République et canton de Genève

Grand Conseil

M 890
61. Proposition de motion de Mme et MM. Dominique Belli, Bernard Lescaze et Françoise Saudan concernant le goulet de Chêne-Bourg. ( )M890

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 les inquiétudes manifestées par le Conseil administratif de Chêne-Bourg face à la gravité de la situation engendrée par les dangers que repré-sentent les immeubles délabrés du goulet;

 la décision du Service d'incendie et de secours de la Ville de Genève de ne plus accéder aux immeubles 15 et 17, rue de Genève en cas de sinistre;

 la décision de l'Inspection cantonale du service du feu, confirmée par les autorités administratives de la commune de Chêne-Bourg d'interdire également toute intervention à la Compagnie des sapeurs-pompiers de Chêne-Bourg,

invite le Conseil d'Etat

à prendre de toute urgence les décisions qui s'imposent quant à la démolition ou à la conservation des immeubles formant le goulet de Chêne-Bourg.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La «saga» du goulet de Chêne-Bourg a assez duré et il faudrait plusieurs volumes pour vous la relater dans tous ses détails et dans toutes ses péripéties depuis 1902, date à laquelle les habitants avaient été avertis d'une éventuelle démolition des immeubles en cause!

Il n'y a donc pas lieu de s'étendre plus longuement sur l'historique de cette affaire. En revanche, le silence inexplicable des autorités cantonales, l'aggravation de la vétusté des immeubles concernés, les dangers qu'ils font courir à la population, le cri d'alarme adressé par le Conseil administratif de Chêne-Bourg voir le communiqué de presse ci-joint paru dans Le Chênois de décembre 1993 nous incitent, Mesdames et Messieurs les députés, à vous prier de bien vouloir renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat et à enjoindre ce dernier de bien vouloir répondre dans les plus brefs délais.

ANNEXE

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le Conseil administratif de Chêne-Bourg, vu la gravité de la situation, tient à informer la population des dangers que représentent les immeubles délabrés du «goulet».

En effet, le Service d'incendie et de secours de la Ville de Genève a pris la décision de ne plus accéder aux immeubles 15 et 17, rue de Genève en cas de sinistre. L'Inspection cantonale du service du feu a, pour sa part, demandé à la Compagnie des sapeurs-pompiers de Chêne-Bourg d'en faire de même. Notre Conseil s'est exécuté et a confirmé cet ordre.

Cette décision très grave a été prise à la suite de l'inexplicable silence du Conseil d'Etat, notamment du chef du département des travaux publics, qui laisse pourrir une situation que nous avons inlassablement tenté de débloquer. Nous avons engagé à grands frais des études tenant compte des deux hypothèses: démolition ou conservation du goulet. Malgré ceci, malgré une motion du Conseil municipal et malgré nos courriers adressés au Conseil d'Etat (restés sans réponses, si ce n'est des accusés de réception), rien n'a bougé.

Nous dégageons donc notre responsabilité pour tout accident qui pourrait advenir, notamment aux personnes physiques. L'inaction des autorités cantonales, propriétaires des deux tiers des bâtiments de ce périmètre, les met en face de leurs responsabilités, que nous estimons totales.

Le Conseil administratif de Chêne-Bourg

Débat

M. Dominique Belli (R). Le serpent de mer que représente le trop fameux goulet de Chêne-Bourg est l'objet de notre motion. Un peu d'histoire nous apprend qu'en 1902 déjà ces immeubles avaient été voués à la démolition. En 1948, changement de cap avec des idées d'élargissement de la rue de Genève. Par la suite, depuis 1982, soit depuis onze ans, les courriers, résolutions de maintien ou de démolition se sont succédé à un rythme régulier avec à la clef de nombreuses lettres du Conseil administratif de Chêne-Bourg au Conseil d'Etat. Tous ces courriers ont fait l'objet d'accusés de réception, certes, mais aucune réponse réelle n'a été donnée à la municipalité.

A l'inquiétude de ce dédain manifeste s'ajoutent d'autres craintes dues à deux faits principaux. Premièrement, le service d'incendie et de secours de la Ville de Genève a décidé, le 5 octobre de l'année dernière, de ne plus accéder aux immeubles 15 et 17 de la rue de Genève, décision confirmée par l'inspection cantonale du feu et par les autorités administratives de la commune de Chêne-Bourg. Deuxièmement, et ceci est spécialement important, l'état de délabrement des immeubles concernés représente un réel danger pour la population.

En fonction de ces arguments, nous invitons donc le Conseil d'Etat à prendre de toute urgence les décisions qui s'imposent quant à la démolition ou la conservation des immeubles formant le goulet de Chêne-Bourg. De plus, il nous semble important que le Conseil d'Etat tienne au courant par un courrier rapide la municipalité de Chêne-Bourg de ses décisions, car celle-ci ne mérite certainement pas le mépris avec lequel elle a été traitée dans ce dossier.

M. Armand Lombard (L). Si, en tant que voisin de Chêne-Bourg, je peux me permettre de glisser mon grain de sel, j'aimerais insister avec les motionnaires sur l'urgence de l'invite qu'ils font au Conseil d'Etat. Car il n'y a pas qu'un goulet, il y en a deux : celui de Chêne-Bourg et celui de Chêne-Bougeries. Ce dernier est aussi un ensemble d'immeubles qui s'écroulent, qui sont dangereux et scandaleux sur une des grandes voies d'accès à Genève.

Il y a des années que les projets se succèdent, se chevauchent et s'annulent. Il y a des années que les riverains protestent, que les pots d'échappement enfument, que les bouchons bouchonnent. Il y a aussi des générations d'architectes qui font des plans, puis des factures, puis des révisions de plans, puis des révisions de factures. Il y a les arbitrages entre les architectes, leurs factures et les autorités qui les contestent, il y a des litres d'adrénaline qui coulent dans les conseils municipaux, de père en fils.

Je voyais le programme établi dans la «Tribune de Genève» par M. Joye. Il citait dans les projets principaux de son programme d'actions, les traversées de Versoix, Meyrin, Plan-les-Ouates, Vésenaz. Monsieur le chef du département, ajoutez-y les Trois-Chêne ! Ils se sont fait moins entendre ces derniers temps, mais ce n'est pas parce que la situation s'est améliorée, c'est simplement par épuisement et peut-être un peu par manque d'imagination nouvelle. Les Trois-Chêne, au niveau de la route de Chêne, c'est une localité de banlieue qui se rapproche, en esthétique, à l'entrée de Vienne en France, ou des tréfonds de Bellegarde. Avec les quelques vestiges qui lui reste et une conception d'ensemble, elle peut parfaitement redevenir une bourgade, ou trois bourgades, où il soit agréable de se rencontrer - ce qui n'est plus le cas - et où le trafic ait son cheminement propre.

M. Max Schneider (Ve). Juste une petite erreur faite par mon excellent collègue, M. Belli. Le service du feu de la Ville de Genève peut intervenir, mais pas à l'intérieur des bâtiments. Il y a quand même une intervention qui a été soulignée par M. Hediger. Donc, le service du feu peut intervenir en cas d'incendie, mais depuis l'extérieur puisque les deux immeubles appartenant à des privés sont un dépôt de certaines matières devant, en cas de sinistre, être évacuées au plus vite.

En ce qui concerne ce dossier du goulet de Chêne-Bourg, goulet très animé par de nombreux commerces jusqu'à la fin des années soixante, coeur de Chêne-Bourg, celui-ci a fait l'objet de bien des discussions dans la commune, commune dans laquelle je vis. La commission des travaux est déjà saisie de deux pétitions déposées en 1987, l'une demandant la suppression, l'autre le maintien du goulet. Les différentes études de bureaux d'ingénieurs et d'architectes pour le maintien ou la démolition de ce goulet ont bien démontré qu'il était possible de maintenir ces maisons, voire de les rénover.

Ces maisons sont actuellement habitées par de nombreux jeunes et l'on peut dire que le goulet de Chêne-Bourg est devenu un centre culturel de la rive gauche où ont lieu de nombreux concerts, pièces de théâtre, de créations notamment des élèves du collège Claparède venus s'installer dans ces vieilles maisons. Ils ont enlevé des centaines de tonnes de déchets, de gravats ainsi que - je ne sais pas comment cela s'appelle - enfin des... résidus de pigeons en grande quantité !

Des voix. Guano, guano !

M. Max Schneider. Moineau, voilà ! (Rires.) Ces jeunes ont donc fait preuve d'un très grand engagement dans notre commune, engagement reconnu également par de nombreuses personnes s'occupant des jeunes et des services antidrogue de notre canton. Le goulet actuel est un catalyseur de personnes de bonne volonté qui ont essayé d'en faire des lieux habitables, des lieux d'animation pour les jeunes.

Chaque année, le goulet de Chêne-Bourg est ouvert aux habitants de la commune et nombreux sont ceux qui sont venus à ses «portes ouvertes». Cette motion sera acceptée par notre groupe; nous souhaitons qu'elle soit renvoyée à la commission des travaux. J'aurais simplement un amendement demandant d'éliminer dans la phrase de l'invite la demande de démolition.

Mme Sylvie Châtelain (S). Si le groupe socialiste est favorable à ce qu'une décision soit prise, je tiens à dire d'emblée que nous souhaitons la conservation de ces bâtiments et ceci pour deux raisons.

La première, c'est que l'état actuel des immeubles ne justifie pas en lui-même leur destruction. L'aggravation de la vétusté est due principalement au manque d'entretien puisque les locaux sont inoccupés. Selon de nombreux spécialistes, il serait parfaitement possible de remettre ces bâtiments en état par une rénovation douce et nous aimerions encourager le Conseil d'Etat à agir dans ce sens.

La deuxième, c'est que leur disparition entraînerait immanquablement l'élargissement de la route et cette mesure ne se justifie pas non plus. En effet, la circulation a tendance à diminuer ces dernières années et cette tendance devrait même se renforcer à l'avenir avec la mise en place de mesures prévues par Circulation 2000. L'élargissement de la route inciterait les usagers de l'autoroute à venir à nouveau circuler sur cette artère. On peut dire que ce goulet constitue une mesure bienvenue de modération du trafic. Par ailleurs, l'élargissement de la route provoquerait, comme cela a déjà été le cas dans de nombreuses communes, l'éclatement du coeur de Chêne-Bourg en coupant le village en deux. On a vu que dans toutes les communes où cette situation s'était déjà produite, à chaque fois les autorités ont demandé que des mesures soient prises pour réunifier des morceaux de villages situés de part et d'autre des artères, par des tranchées couvertes notamment.

Pour conclure, j'aimerais dire encore que l'Association des habitants des Trois-Chêne est également opposée à cette démolition. Il serait peut-être intéressant de connaître leur motivation. Etant donné que la pétition 790 sur ce même sujet est pendante devant la commission des travaux, nous suivrons la demande du parti écologiste de renvoyer cette motion en commission.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais que vous imaginiez un instant à quoi ressemblait le territoire genevois au moment où émergea le bourg de Chêne dont nous parlons en ce moment. Essayez d'imaginer la ville circonscrite par ses remparts au XVIIIème siècle, une zone de dégagement stratégique, puis une série de très belles campagnes et, sur les grands axes européens, des bourgs formés essentiellement au cours du XVIIIème siècle.

La création la plus connue, c'est celle de Carouge par la monarchie sarde destinée à concurrencer Genève. C'est une opération presque aboutie jusqu'au bout dans son plan idéal élaboré au cours des années 70 du XVIIIème siècle. Une autre création, mais qui n'a pas abouti, c'est Versoix, par la monarchie française dont il reste l'inscription territoriale mais pas la ville elle-même dont on n'a gardé que le plan. Puis, parmi les très belles réussites, il y a les localités au bord de la route de Bonneville : Chêne-Bougeries, Chêne-Bourg et Thônex. Elles ont été les communes parmi les plus animées au cours du XIXème et du XXème siècle

A ces trois localités, il faut encore ajouter Plan-les-Ouates, création consécutive à Carouge à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle surtout. Nous avons, avec ces agglomérations d'un type tout à fait semblable, avec des maisons inspirées par des modèles français du moment côté Versoix ou des modèles italiens piémontais du même moment côté Carouge ou Chêne, une substance historique des XVIIIème et XIXème siècles extrêmement intéressante et donnant aujourd'hui une structure à notre territoire périphérique. Essayez d'imaginer un moment la suppression de Carouge ou de Versoix pour les remplacer par des axes comme ceux que l'on vient de créer par exemple entre Chêne-Bougeries et la frontière de Moillesulaz !

Nous aurions des artères anonymes, encadrées certes de quelques belles propriétés, mais qui feraient perdre toute sa compréhension historique à ce réseau de routes rayonnant sur Genève. Pourquoi faut-il accueillir cette proposition de motion avec soulagement ? Parce qu'elle pose un vrai problème. Pourquoi faut-il être absolument favorable à l'une seulement de ces invites, soit l'étude de la conservation des bâtiments ? c'est pour des raisons encore plus fines. Dans ce qui s'est produit récemment dans le traitement, au cours des vingt dernières années, de cette zone qui va du temple de Chêne-Bougeries à la frontière, on a pratiquement mis en oeuvre toutes les méthodes soit de conservation soit de suppression du patrimoine. Suppression, c'est l'exemple de Thônex dont on a fait table rase au cours de vingt années de grignotage et de construction d'immeubles.

La conséquence en a été récemment - il y a une dizaine d'années - la nécessité de replacer des chicanes au trafic devenu beaucoup trop rapide et dangereux. De part et d'autre, cette rue est occupée par des habitations, des commerces, les gens traversent la route toute la journée, on a disposé des parcages en épi, on a installé des obstacles, des feux et cette zone est devenue, sur le plan esthétique comme sur le plan historique, parfaitement insignifiante, encombrée d'une pléthore de signalisations et d'objets d'aménagement urbain sans le moindre intérêt. On a aussi expérimenté d'autres formes d'intervention. On a placé en zone protégée, il y a déjà un certain nombre d'années, le bourg de Chêne-Bourg côté sud qui est devenu aujourd'hui un petit joyau, malheureusement beaucoup trop limité et qui perdrait la moitié de sa signification historique si on l'amputait du côté nord de la route.

On a également, plus récemment, placé en zone protégée le côté sud du bourg de Chêne-Bougeries et, malgré le caractère critiquable de certaines interventions de restauration, on peut dire que la substance y est conservée et que l'on a réussi cette opération. Reste le côté nord. Pourquoi faut-il absolument tuer le côté nord ? C'est vrai, l'état physique des bâtiments n'est pas très agréable à l'oeil, mais il est le même que ceux des bâtiments du côté sud, ils ont le même âge, fin du XVIIIème et début du XIXème siècle, parfois avec des interventions plus récentes autour de 1900, comme par exemple le bâtiment de la poste de Chêne-Bourg.

Ils ont simplement vécu un peu plus longtemps à l'abandon, donc subi des dégradations un peu plus graves, mais d'une manière générale ces bâtiments ont des structures très faciles à entretenir, à rénover. J'en veux pour preuve quelques bâtiments beaucoup plus ruinés que l'on a réussi à sauver à Carouge et qui dataient de la même époque. Pourquoi faut-il conserver les deux côtés de la route ? Typologiquement, le bourg forme un étranglement par rapport aux grandes artères des années 60. En même temps, cet étranglement n'est plus aujourd'hui un obstacle absolu dans la mesure où l'on a reconnu au trafic qui traversait ces bourgs des qualités de nuisances très importantes. Les TPG eux-mêmes ont admis qu'ils pouvaient se contenter d'un croisement intermittent avec des feux réglés par les tramways eux-mêmes.

On a également su reconnaître que la conservation du patrimoine n'était pas seulement la conservation de quelques maisons remarquables, mais au contraire de tissu urbain dont la typologie, l'implantation, le vis-à-vis, le rythme étaient des éléments extrêmement précieux dans le territoire. Si l'on a réussi à conserver les côtés sud des bourgs de Chêne-Bougeries et de Chêne-Bourg, si l'on entend aujourd'hui mettre en discussion, peut-être pour les conserver, le côté nord de Chêne-Bougeries, il serait absolument inqualifiable de détruire le côté nord de Chêne-Bourg, car l'on anéantirait la cohérence de ces deux bourgs qui, lorsque le problème du trafic sera réglé, donneront à cette portion du territoire un rythme, sa cohérence et lui conserveront pour l'avenir un sens, car la table rase détruit le sens historique des choses.

Je vous invite à renvoyer cette proposition de motion à la commission des travaux et à vous pencher sur l'invite concernant la conservation. Je proposerai aussi un amendement pour supprimer la première invite concernant la démolition et demanderai à auditionner les personnes compétentes sur cet objet.

Le président. Nous saluons à la tribune la présence des anciens députés Béatrice Luscher, Florian Vetsch et Georges Jost. (Applaudissements.)

M. Bernard Annen (L). Permettez aussi à un ancien Chênois de s'exprimer sur un sujet datant, comme on vous l'a dit, de plus de trente ans. J'aimerais quand même dire que, par rapport à ce merveilleux cours ex cathedra que vient de faire notre collègue, c'est bien de la situation existante dont il est question aujourd'hui, situation de réel danger.

J'aimerais quand même relever deux choses qui m'apparaissent importantes. La première, Madame Châtelain, le coeur de Chêne-Bourg - permettez-moi de vous le dire - c'est le Vieux-Chêne et ce n'est pas l'endroit dont vous nous parlez, parce que cette artère existe depuis toujours et si vous estimez qu'il y a une séparation de Chêne-Bourg par la route de Genève, elle a toujours existé. Le coeur de Chêne est vraiment le Vieux-Chêne, rue du Gothard...

M. Max Schneider. C'est pas vrai, c'est pas vrai !

M. Bernard Annen. Oui, Monsieur Schneider. Si vous estimez, vous, qu'une occupation par des squatters devient aisément une maison de la culture, je commence à me faire du souci sur votre interprétation de l'Etat de droit ! Si cette motion, comme vous nous le suggérez, est renvoyée en commission, il n'y a pas lieu de faire des propositions d'amendements en plénière; les amendements, nous les ferons en commission, et c'est à ce moment-là que la motion reviendra amendée devant notre Grand Conseil.

Il existe depuis fort longtemps un projet de loi pendant devant la commission des travaux et votre motion aura le mérite de le réactiver. J'aimerais aussi dire que nous avons toujours été sensibles à la collaboration avec la commune et la commission des travaux a, à plusieurs reprises, entendu le Conseil administratif. Lors de la dernière séance - si mes souvenirs sont bons - la commune de Chêne nous avait demandé formellement de mettre ce projet de loi en suspens de manière à ce qu'elle puisse également faire un certain nombre de propositions.

Je crois, Monsieur Belli, que le mot «mépris» est un tout petit peu exagéré et je pense qu'il est dû simplement à la méconnaissance du moment où nous avions traité ce projet de loi. Il n'en reste pas moins que nous sommes dans une réelle situation de danger tant sur le plan de l'incendie que sur le plan de la sécurité. C'est si vrai qu'un certain nombre de tuiles menacent de tomber et je ne crois pas que l'Etat et la commune de Chêne-Bourg puissent continuer à prendre ce risque. Raison pour laquelle nous vous remercions de bien vouloir accepter le renvoi de cette motion en commission.

M. Chaïm Nissim (Ve). Tout ce qui a été dit ce soir, je l'ai déjà entendu de nombreuses fois. Je ne veux pas revenir sur ce qu'ont très bien dit mes préopinants. J'aimerais juste m'exprimer sur la question de l'urbanisme et sur le rôle de modération de circulation de ces deux goulets. Il est assez évident, lorsque l'on arrive de la frontière sur la route de Thônex - large route à deux voies de trente mètres de large - que toutes les voitures vont très vite et que les gens ont de la difficulté à traverser. Quand on arrive enfin dans le premier goulet, l'on remarque une baisse du niveau sonore, que les gens se parlent dans la rue, qu'ils peuvent traverser quand ils le veulent. Ces deux goulets ont un rôle de modération de la circulation absolument précieux qu'il faut, à mon avis, maintenir.

Le deuxième point concerne la valeur architecturale des maisons. Faut-il les démolir ou les rénover ? Je suis très sensible à tous les arguments développés par ma collègue Erica et par Mme Châtelain sur la valeur architecturale de ces maisons. Toujours est-il que, personnellement, il me semble que si l'une ou l'autre pour des raisons techniques devait absolument être démolie et reconstruite dans le même style, au même endroit, pour des raisons d'argent aussi parce que cela pourrait coûter un petit peu moins cher, ce ne serait pas forcément un grand drame pour la valeur architecturale.

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas à 100 % d'accord avec l'amendement proposé par mon collègue de parti, Max Schneider, d'autant plus que l'on pourra en discuter en commission et que de toute façon la commission décidera si elle veut ou non un amendement.

M. Dominique Belli (R). J'aimerais préciser que, vraisemblablement, le goulet n'est pas aussi paradisiaque que voulait bien nous le décrire notre collègue écologiste à l'instant et qu'il mérite réellement que l'on s'en occupe rapidement.

J'avais l'intention, dans un premier temps, Monsieur le président, de vous demander le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, mais après les explications qui nous ont été données, j'accepte le renvoi en commission mais je ferai une demande extrêmement précise et urgente en fonction du danger réel que le goulet représente pour la population, danger que l'on ne peut pas négliger.

Nous n'avons pas le droit, en tant que parlementaires, d'attendre qu'il y ait un accident pour commencer à s'occuper de ce sujet-là. Je proposerai donc, si cette motion est renvoyée en commission, que l'on nous donne des assurances que les travaux parlementaires de cette commission se feront extrêmement rapidement et que nous aurons une décision rapide pour la sécurité de la population chênoise.

M. Max Schneider (Ve). Puisque M. Belli accepte de renvoyer cette motion en commission, je retire mon amendement.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Les avis sont partagés, comme cela a été expliqué par M. Belli. En 1902, on parlait déjà de démolition, en 1948 d'élargissement. Pour faire suite à ce qu'a dit M. Lombard, je dirais qu'effectivement - et nous sommes du même avis au département - le goulet de Chêne-Bourg doit être étudié avec celui de Chêne-Bougeries afin de définir des solutions cohérentes et découlant d'une réflexion organisée.

Les avis sur ces goulets sont très partagés et pas seulement du côté politique puisque même au sein des conseils administratifs l'union n'est pas totale, les conseillers sont aussi partagés puisqu'il y a des gens qui s'y plaisent. Mais le fait de développer des activités théâtrales et culturelles très réussies à cet endroit n'implique pas pour autant l'obligation absolue de les maintenir là au cas où une rénovation de ces immeubles aurait lieu.

Une des premières tâches que j'ai entreprise était de réunir tous les membres de la direction de l'aménagement pour avoir une vision complète, selon tous les aspects possibles, transports publics, aménagement du territoire, histoire de l'art et autres, et j'ai déjà reçu les conseils administratifs respectifs de chaque commune. J'ai aussi eu un contact avec deux représentants de l'Association des habitants des Trois-Chêne, M. Nawratil et Mme l'ex-députée Rapp-Jotterand. Il va de soi que je n'entends en aucun cas prescrire quoi que ce soit, ni le département du reste.

Il y a deux possibilités. L'une est de faire un mini gabarit - pas le gabarit de 30 mètres de ce qu'il est communément convenu d'appeler l'avenue Desjacques à Thônex - mais un gabarit par exemple à 16 mètres, ce qui suppose des élargissements extrêmement réduits dans lesquels les deux voies de tram occupent environ 6,10 mètres, deux voies de voitures 2,90 mètres et deux trottoirs dont l'un pourrait éventuellement être en encorbellement, donc sous les immeubles. Cela permettrait de maintenir le rétrécissement visuel, cela consacrerait l'aspect modération du trafic par rapport aux 30 mètres de l'avenue de Genève dont Mme Deuber-Pauli a dit qu'elle était fortement critiquable.

Quant aux bâtiments côté nord, dans un concept auquel la direction de l'aménagement se rallie, ils seraient démolis et reconstruits selon l'alignement et le gabarit définis par la poste qui serait maintenue et affectée précisément à des activités culturelles. Ce sont des idées du département qui n'ont rien à voir avec les voeux des deux communes. Un programme privé des communes pourrait être établi afin de donner aux nouveaux bâtiments un caractère tout à fait différent du caractère actuel, je pense ici en particulier au goulet de Chêne-Bourg.

Un de mes collaborateurs disait que l'on pourrait opérer des modifications sur le statut des bâtiments du point de vue de l'histoire de l'art. On pourrait également changer les fonctions en essayant, par exemple, de faire un centre communal à Chêne-Bourg, ce qui aurait le mérite de nous permettre de traiter de façon plus décente qu'actuellement la place Louis-Favre. Comme vous le voyez, il y a donc beaucoup d'idées, plus complètes que la seule limitation au problème de la largeur de la route.

Des échanges de terrain pourraient avoir lieu. Vous savez que l'Etat est propriétaire d'un certain nombre de parcelles et un concours restreint d'architecture pourrait par exemple être organisé. A mon avis, on peut dire à M. Max Schneider que l'on peut garder même avec une architecture moderne le caractère de catalyseur, d'animation et de culture d'un de ces goulets. Je ne sais pas s'il faut envoyer ce projet à la commission de l'aménagement ou à celle des travaux. Il me semble que c'est autant une question d'aménagement que de travaux, et même plutôt d'aménagement.

A Mme Châtelain, je dirais : il y a élargissement et élargissement. Celui qui pourrait être réalisé, mais pas demandé - vous avez raison de le préciser - par les TPG qui disent : «Nous ne voulons pas que l'on dise que c'est à cause de nous qu'il faut élargir le goulet de Chêne-Bourg.». Si nous faisions deux voies, c'est parce qu'à la direction de l'aménagement nous avons l'impression que cela se justifie de garder, pour un futur lointain difficile à prévoir, deux voies de tram.

Je dirais aussi à Mme Deuber-Pauli, qui nous demande d'imaginer une vie du bourg réussie, qu'effectivement - vous l'avez mentionné vous-même, Madame - le bourg situé en dessous du Forum est très réussi mais il a une caractéristique essentielle qui est différente des autres, c'est que le trafic y est dix fois moins important. La rénovation est particulièrement réussie mais la situation générale est tout à fait différente.

J'ai une toute petite divergence avec Mme Deuber-Pauli, c'est rare, (Sourires de l'assemblée.) en ce qui concerne les façades sud. Il est vrai qu'il y a eu un concours d'architecture à Chêne-Bougeries, que ce concours a été gagné par un collègue ayant prévu de garder le parcellaire existant et que la rénovation est tout à fait correcte. Mais l'état des bâtiments - je m'en souviens très bien puisque j'étais un concurrent malheureux - était bien meilleur qu'actuellement. Pour ce qui concerne les immeubles au sud de Chêne-Bourg, je vous encourage vivement à aller les voir, leur caractère médiéval est tout à fait anecdotique, certains datent des années 1950 ! (Rires.)

Ensuite, je dirais que dans la pesée des intérêts généraux il faut vraiment étudier cette question des deux goulets - le mot «goulet» n'est pas péjoratif - de façon plus globale et c'est pour cela que je ne m'oppose pas du tout à ce que cette motion soit renvoyée en commission.

M. Nissim a dit que la modération des deux goulets est sympathique. Elle persistera puisqu'il y a un rétrécissement. Je terminerai en disant que les façades et l'aménagement de la ville appartiennent aux habitants et que reconstruire dans le même style ou de façon nouvelle, c'est une discussion qui concerne les gens demeurant sur le lieu.

Enfin, Monsieur Belli, comme on le dit en termes imagés : j'ai fait vinaigre et je pense que la commission est maîtresse de son ordre du jour; c'est donc à elle de décider à quel rythme elle veut traiter cela. En ce qui concerne le département des travaux publics, nous nous engageons à aller très très vite.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Compte tenu des remarques faites sur les problèmes de sécurité, je vous signale que l'inspectorat cantonal du feu a attiré mon attention sur l'état de délabrement important de ces immeubles. On m'a fait remarquer que, lors d'un sinistre pouvant survenir dans ces immeubles, l'état de vétusté de la construction est tel que pour la plupart d'entre eux des effondrements sont à craindre. Dans ces conditions, toute pénétration à l'intérieur des immeubles s'avère dangereuse pour le personnel du service du feu.

A la suite d'une récente visite sur place, M. Dormond, chef du service de sécurité et salubrité du DTPE, a fait part de ses craintes. Le service incendie de la Ville et le service du feu de Chêne-Bourg ont alors été avisés de la situation et les deux services d'incendie, tant de la commune que de la Ville de Genève, ont décidé que, dans ces conditions, l'intervention lors d'un incendie serait adaptée en conséquence, c'est-à-dire extinction depuis l'extérieur des bâtiments et protection des immeubles voisins pour l'essentiel, mais pas de pénétration à l'intérieur des bâtiments pour les raisons que je viens de vous signaler. Il s'agit donc d'un problème sérieux en matière de sécurité qui ne saurait être banalisé.

Mise aux voix, la motion est renvoyée à la commission des travaux.

Une voix. Aménagement !

M. Chaïm Nissim (Ve). Juste un petit dilemme. J'aimerais savoir s'il faut la renvoyer à la commission de l'aménagement ou à la commission des travaux.

Le président. Monsieur Nissim, le Bureau et les chefs de groupe se sont plongés sur ce problème. Le dossier est pendant depuis des années devant la commission des travaux.

M. Chaïm Nissim. Je vous fais confiance.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Il est vrai que le premier problème posé par ce goulet de Chêne-Bourg était un problème de trafic puisqu'il y a eu des projets de lois LER concernant des questions de constructions routières. Maintenant, le problème tel que nous l'envisageons à la direction de l'aménagement prend une ampleur qui est vraiment une ampleur d'aménagement. Sans vouloir passer par-dessus le Bureau, j'aurais proposé de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement.

M. Max Schneider (Ve). C'était bien à la commission d'aménagement que je désirais renvoyer cette proposition de motion.

Le président. Cette motion est donc renvoyée à la commission d'aménagement du canton.