République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10042-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant, dans le cadre du droit des pauvres, une aide financière de fonctionnement de 128'000F pour la période 2008 et 2009 à la Maison genevoise des Médiations

Premier débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Voilà un sujet prêt à apaiser les ardeurs du débat précédent, puisqu'il concerne la médiation. Il s'agit d'accorder, pour la période 2008-2009, une aide financière de fonctionnement de 128 000 F à la Maison genevoise des médiations, qui a pour but précisément de pratiquer la médiation, c'est-à-dire la recherche d'une solution individuelle adaptée aux besoins de personnes en conflit, dans un cadre de respect mutuel.

Cette Maison des médiations existe à Genève depuis 1997, cela fait donc un peu plus de dix ans, et est subventionnée depuis 2002 à raison de cette somme de 128 000 F. Il y a toutefois eu une pause en 2006, en raison de thésaurisation. L'association a rendu de l'argent à l'Etat, qui n'a donc plus donné que la moitié de la subvention cette année-là.

Et nous revoilà avec une demande de subventionnement pour les deux prochaines années 2008 et 2009.

La médiation est un outil très important, qui permet d'éviter les recours juridiques pour toutes sortes de raisons. La Maison genevoise agit dans les médiations familiales, professionnelles, sociales et même pénales puisque, depuis le 1er janvier 2005, la loi sur la procédure civile genevoise reconnaît la médiation. Les juges peuvent donc proposer cet outil à des parties en conflit en les renvoyant à cette Maison des médiations.

J'ai mis en dernière page de mon rapport un article consacré à ce sujet par le journal «Entreprise romande» - donc les syndicats patronaux - qui vante le travail de cette Maison des médiations en matière de conflits du travail. Mais la mission de cette Maison va bien au-delà, puisque cette dernière agit également dans les domaines que j'ai évoqués tout à l'heure, à savoir la médiation familiale, sociale et pénale.

Je vous demande donc instamment de voter cette aide financière de fonctionnement en faveur de cette Maison des médiations - d'autant que cette somme de 128 000 F n'est pas énorme - de façon également à donner un signal clair à la population et à l'encourager, avant d'engager des procédures pénales ou civiles, à passer, quand cela est possible, par cette Maison afin d'apaiser les conflits, car cela engendre beaucoup moins de coûts, essentiellement pour l'Etat de Genève.

M. Edouard Cuendet (L). M. Charbonnier a cité un article d'«Entreprise romande», je vais donc démontrer maintenant que le groupe libéral n'est pas forcément inféodé au gros capital, puisque je vais m'opposer à cette subvention.

Une fois de plus, on nous propose une nouvelle subvention pour une structure, et cette démarche est clairement contraire aux engagements du Conseil d'Etat, qui étaient - je le rappelle pour ceux qui l'ont manifestement oublié - de diminuer de 1,25% par année les subventions au cours des quatre années de la législature. Or les comptes d'Etat démontrent que loin s'en faut, puisque les subventions ont explosé de plus de 6% entre 2005 et le budget 2008. C'est déjà un premier point qui devrait nous amener à refuser cette nouvelle subvention.

Par ailleurs, on peut s'interroger sur l'utilité de l'organisme en question, qui est devenu une espèce de structure semi-étatique. On nous a parlé de retour sur investissement, mais celui-ci serait encore meilleur si cette subvention n'existait pas. Je vous le rappelle, dans le domaine du barreau, à l'instar d'avocats, d'anciens magistrats et de certains consultants, beaucoup de professionnels indépendants exerçant de manière libérale leur profession se sont formés en matière de médiation. Ils n'ont pas besoin de cette chambre pour pratiquer de manière efficace leur activité. On crée donc à nouveau une espèce de machin pour remplir un soi-disant besoin.

Ce que j'affirme est confirmé par des chiffres, car, une fois de plus, les chiffres ne mentent pas ou peu. Et si l'on regarde le budget 2007, sur des charges totales de 200 000 F, quelles sommes sont consacrées effectivement à la médiation, je vous le demande ? Salaire des médiateurs: 28 000 F, et honoraires: 5000 F. Ce sont donc 33 000 F sur 200 000 qui sont consacrés à la médiation; le reste, ce sont des frais de fonctionnement. On est donc ici exactement en présence du mal dont souffre l'Etat de Genève: le fonctionnement dévore les subventions et l'activité principale ne passe qu'au second plan. Nous ne faisons qu'entretenir des structures inutiles et je vous invite donc à refuser cette subvention.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). J'aimerais simplement vous dire à quoi sert la Maison des médiations: à promouvoir et à favoriser les résolutions de conflits. Les médiateurs sont à disposition des personnes afin de les aider à trouver des solutions à leurs différends, en évitant entre autres le passage devant les tribunaux.

Nos enfants apprennent la médiation à l'école afin de résoudre leurs conflits sans recourir à la violence. Du reste, Monsieur Cuendet, même les régies passent par la Maison de la médiation pour résoudre maints problèmes et éviter d'aller devant les tribunaux.

Ce lieu est utilisé pour régler différents conflits, sur le plan familial mais aussi sur de nombreux autres, et même si le recours à la médiation n'est pas encore la règle dans la gestion des conflits, cela devrait le devenir par la suite.

Pour les Verts, engager 128 000 F est un encouragement aux efforts fournis par cette association, et également un signe qui montre au public que cette façon de résoudre les problèmes est extrêmement importante, qu'elle a énormément d'avenir et qu'elle vaut mieux que de longues procédures devant les tribunaux. Nous vous encourageons donc à voter ce projet de loi.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, il est évident que nous faisons une économie, rapidement calculable, en soutenant la Maison genevoise des médiations. En effet, à partir du moment où l'on aide les tribunaux à se désengorger et où l'on peut, grâce à une médiation, résoudre des conflits en évitant les effets collatéraux coûteux qu'ils peuvent engendrer, le retour sur investissement est extrêmement facile à calculer, et c'est la raison pour laquelle nous vous invitons à soutenir ce projet de loi.

M. Eric Bertinat (UDC). La Maison des médiations est une structure de plus dans un ensemble d'assistanat qu'offre l'Etat à une population genevoise qui souvent n'en demande pas tant. La Maison des médiations crée pour l'instant une demande plus qu'elle ne répond à un marché. Elle peut être un recours, qui n'est pour le moment que peu utilisé, et aider à désengorger les tribunaux; c'est une voie possible pour régler un conflit.

Durant les discussions en commission des finances, ni la majorité des commissaires, ni même le conseiller d'Etat David Hiler n'a manifesté un enthousiasme débordant, ce qui explique sans doute le peu de moyens donné à cette Maison des médiations.

L'UDC s'abstiendra lors du vote sur cette nouvelle aide financière, non sans relever qu'il manque sans doute quelques personnalités connues pour permettre à cette association d'être plus visible auprès du public et, par conséquent, plus sollicitée pour instituer un arbitrage qui peut se révéler utile.

M. Alberto Velasco (S). Je ne comprends pas comment on peut être contre ce projet de loi, cher collègue Cuendet, parce que... (Commentaires.) ...Monsieur Cuendet ! (Rires.) En effet, d'après mon calcul, parmi toutes celles qui ont été faites, une médiation revient à 1500 F.

Or, si l'on imagine maintenant que ces personnes n'aient pas utilisé la médiation, mais aient recouru à un avocat, ce n'est plus 1500 F, vous êtes d'accord ! A 500 F l'heure l'avocat, je vous garantis que les coûts sont beaucoup plus importants, sans compter les frais pour la justice, les juges ! Il est donc évident que, eu égard aux chiffres que je viens de donner, les 128 000 F sont hyper rentables.

Deuxièmement, dans une société où les gens ne se parlent plus, ne se regardent plus, ne se donnent pas la main, ne s'embrassent pas, je trouve... (Rires. Exclamations.) Ben oui ! ...je trouve franchement que mettre en place un système de médiation qui permette aux gens de se rencontrer, de se voir, de se parler et, peut-être, à la sortie, de s'embrasser... Peut-être !

Une voix. Décidément !

M. Alberto Velasco. C'est très positif ! Qui peut, chers collègues, être contre un système pareil pour 128 000 F ? Franchement ! Même l'UDC devrait être d'accord, vous qui êtes pour la famille ! Et voilà, vous qui êtes justement pour...

Une voix. Ah bon ?

M. Alberto Velasco. Mais oui, ils sont pour la famille ! Alors je ne comprends pas, Monsieur Bertinat, que vous soyez contre ce projet de loi, alors qu'il limite les frais, de justice notamment, ainsi que l'engorgement du Palais de justice. Je ne comprends pas votre opposition à ce texte !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous engage vivement, au nom de la réduction des dépenses de justice et de limitation des frais d'avocats, de juges et autres, à voter ce projet de loi.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). J'aimerais répondre à quelques arguments avancés par les bancs d'en face en faveur d'un refus de ce projet.

Je pense qu'il est grave d'estimer que la Maison des médiations pourrait devenir marchande ou non, ou entrer dans un système économique. Je rappelle juste le contexte: la médiation vient du monde associatif; c'est en 1988 ou 1989 - je n'ai pas la date exacte en tête - qu'est née la médiation à Genève, une médiation de quartier, tout d'abord, qui s'est ensuite élargie à la médiation juridique, oui, Messieurs ! Cette pratique vient donc de la société civile, de citoyens qui, justement, ne voulaient plus aller jusqu'au tribunal pour régler des conflits, notamment de voisinage, ou des différends qui demandaient simplement qu'on octroie la parole dans le respect à chacun des belligérants.

Je voulais juste rappeler ces éléments, pour dire qu'on peut chercher à rentabiliser mais qu'on n'a pas le droit de toujours emprunter ce chemin.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le rapporteur de... M. le rapporteur «tout court», Alain Charbonnier.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Merci pour le «tout court», Madame la présidente ! (Rires.)

J'aimerais quand même dire à certains préopinants, entre autres du parti libéral, que cette association n'est pas nouvelle, il ne s'agit pas d'une nouvelle subvention, ni d'un nouveau machin, comme l'a dit M. Cuendet, et parler du retour sur investissement.

Monsieur Bertinat, c'est M. Hiler qui est venu insister lourdement sur l'intérêt du retour sur investissement, en précisant bien que les coûts judiciaires actuels sont gigantesques pour l'Etat de Genève et que, par conséquent, même si les cas de médiation sont très peu nombreux, cela préserve au moins quelques deniers publics de ce côté-là.

Il faut également préciser que les gens qui s'adressent à cette Maison des médiations doivent payer leur consultation, ce n'est pas gratuit, cela coûte entre 140 F et 300 F l'heure, suivant le cadre de médiation qui est envisagé. Ces prestations sont donc payées par les parties.

Je terminerai en disant au groupe libéral que si, dans ce cas-là, il ne défend pas le grand capital, dès lors qu'il ne défend pas les syndicats patronaux qui, eux, soutiennent la Maison des médiations, ils soutiennent en revanche leurs petits copains avocats, puisque M. Cuendet se fait l'honneur de dire qu'on peut envoyer les gens chez ces avocats, qui seraient formés à la médiation. Mais je rappellerai juste que les tarifs de la Maison des médiations sont compris entre 140 F et 300 F l'heure, et je ne crois pas que les petits copains de M. Cuendet pratiquent ces tarifs-là. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais juste réagir par rapport à l'intervention de tout à l'heure de notre collègue socialiste. Il ne s'agit pas de faire le procès du principe de la médiation, nous y sommes acquis ! Il faut simplement savoir qu'il existe à Genève plusieurs organismes qui proposent cette façon de gérer les conflits, et il n'y a donc pas de raison qu'on accorde une subvention aussi importante à celui-ci et pas aux autres.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Je viens vous confirmer que cette subvention n'est pas nouvelle, puisqu'elle est inscrite au budget de l'Etat de Genève depuis 2002. Elle a été réduite de moitié en 2006 durant une année, non pas parce qu'il y avait des problèmes, mais parce que cette institution avait thésaurisé; elle nous a donc spontanément retourné l'argent qu'elle avait en trop dans ses caisses.

Je vous propose, au nom du Conseil d'Etat, de poursuivre l'expérience de la Maison des médiations, parce que nous la trouvons intéressante dans la capacité qu'elle a de régler un certain nombre de conflits, et qu'elle dispose de personnes compétentes pour l'animer.

Je vous invite au nom du Conseil d'Etat à adopter ce projet de loi pour les années 2008 et 2009, conformément d'ailleurs au projet de budget 2008 que vous avez voté au mois de décembre.

Mis aux voix, le projet de loi 10042 est adopté en premier débat par 50 oui contre 24 non et 3 abstentions.

La loi 10042 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10042 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 24 non et 2 abstentions.

Loi 10042