République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1534-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la pétition : Désaccord fiscal de 140 millions entre le Pouvoir judiciaire et le Département des finances découlant d'évaluations divergentes quant à la nature des sociétés offshore du groupe Franck Muller
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Albert Velasco (S)

Débat

La présidente. Je vous rappelle que nous sommes dans un débat classé en catégorie II. Le Bureau a toutefois prévu six minutes de temps de parole par groupe, ainsi que six minutes pour chaque rapporteur. La parole est à Mme la rapporteure de majorité.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Première chose, bien qu'il y ait eu un long délai jusqu'à ce que nous traitions ce sujet, j'aimerais que vous corrigiez la date de dépôt de ce projet qui n'a pas été déposé le 4 janvier 2006, mais le 4 janvier 2007. Comme vous avez pu le lire, la commission fiscale a traité d'une pétition qui avait été déposée en 2005. Cela a donc pris un certain temps jusqu'à son traitement !

Cette pétition portait sur un désaccord fiscal qui fait suite à un conflit entre deux partenaires d'une société. Et ce conflit a conduit au dépôt d'une plainte pénale.

La pétition n'a été présentée que par une seule personne, mais le droit de pétition - comme vous le savez - est un droit constitutionnel fondamental et une seule signature suffit pour qualifier une requête. Cependant, deux éléments fondamentaux ont amené la majorité de la commission fiscale à proposer le classement de ce texte. Premièrement, l'administration fiscale cantonale est tenue de respecter le secret fiscal que lui a imposé le peuple. La loi n'autorise ni l'administration fiscale cantonale genevoise ni le président du département des finances à commenter une situation concernant un contribuable particulier. Deuxièmement, la séparation des pouvoirs est un principe de base de notre démocratie. La justice n'est pas autorisée à informer le Grand Conseil.

Nous sommes donc dans une situation où, à part quereller l'administration fiscale sur sa manière de traiter certains prétendus cadeaux fiscaux indus, nous ne pouvons que classer cette pétition.

La majorité de la commission a été satisfaite des explications données par M. Tanner, à l'époque, et elle ne fait preuve d'aucune défiance à l'égard de l'administration fiscale.

La «Tribune de Genève», dans une rubrique très bien faite, traitait largement de fiscalité. Son article, intitulé «Genève, la vérité sur l'implantation des groupes» montrait que l'administration fiscale est capable de tordre le cou à de trop nombreuses contrevérités.

La réponse donnée à une interpellation urgente de Mme Fehlmann Rielle, si j'ai bonne mémoire, intitulée «Cadeaux fiscaux indus» et datée du 14 mars 2005, fournit toutes les garanties que nous sommes en droit d'attendre de l'administration fiscale.

La commission a été convaincue que l'administration travaille dans un cadre clairement établi et selon des règles qui ne laissent pas place à l'arbitraire. Elle tient aussi à reconnaître qu'il faut tenir compte de l'implantation de certaines entreprises et certains groupes horlogers et des retombées importantes qui en résultent pour le canton de Genève. Nous vous recommandons donc de classer cette pétition.

La présidente. Merci, Madame la rapporteure de majorité. Vous avez parlé trois minutes et dix secondes. Je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Voyez-vous, cette pétition a été classée, alors qu'elle méritait pour le moins le dépôt sur le bureau du Grand Conseil ! On veut me raconter des histoires ici, mais on fait bien deux poids deux mesures !

De quoi s'agit-il ? Il est question d'un montant de 140 millions de francs que l'administration fiscale aurait normalement dû percevoir auprès d'un groupe industriel genevois - d'ailleurs cité par le journal «Le Temps», le groupe Franck Muller Watchland.

A l'époque, la conseillère d'Etat en charge du département des finances a estimé que le groupe Franck Muller avait une activité réelle à l'étranger, dans un paradis fiscal, et que, de ce fait, la dette fiscale du groupe s'élevait à 60 millions de francs. Le juge chargé de l'affaire judiciaire n'a pas vu les choses ainsi: il a estimé que le groupe n'avait pas d'activités réelles à l'étranger et considérait donc que les sociétés offshore du groupe étaient sans substance réelle. En l'occurrence, les sociétés étrangères offshore sans substance sont imposables ! Je cite l'article du journal «Le Temps» du 10 mars 2005, parce qu'il est quand même intéressant: «Après avoir épluché les comptes et échangé des informations avec le juge d'instruction en charge du dossier pénal ouvert il y a plus d'une année, les contrôleurs fiscaux ont estimé que le groupe devait 200 millions de francs répartis sur quatre exercices (de 1999 à 2003). [...] Les bénéfices réalisés en Angleterre sont défiscalisés à Genève et partent sur des sociétés offshore avant d'atterrir en partie, toujours de manière non déclarée, dans la poche des actionnaires.» Je trouve que la chose est pour le moins intéressante !

La commission fiscale s'est emparée du sujet et nous avons écouté les conseillers d'Etat. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, on nous a expliqué que, pour des questions de secret fiscal, on ne pouvait pas aller plus loin - tout en estimant que la question était pertinente... Attention ! A aucun moment on nous a dit que la question n'était pas pertinente ! Le département n'a jamais prétendu le contraire et indiqué qu'on ne pouvait pas aller plus avant à cause du secret fiscal, il faut le relever !

Que demandait le pétitionnaire ? La création d'une commission d'enquête, soit au niveau du parlement, soit au niveau du Conseil d'Etat, soit au niveau de la justice. Sur cette demande, nous ne sommes pas entrés en matière. Néanmoins, chers collègues, il est question de 140 millions de francs ! Il s'agit pourtant d'une pratique fiscale qui est condamnable et qui met tout le monde très mal à l'aise !

Et vous avez jugé bon de déposer sur le bureau du Grand Conseil la pétition traitée précédemment - une pétition très sérieuse ! très étudiée ! - qui comportait la signature d'un seul citoyen très honorable... Eh bien, j'estime que le citoyen auteur de la présente pétition, qui a pris le temps de se renseigner et d'étudier la question, mérite la même considération ! Or vous avez la majorité dans ce Grand Conseil, vous préférez l'opacité en ce qui concerne cette question et vous ne souhaitez pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. On peut le comprendre. Mais, par égard pour le pétitionnaire et étant donné le sort qui a été réservé à la précédente pétition, on pourrait au moins - au moins ! - déposer cette pétition-ci sur le bureau du Grand Conseil ! Madame la présidente, le cas échéant, je reviendrai sur le sujet.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez parlé trois minutes cinquante-cinq. La parole est à Mme Mathilde Captyn.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition a trois ans, elle date du 19 avril 2005, et il y est question d'une évaluation divergente entre le département des finances et le pouvoir judiciaire quant à la nature de sociétés offshore du groupe Franck Muller. La question concerne en fait la problématique de la taxation des flux financiers des sociétés domiciliées à Genève et qui ont aussi une activité à l'étranger.

Cette question avait défrayé la chronique à l'époque, Monsieur le rapporteur de minorité, bien du temps a passé depuis le dépôt de cette pétition, et le temps fait bien les choses: le Tribunal fédéral a entre-temps estimé que le siège du groupe Franck Muller était bien à Genève, comme le soutenait d'ailleurs l'administration fiscale cantonale.

C'est donc une affaire résolue, et si le pétitionnaire ou d'autres ne le voient pas ainsi, il leur faut utiliser la voie de la justice et non la voie législative qui est sous le joug du secret fiscal.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, je trouve, comme mon camarade Alberto Velasco, qu'il est assez regrettable sur la forme que la commission ait refusé d'auditionner le pétitionnaire. On a vraiment l'impression que la commission avait peur d'entendre des choses qui auraient pu la déranger. Pourtant, cela n'engageait nullement la commission, pas plus que le Grand Conseil, d'entendre les griefs ou d'entendre les arguments du pétitionnaire, indépendamment des questions liées au secret fiscal.

Sans mettre en cause le travail de l'AFC, il faut tout de même reconnaître que cette différence d'appréciation entre le pouvoir judiciaire et l'administration fiscale pour un montant de 140 millions de francs était un peu troublante. Ce n'est quand même pas rien !

Je trouve aussi qu'il est un peu curieux que la rapporteure nous dise que cette pétition venait comme la grêle après les vendanges, parce qu'en fait cette affaire est devenue publique à la faveur du conflit qui opposait les partenaires du groupe Franck Muller. Le but du pétitionnaire n'était pas de s'immiscer dans le conflit entre les deux associés, mais plutôt de poser la question de savoir si le groupe Franck Muller était réellement taxé selon ses bénéfices effectifs.

M. Velasco a cité l'éminent fiscaliste Xavier Oberson qui dit bien que les personnes morales sont assujetties de façon illimitée à l'impôt lorsqu'elles ont leur siège ou leur administration effective en Suisse et que la primauté revient au critère de l'administration effective. C'était le cas pour le groupe Franck Muller. Donc, effectivement, se posait la question de ces sociétés offshore qui sont des coquilles vides et peut-être faites pour contourner le droit fiscal.

On aurait aimé être rassuré par le Conseil d'Etat sur le fait que ce genre d'affaire est traité avec toute la rigueur nécessaire, indépendamment de la question du secret fiscal évidemment intangible - secret qu'il faudra peut-être une fois remettre en question. Parce qu'à l'heure où nous sommes saisis de nombreux projets LIAF, à l'heure où nous sommes en train de compter jusqu'au dernier centime les subventions accordées aux institutions, nous aimerions aussi que les citoyens et contribuables puissent être rassurés sur le fait que ceux qui doivent des impôts les payent correctement !

J'imagine bien que vous n'allez pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, mais je crois que par respect - le respect que vous invoquiez tout à l'heure - cette pétition devrait au moins être déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mme Michèle Ducret (R). Comme cela a déjà été dit, beaucoup de temps s'est écoulé depuis le dépôt de cette pétition. Si elle avait été traitée par ce Grand Conseil plus tôt, elle aurait peut-être soulevé un intérêt plus marqué. Ça n'a pas été le cas, la situation a totalement changé et le conflit évoqué a disparu. Par conséquent, nous estimons que le classement s'impose, comme le propose la rapporteure de majorité. Nous estimons aussi que ce n'est pas du tout manquer de respect envers le pétitionnaire, puisque la pétition a été dûment traitée en commission et qu'il y a eu un vote sur cette pétition.

Par conséquent, tout a été fait dans les règles. Nous considérons donc que le classement s'impose et nous le voterons.

M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est intéressant pour un simple citoyen genevois - permettez-moi de revenir à un niveau plus national - de tenter de comprendre la saga d'une telle pétition, qui associe des démarches politiques, juridiques, financières, fiscales et j'en passe.

Cette pétition a été signée par une seule personne. Mais face à une somme de 140 millions de francs, sur laquelle il y a un désaccord entre deux pouvoirs, le judiciaire et celui des finances, il semble difficile d'oublier qu'une démarche de ce type peut aller vers un classement. Or finalement, c'est peut-être la meilleure solution qu'on peut proposer.

Car, derrière les controverses, et parfois les casse-têtes auxquels sont confrontés les contrôleurs de l'administration des finances, face aux difficultés de réguler les activités et surtout les répercussions financières de ces entreprises, il apparaît que les mécanismes de transparence sont visiblement modulables par les sirènes de la délocalisation, mais aussi par des pratiques fiscales qui naviguent tantôt entre exonérations, codes de bonne conduite et, surtout, respect de dispositifs qui évitent de se faire épingler. Les sociétés offshore, et il faut revenir à ce dénominateur commun, sont parfaitement autorisées à exercer selon ce mode de fonctionnement en Suisse, tout en soulignant qu'elles disposent de structures juridiques, parfaitement adéquates, et qu'elles ont des mécanismes d'autorégulation, notamment ce que nous appelons le «naming and shaming». Mais il est vrai que ce type d'activités peut permettre à certains ténors, de la société ou du parlement, de ventriloquer contre elles. D'autre part, ces activités peuvent parfois nourrir un certain désintérêt, une défiance ou surtout une incompréhension de la part de citoyens qui ne sont pas des professionnels du droit international ou des spécialistes en conventions de double imposition.

Il ressort cependant que de vouloir aller contre les experts du département des finances, que de déplacer le débat sur le tapis des cas analogues à ceux qui ont déjà été analysés par le Tribunal fédéral, que de disséquer ou d'autopsier les mécanismes voire la transparence des sociétés, tout cela impose une manoeuvre qui reste coûteuse, en temps, en moyens, et qui est probablement peu productive.

Résumons les démarches, il y a en a quatre: celle de l'administration fiscale, celle de l'interaction avec le pouvoir judiciaire, l'enquête parlementaire et, finalement, la démarche de la commission des finances qui devrait clore cette problématique. Ce type de manoeuvre - qui est tout à fait démocratique de par son essence - reste cependant une manoeuvre qui permet de répéter que les règles de surveillance de notre législation cantonale et fédérale offrent suffisamment de barrières ou de garde-fous, dans le cadre de la régulation étatique, à ce type d'activités.

C'est la raison pour laquelle, dans une démarche en cascade, et dont nous espérons que celle-ci est la dernière, nous vous proposons de classer cette pétition et de ne pas donner suite à la demande de son transfert au Conseil d'Etat. C'est ce que propose le PDC.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous voilà en train de nous livrer, en raison de l'âge de la pétition et de la problématique qu'elle traite, à un exercice d'archéologie législative dont nous avons le secret dans ce parlement. Toutefois apparemment, même quand on fouille dans les strates les plus anciennes, on retrouve une position identique chez nos amis du parti socialiste, qui sont intemporels dans leurs prises de position. Tout comme est intemporel, d'ailleurs, le rapporteur de minorité, puisqu'on est de nouveau dans une affaire «Alberto Velasco contre le reste du monde»... Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du vote de la commission, mais même son collègue ne l'a pas suivi dans le refus du classement de cette pétition, se réfugiant dans l'abstention !

Le contexte de cette affaire a été évoqué par mes préopinants, ce qui fait que je n'y reviendrai pas, si ce n'est que, comme vous le savez, il y a eu une guerre privée, et les guerres privées font des dégâts. Elles donnent lieu à des dépôts de plaintes pénales qui permettent de faire pression, et en l'occurrence les associés de l'entreprise Franck Muller se sont accusés de toutes les turpitudes possibles et imaginables; la fraude fiscale n'était finalement qu'un point de détail par rapport à d'autres infractions qu'ils se reprochaient, parmi lesquelles l'escroquerie, la violation de la législation sur les étrangers, j'en passe et des meilleures !

Tout cela est aujourd'hui apaisé et qu'en reste-t-il ? Il en reste tout simplement, Mesdames et Messieurs les députés, une question de méfiance. C'est tout ! Méfiance manifestée envers l'administration fiscale et ses collaborateurs, qui sont soupçonnés - pour je ne sais quelle raison qui n'est pas explicitée - de vouloir faire des cadeaux gigantesques, en l'occurrence à une entreprise; méfiance envers le chef du département, M. David Hiler, dont les explications sur le sujet n'ont pas été jugées suffisamment crédibles pour admettre le classement de la pétition; enfin, méfiance contre une entreprise, qui est une entreprise brillante, une entreprise créatrice d'emplois, et dont notre canton peut être fier.

Eh bien, cette méfiance, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas lui donner de suite et il vous faut classer cette pétition !

M. Antoine Bertschy (UDC). Précédemment, mon collègue Eric Bertinat vous signalait qu'il fallait écouter les pétitionnaires et prendre en considération leurs doléances. Mais il y avait une différence entre la pétition précédente et celle-ci: la précédente avait des objectifs globaux, qui touchaient tout le monde; dans cette pétition-ci, nous sommes vraiment dans un cas particulier, presque du règlement de comptes entre personnes. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC demandera le classement de cette pétition.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Je crois qu'il est important de rappeler ce que demande le pétitionnaire ! Il demande l'ouverture d'une enquête sur la manière dont le département des finances applique la loi fiscale, et c'est pour cela que la commission a décidé de classer la pétition ! Parce que la commission, après avoir entendu M. Tanner, directeur général de l'AFC, a été satisfaite des réponses données.

Il faut couper court à ces rumeurs ancrées dans le canton qui font croire que les groupes, parce qu'ils sont tout-puissants, peuvent obtenir des améliorations de leur situation fiscale. Cette pétition date d'une époque où l'on avait besoin d'être bien considéré par les autres pays. D'ailleurs, c'est toujours le cas et Genève peut regarder l'Europe dans les yeux !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Ce que vous dites est vrai, Madame la rapporteure de majorité, le pétitionnaire demande une enquête. Le problème est que la justice a été saisie - il y avait un juge, déjà. C'est pour cela que je réponds non à Mme Captyn ! Vous dites que le pétitionnaire doit s'adresser à la justice... Mais la justice a été saisie ! Il y a un désaccord entre le juge et le département des finances quant à une différence d'impôt de 140 millions de francs. Je trouve donc que le fait de n'avoir pu auditionner ni l'entreprise en question ni le pétitionnaire est dommageable, car cela aurait peut-être éclairci les choses ! En commission, on nous a simplement répondu qu'eu égard au secret fiscal les choses s'arrêtaient là, qu'il fallait croire les paroles de M. Tanner et les prendre comme de l'or en barre... Voilà ! C'est comme une boîte noire dont on accepte tout, et clair ! Je suis désolé, mais il y a là des choses qui m'interpellent !

Et quand j'entends l'UDC dire qu'il s'agit d'un règlement de comptes... Lorsqu'un citoyen se soucie de l'encaissement de 140 millions de francs supplémentaires par l'administration fiscale, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un règlement de comptes entre lui et l'entreprise en question ! Je pense que le citoyen qui paie ses impôts à la fin du mois, comme tout un chacun, a le droit de se demander pourquoi quelqu'un d'autre aurait droit à des égards particuliers ! Il me semble donc que l'interrogation de ce citoyen est légitime.

Pour répondre à M. Jornot, on peut être une entreprise créatrice d'emplois, créatrice de technologie, méritant le respect de tout le monde, mais on peut aussi - et on le doit - s'acquitter de l'impôt républicain. De l'impôt inscrit dans la loi ! Si l'on veut promulguer une diminution d'impôts par le biais d'une loi, c'est autre chose. Mais je trouve qu'il faut quand même éviter de favoriser les entreprises qui ont recours à des artifices et à des sociétés offshore pour dévier une partie de leurs bénéfices et, ainsi, les défiscaliser. C'est en cela que cette pétition mettait les points sur les «i».

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur de minorité !

M. Alberto Velasco. Je regrette simplement que la précédente pétition ait reçu tous les hommages et égards, et pas celle-ci, qui a tout de même un certain poids ! On peut suivre le Conseil d'Etat, je comprends qu'il y ait des normes et un secret à respecter, et je comprends que la majorité veuille casser cette pétition, en revanche, ce que je ne comprends pas, c'est qu'on ne veuille même pas déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. On verra ce qu'il en sera tout à l'heure, au moment du vote.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, les cas particuliers sont effectivement couverts par le secret fiscal, et qu'ils aient défrayés la chronique ne change rien à ce fait. Evidemment, après, on peut se livrer à toutes sortes de raisonnements assez peu fondés. La première chose que j'aimerais dire, c'est qu'il s'agit en réalité d'une pétition qui, vous l'avez compris, ne me concernait en rien à l'origine, pour des raisons chronologiques.

Vous auriez tous dû, dans vos déclarations, utiliser le terme de «désaccord supposé», parce que vous n'en savez simplement rien ! Rien du tout ! Si ce désaccord est vrai, il est allégué, mais il n'est pas démontré. Quelqu'un l'a dit, mais vous n'en savez rien !

Les affaires de ce type sont quand même traitées avec un certain sérieux. Toutes les affaires ! Je vous rappelle d'abord que le contrôle et la vérification permettent chaque année d'engranger plusieurs dizaines de millions de francs. Donc, nous engrangeons plusieurs dizaines de millions de francs et ces chiffres sont maintenant publiés dans le rapport sur les comptes, qui vous permet de réaliser quelle est l'activité déployée par ces services. J'imagine que ces dizaines de millions engrangés concernent des porte-monnaie mieux fournis que le mien ou que le vôtre, Monsieur Velasco, puisque nous ne pourrions pas, même à nous deux, contribuer aussi lourdement à cette ardoise.

La deuxième chose que j'aimerais dire, c'est que les moyens d'investigation en Suisse concernant le fisc sont aux mains de l'impôt fédéral direct et que les compétences de nature policière sont aux mains de l'administration fédérale. De plus, lorsqu'un dossier est clos, ce n'est ni un fonctionnaire du département, ni le directeur général de l'AFC, ni un conseiller d'Etat, ni même sept conseillers d'Etat, ni qui que ce soit d'autre qui prend des décisions: elles sont du ressort des seules administrations fédérale et cantonale. Le cas échéant, quand des décisions doivent être prises, vous n'avez pas à en connaître la teneur. D'ailleurs, soit dit en passant, que savez-vous sur le fait qu'elles aient été prises ?

En revanche, Monsieur Velasco, nous pouvons vous fournir les statistiques de l'activité de la direction du contrôle - et je me permets quand même de dire que les remarques formulées à son égard étaient un tout petit peu désagréables. Vous pourrez voir que ces statistiques indiquent des résultats importants, depuis bien des années - au moins depuis 2000, pour les années que j'ai en tête. Eh bien, il s'agit de chiffres très importants.

Ne croyez donc pas que l'administration fiscale ne procède pas aux redressements qu'il y a lieu de faire, quels qu'ils soient ! Et surtout, ne faites pas, ni les uns ni les autres, une confusion entre les redressements fiscaux et les accords qui peuvent être négociés en fonction des critères que vous avez tous bien compris - mais cela c'est autre chose, c'est lorsque les gens ont joué franc jeu.

Voilà ce que je peux vous dire, et rien de plus ! Alors, je sais que vous aimeriez être rassuré, mais vous devrez, comme tout être humain, vivre dans le doute. Parce que la législation genevoise est extrêmement claire là-dessus: ni l'administration ni votre serviteur ne parleront jamais d'un cas particulier !

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur les conclusions du rapport, c'est-à-dire le classement de cette pétition... (Remarque.) Oui, Monsieur Velasco ?

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Madame la présidente, il vous faut d'abord faire voter la position la plus extrême !

La présidente. Non, Monsieur le député, je dois d'abord faire voter les conclusions du rapport. Je ne peux pas faire autrement que de mettre aux voix les conclusions qui ont été adoptées en commission. J'applique le règlement ! (Commentaires.) Le classement, oui !

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission fiscale (classement de la pétition 1534) sont adoptées par 56 oui contre 14 non et 1 abstention.