République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 861-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la résolution 613 relative à la mise en place du contrôle interne au sein de l'Etat de Genève
M 2041
Proposition de motion de Mmes et MM. Ivan Slatkine, Antoine Droin, Bertrand Buchs, Guillaume Barazzone, Gabriel Barrillier, Catherine Baud, Sophie Forster Carbonnier, Fabienne Gautier, Roger Golay, Claude Jeanneret, Patrick Lussi, Jacqueline Roiz, Jean Romain, Lydia Schneider Hausser, Francis Walpen pour la mise en oeuvre effective du SCI au sein de l'administration

Débat

Le président. Je donne la parole à M. le rapporteur Ivan Slatkine... (Remarque.) ...qui souhaite la prendre, et je la lui cède.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion a pour habitude de déposer des rapports adoptés à l'unanimité et, de ce fait, ils sont traités durant la séance dédiée aux extraits, sans aucun débat, ce qui ne permet pas à ce parlement d'expliciter quelque peu les travaux effectués en commission.

En ce qui concerne le système de contrôle interne, la commission de contrôle de gestion a travaillé pas moins d'une année sur ce sujet: elle a mené plus de trente auditions. Et il nous a semblé nécessaire de pouvoir en débattre brièvement en plénière ou, en tout cas, que chacun des groupes puisse s'exprimer sur le sujet tant il nous semble important par rapport à l'évolution de l'administration.

Je ne vais pas revenir sur l'historique des travaux, car ce serait fort long. Je vais me concentrer sur les conclusions du rapport, lesquelles nous ont amenés à déposer une motion, sur laquelle une demande d'amendement a été présentée; parce qu'il n'est pas possible de renvoyer au Conseil d'Etat un rapport sur un rapport du Conseil d'Etat. En fait, ce que nous demandons à travers la motion, c'est que le Conseil d'Etat tienne compte des recommandations émises dans le rapport, ce qui permet de respecter le règlement au niveau de la procédure.

Après ce long travail sur le contrôle interne, notre commission a approuvé un certain nombre de recommandations après avoir constaté qu'il y a un sérieux problème au sein de l'administration dans la gestion des projets transversaux. En effet, l'Etat fonctionne trop souvent en silos, chaque département ayant une approche qui lui est propre. Mais dès que des sujets transversaux, comme le contrôle interne, doivent être traités, on se rend compte qu'il n'y a pas de pilote dans l'avion ou, en tout cas, qu'il n'y a pas un pilote clairement désigné, un leader qui permet au projet d'avancer.

Je ne vais pas non plus revenir sur l'historique du contrôle interne. En tout cas, depuis 2004, pas moins de un, deux... (L'orateur compte à haute voix.) ...huit rapports ont été déposés sur ce sujet ! Et force est de constater que, malgré ces huit rapports, l'instauration d'un contrôle interne efficace et efficient peine à se mettre en place au sein de l'Etat, car il manque un leadership clairement identifié au niveau transversal. En fait, les départements font des efforts importants - certains moins, certains plus - et mènent des travaux avec leur propre vision, sans vision globale.

La commission de contrôle de gestion a la possibilité de mandater l'Inspection cantonale des finances pour rendre des rapports plus précis, et c'est ce qu'elle a fait en lui demandant de mener une étude sur la mise en place d'un système de contrôle interne. Un rapport a été déposé par l'ICF en octobre de cette année, c'est le rapport 1129, et la première recommandation que la commission de contrôle de gestion transmet au Conseil d'Etat - du reste, on voit bien quelle est la vision transversale du Conseil d'Etat ce soir, puisque deux conseillers d'Etat seulement sont présents; il faut croire que le contrôle interne ne l'intéresse pas beaucoup - c'est qu'il tienne compte de toutes les recommandations de l'ICF, et surtout qu'un chef de projet soit nommé au niveau du Conseil d'Etat, qui ait une autorité sur l'ensemble des départements, afin de pouvoir mener à terme ce projet sur le contrôle interne et donner des directives claires, uniformes, qui puissent se déployer dans l'ensemble des départements en vue d'obtenir une approche commune du contrôle interne dans l'ensemble de l'administration genevoise.

Cette première recommandation en amène une deuxième: inviter le Conseil d'Etat à revoir la LGAF, ou en tout cas son règlement quant au mode de fonctionnement du collège des secrétaires généraux et des collèges spécialisés. Nous sommes certains de l'utilité de ces collèges, mais force est de constater que l'on y discute de coordination, de certains sujets, mais qu'il n'est pas possible d'imposer une autorité. Il en ressort finalement un manque de leadership, et si un département ou un secrétaire général n'est pas d'accord avec les autres, eh bien, il n'est pas contraint à appliquer ce qui est souhaité par la majorité.

Par conséquent, une réforme de fond doit être entreprise par le Conseil d'Etat: c'est la deuxième recommandation proposée par la commission de contrôle de gestion, qui peut s'étendre, au-delà du contrôle interne, aux ressources humaines, voire aux systèmes d'information, car, dans ces domaines aussi, quand il s'agit de transversalité, le manque d'unité dans l'application de certains processus dans l'ensemble des départements est patent.

La troisième recommandation émise par la commission de contrôle de gestion concerne la création d'un service d'audit interne. Aujourd'hui, certes, l'Inspection cantonale des finances fonctionne, mais elle n'est pas que l'auditeur interne du Conseil d'Etat; elle est aussi l'auditeur externe qui s'occupe de réviser les comptes de l'Etat. Et il est certain, si nous souhaitons avoir un système de contrôle interne...

Le président. Monsieur le rapporteur, il va falloir conclure !

M. Ivan Slatkine. Ecoutez, je vais essayer de... Vous savez c'est difficile de résumer un an de travail en cinq minutes.

Le président. Poursuivez, poursuivez !

M. Ivan Slatkine. Je vais essayer de conclure le plus rapidement possible ! Je parlais de l'audit interne. La commission de contrôle de gestion est persuadée que tant que nous n'aurons pas un service d'audit interne clairement identifié, qui dépend du Conseil d'Etat, il sera très difficile d'avoir des systèmes de contrôle interne efficaces et efficients dans l'ensemble des départements.

Cela nous amène à la quatrième recommandation, qui touche aux ressources humaines, parce que, aujourd'hui, un grand effort doit encore être effectué à ce niveau. En effet, qui dit système de contrôle interne implique changement de paradigme pour le personnel de l'administration. Et si ce personnel n'est pas accompagné dans ce changement de paradigme, par des formations, par des évaluations constantes, il ne pourra pas appliquer ce contrôle interne et ce dernier ne pourra pas être mis en place.

La dernière recommandation consiste simplement à demander au Conseil d'Etat qu'il transmette au Grand Conseil l'ensemble des prestations qui sont définies comme prioritaires dans chaque département, prestations qui vont faire l'objet de la mise en place d'un système de contrôle interne d'ici à fin 2012, comme cela a été mentionné dans le programme de législature que le Conseil d'Etat a remis à l'ensemble de notre parlement.

Il me manque du temps pour pouvoir développer davantage ces recommandations, mais je suis persuadé que mes collègues de la commission vont pouvoir le faire.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Votre esprit de synthèse fait merveille ! Je donne maintenant la parole à M. le député Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme l'a exprimé le rapporteur de majorité, il est évidemment extrêmement difficile, dans un parlement où l'on ne peut plus parlementer, de faire un bref exposé sur un sujet aussi éminemment important et alors que les travaux de commission ont duré plus d'une année.

En fin de compte, qui cela intéresse-t-il ? On se le demande ! Mesdames et Messieurs les députés, et chers citoyens qui nous regardez... (Exclamations.) ...il faut quand même relever que, depuis 2007 en tout cas, une loi existe pour mettre en application ce qu'on appelle un système de contrôle interne. Nous sommes aujourd'hui le 15 décembre 2011, et ce n'est toujours pas d'actualité ! Je le demande à nouveau: qui cela intéresse-t-il d'être contrôlé ? Pour sa part, le Conseil d'Etat préfère être libre - offrir des logements à 200 F par mois, dépenser les deniers publics sans contrôle... J'en passe et des meilleures !

Laissez-moi vous dire, chers collègues - puisque, vous le savez, la population m'a porté à une autre fonction dans une commune suburbaine, la Ville d'Onex... (Exclamations. Le président agite la cloche.) ...- qu'il a fallu moins de six mois pour mettre en place un système de contrôle interne. Et il sera opérationnel dès le 1er janvier 2012 ! Il faut juste être clairs ! Maintenant, évidemment, à l'Etat, personne n'a la capacité de donner des instructions, et ça n'intéresse personne d'adopter un système de contrôle interne ! En effet, cela ne permettrait plus les petits arrangements budgétaires, de faire certaines dépenses et de continuer à faire de l'électoralisme... A un moment donné, le magistrat, un élu à l'exécutif, doit instruire, gouverner et décider de la date à laquelle telle ou telle application doit entrer en vigueur. C'est ce que j'ai fait, en accord avec le conseil administratif, en Ville d'Onex. Et ça fonctionne ! Nous avons été contraints par deux fois en à peine six mois - et c'est public - de dénoncer les cas de mauvaise gestion à l'autorité de surveillance des communes. Il y a eu la fameuse histoire des poubelles de tri et, maintenant, l'histoire - qui va devenir fameuse - du mandat d'architecte qui a été conféré sans ligne budgétaire. Voilà ce qui s'appelle avoir de la rigueur en matière de gestion !

Nous n'en attendons pas moins de nos élus cantonaux, qui doivent mettre en place un système de contrôle interne. Cela nous épargnera d'avoir des rapports comme ceux qui sont rendus par la Cour des comptes ou l'ICF, qui tirent à boulets rouges sur l'Etat en expliquant que, finalement, pas grand-chose ne fonctionne. Comme c'est le cas avec les programmes informatiques du CTI. On se souviendra du fameux programme MICADO prévu pour les contraventions, qui a coûté pas loin de 8 millions et n'a jamais fonctionné... Du reste, il a été jeté à la poubelle - il a passé par les pertes et profits. Les sujets ne manquent pas !

En l'occurrence, le temps de parole dans ce parlement est limité... Et, là, cela ne fera qu'un texte de plus ! Je rends hommage aux commissaires de la commission de contrôle de gestion, qui n'ont vraiment pas compté leurs heures, même non payées, pour ce travail énorme. Et je remercie particulièrement le rapporteur de majorité d'avoir rédigé ce texte. Il va certainement grossir les piles de dossiers du Conseil d'Etat, et nous n'en reparlerons pas avant quelques années. Depuis 2007 déjà, il faut mettre en place ce système de contrôle interne ! Mais tout le monde s'en fout... Et nous, le parlement, nous signalons au Conseil d'Etat qu'il ne fait pas bien les choses: qu'il ne sait pas calculer les heures supplémentaires de la police; qu'il ne sait pas les prévoir; qu'il n'y a pas de système de contrôle interne... Ce qui engendre toutes les dérives que nous constatons à longueur d'année.

Mais j'insiste: qui cela intéresse-t-il ? Quoi qu'il en soit, et pour la forme, je vous encourage à prendre acte du rapport et à voter cette motion, car c'est un missile de plus contre le gouvernement, et on reparlera de contrôle interne dans quelques années, quand deux ou trois scandales seront sortis suite à une mauvaise gestion. On demandera alors au Conseil d'Etat ce qu'il fait, mais on continuera à voter pour les mêmes... Car, bien sûr, on ne change pas une équipe qui gagne ! Et quand il faudra faire des économies parce que nous n'aurons plus le choix, on viendra baisser les salaires des fonctionnaires... Voilà la gestion qui nous est proposée aujourd'hui !

Bien entendu, mon groupe ne peut pas accepter ce genre de gestion. Je vous invite donc bien évidemment, Mesdames et Messieurs, à soutenir cette motion.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur, M. Slatkine, qui a fait un travail énorme. Il porte ce projet et cette réflexion sur le contrôle interne depuis de nombreuses années et il se bat pour que l'Etat soit doté d'un contrôle interne efficace et efficient. Je lui en suis très reconnaissant.

La commission de contrôle de gestion se fait du souci, parce qu'après une année d'auditions elle s'est rendu compte que tous les services ne devaient pas être mis dans le même panier. Certaines personnes sont bien préparées, d'autres pas du tout; certains services fonctionnent, d'autres pas. Les différences entre départements sont énormes: vous pourrez le voir dans le rapport, si vous le lisez. C'est un gros souci pour la commission de contrôle de gestion: en effet, nous devrions atteindre, fin 2012, le degré 3 de préparation de ce contrôle interne, et ce ne sera probablement pas le cas, car le travail qui reste à faire est énorme.

Pourquoi le contrôle interne peut sembler être un sujet complètement ardu, surréaliste, pas intéressant pour être débattu ici en plénum ? C'est un débat essentiel, parce que, si l'on veut que l'Etat fonctionne, le contrôle interne est nécessaire; s'il n'y en a pas, l'Etat ne fonctionne pas. Il faut une cohérence, une efficience et une transversalité. Il est diabolique de demander à un département de se faire surveiller par un autre département. Le département des finances ne doit-il pas surveiller les autres départements ? Au niveau du contrôle interne départemental métier, un certain département ne doit-il pas surveiller d'autres départements ?

Mais il est extrêmement difficile de faire comprendre aux chefs de service et aux secrétaires généraux qu'ils doivent laisser certaines de leurs prérogatives à d'autres personnes. Nous avons pu constater que des secrétaires généraux, des spécialistes, se réunissent tous les mois, mais qu'ils ne prennent pas de décisions; et, si des décisions sont prises, elles ne sont pas suivies.

C'est la raison pour laquelle la commission de contrôle de gestion a décidé de déposer une motion exigeant qu'un contrôle soit effectué tous les trois mois. Et la commission de contrôle de gestion - c'est son travail, c'est son boulot - contrôlera, surveillera que le contrôle interne se fait, car c'est essentiel.

Mme Morgane Odier-Gauthier (Ve). Je m'associe aux remerciements exprimés par M. Buchs concernant le rapport de M. Slatkine. Excellent rapport, qui est extrêmement complet et relate vraiment bien les travaux de la commission.

Je voudrais juste réagir aux deux interventions de MM. Buchs et Stauffer. S'agissant de M. Stauffer, le contrôle interne lui tient tellement à coeur qu'il était absent lors du travail sur les recommandations de la commission ! Et je tiens à le dire ceci: depuis qu'il n'est plus président de la commission, on ne le voit plus ! Donc le contrôle interne lui est utile pour pousser des cris d'orfraie dans ce parlement, mais quand il s'agit de travailler sur le terrain, là, il n'y a plus personne ! La preuve: il n'est plus là !

Pour ce qui est de l'intervention de M. Buchs, on peut parler de contrôle interne, mais également de management. Il me semble que, selon vous, la limite entre le management des services et des départements, qui est un réel problème, et le système de contrôle interne était franchie. Effectivement, nous avons pu constater que les degrés des systèmes de contrôle interne étaient très différents selon les départements. Cela pose toute la problématique d'écrire des processus, des macroprocessus, des procédures et des procédures de contrôle, car les différences de niveaux sont très nettes selon les départements.

Pour ce qui est du système de contrôle interne, je tiens à rappeler également que les cinq recommandations figurant dans le rapport ont été acceptées à l'unanimité, suite à quelques travaux et après quelques modifications. Comme l'a expliqué M. Slatkine, ces recommandations préconisent finalement une forme de communauté de pratique, un changement de paradigme et un changement d'état d'esprit des personnes qui y travaillent. La communauté de pratique nous semble particulièrement importante. Nous voulons une communauté de pratique au sein de l'Etat au sens large, que les responsables soient clairement identifiés et qu'il soit possible d'harmoniser les procédures pour faire avancer ces dossiers. En fait, ce que nous souhaitons, c'est améliorer l'efficience et l'efficacité de l'administration, mais ce n'est pas par le système de contrôle interne qu'on y arrivera. Cela permettra d'identifier des risques d'image, de problématiques qui peuvent survenir. C'est en amont, avant que ça n'explose dans la presse, que l'on pourra identifier les zones à risques, et c'est bien ce que nous recherchons. Par les recommandations de cette motion, nous souhaitons encourager le Conseil d'Etat, qui est en train de mener une réflexion à ce sujet, à nous présenter rapidement la situation d'avancement de ce projet pour que le niveau 3 évoqué dans la recommandation 5 soit atteint avant 2012.

Nous vous invitons donc à prendre acte du rapport et à voter cette motion. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je donne vingt secondes à votre collègue pour s'expliquer quant à son absence en commission. (Commentaires.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je voudrais simplement rectifier les propos qui ont été tenus. Je trouve assez mesquin de dire que je n'étais pas présent... (Exclamations.) ...en commission de contrôle de gestion pendant un mois. C'est vrai, mais j'ai eu un accident de circulation... (Commentaires.) ...et ma soeur a également eu un très grave accident, avec double fracture de la colonne. Vous comprendrez que mes pensées étaient ailleurs et pourquoi j'ai loupé trois séances. Je tenais à rectifier les choses, mais je trouve assez mesquin d'avoir dit cela ! D'autant que j'ai présidé cette commission pendant une année, et, à mon avis, très bien.

M. Frédéric Hohl (R). A mon tour de remercier le rapporteur pour ce texte reflétant le travail d'une année. C'était extrêmement intéressant, à la commission de contrôle de gestion, de rencontrer tous les départements. Cela nous a permis de constater qu'une réelle méthodologie n'était pas appliquée à chaque département. J'espère vraiment que tous les conseillers d'Etat liront ce rapport - je sais qu'ils l'ont déjà reçu - et qu'ils tiendront compte des suggestions et des recommandations qui y sont faites.

Il ne faut pas tourner autour du pot. Nous avons travaillé à fond pendant une année; nous avons rencontré des gens motivés, intéressés - certains plus, certains moins - mais nous avons senti, dès la première séance, qu'il n'y avait pas de chef... Inutile de tourner autour du pot: il n'y a pas de chef ! Et, tant qu'il n'y a pas de chef, cela ne peut pas fonctionner !

Deux solutions sont possibles aujourd'hui: soit on décide de faire des économies et - pourquoi pas ? - on supprime le contrôle interne, ce qui permettrait d'économiser des postes, soit on décide de désigner un patron - émanant probablement de la direction des finances, c'est ce que je préconiserais - et l'on agit dans ce sens, de manière transversale, et ce patron devient le chef de chaque directeur financier de chaque département. Si nous ne faisons pas cela, cela ne fonctionnera pas.

Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, à partir dans cette voie. Car, si on ne le fait pas, nous pourrons bien discuter encore pendant des années et des années, nous n'arriverons absolument à rien ! Alors, soit nous supprimons le contrôle interne, soit nous désignons un patron !

M. Francis Walpen (L). Pour ma part, je remercierai tout particulièrement le rapporteur d'avoir provoqué cette discussion. S'il est vrai que, jusqu'à maintenant, le contrôle interne était l'affaire de la commission de contrôle de gestion, on n'en parlait pas beaucoup à l'extérieur.

Vous me permettrez - ceux qui m'ont déjà entendu m'en excuseront - de relever quelques points qu'il faudrait fixer. Le premier: lorsque j'ouvre l'annuaire de l'Etat de Genève et que je regarde les organigrammes, c'est révélateur ! La place attribuée au contrôle interne correspond quasiment exactement aux réalisations effectuées dans les services !

Deuxième fixation: classification des responsables. On m'a répondu qu'il y avait le projet SCORE et qu'il fallait attendre... Je suis désolé ! Comment peut-on mettre en place une organisation cohérente et transversale, alors même que les responsables sont dans des classes tout à fait différentes, simplement parce que, tel un wagon de marchandises, après avoir circulé de gare en gare, ils ont trouvé une voie de garage ?

Troisième fixation: les rotations. Mes collègues de la commission savent que, pratiquement tous les lundis, je demandais s'il était possible d'avoir une liste des responsables, parce que ça changeait tout le temps ! Si ça change tout le temps, ça ne peut pas marcher !

Sur la base de ces trois observations, je voudrais simplement reprendre deux remarques. La première porte sur la formation. Si nous voulons que le contrôle interne fonctionne, il faut que les personnes concernées sachent de quoi il s'agit et ce que l'on attend d'elles. Parallèlement à cette formation, il faut un accompagnement au changement, à travers un contrôle. Et c'est précisément le sens de notre remarque numéro quatre, expliquant qu'il appartient à l'office du personnel d'avoir un leadership très fort sur la formation et sur l'accompagnement au changement.

Mais tout cela ne sera possible que dans la mesure où le Conseil d'Etat indiquera une fois pour toutes, clairement, si oui ou non il prend au sérieux le contrôle interne. C'est la raison pour laquelle j'ai déjà noté dans mon agenda la date du 31 mars, car je me réjouis de connaître la réponse du Conseil d'Etat. Oui ou non le contrôle interne est-il quelque chose de sérieux ? Si c'est oui, il faut s'en donner les moyens !

Je vous invite donc à voter cette motion pour nous aider à continuer notre contrôle.

M. Alain Charbonnier (S). Je partage en grande partie les propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant. Certes, cela représente le travail d'une année, mais surtout celui des années précédentes. La commission de contrôle de gestion, qui a rédigé moult rapports - M. le rapporteur Slatkine l'a indiqué - a émis des recommandations dans ce sens auprès du Conseil d'Etat, par le biais de projets de lois, motions, résolutions, recommandations pour lesquelles nous avons rarement obtenu de réponse - sur ce point-là en tout cas. Ce qui justifie cette nouvelle motion en espérant que, cette fois, elle obtiendra une réponse.

J'en viens au problème du pilotage. De nombreux projets transversaux - et même d'autres - sont sans pilote, ce qui est effectivement un gros problème, et il est très important que le Conseil d'Etat prenne des décisions à ce sujet. Il semblerait qu'il aille dans ce sens, mais ça demande confirmation.

Par ailleurs, j'ai quand même des regrets quant à ce qui a été dit, surtout par un député des bancs d'en face - je tairai son nom, sinon il reprendra la parole juste après. En effet, il ne formule que des critiques, que des remarques négatives, or il y a quand même du bon à l'Etat de Genève. Il faut quand même le dire ! Il y a des fonctionnaires qui travaillent d'arrache-pied - eh oui, d'arrache-pied ! Cela étonne peut-être certains vous, mais je peux vous dire que c'est le cas ! Et qui se démènent pour le contrôle interne aussi. Il me semble toutefois nécessaire d'avoir un chef d'orchestre pour diriger ces nombreux fonctionnaires qui fournissent un excellent travail au sein de l'Etat de Genève et pour mettre en valeur leurs qualités. C'est vrai, certains départements ne sont peut-être pas encore au top, au niveau du contrôle interne, mais ils fonctionnent relativement bien. Au DIP, au DARES, ou encore au département des finances, le contrôle interne progresse de façon non négligeable. Tout n'est donc pas négatif, loin de là, je tenais à le préciser.

Tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut se donner les moyens de conduire ce changement, notamment en matière de formation, de postes, et qu'il faut aussi définir les fonctions, les classes, etc. Ces moyens, c'est demain que vous allez les donner, Mesdames et Messieurs les députés, alors j'espère que vous saurez vous en souvenir !

Présidence de M. Pierre Losio, président

M. Patrick Lussi (UDC). Comme tous les groupes l'ont fait, le groupe UDC remercie le rapporteur pour cet excellent document qui synthétise bien la situation. C'est très utile pour les nouveaux députés de cette législature, car il évoque l'historique et le peu de choses qui a, malgré le temps écoulé, été réalisé.

On peut dire que ces derniers mois - heureusement ou malheureusement - l'actualité a dépassé le Conseil d'Etat, les scandales ont fleuri et - peut-être suis-je le premier à le dire - ce n'est pas comme cela que l'on va faire avancer les choses. En effet, il n'y a pas un endroit - veuillez excuser cette expression populaire - où l'on ne trouve pas un cadavre dans le placard ! Mais on ne trouve toutefois pas des charniers... Certes, il y a énormément de travail à effectuer pour faire avancer le contrôle interne au niveau de sa conception et pour le faire accepter dans les services, mais c'est plus une question de volonté verticale. Et il y a - c'est vrai - des disparités selon les départements.

On sait aussi que le contrôle tel qu'il est appliqué actuellement présente des faiblesses - et le Conseil d'Etat entend remanier tout cela - des faiblesses, parce que nous travaillons avec l'Inspection cantonale des finances dont les rapports sont en principe confidentiels. Mais cette confidentialité a été transgressée une ou deux fois et la presse s'en est fait l'écho... Ce n'était pas bien. Peut-être fallait-il, quant au fait que rien n'a été effectué depuis des années - comme l'a expliqué le rapporteur - que des scandales sortent pour faire bouger les choses.

Ce que je trouve intéressant dans la commission de contrôle de gestion, même si notre parti est considéré par certains comme étant un peu contestataire ou en marge, c'est la bonne collaboration des commissaires. Et ce rapport et cette motion reflètent vraiment notre pensée, notamment les cinq recommandations qui sont une synthèse de nos travaux et qui ont fait l'objet de discussions. C'est sans nul doute la raison pour laquelle la commission a été unanime sur ce sujet.

Comme l'ont expliqué le rapporteur et l'un de mes préopinants, ce qui manque réellement actuellement, c'est un leadership, un chef de projet, un chef du contrôle interne - peu importe le nom que vous lui donnerez. Il faut bien constater que ce leadership fait défaut, voire que cette lacune est souhaitée par certains.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC s'associe entièrement à tous les travaux de la commission de contrôle de gestion et aux recommandations qu'elle a faites. De plus, il soutient fermement l'amendement présenté par le rapporteur et vous invite à faire de même, car il faut absolument, cette fois-ci, que le Conseil d'Etat respecte le timing que nous lui fixons pour donner une réponse à la commission de contrôle de gestion en ce qui concerne ces cinq recommandations. Je vous prie donc de bien vouloir accepter le tout et vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Morgane Odier-Gauthier, à qui il reste un peu plus d'une minute.

Mme Morgane Odier-Gauthier (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste dire que nous accepterons évidemment la demande d'amendement. Par ailleurs, vous transmettrez à qui de droit nos voeux de rétablissement, tout en lui faisant remarquer que s'il n'était pas à la commission de contrôle de gestion, parce qu'il était dans une autre commission, ce n'est pas une très bonne excuse.

M. Renaud Gautier (L). Vous me permettrez une petite digression, mais, dans la mesure où nous sommes amenés ces prochaines heures - avec beaucoup de «s», à «prochaines» et à «heures» - à être ensemble, je dois vous faire une révélation: tout ce dont nous allons parler aujourd'hui, demain, samedi et lundi, se trouve dans un livre écrit en Italie, au XIVe siècle, par un auteur bien connu. Je veux parler de la Divine Comédie. Alors, pour en revenir au sujet qui nous occupe maintenant, on va y trouver la réponse.

On peut effectivement, par rapport à une proposition, avoir deux postures: ou bien l'on pense qu'il est nécessaire, face à la complexification de l'Etat, de mettre en place un service de contrôle interne - et si l'on admet que l'Etat se complexifie, on peut admettre que cette complexification entraîne un besoin de contrôle supplémentaire; ou bien l'on peut s'étonner que ce ne soit pas encore fait, que l'enfer s'approche de plus en plus et que celles et ceux que nous avons élus pour nous gouverner ne sont là que pour se remplir les poches.

La deuxième posture m'apparaît a priori légèrement caricaturale. Néanmoins, parce qu'il faut toujours choisir la voie du milieu, je dirai que ce qui m'apparaît le plus important dans ce rapport - et je participe aux éloges dus au rapporteur - est probablement la nécessité pour le Conseil d'Etat de se rendre compte qu'il est capital de mettre en place cette structure. Parce que celui-ci, de même que ce parlement, gagnera en crédibilité quand, effectivement, les contrôles d'un système seront mis en place.

Je vous parlerai des sept différents fossés qu'il y a avant d'arriver - «pour franchir le Styx», comme me le disait quelqu'un là-haut - et, au cours des nombreuses heures que nous aurons encore, c'étaient simplement les prémices. Je vous rappelle que dans ces prémices il est écrit: vous qui entrez ici, perdez toutes illusions. (Remarque.) C'est l'Enfer de Dante.

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur. Je vais être très bref sachant qu'il ne me reste qu'une minute. Je voudrais juste dire que le contrôle interne n'est pas une finalité en soi. Il faut être très clair, et M. Buchs l'a précisé: le contrôle interne doit être utile - en tout cas les systèmes de contrôle interne - pour mieux définir - c'est ce qui est écrit dans ma conclusion, mais je vais le répéter - les processus liés aux prestations et, par voie de conséquence, pour avoir un meilleur contrôle desdits processus, dans un souci d'efficacité et d'efficience. Le contrôle interne a pour but de faire en sorte que notre Etat fonctionne le mieux possible, que les deniers publics soient dépensés de la meilleure des façons. Mais il doit être axé sur les prestations.

C'est un sujet technique. Il n'intéresse malheureusement pas assez le Conseil d'Etat, même s'il est vrai que, pendant les auditions, nous avons pu entendre le président du Conseil d'Etat - le précédent, accompagné du ministre des finances - nous dire qu'il voulait aller de l'avant. Mais il nous a semblé très important que le parlement montre - et, je l'espère, avec une forte unanimité ce soir - que nous sommes derrière le gouvernement, pour que ce projet de contrôle interne avance et que l'ensemble de l'administration comprenne qu'il faut changer de paradigme ! Changer de paradigme pour résoudre ces problèmes de transversalité ! On parle aujourd'hui du contrôle interne, mais ça touche l'informatique, ça touche les ressources humaines, ça touche de plus en plus de domaines. Parce qu'on ne fonctionne plus aujourd'hui comme on le faisait il y a cinquante-cinq ans ! Et, en cette période de vaches maigres, il est extrêmement important que le contrôle soit efficace, que les prestations soient efficientes, tout cela dans l'intérêt du contribuable genevois !

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat salue également le travail qui a été fait par la commission de contrôle de gestion ces dernières années et accepte très volontiers la motion que vous lui adressez.

En effet, nous avons commencé à agir, il y a déjà trois ou quatre ans, département par département, en établissant des priorités ou en agissant de manière symétrique sur l'ensemble du département, donc avec des méthodes un peu différentes. Mais nous sommes, comme vous, persuadés que l'action gouvernementale - qui se décline désormais en prestations, ce qui se transcrit, d'ailleurs, par le fait que le budget se décline lui aussi maintenant par prestations - impose une méthode de travail extrêmement différente de celle du «carnet du lait», méthode que j'ai connue encore lorsque j'étais jeune. Et il faut savoir qu'en 2001, lorsque j'ai pris ma fonction de conseiller d'Etat, chacun, dans les services, utilisait la méthode «carnet du lait».

De toute évidence, le monde a changé. Beaucoup. Et les organes de contrôle ont changé également. Votre Conseil - et j'en étais à l'époque - a mis en place la commission de contrôle de gestion, puis il a voté différents niveaux de contrôle, avec l'Inspectorat cantonal des finances, qui a pris une place qui s'est aussi stabilisée au cours du temps, car elle n'était pas très stable au départ. Et puis, il y a eu la Cour des comptes. Avant, il y avait eu la commission d'évaluation des politiques publiques, qui n'a pas toujours fait le lien avec le contrôle de gestion. Bref, vous avez raison de dire que nous devons avancer, et le Conseil d'Etat s'engage à demander à l'ICF - pas à autoriser l'ICF - dès le 1er janvier 2013, de contrôler ce que nous aurons réussi à construire pendant l'année 2012.

Moi, je remercie tout de même le député Charbonnier, qui s'est rendu compte que malgré les imperfections qui subsistent - nous devons bien l'avouer - beaucoup de personnes se sont engagées dans des démarches de manière très concrète, avec beaucoup de persévérance, de manière très impliquée. Et cela impose des changements dans le paradigme de ce qu'est la fonction publique. La fonction publique a toujours fait ce qu'elle pensait devoir faire en fonction des lois votées. Maintenant, on lui demande de délivrer des prestations en fonction de budgets alloués dans le cadre des lois votées. C'est très différent. Et puis, le monde a changé lui aussi.

Je ne vais pas citer ici une entreprise de très grande taille qui aurait été peut-être bien inspirée d'engager un «risk-manager» comme nous entendons en engager un, de prévoir des contrôles internes plus efficaces pour ne pas permettre à tel ou tel élément périphérique de l'organisation de détourner plus de 2 milliards de francs. Nous sommes, dieu merci, pour le moment à l'abri de cela ! Nous courons d'autres risques, à une autre échelle, mais qui sont extraordinairement importants parce qu'ils touchent l'argent public, c'est-à-dire l'argent de chacune et de chacun pour faire fonctionner l'Etat.

Mesdames et Messieurs, je pense que nous sommes - j'allais dire «avides», mais c'est peut-être un peu trop - nous sommes ravis de nous sentir soutenus dans le travail que nous entendons poursuivre - car il a bel et bien débuté - et votre calendrier sera le nôtre: il nous convient. Je m'engage, comme l'a fait mon prédécesseur - le conseiller d'Etat Mark Muller, qui a assumé la présidence jusqu'à la semaine dernière - à accompagner notre spécialiste David Hiler chaque fois que cela sera nécessaire - d'après ce que j'ai vu de votre motion, au moins une fois par trimestre - pour vous indiquer où nous en sommes.

Quant aux modifications législatives, elles font d'ores et déjà l'objet de débats internes au sein du gouvernement, mais nous espérons pouvoir, dans un délai qui est encore un peu difficile à donner, vous présenter une révision relativement substantielle de la loi sur la gestion administrative et financière. Mais le plus difficile - M. Walpen avait raison - sera d'impliquer humainement chacune et chacun des collaborateurs, et, pour cela, chacun doit comprendre le rôle qui est le sien dans ce contrôle interne, comprendre les processus auxquels il participe, les procédures qu'il exécute et les directives qu'il met en oeuvre.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement formel qui concerne la première invite de cette motion 2041. Le voici: «à présenter au plus tard dans un délai de 3 mois après le renvoi de cette motion une prise de position sur les 5 recommandations émises par la commission de contrôle de gestion dans son RD 861-A.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui (unanimité des votants).

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur la motion.

Mise aux voix, la motion 2041 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui (unanimité des votants).

Motion 2041

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 861-A.