est à Mme Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. J'ai l'honneur de représenter ce soir mon chef de groupe et collègue Jean-Luc Forni. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, l'année dernière, la RTS et la SSR annonçaient leur...

Le président. Un instant, Madame Bachmann !

Une voix. Je n'aime pas trop attendre ! (Rire.)

Une autre voix. Elle est drôle !

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous prie d'effectuer vos appels téléphoniques à l'extérieur de la salle !

Mme Delphine Bachmann. Merci. L'année dernière, la RTS et la SSR annonçaient leur volonté de transférer à l'horizon 2024 une partie de la production radiophonique de Berne à Zurich ainsi que l'information télévisuelle de Genève à Lausanne. Or ces restructurations basées sur des arguments économiques, voire stratégiques, enfreignent l'équilibre fédéral des régions.

Les réactions du Conseil d'Etat et du Grand Conseil genevois à l'encontre de ce projet, qui n'est pas sans rappeler le déplacement des rédactions genevoises du «Temps» et de la «Tribune de Genève» à Lausanne, ne se sont pas fait attendre. Notre gouvernement a adhéré au principe d'un large mouvement citoyen d'adhésion cantonal, dépassant les limites politiques ou culturelles habituelles, propre à mobiliser les partis politiques, les députés au Grand Conseil ainsi que toute sorte de secteurs issus des associations professionnelles et des milieux directement concernés par la présence de la SSR à Genève. Une telle coalition aura les meilleures chances de rallier les médias et de porter la voix de Genève au-delà de la Versoix et surtout au-delà de la Sarine. Il est grand temps que notre canton envoie un signal clair aux autorités fédérales.

Pour Genève, le déménagement du département «Actualités» et du plateau de son fameux «19h30» représenterait une perte de substance notoire: la richesse et la diversité des intervenants issus du terreau genevois, notamment des milieux économiques, académiques, culturels et internationaux, risqueraient de diminuer fortement; l'ONU et l'UIT deviendraient des offices subalternes; en matière d'emploi, près de 200 postes seraient concernés; la formation journalistique serait touchée, des places d'apprentissage et des stages formateurs perdus; les entreprises qui font du canton de Genève le seul contributeur romand à la péréquation financière continueraient à payer une redevance élevée alors que le démantèlement de la tour SSR les couperait d'une présence directe dans l'actualité; des émissions radio phares seraient filmées, obligeant les intervenants à se rendre dans les studios de Lausanne, même appelés à la dernière minute. C'est inacceptable, c'est complètement incohérent. Jusqu'à aujourd'hui, la SSR n'a pas indiqué en quoi la délocalisation de l'actualité à Lausanne permettrait de véritables économies.

Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous vous remercions d'accepter largement cette résolution signée par l'ensemble des chefs de groupes et des partis politiques du Grand Conseil. C'est notre contribution politique au vaste mouvement citoyen d'adhésion cantonal qui invite l'Assemblée fédérale à intervenir sur trois points: pour un meilleur équilibre des activités audiovisuelles de la RTS en Suisse romande, pour le maintien à Genève de l'information télévisuelle, pour le maintien à Berne de la production radiophonique. Cette résolution viendra renforcer la voix de Genève lors des débats parlementaires consacrés à ce sujet aux Chambres fédérales. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti socialiste s'associe pleinement à cette résolution, bien évidemment. Je ne reprendrai pas les arguments très bien développés par ma préopinante, j'aimerais juste souligner que notre parlement s'est déjà mobilisé pour garantir la diversité de la presse en soutenant «Le Temps» et la «Tribune de Genève»: nous contestions un fort mouvement de centralisation à Zurich et la puissance de Tamedia qui se manifestait de manière problématique.

Aujourd'hui, les décisions prises concernant la télévision nous laissent à penser que nous assistons au même processus. Le transfert d'activités audiovisuelles qui ont actuellement lieu à Genève vers le campus universitaire de Lausanne nous fait craindre un mécanisme de centralisation qui, peu à peu, remplacera même Lausanne par Zurich. Nous dénonçons ce mouvement qui est tout à fait contraire à l'équilibre des régions et qui péjore Genève, ville internationale, ville transfrontalière, ville-centre d'agglomération dont la voix spécifique mérite d'être entendue.

En conséquence, pour garantir non seulement la diversité des médias, mais aussi une vision plurielle de la Suisse qui intègre les différents cantons, les villes et les campagnes, il est important que Genève et sa région conservent les activités de la RTS. C'est principalement pour cette raison que le parti socialiste soutiendra cette résolution. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, je tiens à relever que l'UDC, contrairement à ce qui a été mentionné, n'est pas signataire de cette résolution. Disons-le clairement: on n'a pas réussi à se mettre d'accord sur le bien-fondé de ce texte que vous tentez de défendre, Mesdames et Messieurs. Il faudrait commencer par rappeler certaines choses et arrêter de vendre du vent à la population en lui faisant croire que vous voulez maintenir coûte que coûte les emplois à Genève.

C'est un pur mensonge, et la raison en est toute simple. Le parti qui a déposé cette résolution - comme tant d'autres ici - s'est opposé avec véhémence à l'initiative «No Billag» en avançant les mêmes arguments qu'on entend ce soir: il y aura des pertes d'emplois, c'est un scandale pour la diversité, blabla et blabla. Ah, du blabla, vous en avez brassé !

Or ce qui se passe aujourd'hui, on savait que ça allait arriver, parce que la réorganisation ne s'est pas faite du jour au lendemain. D'ailleurs, l'UDC l'avait dit: «No Billag» ou pas, on perdra des emplois. Ça fait longtemps qu'on était au courant. Bien sûr, l'UDC regrette cette restructuration et la perte d'emplois qui en découle pour Genève, mais soyons honnêtes s'agissant de la situation qu'on vit maintenant.

Ce qu'on regrette surtout, à l'UDC, c'est que l'initiative «No Billag» ait été rejetée: on continue à payer des redevances élevées, mais Genève perd des emplois malgré tout. Alors il faut arrêter vos gesticulations qui ne servent à rien. En ce qui nous concerne, comme on est divisés sur la question, certains soutiendront la résolution, d'autres s'abstiendront ou la refuseront, parce qu'il faut être réaliste...

Le président. Monsieur Florey, pouvez-vous parler un peu plus fort, s'il vous plaît ? On ne vous entend pas très bien.

M. Stéphane Florey. ...ces départs étaient annoncés depuis longtemps. Tout ce que vous avez réussi à faire, c'est convaincre la population de refuser «No Billag». Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, avant de vous communiquer ce que j'avais prévu de dire à propos de cette résolution, j'aimerais réagir aux propos de M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président. Une grande partie de la population a refusé l'initiative «No Billag» dans l'optique de défendre un service public. Or la lecture de la situation que nous propose M. Florey est la suivante: le service public importe peu, les grandes entreprises de médias font de toute façon ce qu'elles veulent. Ce sont là deux choses différentes, les unes étant en revanche vectrices de l'autre.

Pour nous, il s'agissait, face à l'initiative «No Billag», de garantir un service public fonctionnel et de qualité. Aujourd'hui, nous parlons d'autre chose, nous parlons des mécanismes de concentration et de délocalisation mis en oeuvre par les grands groupes de médias, et c'est contre cela que nous nous insurgeons. Nous nous associons à d'autres pour protester contre la décision, notamment de la SSR, de procéder aux centralisations telles qu'elles ont été décrites par les personnes qui se sont exprimées avant moi. Très clairement, ces projets vont à l'encontre de la pluralité et de la diversité des médias tout en portant atteinte à l'indispensable équilibre entre les régions. Avec le temps, au fil des délocalisations et concentrations successives, notre canton devient le parent pauvre des médias et de la presse, et cela doit nous alarmer.

Le mandat de droit public de la SSR est de refléter la diversité au plan national, régional et local. La désertion de notre canton représente une atteinte à cette vocation, c'est une manière de ne pas remplir cette mission. Si le projet de la SSR devait se réaliser, notre canton perdrait, cela a été dit, près de 200 postes de travail, mais aussi des compétences et autant d'occasions de former la relève professionnelle, ce qui est particulièrement dommageable. Il a été dit tout à l'heure que notre parlement s'est largement engagé contre les délocalisations et le recul de la presse dans notre canton. Une coalition s'est dégagée, à laquelle le Conseil d'Etat s'est associé et que nous soutenons évidemment aussi.

Mesdames et Messieurs, la pluralité et la diversité de la presse constituent les ferments de la libre formation de l'opinion, une liberté garantie par la Constitution. Aujourd'hui, c'est bien ce droit constitutionnel que nous devons défendre et c'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à exercer le droit d'initiative cantonale qui est le nôtre en acceptant cette résolution adressée à l'Assemblée fédérale.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la SSR se trouve sous pression financière, nous le comprenons bien. Cette situation est partiellement due à l'évolution du marché publicitaire, mais surtout à des pressions politiques que, pour notre part, nous n'avons jamais exercées. Alors que sur les réseaux sociaux, tout un chacun se sent habilité à exprimer un avis éclairé sur l'ensemble des sujets possibles, il est important que des médias de service public forts et critiques continuent à vivre - ou plutôt à survivre. Toutefois, ils ne doivent pas rester figés, mais s'adapter aux évolutions techniques et sociétales.

Refaisons une partie de l'histoire, mais sans remonter aux pionniers de la radio et de la télévision. Au XXe siècle, la partie romande de la SSR a passé cinquante ans à regrouper l'ensemble de ses activités radiophoniques à Lausanne et télévisuelles à Genève. Et hop, tout à coup, changement de stratégie, les gourous du management ont décidé qu'elles seraient regroupées de façon thématique: information, culture, divertissement, société. Pourquoi pas, mais alors il faut qu'elles soient échangées, pas juste transférées. Il ne suffit pas de dépecer certains secteurs se trouvant à Genève pour les déplacer à Lausanne, il faut que des pôles radio ou internet soient rapatriés chez nous.

De toute façon, même si on suivait cette logique thématique, nous considérons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, que l'idée de soustraire l'information à notre canton est très mauvaise. Nous l'avons déjà dit en déposant une résolution à l'intention du Conseil d'Etat: Genève, qu'on le veuille ou non, n'est pas seulement un endroit où il se passe de petites histoires plus ou moins croustillantes, c'est une ville internationale totalement connectée à l'actualité du monde. Les nouvelles régionales peuvent être couvertes par un certain nombre de bureaux situés dans les cantons, comme c'est le cas aujourd'hui, mais il est essentiel que la connexion au monde demeure à Genève.

Pour nous, la décision de transfert est incohérente, tout autant que celle de fermer le bureau bernois de production radiophonique, comme s'il ne se passait rien dans la capitale fédérale sur le plan de l'actualité nationale. Dans sa prise de position, la SSR a indiqué qu'après le déménagement, il restera environ mille emplois à Genève. Comment ça, «il restera» ? Nous signalons fermement à la SSR que Genève ne se contentera pas de manger les restes. Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à accepter cette résolution que nous irons cas échéant défendre avec conviction auprès des Chambres fédérales.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour une minute trente.

M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Je soutiendrai cette résolution par principe et par souci de cohérence, puisque j'avais moi-même déposé en automne 2017 une motion pour dénoncer les velléités de délocalisation de la «Tribune de Genève» à Lausanne. Bon, cela a eu un effet mitigé, mais il est tout de même important que nous prenions des positions de principe dans ce parlement. Je ne me fais pas beaucoup d'illusions quant à l'issue de la démarche, mais il est nécessaire, je le répète, que nous témoignions notre soutien politique à la place médiatique genevoise.

A la décharge de la SSR, il faut souligner qu'elle a annoncé vouloir créer un pôle de développement rédactionnel consacré à la Genève internationale. Alors on prend acte de cet engagement, mais jusqu'ici, on ne connaît pas très bien les contours de cette structure, le nombre de journalistes qui y seront affectés, on ne sait pas exactement quels secteurs seront délocalisés à Lausanne. Il me paraît essentiel qu'on en apprenne davantage, qu'on obtienne des garanties dans ce domaine et qu'on défende notre canton. Ce serait quand même dommage qu'au bout du compte, il ne reste que «Tout l'immobilier» et «GHI» comme derniers survivants des médias genevois indépendants. Par conséquent, je me joindrai à ceux qui soutiennent cette résolution.

M. Bertrand Buchs (PDC). Ce soir, on va voter une résolution gentille; on hausse les sourcils, en quelque sorte. Mais dans quelque temps, on devra se montrer beaucoup plus agressifs vis-à-vis de la TSR, parce que ce qui se passe est un pur scandale. Mesdames et Messieurs, vous croyez vraiment que la TSR va rester à Genève alors qu'elle construit à Lausanne des bâtiments tout modernes sur un site de l'EPFL, bâtiments qui vont d'ailleurs coûter extrêmement cher ? Vous pensez qu'ils vont garder deux immeubles ? Ils disent qu'ils ne vont jamais vendre la tour de la TSR, mais ils peuvent la louer. Vous pensez qu'ils vont laisser à Genève les magazines d'information ? Non: aujourd'hui déjà, les magazines d'information sont réalisés par les mêmes journalistes que ceux du téléjournal, donc ils seront au même endroit, dans les mêmes locaux, dans les mêmes studios. Vous pensez qu'on va séparer les deux ? Pas du tout !

Qu'est-ce qu'on a appris dernièrement ? L'émission de radio «Forum» va être filmée. Très bien, maintenant on fait de la radio télévisée ! Ça veut dire que si on veut s'exprimer à «Forum», il faudra aller à Lausanne. Aller au studio genevois quai Ernest-Ansermet, c'est fini. Voilà, donc n'imaginez pas que cette résolution va servir à grand-chose. On est en train de se moquer du monde !

Je rappelle que l'Etat a donné les terrains à la TSR, il n'y a pas de droits de superficie, c'était gratuit ! On a permis de construire cette tour qui a été rénovée il n'y a pas longtemps, rehaussée, désamiantée, qui a coûté extrêmement cher, et maintenant on va construire de nouveaux bâtiments à l'EPFL pour des sommes astronomiques ?! Et vous pensez vraiment qu'ils vont garder les deux immeubles ? Pas du tout. La télévision va disparaître de Genève et à ce moment-là, il faudra qu'on se montre beaucoup plus sévères face à la Berne fédérale. Rappelez-vous qu'on paie la péréquation financière tandis que les Vaudois ne déboursent pas un centime. Merci.

M. François Baertschi (MCG). La télé et la radio de papa, c'est fini, nous sommes entrés dans l'ère numérique. A présent, il faut suivre cette logique et ne plus penser en termes de postes de travail, de vieux concepts comme la presse écrite ou la télévision des années 60 et 70. Nous entrons dans un autre monde, c'est certain, c'est net, c'est clair. Néanmoins, dans cet autre monde, il est important que Genève défende ses intérêts, qu'elle défende ce qu'elle est, qu'elle défende son identité genevoise dans le cadre de la défense d'une identité romande forte. Voilà la question qui est posée incidemment par cette résolution - elle n'est pas posée de façon frontale, mais nous ne pouvons pas y échapper.

Le MCG votera cette résolution. Ce n'est pas une question de postes de travail, parce qu'ils finiront par disparaître d'une manière ou d'une autre, ne nous berçons pas d'illusions; essayons plutôt de mener une politique sociale pour aider les gens à se reconvertir, parce que ça arrivera de toute façon, à Genève ou ailleurs. Agissons de manière efficace dans l'intérêt de Genève et des citoyens genevois. C'est en tout cas dans cette optique que le groupe MCG acceptera cette résolution.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, Genève est en train de se transformer en désert médiatique: il ne reste comme rédactions proprement cantonales que «GHI», «Tout l'immobilier» - elles ont été citées - et «Le Courrier»; à cela, il faut ajouter la télévision Léman Bleu qui pratique un journalisme local. Nombreux sont les grands médias genevois qui ont fermé ou quitté notre territoire; je pense à «La Suisse», je pense au «Journal de Genève», je pense au «Matin». D'autres ont migré, ou du moins en partie: la «Tribune de Genève», la Télévision suisse romande depuis quelques années, la radio romande, tout ça est maintenant à Lausanne.

La question est la suivante: à qui profite cette migration ? On me répondra: aux grands groupes qui réalisent des économies en centralisant. C'est vrai, mais qui a finalement intérêt à ce que les rédactions genevoises soient réduites à l'essentiel et que les grandes investigations qui exigent du temps, donc des moyens, soient limitées ? Deux types de personnes: d'une part les politiciens - avec la disparition des journalistes, il y aura de moins en moins d'enquêtes dans les coulisses du monde politique - d'autre part une certaine économie.

Ce n'est pas ce que nous souhaitons à Genève, car pour qu'une démocratie fonctionne - cela a été dit et redit - il faut que l'opinion publique puisse se forger, il faut que certains dossiers paraissent dans les journaux. Certes, il arrive que les médias aillent trop vite en besogne, comme ce fut le cas récemment: on a monté, on a enflé des affaires qui auraient dû rester relativement anodines. Il n'empêche que le rôle des journaux locaux, c'est de chercher ce qui se passe chez nous. Si toutes les rédactions se réduisent à une présence squelettique, le risque est patent: il en va au final de la démocratie - ou de notre conception de la démocratie. C'est la raison pour laquelle le PLR soutiendra cette résolution.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la décision de la SSR doit nous interpeller quant à notre place en Suisse, quant à la qualité de l'emplacement que représente Genève. Cette décision doit nous ouvrir les yeux, Mesdames et Messieurs les députés, sur la détérioration et la perte de crédibilité que subit notre canton au niveau national. Nous devons cesser les Genfereien et surtout nous inspirer de ce qui se fait ailleurs dans le pays.

M. Patrick Dimier (MCG). Avec un directeur général qui s'appelle Marchand, comment vouliez-vous que ça se termine ?

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat constate que vous allez voter cette résolution à une large majorité et s'en réjouit vivement. A plusieurs reprises, nous avons eu l'occasion de dire l'inquiétude du gouvernement face aux plans de regroupement de la RTS sur le site de l'EPFL. Nous ne comprenons pas la logique qui prévaut dans cette entreprise, ni du point de vue économique, ni du point de vue médiatique, ni du point de vue du marché - puisqu'il semble que cette valeur soit la nouvelle constante qui habite cette entité.

A nos yeux, la démarche n'a aucun sens, eu égard à la position que détient Genève dans notre pays et sur la place internationale, eu égard à la riche matière médiatique propre à notre canton - je ne parle pas de celle dont nous sommes parfois, voire trop souvent, à l'origine, je parle de l'importance de Genève au niveau mondial.

Le Conseil d'Etat ne peut que saluer et soutenir l'initiative que votre parlement s'apprête à prendre pour intervenir auprès de l'Assemblée fédérale et appuyer davantage encore la position du gouvernement. Le processus risque d'être compliqué, mais nous nous engageons à fournir toute l'énergie nécessaire afin que les desseins qui nous ont été annoncés ne se réalisent pas. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la résolution 880 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 76 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 880

M 2214-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Marti, Roger Deneys, Christian Dandrès, Jean-Charles Rielle, Romain de Sainte Marie, Thomas Wenger, Christian Frey, Lydia Schneider Hausser, Jocelyne Haller, François Lefort, Frédérique Perler, Boris Calame, Irène Buche, Jean-Michel Bugnion, Salima Moyard, Lisa Mazzone, Cyril Mizrahi : Un toit pour toutes et tous
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 28 février et 1er mars 2019.
Rapport de majorité de M. Marc Fuhrmann (UDC)
Rapport de première minorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2214-A, dont nous débattons en catégorie II, cinquante minutes. Je donne tout de suite la parole à M. Marc Fuhrmann, rapporteur de majorité.

M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été déposée le 4 juin 2014 et renvoyée une première fois le 18 décembre 2015 par 72 oui contre 5 non et 4 abstentions à la commission des affaires sociales, où elle a été exposée par son auteure, Mme la députée Caroline Marti, en présence de M. Poggia. Elle reposait sur le fait - c'était l'un des principaux arguments énoncés à l'époque - qu'il y avait entre 400 et 1000 sans-abri référencés à Genève, que cette situation était évidemment inacceptable pour un canton aussi riche que le nôtre et que cela dénotait un échec de son système social.

A Genève, il existe 80 places pérennes, auxquelles s'ajoutent en hiver 200 places supplémentaires mises à disposition par la Ville de Genève. Cette motion, qui enjoint au Conseil d'Etat de faire différentes choses, l'invite en particulier à ouvrir un centre d'accueil cantonal et à soutenir les communes qui souhaiteraient créer des structures d'accueil, sachant qu'à l'heure actuelle seules quelques-unes en proposent.

Certains commissaires ont douté du chiffre de 1000 sans-abri pour le canton - c'est le premier doute qui est apparu lors des débats de commission. Nous avons procédé à toute une série d'auditions et de nombreuses personnes sont venues nous donner des explications. Je ne vais pas les reproduire ici, mais j'aimerais simplement relever un point, à savoir qu'il est ressorti de ces auditions qu'il manquait plutôt 300 à 400 places, ce qui constitue un chiffre plus réaliste. En revanche, les associations que nous avons entendues ont bien confirmé la forte demande et la trop faible capacité d'accueil, surtout en hiver.

Par ailleurs, s'agissant de cette motion, dont on nous a dit qu'elle s'orientait du côté des résidents du canton, et de ces 300 à 400 places manquantes, certains se sont demandé - mais il est sans doute impossible de répondre à cette question - combien d'entre elles seraient destinées à des résidents genevois, voire suisses, et combien seraient dues au tourisme de la pauvreté, qui est bien sûr inacceptable.

La commission a considéré l'état actuel de la situation dans le canton et s'est interrogée sur les responsabilités de celui-ci. Eh bien il ne s'agit pas de tâches cantonales: ce type d'hébergement est du ressort des communes. Aujourd'hui - et c'est la raison pour laquelle cette motion tombe en quelque sorte au mauvais moment - nous sommes en pleine discussion sur le désenchevêtrement des tâches entre les communes et le canton; ce processus n'est toujours pas terminé, or son résultat pourrait éventuellement changer quelque peu les choses. Quoi qu'il en soit - et c'est ce que la majorité de la commission a finalement estimé - cette prérogative relève à l'heure actuelle des communes et non pas du canton, et l'objectif de ce dernier n'est pas de créer des doublons. Il en existe déjà assez dans d'autres domaines ! La commission s'est donc prononcée contre cet objet par une majorité de 9 voix contre 6.

J'aimerais encore citer un élément que je vous demande de ne pas oublier: les deux invites de cette motion sont en réalité un peu paradoxales, parce que le Conseil d'Etat est prié d'une part de soutenir les communes et d'autre part de faire en sorte que le canton ouvre lui-même une ou plusieurs structures d'accueil, ce qui semble évidemment bien contradictoire. Pour toutes ces raisons, comme je l'ai dit, la majorité de la commission a refusé ce texte par 9 voix contre 6, et je vous enjoins de le rejeter à votre tour. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Haller, rapporteuse de deuxième minorité. (Commentaires.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. C'est d'abord à moi de m'exprimer ?

Le président. Oui !

Mme Jocelyne Haller. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il conviendra sans doute de rétablir un certain nombre d'éléments, mais j'aimerais en premier lieu relever que la thématique de l'hébergement d'urgence est un serpent de mer depuis plusieurs années, car suite à la suppression de divers lieux d'accueil ou à leur affectation à de nouvelles fonctions, les capacités d'accueil ont diminué.

M. Fuhrmann a dit tout à l'heure que cette motion arrivait peut-être au mauvais moment. Eh bien je ne suis pas d'accord ! Je rappelle qu'elle a été déposée en 2014 et qu'elle a erré dans les méandres de la commission des affaires sociales pendant près de quatre ans, pour se voir finalement opposer un refus; on peut donc difficilement lui reprocher de tomber au mauvais moment. C'est plutôt nos rythmes qui créent ce genre de situation, mais en définitive le traitement dont elle a fait l'objet en commission ne diffère guère de celui que notre Grand Conseil lui a réservé en plénière, puisqu'il aura fallu plus de trois demandes d'urgence pour qu'elle puisse enfin être examinée en 2019 - alors que son dépôt remonte à 2014 - comme s'il n'y avait pas d'urgence à traiter cette situation d'urgence. La question de l'insuffisance du dispositif d'hébergement plombe pourtant gravement l'intervention des professionnels et prétérite tout aussi gravement les personnes en détresse.

Durant la première phase des travaux de la commission, les maîtres mots ont été le désenchevêtrement des tâches communales et cantonales et la nécessité d'attendre que cette clarification des rôles ait été effectuée par la CACRI. Celle-ci n'est cependant pas parvenue à établir cette différenciation et nous nous trouvons aujourd'hui face à un manque de clarté dans la répartition des compétences qui permet à tout un chacun, selon les circonstances, de se récuser ou de refuser d'assumer des responsabilités en vertu d'une opacité bien opportune.

La mise en place d'éléments de politique publique aussi déterminants que les lieux d'accueil et d'hébergement d'urgence ne peut reposer sur un système qui favorise l'esquive plutôt que l'affirmation d'un projet cohérent de collaboration entre les communes et le canton. Cela étant, avant de s'accorder sur un partage des rôles, il faut indubitablement s'affranchir d'un certain nombre de préjugés et d'a priori; je pense en particulier à l'idée selon laquelle l'actuelle répartition des rôles prévoit que la question du logement d'urgence relève de la compétence exclusive des communes. En effet, il faut le savoir, ce principe ne s'appuie sur aucune base légale - d'où la volonté que la loi sur la répartition des tâches éclaircisse les choses - pas plus que sur une tradition historique, dans la mesure où cela ne fait que vingt-cinq ans environ que la Ville de Genève s'occupe de l'accueil d'urgence. Ce n'était pas le cas auparavant ! Il n'y a donc ni tradition ni base légale pour justifier aujourd'hui un refus d'entrer en matière sur cette problématique au prétexte qu'il s'agit d'une tâche communale.

Quant à la question de l'évaluation des besoins, qui a été un autre moyen d'esquiver le sujet, il faut s'en remettre aux professionnels de terrain, qui disent bien à quelles difficultés ils sont confrontés pour trouver des places d'accueil d'urgence quand c'est nécessaire, mais aussi pour répondre aux besoins des personnes qui les sollicitent en matière de lieux d'hébergement. M. Olivier Baud, secrétaire général de la Fondation officielle de la jeunesse, nous a par exemple indiqué lors de son audition qu'il y avait plus de 200 demandes auxquelles l'un des foyers ne pouvait donner suite. L'Hospice général a également de la peine à trouver des logements pour les personnes qu'il assiste et doit donc en placer un certain nombre à l'hôtel - pour un coût estimé à près de 15 millions - en raison du manque de lieux d'accueil d'urgence. L'Armée du Salut, pour sa part, a fait un constat similaire: depuis plusieurs années, le nombre de demandes auxquelles elle ne parvient pas à répondre a augmenté.

Heureusement, le Conseil d'Etat n'a pas attendu que cette répartition des tâches entre le canton et les communes soit effectuée: il est allé de l'avant dans l'élaboration d'un avant-projet de loi et a soumis son texte à l'Association des communes genevoises, qui lui a malheureusement opposé un refus, en tout cas pour le moment. Dans le cadre du suivi du rapport sur la pauvreté, le groupe de travail a également pris en main cette problématique et essaie d'avancer en formulant des propositions en la matière. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Malgré tout, nous sommes aujourd'hui confrontés à un déficit flagrant et dramatique de places d'accueil d'urgence pour les personnes en difficulté dans notre canton, et il s'agit là une fois encore d'une violation de la Constitution fédérale, dont l'article 12 stipule ceci: «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.» Je précise en outre que selon la jurisprudence...

Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe !

Mme Jocelyne Haller. Oui, merci ! ...la notion de dignité humaine implique que l'on doive éviter que les gens soient réduits à la mendicité et comprend la nourriture, l'habillement, le logement ainsi que les soins médicaux de base. Voilà ce que nous sommes censés garantir aux personnes en situation de détresse. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble à Gauche et la minorité de la commission vous demandent d'accepter cette motion. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, si cette motion était urgente en 2014, elle l'est encore plus aujourd'hui en 2019. Sa demande est assez simple: elle invite le Conseil d'Etat à s'impliquer et à s'engager pour une politique sociale concertée dans le domaine de la grande précarité. Cette demande émane d'un groupe de députés, mais surtout d'associations qui, vous l'avez peut-être vu, ont installé 200 tentes sur la plaine de Plainpalais au début du mois d'avril.

Mme Haller a rappelé le contexte: entre 400 et 1000 sans-abri ont été référencés dans notre canton, et ce n'est pas une bataille de chiffres, Monsieur Fuhrmann; il s'agit de constatations d'associations de terrain, qui remarquent que des personnes ne trouvent aucun logement, aucun espace où se réchauffer, manger et parfois prendre une douche. Cette situation à Genève est proprement inacceptable: elle est contraire aux lois fédérales et cantonales, et en tant que députés il nous est simplement impossible d'accepter ce fait sans en prendre acte et tenter de changer les choses. Les associations, de même que les communes, demandent une meilleure concertation, car il y a véritablement un manque de politique publique concertée dans le domaine de la grande précarité.

Aujourd'hui, on l'a dit, c'est la Ville de Genève qui assume l'écrasant travail de cet accueil, par le biais notamment des abris de protection civile, ouverts de novembre à mars. Cette logique du thermomètre avait été mise en place en 2002 suite au décès d'une personne à Lausanne en raison du froid. Cette politique publique, initiée par Manuel Tornare, convient actuellement pour six mois de l'année, mais le reste du temps, vous le savez, les gens vivent dans les parcs, sous les ponts, dans des conditions tout aussi difficiles, car on meurt autant l'été que l'hiver quand on est dans la rue. Dans ces circonstances, la santé se détériore, bien évidemment, et le coût social augmente d'autant.

La Ville de Genève fait sa part: après avoir ajouté 1 million au budget 2019, elle a accordé cet après-midi même 1,8 million supplémentaire; il serait donc totalement impensable, voire anachronique que le canton laisse faire et se décharge de l'entier de la lutte contre la précarité sur une seule commune, fût-elle la plus grande du canton. D'autant que la Ville de Genève n'a aucune exigence légale; les majorités changeront peut-être en 2020 et elle pourrait simplement dire du jour au lendemain que ça ne l'intéresse plus et qu'elle compte fermer les abris PC. Par ailleurs, ces places d'accueil dans les abris de protection civile ne sont pas dignes non plus; elles sont prévues pour des séjours à court terme de quelques jours, non pas pour des durées de vingt ou trente jours comme c'est le cas aujourd'hui.

J'ai parlé de la Ville de Genève, mais il faut aussi rendre hommage aux associations qui accomplissent un travail admirable sur le terrain - je pense au Caré, au Centre social protestant, de même qu'à tout le réseau. L'été passé, une halte de nuit a été ouverte au temple des Pâquis; il ne s'agissait même pas vraiment d'un lieu où dormir, car des matelas étaient simplement posés au sol pour que les gens puissent être en sécurité, se reposer et repartir le lendemain dans leur errance, mais cette église était pleine tous les soirs, Mesdames et Messieurs ! On estime que 100 à 200 personnes y ont été accueillies, dans des conditions hélas indignes et inacceptables de la part d'une cité comme Genève. Les abris de protection civile de la Ville ont fermé en mars de cette année, une halte de nuit - pour ceux qui ont pu y aller - a été mise en place au Caré, c'est maintenant 70 bénévoles et professionnels qui s'engagent pour maintenir un lieu ouvert, et on pourrait multiplier ces exemples de bricolage, d'émergence de solutions. A la Roseraie, une maison a été ouverte en mars pour l'accueil des familles - il faut du reste rendre hommage à M. Thierry Apothéloz - mais cela pour une durée limitée, puisqu'elle fermera à la fin de l'été.

Il n'y a donc pas de politique concertée dans la dynamique actuelle: c'est au bon vouloir des acteurs et des pouvoirs politiques en place, et l'entier de l'énergie repose sur les associations. Mesdames et Messieurs les députés, ça ne va pas ! Cette politique n'est pas digne, n'est pas économe et n'est surtout pas durable. Et comme certains membres de ce parlement pensent que même dans la grande précarité il y a une dimension de rendement et qu'il faut ma foi être efficient - ce sont des mots violents - eh bien j'aimerais dire qu'il n'est pas efficient de laisser des gens vivre dans la rue, qu'il n'est pas efficient de laisser la police les déplacer de lieu en lieu et qu'il n'est pas efficient d'accepter que l'on ramasse leur matelas tous les matins, sachant qu'ils vont reprendre le même chemin de Sisyphe le lendemain. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce qui est efficient et efficace, c'est de créer des lieux d'accueil dignes et durables pour que l'on puisse sortir ces personnes de la précarité et les orienter vers des hébergements pérennes qui leur permettront de quitter la rue, puisque c'est le pire endroit où vivre. Pour toutes ces raisons, la minorité vous enjoint d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat, qui en fera ce qu'il voudra. En tous les cas, nous souhaitons qu'il y ait une politique concertée avec les communes, la Ville de Genève et les associations. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, les rapporteurs l'ont rappelé, cette motion a été déposée en 2014. Cela dit, si cet objet et les débats qui lui ont été consacrés datent, la situation reste malheureusement identique, elle va même en s'aggravant. On connaît les chiffres: entre 500 et 1000 personnes vivent aujourd'hui dans la rue à Genève, ce qui est parfaitement inacceptable quand on pense à la prospérité et à la richesse de notre canton. Le dispositif mis en oeuvre pour répondre à cette problématique l'est tout autant: 80 places pérennes ouvertes à l'année, alors que des centaines, voire des milliers de personnes sont en demande, auxquelles s'ajoutent 200 places en hiver. On est loin de ce qu'il faudrait pour pouvoir accueillir ces gens et répondre à la problématique, d'autant que le système actuel comporte d'autres difficultés. Le nombre de jours durant lesquels les sans-abri peuvent rester dans ces structures d'urgence est limité, par exemple. Il y a en outre le fait que les dangers inhérents à la vie dans la rue sont tout aussi grands en été qu'en hiver - M. Thévoz l'a rappelé - notamment en raison du risque de déshydratation. On peut par ailleurs citer le risque de rupture du lien que tissent les accompagnateurs sociaux lorsqu'ils accueillent ces personnes dans les abris d'urgence. En effet, ce lien qui se crée petit à petit au cours de l'hiver est rompu quand les beaux jours arrivent, ce qui est extrêmement préjudiciable dans l'optique d'une éventuelle réinsertion. Comme je le disais, c'est une situation inacceptable à plus d'un titre, car les conditions de vie dans la rue sont tout à fait incompatibles avec la dignité humaine - vous en conviendrez toutes et tous ici - notamment pour des questions d'hygiène de base, mais aussi parce que les perspectives de ces sans-abri sont complètement bouchées. Vous imaginez bien qu'il est extrêmement problématique et difficile de se réinsérer socialement ou professionnellement quand on n'a pas accès aux normes d'hygiène standards, quand on n'a pas de toit, quand on ne dispose pas de tous les moyens pour essayer de retrouver une vie normale, un emploi, un logement.

Cette situation est en outre contraire à toute une série de dispositions légales - je ne vais pas les citer, mais elles figurent dans le rapport de M. Thévoz - et devrait faire réagir n'importe quelle personne dotée d'un minimum de compassion pour autrui. Or ce qu'on fait depuis plusieurs années - depuis le dépôt de cette motion, mais également depuis plus longtemps - c'est détourner les yeux et jeter un voile de pudeur, au sens figuré comme au sens propre, puisque la seule politique publique cantonale en la matière est celle de la police qui démantèle les campements de fortune des personnes vivant dans la rue et cherchant à s'abriter, et on oublie que sous ce voile - pardonnez-moi, Monsieur le président, ce sont des termes un peu crus, mais c'est très grave - il y a des gens qui crèvent à petit feu dans une situation d'extrême précarité, parce que le fait d'habiter dans la rue est totalement dévastateur et réduit considérablement l'espérance de vie.

Dans le cadre des débats sur cette motion, on a aussi entendu que l'une des réponses qui avaient été apportées consistait à dire qu'on connaissait certes bien la problématique et qu'on devait effectivement s'en saisir, mais qu'il fallait surtout attendre l'aboutissement de la réforme sur la répartition des tâches. Mesdames et Messieurs les députés, la seule réponse qu'on arrive à donner aux personnes qui vivent dans une immense précarité, c'est qu'il faut attendre la répartition des tâches ?! Je suis désolée, mais c'est absolument inadmissible ! C'est une honte, et on doit maintenant arrêter de se cacher derrière des explications institutionnelles et parvenir à formuler des réponses politiques concrètes sur le fond de cette problématique.

J'aimerais dire un dernier mot pour saluer les associations qui oeuvrent dans ce domaine, et notamment l'action qu'elles ont menée en installant des tentes sur la plaine de Plainpalais - on l'a mentionné - qui avait pour but de montrer cette réalité, de nous obliger à la regarder en face et de rendre visible l'invisible, afin de provoquer une prise de conscience et de faire naître une action politique qui aurait dû voir le jour il y a des années et qu'il est grand temps de concrétiser ce soir. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes sensibles à la problématique des personnes qui vivent dans un état de précarité intense et qui recherchent un hébergement d'urgence. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention vos propos, Madame Haller et Monsieur Thévoz, et vous avez dépeint avec justesse toutes les affres que peuvent connaître ces personnes. Néanmoins, la question qui se pose - elle a été soulevée par le rapporteur de majorité - est celle de savoir à qui incombe la tâche de l'hébergement d'urgence. Certes, vous avez mentionné très justement qu'il n'existe pas encore de base légale, mais il y a une pratique en vigueur, selon laquelle l'hébergement d'urgence est à la charge des communes et l'hébergement social à la charge du canton pour les bénéficiaires de l'aide sociale, à savoir les résidents genevois en situation de précarité. Cette position a été rappelée par M. Poggia devant notre commission en mai 2016 et confirmée par M. Apothéloz en novembre 2018. Le PLR soutient donc le gouvernement dans cette approche et refusera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien !

Une autre voix. Bravo !

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien estime que sur la forme il s'agit effectivement d'une tâche qui relève plutôt des affaires communales. En revanche, sur le fond, le problème est réel: preuve en est - et c'est dramatique - que la situation n'a pas évolué depuis 2014. Nous nous serions pourtant réjouis que cette motion soit devenue caduque. Depuis, plusieurs contacts avec la Ville de Genève et les associations oeuvrant sur le terrain ont démontré la nécessité d'un soutien - si ce n'est dans l'organisation elle-même, du moins sur le principe - du canton à l'égard des communes qui s'engagent pour les plus démunis. Il faut rappeler que ces abris d'urgence permettent d'effectuer un suivi, de ne pas perdre de vue les gens pendant la moitié de l'année, et les associations peuvent ainsi avoir un lieu de contact avec les plus fragilisés de notre société. On ne peut décemment pas laisser dehors six mois par an 400 personnes, notamment les femmes, une population particulièrement vulnérable qui dans la rue ne s'expose pas seulement à des agressions verbales. Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien apportera son soutien à cette motion et aux plus démunis de notre canton, comme son groupe l'a fait en Ville de Genève. Je vous remercie.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. A la lecture du rapport de majorité, j'ai été extrêmement choqué de découvrir le mot «doublon». La majorité explique en effet que si le canton ouvrait des hébergements d'urgence, cela créerait des doublons, parce que selon elle il s'agirait d'une tâche communale. Eh bien j'ai l'impression que l'auteur du rapport n'a pas pris la peine de lire la définition de ce terme, puisqu'il désigne le fait de créer, de répéter inutilement quelque chose à deux, trois ou quatre reprises, d'offrir trop de services par rapport aux besoins. Mais ce n'est pas le cas ici ! On se trouve dans une situation d'insuffisance grave, dans la mesure où l'on parle bien de 300 à 400 places manquantes. Il n'y a donc pas du tout de doublons; au contraire, on fait face à une lacune qui doit être comblée.

On essaie de se réfugier derrière la distinction entre l'aide sociale individuelle et l'aide sociale collective, alors qu'en réalité cette distinction n'a pas lieu d'être. Il est vrai que le titre de la loi cantonale sur l'aide sociale contient l'adjectif «individuelle», mais dans les faits on parle d'hébergement collectif uniquement lorsqu'on n'est pas à même de proposer un hébergement individuel. Il appartiendrait au canton d'offrir une aide individualisée à chaque personne qui en a besoin, mais comme celui-ci n'est pas capable de fournir cette aide pour de multiples raisons, eh bien on dit que toutes les personnes qu'on n'arrive pas à aider constituent finalement une espèce de paquet: elles sont donc mises dans un bloc indifférencié dans lequel on ne distingue plus les individus entre eux, et on décide de les aider collectivement. En réalité on ne va pas les aider, on va les mettre dans la rue, et ce sont les communes - ou les privés, d'ailleurs - qui vont leur apporter leur soutien.

Cet état de fait, cette vision est inacceptable; elle est de plus totalement contraire au droit, et il est absolument faux de dire, comme je l'ai entendu, que le canton n'a pas de compétence en matière d'aide d'urgence, puisque la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle prévoit à ses articles 43 et suivants qu'il y a bien un droit à l'aide d'urgence mis en place par le canton pour les personnes en situation irrégulière. C'est donc vraiment paradoxal, parce que le canton est prêt à aider collectivement les personnes en situation irrégulière, mais pas celles qui ont un droit de séjour en Suisse. C'est tout à fait absurde ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites. En préambule, le groupe des Verts souhaite féliciter chaleureusement les deux rapporteurs de minorité qui ont su résumer cette problématique complexe - elle doit en effet être appréhendée dans toutes ses dimensions - et dresser l'état de la situation. Je salue également le tour de force du rapporteur de majorité, qui a réussi à synthétiser en trois pages quatorze séances de commission - c'était un véritable défi ! Cela étant, je déplore le manque de détails.

Au nom des Verts, j'aimerais relever quelques éléments, en plus de tout ce qui a été indiqué jusqu'à présent. Les sans-abri n'ont toujours pas de perspective durable pour se sentir en sécurité durant la nuit. C'est un constat assez dur eu égard à l'opulence dans laquelle nous vivons à Genève. Cette situation n'est plus tolérable, et nous sommes tous d'accord sur les constats, nous les partageons - même si le groupe PLR, qui reconnaît la situation avec quelques contorsions, ne votera pas la présente motion.

Cette préoccupation, il faut le souligner, ne peut plus être portée uniquement par la Ville de Genève. Les aléas des agendas politiques font que le Conseil municipal, à l'initiative du groupe MCG, vient tout juste de voter une délibération ouvrant un crédit de 1,8 million afin de pérenniser l'accueil de nuit - M. Thévoz en a parlé tout à l'heure. Si la Ville de Genève déploie beaucoup d'efforts, tout comme les associations autour d'elle, elle ne peut plus prendre en charge à elle seule cette action ni la financer. Il est urgent que le canton joue son rôle sans se préoccuper des élucubrations de chacun d'entre nous autour de la LRT et réalise un travail de coordination dans le cadre du dispositif mené par la municipalité et le monde associatif.

On a évoqué l'engagement des associations pour rendre la précarité visible, notamment via les 200 tentes installées sur la plaine de Plainpalais. Oui, c'était un geste politique fort de la part de ces organismes, mais la pauvreté, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, est visible au quotidien, si tant est qu'on accepte de poser les yeux dessus: elle est visible dans un sas de votre banque où vous vous rendez pour retirer des billets et où vous trouvez une ou deux personnes emmitouflées dans des sacs de couchage, elle est visible dans les abris des transports publics, elle est visible dans les allées, dans votre cave, au coin des magasins. La détresse est visible, il suffit de la regarder en face et de l'admettre.

J'en reviens à ce que nous, les Verts, attendons de la part du canton - c'est d'ailleurs ce qu'il tente de commencer à faire: il s'agit de coordonner les actions existantes, d'élaborer une base légale pour répartir les tâches, de déterminer les modes de financement et d'assurer la gestion des subventions. Aujourd'hui, d'aucuns l'ont mentionné, la situation se résume à une sorte de bricolage, ce qui fait que les associations et la Ville de Genève perdent de l'énergie. Si nous adoptons ce texte, et c'est le voeu le plus cher des Verts, le canton - qui, comme je l'ai dit, n'est pas inactif - pourra oeuvrer en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

On parle de 1000 à 1500 personnes - dont 40% détiennent un passeport suisse - qui vivent dans la rue. Ce sont des hommes, des femmes, des familles. Il est très facile de perdre son logement, Mesdames et Messieurs, et quand ça arrive, on perd également son travail, on perd sa dignité. Chaque jour passé dans la rue a un coût, c'est un jour de plus qui éloigne les gens d'une réinsertion; la facture nous reviendra un jour ou l'autre sous forme de frais sociaux et de santé publique.

Accepter cette motion, Mesdames et Messieurs, c'est prendre en compte toutes les dimensions du problème et démontrer la volonté de notre Grand Conseil d'aller de l'avant sans plus attendre, c'est soutenir l'action du Conseil municipal de la Ville de Genève et donner un signal politique clair au Conseil d'Etat qui pourra alors intervenir avec efficacité; la refuser, chers collègues, c'est se voiler la face, c'est consentir à ce que des personnes dorment dehors, quitte à en mourir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Je suis membre de la commission des affaires sociales avec Mme Patricia Bidaux et, par souci d'honnêteté, je prends la parole afin d'expliquer pourquoi le parti démocrate-chrétien a changé d'avis. A la base, en effet, nous avions rejeté le texte en commission.

Premier constat: voilà maintenant cinq ans qu'on parle de cette motion, puisqu'elle a été déposée en 2014, et il est vrai que lorsque certains sujets arrivent en commission, disparaissent, puis reviennent, il est difficile d'en conserver une vision d'ensemble.

Jusqu'alors, nous avions toujours suivi le Conseil d'Etat qui estimait que l'aide aux sans-abri relevait de la compétence des communes, pas de l'Etat - M. Saudan l'a rappelé avec justesse. Puis, nous avons été interpellés à la fois par le groupe PDC en Ville de Genève et par Caritas qui nous ont demandé de revoir notre position: ils nous ont expliqué - les rapporteurs de minorité l'ont très bien relevé - que tout le monde se refile la patate chaude et que personne ne veut assumer de responsabilités s'agissant des gens qui vivent dans la rue. Ainsi, il n'y a ni coordination ni politique claire dans ce domaine.

Je traverse la ville tous les jours entre 4h30 et 5h du matin, parce que je me rends à pied sur mon lieu de travail, et je vois de plus en plus de personnes qui dorment dehors, aussi bien en hiver qu'en été, sur les bancs publics, sous les abris de bus; il y a une évolution très nette depuis les deux ou trois dernières années.

C'est un problème, les associations le martèlent, il faut trouver une solution, et je pense maintenant qu'il revient au canton de régler la question. On attend un dénouement en ce qui concerne le désenchevêtrement des tâches entre les communes et l'Etat, mais pour de nombreux autres sujets, il n'y a pas de résultat, on passe des heures à discuter, mais les choses n'avancent pas. Or, Mesdames et Messieurs, les personnes qui vivent dans la rue n'ont plus le temps d'attendre ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Comme cela a déjà été indiqué, le MCG en Ville de Genève vient de voter, avec d'autres groupes qui l'ont suivi dans cette direction, une délibération ouvrant un crédit de 1,8 million pour aider les SDF. Actuellement, la situation sociale des sans-abri est grave: il y a un nombre considérable, excessif, insupportable de gens qui dorment dans la rue, et il faudrait non seulement répondre à leurs attentes directes, mais surtout trouver collectivement des solutions pour mettre fin à cet état de choses, car c'est insoutenable pour toute personne un tant soit peu responsable - et je pense qu'il y en a dans ce canton, il y en a dans ce parlement. C'est une exigence qui nous est imposée par la réalité, nous devons y faire face.

Cette motion qui a été déposée il y a longtemps - certains de mes préopinants l'ont rappelé - demande au Conseil d'Etat d'encourager les communes à agir. Or la Ville de Genève est déjà engagée dans ce domaine, d'autres communes également, et je pense qu'on peut tout à fait les soutenir dans leur action sans passer par cet objet. Quant à la seconde proposition, elle est... Comment dire ? Peut-être pas négative, mais disons peu souhaitable. En effet, je me demande si c'est véritablement le rôle du canton d'ouvrir une structure d'accueil cantonale.

Pendant de nombreuses années, la ligne générale qui a été suivie, c'était que l'accueil des sans-abri relevait des communes. D'ailleurs, la Ville de Genève a beaucoup développé son action en la matière, alors que le canton, comme chacun sait, subventionne l'Hospice général, c'est un soutien d'une autre nature. Ainsi, l'aide aux SDF a souvent été apportée par les communes. Il faut continuer dans cette direction et ne pas créer de doublons, car les gens qui vivent dans la précarité ont besoin de cet argent, donc il faut le dépenser correctement et non pas mettre en place une organisation de l'hébergement des personnes démunies.

Voilà pourquoi le groupe MCG ne votera pas la motion. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas aider les SDF, au contraire - nous l'avons prouvé en Ville de Genève et nous continuerons à soutenir toutes les initiatives dans ce sens au niveau communal - mais nous sommes dans une autre dynamique au niveau cantonal et nous pensons qu'il vaut mieux ne pas créer de doublons. Nous suivons cette politique pour que chaque franc versé aux plus démunis de notre canton le soit complètement et qu'il n'y ait pas de doublons.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Léna Strasser pour trente-trois secondes.

Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais réagir à ce qu'a dit mon préopinant: d'accord, peut-être que les communes doivent agir, mais notre appartenance tient au lieu où nous habitons et, en l'occurrence, les personnes sans domicile fixe n'ont plus de toit, donc n'appartiennent plus à une commune, alors je pense qu'il est aussi du devoir du canton de prendre ses responsabilités face à ces gens. Merci. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs, il est temps d'en finir avec cette guerre des territoires - ou plutôt des no man's land - qui ne sert que l'inertie. Nous devons trouver une manière de collaborer à propos de ce problème lancinant qui concerne toutes les autorités du canton, pas uniquement celles de la Ville de Genève. Peut-être faudrait-il revoir les termes de la péréquation, puisque pour certaines communes, c'est là l'un des éléments qui les conduit à ne pas s'engager davantage ?

Quoi qu'il en soit et pour revenir à ce que disait M. Saudan tout à l'heure, s'il est vrai que dans la première phase des travaux de commission sur cet objet, M. Poggia avait estimé nécessaire d'attendre une clarification s'agissant de la LRT, les choses ont été éclaircies lors de la deuxième étape de son traitement, nous avons obtenu une vision extrêmement détaillée de la situation au niveau cantonal. A cet égard, je vous rappelle que l'Etat a fait deux propositions à l'Association des communes genevoises en 2017 - cette information figure à la page 35 du rapport: des prestations d'aide d'urgence aux personnes sans abri qui incomberaient d'une part exclusivement aux communes, d'autre part à une fondation de droit public financée conjointement et à parts égales par le canton et les communes.

Il n'y a pas de doublons, puisque nous sommes en situation de déficit, et il n'y a pas non plus de doublons en termes de compétences. En fait, le chemin que nous devons trouver, c'est celui d'une collaboration où chacun apporterait sa contribution en fonction de la part qui lui revient. C'est ce que nous voulons faire valoir comme idée aujourd'hui et c'est ce que nous vous encourageons à soutenir en votant cette motion. Je vous remercie.

M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de majorité. Je répète qu'il s'agit de 400 à 500 personnes par année, vu que j'ai entendu des chiffres qui allaient jusqu'à 1500 ! La plupart des associations et organisations auditionnées sont arrivées à un résultat dans ces eaux-là: entre 300 et 500 personnes. Cette motion s'oriente du côté des résidents du canton, mais aucun des organismes n'a pu fournir d'estimation quant à la part des personnes en détresse qui sont résidentes et à celle qui ne le sont pas, ce qui est compréhensible, car ce n'est pas leur travail. L'origine des gens n'a pas été clairement définie, et je pense que l'objectif n'est pas de rassembler dans notre canton la pauvreté croissante provenant de l'Union européenne et d'au-delà, nous n'avons pas la capacité nécessaire pour tous les accueillir. Voilà, merci. (Huées.)

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est fort dommage que je doive commencer mon intervention en soulignant les erreurs du préopinant, qui a pourtant reçu toutes les informations nécessaires. Je rappelle que lors des travaux de la commission des affaires sociales en 2016, différentes données ont été présentées pour nous aider à comprendre le phénomène et la façon dont la Ville de Genève en particulier prend en charge le problème aujourd'hui - j'invite le rapporteur de majorité à se référer à la présentation effectuée par le département le 12 avril 2016.

Je ne peux qu'adhérer, Mesdames et Messieurs les députés, aux constats des deux rapporteurs de minorité. Je salue d'ailleurs la qualité de leurs rapports qui offrent enfin, après des discussions soutenues en commission, un panorama de la situation des personnes sans abri à Genève. A cet égard, j'insiste sur le fait que le canton n'a pas été inactif en la matière, contrairement à ce qu'un certain nombre de députées et députés voudraient faire croire dans cette enceinte. Nous avons été soucieux d'accompagner le processus par des aides financières importantes et ponctuelles; le dernier projet en date, celui de la Roseraie - il a été évoqué tout à l'heure - a ainsi pu se concrétiser extrêmement rapidement. Et à l'inverse également de ce que certaines et certains imaginent, il n'y a pas eu d'appel d'air pour des personnes qui n'ont pas le droit à des prestations collectives en matière d'hébergement d'urgence, il faut le souligner.

La question qui se pose est de savoir qui sera le porteur de la solution. La conviction du Conseil d'Etat, c'est qu'il doit y en avoir plusieurs. N'oublions pas la loi 9902 qui date certes de 2006, mais qui est toujours en vigueur dans notre régime juridique et qui stipule à son article 3, alinéa 2, lettre b, que les compétences reconnues ou le rôle prépondérant de l'une ou l'autre des collectivités publiques l'emportent. Nous avons acté l'idée - ou plutôt vous avez acté l'idée - que l'entité, que ce soit le canton ou une commune, qui porte une politique publique de manière prépondérante le fasse de manière claire et définitive. En ce sens, il est juste que la Ville de Genève soit accompagnée dans le processus et qu'elle reçoive un coup de main de la part des communes genevoises.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a déposé auprès de l'Association des communes genevoises un projet de loi visant à clarifier le rôle du canton et des communes dans ce domaine. Ce texte, tout comme la contreproposition du groupe social de l'ACG, a été balayé - de peu, mais balayé quand même - par la majorité de l'organisation, les négociations se sont arrêtées là. Toutefois, depuis le changement de législature, le Conseil d'Etat, dans sa nouvelle composition, m'a confié un mandat de renégociation auprès de l'ACG afin de clarifier ces éléments.

Il me paraît essentiel de relever que l'hébergement d'urgence ne représente qu'une partie de la problématique du mal-logement. Notre réponse au rapport sur la pauvreté de 2016 contient trois grands volets afin d'apporter des solutions pour aujourd'hui et surtout demain: d'abord la lisibilité - la prévention doit constituer l'un des axes de lutte contre la précarité - puis la formation, enfin le logement. Sur cette dernière question, nous avons préparé quatre séquences d'activités: développer l'accueil d'urgence - c'est le sujet qui nous occupe ce soir - faire en sorte, plus globalement, que les gens ne perdent pas leur logement, assurer une collaboration active avec les propriétaires et les régies pour garantir la pérennité des logements, et travailler à des projets pilotes de type appartements relais.

En effet, Mesdames et Messieurs, nous sommes convaincus que la question du logement est centrale pour une insertion professionnelle et sociale réussie. Ne pensez pas que celles et ceux qui n'en ont pas peuvent s'insérer dans le marché du travail, c'est purement illusoire. Il nous faut donc oeuvrer de manière conséquente dans ce domaine, et je me réjouis d'ores et déjà de l'accueil que vous réserverez cet automne aux propositions que le Conseil d'Etat formulera en réponse à l'étude sur la pauvreté.

Pour résumer, Mesdames et Messieurs les députés, voici les objectifs du Conseil d'Etat: nous allons d'abord inclure la question de l'hébergement d'urgence dans un volet plus large qui nous permettra de traiter l'ensemble des thématiques liées au logement; puis, nous entendons redéposer un projet de loi auprès de l'Association des communes genevoises, d'une part pour disposer enfin d'une base légale déterminant qui fait quoi - notre proposition ira dans le sens d'une action de proximité dans les communes - d'autre part pour attribuer au canton un rôle de coordination et d'objectivation des besoins. Dans ce but, nous souhaitons réunir autour de la table l'ensemble des partenaires associatifs - auxquels je rends hommage pour leur immense travail au quotidien - les communes et l'Etat.

Nous devons progresser dans ce domaine: il en va de la dignité des personnes concernées, mais aussi de notre réputation. Rappelons les avancées certaines de la Ville de Genève en matière de financement: 1,5 million au budget, 1,8 million voté ce soir même par le Conseil municipal. La réponse financière de la Ville de Genève est conséquente, et nous pouvons l'en remercier, car elle permet d'apporter de l'aide aux familles, de couvrir la période estivale - les projets ne s'arrêteront pas à la fin de l'hiver, comme cela a été maladroitement exprimé - et de développer des structures pour soutenir les personnes qui ne trouvent pas de solution immédiate, par exemple les haltes de nuit. Cela étant, la volonté des associations et des collectivités publiques est de travailler à la pérennité des logements.

Voilà les informations que je voulais vous communiquer, Mesdames et Messieurs, pour que vous vous rendiez compte à quel point cette motion est importante. Elle donnera un bon signal, car nous avons besoin de nous retrouver autour du projet de loi du Conseil d'Etat. A ce propos, j'espère que les députés maires qui siègent dans cette assemblée auront l'occasion de rapporter le débat de ce soir auprès de leurs collègues magistrates et magistrats communaux pour qu'ils soutiennent notre proposition et que nous puissions instituer une véritable coordination du dispositif sous la houlette du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2214 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 44 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2214

PL 12308-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Salima Moyard, Jean-Charles Rielle, Christian Frey, Marion Sobanek, Nicole Valiquer Grecuccio, Thomas Wenger, Isabelle Brunier, Lydia Schneider Hausser, Caroline Marti, Cyril Mizrahi, Jocelyne Haller, Christina Meissner, Olivier Baud modifiant la loi sur l'enfance et la jeunesse (LEJ) (J 6 01) (Institution d'un conseil de la jeunesse)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 14 et 15 mai 2019.
Rapport de majorité de Mme Delphine Bachmann (PDC)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12308-A. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Je prie les députés qui veulent s'exprimer de bien placer leur carte d'identification. Je cède la parole à Mme la députée Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi permet de rattraper une triste suppression survenue en plénière lors de la refonte de la loi sur l'enfance et la jeunesse... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! (Commentaires.) Je m'entraîne ! (Rires.)

Une voix. Tu t'entraînes à quoi ?

Mme Delphine Bachmann. Alors, faisons honneur aux jeunes ! Cet objet concerne un seul élément de cette loi sur l'enfance et la jeunesse, à savoir l'instauration d'un conseil de la jeunesse, un outil largement utilisé tant par la Confédération que par les cantons: tous les cantons romands ont créé cet outil à l'exception de Genève. Ici, ce sont des élèves qui ont eu cette idée à l'occasion de la Journée des droits de l'enfant en novembre 2015.

Ce conseil ressemble à une commission consultative: il n'est pas décisionnel, il est constitué de jeunes d'âges, de formations, de profils et d'horizons divers. Ce n'est pas une commission officielle, il n'y a pas de jetons de présence. L'impact budgétaire sera neutre car cet organe n'engendrera pas de coûts supplémentaires. Ce conseil sera à disposition des exécutifs cantonaux et communaux sur des sujets qui concernent la jeunesse. Il permettra à des jeunes qui n'ont pas le droit de vote de s'exprimer et de débattre, mais aussi à des jeunes qui ont déjà 18 ans d'avoir un lieu de parole. Ce conseil est plébiscité par les jeunes eux-mêmes.

Une des craintes était l'effet doublon par rapport à d'autres structures, mais les milieux auditionnés ont démontré la nécessité de la création de ce conseil. En commission, nous avons notamment entendu le GLAJ, le Groupe de liaison genevois des associations de jeunesse. C'est une faîtière d'associations, elles-mêmes pas forcément dirigées par des jeunes, mais qui représentent des structures dont les activités concernent les jeunes. Nous avons aussi entendu le parlement des jeunes; surtout constitué de collégiens, il ne remplit pas le rôle de consultation prévu par la loi, il a uniquement été entendu au sujet de la loi sur l'enfance et la jeunesse. Dans d'autres situations, il a dû demander à être auditionné. Si les pouvoirs politiques ne veulent pas écouter les jeunes, ils peuvent parfaitement faire l'impasse, ce qui ne serait plus le cas avec un conseil de la jeunesse. De plus, le parlement des jeunes étant une association de droit privé, il peut être dissous demain. Ce conseil permettra aux jeunes de s'exprimer sur les politiques qui les touchent directement et formera une véritable force de proposition et de consultation. Quand on voit les manifestations actuelles, il est nécessaire d'avoir des interlocuteurs officiels: ce conseil pourrait ainsi être auditionné. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

L'adoption de ce PL serait non seulement un signal fort, nécessaire envers les jeunes qui veulent se faire entendre, mais aussi un moyen de les intéresser à l'appareil politique de notre canton et de favoriser leur participation active au processus démocratique. Un consensus a été trouvé sur la question de l'âge: la tranche de 14-21 ans au moment de l'entrée dans le conseil consultatif permet aux jeunes d'y entrer jusqu'à 21 ans et d'y siéger jusqu'au bout de leur mandat. Le but de cette limite d'âge à l'entrée permet aussi d'éviter l'effet mâle alpha dominant, comme l'a assez adéquatement nommé un charmant collègue PLR. A l'heure des manifestations sur le climat, sur l'environnement, avec les reproches faits aux politiques de ne pas aller assez vite, assez fort dans notre prise en main des problèmes, le risque est grand de tomber dans le populisme qui tend à faire croire que nous y répondons alors que, dans la réalité, le changement prend du temps. Il est irresponsable de fixer des objectifs inatteignables pour faire plaisir. Accepter ce projet de loi aujourd'hui, et pas dans quelques mois ou quelques années, est un des moyens d'éviter ce piège et de dire aux jeunes qui sont dans la rue que notre parlement entend répondre à leurs préoccupations en les écoutant et en les intégrant rapidement, mais de manière intelligente, en travaillant ensemble, en menant un dialogue constructif. Pour toutes ces raisons, la majorité se réjouit du consensus trouvé en commission et vous invite à accepter ce projet de loi tel qu'issu des débats de commission. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, comme il y a un rapport de minorité, il n'y a pas consensus, me semble-t-il ! Ce projet de loi est une fausse bonne idée, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues. Le parlement des jeunes existe déjà depuis de nombreuses années. (Commentaires.) C'est bon, je peux parler, Monsieur de Sainte Marie ? Carton jaune !

Une voix. Vas-y, laisse-toi pas faire !

M. Christo Ivanov. Il me perturbe, c'est terrible. Dans les statuts du parlement des jeunes, il est indiqué que l'association entend devenir un interlocuteur privilégié des autorités communales et cantonales pour tous les thèmes concernant la jeunesse. Pour la minorité de la commission, il y a là un doublon. Il suffirait de donner d'autres moyens à l'association de droit privé existante pour éviter d'ajouter encore une nouvelle couche au mille-feuille. Existent déjà le parlement des jeunes ainsi que le Groupe de liaison genevois des associations de jeunesse. Mais il faudrait évidemment faire comme les autres parce qu'une structure équivalente existe déjà en Suisse romande: une fois de plus, Genève rejoindrait le troupeau, si j'ose dire ! La minorité de la commission vous enjoint donc de refuser ce projet de loi qui est une fausse bonne idée, car tout existe déjà et il suffit de faire des adaptations et d'éviter d'ajouter une nouvelle couche au mille-feuille.

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la droite se moque un peu des jeunes, il faut bien le dire: elle s'est acharnée à saboter la loi sur l'enfance et la jeunesse. Le texte avait pourtant occupé la commission de l'enseignement durant 22 séances, occasionné 18 auditions et recueilli in fine l'unanimité. Mais en plénière, le 1er mars 2018, la droite a tenté à quatre reprises le renvoi du projet de loi en commission. Cette manoeuvre dilatoire a raté; toutefois, par esprit de revanche, elle a réussi à faire supprimer du texte le conseil de la jeunesse.

Le canton avait besoin d'une nouvelle loi sur l'enfance et la jeunesse et il l'a. Cette refonte totale s'imposait, notamment pour affirmer qu'une des missions du DIP concerne l'accompagnement et la protection des enfants et des mineurs. Il s'agissait d'ancrer dans une base légale des prestations qui sont délivrées, par exemple, par l'office de l'enfance et de la jeunesse et par l'office médico-pédagogique, mais la loi voulait aussi encourager les activités permettant l'apprentissage de l'indépendance, de l'autonomie et de la responsabilité afin que les enfants et les jeunes puissent s'intégrer socialement, culturellement et civiquement. Une des nouveautés proposées, dans la section «Encouragement», était ce conseil de la jeunesse, qui a été rejeté sans vrai motif si ce n'est celui de mettre son empreinte sur une loi en la dégradant.

A ce jour, un organe représentatif de la diversité et des besoins des jeunes n'existe toujours pas car la droite s'est assise sur l'avis des jeunes. En effet, tant le Parlement des jeunes genevois que le Groupe de liaison genevois des associations de jeunesse soutenaient - et soutiennent toujours - la création d'un conseil de la jeunesse. Cet organe doit permettre aux jeunes du canton d'être véritablement représentés et de faire entendre leur voix sur des sujets ou propositions qui leur tiennent à coeur, en interpellant directement le Grand Conseil, le Conseil d'Etat ou les exécutifs communaux.

Cette nouvelle instance participative ne fera en aucune manière doublon avec celles qui existent. Au contraire, elle viendra combler un manque. Biffer le conseil de la jeunesse - que le département de l'instruction publique souhaitait mettre en place à l'instar de ce qui existe dans les autres cantons romands - est injustifiable et ce rejet révèle la crainte irrationnelle des partis de droite de voir ces jeunes se faire instrumentaliser par les partis de gauche.

Toutefois, à l'heure où des efforts sont faits pour encourager la participation des jeunes - avec des initiatives comme CinéCivic, par exemple - et les inciter à utiliser leur droit de vote, Ensemble à Gauche estime qu'il est primordial de corriger la loi en lui redonnant son contenu originel et en réintroduisant ce conseil de la jeunesse. Ensemble à Gauche vous invite donc à voter ce projet de loi tel que sorti de la commission.

Mme Salima Moyard (S). Monsieur le président, je me réjouis sincèrement ce soir pour la jeunesse de notre canton qui, grâce à notre vote, après tant d'années, verra enfin la mise en place d'un conseil de la jeunesse, véritable outil d'initiation à la participation civique active des jeunes. On l'a dit, cela est réclamé par les jeunes eux-mêmes depuis 2015. Un premier essai a bêtement avorté lors de la révision de la loi sur l'enfance et la jeunesse, M. Olivier Baud en a brossé le tableau. Le parti socialiste a tenu bon, il a redéposé un texte et nous y voilà ce soir !

C'est quoi, ce conseil de la jeunesse, me direz-vous ? Ce sera un organe consultatif et non décisionnel, composé de jeunes d'âges et d'horizons divers, avec des formations et des profils variés, qui fournira des préavis et des positions à destination du Conseil d'Etat et des exécutifs communaux; ce conseil fera des propositions sur tous les sujets qui concernent la jeunesse. Il sera composé de jeunes âgés de 14 à 21 ans, c'est le consensus trouvé en commission et que nous approuvons: c'est une tranche d'âge intelligente, avec des jeunes qui n'ont pas encore le droit de vote et d'autres qui l'ont depuis quelques années seulement. Vous le savez tous, ce sont les jeunes majeurs qui forment la tranche d'âge qui vote le moins aujourd'hui et il est nécessaire - c'est notre devoir - de trouver un moyen de les inciter à s'investir.

A quoi ça sert concrètement, alors ? Ça permettra à des jeunes de s'exprimer, de donner leur opinion, d'en débattre, de transmettre des positions aux autorités. Ce sera un lieu de parole sur les sujets qui les concernent directement. Pourquoi est-ce que c'est important aux yeux du parti socialiste ? Parce que ce sera un outil d'apprentissage progressif de l'indépendance et de la responsabilité sociale. On l'a dit, mais il est bon de le répéter, ce conseil est demandé, plébiscité par les élèves eux-mêmes, loin d'une invention technocratique comme certains le craignent. C'est un outil plébiscité par toutes les parties auditionnées ainsi que par le droit supérieur: des conventions internationales, les constitutions cantonale et fédérale, les diverses lois fédérales, la conférence des directions cantonales des affaires sociales et j'en passe. Aussi, ce soir, ce serait un plaisir de pouvoir supprimer une Genferei. On s'applique en général à en créer de nouvelles; quand on peut en supprimer une, il faut donc saisir cette possibilité.

En conclusion, nous sommes dans la droite ligne de la politique menée par la conseillère d'Etat, notamment avec les instances participatives dans les écoles. Nous sommes loin d'une politisation des jeunes, mais sur le chemin d'une conscientisation et d'un éveil à la vie de la cité. On ne le redira jamais assez: ça ne fait nullement doublon avec le parlement des jeunes: ce sera une structure légère et peu coûteuse, une interface entre les jeunes et l'Etat, qui répond à un vrai besoin. Je vous remercie de soutenir la création de ce conseil de la jeunesse. (Applaudissements.)

Mme Ana Roch (MCG). Monsieur le président, si le parlement des jeunes a toute sa place dans notre république, instaurer une nouvelle structure nous semble diluer les forces existantes. Il faut soutenir ce parlement, peut-être de manière plus adéquate. Soutenir l'action civique peut se faire par le biais de ce parlement sans avoir besoin de recommencer avec une nouvelle structure. On a parlé de doublon: c'est aussi le sentiment que nous avons. Il ne nous semble pas adéquat de soutenir la création de cette nouvelle assemblée. Pour ces raisons, le groupe MCG ne soutiendra pas ce projet de loi.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs, il convient aujourd'hui d'avoir le courage de nous questionner réellement sur la place que nous souhaitons laisser à nos jeunes. Serait-ce seulement une place dans la rue - et uniquement celle-là - ou bien irons-nous un peu plus loin en acceptant la création de ce conseil de la jeunesse ? Il convient de donner aux jeunes la possibilité de former une vraie force de proposition, et cette possibilité est clairement soutenue par l'ajout proposé dans la loi sur l'enfance et la jeunesse. Accepter cet ajout, c'est reconnaître l'engagement des jeunes, c'est lier notre parole à des actes concrets. Pour toutes ces raisons, le PDC acceptera ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je souhaiterais tout d'abord remercier la députée Bachmann pour son - excellent - rapport de majorité. Je répéterai ici quelques éléments déjà dits par Mme la députée Moyard. Les milieux de la jeunesse auditionnés n'ont cessé de nous le répéter, la création de ce conseil est une nécessité, et non un doublon des associations existantes, comme le soutient à tort la minorité. Il ne s'agit pas d'une Genferei, on l'a déjà dit, car Genève ne sera pas pionnière dans le domaine ! Au contraire, il semble à mon grand regret que notre canton peine encore et toujours à accorder du crédit à notre jeunesse. Le parlement des jeunes est une association de droit privé et cette association n'est quasiment jamais consultée par le Grand Conseil ou par le Conseil d'Etat. Avec le conseil de la jeunesse, c'est un nouveau contrat intergénérationnel que nous signons, qui représente une première marque de confiance envers nos jeunes: nous donnons la chance à notre jeunesse de participer à la vie politique de notre canton, de se sentir incluse et entendue. Un premier pas pour faire des jeunes des acteurs et actrices et ne plus les laisser spectateurs et spectatrices, rôle auquel nous semblons constamment les reléguer.

M. Leutwyler, représentant du parlement des jeunes au GLAJ, nous l'a rappelé, les jeunes ne se sentent pas suffisamment écoutés et ce conseil permettrait de créer un lien entre eux et les institutions pour les former à la citoyenneté. Les décisions que nous prenons aujourd'hui - en particulier en matière environnementale - concernent les jeunes plus que jamais puisqu'elles auront des conséquences sur les vingt à trente prochaines années et qu'ils et elles seront les premiers et premières concernés. Les jeunes demandent à être entendus, demandent à être des citoyens et citoyennes actives. De quoi avons-nous peur ? Donnons-leur la parole ! Ce conseil n'est qu'un premier petit pas sur le chemin de l'intégration de notre jeunesse à notre démocratie, mais les Verts préfèrent ce petit pas à l'immobilisme, que nous détestons. C'est pourquoi je vous demande de soutenir ce projet.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci. M. Esteban n'a plus de temps de parole disponible. Je passe la parole à M. Guinchard Jean-Marc.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, lors du premier débat qui avait été consacré à ce projet de loi, au cours duquel ce Grand Conseil avait malheureusement refusé l'institution du conseil de la jeunesse, plusieurs intervenants avaient prétendu qu'il existait déjà un organe représentatif et consultatif, soit le parlement des jeunes. Le parlement des jeunes, il faut le préciser, est une association de droit privé et le fait d'instituer un conseil de la jeunesse est une reconnaissance de la voix de cette jeunesse, reconnaissance que nous lui devons. Cela lui permettra d'être consultée officiellement et de faire valoir son avis autrement que par le biais d'une simple organisation de droit privé. Je vous remercie donc de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, ce projet de loi fait le voeu pieux que les politiques ne puissent plus faire l'impasse sur l'avis des jeunes. Voilà en gros ce que je retiens de ces débats alors que tout existe déjà avec le parlement des jeunes. Pour nous, il est possible de renforcer et de dynamiser cette assemblée: il suffirait de changer ses statuts afin qu'elle devienne un organe participatif. Ce serait d'une simplicité limpide. On créerait ainsi une nouvelle structure qui permettrait à ce parlement des jeunes d'être plus efficace et reconnu tant par les communes que par l'Etat. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission de l'enseignement vous recommande de refuser ce projet de loi.

Le président. Merci. La parole est à Mme Delphine Bachmann pour trente-trois secondes.

Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vous redirai juste deux choses. La première, c'est que ce projet de loi ne coûtera rien et donnera une voix à ceux qui n'en ont pas aujourd'hui. Je reprends les propos de ma collègue Paloma Tschudi: de quoi avons-nous peur ? En toute amitié, vu leur moyenne d'âge, peut-être que mes collègues UDC ont quelques craintes... (Rires.) En ce qui concerne le reste du parlement, nous avons quelques jeunes qui ont envie de s'exprimer et la majorité de cette commission a envie de leur donner cette voix. Mais je vous aime beaucoup, là-bas tout à droite ! (Commentaires.)

Le président. Un peu de calme, s'il vous plaît ! La parole est à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la députée Bachmann a parlé d'une triste suppression survenue l'année dernière. Réjouissons-nous ce soir de réintégrer dans la loi sur l'enfance et la jeunesse l'article qui en avait mystérieusement disparu - peut-être à cause de la proximité des élections. C'était un article important parce qu'il clôturait un des objectifs de cette loi relatif à la participation des jeunes.

On l'a rappelé à plusieurs reprises, les jeunes sont malheureusement une des catégories d'âge qui vote le moins. Et je reste persuadée que si on veut que notre jeunesse s'intéresse à la vie de la cité, qu'elle soit active, que ce soit en politique, dans les associations ou ailleurs, qu'elle tienne un vrai rôle, eh bien, elle pourra le faire notamment si, depuis son plus jeune âge, elle aura été habituée à participer, à répondre aux questions qui la concernent et à soulever des débats importants. C'est pour ça que, dans cette loi sur l'enfance et la jeunesse, dans l'article sur la participation, nous avons envisagé - et nous sommes en train de mettre cela en place pour la rentrée scolaire - des sortes de conseils délibératifs dans toutes les écoles du canton, depuis la première primaire jusqu'à la fin du secondaire II. Cela dit, il nous faut encore un autre type d'instance, qui regroupe l'ensemble des jeunes, ceux qui ne sont plus scolarisés, qui sont ailleurs que dans les écoles du canton, et c'est le sens de ce conseil de la jeunesse.

Quelques remarques par rapport aux propos du député Ivanov. Monsieur le député, le parlement des jeunes n'a malheureusement de parlement que le nom: c'est bien là l'ambiguïté. Il ne devrait pas s'appeler ainsi, parce qu'il s'agit d'une association qui s'autoproclame - et elle a raison de le faire - parlement des jeunes, mais qui ne représente strictement en rien la jeunesse de ce canton puisqu'elle n'est pas représentative, ni par l'âge de ses membres, ni par leurs qualités, ni par leur formation, etc. On sait que le parlement des jeunes est composé essentiellement de collégiens et d'étudiants à l'université, mais extrêmement peu d'apprentis, de peu d'élèves qui viennent de l'Ecole de culture générale ou des centres de formation professionnelle et, bien évidemment, assez peu d'étrangers aussi.

Monsieur Ivanov, dans votre rapport que j'ai bien lu, vous nous parlez de Genferei. Maintenant, vous nous dites que nous allons rejoindre le troupeau... Je ne sais pas s'il vaut mieux rejoindre le troupeau ou faire une Genferei, mais ce que je souhaite, véritablement, c'est qu'on puisse écouter une partie de la population qu'on n'entend pas assez souvent !

Je rectifierai quand même ce qu'a dit la députée Tschudi, à savoir que le parlement des jeunes n'était jamais consulté: qu'elle sache que je reçois deux fois par année les associations de jeunesse de ce canton, dont celle-ci. Mais il est vrai que, lors d'événements comme la grève du climat, j'étais très embêtée: même si je me suis adressée au parlement des jeunes, il se trouve qu'il ne représente pas tout le monde. J'ai dû faire passer une série d'appels téléphoniques dans les écoles du canton pour avoir des jeunes qui viennent. Si on avait eu ce conseil de la jeunesse, ça aurait été beaucoup plus simple, parce qu'on aurait pu à ce moment avoir des interlocuteurs représentatifs des diverses écoles du canton et discuter avec eux.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de rectifier, de refaire ce qui a été défait l'année dernière, et je me réjouis de pouvoir vous présenter, peut-être d'ici une année, la première mouture de ce nouveau conseil de la jeunesse.

Le président. Merci, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12308 est adopté en premier débat par 54 oui contre 31 non et 9 abstentions.

Le projet de loi 12308 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12308 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 31 non et 11 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12308

PL 11342-B
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Stéphane Florey, Bernhard Riedweg, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Michel Baud, Eric Leyvraz, Norbert Maendly, Michel Amaudruz, Thomas Bläsi, Christina Meissner, Marc Falquet, Jean-Marie Voumard, André Python, François Baertschi, Francisco Valentin, Carlos Medeiros, Ronald Zacharias, Danièle Magnin, Pascal Spuhler, Sandra Golay, Jean-François Girardet, Christian Flury modifiant la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (LaLCR) (H 1 05) (Pour une extension du principe de compensation à l'ensemble du canton)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 9 et 10 avril 2019.
Rapport de majorité de M. Thomas Wenger (S)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Premier débat

Le président. Nous abordons le PL 11342-B dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Thomas Wenger, à qui je donne la parole.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi vise à étendre le principe de compensation des places de stationnement à l'ensemble du canton. Selon la loi actuelle, en effet, ce mécanisme n'est prévu qu'en ville de Genève et à Carouge - j'y reviendrai tout à l'heure.

En tant que rapporteur de majorité, il me paraît important de souligner que nous sommes en train de changer de paradigme en ce qui concerne la mobilité: les modes de déplacement évoluent, le canton consent d'importants investissements pour le développement des transports publics et de la mobilité douce avec l'objectif de réduire le trafic individuel motorisé et, par là même, la pollution, qu'il s'agisse de pollution de l'air ou sonore. Or la gestion du parcage constitue un axe important de cette politique, parce qu'elle permet d'influer sur le trafic individuel motorisé.

La législation actuelle s'applique à la ville de Genève et à celle de Carouge, je l'ai dit tout à l'heure, et prévoit la compensation des places de parking lors de l'aménagement d'équipements de mobilité douce, de transports publics, de routes... bref, de toute infrastructure de déplacement. Cette loi, qui a été votée en 2012, est relativement rigide et a même été durcie depuis lors. Pourquoi est-elle rigide ?

Parce qu'elle permet de compenser un nombre de places restreint. Avant, sur l'offre de référence qui est de 22 000 places, vous pouviez en compenser 1% par année, c'est-à-dire 222; ensuite, la loi a été durcie, comme je l'ai dit, ce taux passant à 0,5%, ce qui fait que vous ne pouvez compenser plus que 111 places. Par ailleurs, l'idée est de compenser les places de parking dans des ouvrages déjà existants pour que ça coûte moins cher à la collectivité; ce mécanisme a lui aussi été durci par une loi faisant que de nombreux parkings en ouvrage ne sont plus pris en compte aujourd'hui.

Le présent projet de loi propose d'étendre ce principe de compensation rigide à l'ensemble du canton. Or il est déjà extrêmement compliqué de créer des aménagements de mobilité douce et de transports publics en ville de Genève et à Carouge, alors imaginez si vous généralisez ce système dans l'ensemble du canton...! Vous allez forcer des communes beaucoup plus petites, Mesdames et Messieurs, à compenser trois, quatre, dix places dans des parkings en ouvrage dont ils ne disposent pas sur leur territoire, sachant en outre qu'une seule place coûte entre 30 000 et 70 000 francs selon l'ouvrage. Ce sont des frais extrêmement importants pour de petites collectivités publiques.

Je vais laisser du temps de parole à mon groupe - malheureusement, entre guillemets - parce que ça file vite. Pour conclure, donc, ce texte soutenu par l'UDC et le MCG représente vraiment un projet d'un autre temps, un projet émanant de deux partis qui n'ont pas compris que la mobilité évolue, que les modes de transport changent, que le Léman Express arrive en décembre, que tout le réseau Unireso va s'adapter, qu'il faut désormais investir beaucoup plus dans la mobilité douce pour diminuer la pollution - à la fois de l'air et sonore - et ainsi améliorer la qualité de vie des habitantes et habitants. Voilà pourquoi une large majorité de la commission vous propose de rejeter ce projet de loi. Merci beaucoup.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Pour commencer, Mesdames et Messieurs, je précise que ce projet de loi avait été renvoyé en commission, car il était question d'étendre le principe de compensation des parkings uniquement dans les communes de plus de 10 000 habitants. Ce point n'ayant pas été traité, un amendement à l'article 7B, alinéas 2 et 3, vous sera proposé.

Actuellement, comme cela vient d'être dit, le mécanisme de compensation existe seulement dans les zones denses, soit la ville de Genève et Carouge. Dans ces deux communes, le système est apprécié et jugé essentiel pour soutenir les commerçants et artisans. Selon nous, il est maintenant nécessaire de le généraliser aux autres grandes communes. En effet, de nombreuses places sont ou ont été supprimées à Meyrin, à Lancy et dans d'autres municipalités importantes. Aux Palettes, par exemple, plus de 140 places ont été annulées uniquement pour le prolongement du tram. Or, dans ce quartier de Lancy, les immeubles datent des années 60 et ne disposent pas de parkings souterrains. Le maintien des places en surface a un impact sur la qualité de vie des habitants et garantit tous les modes de déplacement auxquels ils ont droit.

Encore une fois, le système de compensation en ville de Genève et à Carouge n'est pas contesté, car sans la pérennité d'environ 22 000 places de parc dans ces deux communes, les commerçants et artisans seraient fortement pénalisés, le tourisme d'achat augmenterait. Aux yeux de la minorité, il serait logique et surtout très utile d'étendre ce mécanisme aux autres grandes communes genevoises. Je vous recommande donc d'accepter notre amendement à l'article 7B, alinéas 2 et 3, puis de voter le projet de loi tel qu'amendé. Merci.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été traité en 2014 à la commission des transports, puis la plénière l'a ajourné et renvoyé une nouvelle fois en commission, comme cela a été dit. Il vise à étendre le système de compensation des places de stationnement actuellement en vigueur à Carouge et en ville de Genève à tout le territoire du canton.

Le groupe démocrate-chrétien est bien conscient que la suppression de nombreuses places de parc en zone macarons dans un secteur dense et commerçant comme au chemin des Palettes, à Lancy, en vue du prolongement de la ligne 15 du tram constitue un réel problème pour les habitants et commerçants. Mais, d'un autre côté, on constate de plus en plus de vacances dans les parkings privés des immeubles d'habitation de ce même quartier.

A notre avis, les contraintes induites par ce texte sont excessives aussi bien pour les communes que pour le canton, notamment sur les aspects techniques et financiers, qui ne sont absolument pas évoqués dans le texte. Ainsi, la création de parcs de stationnement pour deux-roues - motorisés ou pas - d'une déchetterie ou d'une aire piétonne nécessiterait systématiquement la compensation des places supprimées ! Rappelons que la construction en ouvrage est extrêmement onéreuse, pouvant atteindre 30 000 à 80 000 francs la seule place; reviendra-t-il au canton ou aux communes de financer de telles infrastructures ? Le projet de loi ne mentionne rien à ce sujet.

En revanche, une meilleure concertation en amont et à long terme entre les services du canton et les communes concernées tout comme une bonne dose de pragmatisme pourraient nous amener à être plus efficaces dans notre politique de stationnement. Le suivi du mécanisme de compensation est extrêmement contraignant, mais ce texte remet inutilement en question certains principes de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Aussi, pour les raisons évoquées, le groupe démocrate-chrétien refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi ainsi que, le cas échéant, l'amendement proposé par l'UDC.

M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, un grand nombre de familles modestes habitant dans des quartiers peuplés sont confrontées au problème du stationnement de leur véhicule. En effet... (L'orateur est inaudible.)

Le président. Monsieur Python, pouvez-vous élever un peu la voix, s'il vous plaît ?

M. André Python. Oui. Souvent, la voiture représente un moyen pour les familles nombreuses ou les personnes à mobilité réduite ne bénéficiant pas d'un macaron handicapé de s'échapper en fin de semaine pour une virée à la montagne, un pique-nique à la campagne, une activité en plein air. Le retour en ville est problématique: elles peinent alors à trouver une place pour leur auto. De plus, les multiples chantiers et terrasses de bistrots causent la suppression de places dans les zones macarons, et ces gens n'ont pas les moyens de louer un emplacement privé à 200 francs par mois.

Concernant les habitants, l'article 4, alinéa 1, lettre a, de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée indique ceci: «assurer le parcage à proximité immédiate de leur domicile afin d'encourager l'utilisation d'autres modes de transport pour leurs déplacements quotidiens, et ce en privilégiant le stationnement privé et ensuite le parcage sur la voie publique par le biais des macarons». Pour ces raisons, le MCG soutiendra ce projet de loi ainsi que l'amendement UDC. Je vous remercie.

M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Chers collègues, je ne vais pas répéter les propos de mon préopinant, ses idées sont aussi les miennes. Certes, on veut un transfert modal - je sais qu'il tient à coeur au chef du département de pousser les automobilistes dans les transports en commun - mais si on prive les gens de places de stationnement, c'est une contrainte, et le MCG est contre la contrainte.

On peut donner une impulsion, mais pas obliger nos concitoyens à délaisser leur voiture, à abandonner le moyen de transport qu'ils privilégiaient jusqu'à aujourd'hui. Comme mon collègue le disait à l'instant, certaines familles ou personnes à mobilité réduite ont besoin de se déplacer. Supprimer des parkings et refuser d'étendre le principe de compensation aux communes autour de la ville de Genève est juste inacceptable.

Nous sommes également en pénurie de parcs de stationnement pour les deux-roues motorisés - il y a un déficit de près de 40 000 places, je crois - alors que c'est un moyen de transport en pleine explosion. Or parmi les mesures de compensation, il est prévu de créer des emplacements pour ces deux-roues motorisés, donc je pense que si une politique est menée dans certaines communes et pas dans les autres, ça va simplement déplacer le problème; au contraire, une action cohérente dans l'intégralité des municipalités nous évitera un transfert de véhicules d'un territoire à l'autre. Pour toutes ces raisons, le MCG vous invite à soutenir ce projet de loi.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, j'aimerais tout d'abord remercier l'UDC qui nous permet aujourd'hui de débattre de la politique de stationnement, laquelle nécessite urgemment d'être revue, mais pas via ce projet de loi totalement idéologique. Celui-ci ne répond à aucun besoin, comme l'ont révélé les différentes auditions qui étaient fort intéressantes et sur lesquelles je voudrais d'ailleurs revenir; non pas les auditions de l'ATE, d'actif-trafiC ou d'une autre obscure association écologiste, mais par exemple celle de Parkgest, le plus grand propriétaire privé de parkings à Genève.

Que nous dit son représentant ? Qu'en raison du durcissement de la politique de stationnement voté lors de la dernière législature, une occupation de 80% vingt jours par année est nécessaire pour la compensation des places, ce qui fait qu'il ne peut plus en compenser au parking du Mont-Blanc dont il est propriétaire, que voter un principe de compensation ou construire de nouveaux ouvrages alors que celui du Mont-Blanc se vide est totalement contre-productif, que le problème est le prix du macaron, beaucoup trop bas à Genève en comparaison avec d'autres villes suisses.

Les autres auditions intéressantes étaient celles de l'USPI, soit les professionnels de l'immobilier, et de l'Association des promoteurs-constructeurs genevois, représentée par Thierry Barbier-Mueller. Que nous a dit ce dernier ? Que le projet de loi ne tient pas compte de l'urbanité moins importante des autres communes du canton, que le taux de vacance dans les parkings des immeubles est extrêmement élevé, qu'il n'arrive plus à les rentabiliser, ce qui a forcément un impact sur le prix des loyers, que les parkings ont tendance à se vider consécutivement au changement de comportement des gens - transports publics, autopartage, mobilité douce. Pour toutes ces raisons, il préconise, comme les Verts, de refuser ce projet de loi.

Mais il ne s'agit pas seulement de rejeter ce projet-ci. Comme les Verts ont de la suite dans les idées, ils ont déposé un autre texte de loi pour abolir le mécanisme de compensation et créer des zones piétonnes, qui est actuellement en commission et que nous vous invitons à soutenir, tout comme notre motion visant à supprimer l'obligation imposée aux propriétaires et promoteurs de construire des places de stationnement dans leurs immeubles de façon surnuméraire. Ainsi, pour aider nos amis propriétaires de parkings et promoteurs immobiliers, je vous appelle à refuser ce projet de loi ! Merci. (Applaudissements.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Comme cela a été rappelé, le principe de compensation existe depuis 2011 ou 2012 et est très contraignant. Le groupe PLR considère qu'il n'est pas souhaitable de l'étendre à d'autres communes que celles de Carouge et Genève, qui connaissent des problèmes de stationnement plus aigus. L'offre de parcage privé dans les autres communes est conséquente et il ne convient pas d'ajouter des problèmes ni d'apporter des contraintes administratives supplémentaires dans ce domaine.

Au-delà du souhait exprimé par le rapporteur de majorité quant à un changement de paradigme s'agissant des modes de déplacement - arrivée du Léman Express, développement de la mobilité douce que nous souhaitons tous - il faut savoir que ce projet de loi imposerait des contraintes très importantes - trop importantes ! - aux communes: obligation de supprimer des places en surface lorsque l'on construit un parking en ouvrage, possibles freins à des projets de développement, nécessité d'engager des moyens humains considérables pour le suivi du processus.

En outre, le règlement d'application de la loi sur la circulation routière permet d'ores et déjà au Conseil d'Etat d'étendre les zones en fonction des besoins. Ce sont les raisons qui amènent le groupe PLR à rejeter ce projet de loi tout comme les amendements qui seront éventuellement déposés. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, j'aimerais relever le manque de respect du rapporteur de majorité qui a mis plus de dix-huit mois pour rendre son rapport. Ainsi, on évoque une situation de 2017 alors qu'on est en 2019, et les choses se sont largement empirées en matière de places de stationnement. On en perd encore et toujours, cela au détriment de la qualité de vie dans certains quartiers.

Pensons à ce qui s'est passé à La Chapelle-Les Sciers, où on a volontairement construit très peu de places de parc, où on en vient maintenant à rendre des parkings payants, même pour les visiteurs, ce qui fait qu'on crée des ghettos où plus personne n'a envie de se rendre: on ne peut pas s'y garer, et si vous prenez le bus, il faut tout le temps veiller à l'heure à laquelle vous devez repartir. Bref, les gens n'ont carrément plus envie d'aller dans ce type de quartier.

Quant au chemin des Palettes, à Lancy, on continue à densifier sans créer une seule place de parc et on veut encore en supprimer davantage, cela au détriment des commerçants. En effet, on le voit très bien à cet endroit, quand il n'y a pas de parkings, les gens ne s'arrêtent plus dans les petits commerces, ils vont là où ils peuvent stationner. C'est comme ça: si vous devez vous garer en souterrain à 500 ou 600 mètres du magasin, vous n'y allez simplement plus ! De cette façon, vous incitez les gens à se déplacer plus loin, par exemple en France voisine où on peut encore se parquer à proximité des commerces, parce que là-bas, ils ont une politique attractive en matière de stationnement; à Genève, on n'en est plus capable.

Une fois de plus, le refus d'un principe de compensation dans les communes tel qu'on l'avait proposé relève d'une politique anti-voitures de la part de ce parlement. Je vous rappelle que si le projet de loi avait été renvoyé en commission, c'était pour traiter l'amendement - que nous redéposons aujourd'hui - visant à imposer ce mécanisme uniquement aux communes de plus de 10 000 habitants. Voilà pour l'essentiel. Je vous invite à reconsidérer votre position et à accepter l'amendement ainsi que le projet de loi. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Thomas Wenger...

M. Thomas Wenger. Je crois que le rapporteur de minorité voulait prendre la parole avant moi.

Le président. Alors elle revient à M. Pfeffer pour cinquante-deux secondes.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci. En ville de Genève et à Carouge, les habitants, commerçants et artisans saluent unanimement le mécanisme de compensation des parkings. Comme nous l'avons entendu, cet avis n'est pas partagé par les Verts ni la gauche en général. Or à Lancy et à Meyrin, la suppression des places de stationnement pose un réel problème. Il serait bien que le PDC et le PLR lisent les comptes rendus des auditions qui figurent dans le rapport. Pour ces raisons et pour soutenir les habitants, commerçants et artisans de ces communes, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'approuver ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, la majorité que je représente aujourd'hui va d'Ensemble à Gauche aux Verts en passant par le parti socialiste, le PDC et le PLR. Nous nous opposons à ce projet de loi UDC-MCG qui est vraiment à côté de la plaque. Comme je l'ai déjà dit, ces deux partis n'ont pas compris que les gens modifiaient leurs habitudes de déplacement.

Rappelons que la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée a été votée il y a deux ans par 68% de la population. Que voulait cette majorité populaire ? Une priorité à la mobilité douce et aux transports publics dans les zones denses du canton, et c'est dans cet esprit-là que nous devons continuer à travailler à la commission des transports.

C'est d'ailleurs ce que nous sommes en train de faire - peut-être M. le conseiller d'Etat Dal Busco en parlera-t-il brièvement - en étudiant un autre projet qui, au lieu d'étendre un principe de compensation rigide à l'ensemble du canton, vise plutôt à l'adoucir de façon intelligente et constructive afin de répondre aux besoins des uns et des autres, en particulier de la population qui n'en peut plus de la pollution de l'air, qui n'en peut plus de la pollution sonore, qui souhaite résolument une mobilité plus durable pour Genève.

J'espère sincèrement que la majorité de la commission que je représente aujourd'hui continuera à travailler de manière constructive avec M. Dal Busco afin de prendre les bonnes décisions pour le futur de notre canton. Merci.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, s'agissant de la mobilité en général et du stationnement en particulier, l'heure est au pragmatisme et à la souplesse, non pas à l'instauration de règles encore plus rigides. Le projet de loi qui vous est présenté ce soir, si j'ai été correctement renseigné - il commence en effet à dater, remonte en tout cas à bien avant que je ne sois chargé de cette politique publique - concernait un problème spécifique, à savoir la suppression de places de parc en vue du prolongement du tram, dans une commune spécifique, c'est-à-dire Lancy.

Ce qui n'a pas été mentionné dans les discours que nous avons entendus du côté des auteurs de ce texte, c'est qu'on a bel et bien construit ce tram et que, de fait, une partie des personnes qui utilisaient ces places se sont très probablement tournées vers ce nouveau moyen de locomotion - même certainement, puisque la transition vers les transports publics est en constante augmentation dans le canton, y compris en dehors du centre-ville. Dans le cas d'espèce, il était parfaitement logique d'abolir des places, puisqu'on proposait une offre abondante à proximité. C'est la première chose que je voulais dire: la problématique date, nous avons trouvé des solutions entre-temps.

J'aimerais ajouter deux arguments. D'abord, plusieurs choses ont changé depuis le dépôt de ce projet de loi, notamment la réglementation en matière de délivrance des macarons: avec ces nouvelles dispositions, vous le savez sans doute, nous avons diminué l'octroi de macarons et donc libéré de la capacité dans les zones bleues. Ainsi, normalement... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)

Le président. Chut !

Des voix. Chut !

M. Serge Dal Busco. Merci.

Le président. Il vous en prie !

M. Serge Dal Busco. Ainsi, la disponibilité de stationnement a été croissante, malgré la suppression de certaines places.

Ensuite - cela a été rappelé, mais je voudrais insister - la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée nécessite une souplesse accrue en ce qui concerne le mécanisme de compensation, faute de quoi nous ne pouvons tout simplement pas la mettre en application. Comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, nous discutons actuellement à la commission des transports d'un assouplissement qui vous est proposé par le Conseil d'Etat, un assouplissement intelligent qui permettra de mettre en oeuvre ce que le peuple a voulu en acceptant cette LMCE, c'est-à-dire à la fois apaiser la circulation, la diminuer, favoriser la mobilité douce et les transports en commun là où la loi le prévoit, et fluidifier le trafic individuel motorisé là où la loi le précise également, en l'occurrence sur la moyenne ceinture, le U lacustre et les pénétrantes.

Nous devons appliquer des règles qui tiennent compte des changements sociétaux, de l'évolution des habitudes de mobilité. En effet, le nombre de personnes qui renoncent à la voiture est en hausse dans tout le canton de Genève. Du côté des nouvelles générations, les comportements se modifient, les jeunes passent de moins en moins le permis, et il nous faut prendre ces réalités en considération. Inscrire dans la loi des dispositions plus rigides, cela revient à ne pas reconnaître cette évolution, à nous diriger vers de gros problèmes. Je me félicite de voir qu'une large majorité de votre parlement partage ce constat et plébiscite une mobilité plus responsable et intelligente, notamment en ce qui concerne le parcage. Merci.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11342 est rejeté en premier débat par 75 non contre 18 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance. Avis aux amateurs de beach-volley: le Grand Conseil rencontre la Ville de Genève dimanche 19 mai à 14h au Port-Noir. Bonne soirée et bonne rentrée !

La séance est levée à 22h50.