République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1467-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la pétition concernant le budget de l'Etat
Rapport de M. Pierre Weiss (L)

Débat

La présidente. J'invite M. le rapporteur Pierre Weiss à se rendre à la table des rapporteurs et lui céderai le micro s'il compte l'utiliser.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Madame la présidente, la tentation est forte, mais je saurai lui résister ! Je dirai rapidement qu'on a refusé le renvoi de cette proposition de pétition sur le budget de l'Etat par 7 voix contre 6. Voilà la conclusion essentielle à laquelle nous sommes arrivés. Nous avons considéré en commission que si les pétitions constituent un droit démocratique, un minimum de précaution et de sérieux devait présider à la rédaction desdites pétitions.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est demandée par M. Alberto Velasco. Je rappelle que ce débat est classé en catégorie II.

M. Alberto Velasco (S). Comme l'a dit le rapporteur, s'il en va du sérieux des droits démocratiques, pourquoi la majorité de la commission n'a-t-elle pas accepté le classement de cette motion ? Voyez-vous, l'auteur de cette pétition demande une réduction de 25% du budget de l'Etat... Comme le disait hier M. le conseiller d'Etat Hiler, cela veut dire 25% en moins pour le DIP; cela veut dire 25% en moins dans la santé; cela veut dire 25% en moins dans la justice, etc. Vous avez implicitement accepté cela ! Je ne sais pas à qui vous voulez vous en prendre, mais c'est incroyable, l'auteur de la pétition n'est même pas venu à la commission des finances ! Il n'a pas daigné venir ! Il s'agit d'une pétition ne comportant qu'une seule signature, celle d'un citoyen de Saconnex d'Arve - ce doit être un notable... Normalement, un tel texte, un tel torchon - parce que ce n'est rien d'autre - va directement vers ce qu'on appelle «le classement» ! Et c'est là un classement, parce que son auteur n'est même pas venu en commission !

Est-ce sérieux de demander une coupe de 25% dans le budget de l'Etat ? Est-ce que cette personne a réfléchi ? Moi je m'attendais à ce qu'elle vienne en commission des finances ! Et nous puissions demander à ce cher citoyen s'il avait songé aux conséquences qu'il y aurait à réduire le budget de l'Etat de 25%... Eh bien non, cette personne n'a même pas daigné venir ! Nous avons donc proposé que l'on classe cette pétition. Et qu'ont dit nos collègues ? Que cette pétition méritait d'être déposée sur le bureau du Grand Conseil ! Alors attention ! Un dépôt sur le bureau signifie qu'il y a quand même quelque chose à dire... Etant donné que vous voulez vous substituer à ce citoyen si éclairé, dites-nous, Mesdames et Messieurs de la majorité, comment vous pensez pouvoir effectuer une coupe de 25% dans le budget de l'Etat, puisque vous trouvez que cette pétition est recevable !

J'attends votre réponse. Si vous n'en avez pas, je propose non pas le dépôt, mais le classement de cette pétition. C'est par égard pour notre institution, il en va de son sérieux, et c'est par respect pour cette dernière que je demande cela, ce n'est même pas en tant que député de gauche !

La présidente. La conclusion du rapport propose le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais si vous demandez le classement, je le mettrai aux voix.

M. Pierre Losio (Ve). Je ne serai pas aussi sévère que mon collègue socialiste qui qualifie cette pétition de torchon. En tant que parlementaires, notre mission est de prendre en considération et d'étudier - c'est notre devoir - les pétitions des citoyens qui, souvent, attirent notre attention sur des problèmes de proximité ou sur les problèmes qui n'ont pas éveillé notre vigilance. Et notre devoir est d'étudier sérieusement les pétitions, même celles qui ne comportent qu'un seul nom de signataire !

Nous avons aussi le devoir de nous prononcer quand les pétitions - c'est le cas de celle-ci - ont un contenu simplement extravagant et déraisonnable. En effet, demander une réduction du budget de l'Etat de 25% et une diminution des impôts de 25%, c'est simplement déraisonnable ! Peut-être se trouvera-t-il dans cette audience quelque député prêt à souscrire à cette proposition ? En ce qui nous concerne, les idées de cette pétition sont simplement déraisonnables et c'est la raison pour laquelle nous demandons son classement !

M. Renaud Gautier (L). J'ai plaisir à voir que sur les bancs de l'alternative se trouvent une ou deux voix à peu près sensées; car je dois vous dire mon inquiétude d'entendre des socialistes critiquer les pétitions, alors qu'ils sont normalement les premiers à rappeler l'importance de la voix populaire, à dire que la représentation populaire est importante.

Nous avons déjà assisté hier à une curieuse perversion des moeurs de ce parlement: alors qu'il y avait une majorité sur un rapport qui devait passer aux extraits, voilà tout à coup que les socialistes décident que c'est l'occasion d'ouvrir un débat. Maintenant, j'entends les socialistes qualifier des pétitions de «torchons». J'ose espérer que les électeurs genevois seront attentifs au fait que toute pétition qui ne plaît pas aux socialistes est un torchon. Cela va évidemment réduire la qualité du travail démocratique.

Je pense que nous n'avons effectivement pas à qualifier les pétitions, Monsieur le député ! C'est le travail démocratique ! Chacun d'entre nous, même vous, est autorisé à déposer des pétitions, aussi farfelues soient-elles. Nous n'avons pas à les qualifier, nous n'avons pas non plus à décider si elles sont recevables ou pas. Imaginons un seul instant que nous demandions aux Genevois de qualifier les actes de ce parlement: je me demande combien de ces actes seraient qualifiés de torchons et combien seraient considérés comme étant irrecevables voire extravagants ?

Quelqu'un a utilisé les voies démocratiques qui lui sont données: c'est son droit. Respectons-le et déposons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ! N'intentons pas des procès de Prague pour savoir si telle ou telle pétition est acceptable ou pas ! Je vous garantis que si nous faisons cela, si chacun d'entre nous doit qualifier les pétitions qu'il reçoit, nous aurons beaucoup de travail devant nous !

Par charité chrétienne, je ne vais pas parler des interpellations urgentes - qui ne concernent que nous - mais il m'apparaît là aussi que certaines d'entre elles pourraient être qualifiées de torchon, voire déclarées excessives ou, éventuellement, inappropriées.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pierre Weiss, il vous reste deux minutes pour vous exprimer.

M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, le citoyen mérite effectivement le respect. Le citoyen a renoncé à être auditionné pour des raisons qui lui appartiennent et sur lesquelles nous n'avons pas à discuter ici. Peut-être que le président de la commission des finances pourrait s'exprimer à ce propos ? Une chose est sûre, ce citoyen se soucie de notre Etat; il s'en soucie de façon excessive, de façon peu structurée, certes, mais peut-être a-t-il entendu parler jadis du projet «GE-Pilote» ? Peut-être a-t-il voulu encourager cet effort de rationalisation ? Qui sait ?

Ce qui est certain, c'est qu'il y a un moment où nous devons prendre en considération ce droit démocratique et déposer cet instrument sur le bureau de ce Grand Conseil, dans la mesure où nous sommes favorables sur le fond à une réflexion sur les tâches de l'Etat. La majorité n'a pas estimé nécessaire de demander au Conseil d'Etat de rapporter sur cette pétition. Soyons donc à la fois respectueux de la personne, dans les limites que peut avoir parfois l'information qui est celle du citoyen.

M. Guy Mettan (PDC). Le rapporteur me fait l'honneur de me citer en tant que président de la commission des finances, je me dois donc d'intervenir. Effectivement, si j'ai dit que cette pétition manquait de sérieux, c'est parce que deux des invites qui nous ont été proposées, à savoir la réduction du budget de 25% et la diminution des impôts de 25%, ne peuvent, à mon avis, être entreprises via une pétition, même si le pétitionnaire a droit au respect. Il faudrait en effet modifier la constitution de notre canton et cela imposerait de toute façon un vote populaire par référendum obligatoire. L'instrument de la pétition ne me paraît donc pas approprié.

D'autre part, cela n'enlève rien à la qualité éminente du pétitionnaire, mais c'est vrai qu'il est tout seul et qu'en principe une pétition s'accompagne d'un soutien assez large de la population. Ça n'enlève strictement rien à sa qualité, ni à la qualité de sa pétition, mais enfin, pour un objectif aussi important, on aurait pu espérer que M. Buchs s'entoure d'un soutien un tout petit peu plus large.

Le seul élément qui est intéressant dans cette pétition et qui est à retenir, c'est la dernière demande qui consiste à «redéfinir le rôle du canton, ses services et prestations de sorte à rétablir de manière durable l'équilibre des finances cantonales.» Donc, redéfinir le rôle du canton, cela inclut aussi la discussion avec les communes, etc. Il est vrai que ça c'est intéressant, c'est ce que nous efforçons de faire chaque mercredi à la commission des finances et c'est ce que s'efforce de faire le Conseil d'Etat !

Dès lors, accepter une pétition juste pour confirmer le rôle que nous nous sommes donné au sein de cette commission, et que M. Hiler se donne en tant que conseiller d'Etat responsable des finances, ne nous paraissait pas nécessaire.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, sans qualifier du tout cette pétition, que je trouve tout à fait justifiée, en tout cas du point de vue de son auteur, je vous propose simplement de la classer.

M. Eric Bertinat (UDC). Personnellement, je trouve qu'il est bon de pouvoir constater qu'une personne qui en a ras le bol de quelque chose qui touche cette république puisse le faire par le biais d'une pétition, qu'elle nous plaise ou non, qu'elle soit excessive, qu'elle soit à côté de la plaque, qu'elle soit tout ce que vous voulez ! Personnellement, je préfère cent fois qu'on nous le dise bien en face, en utilisant un instrument démocratique plutôt que de venir ici avec un fusil d'assaut ! Permettez-moi de choisir l'instrument démocratique et de m'étonner des propos de mon collègue Velasco, surtout provenant d'un membre d'un parti qui aime à écouter les minorités.

Avec cette pétition, il a la minorité de la minorité: une personne s'adresse directement à notre parlement ! Cette personne trouve que la fiscalité à Genève est insupportable. Et comme cette personne trouve que c'est insupportable, elle le dit et elle propose un remède de cheval qu'il ne nous est bien évidemment pas possible d'adopter ou d'accepter.

Toujours est-il qu'il est bon de recevoir ce genre de messages. Il est bon de prendre un peu de temps pour en parler, pour dire exactement ce qu'on en pense et pour pouvoir donner une réponse.

De plus, cette pétition soulève un problème intéressant, à savoir qu'à un moment donné, quand l'argent viendra à manquer, il va nous être très difficile de commencer à détailler dans quels domaines nous voudront réaliser des économies, et il faudra peut-être bien avoir recours à des coupes linéaires, même si elles ne seront pas de l'ordre d'un quart du budget. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Alberto Velasco, il vous reste trente-quatre secondes.

M. Alberto Velasco (S). Je trouve que M. Gautier y va un peu fort quand il parle «des» pétitions. Monsieur Gautier, j'ai souvent fait partie de la commission des pétitions; quand on convoquait des pétitionnaires, ils s'y présentaient pour s'exprimer. Or ce monsieur n'a même pas daigné venir !

Deuxième chose: Monsieur Bertinat, s'il s'était agit d'une pétition de la gauche, d'une personne demandant 30% d'impôts supplémentaires pour les riches, vous l'auriez classée directement sans entrer en matière ! (Brouhaha.) Nous verrons quelle sera votre position quant à la prochaine pétition ! (Remarque de M. Renaud Gautier.) Monsieur Gautier, soyez honnête dans vos propos ! Vous me qualifiez, moi, et pas le groupe socialiste ! Je le répète, ce monsieur aurait pu se présenter à la commission des finances pour s'expliquer... Peut-être aurions-nous engagé le débat ? Il n'est même pas venu !

Mises aux voix, les conclusions de la commission des finances (dépôt de la pétition 1467 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 36 oui contre 25 non.