République et canton de Genève

Grand Conseil

Déclaration du Conseil d'Etat sur la police

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dans le cadre d'un climat international très tendu se déroule à Genève un certain nombre de manifestations où convergent diverses expressions du mécontentement et de l'inquiétude populaire. Ces manifestations, très majoritairement pacifiques, sont l'occasion pour un noyau de professionnels de la violence d'infiltrer ces manifestations et de mettre en péril la sécurité des biens et des personnes. Dans ces circonstances, la tâche des services d'ordre des organisateurs de ces manifestations et celle des services d'ordre de la police sont particulièrement difficiles. La police doit en particulier pouvoir distinguer les manifestants pacifiques des manifestants violents et empêcher ces derniers de créer la confusion dans le but de commettre des actes inadmissibles.

Samedi 29 mars dernier s'est déroulée une manifestation anti-OMC, regroupant le monde agricole, des pacifistes opposés au conflit américano-irakien et un noyau dur de casseurs suisses et étrangers. De manière générale, la manifestation et le cortège se sont déroulés dans le calme. Après dislocation de la manifestation à la place Neuve, un dispositif de protection a été mis en place par les forces de l'ordre à la gare de Cornavin pour protéger le public et les biens. Plusieurs manifestants, dont certains étaient cagoulés et masqués se sont interposés violemment afin d'empêcher la police de remplir sa mission, lançant des projectiles afin de passer les barrages de police. C'est à ce moment-là que l'une des participantes, Mme Denise Chervet, a été blessée, atteinte accidentellement au visage par une capsule colorante utilisée comme moyen de marquage.

Le commandant de la gendarmerie genevoise a examiné le contexte de l'intervention et les conditions qui ont amené la police à faire usage de ce moyen de marquage de type paintball .Il conclut, premièrement, que les règles d'engagement étaient réunies et que les conditions d'emploi de ce moyen de marquage étaient appropriées; deuxièmement, considérant le risque avéré de créer des lésions corporelles, l'opportunité de maintenir ce moyen de marquage est à l'examen. Il appartiendra au chef de la police de trancher.

Ce malheureux accident révèle en outre que la communication a fait défaut, tant vis-à-vis des personnes chargées d'apporter des soins à Mme Chervet, qu'à l'intérieur même des rangs de la police et de son service de presse. Cette lacune sera promptement comblée. La police prêtera son concours aux investigations que le procureur général pourrait ordonner et fournira par ailleurs, à l'intention du corps médical saisi, toutes les données techniques relatives à la capsule.

Je relève toutefois que l'accident subi par Mme Chervet ne saurait occulter qu'une agression a été commise par un manifestant cagoulé à coups de barre de fer à l'encontre d'un passant. Je relève aussi que deux jours après la manifestation deux policiers dans l'exercice de leurs fonctions ont été victimes d'un tir à vue - ce qui n'a malheureusement pas été relevé par les médias.

Mesdames et Messieurs, j'entends affirmer à la population genevoise, au-delà de toute considération polémique, que tout sera mis en oeuvre pour assurer sa protection et celle de ses biens. Je remercie donc celles et ceux qui ont su éviter toute violence. J'appelle enfin le Conseil fédéral à prendre ses responsabilités - ce qu'il n'a à cette heure pas encore fait - par rapport aux effets collatéraux qui risquent manifestement de se produire dans le cadre du G8.

Je répondrai par ailleurs aux interpellations qui me seront adressées tout à l'heure. Merci.

(Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Conformément à l'article 68 de notre règlement, les députés ont la possibilité de prendre la parole après une déclaration du Conseil d'Etat. Cinq députés sont déjà inscrits, chacun fera sa déclaration, puis nous continuerons notre ordre du jour.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la députation de l'Alliance de gauche, qui - je m'empresse de le dire - dénonce tous les actes de violence d'où qu'ils proviennent, tient à dénoncer aujourd'hui un nouveau dérapage de la police particulièrement grave, à savoir l'usage d'une arme avec des projectiles de nature à provoquer de graves atteintes à l'intégrité physique de ses victimes, et ceci à l'occasion de la manifestation qui s'est déroulée samedi dernier à Genève. Cette affaire est d'autant plus grave que l'usage d'une telle arme par la police genevoise n'a jamais été évoqué et que les responsables de la police ont en outre - hélas ! - menti durant trois jours en contestant l'évidence, soit qu'une femme avait été grièvement blessée au visage par un projectile provenant de ces nouvelles armes dont la police a été dotée.

La députation de l'Alliance de gauche a toujours accordé sa confiance à la police genevoise. Elle a même réclamé que les postes de police soient ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que les gendarmes soient présents dans la rue par la mise en place d'îlotiers. Nous avons déposé un projet de loi (PL 8970) à cet effet, qui traîne depuis dix-huit mois en commission.

L'Alliance de gauche a toutefois dénoncé les abus qui ont été commis par certains agents - je dis bien «certains» - ou qui ont été ordonnés par les responsables de la police. Il y a lieu de rappeler qu'à l'instigation des députés de l'Alternative des dispositions ont été introduites en 1996 dans la loi sur la police, concernant le mode d'intervention de celle-ci. Il s'agissait des articles 16 à 22, qui concernait notamment les mesures sur la personne, les contrôles d'identité, la fouille des personnes, etc. Il a aussi été demandé, par voie de motion, que la police ne fasse pas usage de jets d'eau contenant des produits toxiques dangereux pour la santé à l'occasion de manifestations. Un poste de commissaire à la déontologie a été créé, à la suite de la dénonciation d'un certain nombre d'abus.

Malgré cela, les abus ont continué. Je m'abstiendrai d'en dresser la liste, mais devant l'aggravation de la situation, la députation de l'AdG a déposé l'automne dernier un projet de motion portant sur la création d'une commission d'enquête sur les actes de contrainte de la police. A cette occasion, nous avions mis en évidence qu'en refusant d'enquêter sérieusement sur de tels abus et en refusant de rendre publiques les constatations qu'aurait pu faire le commissaire à la déontologie, les autorités couvraient ces abus, une attitude qui ne pouvait qu'encourager les auteurs de ceux-ci à persévérer. Malgré ces mises en garde, notre motion a été refusée par la majorité du Grand Conseil et, depuis, d'autres dérapages très graves ont été rendus publics, notamment l'épouvantable attaque de chiens policiers contre deux adolescents, qui ont été grièvement blessés et maltraités dans les locaux de la police.

Aujourd'hui, nous disons très fermement au Conseil d'Etat que cela doit cesser. Nous savons que la conseillère d'Etat chargée du département de justice et police a hérité d'une lourde tâche. Nous lui sommes reconnaissants d'avoir fait adopter rapidement un règlement concernant les chiens de police, mais c'est l'ensemble des autorités qui, aujourd'hui, est discrédité par les manquements des responsables de la police. Ceux-ci préfèrent convoquer les députés à des petits-déjeuners à l'hôtel Métropole aux frais des contribuables - déjeuners auxquels nous avons refusé de participer - plutôt que prendre au sérieux l'idée d'une police proche du citoyen et au service de la population, au lieu de brigades d'intervention de type CRS, qui vont jusqu'à envahir le Palais de justice sans la moindre nécessité.

Une voix. Heu !

M. Christian Grobet. Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas faire des bruits que je m'abstiendrai de qualifier !

Quant au rapport du commissaire à la déontologie, personne n'en a jamais eu connaissance: on ignore totalement les conclusions auxquelles ce dernier est arrivé, ni la suite qui leur a été donnée. Cette surveillance s'est avérée totalement inopérante.

Nous annonçons maintenant que nous déposons un projet de loi portant sur la création d'une commission permanente, élue par le Grand Conseil, pour enquêter sur les mauvais traitements et les abus de la police, dont les rapports devront être présentés à notre parlement et seront ainsi rendus publics, pour autant que ce projet de loi soit voté. Nous présenterons du reste le contenu de ce projet de loi sous forme d'amendements au projet de loi du Conseil d'Etat, actuellement pendant devant la commission judiciaire. Nous demanderons également - comme nous l'avions déjà fait à la suite d'un tragique événement survenu il y a quelques années - que ce projet de loi charge le Conseil d'Etat de réglementer l'usage des armes à feu, et que notamment les armes à projectiles et les produits toxiques soient interdits lors de manifestations.

Enfin, nous demandons que le Conseil d'Etat prenne clairement position sur ces questions et suspende le chef de la police - qui, comme nous l'avons entendu à la commission judiciaire, est fortement contesté par les agents de police - jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur l'usage d'armes lors de la manifestation de samedi dernier.

Le président. De nombreux députés se sont inscrits, je vous prierai donc d'être concis. Nous avons d'ores et déjà MM. Pagani, Sommaruga, Hodgers, Vanek, Dupraz, Jeannerat, Vaucher et Catelain. Si l'un des groupes encore absents de la liste souhaite s'exprimer, on l'inscrira, sinon je clorai la liste. M. Dupraz renonce déjà, la parole est à M. le député Pagani. Vous avez cinq minutes.

M. Rémy Pagani (AdG). Merci, Monsieur le président, je ne vais pas faire d'épicerie avec vous. Je reviendrai sur une des questions qu'a soulevées Mme la présidente Micheline Spoerri en ce qui concerne les prétendus casseurs, qu'on qualifie de pervers ou autre, ce qui ne nous semble pas correspondre à la réalité.

L'attitude répressive de la police qui a fait plusieurs blessés - et non pas un seul, Madame la présidente ! - samedi dernier à la gare de Cornavin, alors que la manifestation contre l'OMC, qui s'était déroulée sans incident notable, était terminée depuis une heure, pose toute une série de questions. On le sait aujourd'hui, il est établi qu'une partie du corps de police a mis en danger l'intégrité physique de nombreux voyageurs lors de cette opération, et qu'elle a ensuite travesti la vérité concernant les armes utilisées. Dès lors, il convient de revenir sur les dérapages qui se sont produits précédemment, lors des deux manifestations qui se sont déroulées le premier jour de la guerre d'agression contre l'Irak et qui ont réuni 9 000 jeunes le matin et plus de 7 000 personnes le soir, ainsi que lors de la manifestation contre la tenue d'un premier round de négociations pour la privatisation des services publics, devant conduire à la signature de l'AGCS au sein de l'OMC.

En effet, lors de la manifestation du jeudi matin 20 mars, des gaz lacrymogènes ainsi que explosifs assourdissants ont été utilisés à profusion et de manière disproportionnée par la police. Par exemple, les gaz lacrymogènes, interdits par les conventions de Genève - aujourd'hui si importantes ! - ont été utilisés alors que personne ne mettait réellement en danger la sécurité de l'ambassade des Etats-Unis. J'en ai été témoin: il y a effectivement eu des échauffourées, mais qui ne remettaient nullement en cause la sécurité de l'ambassade des Etats-Unis. De plus, au terme de la manifestation de samedi 29 contre l'AGCS, alors que celle-ci était terminée, la police A suivi jusqu'à la gare Cornavin une centaine de jeunes qui s'apprêtaient à regagner Lausanne. C'est là que, sans qu'aucun incident se soit produit, ces jeunes ont été soumis à un contrôle d'identité très agressif; la police a arrêté trois jeunes, dont une jeune fille. La police est ensuite entrée dans le train et a commencé à tirer; elle a bloqué l'un des quais, de sorte que les voyageurs ne pouvaient ni accéder aux quais ni en sortir. Elle a finalement tiré sur une femme - au demeurant secrétaire centrale d'un syndicat - et sur son fils, lequel n'avait absolument rien à voir dans cet incident. Tous deux ont été blessés à la tête. En ce qui concerne les personnes arrêtées, la police a, après négociations, relâché d'abord une jeune fille qui était en pleurs et très traumatisée. Le soir même, quarante-cinq minutes plus tard, les deux jeunes gens ont été à leur tour relâchés; l'un d'eux a été victime de tabassage dans le fourgon de la police et avait le visage complètement tuméfié.

Nous condamnons cette agression parfaitement gratuite de la police envers les jeunes manifestants et cette mise en danger de la sécurité physique des personnes par les forces de l'ordre. Cette attitude est d'autant plus critiquable qu'avant la manifestation la police a procédé à l'arrestation de quarante jeunes et qu'elle a confisqué leur banderole sur laquelle était inscrit: «le capitalisme, c'est la guerre», avant de les relâcher. Enfin, contrairement aux engagements pris lors des discussions - car il y a eu des discussions entre organisateurs de la manifestation et responsables de la police - des policiers en tenue de combat ont été omniprésents durant toute la manifestation, avec des cordons souvent placés à quelques mètres de la manifestation. Cela constituait de toute évidence une forme de provocation contraire aux accords qui avaient été passés. Après avoir nié l'évidence durant trois jours, la police a présenté les nouvelles mesures qui avaient été prises - arrestations préventives, gaz lacrymogènes, balles identifiantes, explosifs assourdissants - comme un test de nouveau matériel en vue de réprimer le rassemblement anti-G8 de juin prochain.

C'est ce qu'il y a de grave à notre avis. Face à ces pratiques déplorables, le gouvernement genevois ne pourrait-il pas envisager tout simplement de déclarer publiquement «Genève, ville ouverte» et accueillir comme il se doit les quelque 30 000 à 50 000 personnes qui transiteront par notre ville, en mettant à leur disposition l'ensemble des infrastructures de notre cité, notamment son stade, ses centres de conférence et ses lieux d'hébergement ? Cela me paraît être une démarche beaucoup plus juste que l'expérimentation de nouvelles tactiques policières, à mon avis dérisoires et disproportionnées par rapport à la réalité des faits.

Madame la présidente, les gens qui étaient cagoulés n'ont fait que peinturlurer des murs - à ma connaissance en tout cas... (Protestations.) ...et ne s'en sont pas pris à des personnes ni à des biens. Monsieur Muller, vous n'avez sans doute vu aucune des peintures qui ont été faites, car le lundi matin, elles étaient complètement effacées.

Le président. Monsieur Pagani, acheminez-vous vers votre conclusion.

M. Rémy Pagani. Je trouverai donc préférable que le gouvernement - puisque apparemment il ne cautionne pas ces mesures qui ont été prises par la police - mette en avant les valeurs d'accueil et d'ouverture de notre cité, plutôt que de laisser expérimenter des stratégies et des nouvelles armes qui n'ont pas lieu d'être et qui, depuis trente ans, n'ont pas été utilisées dans notre canton. Il s'agit d'une tradition, que la majorité de la police jusqu'à maintenant respectait. J'ai vu des publications sur le rôle citoyen de la police à Genève, et nous entendons que cette police-là puisse continuer son travail.

M. Carlo Sommaruga (S). Le groupe socialiste avait écouté avec intérêt, il y a une semaine, la déclaration du Conseil d'Etat, par laquelle celui-ci s'engageait, en perspective des manifestations du G8, à avoir une politique qui ne prendrait pas de dérive sécuritaire, qui éviterait les confrontations et les provocations, et qui serait accueillante dans la mesure où elle mettrait des infrastructures à disposition pour la venue des manifestants.

Une semaine à peine s'est écoulée que nous devons constater que la réalité n'est pas conforme à la déclaration du Conseil d'Etat. Ceci a déjà été dit, mais je le répète: l'intervention de la police a été problématique au niveau de l'usage des armes, de la présence provocatrice de policiers à côté des manifestants, et au moment des arrestations. Nous considérons que cette manière de faire de la police ne correspond pas à la déclaration qui a été faite par le Conseil d'Etat quant à ses intentions pour l'avenir. Nous sommes extrêmement préoccupés de ce qui va survenir à Genève et de ce qui est survenu. Nous avons le sentiment qu'il n'y a pas de relais entre le Conseil d'Etat et le commandement de la police, que les informations ne passent pas. Il y a de notre point de vue un problème encore plus grave: l'information ne passe pas au sein même de la police. A moins qu'il n'y ait une volonté délibérée de ne pas informer correctement.

Selon les informations parues dans la presse, il semblerait que des armes particulières aient été achetées, ceci apparemment à l'insu de la direction de la police, à l'insu de la direction du département et à l'insu du Conseil d'Etat, et que leur usage ait été fait à l'insu de la hiérarchie. De deux choses l'une: soit il y a une couverture politique soit la direction de la police n'est pas à la hauteur des enjeux pour Genève. Il y a aujourd'hui à Genève des groupes d'intervention qui semblent ne pas être en mesure de suivre les instructions de la direction de la police, et qui sont indépendants dans leur mode de faire. Ceci n'est pas admissible à nos yeux. Nous considérons que le message politique et la direction politique du Conseil d'Etat doivent être relayés par un chef de la police qui soit présent et ait la capacité de faire passer ce message à tous les niveaux hiérarchiques de la police, au niveau des brigades d'intervention également. Nous considérons que le Conseil d'Etat doit prendre des mesures au niveau de la direction de la police, pour éviter que les manifestations du G8 n'aboutissent à des situations encore plus graves que celle qu'on a vue aujourd'hui. Par ailleurs, nous considérons qu'il est opportun - et nous le ferons par le dépôt d'une motion - qu'en vertu de l'article 230E nous ayons une commission d'enquête parlementaire sur les problèmes que rencontre aujourd'hui la direction de la police avec ses subordonnés et cadres intermédiaires, car nous ne pouvons pas continuer dans ce sens, vu les enjeux auxquels nous devons faire face. Voilà la position du parti socialiste.

Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de passer la parole à l'orateur suivant, je salue à la tribune la présence de M. le conseiller national Nils de Dardel (Applaudissements et huées.)

M. Antonio Hodgers (Ve). Quand un policier tire sur une manifestante, c'est un fonctionnaire qui dérape; quand la direction nie et même ironise sur les faits, alors qu'ils sont manifestes, c'est l'institution qui dérape. Son porte-parole a ridiculisé la police en parlant de «tir ami» comme en Irak - selon les propos repris par la presse - et sous-entendant par là que d'autres manifestants auraient pu utiliser des armes de cette importance contre leurs amis manifestants. Il y avait pourtant des témoins ! Et même trois jours plus tard, quand la police reconnaît enfin que ces tirs venaient en effet de ses rangs, le même porte-parole, M. Grandjean, annonce que c'est en regardant les photos parues dans «Le Matin» qu'ils se sont aperçus que ces tirs étaient les leurs. La police n'a-t-elle comme seul moyen d'investigation la presse populaire ?

Cet épisode porte un coup à la crédibilité de la police, à un moment où elle n'en a pas besoin. Son attitude agressive, après la fin de la manifestation, soulève plusieurs questions. J'aimerais, Madame Spoerri, vous entendre de manière un peu plus précise sur ces questions. Pourquoi la police a-t-elle jugé utile d'intervenir auprès des manifestants qui regagnaient la gare pour prendre leur train et rentrer chez eux ? Vous avez parlé de mise en danger de personnes et de biens. Pouvez-vous être plus précise quant à ces personnes et ces biens ? Selon ce qu'on m'a rapporté - car je n'étais pas présent au moment des faits - il s'agirait plutôt d'une volonté de la police de procéder à des contrôles d'identité à un moment où cela n'était pas pertinent et, surtout, après une manifestation qui, malgré des déprédations que je déplore, s'était somme toute bien passée.

Le plus important et ce qui nous inquiète le plus concerne bien évidemment la future réunion du G8. Il est indispensable d'ici là que le dialogue soit rétabli entre l'Etat et les organisateurs de cette manifestation. (L'orateur est interpellé, protestations, le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur le député Grobet, vous avez été écouté, veuillez écouter à votre tour. Monsieur Dupraz, veuillez vous taire également. Reprenez, Monsieur Hodgers.

M. Antonio Hodgers. Merci, Monsieur le président, de faire office de police dans ce parlement. Malheureusement, l'épisode qui s'est déroulé samedi dernier est de nature à rompre les discussions déjà entamées entre l'Etat et les organisateurs. Le Conseil d'Etat est-il conscient de ce risque et, à partir de là, entend-il présenter à ces mêmes organisateurs des garanties quant à la conduite retenue et discrète de la police lors de la manifestation prévue début juin ?

J'ajouterai quelque chose, étant donné que vous avez évoqué ce groupe irréductible de casseurs masqués. Oui, Madame la présidente, ces manifestations dites altermondialistes contiennent, en tout petit nombre, des groupes de gens qui s'y rendent masqués. Pour certains d'entre eux, disent-ils, cela sert à protéger leur identité, pour d'autres, c'est parce qu'ils cherchent sous le couvert de ces masques à commettre des méfaits. Il n'empêche qu'il y a une réalité que l'exemple italien pourra peut-être éclairer.

Gênes. La police a fait le choix de mener une opération répressive, de limiter drastiquement la liberté de mouvements des manifestants. Il en est ressorti des dizaines, voire des centaines de blessés, et un mort. Une répression extrêmement importante. Une année plus tard, Florence, ville ouverte. Les autorités de cette ville ont fait le pari de contrôler la manifestation de manière discrète et distante. Il y a eu un million de personnes dans les rues de Florence, et pas une seule vitre cassée !

Madame Spoerri, je vous parle.

Ces mêmes casseurs que vous évoquez étaient là ! Ils étaient là mais une attitude intelligente de la police, non provocatrice, a fait qu'ils sont restés neutres. Je vous invite donc à suivre cette stratégie en vue des manifestations du 1er juin.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pierre Vanek. L'assemblée est priée d'écouter. M. Vanek a droit à sept minutes, comme tout le monde.

M. Pierre Vanek (AdG). Je vais citer, pour ceux qui ne l'ont pas lu, un article paru dans «Le Temps». On me dit que ce n'est pas une référence, vous avouerez cependant que «Le Temps» n'est pas un organe de la gauche radicale... On lit ceci: «L'impression dominante par rapport à cette affaire est celle d'une gendarmerie où certains officiers, s'appuyant sur certains policiers, peuvent agir comme bon leur semble, en l'absence d'une véritable ligne de commandement. Si le type de répression disproportionnée et incontrôlée qui semble s'être exercé samedi dernier sur les manifestants de Cornavin est un ballon d'essai pour le G8, cela laisse présager du pire.»

Une voix. Qui a signé ?

M. Pierre Vanek. En effet, Mesdames et Messieurs, nous nous trouvons aujourd'hui à un carrefour. Une délégation du Forum social, les organisateurs de la manifestation qui aura lieu à l'occasion du G8, a rencontré aujourd'hui ce Conseil fédéral dont vous déploriez à la fin de votre intervention, Madame la conseillère d'Etat, le peu d'engagement et que vous invoquiez en tant que recours. Cette délégation lui a dit que les événements de ce week-end à Genève, la manière dont s'est comportée la police, dans les conditions évoquées par cet article - je pense que c'est vrai - sont de nature à empêcher la poursuite des discussions sur l'organisation de cette manifestation dans les meilleures conditions.

Je suis persuadé qu'il y a quelque part dans cette République des gens - et je n'en suis pas - peut-être du côté de la police, peut-être ailleurs, qui ont choisi la politique du pire ! Il y en a en tout cas dans certains secteurs de la police. Or, nous sommes aujourd'hui à un carrefour. Cela a été évoqué par certains de mes préopinants, notamment par Antonio Hodgers qui parlait du contraste entre Gênes et Florence. On peut aller dans le sens de la répression, c'est très facile ! Et vous trouverez alors des manifestants prétendument violents à mettre en scène, et qui serviront à justifier cette répression. Ce scénario a été joué après Davos, on en a d'ailleurs parlé dans cette salle. On a vu la manière dont le dispositif ultrarépressif, le refus d'un accès à Davos pour la manifestation, la mise en cage de manifestants à Landquart, les gens repoussés à Berne, gazés et matraqués sans sommation ont créé toutes les émeutes qu'on veut, tout le nécessaire à la justification de la répression.

Si c'est cela que vous voulez, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, Madame la présidente du département de justice et police, c'est très facile. Une bonne partie du chemin a déjà été fait samedi et une autre lors de votre déclaration de tout à l'heure, Madame Spoerri. Vous ne pouvez pas faire une déclaration dans laquelle vous dites qu'il y a d'un côté des manifestants pacifistes qui sont bien gentils, des organisations paysannes, les amis de M. Cuche et, de l'autre, des professionnels de la violence et un noyau dur de casseurs suisses et étrangers. Vous ne pouvez inventer ces catégories-là ! La réalité est beaucoup plus complexe ! Ce n'est pas comme ça que cela se passe ! A Genève, la police a une tradition d'intelligence dans le traitement des manifestations, y compris dans celles où il y a un aspect conflictuel, un aspect de non-conformité parfois avec la lettre de tous les règlements et de toutes les lois. Moi qui vous parle, il m'est arrivé de ne pas suivre les consignes d'officiers de police, lors de manifestations, par rapport au parcours. (Protestations.)Il m'est arrivé de faire des choses en rupture avec la lettre de la loi. Il m'est arrivé de peindre, devant le consulat de France, par exemple, des inscriptions par terre, telles que «Stop Malville» ou autres. Il m'est arrivé, par exemple avec des amis de ContrAtom, d'occuper des missions diplomatiques, le consulat de France. J'attends toujours une convocation à un tribunal pour en répondre. Il m'est arrivé de participer à l'occupation de la mission de France auprès des organisations internationales, tout près de cette mission américaine vers laquelle un certain nombre de manifestations se sont rendues ces temps. Il m'est arrivé de commettre des actes «délictueux» à la gare de Cornavin, consistant à bloquer un TGV en partance pour Paris avec un certain nombre de personnalités éminentes, dont l'une siège maintenant sur les bancs du Conseil d'Etat et l'autre sur les bancs du Conseil fédéral ! (Huées.)Je cite ces exemples non pas pour m'en vanter ou pour dénoncer mes petits amis, mais pour indiquer que la réalité est autrement plus complexe et ne peut pas se traiter avec les images d'Epinal que vous avez employées en disant qu'il y avait d'un côté de braves manifestants pacifistes et, de l'autre, des casseurs violents. Ce n'est pas comme ça ! Vous pouvez transformer n'importe quelle manifestation de plusieurs milliers de personnes ordinaires et pacifiques en émeute, si vous instaurez une gestion policière inadéquate.

C'est ce qui a failli se produire le jeudi 20 mars - date que Rémy Pagani évoquait - lors de la première manifestation des jeunes contre l'agression américaine en Irak. Sept ou huit mille jeunes gens - et j'y étais ! - sont arrivés face à un barrage de police, et la situation aurait pu basculer. Il y a eu des contacts téléphoniques avec le Conseil d'Etat, il y a eu un contact avec l'officier de police présent, et on a pu faire démonter un premier barrage, de sorte que les choses se sont un peu calmées. Il y a ensuite eu des excès du côté de la police et, je crois, Madame Spoerri, que là aussi vous étiez mal renseignée en terme de communication par rapport à ce qui se passait vraiment. Cette manifestation-là donnait déjà un signe d'une doctrine différente par rapport à la tradition de l'engagement de la police dans ces manifestations.

Le président. Il est temps de conclure.

M. Pierre Vanek. Il a fallu plus d'un quart d'heure ou vingt minutes pour que la tête de la manifestation dont je faisais partie puisse simplement obtenir un dialogue avec l'officier de police présent sur place. Et comment l'avons-nous obtenu ? Eh bien, j'ai moi-même enjambé la barrière et bravé le dispositif de sécurité - on ne m'a pas matraqué, sans doute parce qu'on me connaissait - et je suis allé chercher l'officier de police cinquante ou cent mètres derrière la ligne ! Cela n'est pas normal, c'est déjà un signal que certains font chauffer la colle, et visent à des dérapages.

Ce qui s'est passé samedi, avant la manifestation...

Le président. Monsieur Vanek, vous voudrez bien conclure.

M. Pierre Vanek. Je conclus...

Une voix. Est-ce qu'il peut respecter la loi comme tout le monde, pour une fois ? (Le président agite la cloche.)Il parle depuis huit minutes !

Le président. Monsieur Luscher, taisez-vous. Monsieur Vanek, concluez rapidement.

M. Pierre Vanek. Je conclus là. Ils ont raison, je m'excuse, Monsieur le président, je ne regardais pas ma montre. Je reprendrai la parole dans un deuxième temps pour compléter mon intervention.

Le président. Je ne pense pas qu'on vous redonnera la parole, parce qu'il y a une immense liste d'orateurs inscrits et que nous avions décidé en principe de clôturer après M. Pétroz. Cette liste est la suivante: Jacques Jeannerat, Gilbert Catelain, Jean Rémy Roulet, Stéphanie Ruegsegger, Pascal Pétroz, Georges Letellier, Christian Luscher, Renaud Gautier, Bernard Annen, Florian Barro, et se sont réinscrits MM. Vanek et Mouhanna. Nous clôturons là strictement la liste. Il y aura encore une réplique de Mme la conseillère d'Etat si elle le souhaite, puis nous pourrons aller dîner. La parole est à M. le député Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, samedi dernier, lors de la manifestation notamment contre la guerre, à laquelle Mme Spoerri a fait référence tout à l'heure, un gendarme a eu recours à la force. J'ai été très étonné qu'on en soit arrivé là. Nous avons la chance de vivre en démocratie, et de pouvoir, en tout temps, exprimer nos idées et tâcher de convaincre nos concitoyens de leur bien-fondé. La tâche en l'espèce n'était pas bien difficile. Une immense majorité des Genevois s'oppose en effet au conflit entre l'Irak et la coalition anglo-américaine. Les oppositions à la guerre, exposées pendant cette manifestation, n'étant contestées par aucun camp adverse structuré, elle aurait dû se dérouler dans le calme - ce calme qui sied si bien aux pacifistes. Mais tout a dégénéré. Tout d'abord, durant le cortège, les manifestants ont scandé des slogans tel que «un bon flic est un flic mort». Quel remarquable gage de respect de notre Etat de droit, Mesdames et Messieurs les députés. Puis c'est l'affrontement. (Protestations.)

Une voix. C'est n'importe quoi ! (Le président agite la cloche.)

M. Jacques Jeannerat. Selon la «Tribune de Genève», une femme jette une bouteille de bière contre la police. Je vous rappelle qu'une telle attaque aurait pu porter gravement atteinte à un fonctionnaire dont le but est précisément la défense de nos institutions. Menacé, attaqué, le gendarme ne sort heureusement pas son arme de service, mais cherche à marquer son agresseur au moyen d'un appareil dont l'usage n'est pas légal. Il blesse néanmoins cette dame. Cet appareil, le gendarme ne l'a pas choisi - on le lui a remis. Quoi qu'il en soit, son utilisation semble bien avoir été faite en état de légitime défense.

Mesdames et Messieurs les députés, je regrette profondément ces incidents, et je demeure convaincu qu'on doit pouvoir, dans notre canton, manifester en paix pour la paix. Je refuse une police au comportement excessif, lorsque tel est son comportement; mais je refuse surtout de cautionner les actes délictueux de citoyens qui portent atteinte au fonctionnement de nos institutions. Le respect de la loi est essentiel à notre démocratie. Je compte bien sur le fait que l'enquête pénale ouverte aboutira à la condamnation de la partie responsable. Dans l'intervalle, je souhaite tout de même savoir de la présidente du département de justice, police et sécurité, pourquoi elle n'a pas jugé utile, ces derniers jours, d'insister sur l'acte illégal, délictueux, qui consiste à faire usage de la violence envers l'autorité, et pourquoi elle ne le fait que maintenant. Je trouve que c'est un peu tard.

J'ai aussi remarqué que le département et la police n'ont pas maîtrisé la communication, qu'ils ont même nié les faits pendant quelques jours. A quoi bon ? Ne devait-on pas aux gendarmes concernés, à cette dame qui a été agressée et à la population genevoise en général, un exposé rapide, transparent et responsable des faits ? Nous n'avons pas, dans le cas présent, à rougir du comportement de la gendarmerie. Pourquoi avoir tergiversé pendant trois jours ?

M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais tout d'abord féliciter Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri pour l'objectivité de son intervention. La police genevoise, comme vous le savez, est la mieux qualifiée en Suisse pour assurer le maintien de l'ordre. Elle doit faire face à des manifestations de plus en plus fréquentes. Chaque année, celles-ci sont en effet plus nombreuses, comme l'a démontré le rapport annuel de la police. Des manifestations qui, toujours davantage, sont infiltrées par des manifestants violents, ainsi qu'une population de moins en moins encline à respecter ou obtempérer aux ordres des représentants de l'Etat.

Je déplore comme vous tous cet accident, il est regrettable. Comme vous, je déplore que des manifestations genevoises soient infiltrées par des manifestants violents. Je déplore aussi que des manifestants genevois, lors du Forum de Davos, encadrés par des représentants des forces de gauche, se soient mis à uriner sur nos représentants genevois des forces de l'ordre, qui protégeaient cette manifestation. Il me paraît déraisonnable aujourd'hui de vouloir condamner la police genevoise, alors que nous sommes encore sous le coup des émotions et que personne parmi nous ne connaît l'intégralité des faits qui ont conduit à cet accident. Les incidents à répétition, au sujet desquels des enquêtes sont ouvertes, sont aussi le reflet d'une mise à contribution excessive des forces de l'ordre. Nous devons nous poser la question de savoir si l'Etat à Genève a toujours les moyens d'encadrer un nombre toujours plus important de manifestations.

L'intérêt public que représente la sécurité publique peut, dans certains cas, être opposé au droit de manifester. Ce dont souffre de plus en plus notre police, c'est d'un manque de soutien et de confiance de la part du pouvoir parlementaire. Cette plainte a récemment été exprimée en commission judiciaire dans le cadre du projet de loi sur la police, et tous les représentants des différents partis ont acquiescé à cette demande de confiance. Messieurs, s'il vous plaît, ne tirez pas sur la police à boulets rouges ! Ce que demandent certains d'entre vous est tout simplement irréaliste. La population de ce canton doit savoir que lorsqu'elle participe à des manifestations - notamment les enfants dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu devant l'ambassade américaine - elle prend des risques pour sa propre sécurité, surtout lorsqu'elle commet des faits violents. Le risque zéro n'existe pas. Je suis pour ma part étonné que personne parmi vous n'ait jusqu'à présent condamné les actes violents qui sont commis au cours de ces manifestations, actes qui justifient par eux-mêmes les réactions répressives et proportionnées des forces de l'ordre. (Commentaires.)Si nous voulons préserver le droit de manifester, nous devons donner à notre police les moyens en hommes et en matériel d'accomplir leur mission, dans l'intérêt de tous.

M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, chers collègues, la police a besoin ce soir et plus que jamais de notre soutien, à nous, élus du peuple. La police souffre d'un manque d'effectifs dramatique pour mener à bien sa mission première: assurer la sécurité de nos concitoyens. Genève a été, est et restera une ville au rayonnement international. Comment voulez-vous, chers collègues, que dans le climat politique que certains d'entre nous créent par leurs interventions intempestives, voire inappropriées, à l'encontre d'un corps de métier qui est mis sous pression, qui cumule des milliers d'heures supplémentaires, comment voulez-vous que notre police - votre police ! - puisse exercer sa mission de façon sereine et efficace, en nous écoutant ce soir ? Arrêtons donc d'envenimer inutilement les débats ! Notre mission est de donner tous les moyens en ressources humaines, tous les moyens techniques appropriés, pour que cette mission puisse être accomplie.

Le groupe libéral s'efforcera donc de faire aboutir le plus vite possible le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat, qui vise à moderniser cette indispensable institution de notre République. Pour le reste, le groupe libéral s'en remet au Conseil d'Etat, pour qu'il applique une politique de sécurité, tant attendue par une immense majorité de notre population.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Cela a déjà été dit: les dérapages sont à condamner - tous les dérapages - qu'ils proviennent des milieux policiers ou des manifestants. Il faudrait peut-être rappeler que, durant cette manifestation, il y a eu des gestes violents de la part des manifestants. Il y a eu des tabassages, il y a eu des jets d'objets, notamment de bouteilles en verre sur la police, et ce ne sont pas là des gestes anodins, mais des gestes que nous devons également condamner. Ce que nous pouvons constater également, c'est que la tâche de la police est de plus en plus difficile. Aujourd'hui, on ne va plus à une manifestation avec un esprit peace and love ,la fleur au fusil. Aujourd'hui, le ton des manifestations s'est durci. Vous avez certainement des étudiants et des gens pleins d'idéaux qui viennent manifester pacifiquement, mais vous avez aussi, parmi les manifestants, des professionnels de la violence, des professionnels des manifestations, qui viennent envenimer le débat et mettre un peu de violence dans ces manifestations.

Je crois que le message qu'on doit apporter aujourd'hui à la police est un message de soutien. Le travail qu'elle a à effectuer est difficile, et elle l'a fait du mieux qu'elle pouvait, à notre sens de façon tout à fait satisfaisante, même s'il faudra effectivement qu'on éclaircisse les circonstances durant lesquelles cet événement a eu lieu. En tout cas, nous apportons notre plein soutien à la police. Cela nous semble d'autant plus important que nous avons une échéance capitale au mois de juin, qui sera certainement le sommet en matière de manifestations, et qu'il risque d'y avoir plusieurs manifestations d'ici là, qui auront certainement pour but de tester la police et voir quelles sont ses limites. Il est donc particulièrement important aujourd'hui de rappeler notre soutien à la police.

Nous avons parlé dans cet hémicycle de Genève, ville ouverte. Nous démocrates-chrétiens sommes entièrement d'accord avec cela, Genève est une ville ouverte, mais nous refusons cependant qu'elle soit ouverte aux casseurs. Nous sommes également pour la liberté d'expression et de manifestation, mais lorsque celle-ci revient à laisser des manifestants casser des vitrines, user de violence et semer la terreur dans la population genevoise, alors nous ne sommes plus d'accord. Et je suis certaine que les Genevois non plus ne seront pas d'accord avec cette version-là de la liberté de manifestation. Ce que nous souhaitons dire aujourd'hui, c'est donc apporter notre soutien à la police qui en a besoin et qui fait un travail dans un contexte particulièrement difficile. (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. le député Vaucher... (Le député Vaucher tarde à prendre la parole.)Monsieur Vaucher, vous avez la parole, vous vous êtes suffisamment plaint d'avoir été omis !

M. Olivier Vaucher (L). Merci, Monsieur le président. Je suis navré, j'étais inscrit, vous avez donné l'ordre d'effacer certains noms, puis vous en avez remis certains et pas d'autres.

Mon intervention ne concerne pas du tout les événements proprement dits. Je voulais simplement répondre à certains de mes préopinants, en particulier à MM. Grobet et Sommaruga qui ont suggéré de créer des commissions particulières pour traiter et examiner de près les interventions de la police lors des différents événements. J'aimerais tout simplement vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que parmi les commissions parlementaires, il en est une qui me semble tout particulièrement appropriée pour traiter de ces problèmes: il s'agit de la commission des droits de l'Homme. D'ailleurs, celle-ci n'a pas attendu les récents événements pour agir - puisqu'il y en a eu d'autres précédemment, déjà évoqués par certains préopinants - et elle s'est déjà saisie de ces problèmes. Elle a notamment auditionné la présidente du département pour voir quelles dispositions pourraient être prises, conjointement entre la commission et le département, afin de trouver des solutions humaines et acceptables lors de ces événements majeurs.

D'autre part, le commissaire à la déontologie a également été évoqué lors de la même audition. J'aimerais vous dire que la présidente du département nous a d'ores et déjà dit qu'elle avait envisagé de prendre des dispositions pour renforcer non seulement sur le plan humain, mais aussi sur le plan décisionnel et investigationnel les pouvoirs du commissaire à la déontologie.

En conséquence de tout ce qui précède, je pense pouvoir dire à nos collègues députés préoccupés par les manifestations - et j'aimerais, en passant, dire mon plein soutien à la police genevoise qui, elle, a des moyens limités pour faire face à ces immenses événements - que la présidente du département n'a pas attendu ces événements pour prendre les mesures nécessaires, avec les commissions adéquates, afin de résoudre ces problèmes fort importants. Merci, Monsieur le président, de votre diligence.

Le président. Merci, Monsieur Vaucher. La parole est à M. le député Letellier

M. Georges Letellier (UDC). Je répondrai en quelques mots à mes collègues de l'Alliance de gauche. Je ne suis pas opposé aux manifestations dès lors qu'elles sont légitimes. Les policiers sont des militaires chargés de protéger le citoyen et de veiller à l'ordre public. Par conséquent, la police est contrainte de remplir sa fonction et d'effectuer son travail. Si vous ne voulez pas que la police réagisse, évitez de la provoquer !

Messieurs de la gauche, sachez que lorsqu'on organise une manifestation, il faut être capable de la contrôler ! C'est pourquoi je vous suggère d'organiser, au sein de votre mouvement, un service d'ordre afin d'éviter que la situation ne dégénère. En face se trouvent toujours des provocateurs professionnels dont la seule intention est de casser du matériel et du flic. Je ne peux donc que vous conseiller de mettre en place ce service d'ordre, ce qui nous rendra à tous service par la suite.

M. Pascal Pétroz (PDC). Peut-être est-ce dû au fait que j'ai la grippe mais j'ai l'impression d'assister ce soir à un débat irréel. Je dois avouer en guise de préambule que j'ai un peu honte des propos que j'ai entendus ce soir.

Dans la vie, les choses sont extrêmement simples : si le policier est jugé coupable d'avoir commis une bavure il sera sanctionné; s'il n'est pas reconnu coupable, il sera acquitté. A cet effet, une enquête pénale, en cas de dépôt d'une plainte pénale ou une enquête administrative, sera diligentée.

Il est possible que certains d'entre vous aient été présents au moment des faits ; en ce qui me concerne j'étais absent. C'est pourquoi je ne me sens aujourd'hui pas apte à dire si le gendarme en question est effectivement coupable, s'il a correctement exécuté son travail ou non. Lorsque l'on affirme quelque chose, on le fait en connaissance de cause, de sorte que si l'on ne sait pas quelque chose, on se tait. La présomption d'innocence est l'un des maîtres mots de notre démocratie, et j'entends qu'on le respecte avec la plus stricte observance dans le cadre du débat de ce soir.

Nous menons un faux débat ce soir. Nous vivons dans un monde dans lequel un certain nombre de manifestations sont nécessaires. Nous sommes tous contre la guerre. Certains parmi nous sont contre la globalisation - pour reprendre un terme à la mode - et contre les «maîtres du monde» que constituent les membres du G8. Cependant, comme l'a dit M. Letellier, si manifester constitue une bonne initiative, on ne peut pas en dire autant à propos du fait de compromettre la sécurité lors de ces manifestations.

Si vous étiez capables d'assurer cette sécurité lors des manifestations que vous-mêmes organisez, je n'y trouverais rien à redire. Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, vous n'êtes pas à même d'assurer cette sécurité. De sorte qu'aussi longtemps que des casseurs utiliseront ces manifestations pour semer la zizanie dans notre République, nous aurons besoin de la police. Affirmer le contraire relèverait de la mauvaise foi la plus absolue. Nous avons par conséquent besoin de la police. Lorsque vous déposez des motions qui stigmatisent les coûts engendrés par les manifestations afin d'assurer la sécurité par le biais de la police, je considère que c'est une véritable honte. Quand on engendre des coûts en faisant appel à la police dans le cadre de l'organisation de manifestations, on ne se plaint pas, mais on remercie la police et on se tait ! (Applaudissements.)

Je souhaite aborder un autre point. Comme je l'ai déjà signalé, j'étais absent samedi passé; j'ignore donc s'il y a eu un dérapage ou non. Cela étant, je tiens à rappeler qu'il n'est pas inscrit sur le front des casseurs qu'ils en sont. Mettez-vous à la place des agents de police sur le terrain, qui doivent essayer de trier le bon grain de l'ivraie et interpeller quelques casseurs éventuels tout en laissant manifester les personnes pacifiques. Prenez donc conscience et rappelez-vous, avant de «taper sur la police», de la difficulté de l'exercice auquel cette dernière est soumise ! Si nous devons certes être conscients que des dérapages sont possibles y compris au sein de la police - comme n'importe où d'ailleurs ! - il faut ce soir réaffirmer notre soutien à notre police; un tel soutien me semble absolument indispensable. Dans ce cadre, il peut être envisagé de discuter du principe de la création d'une commission parlementaire. Je refuse en revanche tout projet dont le but serait de court-circuiter les travaux de la loi sur la police, laquelle vise notamment à donner à cette dernière les moyens de remplir les missions qui lui sont confiées et à en augmenter le nombre de postes pour permettre aux policiers d'avoir une vie de famille. Mesdames et Messieurs les députés, soutenons la police et cessons cette discussion stérile ! (Applaudissements.)

M. Christian Luscher (L). Pendant combien de temps certains irresponsables dans ce parlement vont-ils continuer à casser du flic à coup de motions, d'interpellations et d'interventions ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit: je constate dans les bancs d'en face un sourire - pour ne pas dire une jouissance certaine - à s'en prendre en permanence aux flics, coûte que coûte et quelles que soient les circonstances. C'est tellement bon de casser du flic et cela permet d'amener un tel électorat ! Mais ce faisant, c'est l'institution de la police elle-même et les principes que l'on entend sauvegarder que vous attaquez: je parle de la présomption d'innocence. Pour notre part, c'est un fait acquis que vos amis manifestants ont droit à la présomption d'innocence. En revanche, de votre côté, le flic, parce que c'est un flic, ne bénéficie pas de la présomption d'innocence - contrairement à vos petits amis qui vont casser dans les manifestations ! (Applaudissements.)

Je profite de cette occasion pour souligner l'importance de protéger, tous bords confondus, l'institution qu'est la police. Croyez-vous que le policier prenne du plaisir à enfiler sa tenue et à recevoir des bouteilles de bière alors qu'il pourrait rester tranquillement chez lui avec sa famille ? Les policiers et les gendarmes sont des individus parfaitement normaux comme vous ou moi: certains sont socialistes, d'autres sont radicaux, d'autres encore sont, qui sait, libéraux. La façon dont vous vous permettez de vous en prendre à ces citoyens est parfaitement inacceptable !

Je tiens également à dénoncer l'hypocrisie dont vous faites preuve. Si vous aviez, en commission, le courage de vomir sur les policiers auditionnés, sur les représentants des syndicats de la police, de la gendarmerie, de la police judiciaire ou de la police de sécurité internationale comme vous vous permettez de le faire dans ce parlement, vous seriez crédibles. (Protestations.)Mais vous perdez toute crédibilité en faisant les jolis coeurs devant les policiers et les gendarmes !

Une voix. Bravo !

M. Christian Luscher. Vous avez tort, Messieurs, de vous attaquer à l'institution ! Quand un électeur vote par exemple pour vous, Monsieur Vanek - car chacun a droit à ses errements - en déposant son bulletin dans l'urne, c'est un gendarme qui va transporter cette urne de votre commune jusqu'au lieu du dépouillement des voix. (Rires.)Ce gendarme est en fonction et travaille pour que vous puissiez être élu pendant que vous festoyez avec vos camarades ! Et en guise de remerciement, vous venez vomir sur ce gendarme qui vous a permis de siéger au parlement ! (Applaudissements.) (L'orateur est interpellé.)

Je cesserai ici mon intervention en faisant passer le message suivant... (Brouhaha.) ...les partis de droite et gauche et du centre sont tous conscients de la nécessité de soutenir l'institution de la police. Les membres de la commission judiciaire connaissent encore mieux que les autres députés les problèmes de désaffection de la police et la difficulté à trouver de bons candidats. Tous les membres de cette commission s'efforcent de mettre en place de bonnes lois pour que la police reste l'institution qu'elle doit être. Mais en agissant comme vous le faites aujourd'hui, vous rendez le travail de cette commission impossible - ce que vous savez fort bien ! Vous êtes donc responsables des éventuels dérapages à venir de la police: si la police rencontre des problèmes, ce sera de votre faute ! (Applaudissements.)

Le président. Je rappelle que la liste a été close après M. Reymond. (Protestations.)La parole est à M. Renaud Gautier. Essayons de tenir le débat avec une certaine dignité !

M. Renaud Gautier (L). Dans ce fleuve, dans cet ouragan qui une fois de plus tombe sur cet hémicycle, laissez-moi relever deux propos qui m'interpellent.

En premier lieu, l'un des préopinants a déclaré tout à l'heure, je le cite, qu'«il n'était pas opportun de faire des contrôles d'identité». Il s'agit là d'une question intéressante: est-ce à ce parlement de décider quand un fonctionnaire doit ou non juger de l'opportunité d'un contrôle d'identité ? La manière de répondre à cette question ouvre des voies tout à fait intéressantes quant à la suite que nous entendons donner, d'une part à notre rôle, d'autre part à notre travail. Je croyais, ou j'imaginais jusqu'alors, que la notion d'opportunité était une compétence déléguée aux individus possédant un certain pouvoir et que notre parlement n'avait par conséquent pas à déterminer la justesse ou non de cette opportunité. Mais je veux bien que l'on reprenne le débat sur l'ensemble de la problématique du rôle de l'Etat. Que l'on vienne jouer maintenant, une semaine après une séance du Grand Conseil qui ne devrait pas rester dans les annales de l'histoire, les «pères la vertu» à ce sujet me semble pour le moins saisissant compte tenu du fait que nous n'arrivons nous-mêmes pas à appliquer notre propre règlement !

Une voix. Bravo, Renaud !

M. Renaud Gautier. Nous voilà donc à donner des leçons aux autres tout en reconnaissant, dans le même temps, avoir commis des actes illégaux ! Je veux bien que l'on crée un débat à ce sujet, mais où ce dernier s'arrêtera-t-il ? Nous devons décider de la légalité ou non de certains actes en admettant que, pour ce faire, nous sommes autorisés à commettre des actes illégaux ! Soit. Mais je vous laisse imaginer la manière dont nous pourrions poursuivre nos débats dans cet hémicycle si nous validions cette hypothèse.

En second lieu, de nombreuses voix ont affirmé que Mme la cheffe du DJPS n'était pas capable d'entendre ou de contrôler ses troupes. Je reconnais certes l'existence de deux erreurs fâcheuses, à savoir un accident qui n'aurait pas dû se produire et un problème de communication qui n'a pas été réglé comme il aurait dû l'être. Mais ces problèmes n'apparaissent-ils qu'au DJPS ? Ai-je entendu beaucoup de députés lancer un débat analogue à celui-ci sur des activités qui auraient pu avoir lieu dans certaines écoles ? Des membres de ce parlement, tous partis confondus, n'ont-ils pas assisté à une séance de la commission des visiteurs officiels durant laquelle nous avons constaté que le chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement semblait ignorer un certain nombre de problèmes pour lesquels ses fonctionnaires avaient été interpellés il y a un an ? Une fois encore, je veux bien que l'on ouvre ce débat. Mais est-il nécessaire de faire un cas particulier et de l'ériger en règle générale ?

Je vous rends attentifs à ces trois points. De la manière dont cette salle y répondra dépendra très directement la suite de nos travaux, et ceci de manière beaucoup plus générale et beaucoup plus importante que le fâcheux incident qui s'est produit samedi dernier. (Applaudissements.)

Le président. Puisse cette assemblée vous entendre sur tous les bancs en ce qui concerne nos travaux...

M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. Vous me ferez signe à six minutes et demie pour éviter que je déborde.

On a entendu beaucoup de bêtises parmi les propos qui ont été tenus... (Vives protestations.)

Le président. Merci d'écouter M. Vanek !

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, je vous saurai gré de rappeler à l'ordre les gens qui m'interrompent. (Rires et protestations.)

Le président. Monsieur Vanek, il est peut-être préférable que vous vous adressiez à Mme Spoerri ou à moi-même.

M. Pierre Vanek. D'accord. Il a donc été dit beaucoup de bêtises, que je ne reprendrai pas les unes après les autres. Du côté démocrate-chrétien, nous avons entendu Mme Ruegsegger parler de manifestants qui «terroriseraient la population». Les manifestants ont également été catégorisés comme des «casseurs professionnels». Du côté libéral, nous avons entendu M. Roulet plaider pour de nouveaux moyens techniques appropriés à cette situation - alors que la volonté de la police de se doter, apparemment sans contrôle réel, de ces nouveaux moyens a précisément constitué l'un des problèmes dans cette affaire ! Nous avons surtout entendu de nombreux députés des bancs d'en face en appeler au soutien à la police et à la confiance en cette dernière. Cependant, le flot d'invectives notamment vomi par M. Luscher montre bien que les propos que j'ai tenus tout à l'heure n'ont pas été écoutés.

Il existe effectivement des problèmes aigus par rapport à ces manifestations, problèmes auxquels nous devons apporter des réponses. Je reviens à l'article du «Temps» que j'ai précédemment évoqué, car il me semble poser de bonnes questions. Si de nombreuses personnes ont déclaré qu'il fallait soutenir la police, je tiens à souligner qu'il faut également l'entendre ! La journaliste du «Temps» a précisément mené un travail d'enquête faisant état de l'avis de la police. Je vais vous lire un extrait de son article, qui pose des questions tout à fait pertinentes auxquelles Mme Spoerri devrait répondre: «Qui décide de la réponse appropriée aux manifestants ? Qui a donné l'ordre d'employer ce «marqueur» d'un nouveau genre ? Pourquoi l'incident n'a-t-il pas été immédiatement signalé aux supérieurs hiérarchiques, puis au service de presse de la police ? Pourquoi avoir nié pendant trois jours avant d'admettre les faits ? Cette absence de clarté sur fond de confusion laisse entrevoir une interrogation bien plus grave. Qui commande quoi à la police genevoise ? L'inquiétude est d'autant plus sérieuse qu'elle émane, à l'interne, des policiers eux-mêmes» - policiers dont, comme vous le voyez, je me fais le porte-parole dans cette enceinte, contrairement à certains défenseurs de la police qui ont renoncé à participer à ce débat. Je reprends l'article: «Certains groupes d'intervention disposent d'une trop grande liberté d'action, affirme l'un d'entre eux. Il n'y a plus de contrôle».

Nous nous trouvons ici face à un problème. L'usage de l'arme qui a causé des dégâts a été ravalé par Mme Spoerri à un problème de communication. Je crois cependant qu'il existe un réel problème de commandement et de contrôle vertical au sein du département de justice, police et sécurité. Nous devons disposer de la garantie, dans des situations politiques critiques, que les décisions ne sont pas prises par on ne sait qui à n'importe quel niveau, mais que le DJPS exprime une volonté claire et politique dans la gestion des manifestations. Cet élément est indispensable pour le bon fonctionnement de notre police.

Outre ce contrôle, il faut également que le choix du traitement politique des manifestations se fonde sur une appréciation des faits plus riche et plus informée que l'image d'Epinal qui en est donnée; l'analyse manichéenne et - excusez-moi du terme - stupide qui consiste à opposer un paquet de bons manifestants d'un côté à des casseurs professionnels de l'autre doit cesser, car elle ne correspond pas à la réalité! Avec ce type d'analyse, un bon travail semble difficile ! C'est pourquoi je demande que la police et les autorités qui la dirigent soient bien informés de la situation. Je demande également l'adoption d'une ligne de contrôle opérationnelle. Est-ce là vomir sur la police ? Je ne crois pas: c'est lui donner les conditions d'un travail qui se fasse au service des libertés publiques que les uns et les autres se sont plu à rappeler.

Certains éléments contenus dans la déclaration de Mme Spoerri m'inquiètent. Cette dernière soutient par exemple que l'usage de l'engin ayant causé des dommages était approprié par rapport aux règles d'engagement dudit engin: non, non et non ! Il est impossible de soutenir de tels propos: l'usage de cet engin était évidemment inapproprié !

Le président. Il est temps de conclure, Monsieur Vanek.

M. Pierre Vanek. Mme Spoerri dit également, dans cette déclaration, qu'il sera laissé à l'appréciation du chef de la police de trancher quant à l'usage futur ou non de cet engin. Ce faisant, elle n'assume pas les responsabilités qui devraient être les siennes dans cette situation. Ce sont ce manque de contrôle et de responsabilité politique qui m'inquiètent. Les éléments d'analyse qui ont été fournis se trouvent à côté de la plaque et ne reflètent nullement la complexité de la réalité dans cette situation.

M. Souhail Mouhanna (AdG). J'observe en préambule que le droit de manifester vient d'être exercé par les députés d'en face, puisqu'un certain nombre d'entre eux sont sortis pour protester contre l'intervention de mon camarade Pierre Vanek. J'observe que certains sont en train de revenir. (L'orateur est interpellé par M. Annen.)

Le président. Monsieur Annen, s'il vous plaît!

M. Souhail Mouhanna. Monsieur Annen, j'espère que je bénéficierai du même silence que M. Renaud Gautier. Je n'attends évidemment pas de votre part les mêmes applaudissements, mais je compte cependant sur votre écoute !

Les interventions faites par les représentants des partis de l'Entente et de l'UDC m'ont véritablement fait sursauter, car elles ont atteint un degré d'hypocrisie absolument inégalé. Je vais vous en fournir des preuves, comme j'en ai l'habitude lorsque j'avance certaines affirmations.

En premier lieu, vous prétendez défendre la police, mais vous ne précisez pas laquelle. Si vous avez la mémoire courte, je vous rappellerai qu'il y a peu, la police est descendue dans la rue avec l'ensemble de la fonction publique pour se battre contre les mesures prises par vos partis contre la police: suppression d'effectifs, blocage des salaires, dénigrement de la police. Nos partis sont pour leur part descendus dans la rue avec la police.

En deuxième lieu, j'ai lu et entendu qu'il était difficile de distinguer les infiltrés des vrais manifestants et que, par conséquent, la police tirait dans le tas. Cette attitude est extrêmement grave, car elle signifie que, si un gangster sortait demain d'une banque et s'infiltrait dans la foule, il faudrait tirer sur l'ensemble de la foule ! Admettons que quelques personnes soient moins pacifiques que d'autres dans une manifestation: cette situation légitime-t-elle que l'on considère l'ensemble de ce groupe humain comme étant violent ou casseur ? La démarche entreprise me paraît d'une extrême gravité !

En troisième lieu, je tiens à rappeler que ce sont vos partis qui ont obtenu la suppression des ambulances de la police - soit le symbole de la proximité et du soutien à la population. Vous avez voulu réduire la police à un instrument de répression aux mains des puissants !

En quatrième lieu, certains ont déclaré que les inscriptions sur un sol ou sur un mur constituent une dégradation des biens privés. Ces actes sont certes extrêmement graves et méritent une punition. Mais je vous rappelle que ce sont des individus issus de vos rangs qui ont protesté de manière absolument éhontée par rapport à l'arrestation dans la rue de deux des responsables impliqués dans la débâcle de la banque cantonale - qui coûte des milliards à la population ! Quels propos n'avons-nous pas entendus à cette occasion ! Et vous venez ensuite nous donner des leçons ?!

Mesdames et Messieurs, la police que nous soutenons n'est pas celle que vous défendez: vous défendez un instrument de répression aux mains des puissants, alors que nous voulons - et nous le prouverons - une police citoyenne et républicaine qui soit au service de la population. Si vous continuez dans cette voie, vous engagerez notre République dans un cycle de violence et de répression que vous connaissez fort bien et qui aboutira à une dégradation de l'image de la police au sein de la population. Ce n'est pas là un service que vous rendez à la police: vous êtres contre la police citoyenne et républicaine que nous souhaitons ! (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais dire que les propos de M. Gautier témoignent d'une méprise à l'égard de ma précédente intervention.

Tout d'abord, on ne peut pas débattre avec vous, ce de manière récurrente, lorsque le thème de la police et de la sécurité sont évoqués. La droite, qui souscrit d'emblée à la notion de sécurité, rejette toute discussion dès qu'une objection est émise à propos d'une partie du corps de police. Or témoigner de l'approbation à chacun des faits et gestes accomplis par l'institution de la police ne peut que lui desservir. Le discours larmoyant de M. Luscher entérine l'attitude que je vous attribue : selon lui, il faut supporter la police comme l'on supporterait une équipe de football, c'est-à-dire de manière non critique. Mesdames et Messieurs les députés de la droite, Monsieur Gautier, notre mandat de député nous oblige à exercer un contrôle sur les faits et gestes administratifs exécutés par les fonctionnaires de cette République et c'est à ce titre que je me permets d'y porter un jugement. Nous soutenons l'action de la police de manière générale et nous avons entendu le corps de police, lorsqu'il est venu nous demander un appui à propos du projet de loi du gouvernement. Cela ne nous dispense pas, contrairement à vous, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, de porter un regard critique à l'égard des agissements des fonctionnaires. Par ailleurs, ce n'est pas leur rendre service que d'éluder cette question.

J'aimerais conclure en mettant l'accent sur le fait que le discrédit qui a été jeté à l'égard de l'institution de police à cause de ces événements n'est pas dû à la minorité de Gauche de ce parlement, il est dû à l'attitude irresponsable dont la direction de la police a fait preuve en termes de communication. En effet, les faits ont été niés puis confirmés trois jours plus tard, alors qu'ils étaient manifestes dès le départ. C'est la direction de la police elle-même qui discrédite l'institution face à l'opinion publique.