République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 152-nc
Initiative populaire : Pour une traversée de la rade
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 février 2014.
IN 152-C
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'initiative populaire 152 : "Pour une traversée de la rade"

Débat

Le président. Avant de passer au point suivant de notre ordre du jour, je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Catherine Passaplan. (Applaudissements.) Nous abordons l'IN 152-C. Je vous rappelle que nous sommes en débat libre, c'est-à-dire trois fois sept minutes par personne. Nous voterons à l'issue du débat, à la suite; nous ne reprendrons pas le débat entre les votes. La parole est à M. le député rapporteur de majorité Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce débat est d'importance, il revient souvent dans la politique genevoise. Je vous rappelle qu'en 1988, le peuple avait accepté par 68,5% des voix une initiative du TCS pour une traversée lacustre. Le 9 juin 1996 avait eu lieu un vote sur les deux projets, pont ou tunnel: chacun des deux avait été refusé. Nous votons ici sur l'initiative déposée par l'UDC, qui demande une traversée de la rade entre le bas de l'avenue de France et le parc des Eaux-Vives. Nous remercions ici le département et les personnes qui, rapidement, ont donné tous les renseignements nécessaires à la commission, ce qui a permis à celle-ci de prendre une décision en quatre séances de manière à aboutir au débat d'aujourd'hui.

Je vais tout de suite aller au but. La commission vous recommande de refuser l'initiative de l'UDC pour les différentes raisons suivantes. La première est le financement: nous construirions un tunnel qui serait une route cantonale, il n'y aurait donc aucun financement de la Confédération, tout le financement serait cantonal. Les dernières évaluations prévoient entre 1,2 et 1,5 milliard, probablement même plus à la fin des travaux. L'UDC a demandé dans son texte que le travail soit exécuté dans les six ans suivant l'acceptation de l'initiative par le peuple, ce qui veut dire, eu égard aux finances cantonales, qu'on ne pourra strictement plus rien entreprendre d'autre et qu'on arrivera très rapidement au premier stade d'endettement nécessitant une prise de position du parlement à chaque objet, puis, très vite aussi, au deuxième stade qui entraîne une décision du peuple. L'Etat, qui a d'autres projets - les trams, la rénovation des collèges et des écoles... - ne pourra donc plus rien financer d'autre que la traversée de la rade. Voilà pour le premier point.

Le deuxième point qui a engagé la commission à s'opposer à l'initiative est le fait que le trajet proposé ne résout strictement rien aux problèmes de circulation au centre-ville, but pourtant visé par l'initiative. Le seul changement visible sera au pont du Mont-Blanc: la circulation y diminuera ainsi que dans les rues adjacentes, mais aux autres accès au centre-ville ainsi qu'à l'entrée et à la sortie du tunnel, on assistera à une nette augmentation de la circulation. Je vous rappelle que l'Office fédéral des routes interdit les embouteillages dans un tunnel: le soir à six heures, s'il y a des bouchons, les voitures devront entrer dans le tunnel d'une façon cadencée pour ne pas avoir à s'y arrêter. Aux entrées du tunnel, il y aura donc des embouteillages énormes et rien ne sera résolu. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Troisième point: nous votons pour une traversée de la rade - c'était un autre argument de l'UDC - aussi afin d'avoir des mesures d'accompagnement pour un centre-ville vivable, c'est-à-dire que les cyclistes puissent circuler facilement, qu'on ait des rues piétonnes et des transports publics qui avancent rapidement. Avec la proposition de l'UDC, il n'y a aucune mesure d'accompagnement possible, parce qu'il y aura beaucoup trop de circulation au centre-ville.

A cause de tous ces points, et aussi du fait que la Ville de Genève a voté une initiative pour la préservation des parcs - l'entrée sur l'avenue de France empiétera sur des terrains appartenant à la Ville - nous aurons probablement des oppositions de la Ville de Genève.

Dernier point, qui concerne aussi les oppositions: n'oublions pas que la sortie au niveau du parc des Eaux-Vives se trouve sur la nappe phréatique du Genevois, une immense nappe phréatique qui va jusqu'en France et permet aux deux pays de pomper leur eau potable. Selon des accords internationaux, la France aura le droit de s'opposer, si pour elle il y a un risque de contamination de la nappe. Cela poserait un deuxième problème. (Brouhaha.)

Pour toutes ces raisons, la commission a décidé de vous proposer de ne pas accepter l'initiative. Cela dit, une majorité de la commission est partie du principe qu'il fallait une nouvelle traversée pour permettre aux Genevois de contourner le canton et de finir l'autoroute de contournement. La majorité a donc décidé de vous proposer d'adopter un contreprojet. Il n'est pas encore écrit, puisque la commission aura une année pour l'élaborer et devra rendre ses travaux l'année prochaine. L'idée est d'avoir un contreprojet qui ressemble à ce qui a été proposé pour la traversée du lac, et non pas une traversée de la rade: cela permettrait de terminer l'autoroute de contournement, d'entrer plus facilement dans Genève par certains endroits et de délester l'autoroute. Les calculs faits par l'administration montrent une baisse de la circulation de 40% au centre-ville. A ce moment-là, avec une telle baisse, les mesures d'accompagnement dans le centre-ville sont possibles: on peut avoir un centre-ville qui devienne vivable pour les Genevois, ce qui est très important. La majorité de la commission vous propose donc d'accepter et de voter un contreprojet. J'y reviendrai plus tard.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas relater par le menu le rapport de minorité, dont je pense que vous avez lu tous les chapitres et toutes les lignes avec attention. Je résumerai par un premier point. Vous trouvez, dans l'initiative 152 de l'UDC, du concret, contre l'habituel vent que nous offrent les opposants. Pourquoi du vent ? Parce que, en fait, vous avez dans les délais entre l'exécution ou l'inauguration de l'objet demandé dans l'initiative et l'éventuel contreprojet qu'on vous propose, quel qu'il soit, grosso modo, trente ans de distance ! Les citoyens jugeront aussi sur les délais.

Deuxièmement, il est toujours facile de venir après. On aime bien dire que c'est l'initiative de l'UDC: je rappelle simplement que c'est quand même un projet largement étudié par le gouvernement à une époque où un magistrat Vert dirigeait le département concerné. Dire maintenant que tout ce qui a été fait... Non ! Des changements de politique sont intervenus, vous avez décidé autre chose... (Brouhaha.) Je parle trop fort ? (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Donc, on critique. Vous parlez du financement: oui, le financement est un problème, oui, Monsieur Buchs, il y a le frein à l'endettement. Simplement, dans cette république, et depuis quelques années, chaque fois que quelque chose arrive, c'est fabuleux, c'est la politique du perroquet: toujours plus ! On oublie simplement qu'on a quand même une enveloppe non négligeable de 8 milliards, qu'il y a des priorités, et qu'en effet, il faudra changer les priorités ! Mais nous interviendrons pour qu'on n'emploie pas à nouveau de l'argent en plus, mais qu'on établisse une nouvelle répartition. Je lisais ou j'écoutais l'autre jour que les CFF avaient vingt-cinq ans de retard; une votation fédérale leur donne des moyens. Si l'on regarde l'Histoire, on est bientôt à un siècle de retard pour avoir une traversée de la rade puisque la dernière en date, réelle, était le pont du Mont-Blanc ! L'objection du financement ne tient donc pas.

Ensuite, c'est évidemment le jeu politique: vous entendrez tout à l'heure, je pense, la rapporteure de deuxième minorité, qui n'a pas lu le projet mais part sur ses dogmes écologistes, parce que, oui, toutes les mesures d'accompagnement sont inscrites et spécifiées dans l'initiative. Vous les trouvez, ce n'est pas pour rien que le rapport est long et que tout le projet y a été joint. Alors qu'on ne soit pas d'accord, je le veux bien, mais qu'on oppose un déni, on entre là dans la tromperie; vous me permettrez de ne pas acquiescer.

Quant à la nappe phréatique: cela a été dit, bien sûr, la nappe phréatique existe, heureusement, on y pompe de l'eau, heureusement. Simplement, l'ingénieur cantonal a clairement expliqué en commission que ce n'est pas un problème: il y a des solutions techniques, ils sont habitués à cela, cela se fait. Le trafic passera, cela ne polluera pas la nappe phréatique.

Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur. J'aimerais bien que les personnes à ma gauche aillent dans une autre salle pour discuter. Merci. Poursuivez, Monsieur le rapporteur.

M. Patrick Lussi. Je n'irai pas plus loin, afin de garder un peu de temps pour répondre. Sur le contreprojet, Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: la majorité, ou le rapporteur de majorité, est en train de vous faire une farce à la de Gaulle. On plébiscite ce que le gouvernement a fait et qui se trouve dans le document «Mobilités 2030». Très sérieusement, ce n'est pas sérieux, les Genevois ont besoin de se prononcer sur quelque chose, vous essayez de rééditer le coup d'un double oui ou d'un double non. Ce n'est pas sérieux, mais je reviendrai plus tard. Merci, Monsieur le président.

Mme Lisa Mazzone (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Voici probablement la plus vaste opération d'escroquerie que notre république ait connue en matière de mobilité: faire croire à la population qu'on va supprimer les bouchons en créant de nouveaux bouchons ! On le sait, l'augmentation de la voirie dévolue au trafic individuel motorisé a pour effet l'augmentation parallèle de ce trafic. Ces faits ont encore été démontrés par le cas de l'autoroute Genève-Annecy: en effet, alors qu'on promettait de résorber le trafic par la réalisation de cet ouvrage, le constat a été simplement inverse puisque la route nationale connaît toujours autant de bouchons et que la fréquentation sur l'autoroute ne cesse de croître. C'est le principe de l'appel d'air. Mais la majorité de ce parlement est visiblement incapable de se détacher d'un dogme selon lequel accroître la voirie permettrait de résoudre les problèmes de mobilité. Quand il y a dogme, le mythe n'est pas loin: en l'occurrence, il s'agit ici du mythe de la traversée routière de notre plan d'eau comme solution miracle à tous nos problèmes de mobilité. Ce mythe, hérité de nos ancêtres, est perpétué avec dévotion sans que son bien-fondé soit remis en cause; et comme tout mythe, il exclut tout raisonnement logique.

Cette obstination de la majorité à s'accrocher à des projets du passé, à des projets dépassés, est à mettre sur le compte de son incapacité à reconnaître les faits; et les faits, aujourd'hui, appellent des actes responsables et déterminés. Les faits, aujourd'hui, se situent dans les domaines environnementaux et de santé publique, où les enjeux sont majeurs. On connaît déjà les graves altérations de la santé dues à la pollution émise par le trafic individuel motorisé. En Suisse, ce sont 3500 à 4000 décès prématurés qui sont recensés pour ces raisons-là. Le réchauffement climatique est aussi préoccupant: 38% des émissions de CO2 en Suisse sont dues aux transports. Le bruit routier: 60% de la population genevoise en souffre. Enfin, je citerai une autre altération de la santé, les accidents graves et mortels, avec près d'un mort par jour sur les routes suisses en raison du trafic. (Brouhaha.)

Chaque habitant a le droit d'être protégé des nuisances sonores, chaque habitant a le droit de bénéficier d'une bonne qualité de vie, d'être protégé de la pollution de l'air ou du danger routier. Les faits montrent que la mobilité motorisée a un impact désastreux et qu'une diminution de celle-ci est aujourd'hui nécessaire. Cela passe par une mutation des habitudes de mobilité, un transfert modal du trafic motorisé vers d'autres types de mobilité plus durables, à savoir le transport collectif ou la mobilité douce. C'est donc un changement de paradigme: il ne s'agit plus seulement de répondre à tout va aux prétendues demandes de mobilité en créant de nouvelles demandes de mobilité motorisée, mais d'orienter les demandes de mobilité vers des modes de déplacement durables.

Plus précisément sur l'initiative 152 et la possibilité de lui opposer un contreprojet: tout d'abord, en ce qui concerne l'initiative, je crois que les arguments ont été énoncés par mon collègue PDC. C'est effectivement une belle opération d'escroquerie, je le répète, puisqu'on promet de fluidifier le trafic au centre-ville en ne créant rien d'autre que 2,4 km de nouveaux bouchons en plein centre-ville. En effet, les planifications montrent qu'on peut atteindre de 20% à 50% d'augmentation de trafic sur les rues adjacentes, avenue de France, quai Gustave-Ador, rampe de Cologny, rue de Lausanne, etc. Par ailleurs, c'est un énorme gouffre financier qui aura pour effet d'absorber toutes les dépenses que pourrait prévoir notre république et de détourner des fonds des enjeux actuels qui doivent intéresser notre parlement. Enfin, concernant les mesures d'accompagnement, ou de compensation: si l'on se plonge dans le rapport, on constate qu'elles sont pratiquement inexistantes. Même le pont du Mont-Blanc n'y est pas cité: on n'a donc aucune garantie que ce pont sera délesté du trafic motorisé. Par ailleurs, sur les quais, il s'agit d'enlever une, voire ponctuellement deux voies au le trafic motorisé: aucun effet majeur à constater, donc. J'aurai peut-être l'occasion de revenir plus précisément sur cette vaste opération d'escroquerie.

Concernant le principe du contreprojet: tout d'abord, les faits établis tout à l'heure - à savoir que l'appel d'air créé par l'augmentation de la voirie donne simplement une augmentation du trafic motorisé, c'est mathématique - sont tout à fait applicables dans ce cas aussi. Mais j'aimerais dénoncer l'opération qu'on est en train de mettre en place, à savoir qu'on essaie de détourner et de déplacer le sujet du débat. On essaie de le déplacer du principe même - est-ce pertinent de créer une nouvelle route pour répondre aux enjeux de mobilité ? Est-ce que créer une nouvelle route signifie améliorer les conditions de mobilité à Genève ? Du principe, donc, on le déplace à la manière: faut-il une traversée de la rade ou du lac ? On essaie donc de faire croire aux Genevoises et aux Genevois que le principe n'est plus mis en question et qu'il s'agit simplement de savoir comment on le réalise. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous opposons au principe du contreprojet. Par ailleurs, c'est un non-sens urbanistique: il n'y a qu'à s'arrêter sur la répartition des activités et des logements sur le territoire de Genève pour constater que la demande en déplacement que produirait la traversée du lac n'est pas pertinente, n'est pas importante...

Le président. Il vous reste une minute.

Mme Lisa Mazzone. Je vous remercie. C'est un non-sens qui a aussi été remarqué par le Conseil national: il a écarté ce mauvais projet qui manque de bon sens, qui aura pour seul effet de permettre aux automobilistes de choisir entre les bouchons de la rive droite ou ceux de la rive gauche. Enfin, c'est un gouffre financier qui lie directement Genève. On ne parle plus simplement de financements fédéraux, puisqu'on inscrirait soit dans la loi, soit dans la constitution, le principe d'une traversée du lac. Si les financements fédéraux ne tombaient pas, ne nous étaient pas octroyés, nous serions tout de même liés à la réalisation de cet ouvrage, et donc aux 3,5 à 5 milliards, voire davantage, qu'ils impliquent.

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Lisa Mazzone. Je conclurai ainsi: les priorités pour répondre aux enjeux de mobilité, qu'on a définies et vues tout à l'heure, sont ailleurs. Aujourd'hui, construire l'avenir, c'est faire preuve d'inventivité, investir dans des projets du futur, qui permettront un vrai transport de masse et un transport efficace, durable dans l'agglomération, à savoir le développement des transports collectifs, en particulier du ferroviaire. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Vous pourrez reprendre la parole deux fois. Je salue à la tribune notre ancien collègue et ancien président du Grand Conseil, M. Claude Blanc. (Applaudissements.) La parole est à M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu à tour de rôle le rapporteur de majorité, le premier rapporteur de minorité et la deuxième rapporteure de minorité.

Des voix. Merci ! Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer. Je vais commencer par la dernière intervention. Si j'ai bien compris l'extrême gauche, le modèle de société qu'elle propose consiste à bannir tout ce qui a quatre roues et un moteur; tous doivent prendre les TPG et aller à vélo. Il faudra quand même leur expliquer une fois que comme le pétrole n'est pas une ressource inépuisable, il y aura un jour des véhicules complètement écologiques, qu'évidemment les gens utiliseront. Alors, est-ce un message écologique ? Parce qu'on a beaucoup entendu le mot «dogme», et finalement, le dogme, c'est vous qui le représentez, chère collègue députée, avec votre modèle de société qui définitivement ne sied pas à la majorité des Genevois en tout cas, et c'est tant mieux.

Je passe maintenant au rapporteur de majorité. Il est vrai que le coeur du MCG a balancé entre petite traversée, moyenne traversée, grande traversée. Finalement, nous avons pris une décision. (Exclamations.) Cela fait plus de trente ans qu'on parle de manière générale d'une traversée de la rade. Le laxisme des gouvernements successifs, qui n'ont jamais poussé ce projet pour sa réalisation... On voit bien que quand il y a d'autres projets plus pharaoniques encore et qu'existe une volonté gouvernementale, on arrive à les réaliser tout en trompant la population - le gouvernement a trompé la population sur les coûts réels, et vous avez compris que je parle ici du CEVA ! Mais la traversée de la rade, c'était finalement bien pour faire du vent, pour parler, surtout au parti libéral, dont je faisais partie à l'époque - je prônais alors déjà la traversée de la rade. C'était en 1987, voyez si ça date !

Une voix. 1887 !

M. Eric Stauffer. Non, non, pas 1887, 1987 ! Mais ça fait déjà longtemps. Finalement, aujourd'hui, en 2014, il n'y a toujours pas de traversée. Nous, au MCG, saluons l'effort qu'a fait l'UDC d'aller récolter ces signatures. Nous avons aussi mis la main à la pâte et avons aidé l'UDC à récolter ces signatures pour qu'aujourd'hui, en 2014, le peuple dise oui ou non à une traversée de la rade, ce qui mettra un terme au suspense insoutenable de plusieurs décennies de laxisme du gouvernement. Cette fois, le gouvernement aura la réponse du peuple: oui, il veut une traversée de la rade telle que l'a proposée l'UDC. Ensuite, nous nous sommes posé la question: ne serait-il pas opportun de proposer une variante ? En fait, en règle générale, quand on veut tuer un projet, on propose plusieurs variantes, on fait un imbroglio et, à la sortie, rien ne se fait - car comme on sait, dans le cas de cette traversée, depuis trente ans, il est urgent, urgentissime de ne rien faire ! Nous avons donc décidé premièrement... Car l'UDC est notre alliée, et comme vous le savez, chers collègues, nous représentons dans ce Grand Conseil le troisième bloc, sans qui plus rien ne se fait; mais je crois que vous l'avez compris à l'occasion de certains projets de loi proposés par le gouvernement au dernier Grand Conseil. Donc oui, nous allons respecter à la lettre notre alliance avec l'UDC; oui, nous allons soutenir cette initiative; non, nous n'allons pas soutenir le contreprojet; et, partant de ce principe-là, nous demandons au peuple qui doit avoir le dernier mot de nous dire enfin en 2014 s'il nous confirme ce qui a été dit il y a quelques dizaines d'années.

Mesdames et Messieurs, je pense que l'issue de cette initiative sera un double non: non à l'initiative et non au contreprojet. Mais comme nous ne sommes tous que d'humbles dépositaires de la suprême délégation du peuple, le peuple aura le dernier mot, et c'est bien là ce que vise cette initiative. (Quelques applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, de quoi parle-t-on avec cette initiative 152 ? D'une traversée sous-lacustre de deux fois deux voies qui joint l'avenue de France au Port Noir. Quel est le constat aujourd'hui ? C'est qu'il y a une saturation du trafic à Genève, tout le monde s'accorde sur ce point; il y a une saturation du trafic notamment au centre de l'agglomération, au centre-ville. Il y a des bouchons, qui existaient auparavant aux heures de pointe mais sont présents maintenant quasi tout le temps. La population en a assez, les automobilistes en ont assez, ce qu'on peut comprendre. Ça, c'est le constat. Quelle est la solution ? On a le mot magique: traversée. Depuis plusieurs années, chaque fois qu'on parle de bouchon, de saturation: traversée, il faut des traversées ! Il faut une, deux, trois traversées, etc. Essayons de ne pas être dogmatiques, chers collègues... (Exclamations.) Exactement ! Et essayons d'analyser ce projet comme il nous a été présenté en commission des transports.

On nous parle d'une traversée sous-lacustre, comme je l'ai dit, qui part de l'avenue de France. Premier problème: la trémie d'accès au futur tunnel va manger une partie du parc Mon Repos. On construit sur un parc, et l'on va à l'encontre de l'initiative «Sauvons nos parcs au bord du lac !» acceptée par la majorité de la population de la Ville de Genève. J'ai pu lire sous la plume de certains MCG ou UDC que c'était une votation communale, qu'en gros on pouvait s'asseoir dessus, que de toute façon le droit cantonal avait la primeur, etc. Mais je crois qu'on ne peut pas s'asseoir sur une votation populaire, même si elle est communale: première chose. (Brouhaha.)

Ensuite, ce tunnel sort de l'autre côté au quai Gustave-Ador avec un rond-point. Vous pourrez partir à gauche ou à droite sur le quai, ou continuer en tunnel ou en tranchée couverte pour arriver en plein coeur du quartier de Malagnou, sur la route du même nom. J'y reviendrai ensuite. Il y a un autre problème, environnemental, on en a déjà parlé: celui de la nappe phréatique. Autre problème, le coût, Mesdames et Messieurs, déjà évoqué: 1,2 milliard. Pour l'instant, on n'en a pas le premier franc; la Confédération ne va pas financer cette traversée, parce que c'est une route cantonale et non nationale. Où allons-nous trouver cette somme de 1,2 milliard ? On a aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, 13 milliards de dette. Il va falloir faire des choix. Pour l'instant, il y a des investissements prioritaires prévus pour les dix prochaines années: on a parlé des cycles, des collèges, certains doivent être rénovés. On peut parler de la nouvelle patinoire pour les fans de hockey sur glace, de la Nouvelle Comédie, des prisons que vous votez allégrement sur les bancs d'en face. En termes de mobilité, on peut parler de l'extension de la gare Cornavin - je vous rappelle que 76,6% des Genevois ont voté le financement de l'aménagement et de l'infrastructure ferroviaires dimanche dernier, avec les 700 millions pour l'agrandissement en souterrain de la gare, il faudra que nous ajoutions 400 millions au niveau cantonal, ce qui me paraît un investissement prioritaire. Enfin, il y a les lignes de tram, les pistes cyclables, etc.

Autre problème, à part le coût, qui me paraît déjà important: celui du trafic en lui-même. Il faut arrêter de mentir aux gens, aux habitants, à la population, et surtout aux automobilistes ! On dit: ne soyons pas dogmatiques. Alors ne le soyez pas ! Qu'avons-nous vu en commission ? Le département de M. Barthassat a présenté une modélisation de ce que sera le trafic en 2020 avec la traversée de la rade. Il y aura une augmentation considérable du trafic: au quai Gustave-Ador, plus 20% de trafic, à la rampe de Cologny, plus 30%, à la rue de Lausanne, plus 40%, à l'avenue de France, plus 50%. Les carrefours rue de Lausanne - avenue de France seront totalement saturés aux heures de pointe: niveau de charge de 200%. Même chose à la route de Malagnou: niveau de charge de 140%. Cela fait dire aux experts en commission que le tunnel sera totalement saturé, totalement bouché, ce qui posera les problèmes de sécurité qu'il peut y avoir - vous le comprenez tous - à rester coincé une demi-heure dans un tunnel sous-lacustre. Enfin, c'est 11,5% de trafic motorisé en plus dans l'ensemble du centre urbain.

Les bouchons, la saturation, Mesdames et Messieurs, ma collègue Verte en a parlé: c'est un problème de santé publique aussi avec la pollution de l'air, avec la pollution par le bruit. Les normes en termes de particules fines sont régulièrement dépassées. Ce sont des dizaines de milliers de personnes en ville de Genève et dans le canton qui souffrent aujourd'hui du bruit, et je le répète, les normes sont souvent dépassées. C'est donc une vraie question de santé publique.

J'en terminerai par là pour ma première intervention: arrêtons de mentir à la population, arrêtons de mentir aux automobilistes ! Ce n'est pas une solution pour fluidifier le trafic. On a parlé d'escroquerie, je vous dis pour ma part que ce projet est une arnaque ! La traversée de la rade est une catastrophe pour l'environnement, c'est une catastrophe en termes de pollution, c'est une catastrophe en termes de santé publique, c'est une catastrophe financière - 1,2 milliard: on ne les a pas - c'est une catastrophe pour l'économie que vous défendez, car quand on ne peut plus circuler, on ne peut plus faire d'achats, de livraisons, etc.; c'est une catastrophe pour les habitants du centre-ville, c'est une catastrophe pour les automobilistes eux-mêmes. Alors si vous voulez bloquer l'ensemble du centre-ville avec cette traversée, nous, le parti socialiste, nous dirons non à cette initiative et à ce mauvais projet, et nous demanderons le vote nominal... (Exclamations.) ...pour que dans six ans, les automobilistes qui seront coincés au centre-ville et les habitants qui verront passer toutes ces voitures dans leurs quartiers saturés sachent qui remercier. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Cette initiative propose avant tout un choix politique et non technique. Or, que constate-t-on en étudiant le rapport qui nous est soumis ? Il s'agit d'une succession d'analyses techniques tendant plutôt à dissuader les députés de poursuivre l'examen de la traversée de la rade. Force est de constater que les villes dans lesquelles passent des cours d'eau, comme Zurich, Lucerne ou Bâle, disposent de davantage de moyens de franchissement que Genève, qui compte cinq ponts ouverts au trafic routier. En doublant le pont du Mont-Blanc, la traversée de la rade représente une alternative utile pour désengorger le centre-ville. Des travaux importants sont à prévoir sur le pont du Mont-Blanc, lors de ces toutes prochaines années, et il devrait être davantage utilisé par les transports publics. Tôt ou tard, le centre-ville de Genève sera fermé à la circulation privée, d'où l'intérêt de construire un tunnel sous la rade. L'autoroute de contournement est saturée à certaines heures, et ce projet défendu par l'UDC soulagerait certainement cet ouvrage. C'est maintenant qu'il faut construire la traversée sous la rade, car le trafic va empirer lors de ces prochaines années, et les coûts vont prendre l'ascenseur. Pour la petite histoire, ceux-ci étaient estimés à 560 millions en 2004, avec un coût d'exploitation de 1,3 million par année, alors que le budget actuel prévu pour cette réalisation s'élève à 900 millions, voire un milliard. L'analyse démographique du projet d'agglomération prévoit que la population du canton de Genève augmentera de 107 000 habitants entre 2000 et 2020 et que 70 000 emplois seront créés durant cette période, ce qui aura une très forte incidence sur la circulation. Il faudra absorber la forte croissance des déplacements prévue par la fluidification du trafic automobile et des transports publics. (Brouhaha.)

Il y a quelques années, le TCS a consulté ses membres sur l'objet de cette initiative et le soutien avait été très net. S'il devait y avoir un contreprojet portant sur la traversée du lac, située plus en amont, cet ouvrage ne serait pas de la compétence du canton, mais dépendrait du financement de la Confédération; or, un tel projet semble ne pas pouvoir se concrétiser avant trente ou quarante ans, étant donné qu'il n'est pas prioritaire. Quant aux contraintes techniques liées au génie civil relevées dans les rapports, concernant notamment l'hydrogéologie, la nappe phréatique, la topographie, celles-ci sont maîtrisées depuis plus d'un siècle: pour preuve, en Suisse, des tunnels routiers et ferroviaires bien plus longs ont été réalisés au Gothard, au Lötschberg et au Simplon, pour ne citer que ceux-ci. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Des griefs sont aussi formulés quant au carrefour d'accroche du tunnel sur la rive gauche, qui devrait perturber le trafic sur le quai Gustave-Ador. Il faut savoir qu'une bonne partie du trafic routier continuera en tunnel vers la route de Malagnou sur deux fois une voie. En construisant un tunnel sous la rade, on crée une route en plus d'une autre et l'on soulage le trafic urbain. L'augmentation de la surface dévolue au trafic routier motorisé fluidifie le trafic routier.

Le deuxième rapport de minorité pense qu'augmenter la voirie aura une influence sur la santé publique et l'environnement avec la pollution de l'air, le réchauffement climatique, les nuisances sonores et les dangers routiers: mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes de plus en plus nombreux dans ce canton à nous partager un territoire non extensible. Il est évident qu'il sera de plus en plus difficile de maintenir la qualité de vie de la population locale et internationale de Genève, qui s'asphyxie petit à petit avec une mobilité allant en s'accentuant mais indispensable pour le développement socio-économique genevois. L'objet de cette initiative permettra d'améliorer sensiblement notre mobilité qui diminuera encore si rien n'est entrepris lors de ces prochaines décennies. Cette initiative a le mérite de faire connaître l'avis de la population sur une traversée de la rade. Nous sommes persuadés qu'elle sera sensible à la restructuration des quais et du pont du Mont-Blanc qui revalorisera les bords du lac, diminuera le trafic motorisé sur ces axes et favorisera la mobilité douce. Notre minorité vous demande d'accepter l'initiative 152 pour une traversée urbaine de la rade sans lui opposer de contreprojet de traversée du lac autoroutière. Je reviendrai sur le financement dans un deuxième temps. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, je me permets tout d'abord de remercier le rapporteur de majorité et les rapporteurs de minorité qui ont bien rendu compte des travaux et enjeux qui sont ressortis de l'étude de cette initiative. Notre groupe est opposé à l'initiative de traversée de la rade présentée par l'UDC pour la raison suivante: il s'agit pour l'essentiel d'un projet obsolète des années 80, retrouvé dans un tiroir, qui ne correspond plus du tout à la réalité de la situation. En effet, un tunnel qui partirait du bas de l'avenue de France à la hauteur du parc de Mon Repos pour aboutir en face à la hauteur du parc des Eaux-Vives n'a plus de raison d'être aujourd'hui. Pourquoi ? Tout simplement, et chacun le comprendra, parce qu'à la hauteur de la route et de la rue de Lausanne ou de l'avenue de France, le soir, par exemple à 16h, le trafic est fortement ralenti, entravé, voire arrêté par des bouchons titanesques, et l'on imagine ce que cela pourrait donner si l'on ajoutait à tous ces obstacles une trémie à la hauteur du parc de Mon Repos. Dantesque !

Et cela sans parler des atteintes considérables à l'environnement paysager, précisément à la Perle du Lac, ou encore au niveau du parc des Eaux-Vives, dans un contexte où les Genevois qui souhaitent conserver leurs parcs en l'état ont voté en faveur de l'initiative «Sauvons nos parcs au bord du lac !». (Brouhaha.)

J'ajoute que la trémie du quai Gustave-Ador au sortir du lac serait de nature à ramener un trafic important en ville, et que l'effet en termes de diminution du trafic y serait proche de zéro. Et je ne parle pas du problème considérable que poserait un tunnel sous le parc des Eaux-Vives, bien nommé, dans l'une des nappes phréatiques majeures de notre canton. Il convient d'ajouter à ce tableau catastrophique une sortie à la hauteur de la route de Malagnou, dans un secteur qui a été récemment très urbanisé. Faut-il encore dire que le coût de cette infrastructure, proche du milliard, serait entièrement à la charge du contribuable genevois ? Autant de raisons qui nous conduisent à nous opposer résolument à cette initiative.

Quant à la traversée du lac présentée comme un possible contreprojet, nous relevons tout d'abord qu'il s'agit d'une option située dans un temps très éloigné; que de nombreuses questions restent pendantes quant à son financement, et que des problèmes de raccordement avec les autoroutes françaises n'ont même pas encore été abordés avec notre grand voisin. Nous parlons donc là d'un projet totalement hypothétique, démesuré, dont l'impact sur l'environnement lacustre ne manquerait pas d'être important, et qui ne pourrait que produire - et c'est un euphémisme - un appel d'air en matière d'augmentation de trafic automobile. Devant toutes ces questions, sans l'ombre d'un début de réponse, nous ne pouvons, par conséquent, que refuser ce contreprojet.

Ce sont là les raisons pour lesquelles nous n'entrerons pas en matière pour l'initiative de la traversée de la rade et que nous refuserons également le contreprojet de traversée du lac. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Zaugg (PLR). Au PLR, nous avons toujours pensé qu'une nouvelle traversée lacustre était indispensable. C'est pour cela que comme M. Stauffer, en 2004, nous avons soutenu la traversée de la rade, cette même traversée qui nous est proposée aujourd'hui. En 2007, on nous a expliqué que c'était un mauvais projet et qu'il fallait soutenir la traversée du lac. Alors comme M. Stauffer également, nous avons soutenu la traversée du lac, parce que nous avons compris les choses. Aujourd'hui, j'aurais aimé vous parler de toutes les difficultés techniques que présente cette initiative. J'ai préparé une longue intervention qui mentionne le problème des accroches, mais il a déjà été signalé, qui mentionne les résultats du modèle multimodal transfrontalier que le département nous a présentés, mais ils ont aussi déjà été rappelés. Le seul point qui n'a peut-être pas été précisé est que cette traversée décharge en effet légèrement l'autoroute de contournement et qu'elle ramène ce trafic au centre-ville, là où l'on n'en veut pas. J'aurais pu vous parler de la nappe phréatique, mais on a largement abordé le sujet, ainsi que du financement: c'est quand même 1,2 milliard à trouver et à dépenser d'ici 2020 ! Avec le frein à l'endettement, un seul moyen pour y arriver: augmenter les impôts ou baisser les prestations. Bonne chance avec ça !

Mais je ne vais pas vous parler de tout cela, parce que tout a déjà été dit. Aujourd'hui, l'UDC nous déclare que c'est un problème politique et non technique. C'est une approche assez typique - excusez-moi de le dire - des populistes. L'approche typique du populisme consiste à prendre un vrai problème, celui de la circulation à Genève, et d'y apporter une mauvaise solution; et quand, pour des raisons techniques, on refuse cette solution, en étant d'accord sur le fond mais pas sur la forme, on nous accuse de ne pas nous occuper du problème. C'est toujours le même schéma qui se reproduit à chaque fois, et c'est un peu fatigant. Ce que je ne comprends pas aujourd'hui: on l'a largement démontré à tous les niveaux, la solution proposée par l'UDC - la même que celle qu'on voulait apporter en 2004, que tout le monde a abandonnée en 2007 - n'est pas la bonne, elle ne résout pas les problèmes, elle augmente les bouchons ! Ce que nous proposons est tout simple: c'est de prendre un an pour étudier un contreprojet. Celui-ci pourrait être la traversée du lac, j'en suis personnellement un partisan. Mais ce n'est pas la seule solution: cela pourrait être une meilleure traversée de la rade, une traversée qui s'accrocherait ailleurs, qui ne poserait pas tous les problèmes de celle de 2004, basée sur des prévisions faites en 2002 pour 2020 et dépassées en 2012...

Pour ma part, je ne comprends pas qu'on ne veuille pas se donner le temps de réfléchir à faire la chose plus intelligemment, qu'on nous dise: «C'est un choix politique, on n'a pas le financement mais on va bien s'arranger !» Vous savez, on peut aussi voter d'envoyer un homme sur la lune d'ici 2020 ! On n'a pas les ronds, on n'y arrivera pas, il n'arrivera pas sur la lune... et cette traversée ne se fera pas non plus d'ici 2020 parce qu'on n'a pas les sous. Le PLR vous invite donc vivement à refuser l'IN 152 et à voter un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). Je me suis bien amusé, jusqu'à maintenant. Tout d'abord en écoutant le rapport de majorité: et vive l'immobilisme ! Je me suis aussi amusé en écoutant le rapport de deuxième minorité. On apprend toujours quelque chose: il y a une nouvelle définition de l'escroquerie, c'est magnifique ! La volonté d'entreprendre, c'est de l'escroquerie ! Merveilleux ! Genève va vraiment bien.

On nous rappelle un tas de choses. On a dit que c'était politique, technique, ce projet de l'UDC. Mais ce n'est pas du tout ça: c'est une question de simple bon sens ! C'est le bon sens qui nous invite à - révérence parler - nous remuer enfin. A quoi est-on confronté ? On retrouve cet esprit frondeur genevois, qui par moment, lorsqu'il émane des politiciens, se manifeste en ce qu'ils veulent s'assurer qu'ils ont la prérogative de l'idée et rejeter toutes celles qui viendraient d'ailleurs. C'est très bien. Du reste, j'ai un appui sérieux là-dessus. Cet appui est M. le conseiller d'Etat Robert Ducret, que je croisais au temps où il était conseiller aux Etats à Berne. Nous étions sortis ensemble de la gare de Berne, et nous nous étions mis à parler de la traversée de la rade. Il me dit: «Amaudruz, vous êtes jeune, vous n'y comprenez rien !» Pourtant je suis devenu doyen ! «Vous n'y comprenez rien: les Genevois feront toujours tout pour ne rien faire.» On n'a rien fait depuis un siècle, on ne traverse toujours pas ! Entreprendre quelque chose, mais c'est faramineux ! Non, on se dispute plutôt ici: de l'escroquerie, de l'arnaque, nous dit-on. Mais c'est merveilleux, les mots qu'on emploie aujourd'hui ! A Frauenfeld - je choisis cette ville au hasard - il n'y a même pas de lac, mais ils ont construit un tunnel qui réjouirait les Genevois ! C'est une question de pur bon sens. Car une fois encore - je m'excuse de le dire à ce parlement - il ne faudrait quand même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ! Faisons quelque chose, bougeons ! Or c'est vive l'immobilisme, ne rien faire, surtout ne pas faire quoi que ce soit ! Genève, une ville qui se dit internationale, après un siècle de laxisme en la matière, est incapable d'envisager de faire quelque chose.

Alors pour mieux tuer ce projet - parce qu'on ne veut surtout rien faire, et il ne faudrait surtout pas que quelqu'un ait une idée qui germe dans l'esprit de tous les Genevois qui finalement trancheront - on nous oppose un contreprojet. Mais ce n'est pas un contreprojet, c'est un autre projet ! Vous pouvez y réfléchir, dormir, même ne plus vous poser la question du financement, parce qu'avant 2080, vous ne verrez rien. M. Zaugg a raison sur un point - d'ailleurs j'ai été surpris qu'il tienne ce genre de propos, parce qu'en effet, avec le contreprojet, nous nous ferions rouler dans la farine par les Français qui nous feraient tout payer, jusqu'à leurs raccordements. Mais c'est une autre question. Que l'on veuille une fois, lorsque la manne fédérale voudra bien pleuvoir sur nous, envisager une traversée du lac, c'est un autre problème; ce n'est pas le sujet de ce soir. Sur le sujet qui nous préoccupe ce soir, ce que les Genevois attendent, c'est un acte de courage, de détermination, de volonté d'entreprendre, et non pas de s'occuper d'escroqueries, terme dont d'aucuns, méchamment, voudraient qualifier les projets de ceux qui se battent pour le bien-être de notre ville, alors que ses habitants, dans un domaine devenant de plus en plus difficile chaque jour, constatent qu'on ne se préoccupe pas d'eux. Le peuple de Genève, en définitive, aura le dernier mot, et je pense qu'il saura choisir avec sagesse. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, j'ai entendu M. Amaudruz s'agiter et nous proposer de bouger. Mais oui, bougeons, chers amis ! Mais bougeons bien, ne bougeons pas n'importe comment ! Nous ne sommes pas, à Genève, des amateurs de «mouvementisme» ni de «bougisme», nous voulons une traversée de la rade. J'ai entendu Mme Mazzone nous dire que c'était une escroquerie. Mais est-ce une escroquerie que d'essayer d'améliorer - pas toujours de manière optimale, je suis d'accord avec vous, Madame Mazzone - l'engorgement de Genève ? J'ai aussi entendu un plaidoyer catastrophique de M. le député Wenger, qui est parti. Il dit des choses assez justes: il y a des difficultés avec ce projet.

Il faut songer à Genève avant de songer à son parti. L'UDC gardera, Monsieur Amaudruz, le mérite de cette initiative. Oui, vous êtes allés chercher les signatures; oui, vous avez réussi; oui, vous êtes avec nous pour une traversée, parce que Genève a besoin d'une traversée. Mais laquelle ? C'est là le problème. Alors que demandons-nous ? C'est simple: maintenant que nous avons cette épée de Damoclès, cette sorte d'aiguillon, nous demandons une réflexion de douze mois. Ce n'est pas si long, douze mois, pour que se dessine un contreprojet ! Quel sera-t-il ? Il pourra, comme l'a dit M. Zaugg, être une traversée améliorée, il pourra être tout autre chose, rien n'est encore fermé. Pour autant, il faudrait en voter le principe. Il est possible que la commission, en fin de compte, dans douze mois, n'aboutisse à rien, qu'il n'y ait pas de contreprojet, et nous aurions alors douze mois de retard, c'est vrai - mais enfin, ce n'est pas le monde à l'envers: nous nous retrouverions dans la situation actuelle et voterions cette initiative 152. Gardons ouverte, chers collègues, cette possibilité qui permettrait de faire mieux, un petit peu mieux, me semble-t-il, que ce que demande cette initiative, parce que, au final, c'est Genève qui y gagne. Le MCG ne devrait pas voter pour l'UDC ! Le MCG devrait voter pour Genève, parce que, après tout, c'est ce que suggère l'intitulé de ce mouvement genevois ! Ne votons pas pour un parti, ne conservons pas la majorité parce que nous voulons à tout prix garder le pouvoir: ce dont Genève a besoin, c'est d'une traversée. Quelle sera-t-elle ? Celle que prévoit l'initiative ? Une autre traversée de la rade améliorée, ou encore une traversée du lac ? Eh bien, dans douze mois, vous aurez la réponse. Chers collègues, le PLR vous demande de refuser cette initiative 152 pour laisser la place à un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, c'est la société civile qui s'invite dans le débat au travers de cette initiative. Que la question soit bien ou mal formulée, un constat est effectivement fait par la population genevoise: nous arrivons à l'asphyxie. Après avoir posé le problème, encore faut-il regarder avec clairvoyance ce que nous voulons réaliser. Réaliser aujourd'hui une traversée de la rade comportant quatre voies entre l'avenue de France et le parc des Eaux-Vives est une erreur urbanistique majeure pour la rade, inenvisageable pour le parti démocrate-chrétien. L'équilibre, Mesdames et Messieurs, c'est aussi l'économie de notre territoire. C'est aussi l'équilibre de l'économie sur le territoire: l'activité doit s'étendre sur celui-ci. Pour quelqu'un qui habite une commune de la rive gauche, il s'agit là d'un débat relativement intéressant. Le contournement autoroutier qui devrait se dessiner dans quinze ou vingt ans est à mon sens quelque chose de beaucoup plus réaliste et apportera à la ville de Genève un poumon de première nécessité. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous engage à ne pas voter l'initiative 152 et à voter le contreprojet. Merci, Mesdames et Messieurs.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Je vous écoute depuis un peu plus d'une heure, et une question me taraude: pourquoi cette traversée n'est-elle pas faite, depuis le temps qu'on en parle ? (Commentaires.) C'est vrai, depuis plus de cent ans, elle n'est toujours pas faite. On évoque les idées de la fin du XIXe siècle, mais je pense que les premiers projets vraiment réalistes sont ceux de 1937, du plan Bodmer. (Brouhaha.) Je vous rappelle rapidement ce que prévoyait ce plan, élargi après la guerre: des voies express des deux côtés du Rhône et de l'Arve; des semi-autoroutes, donc, qui devaient déboucher sur cette traversée de la rade. Heureusement, tous ces projets ont été rejetés par le peuple, et chaque fois que le peuple a été amené à se prononcer sur un projet concret, il l'a refusé, je tiens à le souligner: en 1960, en 1975 ou, plus récemment, en 1996. Effectivement, vers les années 60, il y a une prise de conscience qui fait que cette vision d'une circulation uniquement basée sur la voiture avec des voies express, des autoroutes, ne suffira pas à régler les problèmes de trafic, que cela pose des questions quant à la qualité de vie en ville, à la santé publique, à l'étalement urbain, bref, que cela oriente vers un modèle de ville à l'américaine dont les Genevois ne veulent pas. Ce n'est pas un débat droite-gauche: à Zurich, le réseau de tram a été conservé par les radicaux, tout comme le RER créé par la droite. Cette vision d'une ville compacte où l'on se déplace en transports publics et à l'aide de la mobilité douce a été plusieurs fois plébiscitée par le peuple, que ce soit à l'occasion de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, qui prévoit des constructions denses et une préservation des espaces, ou encore ce week-end, avec l'acceptation de la loi sur la densification: le peuple genevois a confirmé qu'il voulait cette ville dense et non étalée. Mais voilà, alors que, partout ailleurs, un consensus se fait avec une priorité pour les piétons et la mobilité douce au centre-ville, le trafic à l'extérieur passant par l'autoroute de contournement déjà réalisée, certains milieux pensent qu'il faut rééquilibrer les investissements futurs en matière de transports publics et d'aménagements routiers. C'est un non-sens, parce que, partout dans les autres villes, l'accès au centre se fait par le développement des transports publics et des aménagements de voies cyclables et de rues piétonnes. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: à Genève, le transfert modal est en cours, il se fait, mais il est largement en retard par rapport à d'autres grandes villes. Ne pas faire de lien, ici, entre le fait que nous sommes la ville avec le plus de voitures par habitant et avec le plus grand nombre de bouchons, c'est faire preuve d'un certain aveuglement.

Depuis bientôt cent ans - disons plutôt quatre-vingts, si l'on prend en compte les premiers projets sérieux - on s'accroche à cette véritable chimère: on pense qu'une traversée réglera les problèmes de circulation à Genève, mais on voit que ce modèle ne fonctionne pas. On s'accroche à un modèle de déplacement datant de 1937, et cela depuis quatre-vingts ans, alors que partout ailleurs on fait différemment, et on fait mieux. (Brouhaha.)

Sur les deux projets qui nous sont soumis ce soir, le premier, la traversée de la rade, a été largement démonté. L'UDC ne veut pas entendre la réalité des chiffres que tous les autres partis entendent leur montrer, que les spécialistes montrent: la traversée de la rade telle qu'on la propose posera plus de problèmes de circulation qu'elle n'en résoudra, et je tiens quand même à saluer ce soir la position de l'Entente, qui, après avoir défendu cette traversée pendant des décennies, l'enterre ce soir au nom de cette vision pragmatique des transports. (Remarque.) Malheureusement, l'Entente s'attache à cette autre chimère qu'est le contreprojet, avec un nouveau vocabulaire: celui du bouclement du périphérique, du PPE. A nouveau, ce sont des notions qui ne s'attachent à rien de concret. Pensez-vous réellement qu'aujourd'hui les problèmes de circulation, d'accessibilité, de la mobilité professionnelle au centre-ville, sont causés par des personnes qui veulent aller de Chambésy à Collonge-Bellerive ? N'importe quelle étude qui se fait ailleurs qu'à Genève - parce qu'évidemment, les études genevoises nous disent que la traversée est utile... (Commentaires.) ...toutes les études affirment que la traversée du lac est un mauvais projet, qu'elles émanent de la Confédération ou d'Avenir Suisse, pas plus tard qu'il y a trois semaines. Malgré ces études, on pense ici que c'est un bon projet !

Cela me permet d'aborder la problématique du coût. La solution est le PPP, un nouveau concept qui permet de résoudre le problème. Qu'est-ce que c'est ? Il s'agit de faire appel à des fonds privés. (Brouhaha.) Mais de deux choses l'une: soit ces bailleurs de fonds privés nous font un crédit, et alors on paiera la traversée sur une plus longue période - le dernier PPP est ce magnifique stade de la Praille qu'on n'en finit pas de payer et qu'on n'en finit pas de finir, alors magnifique, les financements privés ! Soit donc il nous faut un crédit, crédit qu'on n'en finira pas de payer, soit les privés doivent être intéressés financièrement. Une fois de plus, on privatise les éventuels bénéfices que pourrait amener cette traversée. Comme on voit que le financement est impossible, on prend un crédit infini, parce que, en effet, les montants articulés ce soir le sont un peu facilement, je trouve: 1,5 milliard - milliard ! Quand, dans ce parlement, nous aurons magnifiquement oublié notre vertu, tous ces débats interminables à chaque fois que nous parlons de cent mille francs - nous avons encore récemment coupé l'aide au développement de quelques millions de francs au nom de la vertu financière... Mais 1,5 milliard, on pourrait les balancer par la fenêtre pour un projet dont l'utilité est contestée !

Le président. Il vous reste une minute.

M. Mathias Buschbeck. Même chose pour le contreprojet: on parle de 3 à 5 milliards de francs. Ah oui, on a une année pour élaborer un nouveau projet qui coûterait de 3 à 5 milliards de francs ! Peut-être que cette réalisation servirait à quelque chose, mais le coût de ce projet, par rapport au bénéfice, mes amis, n'est vraiment pas raisonnable. Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à être raisonnables et à renoncer autant à l'initiative qu'au contreprojet. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, le projet que nous proposons est urbain. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La traversée du lac est un projet d'envergure nationale puisqu'il est destiné à terminer le réseau autoroutier. Ce sont des projets complètement différents et l'UDC l'a toujours dit et le dira toujours: ils sont complémentaires. L'UDC a toujours dit qu'elle était favorable aux deux. Si vous opposez un contreprojet à l'un ou à l'autre, ce sont les deux que vous tuez ! On l'a vu dans l'exemple déjà cité: quand les deux projets d'une seule et unique traversée de la rade soumis au peuple avaient été refusés, c'est ce qui est arrivé. Si vous faites cela aujourd'hui, cela se reproduira, parce que les Genevois n'ont pas et n'ont jamais refusé le principe de la traversée de la rade, ils avaient simplement refusé les projets qu'on leur avait proposés. C'est uniquement cela.

Sur le financement: beaucoup de solutions sont proposées. L'une émane du PLR avec la motion 2179, via une étude des milieux économiques qui propose d'éventuels partenariats public-privé; il y a une proposition de l'UDC pour affecter les revenus de la taxe automobile aux infrastructures routières justement; et il y a une troisième solution, et j'en reviens au terme d'escroquerie: si l'IN 152 est une escroquerie, alors vous, Madame Mazzone - vous transmettrez, Monsieur le président - vous êtes la reine des voleurs. (Protestations. Rires.) Parce que, avec l'initiative 144 que vous avez lancée pour vos pistes cyclables, vous avez vendu un projet à 80 millions de francs sur huit ans. A la commission des travaux, on étudie actuellement cette problématique et l'on s'aperçoit que ce n'est pas de 80 millions qu'on a besoin, mais de dix fois plus. Parce que, avec les 80 millions que vous avez proposés et mentionnés pour vendre votre projet, on ne réalise même pas le quart de ce que demande l'initiative dans le canton ! C'est là qu'est la vraie arnaque. Ce n'est pas dans un projet urbain.

Le président. Il faut vous adresser au président, s'il vous plaît.

M. Stéphane Florey. Vous transmettrez, Monsieur le président.

Le président. Je transmettrai.

M. Stéphane Florey. Sur la circulation: je suis désolé, il ne peut pas y avoir plus de circulation avec une nouvelle traversée de la rade, puisque la circulation se trouve déjà à cet endroit, au centre-ville. Une nouvelle traversée déplace simplement la circulation du centre-ville à ses abords, et permet quoi ? Je vais vous dire, l'IN 152 est un bienfait pour les transports publics, et vous le savez très bien. C'est le seul moyen que vous avez aujourd'hui pour désengorger le centre-ville et le pont du Mont-Blanc. Celui-ci doit être rénové. Le seul moyen pour cela est de le désengorger, alors que la circulation croît. Je fais de la politique depuis bientôt dix ans, cela fait dix ans que j'entends les mêmes chiffres. En 1990, on nous a dit: «Dans dix ou vingt ans, il y aura 20% à 30% de circulation en plus.» En 2000, on nous a sorti les mêmes chiffres. En 2010, la statistique était la même. En 2020, 2030, voire plus tard, ce sera toujours la même; c'est exponentiel, vous ne pouvez rien y faire. Il y aura toujours ces 20% à 30% supplémentaires, et il faudra bien les mettre quelque part.

On a dit aussi qu'il s'agit d'un projet obsolète. Excusez-moi, mais quand on a parlé de la traversée de Vésenaz, alors que c'est un projet qui datait aussi, et peut-être de bien plus longtemps que la traversée de la rade, personne n'a reproché cela ! C'est un projet routier, il a fallu le faire, et maintenant, les habitants de Vésenaz en sont enchantés.

On évoque le CEVA: on a mis plus de cent ans à le faire. (Remarque.) Ici, on dit toujours que les Bernois sont un peu lents. Mais nous sommes pires à Genève, parce qu'il nous faut dix fois plus de temps qu'ailleurs pour mener à bien un projet. On le voit même dans la construction d'immeubles: il nous faut plus de trente ans ne serait-ce que pour déclasser les terrains des Communaux d'Ambilly, et les constructions n'ont même pas encore démarré... Chaque projet, à Genève, nécessite au minimum vingt, trente, quarante, voire cinquante ans ! C'est une habitude, ma foi, Genève est ainsi. Nous sommes peut-être plus lents que la moyenne suisse pour nous déterminer sur des projets.

Par rapport à la nappe phréatique, vous me faites bien rigoler ! Je vous invite à revoir vos cours de géographie: 80% du canton se trouve sur la nappe phréatique. Vous pouvez forer n'importe où à Genève, vous avez neuf chances sur dix de tomber sur la nappe. Si vous partez de ce principe, vous ne faites plus rien, vous n'oserez même plus creuser dans votre jardin, parce que vous allez dire: «Mon Dieu, je vais polluer la nappe phréatique.» C'est une évidence. J'en ai terminé pour le moment, je prendrai peut-être la parole ensuite. Je vous remercie.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu pas mal de choses ce soir, dont un certain nombre d'âneries. La première consiste à dire que ce projet est obsolète, M. Florey vient d'en parler. Ce projet sort d'une commission d'experts qui s'est prononcée en 2004 sur la faisabilité d'une telle traversée de la rade. Si 2004 est déjà obsolète, je n'ose même pas penser ce qu'on pourrait imaginer du projet CEVA né cent ans avant qu'on ne commence sa construction. S'il vous plaît, ne parlons pas d'obsé... d'obso...

Des voix. D'obsolescence ! (Commentaires.)

M. Pascal Spuhler. Merci, d'obsolescence par rapport à ce projet, mais bien d'une vision moderne et efficace... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour traverser et libérer cette rade aujourd'hui surpolluée et surtout sous-dimensionnée au niveau des transports routiers. J'ai entendu la gauche parler de mensonge ou d'arnaque: mais, Mesdames et Messieurs, c'est vous qui nagez dans votre propre mensonge, car créer une voie autoroutière libérera simplement le trafic ! C'est prouvé ! Cela a été dit et confirmé ! Le centre-ville sera libéré. On nous a bien dit qu'il risquera d'y avoir un petit peu plus de circulation aux alentours des attaches: oui, mais on peut évoluer ! Le projet ne boucle pas l'ensemble du trafic routier de Genève ! On parle de certaines mesures de compensation sur les quais, mais, sur les attaches, on a toute liberté d'aménager et de faire en sorte que tout le monde n'aille pas dans le même entonnoir !

Une voix. Bravo !

M. Pascal Spuhler. C'est déjà une première chose. (Remarque.) Quant aux projections qu'on nous a présentées, je vous rappelle simplement qu'en 2002, on nous montrait une projection pour 2020 du trafic et du nombre de véhicules. Ces projections pour 2020, on les a déjà largement atteintes aujourd'hui. Comment peut-on se fier aux chiffres qu'on nous a amenés en commission sur ce projet, qui encore une fois concernent 2020, s'ils sont déjà complètement erronés ? Je ne peux donc pas faire confiance aux chiffres qu'on nous a présentés et encore moins aux statistiques qui nous ont également été montrées et qui nous disaient que nous allons augmenter le trafic du côté des Nations, du côté de ceci, du côté de cela: cela ne tient pas la route, puisque les chiffres ne correspondent déjà pas à ce qui était avancé en 2002.

Enfin, on nous dit que le MCG doit voter pour Genève: justement, je crois que le MCG a bien réfléchi à la question. Même si elle pouvait être alléchante au départ, l'idée d'un contreprojet est simplement un positionnement du PLR, un PLR qui veut une traversée de la rade, mais pas celle-ci. Laquelle voulez-vous ? La traversée du lac ? Ce n'est pas la même chose ! La traversée du lac est un autre projet, le MCG la soutiendra également, mais c'est autre chose, c'est à l'horizon 2030 ! Si l'on parle aujourd'hui d'un projet à l'horizon 2030, vous savez très bien qu'il sera réalisé en 2050, voire plus tard. Soyons donc concrets, soyons réalistes, nous savons que pour faire cette traversée de la rade, il faudra réaliser des mesures compensatoires pour le trafic urbain en amont et en aval des accroches. Il n'est certes pas aisé de le faire, mais nous pouvons le faire, nous en avons les moyens, et il faut se donner les moyens de le faire.

Une voix. Bravo !

M. Pascal Spuhler. Encore une chose sur ce projet. On nous dit qu'on n'a pas prévu sur la rive gauche l'urbanisation nécessaire. Je suis désolé, il suffit d'être réaliste, de savoir que cette urbanisation va se faire en conséquence de ce projet, qu'elle va évoluer. Aujourd'hui, rien n'est figé dans le marbre. On déclare qu'on va marcher sur l'initiative «Sauvons nos parcs» ou piétiner la votation populaire. On ne piétine rien du tout ! Si vous lisez de près l'initiative, vous verrez qu'elle définit bien quels parcs sont concernés, et les accroches n'empiètent pas sur les parcs en question: on parle en effet d'un tunnel qui passe en dessous des abords des parcs à la hauteur du quai Wilson et de l'avenue de France, et de l'autre côté, du quai de Cologny. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le MCG soutiendra cette initiative, refusera le contreprojet, et nous vous enjoignons de nous soutenir également. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Ivan Slatkine (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je m'amuse, parce que, depuis une heure, on nous parle des bouchons que créerait une traversée de la rade ou une traversée du lac. On a évoqué des simulations de la DGT - je crois que c'est ainsi qu'elle s'appelle aujourd'hui, direction générale des transports. Il y a un graphique que je n'ai pas vu dans la presse en ce moment, c'est la simulation sans aucune traversée à l'horizon 2020. Eh bien, je pense que ce serait la pire de toutes les simulations qu'on pourrait nous montrer ! (Applaudissements.) Je crois qu'il faut l'affirmer: ne rien faire, c'est enfoncer Genève dans la régression. A ce niveau-là, je crois que le PLR est clair, il est pour une nouvelle traversée. Le constat est qu'aujourd'hui nous vivons dans les bouchons, nous avons besoin d'améliorer la mobilité, toutes les mobilités. Construire une nouvelle traversée, ce n'est pas favoriser uniquement les voitures, mais aussi la mobilité douce, c'est permettre de développer des pistes cyclables au centre-ville, d'améliorer la vitesse commerciale des TPG au centre-ville et dans notre agglomération. Une nouvelle traversée, c'est donc améliorer la mobilité de tous les Genevois, c'est améliorer toutes les mobilités; je tenais à le dire.

Maintenant, le PLR va différer un petit peu par rapport aux propos de nos préopinants MCG et UDC en ceci: l'initiative 152 est une initiative formulée; et cette initiative formulée, tout le monde, tous les ingénieurs sont d'accord pour affirmer qu'elle est mauvaise: les accroches sont mauvaises. On aurait pu être tenté de la voter, mais ce serait tromper le peuple. Le PLR ne cherche pas à tromper le peuple, contrairement à certains autres partis. (Vives protestations. Commentaires. Le président agite la cloche.) Nous, ce que nous souhaitons, c'est améliorer la qualité de vie de tous les Genevois en disant la vérité. Et nous sommes convaincus que la meilleure solution peut se trouver dans un contreprojet, mais il ne s'agit pas de dire aujourd'hui qu'il s'agira de la traversée du lac: il s'agit simplement de nous exhorter à travailler durant un an pour nous donner la chance d'avoir la meilleure traversée possible sans tromper les Genevois. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que le groupe PLR prend ses responsabilités et votera contre cette initiative. Il votera contre, car il souhaite la meilleure traversée possible. On verra laquelle sortira des travaux. Et je tiens à préciser à l'endroit de l'UDC et du MCG: vous serez battus, ce soir. Mais ne pas voter le contreprojet, c'est tromper le peuple... (Commentaires.) ...c'est-à-dire que vous ne vous souciez pas de la qualité de vie des Genevois mais ne pensez qu'à une chose: présenter des projets qui partent d'une bonne intention mais ne résolvent pas tous les problèmes. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, si le parti socialiste demande le vote nominal sur l'initiative, le PLR demandera le vote nominal sur le contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le mot «tromperie» a beaucoup été utilisé ce soir, dans un sens comme dans l'autre, d'ailleurs. Je crois qu'une grande majorité de ce parlement est d'accord sur un point: l'initiative 152 n'améliorera pas la mobilité. Probablement que la grande traversée évoquée dans le contreprojet non plus. Il s'agit d'abord de changer l'aménagement du territoire à Genève, et une fois que la rive gauche se développera, peut-être y aura-t-il un intérêt et une utilité à développer une traversée du lac; mais ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui. On peut même se poser la question, suite au vote de dimanche dernier et à l'initiative soutenue par le MCG et l'UDC, refusée tout de même par 60% des Genevois: aurons-nous encore besoin de toutes les infrastructures hors de prix mises en place ? Il faudrait peut-être attendre de voir quelles sont les conséquences concrètes de ce vote avant de s'engager à faire des investissements extrêmement coûteux. Car plusieurs personnes l'ont dit, la situation financière du canton de Genève est très difficile, l'incertitude est grande et encore plus grande suite au vote du 9 février. Ce n'est pas le moment d'inscrire dans la constitution des infrastructures qui coûtent plusieurs milliards. C'est déjà une aberration d'inscrire des infrastructures dans la constitution tout court, mais en plus, on a affaire à des projets extrêmement chers, que Genève ne peut pas se permettre de construire: la petite traversée - ou traversée de la rade - ou la traversée du lac, toute seule, sans l'aide de la Confédération. Or, c'est bien là le signal que l'on enverrait à la Confédération, si l'on inscrivait de nous-mêmes une infrastructure dans notre constitution: cela reviendrait à dire que nous pouvons nous débrouiller tout seuls, que nous pouvons mettre nous-mêmes ces quatre ou cinq milliards. Ce serait également tromper le peuple que de lui faire croire cela. C'est la raison pour laquelle les Verts s'opposent et à l'initiative et au principe d'un contreprojet. J'inviterai le PLR et le PDC à avoir le courage de combattre un mauvais projet pour ce qu'il est, et non pas à proposer autre chose dans vingt ans, dans trente ans. Il faut envoyer ce projet seul devant le peuple et dire que c'est un mauvais projet ! Ayez-en le courage, je vous y appelle ! (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bertrand Buchs. (Remarque.) Effectivement, je vous donnerai la parole à la fin. Je passe donc la parole à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde a voulu faire un cadrage historique, remontant à des dizaines ou à des centaines d'années. Je vais faire mieux et évoquer...

Une voix. César !

M. Pierre Vanek. César, bien sûr ! César a détruit le pont de l'Ile pour empêcher le passage des Helvètes qui voulaient émigrer massivement dans un pays voisin... (Rires. Applaudissements.) Il a eu tort, il a eu tort, Mesdames et Messieurs, et Ensemble à Gauche soutient résolument le pont de l'Ile. (Rires.) Ensemble à Gauche soutient résolument aussi le pont de la Machine, le pont des Bergues et le maintien du pont du Mont-Blanc, mais quand même, quand même, aller au-delà avec les propositions qui nous sont faites, ce n'est pas très sérieux; je vous dirai pourquoi. En matière de traversée de la rade, le débat de ce soir est un peu un witz. Vous voyez à quoi je fais référence ?

Une voix. Non !

M. Pierre Vanek. Non ? Mais au retable de Konrad Witz qui est au Musée d'art et d'histoire à côté... (Exclamations.) ...où l'on voit Jésus-Christ traverser la rade en marchant sur les flots ! Eh bien nous soutenons ce Witz-là et cette traversée-là, mais nous ne croyons pas forcément aux miracles, et nous ne croyons pas forcément à ce miracle-là - je parle sous le contrôle de mes camarades particulièrement laïcs ! (Rires. Commentaires.) Et nous ne croyons pas non plus aux miracles qui consisteraient à ce qu'en construisant des routes et des autoroutes supplémentaires, fussent-elles sur le lac, on diminuerait les bouchons et la circulation et l'on accroîtrait la mobilité. Tout cela est en effet assez absurde: vous l'avez compris, notre groupe s'oppose évidemment à l'initiative de l'UDC concernant la petite traversée, et s'opposera également au contreprojet. Pour nous, ces deux objets sont des grands projets inutiles, des aspirateurs à voitures et des gouffres financiers absurdes. S'il y a des investissements à faire, ils doivent l'être dans d'autres domaines. En effet, ces investissements-là sont absurdes, parce que davantage de routes, c'est davantage de trafic et qu'il y a dès aujourd'hui une tendance claire à la diminution du taux de motorisation des ménages à Genève et à une augmentation de la part modale des transports publics au détriment du trafic motorisé individuel. Et c'est cela qu'il faut soutenir, grâce au redéploiement des transports publics mené depuis ces dernières décennies. Sur le pont du Mont-Blanc, le trafic que j'évoquais tout à l'heure, le trafic privé, a diminué d'environ 30% ces trente dernières années. Ouvrir un nouvel axe routier serait complètement incohérent par rapport à cette tendance, ce serait décourager le report modal nécessaire sur le futur RER constitué par le CEVA, sans parler, bien sûr - je l'ai déjà évoqué - du gouffre financier absolu que ces projets constitueraient, on l'a vu avec d'autres projets plus modestes mais tout aussi absurdes comme la traversée de Vésenaz: vous vous rappelez du facteur multiplicateur qu'il a fallu mettre au final sur les coûts de cette infrastructure-là. (Brouhaha.) Sans rappeler évidemment - cela a déjà été dit par certains - les impacts colossaux sur l'environnement que représentent ces projets. (Brouhaha.)

Alors que faut-il faire, Mesdames et Messieurs ? Quelqu'un parlait d'immobilisme. Pas du tout ! Il y a une politique volontariste de développement des transports publics qui doit être poursuivie et renforcée: il faut prolonger des lignes de tram existantes et en mettre en service de nouvelles, il faut renforcer les cadences, il faut donner la priorité aux transports publics dans la circulation, il faut terminer le CEVA, il faut encourager le transfert vers les transports publics en baissant les tarifs - tiens, nous aurons l'occasion de voter à nouveau sur cette question sous peu, au mois de mai, si je ne m'abuse. Il faut aussi développer la mobilité douce. Un préopinant, sur les bancs d'en face, déplorait le coût de l'encouragement à la mobilité douce en arguant que c'est plus cher que ce qui avait été annoncé. Mais il faut de toute façon le faire, on n'a pas le choix, parce que comme le disait Eric Stauffer qui apparemment n'est pas intéressé par ce débat...

Une voix. Il est là, il est là !

M. Pierre Vanek. Il est là ? Je ne le voyais pas ! Eh bien, il disait qu'il n'y aurait bientôt plus d'essence, etc. Il a raison, et en conséquence il faut développer des moyens de transport alternatifs. (Brouhaha.) Bien sûr, ça a un coût, qui signifie que les centaines de millions, voire les milliards dont il est question en matière de transport, c'est là qu'il faut les mettre et non sur des solutions périmées, dépassées, du passé, que ce soit l'une ou l'autre de celles qui nous sont proposées. Enfin, au-delà de la mobilité douce, la mobilité elle-même n'a pas à être encouragée: ce n'est pas un bien en soi, il s'agit de réduire les distances entre travail et logement, de réduire les trajets inutiles et de conserver ceux qui sont indispensables, bref, il y a une politique du futur, une politique de l'avenir, une politique qui doit être compatible avec le respect de la nature et de l'environnement...

Le président. Il vous reste une minute.

M. Pierre Vanek. J'ai fini, Monsieur le président de séance. ...et c'est une politique qui n'a rien à voir avec les propositions du passé, l'une ou l'autre qui nous est proposée aujourd'hui et que nous rejetons fermement, comme le peuple l'a fait quand il a été appelé à se prononcer sur le pont ou le tunnel qu'on nous avait balancés il y a bien longtemps déjà. (Applaudissements.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai parlé auparavant de la traversée sous-lacustre de la rade, je me permettrai maintenant d'argumenter sur ce fameux contreprojet, la traversée autoroutière du lac. (Commentaires.) On se rend compte que la traversée de la rade est une vraie catastrophe, alors qu'est-ce qu'on se dit, sur certains bancs dans cet hémicycle ? «Profitons de cela pour ressortir pour la vingt millième fois notre deuxième solution magique, la traversée autoroutière du lac !» On nous propose l'éventualité d'un contreprojet. Je ne reprendrai pas tous les arguments que j'ai déjà énoncés, mais commençons par le principal: le coût. On parlait de 1,2 milliard, Mesdames et Messieurs, s'agissant de l'initiative. Pour la traversée autoroutière, il s'agit de plus de 4 milliards. (Brouhaha.) A nouveau, où allons-nous trouver ces 4 milliards ? Bien entendu, on va demander à la Confédération. Mince, que nous dit la Confédération à travers l'Office fédéral des routes ? Cette traversée autoroutière du lac ne sert pas à désengorger les goulets d'étranglement à l'entrée de l'agglomération genevoise, elle arrive en rase campagne - parce que la rive gauche n'est pas assez urbanisée et elle ne le sera pas davantage dans dix ou vingt ans, étant donné le vote de certaines communes sur le développement de logements sur cette rive. L'Office fédéral des routes, qui à ma connaissance n'est pas un nid de gauchos ni d'écolos... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dit en gros que cette traversée du lac ne sert à rien et qu'il faut élargir de deux à trois pistes l'autoroute de contournement.

Deuxième argument: la traversée autoroutière du lac pose de nombreux problèmes en matière environnementale. Le projet du Conseil d'Etat prévoit qu'elle parte du Vengeron - on peut encore en discuter - et arrive sur la réserve naturelle de la Pointe-à-la-Bise: bon, ce n'est pas très grave... Et on ne parle même pas de l'excavation des déchets: comment va-t-on les évacuer, où allons-nous les mettre ? Bon, on a le temps... (Remarque.) On peut faire des plages, effectivement !

Le troisième argument s'appliquait aussi, bien que de manière moins forte, à la traversée de la rade: c'est la question du trafic. La traversée autoroutière du lac, Mesdames et Messieurs, amènera malgré tout une augmentation du trafic général dans l'agglomération. On vous fait souvent la théorie de l'entonnoir: à partir du moment où l'orifice le plus petit de l'entonnoir, c'est-à-dire le centre urbain, ne peut être agrandi - parce qu'on ne peut pas déplacer les immeubles et élargir les routes - si vous élargissez le trou de l'entonnoir et mettez des voitures dedans, la zone de bouchons sera encore plus grande, ce qui ne résoudra absolument pas la saturation du trafic qu'on a à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Alors on a un chiffre, Mesdames et Messieurs. C'est intéressant de parler des chiffres, ils peuvent toujours être contestés, mais parlons-en quand même. Le résultat, selon la fameuse modélisation du département qui n'est pas utilisée qu'à Genève - je tiens déjà à le dire - est que, dans l'entrée du coeur de l'agglomération, le trafic, grâce à la traversée autoroutière du lac, diminuera, mais de 8%. Je vous pose la question, Mesdames et Messieurs, chers collègues: est-ce que, mettre 4 milliards dans une traversée autoroutière qui diminuera le trafic de 8% à l'horizon 2030, c'est vraiment un choix rationnel ? Quant à moi - et c'est aussi l'avis du parti socialiste - je ne le pense pas, il n'y aura aucun gain en termes de qualité de vie pour les habitants, notamment du centre urbain.

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Thomas Wenger. Ensuite, cela a été dit: construire de nouvelles routes ne sert à rien pour régler la problématique des bouchons et de la saturation du trafic. Plus on construit des routes, plus on a de voitures. Cela s'appelle - encore une théorie - la théorie de l'appel d'air, que tout le monde comprend. On nous répond alors: «Vous êtes de gauche, vous êtes écolos, vous êtes anti-voitures», etc. Or, on a eu il y a une semaine un exemple concret qui est vraiment le bienvenu: celui de l'autoroute Annecy-Genève. Le tronçon de cette autoroute devait désengorger la route nationale qui passe notamment par Cruseilles, Mesdames et Messieurs. Cinq ans plus tard, rien n'a changé dans cette localité: les voitures avancent péniblement pare-chocs contre pare-chocs sur plusieurs kilomètres... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et, selon les chiffres du Conseil général de la Haute-Savoie, près de 13 000 véhicules continuent de traverser Cruseilles aujourd'hui. Alors on se pose la question: les frontaliers bouderaient-ils cette nouvelle autoroute ? Eh bien pas du tout ! Mais ce n'est même pas parce que c'est payant, ils ne la boudent pas, les chiffres du concessionnaire prouvent le contraire: le tronçon connaît une augmentation de fréquentation de 6% à 7% par année. C'est magnifique ! Le trafic ne cesse d'augmenter, la croissance est aujourd'hui plus importante sur cette autoroute, Mesdames et Messieurs, que sur les autres autoroutes françaises. On le voit, créer de nouvelles routes ne sert à rien, il faut changer de vision en termes de mobilité. (Brouhaha.) Zurich l'a compris depuis trente ans, Berne l'a compris depuis vingt ans, Lausanne l'a compris en construisant un métro au lieu de construire des routes, mais bien entendu, à Genève, il nous faut toujours un peu plus de temps pour comprendre que ce n'est pas la construction d'une route qui va changer quelque chose, mais le changement de vision et l'investissement dans d'autres infrastructures de mobilité, j'en ai parlé tout à l'heure: le FAIF - fonds d'infrastructure ferroviaire - qui permettra l'agrandissement en souterrain de la gare Cornavin, le futur RER, notre CEVA, qui va nous permettre, avec des trains tous les quarts d'heure, d'aller de Versoix à l'hôpital, à Annemasse...

Présidence de M. Antoine Droin, président

Le président. Il vous faut conclure.

M. Thomas Wenger. Je conclus. ...les trams, la mobilité douce, etc., et pour les automobilistes, les P+R ! On a parlé de l'autoroute de contournement qui sera élargie: il faut que les automobilistes puissent parquer leur voiture dans des P+R et continuer en transports publics. Je conclus en disant - mais vous l'avez compris, chers collègues - que le parti socialiste refusera et l'initiative et le contreprojet. (Exclamations.) Personnellement, je n'ai pas du tout peur du vote de la population: on verra bien. Je suis convaincu que la majorité de la population genevoise comprendra que construire la traversée de la rade, c'est se faire hara-kiri...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Thomas Wenger. ...et j'espère que cette traversée prendra l'eau de toutes parts ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député.

Fin du débat: Session 5 (février 2014) - Séance 24 du 13.02.2014