République et canton de Genève

Grand Conseil

R 640
Proposition de résolution de Mmes et MM. Prunella Carrard, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Manuel Tornare, Christian Dandrès, Anne Emery-Torracinta, Christine Serdaly Morgan, Antoine Droin, Irène Buche, Loly Bolay pour une politique culturelle cantonale cohérente et planifiée en matière de lieux de sortie

Débat

Mme Prunella Carrard (S). Je trouve dommage que tous les jeunes là-haut, à la tribune, s'en aillent... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous allons parler de la question culturelle de manière générale. Je vous propose de rester, si cela vous intéresse. Merci.

Notre proposition de résolution est la suivante. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Aujourd'hui, il s'agit de prendre un peu de hauteur vis-à-vis de la question du Moa et d'élargir le débat. La situation est critique depuis longtemps, et le PS l'a rappelé à maintes reprises en soutenant les propositions des milieux associatifs culturels genevois, qui n'ont malheureusement pas été entendus par la majorité de ce parlement jusque-là. Nous aurons, je crois, vraisemblablement bientôt l'occasion d'en reparler. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mais nous sommes visiblement tous d'accord sur le fait qu'il y a un besoin urgent de lieux de sortie bon marché à Genève. Nous proposons donc dans cette résolution un recensement des lieux existants aux niveaux cantonal et régional, car il s'agit aussi de penser en termes de région. Et là où il y a des manques, nous attendons des propositions concrètes de la part du Conseil d'Etat d'ici à juillet 2011. (Brouhaha.) Pour que ces mesures puissent être mises en oeuvre rapidement, nous demandons au Conseil d'Etat d'anticiper les besoins - c'est là son travail - et de prévoir les moyens au budget 2011 afin qu'il ne faille pas encore attendre 2012 pour voir arriver quelque chose.

Nous sommes conscients que le débat doit être mené de manière large et qu'il s'agit fondamentalement d'avoir une politique cantonale culturelle cohérente et planifiée. Nous espérons que les mesures proposées en juillet 2011 - en 2011 ! - prendront en considération le fait qu'il en va de la jeunesse de notre canton... (Remarque.) ...mais également de l'image de Genève. (Brouhaha.)

Nous vous remercions donc de réserver un bon accueil à cette résolution et de voter son renvoi immédiat au Conseil d'Etat, comme le sous-tendent nos invites. Nous demandons ce renvoi au Conseil d'Etat pour que le département chargé de la culture et le département de l'aménagement travaillent ensemble et s'emploient à nous soumettre des solutions rapidement, solutions réfléchies et envisagées avec le concours des milieux associatifs ou privés oeuvrant au niveau culturel genevois sur l'ensemble du territoire cantonal, en concertation avec les autorités communales. Notre résolution se veut l'une des pistes de travail pour dépasser les déclarations de bonne volonté. Nous encourageons ce parlement et le Conseil d'Etat à réfléchir à tous les aspects de la question, à l'image des boules à facettes.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. Golay... (Remarque.) A Mme Rolle ? A M. Jeanneret... qui ne prend pas la parole. Elle est alors à M. Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Il est intéressant de voir ce qui se passe maintenant. En effet, la présente résolution fait partie de nos compétences, des choses que nous devons faire. On y parle bel et bien - dans les considérants, ce qui me semble tout à fait en être la place - de la fermeture du Moa, de Weetamix, du Moulin à Danse, de la Parfumerie, etc. Et on est bel est bien sur une résolution qui est générale; ce sera le travail du parlement. Ce qui est important, c'est de sentir s'il y a du monde dans la rue; là, le parlement est présent. Maintenant que l'on commence à devoir faire notre travail et à nous soucier réellement des lieux de divertissement et de sortie, c'est bon, la salle est vide... C'est assez intéressant, mais je pense que c'est significatif du débat que nous venons d'avoir.

Les Verts continueront à être cohérents par rapport à la politique qu'ils ont toujours suivie concernant les lieux de divertissement et la culture. Nous regrettons - évidemment qu'en ce qui concerne Lausanne c'est fabuleux de voir ce qui s'y passe aujourd'hui - donc, nous regrettons que nos artistes soient aujourd'hui à Lausanne pour leur soirée. Et nos artistes se trouvent aussi à Bruxelles, à Berlin, à Sarajevo, qui sont les endroits phares actuellement. Genève était un vrai lieu de création, un lieu dynamique, reconnu dans le monde entier; quand je dis «le monde entier», c'est outre-Atlantique, c'est les pays plus à l'est et plus au sud, où, réellement, on parlait de la culture et de la création qu'il y avait à Genève. Donc oui, c'est une problématique. Nous entendons soutenir, ou plutôt, nous sommes sûrs que nous allons soutenir cette résolution socialiste, qui vient tout à fait à point et qui nous semble être parfaitement dans nos compétences.

M. Roger Deneys (S). La résolution socialiste est bien entendu complémentaire à la résolution précédente, parce qu'elle aspire justement à donner cette vision d'ensemble nécessaire à l'existence des lieux pour les jeunes. Pour les socialistes, il est évidemment essentiel de garantir la diversité des lieux, tant au niveau des prix qu'au niveau des activités qui s'y déroulent. Ces activités, qui sont à la fois ludiques, festives et culturelles - parce que je ne pense pas qu'il faille oublier cette dimension culturelle - sont nécessaires et même indispensables pour garantir un renouveau de notre société vieillissante, figée dans ses idées, qui est particulièrement bien incarnée ici par le MCG et ses idées conservatrices qui prônent la haine de l'autre. On l'a entendu encore tout à l'heure par MM. Golay et Poggia. C'est la haine de l'autre, c'est la haine des Roms, c'est la haine des étrangers, c'est la haine des jeunes. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Le MCG exprime à longueur d'année cette volonté de fermer, d'interdire et de réprimer toute initiative un peu ouverte. Et je pense que, aujourd'hui, il est fondamental de redonner un peu d'air à Genève, qui en manque depuis longtemps.

C'est très clair, actuellement, les gens qui se battent pour ces lieux de différentes natures, privés ou publics, ce sont les Verts, malgré leur difficulté à admettre que des lieux privés peuvent aussi répondre à des demandes... (Remarque.) ...et les socialistes. Et bien entendu, pour les socialistes, il s'agit de garantir cette diversité à plus long terme. La réouverture du Moa est nécessaire certainement pour éviter des débordements ailleurs. Mais il est fondamental que le Conseil d'Etat se donne enfin les moyens d'ouvrir d'autres lieux, que ce soit au centre-ville ou à l'extérieur de la ville, évidemment aussi dans les zones industrielles. Donc je veux remercier ce Grand Conseil de donner un accueil à la résolution socialiste.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Monsieur le président, vous direz à M. Deneys que c'est la dernière fois que je tolérerai de sa part qu'il vienne ici m'accuser de tenir un discours qui serait porteur de la haine de l'autre. Monsieur Deneys, arrêtez de raconter n'importe quoi. (Commentaires.) Soyez moins distrait quand vos collègues s'expriment... (Remarque de M. Roger Deneys.) ...et vous serez plus fidèle à leurs propos ! Je ne tolère pas ce genre d'attaques personnelles mensongères ! De même que le MCG ne tolère pas que Mme Loly Bolay, dans sa précédente intervention, se permette de tronquer des propos de mon collègue, M. Roger Golay... (Remarque.) ...pour faire croire que le MCG aurait un discours haineux à l'égard des jeunes. Le discours qui a été reproduit, Madame Bolay, ayez l'honnêteté de le citer dans sa totalité: il concernait précisément des associations illégales pour lesquelles on demandait des lieux, notamment le squat Rhino, le squat Kugler, le bar Piment Rouge et d'autres encore ! Et nous avons demandé, au niveau du MCG, que le droit s'applique pour tous; il n'est pas question, sous prétexte que l'on est une association alternative, que l'on puisse se croire au-dessus des lois.

Maintenant, nous, Monsieur Deneys, nous ne sommes pas des dogmatiques. Nous sommes pour les bonnes idées. Et même si cette résolution vient de votre groupe, nous la soutiendrons parce qu'elle est bonne ! Parce que nous, nous réfléchissons et avons le bon sens. Nous n'agressons pas les personnes... (Remarque.) ...avec des attaques à l'emporte-pièce, Monsieur Deneys ! (Huées.) Nous considérons que votre résolution en faveur d'une culture et du divertissement pour les jeunes est une bonne résolution. Nous en avons déposé une autre, que vous vous êtes empressé de rejeter au niveau de l'urgence tout à l'heure...

Des voix. Pas nous !

M. Mauro Poggia. Pas vous peut-être ! Mais enfin, par le reste du parlement, considérant qu'il ne faut surtout pas que les bonnes idées arrivent jusqu'ici lorsqu'elles sont portées par le MCG. C'est triste ! Je trouve que c'est triste, parce que nous perdons beaucoup au niveau de la démocratie, nous perdons beaucoup dans l'avancement des droits des personnes qui comptent sur nous pour faire progresser les choses. Et aujourd'hui, malheureusement, beaucoup de jeunes pensent que ceux qui sont de leur côté sont ceux qui ont voté pour la réouverture immédiate du Moa. Oh, ils ne se rendent pas compte qu'ils sont manipulés par les mêmes qui les arrosent de champagne au moment où je vous parle ! Ces jeunes-là devraient ouvrir leurs oreilles et réfléchir; ils se rendraient compte que ceux qui sont véritablement là pour défendre leurs intérêts sont ceux qui sont là pour veiller à leur sécurité avant tout. Parce que nous sommes des pères et des mères responsables.

Maintenant ceci, Monsieur le président, pour en revenir à cette résolution socialiste. Oui, elle est bonne. Le groupe MCG la soutiendra, effectivement. Elle va dans le même sens que celle que nous avons déposée. Et peu importe les attaques personnelles dont nous sommes l'objet, nous en faisons fi, parce que nous sommes au-dessus de cela.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, le groupe radical va soutenir votre excellente résolution. On encourage le Conseil d'Etat à ne pas avoir une réflexion exclusivement sur la culture alternative et on aimerait bien qu'il y ait une vraie mixité. On encourage également la commission des pétitions, quand elle traitera la très bonne pétition déposée par les jeunes libéraux-radicaux sur le monde de la nuit... (Remarque.) Oui, très bonne ! ...à peut-être traiter cela ensemble. Alors on vous remercie et on vous encourage effectivement à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Roberto Broggini (Ve). Nous soutiendrons bien entendu, comme l'a dit mon chef de groupe, cette résolution socialiste.

J'aimerais simplement rappeler devant ce parlement les efforts énormes qui ont été menés par certains instigateurs de soirées, que ce soit dans un cadre privé ou institutionnel. Je me souviens très bien que, lors de la création de l'Usine, la moitié du parlement municipal, qui se composait de l'Entente, était contre la création de l'Usine, sauf M. Claude Haegi, conseiller administratif libéral, qui avait porté tout cela. Je dois lui rendre ici hommage parce qu'il a fait preuve d'intelligence, de vision, d'écoute, et a permis, maintenant, l'existence d'un outil extrêmement important au centre de Genève: l'Usine, qui draine une population extrêmement importante, qui draine énormément de création, que l'on retrouve à travers l'Europe, car l'Usine appartient à un réseau, qui est la Trans Europe Halles. Et je suis heureux de savoir que des jeunes qui sont sortis, certainement fumer une cigarette, sont revenus pour écouter la suite de la discussion, parce qu'il n'y a pas qu'une seule boîte qui est intéressée par ce débat, mais c'est l'ensemble de la vie nocturne, culturelle, festive...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roberto Broggini. ...comme on peut l'imaginer. Je vais finir tout de suite, Monsieur le président, en vous disant que, à l'Usine, il y a eu énormément de travail pour que toutes les normes de sécurité soit respectées.

Le président. Merci...

M. Roberto Broggini. C'est pour cela qu'elle n'a pas été épinglée par la Cour des comptes, et j'en suis particulièrement fier...

Le président. Merci...

M. Roberto Broggini. ...ayant participé à la création de cet endroit.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution du groupe socialiste, effectivement, cela a été dit, est tout à fait complémentaire à celle que nous venons d'adopter. Elle va d'ailleurs dans le sens de la troisième invite de la résolution précédente. Il est en effet essentiel de décentraliser, de diversifier la localisation de ces endroits importants pour la culture genevoise et pour accueillir nos jeunes.

Pour revenir à certaines critiques émises tout à l'heure, notamment sur les risques au volant, idéalement, il est vrai que ces endroits devraient être localisés le long des axes de transports publics, si possible le long des axes de tram. Je crois qu'il y a des pistes. Les communes, je peux vous le dire, sont ouvertes aussi à travailler à la recherche de ces lieux, y compris dans les zones industrielles. Alors je pense qu'il est important d'aller de l'avant, effectivement, avec cette résolution également.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Engelberts... (Remarque.) Pardon, c'est terminé ! Désolé ! Le temps de parole du MCG est épuisé. La parole est à Mme Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet (L). Le groupe libéral soutiendra bien entendu la résolution déposée par le parti socialiste. Nous la soutiendrons et nous ferons preuve de discernement également par la suite, parce qu'on a beaucoup parlé de la position des libéraux par rapport à certains lieux de sortie. Or nous tenons à marquer la différence entre notre attitude en regard des squats, que nous n'acceptons pas - et nous la revendiquons - et notre attitude aussi par rapport à certains lieux de sortie qui sont devenus, pour les citoyens de plusieurs quartiers, un empêchement de vivre correctement. Nous avons besoin des lieux de sortie pour les jeunes, mais nous devons tenir compte des endroits dans lesquels ces lieux de sortie respecteront aussi la tranquillité des citoyens, permettront aux jeunes de s'épanouir, à la culture de se développer, mais au citoyen, qui habite chez lui, de dormir la nuit et de rentrer chez lui sans être incommodé.

C'est pour cela que nous souhaitons particulièrement que les zones industrielles soient étudiées pour développer de nouveaux lieux de culture et de sortie à Genève. Nous y tenons. Je pense que ce n'est pas impossible de tout concilier, ce n'est pas être exclusivement libéral que de dire que le citoyen qui a un appartement au-dessus d'une boîte de nuit doit quand même pouvoir dormir de temps en temps. Finalement, on évite tout conflit en localisant des lieux dans certains quartiers et en laissant les lieux d'habitation un tout petit peu en dehors de tout cela. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. J'aimerais relever qu'il est toujours interdit de fumer à la cafétéria, que la personne qui s'occupe de vous servir souffre des méfaits du tabac - elle s'en est plainte - et qu'un fumoir a été expressément mis à disposition des fumeurs. Merci ! La parole est à M. Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Le groupe UDC soutiendra la résolution 640 présentée par le parti socialiste. En effet, il faudra trouver des solutions en banlieue, dans des zones industrielles, afin que le travailleur ou la travailleuse puisse dormir péniblement... (Commentaires. Rires. Remarque.) «Sereinement», devrais-je dire ! Et pas «péniblement», c'est un lapsus révélateur ! Car aujourd'hui on parle de pénibilité du travail... Nous sommes quelques chefs d'entreprises qui faisons pas mal d'heures et qui sommes, en plus, députés. Nous n'avons pas tous la chance d'être fonctionnaires.

Comme je l'ai dit, le groupe UDC votera cette résolution.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser, à qui il reste trois minutes et trente secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je ne prendrai certainement pas tout ce temps. Je crois qu'il est important ici, en tout cas par rapport aux positionnements montrés par les groupes jusqu'à maintenant, de reconnaître que, peut-être ce soir, nous arriverons enfin à un consensus sur ce que nous pouvons et ce que nous voulons offrir à une population qui n'a pas les moyens, dans le contexte genevois actuel au niveau du territoire et de la saturation du territoire, de «se payer des espaces», parce qu'il n'y en a bientôt plus. Donc, il est grand temps - et c'est vraiment le fond de la résolution que l'on vous présente ici - que le parlement montre cette envie de quand même prévoir des espaces pour une construction, pour des expérimentations, que ce soit par des associations, des collectifs ou même des privés. Il est grand temps aussi que, au niveau du canton, le Conseil d'Etat détermine à un moment donné, et nous avec, quelles peuvent être encore ces zones possibles. Sinon, il restera juste les trottoirs et les bouts de parcs...

Des voix. Oh !

Mme Lydia Schneider Hausser. ...pour les jeunes. (Commentaires.)

Le président. Merci, Madame la députée. Encore un dernier mot de M. Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, en complément de mon excellente collègue Nathalie Fontanet, j'aimerais préciser encore la nécessité de valoriser les zones industrielles, notamment, auxquelles on demande des chartes environnementales, des couloirs verts. Je pense que la réflexion sur la valorisation de la zone industrielle est fondamentale, en particulier en ce qui concerne le monde de la nuit d'une part, ainsi que le monde du jour; il s'agit de pouvoir les desservir par une politique de transports cohérente. En effet, si l'on veut faire vivre ces zones, les valoriser - on parle de mixité - je pense que l'offre culturelle est nécessaire, complétée d'un transport adapté.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter cette proposition de résolution. (Commentaires et exclamations durant la procédure de vote.)

Mise aux voix, la résolution 640 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 640