République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1575
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie Von Arx-Vernon, Nelly Guichard, Stéphanie Ruegsegger, Guy Mettan, Pierre-Louis Portier, Philippe Glatz, Patrick Schmied : IKEA à Genève : du projet à la réalité

Débat

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Début décembre 2003, devant ce parlement, et en réponse à une interpellation écrite de votre serviteur, M. Moutinot, au nom du Conseil d'Etat, affirmait que ce Conseil d'Etat tenait à l'installation d'IKEA sur le territoire genevois, plus précisément sur la commune de Vernier. M. Moutinot disait encore, à propos de ce dossier: «Vous pouvez être assurés que les services de l'Etat tiennent à son aboutissement, ne serait-ce que pour l'excellente raison environnementale qu'il vaut mieux que les habitants de ce canton ne fassent que les kilomètres qui séparent leur domicile de Vernier, plutôt que d'aller jusqu'à Aubonne, engendrant ainsi la pollution que l'on connaît.» Trois mois et demi plus tard, où en sommes-nous ? Au même point, rien n'a avancé. Pire: les habitants de Vernier, et particulièrement ceux du quartier de la Renfile, sont inquiets et agités. Par conséquent, les autorités politiques communales font de même et affirment qu'elles ne savent plus si elles souhaitent l'installation de cette entreprise. La direction d'IKEA qui, rappelons-le, cherche à s'implanter sur le territoire depuis plus de cinq ans, s'impatiente et parle de chercher un autre terrain, de l'autre côté de la frontière, cette fois. Pendant ce temps, le nombre de nos citoyens chômeurs se maintient à 7%. Qui plus est, la République n'a toujours pas de budget, nous venons d'en parler longuement, et l'on nous annonce des comptes 2003 déficitaires d'environ un demi-milliard de francs.

Or sur des dossiers aussi importants pour l'essor économique de ce canton, on a l'impression que les deux conseillers d'Etat responsables de l'aspect pratique de cette installation, MM. Cramer et Moutinot, sont peu actifs. (Manifestation dans la salle.)C'est en tout cas le sentiment que l'on a.

Sommes-nous devenus inconscients de la chance que représente l'installation d'une telle entreprise, avec son corollaire de retombées économiques ? Plus de 90 millions d'investissements; la création de plus de 400 emplois, directs et indirects; la mise à disposition de plus de cinq mille mètres carrés, destinés à l'installation d'autres entreprises sur le même site - lesquelles engendreront également emplois en nombre et investissements; ou encore la valorisation d'un site actuellement en friche industrielle. Sommes-nous ou avons-nous été à ce point gâtés par une vitalité économique, qui semble d'ailleurs s'éloigner, pour renoncer aux avantages environnementaux de cette opération ? Sommes-nous à ce point obnubilés par les quelques problèmes de circulation qui se posent - problèmes sur lesquels je reviendrai - pour ignorer les efforts que la direction du géant suédois est prête à consentir, tels que le remboursement des billets de transports publics à ses clients, la participation à l'achat de deux-roues ou de l'abonnement de transports publics pour ses futurs employés et - le plus récent mais pas le moins important de ses engagements - une étroite collaboration avec la cellule emploi de la commune de Vernier que l'on discute déjà et que la commune a mis à disposition de ses chômeurs, ceci dans le cadre du recrutement que devra opérer IKEA, si son implantation devenait une réalité ?

Pour les démocrates-chrétiens de ce parlement, qui ont, depuis toujours, pour idéal une économie prospère au service du partage des richesses, nous pensons qu'une telle apathie est une faute très grave. Certes, nous le savons, le seul problème qui, à nos yeux, reste posé est celui de la desserte locale de la future entreprise. Il n'est pas simple à régler. A cet égard, les inquiétudes de la commune et de l'entreprise voisine sont à prendre en compte. Mais vous ne pouvez pas dire à vos interlocuteurs: «Vous ne pouvez pas faire cela; cela n'est pas la bonne solution, vous ne pouvez pas agir ici, vous ne pouvez pas agir par là non plus».

Une étude de variante ou de variantes a-t-elle été engagée ? L'office des transports et de la circulation cherche-t-il la solution permettant l'écoulement du trafic ou au contraire le moyen de l'empêcher ? M. Cramer, chef du département concerné a-t-il donné un mandat clair à ce service: celui de trouver la solution ? Va-t-il nous saisir d'une proposition à ce sujet ou laissera-t-il l'OTC lasser définitivement IKEA et ses mandataires ? M. Moutinot, conformément à ses engagements, pèse-t-il de tout son poids de conseiller d'Etat pour obliger les fonctionnaires à proposer des solutions plutôt que d'opposer des avis négatifs ?

Bref, notre administration est-elle au service des acteurs économiques de ce canton ou contre ceux-ci ?

Nous espérons vivement que vos réponses et vos actions seront convaincantes, à l'avenir, parce que Genève ne peut pas, ne peut plus se priver d'une telle aubaine. La crise des finances publiques, si elle est due à un accroissement des dépenses, est également une crise de la baisse de ses recettes, surtout celles provenant de la bonne marche des entreprises - et donc des salaires qu'elles peuvent verser à leurs employés. Or, avec les soucis qu'a connus le monde bancaire, celui des assurances et de bien des entreprises, nous ne pouvons plus cracher dans la soupe. Nous ne pouvons négliger aucune opportunité de rentrée fiscale. Si nous ratons une telle occasion, alors notre colère se fera entendre. Tout comme celle que je tiens à faire connaître. Celle que l'attitude irresponsable du maire de la ville de Genève occasionne: obsédé par ses dogmes politiques, il oublie qu'il est le maire de tous les habitants de sa ville, il n'assume pas les charges protocolaires inhérentes à sa fonction... (Exclamations.)...et boude donc le Salon de l'auto... (Le président agite la cloche.)...une manifestation mondiale que Genève a la chance d'accueillir depuis des décennies et dont les retombées économiques sont d'une énorme importance pour les Genevois. C'est l'oubli de l'intérêt général, c'est tout simplement du sabotage économique et par conséquent, à nos yeux, du sabotage social.

Alors, de grâce, cessons ce gâchis, et mettons tout en oeuvre pour créer des conditions favorables à l'économie genevoise. Une économie et des retombées qui, jusqu'à maintenant, nous ont permis de gérer la richesse, de ne pas avoir à rougir des prestations sociales que nous pouvons accorder aux plus démunis, qui nous permettent l'accès à des soins hospitaliers de qualité, nous autorisent une vie culturelle diversifiée ou encore, qui nous permettent de réfléchir à d'importants investissements destinés aux transports et à l'éducation.

C'est donc forts de ces convictions que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter massivement cette motion, et de donner ainsi un signe clair à notre pouvoir exécutif: celui de notre volonté que l'Etat facilite l'installation de cette entreprise, qu'il se présente comme une collectivité capable de propositions positives, et non pas uniquement pour signifier ce qui est interdit. Si, après avoir refusé l'implantation d'IKEA à Plan-les-Ouates, le Conseil d'Etat n'arrive pas à mettre sur pied celle qu'il a lui-même proposée à la Renfile, alors le PDC, qui a déjà déposé un projet de loi concernant la mixité en zone industrielle urbaine, étudiera la possibilité d'un net assouplissement de cette même zone industrielle dans le reste du canton. En effet, il y a des luxes, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne pourrons bientôt nous offrir.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député. Ah, c'est fait. Merci, Monsieur le député, la parole est à M. le député Iselin.

M. Robert Iselin (UDC). Ce n'est pas tous les jours que l'UDC pense de manière fort proche du PDC, mais cette fois-ci, c'est vraiment le cas. L'essentiel a déjà été dit, je crois, par M. Portier, et je voudrais simplement contribuer au débat de la manière suivante: un des problèmes, avec IKEA, concerne le trafic, et le chef de notre groupe - qui dans cette commune est vraiment représenté - a pris contact avec IKEA. Cela intéressera peut-être la gauche, car ce qui nous chatouillait un peu sous le menton, c'est qu'on prévoie 220 jobs à Vernier et qu'on n'engage que des frontaliers. (Exclamations.)

Une voix. Mais que fait la police ?

M. Robert Iselin. Je ne sais pas ce que la gauche pense, mais j'ai souvent entendu des critiques que nous ne méritions pas, c'est quelque chose qui ne correspondait pas du tout à nos intentions. Nous avons donc approché IKEA, qui a répondu au chef de la délégation au parlement de Vernier de la manière suivante: «Cher Monsieur, suite à votre séance de travail avec MM. Décimo et Rochat - ce sont deux personnes d'IKEA - à laquelle j'ai infiniment regretté de ne pouvoir assister, permettez-moi de vous confirmer les points suivants: à Vernier, IKEA, qui est un employeur apprécié, compte créer quelque 220 emplois directs, dont une partie à temps partiel, modulés de manière à pouvoir concilier vies professionnelle et familiale, voire à permettre la réinsertion dans la vie active. Pour des raisons évidentes, cette flexibilité implique une politique d'engagement de personnel de proximité qui permette de faciliter et de réduire les déplacements, donc d'éviter stress et fatigue inutiles, mais aussi de recourir aisément aux transports publics. Nous pouvons ainsi pleinement appliquer nos propres directives en matière de politique environnementale.» Dans le paragraphe suivant, on peut lire: «En matière d'emploi, nous avons bien compris votre préoccupation de nous voir engager des collaboratrices et collaborateurs de proximité. A cet égard, nous serions bien sûr tout prêts à donner la priorité aux habitants de Vernier, et à collaborer étroitement avec l'éventuelle cellule emploi, que votre commune pourrait mettre sur pied, notamment pour rassembler ou transmettre des dossiers de candidature.» Dernier paragraphe: «Par ailleurs, la sortie» - parce qu'il y avait des questions liées au mouvement des voitures - «la sortie de notre parking sur la route de Pré-Bois, si logique et évidente, était prévue dans nos plans initiaux. Elle pourrait donc être réalisée sans difficulté. Toutefois, cela ne dépend plus de nous mais bien des négociations qui vont s'ouvrir entre votre commune et le Conseil d'Etat.» Sur ce dernier point - je ne sais pas, Madame la présidente, si vous partagez évidemment pas mon point de vue selon lequel au Conseil d'Etat, ce sont tous des nuls, puisque c'est à moi que vous attribuez cette déclaration, avec raison, d'ailleurs, mais, je pense que, dans le cas particulier, il ne soit pas acceptable que depuis cinq ans le gouvernement de ce canton tergiverse et qu'il n'y ait pas d'entente entre les conseillers d'Etat pour arriver à une solution avec un employeur aussi important, venant d'un pays où l'on a autant le souci des travailleurs sociaux que la Suède.

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Je vous rappelle qu'il est 22h15, et que si nous pouvions éviter d'aller nous coucher à une 1h du matin, ça pourrait être tout à fait sympathique, pour ceux qui ont la chance d'avoir une compagne, ce qui n'est pas mon cas.

Toute la salle. Ohhh !

Le président. Vous voyez, je pense à vous ! J'ai tout mon temps, pour ma part. Je pense à tous ceux qui doivent rejoindre leur famille.

M. Blaise Matthey (L). Monsieur le président, j'espère que vous trouverez l'âme soeur chez IKEA, lors d'un achat de meuble, que vous vous ferez un plaisir de monter, quelques heures plus tard, peut-être non sans difficultés. (Rires.)Toujours est-il que le groupe libéral se rallie pleinement à la proposition de motion du parti démocrate-chrétien, partageant le souci, qui a été exprimé dans le détail par M. Portier, repris ensuite par M. Iselin, concernant l'implantation d'IKEA à Vernier. Permettez-moi, puisque je me suis rendu sur place, considérant que ça n'est que lorsque l'on se trouve devant la parcelle et les accès que l'on peut mesurer les problèmes concrets, permettez-moi de vous dire que l'on peut régler cette situation délicate sans trop de difficulté. Je ne doute pas - et on nous le dira certainement dans quelques instants - qu'on s'y attèle depuis un certain temps, mais lorsqu'on parle avec les gens qui se trouvent sur place, on s'aperçoit qu'un certain nombre de solutions relativement simples auraient pu être adoptées et ne le sont pas. J'avoue, ayant vu les plans et la parcelle, persister à ne pas comprendre pourquoi ces solutions n'ont pas été retenues, mais nous saurons dans quelques minutes pourquoi elles ont été écartées.

Le véritable problème me semble tenir dans la préservation des intérêts de la population de Vernier, cela va sans dire, mais aussi dans la préservation des intérêts de ceux qui sont actifs dans cette zone - et ils sont nombreux - et aussi de permettre l'implantation d'IKEA. Nous faire croire que cela n'est pas possible relève de l'illusion, du tour de passe-passe, et, personnellement, pour cette raison il nous faut soutenir la proposition de motion qui est faite par le PDC ce soir. (Applaudissements.)

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

M. Alain Etienne (S). Dans un premier temps, le parti socialiste ne sait pas très bien comment aborder cette motion. En effet, nous avons lu cette motion du parti démocrate-chrétien. Il est vrai que tant les considérants que l'exposé des motifs sont relativement modérés, et cela nous convient. Cependant, cette motion est déposée dans un certain contexte, puisque, depuis un certain temps, il y a une surenchère médiatique. Cela a commencé par quelques articles de la fédération des artisans et commerçants dans la «Tribune de Genève», suivis d'un article du président du parti libéral, d'une interview de Avenir Suisse au journal télévisé de la TSR, d'une déclaration de M. Lamprecht à la RSR, etc. De sorte que, tout à coup, tout commence à s'amplifier.

Vous vous inquiétez mais nous nous demandons également si cette motion n'est pas faite pour relayer uniquement les préoccupations du chef du département de l'économie. J'aimerais rappeler à ce titre qu'il y a une délégation du Conseil d'Etat, représentée par le département de l'économie, qui a la charge de faire venir des entreprises dans le canton. Le DIAE, via l'OTC, essaie de voir quels sont les problèmes de circulation, et le DAEL, situé entre les deux, essaie de rendre le projet réalisable.

Nous demandons que le Conseil d'Etat travaille en concertation: il n'est en effet pas acceptable, à notre sens, qu'il y ait des tiraillements au sein du Conseil d'Etat.

Cela dit, j'aimerais rappeler le plan directeur cantonal, car il constitue notre cadre de référence en matière d'aménagement du territoire par le biais de deux fiches - la 2.09 et la 2.10 - qui traitent des centres commerciaux et des zones industrielles. Voici la base légale qu'elles énoncent, en matière de zone industrielle: «Les zones industrielles et artisanales sont destinées en principe aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Sont également admises les activités de stockage et d'entreposage, les activités tertiaires directement liées à l'industrie, les entreprises de softwares informatiques, les activités de formation et de perfectionnement professionnels et les services de proximité.» Concernant les centres commerciaux à vocation régionale, il y a une dimension transfrontalière qu'il ne faut pas oublier. Par ailleurs, et pour éviter une limite de la concurrence, il faut prendre en compte les préoccupations des commerces locaux, afin d'éviter la disparition des petits commerces.

Cela dit, il faut respecter les procédures et les règles. J'ai été passablement interpellé par les déclarations que Avenir Suisse a faites dans son interview à la TSR, notamment parce qu'il y était question de déréglementation, ce que je juge assez grave. Il y a effectivement un problème de temps, parce que l'aménagement du territoire nécessite du temps afin que certaines choses soient vérifiées, notamment par rapport aux études d'impact, et plus précisément par rapport à l'impact sur le trafic. Il y a également la nécessité de prendre en compte les demandes des communes. A plusieurs reprises, vous nous dites qu'il faut prendre l'avis des communes. Les demandes de la commune de Vernier sont légitimes, par conséquent il faut les étudier. Une réunion entre le Conseil d'Etat et la commune de Vernier est d'ailleurs prévue tout prochainement. Le dossier touche à sa fin et je pense qu'il faut donner sa chance à cette rencontre. (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)

La commune de Vernier subit un certain nombre de nuisances, à cause de l'aéroport et de deux axes routiers importants qui traversent son territoire. J'aimerais bien voir la réaction des communes si une telle implantation avait eu lieu à Cologny, Vandoeuvres ou Veyrier. L'avis de la commune de Vernier est important.

Quant au principe du développement durable, dont nous avons parlé aujourd'hui: j'aimerais que les partis de l'Entente s'en préoccupent aussi dans ce cas précis. Dans un des articles de la loi sur le développement durable, que nous avons votée, il est stipulé que Genève est un écosite. Qu'est-ce qu'un écosite ? Applique-t-on, dans ce canton, les principes de développement durable, comment sont-ils appliqués au sein du département de l'économie ? J'aimerais bien le savoir. Lors du discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a affirmé qu'il prenait en compte les principes du développement durable ! Voilà donc mes questions au Conseil d'Etat. On parle, dans certains articles de journaux, du refus de l'OTC pour la deuxième sortie: expliquez-nous les raisons de ce refus. On dit même qu'il existerait un écosystème industriel: nous ne sommes plus aux temps où l'on ne se préoccupait pas des problèmes environnementaux; actuellement nous devons absolument prendre en compte les principes du développement durable.

C'est pour cela que nous sommes d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, pour autant que nous nous bornions au libellé de cette motion. Nous avons vu paraître un certain nombre d'amendements que nous ne pouvons pas suivre, et nous nous exprimerons en temps utiles à leur propos. Le parti socialiste est d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat telle qu'elle a été rédigée par le PDC et sans amendements.

Des voix. Bravo !

M. Christian Grobet (AdG). Je partage l'avis de M. Matthey: ce genre de dossier doit être sérieusement examiné, voire même très sérieusement, vu toutes les conséquences qu'un projet de cette ampleur, avec un parking particulièrement important et un flux de voitures, à la sortie du tunnel de l'autoroute, non moins important. Cependant, je dois avouer être toujours méfiant à l'égard des démarches du type de celle qui est faite ce soir, dans le but évident de faire pression pour le compte de certains milieux très intéressés.

Et puisque l'on parle de la nécessité d'agir vite, je me permets, à titre simplement factuel, de signaler des faits - dont peut-être M. Moutinot n'est pas au courant. C'est à la fin des années 80, au plus tard au début des années 90, que la firme IKEA a laissé entendre qu'elle pourrait être éventuellement intéressée par la construction d'un magasin à Genève. J'ai pensé, en tant que chef du département, qu'il ne fallait jamais négliger ce genre de demandes. Ainsi, un terrain a été proposé, tout près de celui qui est actuellement en cause, et une entreprise a même fait un projet de construction à compte d'auteur. Ce projet a été soumis à IKEA, que le département a dû relancer à plusieurs reprises - je le sais, puisque je suivais personnellement ce dossier. Le dossier a traîné de manière lamentable, jusqu'à ce qu'un jour je reçoive un courrier de la firme affirmant qu'elle n'était pas intéressée à s'installer à Genève. Je souhaitais simplement souligner ce fait pour montrer les méthodes utilisées par IKEA - j'imagine, Monsieur Moutinot, qu'il y a toujours bon ordre dans les archives du département, par conséquent les documents en question pourraient être retrouvés. Je constate donc que ceux qui, aujourd'hui, sont très pressés, ne l'étaient pas du tout il y a quelques années, au contraire.

M. Iselin a évoqué une préoccupation que je partage entièrement, pour ma part, mais dont je pense que d'autres députés de l'Alliance de gauche se préoccupent également. Je suis en effet très méfiant lorsque l'on parle de la création de 200 ou 300 emplois. On a déjà vu d'autres baudruches de ce genre, par le passé. Bien sûr, des emplois vont être créés: mais on ne dit pas que ce sont des «demi-emplois», par exemple. Je partage donc l'avis de M. Iselin. (L'orateur est interpellé.)Oui, des demi-emplois: des emplois du type de ceux que l'on trouve chez McDonald's, où les gens doivent être en permanence à disposition, et sont ainsi des travailleurs sur appel. Ils viennent lorsqu'il y a des clients, et, le reste du temps, ils doivent se débrouiller. Ces conditions de travail sont, dans certaines de ces chaînes de magasins, souvent lamentables.

Ce que je peux dire à M. Iselin, en réponse au fait qu'il ait évoqué la Suède, c'est que les conditions de travail chez IKEA en Suisse n'ont rien à voir avec les conditions de travail qu'il y a en Suède. En effet, j'ai eu des consultations de la part de personnes, travaillant chez IKEA à Aubonne, mécontentes de cette entreprise. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas créer d'emplois. Il faudrait toutefois savoir de quel type d'emplois il s'agit. Et je partage l'avis de M. Iselin, selon lequel, si l'on dit que l'on va créer des emplois, il faut que ce soit des emplois pour des gens vivant à Genève.

Genève est actuellement la «championne» du chômage en Suisse, on sait qu'il va y avoir une avalanche de travailleurs provenant de l'autre côté de la frontière, on sait qu'il y aura de la sous-enchère sur le marché de l'emploi, du dumping. Nous n'avons pas attendu M. Iselin pour parler de ce sujet, nous l'avons dénoncé: M. Pagani l'a fait en ce qui concernait des emplois, à des salaires lamentables, à Palexpo.

Je ne sais pas si c'est le chef du département de l'économie qui s'occupe de ce dossier, comme cela a été évoqué; en revanche, je constate, par rapport à la lettre dont M. Iselin a donné lecture, en prétendue réponse à sa préoccupation d'engager du personnel local, que cette lettre ne prend aucun engagement, bien au contraire. Je pense ainsi que si vous, membres du groupe UDC, vous occupez véritablement de cette question et que vous avez véritablement demandé si les employés engagés seraient domiciliés sur le territoire du canton, vous avez eu la réponse: c'est «non». En effet, la lettre est écrite d'une manière clairement évasive: ils feront ce qu'ils pourront pour favoriser l'engagement d'employés sur le territoire de la commune de Vernier. Ils n'ont absolument pas dit: «Avec tous les chômeurs qui sont à Genève, nous arriverons à nous débrouiller, même pour des emplois mal payés, et nous n'engagerons pas de personnel provenant de l'autre côté de la frontière». Ils n'ont surtout pas dit non plus qu'ils étaient prêts à signer une convention collective concernant les conditions de travail du personnel. En ce qui me concerne, je ne suis donc pas prêt à me laisser duper par ce chantage à l'emploi qui est de mauvais aloi, quand on voit que la direction de cette entreprise n'est pas d'accord de prendre le moindre engagement en ce qui concerne ses travailleurs.

Monsieur Barrillier, après votre coup d'esbroufe de tout à l'heure - lorsque vous dites: «Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'environnement, en faisant venir des entreprises à la rue de l'Hôtel-de-Ville, alors qu'elles doivent parcourir 150 kilomètres» - avec lequel je suis du reste d'accord, je pensais que vous prendriez au moins la parole, ce soir...

La présidente. Monsieur le député, je vous prie de vous adresser à la présidence.

M. Christian Grobet. ...en disant par exemple au Conseil d'Etat: «Allez-vous poser, comme exigence, à l'entreprise IKEA, grosse multinationale, qu'elle s'engage, pour le moins prioritairement, à mandater des entreprises genevoises, et non pas que les trois quarts des entreprises viennent de l'extérieur ?».

C'est pourquoi, pour aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, si vous voulez avancer des arguments économiques dans l'intérêt de Genève, il vous faut demander: premièrement, d'avoir des garanties qu'on engagera des employés situés dans le canton de Genève; deuxièmement, qu'il y ait une convention collective décente; troisièmement, que les entreprises locales serviront à construire ce bâtiment.

Pour le surplus...

La présidente. Monsieur le député Grobet, vous devez conclure, s'il vous plaît.

M. Christian Grobet. ... je suggèrerai quand même que cette motion soit renvoyée en commission, afin que le département puisse s'occuper - pas «s'occuper», mais répondre, donner un certain nombre d'indications. J'aimerais ajouter qu'il est possible qu'un autre lieu mieux situé soit plus approprié du point de vue de la circulation. Enfin, j'aimerais...

La présidente. Monsieur le député Grobet, veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Christian Grobet. Oui, j'ai fini. Mais j'aimerais quand même dire à M. Portier, qui se sert de l'affaire IKEA pour faire une déclaration lamentable...

La présidente. Monsieur le député, vous devez respecter le temps imparti.

M. Christian Grobet. Monsieur Portier, je m'étonne que vous teniez tant à voir M. Ferrazino à la manifestation du Salon de l'automobile, lorsqu'on sait combien il vous déplaît ! J'ai, pour ma part, participé à deux inaugurations du Salon de l'automobile; c'est vrai qu'on y voit beaucoup de monde car il y a beaucoup de gens qui veulent assister au repas après l'inauguration, sans compter ceux qui veulent se faire voir. Cependant, personne ne se souvient de qui était présent, le président de la Confédération et le président du Conseil d'Etat mis à part.

La présidente. Monsieur le député...

M. Christian Grobet. Alors, M. Ferrazino serait passé totalement inaperçu, et votre coup...

La présidente. Monsieur le député, si vous ne...

M. Christian Grobet. ...votre coup, aujourd'hui...

La présidente. Monsieur le député, si vous ne vous interrompez pas, nous allons couper votre micro...

M. Christian Grobet. ...votre coup de gueule, moi, je vous le renvoie en disant qu'avant de faire des coups de gueule, comme vous le faites, à l'égard de personnalités qui ne peuvent même pas vous répondre, je vous répète - et cela fera les pieds à M. Blanc - que vous êtes les fossoyeurs des HLM... (Exclamations.)

La présidente. Monsieur le député...

M. Christian Grobet. ...votre projet de loi... (L'orateur est interpellé.)...mais oui, je change de sujet...

La présidente. Monsieur le député...

M. Christian Grobet. ...votre projet de loi vise à démanteler toutes les lois... (Manifestation dans la salle. Exclamations.)

La présidente. C'est le dernier avertissement, Monsieur le député. Nous allons couper votre micro...

M. Christian Grobet. Non pas parce que vous changez de politique, mais parce que vous retournez votre casaque ! Voilà, Messieurs !

La présidente. Je regrette, mais vous avez vraiment dépassé votre temps de parole, Monsieur le député.

Une voix. S'il n'avait dépassé que le temps ! Mais il a également dépassé les bornes !

M. Michel Ducret (R). Nous allons revenir au sujet, qui est de savoir si nous voulons ou non IKEA sur le territoire de notre canton.

Pour les radicaux, c'est une bonne chose. Nous ne pouvons que nous féliciter que l'entreprise ait changé d'opinion en quelques années et nous saluons cette décision. En revanche, nous nous trouvons actuellement dans une situation quasi bloquée dans cette affaire. Certains disent qu'elle sera bientôt débloquée, tant mieux. Il est vrai que la motion que l'on nous propose ce soir offre une sorte d'emplâtre, un remède, mais ne soigne guère le mal à la base. Cette motion ne sera, au mieux, qu'un signal de notre Grand Conseil. Nous saurons ainsi si ce parlement a la volonté ou non d'implanter une nouvelle entreprise à Genève.

Les problèmes posés par cette implantation sont bien réels et doivent être résolus. Comment y parviendrons-nous donc ? Voilà le vrai problème: nous commençons à être confrontés aux conséquences de notre impéritie en matière d'aménagement et en matière de développement économique, car les besoins du commerce moderne sont réels; ils sont le fait d'une demande de la part d'une clientèle bien réelle, elle aussi, et il ne faut pas se leurrer, c'est le fait d'une évolution contre laquelle nous ne pourrons pas lutter. Nous voyons également nos insuffisances en matière d'équipements de circulation, que cette dernière soit privée ou collective. Nous voyons les conséquences de notre refus à tous, Mesdames et Messieurs les députés, d'assumer le fait d'être une ville, d'être un canton au milieu d'un ensemble régional important. Notre plan directeur le montre: il est surtout la somme de ce que nous ne voulons pas, la somme de nos peurs. C'est aussi la somme des égoïsmes. Mais la somme de nos égoïsmes, Mesdames et Messieurs les députés, ne constitue pas un avenir pour notre collectivité.

En conséquence de ce constat, il est évident que le groupe radical acceptera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat - et non pas en commission, ce qui reviendrait à un enterrement de première classe. Nous vous annonçons cependant que nous déposerons bientôt une proposition visant à introduire une mixité d'utilisation de nos zones industrielles et artisanales, à l'instar de ce qui se fait partout ailleurs, cela en tentant - c'est une condition indispensable - de trouver une formule permettant de garder le contrôle du prix des terrains qui seraient ainsi mis à disposition. Il est évidemment indispensable de trouver une solution qui nous permette de garder ce contrôle.

Nous vous encourageons donc à voter rapidement cette motion pour que l'on avance avec ce dossier.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Brunier (S). Vous l'avez compris, le parti socialiste est favorable à l'implantation d'IKEA à Vernier. «Favorable» ne veut pas dire que nous sommes des «IKEA-euphoriques», comme certains. Comme dans tout projet d'aménagement, il y a un certain nombre de points positifs et négatifs. Il faut donc en prendre la mesure, afin de mener à bien un projet, ce dans les meilleures conditions possibles.

Premièrement, il faut faire preuve de compréhension à l'égard de la population locale, car c'est certainement une des zones les plus sinistrées de Genève, dans laquelle il y a des logements à proximité de l'aéroport, du rail, de l'autoroute, de grandes surfaces et de réserves pétrolières. Un grand nombre de nuisances entourent les habitants de cette commune et l'implantation d'IKEA ne peut se faire qu'avec d'importantes mesures de compensation pour cette zone, la plus sinistrée, sinon de la Suisse, en tout cas de Genève.

Le mode de consommation que propose IKEA n'est pas forcément celui que le parti socialiste approuve le plus, néanmoins nous ne nous trouvons malheureusement pas dans le cadre d'un débat de société mais dans celui d'un débat qui engage uniquement des questions liées à l'aménagement du territoire. Mon camarade Etienne a déjà fait état d'un certain nombre de points négatifs - à ce propos, toute la problématique du développement durable doit évidemment être traitée.

Nous avons cité les points positifs tels que l'emploi, par exemple. J'aimerais que l'on ne minimise pas l'emploi. Je comprends qu'on fasse attention au dumping social - et je trouve que M. Grobet mène un combat légitime. Cependant, on ne peut pas continuellement se battre pour les chômeurs et refuser, en même temps, toute création d'emploi. Il y a peu de temps, on a voulu un incubateur, afin d'engendrer de nouvelles entreprises. L'Alliance de gauche s'y est opposée, invoquant le fait que cela pouvait être l'instrument de l'ultra capitalisme. Aujourd'hui, on entend que l'Alliance de gauche est plutôt critique à l'égard d'IKEA, invoquant le fait que les emplois créés grâce à cette firme seraient précaires.

M. Rémy Pagani. Eh bien oui, c'est même certain !

M. Christian Brunier. Monsieur Pagani, je ne suis pas du tout certain que ces emplois seront précaires. Nous verrons bien. Il nous faut prendre un certain nombre de dispositions...

La présidente. Monsieur le député, vous ne devez pas vous adresser à...

M. Christian Brunier. Ce sont aussi des emplois pour des gens qui ne bénéficient pas forcément de beaucoup de formation: aujourd'hui il y a, parmi les chômeurs genevois, un certain nombre de personnes peu formées qui ont de la peine à trouver des emplois. Ainsi, peut-être que l'implantation de tels centres peut permettre à ces gens de trouver des jobs.

Il y a bien sûr aussi toute l'implication en matière de transports publics. IKEA fait un effort et il convient de le souligner. Nous avons parlé d'encourager les transports publics pour les clients et pour le personnel, mais nous n'avons pas parlé du fait qu'il y aurait un apport très conséquent provenant du rail, puisqu'une bonne partie de l'approvisionnement en meubles de ce bâtiment se fera par le biais du rail. C'est un projet relativement pilote au niveau européen, et c'est un geste en faveur de l'éco-bilan et du développement durable.

On sait que Vernier est une commune qui souffre actuellement du point de vue de sa fiscalité, et cette implantation constituerait peut-être aussi l'opportunité, pour cette commune, de vivre un peu plus décemment au niveau des finances locales.

Nous avons entendu beaucoup de docteurs ès sciences de l'aménagement du territoire. Il y en a plein, un peu dans tous les rangs. Si on veut implanter un tel centre en tenant compte des critères de développement durable, il y a une certaine complexité. Ce n'est pas aussi facile que certains ont bien voulu le dire. Il faut parfois savoir prendre son temps. Une certaine dynamique existe au sein du Conseil d'Etat: Laurent Moutinot aussi bien que Robert Cramer y travaillent - ils auront certainement l'occasion de le dire. Cependant, pour faire avancer un projet, il faut aussi savoir convaincre et impliquer les gens. Vous savez parfaitement qu'obliger les communes à insérer une nouvelle surface est une tâche difficile, et que cela exige du temps et des moyens.

Nous voterons cette motion, parce qu'elle représente un bon «aiguillon» pour secouer le Conseil d'Etat, bien qu'il y travaille déjà. J'aimerais que M. Portier mette autant de dynamisme à implanter du logement à Veyrier qu'il en met aujourd'hui à implanter une grande surface dans une commune... (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)...qui a déjà fait de nombreux efforts pour le développement de ce canton.

M. Georges Letellier (UDC). Je serai beaucoup plus bref que mes collègues. J'aimerais faire porter l'attention sur deux points. Le retard, dans les négociations avec IKEA, serait, paraît-il, dû à un blocage de la part de l'OTC, l'office des transports et de la circulation, pour des raisons que nous ne connaissons pas. Quand on voit les efforts que l'on déploie en commission de l'économie afin de créer des emplois, je pense que cela prend l'allure d'un véritable sabotage. J'aimerais donc connaître les responsables: qui s'est permis de bloquer la progression des négociations ?

Deuxièmement, je voudrais profiter de cet instant pour remercier la Chambre de commerce de Genève, représentée par M. Jeannerat, qui a tout de même écrit un article permettant de déclencher tous les débats de ce soir. (Exclamations.)Je pense que cet article relate la vérité: il a empoigné le problème tel qu'il devait être empoigné, malgré les réactions observables ici, ce soir. (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

J'espère que les négociations qui vont s'ouvrir entre l'Etat et la commune de Vernier, le 17 mars, seront productives et je souhaite bon vent à IKEA.

M. Jacques Jeannerat (R). (Brouhaha.)Je serai bref car le temps passe. Le projet a été largement décrit par MM. Ducret et Portier, et des éléments positifs ont été relatés. Assez tergiversé: Monsieur Brunier, vous avez raison, il faut prendre le temps de réfléchir sur un tel projet, cependant, cinq ans, cela est plus que suffisant. Il faut maintenant se mettre autour d'une table et discuter.

Cela est l'objet de l'amendement que j'ai déposé, et je remercie le Conseil d'Etat de s'exécuter à son égard.

Une voix. Bravo !

M. René Desbaillets (L). (Brouhaha.)Je ne veux pas rallonger le débat sur la problématique d'IKEA à Satigny - à Vernier, pardon. Permettez-moi cependant, en tant qu'élu du Mandement, transitant par la route du Nant-d'Avril et la route de Vernier en moyenne trois à quatre fois par jour, ce à toute heure du jour - et de la nuit, lorsque l'on sort du Grand Conseil - de vous rappeler que nous nous sommes engagés pour le développement durable et le respect de l'environnement.

Les habitants et les travailleurs de Vernier, de Satigny et de la Zimeysa y ont également droit, vous en conviendrez, je l'espère. Je demande que la commune de Satigny, dont la grande partie de la zone industrielle de Zimeysa est sur son territoire, soit associée aux discussions, afin de solutionner le lancinant problème de circulation qu'engendre l'implantation d'IKEA. L'axe route du Nant-d'Avril/route de Vernier, selon l'OTC, est actuellement saturé à 97%. Le trafic des clients d'IKEA représenterait 10 à 15% de trafic supplémentaire. Par conséquent 97% plus 15%, je vous laisse faire le calcul: cela signifie qu'il y aurait des bouchons perpétuels. Sans compter que d'ici un à deux ans, il faudra encore ajouter le trafic de la route de Meyrin, qui sera perturbée par la construction du tram sur cet axe.

Les entreprises de la Zimeysa, qui représentent plus de trois mille emplois à haute valeur ajoutée - comme ceux qu'on trouve chez Firmenich, chez ABB, chez Hewlett-Packard ou chez DuPont de Nemours - et qui rapportent des impôts à Genève sont bien plus porteuses qu'IKEA, qui aura trois cent frontaliers à bas salaires ne payant pas d'impôts et quelques directeurs qui iront de toute manière se loger sur la côte - parce qu'ils ne traverseront pas la ville pour construire une villa à Veyrier, Monsieur Portier. (Rires.)

Sans solution en matière de trafic, c'est «non» à IKEA, en ce qui me concerne, puisque je parle en mon nom et non en celui du groupe libéral. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. C'est la fin de la soirée, c'est vrai, mais nous vous demandons un peu de calme et d'écoute.

Mme Michèle Künzler (Ve). On ne sait plus très bien quoi dire, après toutes ces paroles, mais je vais essayer de meubler pendant un petit moment. M. Desbaillets vient de dire, et il a raison, qu'il y avait un véritable problème de circulation. Cela est dû à un problème de concertation, mais je crois qu'une résolution est déjà en cours. Par conséquent, les amendements tombent de factoparce qu'il y a déjà toute une concertation qui a été mise en place.

Maintenant, si cela vous plaît de jouer les mouches du coche, faites-le donc ! Vous le faites depuis une heure et demie, et tout ce que vous demandez, c'est que le Conseil d'Etat respecte sa parole. Votons donc cette motion !

Nous nous prononçons en faveur de l'implantation d'IKEA parce que, finalement, après une analyse des plus et des moins de cette implantation, nous concluons qu'elle a un côté positif. IKEA a pris des engagements environnementaux non négligeables. A ce propos, nous aimerions bien que toutes les entreprises en fassent de même, car si c'est possible pour celle-là, pourquoi pas pour les autres ! Nous nous engageons sur cela. Il ne nous reste donc plus qu'à voter.

Quant au reste de la motion «en kit», nous n'en voulons pas, nous refuserons les amendements. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Madame la député. La parole est à M. Pierre Kunz... qui renonce, la parole est donc à M. le député Antoine Droin.

M. Antoine Droin (S). A titre personnel, je m'abstiendrai sur cette motion. Je vais m'abstenir parce que la grande distribution - n'en déplaise à M. Kunz - me pose un problème. La grande distribution comporte de gros désavantages: elle équivaut à la perte des petits métiers et des petits artisans. Elle représente des habitudes de consommation qui sont, à mon sens, néfastes à long terme. Les grands centres de consommation, tels que celui dont l'implantation est proposée dans cette motion, entraînent une concentration de la consommation, ce qui pénalise les artisans locaux et de proximité. En effet, on concentre de la sorte toute la consommation dans un même lieu, au lieu d'avoir une répartition géographique des gens.

En outre, cela pose un autre problème qui, à mes yeux, est également délicat: celui de la problématique des déchets qu'engendre ce genre de consommation, puisque les meubles de ce genre ont une durée de vie relativement courte, encombrant par la suite les trottoirs. Cela pose, du reste, également un problème à l'Etat, parce qu'il doit éliminer ces déchets, particulièrement polluants, puisqu'ils sont remplis de colle pour tenir l'amalgame avec le bois.

Pour toutes ces raisons et ces questions d'ordre éthique, je m'abstiendrai.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Depuis qu'IKEA a choisi de développer son projet à la Renfile, cette entreprise a bénéficié du soutien du Conseil d'Etat et il n'y a eu aucune divergence à ce propos entre les différents départements qui ont eu à traiter de ce dossier. Il faut quand même imaginer qu'un centre de cette importance pose un certain nombre de problèmes - que vous avez d'ailleurs évoqués les uns et les autres - qu'il s'agisse de circulation, de conditions d'emploi ou de conditions d'approvisionnement. Je tiens à dire qu'IKEA, dans ses contacts, a fait preuve d'une grande compréhension à l'égard des exigences qui ont été posées par la commune de Vernier ou par le canton, par simple respect des conditions légales régissant l'implantation d'un tel centre.

J'ai l'impression, Mesdames et Messieurs les députés - et l'heure me permet de faire cette confidence - qu'il y a, dans cette motion, un mélange. Il y a en effet ceux qui souhaitent de toute évidence soutenir IKEA - et je les remercie de leur soutien. Il y a, par ailleurs, un certain nombre de personnes qui sont probablement mues par des considérations électoralistes, qui sont hors propos ici, dès lors qu'il s'agit de l'intérêt cantonal.

Nous sommes aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, dans la situation suivante: pour construire IKEA, il faut un projet de loi de déclassement, qui est prêt et qui vous sera soumis autour de Pâques. Ce projet devra être préavisé par la commune de Vernier, et il serait hautement souhaitable, afin que ce préavis soit positif, que tous les groupes qui ont déclaré soutenir ce projet aillent en discuter dans leur groupe à Vernier. Je me suis personnellement rendu à l'assemblée générale du parti socialiste de la section de Vernier, et je puis vous assurer que, aussi bien les municipaux dans leur très large majorité, que le maire, Thierry Apothéloz, soutiennent le projet d'IKEA, avec un certain nombre de conditions requises qui sont parfaitement réalisables.

Je ne suis pas sûr que ce soit le cas de tous les groupes, et je rappelle à l'Entente et à l'UDC qu'elles sont majoritaires au Conseil municipal de Vernier. S'il arrivait que, sur le préavis communal, Vernier donne un préavis négatif, vous avez, Mesdames et Messieurs les députés, la possibilité de l'écarter, dans le cadre du projet de loi modifiant les limites de zone. En revanche, il y a une chose que ni vous ni moi ne pouvons faire: c'est d'obliger la commune de Vernier, qui est propriétaire foncier de 20% de la surface du terrain d'implantation, de mettre ce dernier à disposition d'IKEA. Par conséquent, il est exact de dire que la commune dispose d'une arme extrêmement forte: elle est propriétaire foncier. Si vous voulez donc convaincre la commune, il faut, au lieu de concentrer vos tirs sur des problèmes pour le moins discutables, vous atteler à convaincre les municipaux de vos partis.

Il est vrai que la principale pierre d'achoppement, dans ce projet, est la circulation. Deux thèses s'opposent. Il y a d'abord celle de l'office des transports et de la circulation, qui affirme qu'avoir une double entrée, sur la route du Bois-Brûlé et sur le chemin de la Croisette, pose un problème majeur de circulation dans l'ensemble du secteur, avec pour conséquence l'obligation de refuser d'autres implantations plus en amont sur la route du Nant-d'Avril, nuisant ainsi au développement de cette région. A l'inverse, un certain nombre de personnes - dont les élus de Vernier, dans leur grande majorité - considèrent qu'il serait préférable d'avoir ces deux sorties. IKEA, quant à elle, nous dit: «Cela nous est égal, nous voulons que ce projet se fasse.» Par conséquent, si nous voulons que ce projet se fasse donc de manière effective, nous devons suivre ce projet tel qu'il est préparé et ne pas ajouter de deuxième sortie. En effet, toutes les études d'impact ont été produites sur la base d'une seule sortie. Si nous décidions maintenant d'en faire deux, cela reviendrait à reprendre le processus à zéro, nous faisant ainsi perdre des mois, voire des années.

En revanche, si les meilleurs spécialistes de l'office des transports et de la circulation s'étaient trompés, s'il s'avérait qu'une deuxième entrée était nécessaire, alors nous prenons l'engagement de tout faire pour que cette deuxième entrée soit réalisée. Cependant, si, aujourd'hui, on vient mettre cette deuxième entrée comme une condition - certains le font de bonne foi, pensant que c'est une bonne solution, alors que d'autres le font de mauvaise foi, pour torpiller ce projet - ils prendront seuls la responsabilité de cet échec. En effet, M. Jeannerat souhaite que je réunisse - je ne sais pas si je dois emprunter l'Arena ou le stade de Genève - un nombre invraisemblable de partenaires pour une négociation. Monsieur Jeannerat, cela fait quatre ans que je vois tous les partenaires de ce projet, et si vous voulez mettre soixante personnes autour d'une table pour en discuter, c'est la meilleure manière pour le couler. Par conséquent, votre amendement ne me convainc pas. Il en va de même en ce qui concerne l'amendement de M. Desbaillets - malgré toute la sympathie que j'ai pour Satigny: si vous voulez ajouter un acteur à la négociation, je ne suis pas convaincu, ici non plus, que cela soit extrêmement constructif.

En revanche, la délégation du Conseil d'Etat aux transports composée de M. Carlo Lamprecht, du président du Conseil d'Etat et de moi-même, recevrons, le 19 mars, la commune de Vernier. Je leur dirai exactement ce que je viens de vous dire. J'ose espérer que nous parviendrons, sur cette base, à convaincre la mairie. Je compte sur vous pour convaincre les municipaux parce qu'ils ont à donner un préavis, d'une part, et à voter une délibération concernant la mise à disposition des terrains, d'autre part.

J'ai été très surpris de trouver cet après-midi dans mon courrier - et croyez-moi, je n'ai pas sollicité ce courrier - une lettre d'IKEA, qui prend position sur cette affaire et qui, contrairement à certaines critiques que j'ai pu lire à mon encontre, me remercie de l'appui que j'ai apporté à ce projet. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je donne la parole à M. Olivier Vaucher.

M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, je demande l'appel nominal.

Le président. J'ai un souci, Monsieur le député. Il y a cinq amendements à voter, j'imagine par conséquent que votre demande concerne le vote final. Etes-vous soutenu dans votre demande ? Vous êtes largement soutenu. Nous procéderons donc à l'appel nominal lors du vote final. Pour l'instant, je vous propose de voter, comme il se doit, de l'amendement le plus éloigné à l'amendement le moins éloigné.

Nous allons voter l'amendement, proposé par M. Rémy Pagani, qui consiste à rajouter à ce qui vous est proposé une nouvelle invite visant à «s'assurer du respect des conventions collectives en usage dans la branche pour son personnel, et l'impossibilité d'utiliser des travailleuses et des travailleurs à l'appel, ainsi que d'employer prioritairement de la main-d'oeuvre locale.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 14 oui et 11 abstentions.

Le président. Nous passons maintenant à l'amendement proposé par M. Christian Grobet dont je vais vous donner lecture. «Le Conseil d'Etat voudra bien demander à la direction d'IKEA quel est le volume des travaux qui sera adjugé à des entreprises genevoises avec des engagements précis à ce sujet, et en ce qui concerne le respect des normes des conventions collectives des métiers du bâtiment.»

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 45 non contre 22 oui et 13 abstentions.

Appel nominal

Le président. Nous passons maintenant à l'amendement proposé par le député Jacques Jeannerat, qui consiste à réunir d'ici au 15 avril 2004 l'ensemble des acteurs concernés par l'installation d'IKEA.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 12 oui et 3 abstentions.

Le président. Monsieur le député Desbaillets, je pars du principe que, dans la mesure où votre amendement était un sous-amendement lié à l'amendement de M. Jeannerat, que celui-ci tombe.

Nous voterons donc sur l'amendement de M. le député Blaise Matthey, qui consiste à ajouter après «ville de Vernier», un texte qui vous a été distribué.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 26 oui et 9 abstentions.

Le président. Nous allons voter sur l'acceptation de cette motion et son éventuel renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1575 est adoptée par 63 oui contre 2 non et 15 abstentions.

Appel nominal