République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 mai 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 8e session - 43e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Je vous prie de rester debout.
La présidente. Nous rendons hommage à M. Théodore de Félice récemment décédé. M. Théodore de Félice siégea sur les bancs du parti du Travail de 1945 à 1970. Durant ces vingt-cinq années, il fut une figure emblématique du parlement. Auteur de nombreux projets de lois et d'initiatives populaires, M. de Félice possédait une remarquable connaissance juridique et législative. Il était également un excellent linguiste.
Homme d'envergure, il a laissé à ses anciens collègues le souvenir d'un homme exceptionnel, courtois, brillant et très engagé.
Nous rendons hommage à cet ancien député, qui donna beaucoup de lui-même à notre République, et, pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer une minute de silence.
(Les députés, debout, observent un instant de silence.)
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anita Cuénod, Philippe Glatz, Antonio Hodgers, Claude Marcet, Guy Mettan, Véronique Pürro, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli et Marie-Louise Thorel, députés.
Procès-verbal des précédentes séances
Le procès-verbal de la session des 21, 22 et 28 avril 2005 est adopté.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
La présidente. Nous sommes au point 4a. La liste des projets de lois renvoyés sans débat a été déposée sur vos places. Je vais vous l'énoncer. Il vous est proposé de renvoyer ces projets de lois dans les commissions suivantes:
Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi sur la bourse de Genève (D 2 15) ( PL-9531)
à la commission des finances;
Projet de loi de Mmes et MM. Philippe Glatz, Anne-Marie Arx-Vernon von, Nelly Guichard, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Mario Cavaleri, Jean-Claude Egger, Guy Mettan, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier, Patrick Schmied constitutionnelle modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Eau) ( PL-9527)
Il n'y a pas unanimité sur le choix de la commission. Nous allons donc voter. Celles et ceux qui acceptent de renvoyer ce projet de loi à la commission législative voteront oui. Celles et ceux qui souhaitent le renvoyer à la commission de l'énergie et des services industriels de Genève voteront non.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9527 à la commission législative est adopté par 32 oui contre 20 non.
Nous passons au projet de loi suivant:
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les procédés de réclame (F 3 20) ( PL-9528)
à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Projet de loi de M. Rémy Pagani modifiant la loi sur la juridiction des prud'hommes (juridiction du travail) (E 3 10) ( PL-9530)
à la commission judiciaire;
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 2'000'000F pour financer l'acquisition d'un robot chirurgical par télémanipulateur aux Hôpitaux universitaires de Genève ( PL-9526)
à la commission des finances;
Les deux projets de lois suivants sont renvoyés à la commission d'aménagement du canton:
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Perly-Certoux (création d'une zone de développement 4B et d'une zone de développement 4B affectée à de l'équipement public) au lieu-dit "En Tire " ( PL-9525)
Projet de loi de Mme et MM. Thomas Büchi, Hugues Hiltpold, Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, Jacques Follonier, Jacques Jeannerat, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Pierre Kunz, Ernest Greiner, Michel Ducret, Pierre Froidevaux sur les constructions et les installations diverses (L 5 05) (Surélévation d'immeubles existants) ( PL-9529)
La discussion immédiate est-elle demandée sur l'un de ces points ? Tel n'est pas le cas. Ces projets de lois sont donc renvoyés dans les commissions précitées.
Nous sommes au point 4b, et nous prenons les demandes de traitement en urgence formulées par le Conseil d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande d'urgence pour le point 126, projet de loi 9463-A, crédit d'investissement pour la construction et l'équipement d'un bâtiment pour le regroupement des services de l'environnement.
Mis aux voix, le traitement en urgence du projet de loi 9463-A est rejeté par 38 non contre 21 oui.
La présidente. Ce point ne sera donc pas traité ce soir.
Nous avons le plaisir de saluer à la tribune du public la présence de conseillers municipaux et de membres de l'exécutif de la commune d'Anières, sous la conduite de leur maire, M. Patrick Ascheri. Nous leur souhaitons la bienvenue et les remercions de l'intérêt qu'ils portent aux travaux de notre Grand Conseil. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, j'ai l'honneur de demander la mise en urgence des points - en français romand - septante-six, nonante-quatre et cent seize - 76, 94 et 116 - donc soixante-seize, quatre-vingt-quatorze et cent seize.
La présidente. Je mets d'abord aux voix cette demande d'urgence pour le point 76, projet de loi 9135-A sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales. Ensuite, je passerai la parole aux députés inscrits.
Mis aux voix, le traitement en urgence du projet de loi 9135-A est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
La présidente. Nous traitons maintenant la demande d'urgence pour le point 94, soit les projets de lois 8932-A et 8928-A avec la motion 1485-A, sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève.
Monsieur le député Weiss, avez-vous quelque chose à ajouter ?
M. Pierre Weiss (L). Oui, ce point est en relation avec le point 38.
La présidente. Très bien, nous allons grouper les deux points. Je mets aux voix l'urgence pour le point 94 avec le point 38 qui concerne la proposition de résolution 493: contrôle interne et systèmes de contrôle interne au sein de l'administration publique.
Mis aux voix, le traitement en urgence des PL 8932-A, PL 8928-A et M 1485-A - point 94 - avec la R 483 - point 38 - est rejeté par 32 non contre 31 oui et 1 abstention.
La présidente. M. Weiss a également demandé l'urgence pour le point 116, projet de loi 8746-B modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites.
Mis aux voix, le traitement en urgence du projet de loi 8746-B est adopté par 40 oui contre 26 non.
La présidente. Cet objet sera traité en urgence - en second point - ce soir, à 20h30.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC propose de traiter en urgence et conjointement le point 35, proposition de motion 1618, avec le point 97, proposition de motion 1634, concernant le budget 2006.
De même, nous souhaitons que soient traités les points 70 et 71, RD 444-A et RD 567, qui concernent les bilatérales, objets éminemment importants, puisque, comme vous le savez, une votation populaire aura lieu au mois de septembre.
Mis aux voix, le traitement en urgence du RD 444-A et du RD 567 est rejeté par 56 non contre 8 oui et 1 abstention.
La présidente. Monsieur Catelain, vous avez également demandé que le point 35 soit traité en urgence avec le point 97. Je rappelle qu'il s'agit respectivement des propositions de motions 1618 et 1634 concernant le budget 2006.
Mis aux voix, le traitement en urgence des propositions de motions 1618 et 1634 est rejeté par 44 non contre 21 oui.
La présidente. Ces points ne seront donc pas traités ce soir. En résumé, deux urgences le seront, ce soir à 20h30: les points 76 et 116.
Communications de la présidence
La présidente. Nous présentons nos condoléances à notre collègue M. Jean Rossiaud, qui vient de perdre son père.
Correspondance
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Complément de réponse du Grand Conseil au Tribunal fédéral concernant le recours de M. ZIEGLER Marco contre la loi 9423-1 modifiant la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève (voir corresp. 1993) ( C 2007)
Courrier du Tribunal administratif ordonnant l'appel en cause de IKEA S.A. concernant le recours SASMA S.A. contre la loi 9318 (Vernier, lieu-dit "La Renfile") (transmis à la commission d'aménagement du canton) (voir corresp. 1983) ( C 2008)
Courrier du Tribunal administratif ordonnant l'appel en cause de IKEA S.A. concernant le recours RAMPINI S.A. contre la loi 9318 (Vernier, lieu-dit "La Renfile") (transmis à la commission d'aménagement du canton) (voir corresp. 1984) ( C 2009)
Courrier du Conseiller administratif M. FERRAZINO Christian transmettant copie de sa lettre au président du DAEL, M. MOUTINOT Laurent, concernant le PL 9516 (PLQ 28670B-264, Arve et avenue de la Roseraie) (transmis à la commission d'aménagement du canton) ( C 2010)
Courrier de Mme ERAZO Ximena, coprésidente de l'UEDH, concernant le rapport 8829-B (point 28) (transmis à la commission des droits de l'Homme) ( C 2011)
Courrier adressant copie de la réponse du président du DAEL, M. MOUTINOT Laurent, au Conseiller administratif M. FERRAZINO Christian concernant le PL 9516 (voir corresp. 2010) ( C 2012)
Réponse du Conseil d'Etat à la présidence du Grand Conseil concernant "la brochure explicative des votations du 24 avril 2005" (voir corresp. 1982) ( C 2013)
Courrier de l'Association des Habitants du Quartier La Tour intitulé "Equipement d'antennes Swisswifi sur le territoire genevois" transmettant copie de sa lettre à M. DUCRET Daniel-John (Management consultant Swisswifi) ( C 2014)
Courrier de la présidence du Grand Conseil au Conseil d'Etat intitulé "Questions écrites en suspens" (voir art. 165, al. 3 de la LRGC) ( C 2015)
Courrier de la présidence du Grand Conseil aux membres élus par le Grand Conseil au sein du Conseil de l'Université (élection par le Grand Conseil de deux membres de la commission de désignation du recteur de l'Université) (transmis à la commission de l'enseignement supérieur) ( C 2016)
Courrier de l'Organisation mondiale pour l'éducation et la formation professionnelle pour enfants et adolescents démunis, intitulé "Demande de subvention" ( C 2017)
Annonces et dépôts
M. Hugues Hiltpold (R). J'annonce, au nom du groupe radical, le dépôt d'un projet de loi constitutionnelle réformant nos institutions conformément à notre projet «Gouverner Genève», que vous avez toutes et tous en votre possession.
La présidente. La commission judiciaire nous informe qu'elle désire renvoyer le projet de loi suivant à la commission législative:
Projet de loi de MM. Mark Muller, Christian Luscher, Blaise Matthey modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05) ( PL-9278)
M. Hugues Hiltpold (R). J'annonce le retrait de la résolution 492, figurant au point 37 de notre ordre du jour:
Proposition de résolution de MM. Pierre Kunz, Pierre Froidevaux, Hugues Hiltpold, Gabriel Barrillier, Jacques Follonier, Michel Ducret, Jean-Marc Odier, Thomas Büchi : Quelles sont les causes de l'incapacité du Conseil d'Etat à élaborer des budgets fiables et de les respecter ? ( R-492)
La présidente. Il en est pris acte.
Je vous informe que les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:
Pétition au sujet de graves dysfonctionnements du système judiciaire genevois ( P-1525)
Pétition : Les médias romands - radios et télévisions - aux artistes, gens de lettres et créateurs romands ... Mais à tous ! ( P-1537)
Pétition : Pas de pertes de prestations à la Jonction ( P-1538)
Pétition demandant la modification de l'art. 36 du règlement sur la propreté (F 3 15.04) ( P-1539)
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer à la commission fiscale la pétition suivante:
Pétition : Désaccord fiscal de 140 millions entre le Pouvoir judiciaire et le Département des finances découlant d'évaluations divergentes quant à la nature des sociétés offshore du groupe Franck Muller ( P-1534)
Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe qu'aucun rapport de grâce ne figure à notre ordre du jour.
Par ailleurs, les deux élections suivantes - respectivement aux points 12 et 13 - sont reportées, faute de candidats: E 1308, élection complémentaire de trois secrétaires du Bureau du Grand Conseil, et E 1316, élection d'une ou d'un membre de la commission administrative de la Fondation officielle de la jeunesse, en remplacement de Mme Nussbaumer Stéphanie (Ve), démissionnaire.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Faruk Osmani, présenté par le parti Les Verts.
Etant seul candidat, M. Faruk Osmani est élu tacitement.
Vous avez trouvé sur vos places les textes des réponses du Conseil d'Etat aux interpellations urgentes écrites suivantes:
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 07 (avril 2005) - Séance 37 du 22.04.2005
Cette interpellation urgente écrite est close.
La présidente. Concernant la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, vous avez trouvé sur vos places un récapitulatif des projets de lois du Conseil d'Etat. Il s'agit des projets de lois 9532 à 9539, points 17 à 24 de l'ordre du jour, ainsi que des projets que vous avez reçus sur vos tables: projets de lois 9540 à 9547 et 9549 à 9555. Ces projets de lois sont renvoyés à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant prendre notre ordre du jour bleu et traiter le premier point, c'est-à-dire le point 25.
Premier débat
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité ad interim. J'aimerais tout d'abord rappeler que le projet de loi que nous traitons ce soir est ancien, puisqu'il date de septembre 1996. Son objectif est de permettre au Tribunal administratif d'ordonner la réintégration d'un membre du personnel de la fonction publique lorsque celui-ci a été licencié, et de manière jugée abusive par le Tribunal administratif. Voilà pour le fond du projet de loi.
Pour ce qui est de la forme - je reprends aujourd'hui le rapport de mon estimé collègue, M. Lescaze - je constate un petit problème. Effectivement, la fin de son rapport mentionne que la commission des finances a refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi, alors que ce Grand Conseil l'avait acceptée en 1999. Nous nous trouvons donc dans une situation quelque peu délicate. Deuxième problème... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Les articles de ce texte de loi qui figure dans le rapport sont complètement dépassés. Qu'il s'agisse de l'article 1 souligné... (Brouhaha.)
La présidente. Monsieur le rapporteur, attendez quelques instants ! J'ai beau demander le silence, personne n'écoute... (Commentaires.)Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur !
M. Jean-Marc Odier. Je reprends. Qu'il s'agisse de l'article 30, sous l'article 1 souligné, ou de l'article 8, sous l'article 2 souligné et qui concerne le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, la loi B 5 05 ayant été modifiée entre-temps, ces articles ne sont plus du tout compatibles avec le texte actuel de cette loi.
Autant dire que nous nous apprêtons à devoir nous prononcer sur un projet assez flou, puisque personne dans cette salle n'a sous les yeux un texte conforme. Dans ces conditions et pour éviter de faire un débat de commission en séance plénière, il me semblerait sage de renvoyer ce projet de loi en commission, bien que cela paraisse absurde de l'y renvoyer une deuxième fois. En outre, puisque la commission ad hoc sur le personnel de la fonction publique est actuellement en train de traiter un autre projet de loi beaucoup plus vaste que celui-ci, c'est une raison de plus pour lui renvoyer ce projet de loi qui, lui, traite seulement du licenciement abusif.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je note que vous demandez le renvoi de ce projet de loi à la commission ad hoc. Monsieur Mouhanna, je vous donne la parole en votre qualité de rapporteur de minorité.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Madame la présidente, je vais vous surprendre: je suis d'accord ! Par conséquent, j'attends le résultat du vote.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Des députés sont encore inscrits... Monsieur Iselin, voulez-vous tout de même vous exprimer ?
M. Robert Iselin (UDC). Nous sommes d'accord avec la proposition faite par le rapporteur de majorité.
La présidente. Merci, Monsieur Iselin. Monsieur Velasco, vous avez la parole, mais uniquement sur le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S). Je dirai simplement que le groupe socialiste soutient le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est adopté par 55 oui contre 16 non.
Premier débat
La présidente. Madame la rapporteure, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse. Je n'ai rien à ajouter, mais j'aimerais juste rappeler le contexte de ce projet de loi: il a été déposé à l'issue de la table ronde de 1998; il faisait en fait partie d'un package de deux projets de lois dont l'esprit rejoignait celui de l'initiative 113 déposée par la gauche, initiative qui avait été acceptée dans un premier temps par une petite majorité du peuple - en 2002 - et dont la concrétisation avait ensuite été refusée beaucoup plus largement - en mai 2003. Aujourd'hui, le projet de loi que nous examinons concerne le volet «Imposition des personnes morales». Et l'autre projet de loi, qui a déjà été refusé par ce Grand Conseil, concernait le volet «Imposition sur la fortune».
Le projet de loi qui nous occupe ce soir est également lié à un projet de loi - que nous avions voté, je crois, en 1998 ou 1999 et qui avait été déposé par Christine Sayegh et Micheline Calmy-Rey, alors députées - dont l'objectif était d'instaurer un taux unique dans l'imposition du bénéfice des personnes morales. Le projet de loi qui nous est soumis ce soir revient donc sur cet ancien projet, déposé également par un parti de gauche à l'époque. La commission fiscale a décidé, dans l'attente de la décision du peuple quant à l'initiative 113, de ne pas traiter ce projet de loi. Et suite au verdict clair des urnes par rapport à cette dernière, la commission a choisi de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, à l'unanimité moins quelques abstentions.
Je vous propose de faire de même ce soir.
M. Robert Iselin (UDC). Je serai bref. Je trouve que la gauche ne propose qu'une et sempiternelle solution à tous les problèmes: augmenter les impôts ! Je peux vous dire que le canton de Genève connaît les impôts les plus élevés de Suisse ! (L'orateur est interpellé.)De très loin, de très loin !
Nous soutiendrons donc la proposition de la rapporteuse de majorité.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Monsieur Iselin, vous venez de dire que la gauche n'a qu'une idée, celle d'augmenter les impôts... Eh bien, non, Monsieur Iselin, la seule préoccupation de la gauche, c'est de faire en sorte que les besoins fondamentaux, vitaux, de la population soient assurés par le biais d'un Etat social fort. Pour ce faire, les moyens financiers nécessaires doivent être trouvés là où ils sont, c'est-à-dire là où il y a de l'argent !
Vous avez soutenu le rapport de majorité sans aucune argumentation... (L'orateur est interpellé.)De toute façon, on sait bien comment les choses se passent: la majorité automatique, dite «anti-impôts» - n'est-ce pas? - n'a qu'une idée en tête... (L'orateur est interpellé. La présidente agite la cloche.)Faire le plus de cadeaux possibles à ceux qui en ont le moins besoin... (Exclamations.)... et s'attaquer au rôle social de l'Etat ! (L'orateur est interpellé.)Ne vous fatiguez pas: vous pouvez dire ce que vous voulez, j'utiliserai mon temps de parole ! J'ai un certain nombre de choses à dire, et je les dirai !
Je reprends. De quoi s'agit-il dans ce projet de loi ? Il s'agit tout d'abord de faire en sorte que les entreprises - dont on nous vante les grands mérites, au niveau de la création d'emplois - contribuent, précisément, au bon fonctionnement de l'Etat lorsqu'elles réalisent des bénéfices importants. Et on a vu comment certaines entreprises utilisent ces bénéfices importants... Par exemple, on a assisté dernièrement à la publication de résultats d'entreprises, notamment de grandes banques, qui réalisent des milliards de bénéfices et qui, dans le même temps, suppriment des milliers d'emplois. Elles transfèrent, de ce fait, le coût social de ces suppressions d'emplois sur les collectivités publiques, auxquelles on demande en même temps de réduire leurs dépenses... Cette logique est évidemment une logique de droite, et c'est la logique que vous, les députés d'en face, défendez ! Ce n'est pas la nôtre du tout !
Dans le projet qui nous occupe, nous parlons de bénéfices nets, d'une augmentation du taux d'imposition véritablement modeste, mais qui permettrait de contribuer à l'assainissement des finances publiques que vous feignez - je parle de la droite - d'appeler de vos voeux. Vous prétendez vouloir renflouer les caisses de l'Etat, alors qu'en réalité toutes vos décisions vont dans le sens inverse.
Vous avez parlé, Madame la rapporteure, de l'initiative fiscale qui avait été lancée par l'Alliance de gauche: vous savez bien que le peuple l'a acceptée. Ce qui a été refusé, Madame, c'est la loi concrétisant cette initiative. Celle-ci est donc toujours valable ! C'est la loi qui a été rejetée et non l'initiative. L'initiative est l'expression de la volonté populaire. Le peuple ayant voté oui, nous sommes légitimement fondés à aller de l'avant à chaque fois que nous le pouvons et que nous le voulons. D'ailleurs, nous l'avons fait en déposant un projet de loi sur l'imposition des hauts revenus et un projet de loi sur l'imposition des grandes fortunes, provisoirement lié, en ce qui concerne le deuxième projet, au taux de chômage. Deux projets de lois ont donc été déposés. Deux initiatives sont lancées. Nous repartons ainsi à l'assaut de ce que j'appellerai ces «nids de capitaux», qui ne cessent de s'accumuler au détriment des travailleurs, au détriment de la population.
Vous dites que le peuple a rejeté cette augmentation d'impôts... J'affirme que c'est faux ! L'initiative a été acceptée et il faudra, précisément, rééquilibrer le partage du fruit du travail un jour ou l'autre, c'est-à-dire moins pour le capital et plus pour les travailleurs et la population. Et c'est justement par ce biais que nous arriverons à renflouer les finances publiques.
C'est la raison pour laquelle nous considérons que ce projet de loi doit être accepté par notre Grand Conseil, s'il veut véritablement renflouer les finances publiques. Et, je le répète, ce qui est demandé ici est tout à fait modeste... On nous sert de temps en temps - voire très souvent, quand il s'agit de fiscalité - l'argument selon lequel une augmentation des impôts ferait partir les entreprises... Je vous dirai qu'elles partent de moins en moins. Elles n'ont plus besoin de partir: elles importent - c'est de plus en plus le cas - de la main-d'oeuvre à bon marché et font du dumping salarial ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Elles font ainsi, une fois de plus, pression sur les salariés, les travailleurs, elles génèrent du chômage et accumulent des profits de plus en plus importants.
Votre vote va donc montrer le véritable visage de la majorité de droite, qui n'a qu'une idée en tête: faire davantage de cadeaux aux riches, ce qui provoque plus de peine et plus de problèmes pour les travailleurs et la population.
La présidente. Merci, Monsieur Mouhanna. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: M. Christian Brunier, M. Jean Rémy Roulet, M. Pierre Froidevaux, Mme Mariane Grobet-Wellner, M. Robert Iselin et Mme Stéphanie Ruegsegger.
M. Christian Brunier (S). Je pense que nous sommes d'accord sur deux points. Tout d'abord, l'Etat doit tenter de répondre aux besoins de la population. Personne ici ne dira le contraire ! Reste à définir quels sont ces besoins. Ensuite - et c'est une chose sur laquelle, me semble-t-il, nous sommes tous d'accord aussi - les finances publiques ne sont pas fameuses...
A partir de là, il y a deux leviers possibles pour améliorer les finances publiques. Le premier consiste à optimiser les coûts. Des députés ont quelques idées à ce sujet, notamment en améliorant les processus de l'Etat. Le deuxième consiste à assurer un financement équitable de l'Etat. Il y a plusieurs moyens d'y arriver, et aujourd'hui l'Alliance de gauche nous propose l'un d'entre eux, c'est-à-dire l'augmentation de la fiscalité des entreprises.
Il est certain qu'aujourd'hui, par rapport à la crise que connaît le canton, certaines grandes entreprises réalisent des bénéfices très importants. Est-il sage ou non de leur demander un effort de solidarité, et cet effort de solidarité - par le biais d'une augmentation provisoire et très mesurée de la fiscalité - peut-il mettre en danger l'économie ? C'est la question qu'il faut se poser aujourd'hui.
L'UDC a déjà répondu en disant qu'il ne fallait rien demander de plus aux entreprises, qui seraient déjà trop imposées à ses yeux... Eh bien, non, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse spécialement à l'UDC - la fiscalité des entreprises n'est pas trop élevée ! Je vous livre deux messages pour illustrer mes propos. Et ces messages ne viennent pas de la gauche, mais de vos rangs... (Commentaires.)Le premier vient du Conseil fédéral, à propos de l'attractivité des entreprises en Suisse. Selon lui, nous avons les impôts sur les bénéfices les plus bas des pays européens et des pays de l'OCDE et la fiscalité est aujourd'hui spécialement attractive dans l'ensemble des cantons suisses pour les entreprises.
Le deuxième message vient de Pierre Muller, conseiller administratif de la Ville de Genève, libéral, qui dit la même chose dans un article sur Internet, intitulé «Autorités et fiscalité favorables aux entreprises». Il y insiste pour montrer que la fiscalité est très attractive à Genève et que les entreprises peuvent s'installer dans notre canton en toute sérénité. Les libéraux disent donc - en tout cas en dehors de ce parlement - que la fiscalité est attractive et que certaines grandes entreprises font des bénéfices importants.
Ainsi, nous pouvons entrer en matière sur ce projet de loi, puisqu'il ne fait que demander le retour au taux d'imposition qui était appliqué il y a quelques années, lorsque l'économie était florissante. A l'époque, cela ne posait pas de problème !
D'autre part, je vous rappelle que ce projet de loi lie l'augmentation d'impôt au taux de chômage. Cela veut dire que, si le taux de chômage baisse, cette disposition provisoire disparaîtra. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Et puis, je vous rappelle que la plus grande partie de l'impôt récolté servira à promouvoir l'emploi.
Finalement, cette augmentation d'impôt toucherait très peu d'entreprises, uniquement celles qui réalisent de très gros bénéfices. Je vous rappelle à cet égard que la plupart des entreprises genevoises qui composent le tissu économique genevois - les PME, PMI - ne payent pas d'impôt sur les bénéfices. Cette mesure n'aurait donc pas d'incidence négative sur le tissu économique genevois, elle ne concernerait, je le répète, que quelques grandes entreprises qui réalisent de gros bénéfices. Cette mesure permettra de renflouer les caisses de l'Etat momentanément tout en maintenant une attractivité très importante pour les entreprises.
Je ne vois donc aucune raison pragmatique de nous opposer à ce projet de loi !
La présidente. Merci, Monsieur Brunier ! Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que la liste a été close, y compris avec M. David Hiler. Monsieur Roulet, je vous donne la parole.
M. Jean Rémy Roulet (L). Je vous rappelle tout d'abord le cadeau libéral en matière de fiscalité, d'une logique implacable: il s'agit d'accroître l'assiette fiscale de ce canton, donc d'accroître les recettes en favorisant l'implantation d'entreprises - c'est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui - et, bien sûr, d'alléger la fiscalité des personnes physiques pour que de plus en plus de personnes viennent s'installer dans notre canton.
Justement, en matière d'imposition des personnes physiques, je vous dirai que nous avons atteint une partie de nos objectifs, puisque la population a voté une baisse d'impôt de 12% et plébiscité la suppression des droits de succession, et qu'il y a encore du travail à faire, Mesdames et Messieurs les députés, notamment lors de la prochaine législature, à savoir la refonte totale du barème d'impôt de notre loi cantonale.
En matière de personnes morales, par contre, les chantiers sont encore ouverts. Et contrairement à ce qui vient d'être dit, la fiscalité de ces personnes morales nécessite une attention particulière, notamment sur deux points: Genève est encore un des rares cantons à percevoir un impôt sur le capital, à savoir qu'à peine après avoir mis sur pied, bâti, construit une entreprise, et avant que celle-ci ne dégage le moindre bénéfice, l'impôt est prélevé. C'est tout à fait inacceptable ! Il faudra, dans les années à venir, corriger ce surplus d'impôt.
Il y a également la taxe professionnelle qui pénalise les entreprises, dans ce sens que, plus elles embauchent, plus l'impôt est lourd. Et sur ce point aussi le parlement aura matière à réfléchir sur la pertinence de cette taxe. Maintenant, venons-en, si vous le voulez bien, à ce projet de loi. Il s'agit pour les libéraux, de répéter ce qu'ils ont dit il y a quelques années de cela. A savoir que ce projet de loi est à la fois - j'avais utilisé le mot «hold-up» il y a quelques mois, je dirai maintenant un «racket», et je donne la définition précise du «racket» à celles et ceux que cela intéresse: le racket est un prélèvement effectué par la force, par la contrainte, de l'argent qui n'appartient pas à celui qui commet ce forfait.
Mais c'est également une tromperie. Pour quelle raison ? Parce que ce projet de loi prévoit que ces taux d'imposition, je cite: «... sont maintenus tant que le taux de chômage dans le canton dépassera 2%...». Dites-moi, Mesdames et Messieurs les députés, depuis quand avons-nous connu un taux de chômage de moins de 2% ? (L'orateur est interpellé.)Je pense que je n'étais pas encore né !
Pour toutes ces raisons - plus celle-ci, à savoir que vous allez prélever, si ce projet de loi est voté, de l'argent sur les 200 plus grandes entreprises du canton qui marchent bien, celles qui procurent encore et toujours du travail à Genève - Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, je vous en prie, gardez raison et suivez la majorité de la commission, qui vous propose de refuser ce projet de loi !
M. Pierre Froidevaux (R). Je trouve M. Roulet bien gentil de dire que ce projet de loi est une tromperie... C'est une véritable tartufferie !
Chers collègues, ce projet de loi a été déposé par des députés de l'Alliance de gauche, à une période où la gauche avait la majorité au parlement. Et j'apprends tout à coup que les socialistes vont aussi le voter ?! Laissez-moi vous faire part de ma surprise !
Ce projet propose d'imposer davantage les personnes morales... Vous aviez une législature entière - quatre ans - pour le concrétiser, mais vous n'avez jamais rien proposé en commission pour aller de l'avant et trouver une solution. Et puis, après que notre majorité a réglé ce problème, très clairement, et alors qu'aucun d'entre vous ne s'y est opposé en commission, vous venez nous dire en plénière que nous ne serions pas solidaires, que nous ne soutenons pas les prestations de l'Etat, que nous avons tous les défauts du monde... Alors que - je le répète - vous n'avez jamais proposé la moindre solution en commission !
Je suis extrêmement choqué par cette loufoquerie, et par vos propos, Monsieur Mouhanna, qui laissent sous-entendre que nous voudrions vider les caisses de l'Etat car nous refusons toute augmentation d'impôt... Monsieur Mouhanna, je vous rappelle que la gauche n'ose même pas voter ce projet de loi ! Si jamais, après avoir voté une loi fiscale sur les personnes morales, avec un taux fixe à 10%, nous modifiions rapidement la loi fiscale, ce serait le pire signe que nous pourrions donner aux entreprises, car cela modifierait leur assiette fiscale ! Ce serait la destruction des emplois ! (Commentaires.)Vous râlez, vous êtes fâchés, mais sachez que cet argument a convaincu tous les commissaires de gauche et la conseillère d'Etat devenue conseillère fédérale entre-temps...
Je vous en prie, il faut savoir garder raison dans un tel projet de loi: si, véritablement, vous voulez maintenir un état social, ne déstabilisez pas les entreprises qui viennent s'implanter à Genève et n'entrez pas en matière - comme les députés raisonnables de votre bord l'ont fait en commission - sur ce projet de loi ! Refusez ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Tout d'abord, depuis fin 2003, la situation économique du canton n'a cessé de s'aggraver, et nous mesurons aujourd'hui pleinement les conséquences de la baisse d'impôt cantonal de 12%: l'Etat se voit privé chaque année - je le rappelle - de quelque 400 millions de recettes fiscales. A ce jour, la perte cumulative se monte à près de 1,5 milliard, ce qui a eu pour résultat d'augmenter la dette d'autant.
Lors de la votation de 2002, l'initiative 113 non formulée avait été acceptée par la population. Deux ans après, c'est de justesse que la population a refusé la loi concrétisant l'initiative, et non pas l'initiative. Je tiens à rappeler à cet égard que la droite avait fait une campagne vigoureuse contre la loi, brandissant la menace d'une fuite massive des gros contribuables si l'on augmentait les impôts, même de façon minime... Eh bien, cela est rigoureusement faux !
Une comparaison internationale récente, qui date de janvier 2003, effectuée par KPMG Fides et IMD - Institute for Management Development - montre que la Suisse est très bien placée, puisqu'elle se situe juste derrière l'Irlande en ce qui concerne les taux maximaux et moyens d'imposition sur le revenu.
Au niveau de la Suisse, le système en vigueur à Genève, d'un taux fixe de 10% - on peut appeler cela un flat tax -a évidemment pour effet de pénaliser, comparativement, les entreprises à faible rendement. En revanche, pour les entreprises dont les rendements sont meilleurs, Genève s'approche de Zurich, Soleure, et de Bâle-Ville et Bâle-Campagne. Cette comparaison intercantonale annuelle a été réalisée par le Département fédéral des finances.
Les décisions de localisation des entreprises se fondent bien davantage sur des critères de poids comme la qualité des infrastructures, le logement, les écoles et la disposition d'une main-d'oeuvre qualifiée sur place. A force de priver l'Etat des ressources indispensables pour pouvoir fournir des prestations de qualité à la population, on dégrade la cohésion sociale: la qualité de l'enseignement, notamment, et la situation en matière de logement - qui empire, puisqu'il est de plus en plus difficile de trouver un logement. C'est sur ces critères que les entreprises décident de s'implanter ou de fuir vers d'autres destinations ! Et non pas en raison d'une légère augmentation de la fiscalité, augmentation qui doit permettre à l'Etat de garantir la qualité de ses prestations à la population !
Pour les socialistes, il est urgent de rétablir la situation et d'examiner sérieusement toute piste pour y arriver. Cette proposition en est une, et c'est la raison pour laquelle les socialistes, dans le contexte actuel, soutiennent ce projet de loi et vous demandent de le renvoyer à la commission fiscale, afin, cette fois-ci, de l'étudier de manière sérieuse. (Applaudissements.)
La présidente. Vous demandez donc, Madame, le renvoi en commission de ce projet de loi. Monsieur Iselin, je vous donne la parole, mais je vous prie de ne vous exprimer que sur le renvoi en commission.
M. Robert Iselin (UDC). Madame la présidente, je n'avais pas l'intention de m'exprimer sur le renvoi en commission... Je pense que ce dernier est tout à fait inutile, dans la mesure où les arguments dans ce sens ont été avancés suffisamment clairement par mes collègues du parti libéral et du parti radical.
Je ferai une simple observation: la suggestion d'aller prendre l'argent «là où il est» n'est ni très originale ni très futée... Et la gauche pourrait, une fois, nous étonner en nous expliquant comment prendre l'argent là où il n'est pas !
La présidente. Je donne la parole à M. David Hiler en le priant également de se prononcer sur le renvoi de ce projet à la commission fiscale.
M. David Hiler (Ve). Ça tombe bien: c'est justement ce que nous souhaitions demander ! Et je vais vous exposer très exactement pour quelle raison.
Au préalable, il faut tout de même remettre dans son contexte ce qui s'est passé. Il y a quelques années, on a changé la manière d'imposer les entreprises: le système précédent était extraordinairement favorable aux entreprises très fortement capitalisées, on en est donc arrivé au taux unique, avec une mesure d'accompagnement - tout de même - consistant en une baisse de la taxation du capital des entreprises. La question qui se posait et qui se pose toujours - et c'est pour cela qu'il faut, me semble-t-il, renvoyer ce projet de loi en commission - n'est pas inintéressante, elle est la suivante: faut-il, comme certains cantons suisses, passer à un taux progressif ? C'est une possibilité qui avait été envisagée, mais, si le débat n'a pas eu lieu à ce sujet, c'est précisément parce qu'il fallait voter la concrétisation de l'initiative. Or cette concrétisation reprenait certains éléments de ce projet de loi, modifiés, tout simplement parce que celui-ci, sous sa forme actuelle, n'est pas très bon, il faut quand même le dire... Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous abstiendrons si nous n'obtenons pas son renvoi en commission.
Pourquoi ce projet de loi n'est-il pas très bon ? D'abord - cela a été dit - parce que le taux fixé à 2% n'a pas de sens dans la situation actuelle. Il faudrait tout de même fixer la barre un peu plus haut. Ensuite, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose d'associer une mesure fiscale à un taux de chômage... Intellectuellement, c'est très séduisant; informatiquement, c'est quelque peu difficile à réaliser et c'est assez insecure, au niveau des entreprises, qui aiment bien savoir ce qu'elles vont devoir payer.
Si nous voulons travailler sur ce projet en commission, c'est sur les bases suivantes. Premièrement: introduction - comme certains cantons suisses le font déjà, je le répète - d'une notion de progressivité, mais dans les deux sens, de l'impôt sur le bénéfice. Deuxièmement, et cela me semble important: si nous décidions de prendre cette mesure, il faudrait abolir la taxation sur le capital des entreprises, qui est une mesure stupide. En effet, une entreprise qui perd de l'argent - ce qui arrive périodiquement à certaines - est imposée, par le biais de l'imposition sur le capital, même quand elle subit des pertes... Elle est imposée sur ce qu'elle possède, sur son outil de production ! Ce deuxième aspect mérite à lui seul de corriger la loi. Troisièmement, et je suis désolé d'avoir à vous le dire, Monsieur Mouhanna: imposer le bénéfice net ne suffit pas à résoudre les problèmes ! Quand on impose le bénéfice, on impose ce qui est redistribué... Je vous assure que je n'ai aucun problème à imposer un peu plus ce qui est redistribué que ça ne l'est actuellement ! Par contre, je ne suis pas d'accord pour ce qui est d'imposer davantage la capacité d'auto-investissement de l'entreprise, ce qui serait le cas dans cette loi ! Et je ne suis pas sûr du tout que cela soit judicieux.
En outre, je vous dirai, Monsieur Mouhanna, que certaines entreprises qui comptent parmi les gros contribuables - je ne peux pas les citer, mais nous les connaissons tous, cela a un rapport avec l'horlogerie - offrent beaucoup d'emplois à Genève. Il ne s'agit pas d'entreprises qui délocalisent; elles viennent au contraire s'implanter durablement, avec des bâtiments dont vous avez pu voir qu'ils ne sont pas modestes... Contrairement à d'autres entreprises dans d'autres secteurs, elles ont énormément investi sur place et offrent un énorme nombre d'emplois. Ce sont du reste les seules très grosses entreprises que nous ayons à Genève et, par conséquent, ce sont les seules à payer des impôts sur le bénéfice, puisque la plupart des petites entreprises n'en payent que très peu.
Dans ces conditions, je pense qu'on peut tous être d'accord - en tout cas sur les bancs de l'Alternative nous le sommes, avec tous ceux qui admettent qu'il faut réfléchir aux systèmes fiscaux - sur le fait qu'il y a des questions qu'on peut se poser sur la fiscalité des entreprises, que la réforme précédente a été digérée et qu'on a donc le droit de parler de choses nouvelles, que - malheureusement, ce que vous avez dit est faux, Monsieur Mouhanna - l'initiative a abouti, elle a été acceptée par le peuple; c'est sa concrétisation qui a été refusée ! C'est comme pour la traversée de la Rade, ça s'arrête - heureusement - mais on a le droit de faire des propositions nouvelles !
Mesdames et Messieurs, je crois que c'est vraiment l'occasion de réfléchir à la fiscalité des entreprises, et je dirai à ceux qui ne veulent pas l'augmenter que je suis persuadé qu'un système progressif sur le montant des bénéfices, mais sans imposer le capital, serait bien meilleur sur le plan économique ! Et si, par la même occasion, on récoltait 30 ou 40 millions de plus, je ne pense pas que ça léserait qui que ce soit...
Mais c'est vous qui avez la majorité, Mesdames et Messieurs les députés ! Et il ne serait pas très intelligent de refuser de discuter de ce sujet important. Je soutiens donc de toutes mes forces, avec mon groupe, la proposition faite par Mme Grobet, de renvoyer ce projet de loi en commission.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Kunz, je vous donne la parole, sur le renvoi en commission uniquement.
M. Pierre Kunz (R). Oui, Madame la présidente ! Mesdames et Messieurs les députés, les explications de M. Hiler sont extrêmement intéressantes, voire pertinentes, et il faudra nous en souvenir lorsque le moment sera venu de traiter le problème de la fiscalité des entreprises. Mais la décision de renvoyer ou non ce projet de loi en commission n'a rien à voir avec son exposé très intéressant !
Il s'agit simplement de savoir ce que nous voulons faire de ce projet de loi, dont le seul objectif, avoué, repris dans les arguments de l'Alliance de gauche et du parti socialiste pour lancer leur campagne électorale, c'est: «faire payer les riches» ! Eh bien non, ce n'est pas du tout ce que nous voulons ! (Rires et exclamations.)Non, ce n'est pas du tout ce que nous voulons ! Nous voulons parler sérieusement de la fiscalité ! Or, ce projet de loi est totalement inadéquat, anachronique - stupide, excusez-moi de le dire ! - et c'est pour cela qu'il ne faut pas le renvoyer en commission mais le rejeter !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous donne la parole, Monsieur Mouhanna, toujours uniquement sur le renvoi en commission...
M. Souhail Mouhanna (AdG). Merci, Madame la présidente. Tout à l'heure, M. Hiler devait uniquement s'exprimer sur le renvoi en commission, pourtant j'ai entendu un long plaidoyer... Je serai beaucoup plus bref que lui et me prononcerai sur le renvoi en commission, bien sûr !
Tout d'abord, je viens d'entendre M. Kunz dire qu'il voudrait enrichir les riches... Et, pour enrichir les riches, il faut évidemment que les pauvres soient plus nombreux ! On voit bien que c'est l'objectif qu'il poursuit depuis très longtemps ! (Exclamations.)
Monsieur Hiler, permettez-moi de dire que j'ai noté quelques contradictions dans votre intervention. D'un côté, vous nous vantez les entreprises installées à Genève qui offrent beaucoup d'emplois, en expliquant qu'il ne faut pas les imposer, car cela hypothéquerait, précisément, l'offre d'emplois dans ces entreprises. Dans le même temps, vous soutenez le renvoi en commission de ce projet de loi en disant que vous êtes favorable à une imposition progressive. Vous n'êtes donc pas du tout opposé à l'imposition des bénéfices, puisque vous pouvez concevoir une imposition progressive sur les bénéfices ! Il y a donc quelque chose que je ne comprends pas dans votre raisonnement.
Vous dites que vous voulez réduire l'impôt sur le capital... Vous savez très bien, Monsieur Hiler, qu'à Genève il y a des entreprises très fortement capitalisées qui n'ont quasiment pas d'employés... Et abolir l'impôt sur le capital serait leur faire un énorme cadeau, alors qu'elles ne créent aucun emploi et qu'elles font, précisément, des affaires purement financières, avec certaines personnes sur place. Au niveau de l'emploi, ce n'est pas quelque chose de rentable pour le canton.
Vous parlez d'imposer les bénéfices et, dans le même temps, vous nous reprochez de vouloir prendre l'argent où il est... Je vous rappelle qu'il s'agit d'imposer les bénéfices nets, la part qui dépasse les provisions et les réserves faites par les entreprises... (L'orateur est interpellé.)Vous dites que c'est faux, alors examinons cela en commission ! Nous sommes d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission, et, comme on y examinera tous ces éléments-là, eh bien, nous verrons si, véritablement, les uns et les autres, vous voulez imposer les bénéfices réalisés par les entreprises, pour que les sommes ainsi récoltées soient redistribuées aux collectivités publiques ! Je vous rappelle quelque chose de très important: si ce projet de loi était adopté tel quel - sans parler de ce qu'il résulterait des travaux de la commission - il ne toucherait qu'une infime minorité des entreprises.
Je vous rappelle également que l'Etat consent des allègements fiscaux énormes - plusieurs centaines de millions - aux entreprises qui viennent s'installer à Genève. Vous ne pouvez donc pas dire qu'en imposant les entreprises on les ferait fuir ! Les allègements fiscaux ont attiré de nombreuses entreprises, mais, de cela, vous ne parlez pas ! Vous n'avez qu'à regarder les comptes de l'Etat et le rapport de gestion: vous constaterez que ces allègements représentent des centaines de millions ! D'ailleurs, certaines entreprises partent quand elles ne peuvent plus profiter de ces allègements. Je ne dis pas que c'est le cas pour toutes les entreprises, mais cela existe. Mais, puisque...
La présidente. Monsieur le député, ayez la gentillesse de vous exprimer sur le renvoi en commission !
M. Souhail Mouhanna. Encore trente secondes, Madame la présidente ! Mesdames et Messieurs, vous ne parlez jamais de solidarité entre les entreprises... Il y a des entreprises qui font faillite, des entreprises qui ne sont jamais aidées par les banques alors qu'elles le mériteraient - des petites et moyennes entreprises, notamment. Eh bien, ce serait peut-être l'occasion de faire en sorte que l'Etat impose les gros bénéfices ! Pour pouvoir consentir des allègements fiscaux, précisément aux entreprises en difficulté. C'est cela, la solidarité entre les entreprises, mais vous n'en voulez pas ! M. Kunz dit qu'il ne veut surtout pas prendre de l'argent aux riches, que ce n'est pas son but... On sait bien quel est son but !
Nous sommes donc d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse. Je m'exprimerai après le vote sur le renvoi en commission, Madame la présidente.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais m'exprimer sur le renvoi en commission.
Quelles que soient les réflexions de M. Hiler, renvoyer en commission ce projet de loi n'apportera rien dans une discussion de ce type à l'heure actuelle, même si l'imposition du capital et l'aménagement de l'imposition des entreprises est un sujet important - qui avait d'ailleurs été abordé par d'autres biais par la commission fiscale. Cela n'apportera rien, d'autant moins - je dois vous le dire et si ma mémoire est bonne - qu'un projet de loi traitant de cette problématique est toujours en commission.
Pourquoi, en tant que représentante de l'Etat, est-ce que je ne souhaite pas que ce projet de loi soit renvoyé en commission ? Comme certains l'ont dit tout à l'heure, il est mauvais pour les entreprises de vivre dans l'incertitude. Et ce projet touche les 120 entreprises qui assurent 75% des ressources de l'impôt sur les personnes morales ! C'est donc un très petit nombre d'entreprises qui assure les trois quarts des ressources constituant l'impôt sur le bénéfice et sur le capital, soit à peu près 700 millions par an.
Il serait grave de prendre des dispositions, même provisoires, pour augmenter les impôts: ce serait donner un signal négatif à ces entreprises qui forment véritablement le socle de l'économie genevoise. Et le renvoi en commission de ce projet de loi, avec les arguments qui ont été développés, laisserait planer un doute sur l'issue des travaux, alors que les entreprises, comme cela a été dit tout à l'heure, ont besoin de stabilité dans le domaine fiscal. Que vous entamiez un débat de fond, je le dis... (Commentaires.)J'ai la courtoisie de ne pas vous interrompre lorsque vous parlez - j'essaie, en tout cas la plupart du temps, Monsieur Pagani... Je sollicite la même bienveillance de votre part et vous en remercie.
Je termine en disant simplement que le débat sur la fiscalité des entreprises peut avoir lieu, mais ce projet n'est pas l'occasion de le faire. En effet, son concept est de nature différente: il ne vise pas du tout à modifier le droit fiscal en profondeur, il vise à apporter une solution immédiate à une situation conjoncturelle difficile en proposant un très mauvais moyen, puisqu'il pèserait sur les entreprises qui fournissant l'essentiel de la richesse fiscale, aujourd'hui en augmentation. En augmentation probablement parce que la politique fiscale permet à ces entreprises de trouver leur compte à Genève tout en payant leurs impôts ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 7987 à la commission fiscale est rejeté par 49 non contre 35 oui.
La présidente. Madame la rapporteure, vous vouliez ajouter quelque chose, je vous donne la parole.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse. Tout d'abord, je vous prie de m'excuser d'intervenir après vous, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Je me rends compte maintenant que le fait d'avoir voulu prendre la parole après le vote sur le renvoi en commission m'y a amenée, j'en suis désolée, c'est peu courtois de ma part.
Je voulais juste relever quelques faits. Tout d'abord, déplorer l'absence des députés de l'Alliance de gauche en commission... Vous aurez en effet pu constater qu'ils n'ont pas jugé leur projet de loi suffisamment intéressant pour participer aux travaux de la commission fiscale qui a traité de ce projet de loi ! (Protestations.)Bien sûr, il n'y a ni la presse ni Léman Bleu à la commission fiscale, mais nous aurions tout de même été heureux de les entendre à cette occasion... (Rires et applaudissements.)
Pour ce qui est de l'étude de ce projet de loi, je dois dire que l'Alliance de gauche nous permet également d'approfondir le sujet, puisque ce projet est le troisième déposé sur le même modèle en très peu de temps et qu'il y en a encore un autre en commission... (L'oratrice est interpellée.)Exactement, ils font des photocopies ! Et lorsqu'on nous dit que ce projet de loi mérite d'être réexaminé en commission, étant donné que la situation a changé... Eh bien, apparemment, elle n'avait pas suffisamment changé à leurs yeux, pour qu'ils ne modifient qu'une seule virgule entre deux projets de lois déposés !
J'aimerais aussi revenir sur un élément évoqué par Jean Rémy Roulet, à savoir le seuil de 2% de chômage - M. Hiler s'y est également référé. Nous sommes tous conscients qu'il y a très peu de chance - malheureusement - pour que nous arrivions, ces prochains temps, à descendre au-dessous de ce seuil. Eh bien, le projet de loi de l'Alliance de gauche contribuerait encore moins à descendre au dessous de ce seuil, puisqu'il touche pratiquement 90% des 200 plus grosses entreprises que l'on va taxer davantage. Et certaines d'entre elles n'auront effectivement que le choix de s'expatrier dans d'autres cantons, ce qui aura un effet sur l'emploi. Mais un effet négatif ! Donc, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alliance de gauche, votre projet de loi ne ferait qu'augmenter le taux de chômage !
Enfin, j'en viens à la position socialiste. Je vous citerai - sans le nommer, sinon il demanderait le droit de répondre - les propos d'un député. Il disait, il y a une année, à propos de ce projet de loi - soit le volet «Personnes morales», alors que nous traitions à l'époque de l'autre projet de loi, le volet «Imposition sur la fortune»: «Les différentes votations qui ont eu lieu entre le dépôt de ce projet de loi et son traitement en commission l'ont cependant rendu obsolète. Les socialistes s'abstiendront donc sur ce projet de loi, comme ils l'ont fait en commission.» Une année s'est écoulée depuis lors, et nous nous rapprochons de la période électorale... Des listes apparentées vont bientôt être constituées... Dans un bel élan de fraternité, les partis de gauche ont lancé des initiatives en commun... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Sans doute, la position des socialistes, aujourd'hui, est-elle motivée par le fait que ces initiatives pétouillent un petit peu... (Rires.)... ce qui explique leur soutien à ce projet de loi.
Je remarque également avec tristesse que le parti socialiste, qui a une championne en la personne de Mme Calmy-Rey, remet en cause aujourd'hui deux des actions - l'une avérée, l'autre supposée - de Mme Calmy-Rey: avérée dans le cadre du taux unique, puisque c'est elle, avec Mme Sayegh, qui a proposé l'introduction du taux unique à Genève, et supposée, puisque Mme Calmy-Rey s'est également arrogé la «maternité» de l'initiative libérale sur les 12% en nous annonçant à grand renfort de courriers que, grâce à sa somptueuse gestion des finances, cette initiative pourrait rapidement être concrétisée. Je suis donc très triste de voir que le parti socialiste ne soutient pas sa conseillère fédérale.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi. (Vifs applaudissements. Brouhaha.)
La présidente. Madame Fehlmann Rielle, la liste des intervenants est close depuis un long moment, nous... (Protestations.)Mme Fehlmann n'a pas été attaquée ! (Exclamations.)Personne n'a été interpellé nommément ! (Exclamations.)Alors, je vous accorde la parole pendant une seconde, Madame la députée ! Seulement une seconde. (Un instant s'écoule.)
Soit ! Nous passons au vote d'entrée en matière... (Remarques.)Il n'a pas été mis en cause ! (Exclamations.)Non ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Madame Fehlmann Rielle, pour le parti socialiste, vous avez le droit de dire un mot. Un mot seulement ! (Remarque.)Si ! Par contre, M. Mouhanna n'a pas été mis en cause. (Exclamations.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Rassurez-vous, je n'ai pas l'habitude de faire des discours-fleuves !
En l'occurrence, j'estime que Mme Ruegsegger a mis en cause le parti socialiste qui a tout à fait le droit de changer de position au moment de la discussion. Nous avons en effet déploré que l'Alliance de gauche n'ait pas défendu ou pu défendre son projet en commission. Mais, comme nous l'avons dit, la situation a changé depuis lors. Nous vous le répétons, et vous le savez mieux que nous: le taux de chômage est de 7% à Genève et cela justifie les sacrifices de toutes parts, soit, en particulier, les entreprises ou les gros contribuables qui peuvent, précisément, contribuer à l'amélioration de la cohésion sociale !
Quand vous dites que les entreprises ne pourront que plier bagage si la fiscalité est augmentée... Vous savez que c'est faux ! Et M. Stéphane Garelli - un économiste qui est loin d'être gauchiste - a rappelé, il y a peu de temps, que le moteur de la croissance n'était pas l'attractivité fiscale, mais bien d'autres sujets, notamment la qualité du management, l'expérience, l'éducation, la technologie et, aussi, la stabilité d'un canton ou d'un pays ! (Commentaires.)Et cette stabilité, vous la menacez ! Vous la menacez par votre politique antisociale ! (Exclamations.)Alors maintenant, arrêtez d'affirmer des contrevérités ! Nous demandons effectivement...
La présidente. Madame la députée, vous deviez vous exprimer une minute seulement, à propos de votre revirement !
Mme Laurence Fehlmann Rielle. Cela ne vous plaît peut-être pas d'entendre la vérité, Messieurs - et Mesdames... - mais c'est ainsi ! J'aurais dû dire seulement «Messieurs», parce que ce sont plutôt les messieurs qui mènent cette politique antisociale ! (Vifs applaudissements. La présidente agite la cloche.)
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 50 non contre 26 oui et 9 abstentions.
Premier débat
M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de majorité. Je voudrais juste rappeler aux députés qui ne siégeaient pas dans cet hémicycle en 1997 - ou en 1924... (Rires.)- que la problématique des forfaits fiscaux a déjà été traitée.
Pour reprendre les propos de Mme Stéphanie Ruegsegger, l'Alliance de gauche avait déposé un projet de loi en 1997 dont vous pouvez lire l'exposé des motifs dans l'actuel projet de loi qui nous est proposé ce soir. Je ne crois pas que la moindre des virgules a été changée...
Nous pouvons reconnaître a l'Alliance de gauche une qualité: la persévérance. Mais elle montre aussi une certaine incohérence, parce que, si le projet de loi qu'elle propose était voté, les recettes fiscales de notre République se verraient amputées d'environ 60 ou 70 millions. Le paradoxe est le suivant: l'Alliance de gauche propose de supprimer des recettes fiscales pour l'Etat qu'elle chérit et, dans un autre registre, lorsque Mme Calmy-Rey propose à notre Grand Conseil une baisse d'impôt pour améliorer le sort des familles, la même l'Alliance de gauche soutient cette baisse d'impôt. C'est tout à fait incohérent, et il me semble utile de le dénoncer.
Par rapport aux autres partis politiques, je m'étonne du vote des Verts... En effet, d'après le rapport, les Verts ont soutenu l'Alliance de gauche en commission pour l'abrogation des forfaits fiscaux. Je vous pose exactement la même question qu'à l'Alliance de gauche: pourquoi vouloir supprimer des recettes fiscales, alors que vous êtes un parti dit «modéré» au sein de l'Alternative et que vous êtes peut-être le seul à proposer des mesures de réforme étatique dignes de ce nom ? Et là, tout à coup, vous retournez votre veste et vous votez allègrement une diminution des recettes ! Il y a quelque chose qui a probablement dû vous échapper...
Les socialistes, quant à eux, ont suivi Mme Calmy-Rey qui, elle aussi, comme sur le sujet précédent, a proposé en commission que l'on maintienne ces forfaits fiscaux. Elle n'a du reste pas grand mérite à l'avoir fait, puisque la loi fédérale autorise, plus qu'elle ne tolère, d'imposer une personne d'après ses dépenses. J'estime, sur ce point également, que le parti socialiste manquerait de clairvoyance s'il soutenait ses alliés traditionnels ce soir.
En matière de forfaits fiscaux, il y a peut-être un fait nouveau par rapport aux débats de 1924 et de 1997, c'est que la population genevoise a plébiscité la suppression des droits de succession... Vous allez me demander quel lien cela a-t-il avec l'imposition sur les forfaits ? Eh bien, c'est que la majorité de cet hémicycle avait, à l'époque, proposé pour cette votation que les bénéficiaires des forfaits fiscaux continuent d'être imposés sur leur masse successorale. C'est un argument supplémentaire pour maintenir ce mode d'imposition.
En matière de droits de succession, je ne résiste pas à la tentation de redire ce que la presse nous a dévoilé il n'y a pas longtemps, à savoir que la commune de Riex, dans le canton de Vaud, est une commune qui pleure - elle ne rit plus - car l'un de ses plus riches contribuables, si ce n'est le plus riche, a décidé de revenir s'installer dans le canton de Genève suite à la suppression des droits de succession. Par conséquent, vous voyez bien que la théorie libérale, selon laquelle il faut absolument augmenter l'assiette fiscale et rendre notre canton fiscalement attractif, se vérifie pleinement !
Je donnerai encore une information au niveau des forfaits. Ces forfaits sont, bien sûr, une bonne chose pour la République, puisqu'ils attirent des personnalités aisées et qui paient des impôts. Mais, par rapport à l'image qui en est donnée, dans la presse notamment, il ne s'agit pas, en grande majorité, de personnalités connues, sportives, issues du théâtre ou du cinéma, il s'agit le plus souvent de personnes âgées. Il est donc tout à fait logique que ces personnes-là, aisées et étrangères, viennent finir leurs jours sous des cieux cléments et ensoleillés, comme aujourd'hui à Genève.
J'en ai terminé, Madame la présidente, pour ce préambule un peu long. J'interviendrai à nouveau, le cas échéant, si le débat s'envenime ou s'enflamme.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz, M. Jean Spielmann, M. David Hiler, M. Pierre Guérini, Mme Stéphanie Ruegsegger, M. Mark Muller, M. Edouard Cuendet, M. Souhail Mouhanna, M. Pierre Froidevaux et Mme Janine Hagmann... Et encore, bien sûr, M. Jean Rémy Roulet. (Exclamations.)Oui, également M. Christian Grobet ! Puisqu'il était inscrit avant. Et c'est M. Roulet qui interviendra en dernier. La liste est donc close.
Je signale la présence, à la tribune, d'une de nos anciennes collègues, Mme Béatrice Luscher, mère de M. le député Christian Luscher. (Applaudissements.)
Madame la rapporteure de minorité, je vous donne la parole.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, lors du débat précédent sur le même sujet, Mme Ruegsegger a fortement attaqué l'attitude de l'Alliance de gauche à la commission fiscale, en disant qu'elle aurait bien aimé entendre ses arguments... Je vous renvoie au projet de loi que la majorité vient de rejeter: nous aurions également bien aimé connaître les arguments de la majorité par rapport à ce refus !
Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais aussi bien pour le sujet qui nous occupe maintenant, concernant le projet de loi 8401, que pour le précédent, la discussion en commission fiscale n'a pas duré dix minutes... Il n'y a même pas eu de discussion: ces projets de lois ont purement et simplement été shootés par la majorité - sans discussion !
Et il est difficile ce soir de développer des arguments, même de minorité, à propos de ce projet de loi, dans la mesure où la majorité n'a pas apporté, non plus, d'arguments lors des travaux de la commission, elle s'est contentée de dire que cette mesure était contraire au droit fédéral et que, par conséquent, il fallait refuser ce projet sans en débattre. Donc, je trouve donc tout à fait déplacé, Madame Ruegsegger, que vous vous permettiez de dire que vous aimeriez bien entendre nos arguments alors, que vous avez refusé de débattre de ce projet en commission !
Je vous rappelle que le projet de loi de l'Alliance de gauche a été déposé sous l'ancienne législature. Etant donné que nous étions en pleins travaux de révision de la LIPP, nous avons été d'accord de geler provisoirement ce projet afin qu'il soit traité en tant que tel. Ce qui est plutôt gênant, c'est qu'au moment de son traitement en commission, il n'y ait pas eu de débat...
En outre, ce projet de loi doit être traité en plénière depuis plus d'une année, et il l'est seulement maintenant en raison de la lenteur de nos travaux. Aussi, l'accusation formulée par M. Kunz, selon laquelle nous aurions déposé ce projet de loi par opportunisme, en vue des élections, est tout à fait déplacée ! Même si l'actualité de ce projet de loi peut sembler aujourd'hui un peu décalée.
Néanmoins, comme l'a dit M. Hiler tout à l'heure, ces deux débats doivent avoir lieu, car les sujets sont importants. Et même si ce projet de loi sur les forfaits fiscaux n'est pas compatible avec le droit fédéral, le débat doit avoir lieu en commission, ne serait-ce que pour aborder la problématique de la concurrence fiscale en Europe.
Il peut sembler qu'aujourd'hui n'est pas le moment opportun de traiter ce projet de loi, mais nous pensons que le sujet doit absolument être débattu. Je vous propose donc de le traiter comme il le mérite.
M. David Hiler (Ve). Je vais essayer d'expliquer à M. Roulet pourquoi ces deux questions sont fondamentalement différentes pour nous...
Dans le cas précédent, il s'agit essentiellement d'efficacité: trouver un système fiscal qui permettre de générer des rentrées tout en préservant l'emploi. J'en profite pour signaler que le capital d'une entreprise n'est pas la masse sous gestion d'une société financière. Et il ne faut pas oublier que les principaux contribuables de ce canton, en termes de personnes morales, sont aussi les principaux employeurs de ce canton. Dans le cas où ces entreprises feraient des pertes pendant quelques années - ce qui peut arriver - je trouverais tout de même ennuyeux qu'on aggrave ces pertes - parce que le capital fixe, qui est l'outil de production, est imposé - au risque de les voir fermer leurs portes. C'est ce que je voulais répondre au passage à M. Spielmann... C'est donc une question de «mécanique fiscale», Monsieur Roulet, dont le but est de préserver un certain nombre d'intérêts qui recoupent l'intérêt général. En l'occurrence, je crains qu'il ne s'agisse d'autre chose ! Pour nous, il ne s'agit pas d'efficacité - je serais même prêt à accepter d'en perde avec cette mesure - il s'agit d'un principe: pourquoi, diable, des personnes aisées - et même très aisées - devraient, parce qu'elle viennent d'un autre pays, bénéficier d'un barème fiscal plus avantageux que celui appliqué à tous les citoyens de ce canton ! L'équité devant l'impôt est un principe républicain. On peut appeler cela comme l'on veut, mais le régime des forfaits fiscaux nous paraît contraire à l'équité, à la limite de la corruption légale. Ce système ne nous plaît pas, et nous sommes prêts, il est vrai, pour ne pas le mettre en oeuvre, à renoncer à 10 ou 20 millions de rentrées fiscales. Avec une réserve: c'est que l'Etat ayant donné sa parole à un certain nombre de personnes, une telle loi ne pourrait s'appliquer que pour de nouveaux forfaits, ceux en vigueur jusqu'à l'échéance devant rester valables. Sur le fond, cette manière de faire est sans doute économiquement positive - peut-être ? - mais elle sape les principes mêmes qui organisent la société telle que nous la souhaitons: aussi bien le principe de l'équité que le principe de solidarité !
Et c'est pour cette raison - il ne s'agit pas d'intendance cette fois, mais de principe - que, sans hésiter, nous voterons ce projet de loi visant à abolir le régime des forfaits fiscaux. (Applaudissements.)
M. Pierre Guérini (S). Outre ce que vient de dire M. David Hiler, ce projet de loi a au moins le mérite de poser un certain nombre de bonnes questions.
La première a trait à la constitutionnalité de ce projet de loi. L'Entente dit que c'est conforme à l'article 14 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct... L'argument est facile, puisque l'article 6 de la LHID est un copier/coller de la loi fédérale ! Quoi qu'il en soit nous ne parlons pas d'impôts fédéraux mais d'impôts cantonaux ! Et si la loi fédérale prévoit l'imposition sur la dépense, elle n'est pas obligatoire au niveau cantonal ! En ce sens, ce projet de loi est tout à fait acceptable.
La deuxième question qu'il pose est celle de la moralité, car on accepte à Genève des contribuables, qui, dans leur majorité, ne prennent adresse en Suisse que pour fuir la législation de leur pays de départ en matière d'imposition, privant ainsi les Etats concernés de rentrées fiscales indispensables à leur fonctionnement. C'est donc aussi un problème d'éthique à cet égard.
Enfin, je rappellerai que la fiscalité ne vient qu'en quatrième position dans l'évaluation des motifs pour lesquels les personnes s'installent dans un pays ou dans un autre, les premiers étant: l'habitat, la sécurité, les transports.
Il est exact que les rentrées fiscales issues des successions de ces contribuables ne sont pas négligeables, mais elles ne compenseraient certainement pas les rentrées fiscales «normales», entre guillemets, qui seraient perçues de leur vivant. Les montants actuels perçus n'étant pas négligeables, je pense qu'il faut continuer d'étudier cette problématique, et, comme la commission fiscale est en train de revoir la LIPP, il serait possible de reprendre cette problématique à cette occasion.
Je demande par conséquent de renvoyer ce projet de loi en commission fiscale pour un approfondissement de la question de l'imposition sur la dépense.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je serai brève. Tout d'abord, je souhaite remercier M. Jean Rémy Roulet pour son excellent rapport, très complet, précis et de grande qualité. Il a d'ailleurs également été brillant dans son intervention de tout à l'heure... Donc, merci beaucoup !
Il a été souligné dans le rapport que les forfaits fiscaux touchent 650 personnes et rapportent environ 60 millions à l'Etat de Genève. Je tiens à vous rappeler ce que représente cette somme: 60 millions, c'est à peu près - légèrement moins, mais à peu près - la somme attribuée chaque année au logement social. C'est également celle attribuée en faveur de la jeunesse, y compris les crèches, dans notre canton. Et c'est enfin et également la somme attribuée à l'aide aux personnes handicapées adultes.
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, faites vos choix ! Accepter ce projet de loi et supprimer les forfaits fiscaux, c'est faire le choix de biffer l'une de ces lignes budgétaires !
Je vous invite donc à refuser ce projet de loi.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle qu'une proposition de renvoi à la commission fiscale a été faite. Je vous demande donc de vous exprimer à ce sujet. Monsieur Muller, je vous donne la parole.
M. Mark Muller (L). Merci, Madame la présidente. Le groupe libéral se prononcera défavorablement à l'égard de cette demande de renvoi en commission, et je vais vous expliquer pour quelles raisons.
Comme le projet de loi précédent, ce deuxième projet de loi de l'Alliance de gauche vise à augmenter la fiscalité d'un certain nombre de contribuables. Tout à l'heure, cela concernait les entreprises, et cette fois il s'agit d'une catégorie de contribuables, certes moins importants à nos yeux - dans la mesure où ce ne sont pas des électeurs - mais extrêmement importants en termes de recettes fiscales. Ces projets ont, à notre avis, un point commun tout à fait clair: la réduction des recettes fiscales du canton !
S'agissant de l'impôt sur les entreprises, nous avons également évoqué l'argument de l'emploi ainsi que celui des recettes fiscales. Dans le cas de l'imposition des personnes imposées selon la dépense, il est tout à fait clair à nos yeux que, si ces personnes étaient imposées de façon ordinaire, c'est-à-dire en fonction de leur revenu et en fonction de leur fortune - il en résulterait une perte sèche de recettes fiscales. En effet, il ne faut pas oublier que ces personnes sont par définition extrêmement mobiles et qu'elles peuvent décider d'aller s'établir dans un autre canton ou dans un autre pays, dans la mesure où elles n'ont pas d'activité économique. Je dois dire que je suis toujours très étonné de voir les partis de gauche militer pour des projets de lois qui réduisent les recettes fiscales de notre canton... Cette proposition illustre extrêmement bien l'adage que nous aimons rappeler: «Trop d'impôt tue l'impôt !».
Le deuxième élément est purement juridique, et je ne vais pas m'y appesantir. La loi fédérale d'harmonisation indique que les personnes étrangères qui viennent en Suisse et qui n'ont pas d'activité lucrative ont le droit - ont le droit ! - d'être imposés selon la dépense. Et, de mon point de vue, abroger cette possibilité pour l'impôt cantonal genevois, c'est une violation du droit fédéral.
Dernier élément intéressant évoqué par M. Hiler: le principe de l'égalité de traitement. C'est un principe auquel - je pense - nous sommes tous attachés. Mais son interprétation peut diverger: on peut lui faire dire ce qu'on veut !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappellerai qu'il y a quelques mois - quelques années bientôt: deux ans, sauf erreur - nous avons voté la suppression de l'impôt sur les successions et de l'impôt sur les donations pour un certain nombre de contribuables, mais nous avons fait une exception pour les personnes au forfait. Et nous avons tenu compte de l'inégalité dont nous parlons maintenant dans la mesure où les contribuables imposés sur la dépense le sont toujours sur les successions. En quelque sorte, l'inégalité que vous dénoncez a été compensée. Aujourd'hui, il n'y a en réalité plus d'inégalité.
Pour ces raisons, nous devons refuser le projet de loi qui nous est soumis.
La présidente. Vous refusez donc le renvoi en commission fiscale. Un député par parti peut s'exprimer... Je vous donne la parole, Monsieur Spielmann, sur le renvoi en commission fiscale. (Remarque de M. Jean Spielmann.)Bien, nous procéderons d'abord au vote... Monsieur Froidevaux, je vous donne la parole, sur le renvoi en commission.
M. Pierre Froidevaux (R). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, il n'y a aucun intérêt à renvoyer ce projet de loi en commission ! Nous avons en effet abordé ce sujet régulièrement; M. Roulet a évoqué un projet de loi qui a été traité par ce parlement en 1997. Madame Blanchard-Queloz, vous dites que nous n'en avons pas parlé... C'est parce que vous êtes une jeune députée ! A l'époque, Bernard Clerc avait aussi déposé une motion que nous avions traitée en commission et dont - je dois le dire - je ne sais pas ce qu'il est advenu... Quoi qu'il en soit cette motion concernait la problématique des forfaits fiscaux. Et nous avions longuement discuté à cette occasion, avec la conseillère d'Etat d'alors, Micheline Calmy-Rey, pour savoir quelles idées prévalaient dans ce projet de loi.
Je reconnais que la sensibilité de M. David Hiler à cet égard est importante. On a parfois l'impression que des citoyens bénéficient d'avantages que nous aimerions aussi avoir, et je comprends l'exaspération de David Hiler, qui a même utilisé le terme de «corruption légale». J'aimerais toutefois signaler que les forfaits fiscaux ne sont pas propres à la Suisse. Il est possible de bénéficier de tels forfaits dans d'autres pays, et, si nous n'arrivons pas à attirer ces personnes chez nous, qui dépensent beaucoup et qui font un effort de solidarité, il en résultera un déficit social que personne, même lorsque la majorité est à gauche, n'est d'accord de soutenir. Alors, les beaux principes que vous avez exprimés, Monsieur David Hiler, ne résistent pas à l'épreuve de la réalité ! Nous devons en tenir compte et ne pas entrer en matière sur le renvoi en commission ni sur le projet de loi.
Je rappelle aussi que bénéficier d'un forfait fiscal ne signifie pas qu'on échappe à l'impôt. Chaque pays émet ses propres règles fiscales, et celles qui sont les mieux admises aujourd'hui sont celles qui s'appliquent aux revenus, c'est-à-dire la capacité de chacun de s'enrichir, mais cela ne veut pas dire qu'il faut capter l'enrichissement: il faut demander un effort de solidarité aux personnes qui en ont le plus les moyens.
C'est dans cet esprit-là, chers collègues, que je vous recommande de refuser le renvoi en commission et de refuser ce projet de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Grobet sur le renvoi en commission... Il n'est pas là. Je la donne donc la parole à M. Roulet, rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission... Il renonce. Bien ! Dans ce cas, c'est au tour de Mme Brunschwig Graf de s'exprimer.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Merci, Madame la présidente. Je ferai sur ce sujet les mêmes remarques que pour le précédent projet de loi s'agissant du renvoi en commission, parce que le sujet a été largement exploré. Le renvoi en commission donnerait un seul signal négatif: il maintiendrait un suspense fort désagréable par rapport à la sécurité du droit.
Mais, puisque j'ai la parole, j'aimerais tout de même vous dire une chose qui m'a beaucoup interpellée. Je sais que certains d'entre vous projettent de modifier le droit sur les successions: il ne vous aura quand même pas échappé que les personnes taxées au forfait sont aussi astreintes au droit de succession, y compris en ligne directe et pour le conjoint ! Cela avait été décidé en commission. C'est un élément d'équité qui permettait précisément de tenir compte de la situation particulière des personnes qui s'installent chez nous et qui génèrent, en quelque sorte, un retour fiscal. Et, si vous me permettez de le dire discrètement, je vous dirai qu'il se fait !
Vous devez avoir conscience qu'en votant ce projet et en supprimant les forfaits fiscaux vous diminuez les recettes de 60 millions - qui ne reviendront pas intégralement à l'impôt ordinaire, loin s'en faut - et que vous vous privez des gains des impôts sur les successions. Et je tiens à vous dire qu'ils ne sont pas négligeables !
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale est rejeté par 49 non contre 34 oui.
M. Jean Spielmann (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, dans son introduction, le rapporteur dit que nous avons repris le même projet de loi qu'en 1997 et le même exposé des motifs... Evidemment ! S'il avait pris la peine de lire les débats de l'époque, suite au projet de loi que j'avais déposé avec M. Grobet, il aurait pu voir que, suite au refus d'entrer en matière sur ce projet et de ne même pas accepter d'en discuter, nous avions annoncé que nous le déposerions à nouveau. Alors, évidemment, ce projet est le même que le précédent: nous l'avions annoncé ! C'est ce que nous avons fait: promesse faite, promesse tenue !
J'en viens au fond du problème. Il est bien sûr choquant - et je pèse mes mots - d'accepter que les gens d'une même collectivité soient traités différemment. La plupart des citoyens genevois paient leurs impôts jusqu'au dernier sous, la loi leur impose de remplir assidûment leur déclaration d'impôt, et, dans le même temps, on autorise certaines personnes à bénéficier de forfaits fiscaux et, par conséquent, de ne pas être soumises à la loi fiscale !
Qui sont ces personnes ? La dernière fois, lorsque nous sommes intervenus en 1997, on nous a dit que ces forfaits pouvaient être accordés aux personnes dont les dépenses avouées dépassaient 100 000 F par année. Aujourd'hui, on nous dit qu'ils sont accordés aux personnes dont les dépenses avouées dépassent 500 à 600 000 F par année...
Cela pose un autre problème de moralité. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)C'est vrai, de nombreuses personnes - et ce ne sont pas celles qui font la une des journaux dont je parle - viennent de pays dans lesquels la situation économique et la situation politique sont extraordinairement difficiles, où la plupart des gens n'arrivent même pas à se nourrir, car ils ont des salaires de misère. Et ces personnes viennent chez nous, après avoir mis à l'abri des millions et des millions de francs, finir paisiblement leur vie en Suisse, en sécurité, sans avoir à rendre des comptes à la population qu'elles ont très souvent grugée ! Privilégier de telles personnes, parce que cela nous permet de récolter 55 millions de francs par an, me pose un problème de fond, sans parler de l'iniquité devant la loi dont j'ai parlé tout à l'heure !
En effet, quelle image de Genève et de la Suisse donnons-nous dans le monde en acceptant des personnes, sans même leur demander de remplir une déclaration d'impôt, sans rien leur demander sur leur passé, qui viennent finir leur vie en paix ? On a entendu des députés radicaux dire qu'elles s'installaient chez nous par solidarité envers la population genevoise, car elles paient un forfait... Mais on se moque du monde ! Elles donnent cet argent parce qu'elles s'installent en Suisse, qui est un refuge pour les capitaux et qui leur octroie des privilèges fiscaux alors que, la plupart du temps, elles ne le méritent pas ! Je ne mets bien sûr pas tout le monde dans le même panier, mais je pense à certaines personnalités que je ne voudrais pas citer ici et dont j'ai honte qu'on leur accorde de tels forfaits fiscaux !
Autre problème de fond. Les pays de la Communauté européenne et l'ensemble des pays civilisés doivent se mettre d'accord pour éviter que les personnes fuient leur pays après en avoir pillé les biens, pour aller vivre à l'abri dans des lieux comme Genève, Monaco ou ailleurs ! Et, Mesdames et Messieurs les députés, vous perpétuez cette image dans le monde en refusant d'entrer en matière sur une telle proposition de loi !
La dernière fois, nous avions dit que nous déposions ce projet de loi parce que nous considérions qu'il y avait des anomalies au niveau des forfaits fiscaux. Cela ne veut pas dire que l'ensemble des forfaits octroyés par le Conseil d'Etat - qui en a la compétence et peut agir par dérogation - ne sont pas justifiés et qu'il faut les supprimer ! Mais nous voulions simplement obtenir un certain nombre de garanties, mettre des filtres en place, pour empêcher cette inégalité devant la loi.
On nous dit que 500 ou 600 personnes profitent actuellement de ces forfaits. Que pensent les Genevois, ceux qui ont de la peine à payer leurs impôts, des privilèges que l'on donne à ces personnes, que l'on incite à venir s'installer chez nous en leur octroyant un forfait sans leur demander quels sont leurs revenus ? C'est inacceptable !
Dernier élément qui a été évoqué tout à l'heure dans la discussion: j'ai entendu un député libéral dire: «Trop d'impôt, tue l'impôt !»... Ce sont les vieilles rengaines ! Alors, je vous renvoie l'argument qui était le vôtre lorsque vous aviez proposé de baisser les impôts. Et je ne reviens pas sur les propositions que vous aviez faites au niveau fédéral - une initiative pour supprimer l'impôt fédéral direct - alors que des millions de francs ont été dépensés pour cette campagne... Le jour où cette initiative est arrivée devant les Chambres fédérales, vous l'avez «courageusement» retirée. Vous avez profité d'une occasion d'être élus sur des promesses que vous ne tenez pas !
Vous dites qu'en baissant les impôts on relance l'économie, on réduit le chômage, on favorise le développement et que toute la collectivité va en profiter... Mais quelle est la situation économique de ce canton depuis que vous avez repris la majorité politique et depuis que vous avez pratiqué les baisses fiscales ? Nous avons une dette que nous aggravons comme aucun autre canton ne le fait, aucun pays ! Plus de 500 millions d'augmentation de la dette en une seule année ! Combien sur toute la législature ? Quel est le bilan que vous allez présenter avec vos baisses d'impôts et vos propositions ? Comment vivent les gens ? Quel est le taux de chômage ? Quelles difficultés rencontrent les personnes qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ?
Et vous, avec votre arrogance habituelle, vous venez nous dire qu'il faut continuer à octroyer des forfaits fiscaux aux personnes qui veulent s'installer en Suisse, s'y réfugier avec leur fortune... Vous ne vous occupez pas de ce qu'ils gagnent, vous ne voulez pas le savoir ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Mais vous traquez le citoyen genevois qui, lui, paiera jusqu'au dernier centime ! Nous n'acceptons pas cette inégalité ! (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (L). J'aimerais corriger une erreur, qui se trouve dans l'exposé des motifs et que M. Spielmann vient de répéter: à savoir présenter l'Union européenne comme un modèle de vertu dont la Suisse devrait s'inspirer...
Je rappelle que 500 ou 600 forfaits fiscaux sont octroyés à Genève. A Londres, ce ne sont pas moins de 60 000 personnes qui bénéficient d'un système comparable au nôtre ! (Exclamations.)C'est également le cas en Belgique... Plus de 3500 Français viennent de s'installer au village frontière de Tourcoing ! Je tiens cette information d'une édition du Figaro de février 2005. C'est ainsi très actuel. Il faut donc arrêter de dire que Genève est un mauvais exemple en matière fiscale ! Et les autres lieux que je viens de citer se feront un plaisir d'accueillir les personnes qui bénéficient de forfaits fiscaux si Genève venait à les chasser !
Par ailleurs, nous avons parlé des 60 ou 70 000 millions d'impôts que ces personnes génèrent bon an mal an par le biais des forfaits... Nous avons parlé des impôts de succession, mais nous oublions de dire que les personnes qui bénéficient de forfaits fiscaux sont de gros consommateurs et de gros clients ! Elles font fonctionner de nombreuses entreprises de la construction à Genève en rénovant des villas; elles sont des clients très importants de la place financière et, par conséquent, elles génèrent de très nombreux emplois. En outre, elles payent la TVA.
Ce serait donc une erreur monumentale de vouloir les chasser.
M. Souhail Mouhanna (AdG). On a reproché tout à l'heure à l'Alliance de gauche sa ténacité et sa constance dans sa volonté de chercher les moyens financiers, permettant à l'Etat social de fonctionner à Genève, là où ils se trouvent... J'affirme à cet égard que nous sommes constants dans cette volonté. Et il n'est pas question pour nous que notre acharnement à défendre la justice sociale, la justice fiscale, soit en dessous de l'acharnement de la droite à défendre les intérêts des plus riches, des privilégiés, au détriment de la population !
On nous a également fait remarquer que nous avions déposé plusieurs projets de lois et que nous nous étions contentés de les photocopier... Dans l'histoire de ce pays et de ce canton, il s'avère que beaucoup de propositions - par exemple, le droit de vote des femmes, l'AVS - ont été refusées plusieurs fois avant d'être finalement acceptées par le peuple ! (L'orateur est interpellé.)Oui, le congé maternité ! Et il y en a bien d'autres... Regardez, par exemple, ce qui s'est passé à Genève. Les baisses d'impôts ont été refusées pendant longtemps, et puis l'initiative 113 a été acceptée. Par contre, vous avez subi une défaite cuisante lors du vote sur le paquet fiscal fédéral... Vous vous vantez de résultats de vote sur certaines lois fiscales, mais, bizarrement, vous ne vous rappelez pas de certains d'entre eux. Vous aviez engagé des sommes faramineuses dans cette campagne, prétendant que beaucoup de gens à Genève allaient bénéficier d'une baisse de leurs impôts. Vous avez vu le résultat: vous avez été très sévèrement battus ! Aussi nombreux que vous soyez dans ce Grand Conseil, vous taisez cet épisode qui est extrêmement important.
Et puis, je vous rappelle votre acharnement à défendre les privilégiés. Combien de fois le peuple genevois a refusé les modifications que vous vouliez apporter à la LDTR ? Mais vous revenez toujours à la charge ! Combien de fois a-t-il fallu que le peuple vous remette à votre place ? Cela, vous l'oubliez, vous n'en parlez pas !
Nous sommes beaucoup plus en droit que vous de revenir à la charge, parce que la situation de l'immense majorité de la population continue à s'aggraver, et elle devient insupportable pour une partie d'entre elle. Et, pendant ce temps, on apprend par la presse que certaines personnes que vous défendez se remplissent les poches: des millions et des millions ! Les «capitaines de l'industrie» comme les appellent certains collègues de l'UDC, des capitaines qui font souvent sombrer le navire et qui partent avec la caisse ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, regardons les choses de près en matière de forfaits fiscaux ! Si les personnes qui bénéficient de ce ces forfaits n'ont pas les moyens de payer davantage et si leurs revenus correspondent au forfait qu'elles paient, elles n'ont pas à craindre d'avoir à remplir, comme tout le monde, une déclaration fiscale. Dans le cas contraire, cela veut tout simplement dire qu'elles devraient payer beaucoup plus que le forfait qui leur a été consenti, si elles étaient contribuables comme tout le monde à Genève. Par conséquent, vous faites un cadeau énorme à des personnes qui ont de l'argent, alors que beaucoup de citoyens de notre canton souffrent des mesures que vous prenez systématiquement. Je pense, par exemple, aux décisions que vous avez prises par rapport aux handicapés, aux bénéficiaires de l'aide sociale, aux jeunes, notamment s'agissant des assurances maladie, etc. !
Vous continuez à mener une politique de démantèlement social, et, bien sûr, vous allez essayer de faire le maximum d'ici les prochaines élections, mais attendez-vous à recevoir une gifle de la part de la population ! Vous dites que celle-ci a plébiscité - plébiscité ! - certaines baisses d'impôts... Comme je l'ai dit tout à l'heure, vous oubliez qu'elle vous a remis à votre place sur le paquet fiscal - l'initiative 113 !
Je ne doute pas qu'à un moment ou à un autre, grâce à notre ténacité, à notre acharnement, à la prise de conscience de la population, nous finirons par faire en sorte qu'il y ait davantage de justice sociale et fiscale à Genève.
Mme Janine Hagmann (L). Soyons réalistes ! L'impôt équitable existe-t-il ? Chacun a sa propre conception de l'impôt équitable, et je pense qu'au moment où son bordereau d'impôt arrive dans sa boîte aux lettres chacun trouve que le montant dû au fisc est toujours très élevé. Savez-vous d'où vient le mot «fisc» ? De fiscus,qui veut dire le panier... Il faut bien que chacun mette sa part dans le panier !
A Genève, une personne sur quatre ne paie pas d'impôt et 5% de la population contribuer à verser 50% des rentrées fiscales. Les forfaits fiscaux représentent une bonne partie des rentrées fiscales !
Si je prends la parole ce soir sur ce sujet, alors que mes collègues ont donné beaucoup d'explications précises, c'est parce que j'ai eu la chance d'être maire d'une commune de la rive gauche qui comptait dans sa population des personnes bénéficiant de forfaits fiscaux. Vous ne vous rendez pas compte, Mesdames et Messieurs les députés, des retombées que ces personnes apportent à Genève: elles font des fêtes, elles consomment, elles dépensent, elles sont généreuses ! Vous leur avez donné le droit de vote et, maintenant, vous voulez les chasser avec votre loi. Allez-y: lorsque nous ne les aurons plus pour remplir notre panier, nous verrons bien !
N'oubliez pas que ces personnes sont mobiles de par leurs moyens ! J'ai connu un couple à Vandoeuvres qui est parti pour Londres ! Cela existe ! Les personnes de plus de 65 ans qui n'ont plus d'enfants à l'école et qui ne sont donc pas attachées à un lieu en particulier, changent de résidence si elles ne bénéficient pas d'un avantage fiscal. Et cet avantage est discuté, il doit être admis par les deux parties. Un forfait fiscal est calculé: il n'est pas le même pour tout le monde ! Et ne croyez pas qu'il n'est pas important ! Le forfait fiscal est, entre autres, déterminé par le loyer des personnes qui ont des maisons d'un certain standing, loyer qui est multiplié par cinq. Tous ces éléments entrent en jeu.
En ce qui me concerne, je prétends que notre intérêt est de garder ces personnes chez nous, parce qu'autrement notre panier - fiscus -va se vider de plus !
M. Christian Grobet (AdG). Je ne suis pas étonné des arguments qui sont invoqués par la droite pour s'opposer à ce projet de loi, je les trouve affligeants...
Si nous proposons ce projet de loi - et nous y tenons - c'est parce que la situation est profondément choquante, à savoir qu'il y a des personnes qui viennent à Genève, d'abord pour fuir le régime fiscal de leur pays et bénéficier d'une situation de faveur qu'aucun de nos concitoyens ne peut obtenir ! C'est un régime totalement privilégié, qui constitue une violation flagrante du principe fondamental de l'égalité devant l'impôt.
En Suisse - je crois pouvoir le dire - une très grande majorité de citoyennes et de citoyens payent correctement leurs impôts. Cette tradition n'a pas toujours cours dans certains pays où l'on considère qu'il est normal d'éluder l'impôt... (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas un sport, mais c'est une pratique courante ! Il n'y a pas besoin d'aller très loin, et je ne citerai pas les noms de ces pays. Et puis, d'autres pays, à l'entrée du Moyen-Orient, ne connaissent tout simplement pas l'impôt sur le revenu, et ils n'arrivent évidemment pas à comprendre qu'il faut payer des impôts à Genève. (L'orateur est interpellé.)Le Liban, par exemple ! Je donne cet exemple, mais il y en a d'autres !
Chez nous, l'impôt est une chose admise, fondamentale. Du reste, la plupart des cantons suisses rendent public le montant du revenu imposable, parce qu'il est d'usage de payer normalement ses impôts.
Mais là, que fait-on ? On permet aux plus riches, aux gens qui ont le plus de moyens, d'éluder le fisc et de violer le principe de l'égalité devant l'impôt ! Nous, dans cette salle, nous payons tous normalement nos impôts, mais vous estimez normal que des personnes qui se trouvent dans une situation particulièrement privilégiée puissent bénéficier de forfaits fiscaux et payer des sommes dérisoires par rapport à ce qu'elles devraient payer.
Vous dites, Madame Hagmann, qu'un quart de la population ne paie pas d'impôt... Je vous connais bien, Madame, mais je me permets tout de même de vous dire que je préfèrerais payer plus d'impôts que je n'en paie aujourd'hui que de me trouver dans une situation où j'en serais exempté ! Je peux vous assurer que les 25% des personnes qui ne payent pas d'impôt aimeraient bien avoir des revenus suffisants pour en payer ! Il faut malheureusement constater les méfaits de notre société à deux vitesses: de plus en plus de personnes restent sur le bas-côté de la route. J'insiste: cette partie de la population délaissée ne fait qu'augmenter, et, à votre place, Madame, je ne me vanterais pas trop du fait que 25% de la population ne payent pas d'impôt à Genève, parce que cela démontre la dégradation sociale intolérable de notre canton ! (Exclamations.)Mais les statistiques le montrent, Mesdames et Messieurs ! Le nombre des millionnaires ne fait qu'augmenter ! (Brouhaha.)
Que croyez-vous que les gens - même des gens qui gagnent bien leur vie - (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...pensent du fait que des personnes ont des revenus de plusieurs millions par année ? Sans parler des personnes qu'on appelle des «sportifs» qui réussissent à toucher des dizaines de millions par année ! La population est choquée à la pensée qu'un grand coureur automobile vienne se réfugier en Suisse et ne paie pas d'impôts. C'est ceux qui ont le plus de moyens de payer des impôts qui réussissent à trouver des solutions pour ne pas en payer: je trouve cela absolument choquant !
Quelqu'un a parlé tout à l'heure des personnes âgées... Il est possible que des personnes âgées, comme les retraités des organisations internationales, bénéficient de forfaits fiscaux. Mais je ne vois pas pourquoi ils ne payeraient pas les mêmes impôts que nous: leur retraite est tout à fait suffisante pour payer les impôts comme tout le monde ! La réalité, c'est que l'on veut attirer des gens qui veulent éluder le fisc dans leur propre pays - dont, prétendument, les régimes fiscaux sont plus contraignants que les nôtres - mais ils ne veulent quand même pas accepter notre fiscalité, bien qu'elle soit plus favorable que celle de leur pays d'origine. Il y a là quelque chose d'amoral !
C'est possible, Madame Ruegsegger, que ces forfaits rapportent 60 millions, mais l'Etat doit tout de même avoir une certaine éthique et avoir le courage, par moralité, de refuser de récolter de l'argent de cette manière ! C'est aussi le raisonnement de nos banques suisses qui continuent à blanchir de l'argent ! (Exclamations.)C'est une réalité ! Il est inutile de vous exclamer: notre réputation à l'étranger est déplorable dans ce domaine ! (Exclamations.)Je ne donnerai qu'un seul exemple: malgré les lois, les promesses du Conseil fédéral, deux ou trois banques ont pu recevoir 1,2 milliard de francs d'un président déchu du Nigéria ! Vous trouvez cela normal ?! Et, finalement, les banques en question n'ont quasiment pas eu d'amende dans cette affaire...
Eh bien, les gens en ont assez, et vous verrez que nous finirons par le payer cher ! Vous citez des exemples de personnes qui s'établissent à Tourcoing, à Londres ou ailleurs... Mais vous verrez que l'Union européenne acceptera de moins en moins ces régimes fiscaux spéciaux qui perdurent comme à Monaco. Et j'espère que nous ne serons pas mis au pilori au même titre que des pseudo états comme Monaco !
J'en viens à l'argument de la loi fédérale...
La présidente. Il faudra terminer, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Je finis par cette phrase ! ... la loi d'harmonisation. Le forfait fiscal est effectivement prévu dans la loi fédérale, mais rien ne nous oblige - je suis navré de vous le dire, Monsieur Muller - à l'appliquer, et encore moins avec autant de générosité aux personnes particulièrement fortunées qui s'installent à Genève ! On ne constate qu'une seule chose: plus les gens gagnent de l'argent, moins ils veulent payer leurs impôts normalement ! C'est profondément choquant ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Pour nous, c'est vraiment une question de principe: au nom de l'équité de traitement, tous les citoyens doivent être intégrés dans le régime fiscal !
J'aimerais simplement revenir sur des chiffres. C'est vrai, l'immense majorité des personnes au forfait est imposée sur une dépense d'environ 200 000 F, et elles ne payent que 30 à 40 000 F d'impôts par année. C'est exactement la moitié, voire le quart de ce que vous pourriez payer ! Est-ce juste ? Non, les impôts doivent être équitables pour tous !
On peut accepter des exceptions pour la première année, comme cela est prévu par le droit fédéral, mais celui-ci stipule que, si cette possibilité existe, elle ne doit pas être en dessous du barème ordinaire ! Et je trouve choquant et humiliant que vous «ciriez les bottes» des gens riches juste pour avoir un peu d'argent ! J'aimerais que l'on fasse autrement ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Je ne crois pas qu'il soit très glorieux pour le parlement d'agir de la sorte ! (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur Cuendet ? Rapidement, uniquement par rapport aux banques ! Allez-y, Monsieur Cuendet !
M. Edouard Cuendet (L). Merci, Madame la présidente. M. Grobet a mis... (Exclamations.)M. Grobet a insulté les banques... (Brouhaha intense. La présidente agite la cloche. M. Grobet interpelle la présidente.)
La présidente. Monsieur Grobet, vous aurez remarqué que j'ai toujours donné la parole du côté de cette enceinte... (Protestations. Exclamations.) Monsieur Cuendet, vous avez la parole. (Exclamations.)
M. Edouard Cuendet. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha intense.)Je regrette simplement que M. Grobet ait attaqué avec force la place financière, l'accusant de blanchiment d'argent, d'infractions pénales... (Le brouhaha persiste.)Ce faisant, il insulte plus de 20 000 personnes qui travaillent dans le secteur de la finance à Genève. Elles sauront apprécier ces attaques insupportables ! (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous donne la parole. (Un instant s'écoule.)Veuillez vous exprimer, Monsieur Roulet !
M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Pour la salubrité des débats publics, je préfère céder la parole à Mme la conseillère d'Etat. (Exclamations.)
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je me suis déjà exprimée tout à l'heure au sujet des forfaits fiscaux. Je voudrais simplement dire clairement à Mme la députée Künzler la chose suivante: le débat de ce soir ne porte pas sur le fait de savoir si l'on est imposé ou non au barème ordinaire, il porte sur l'assiette fiscale prise en compte. En l'occurrence, l'imposition est basée sur la dépense au lieu de l'être sur le revenu. L'imposition sur la dépense est calculée dans des conditions tout à fait particulières, mais - je vous le rappelle - le règlement prévoit que cette dépense ne peut être inférieure à 300 000 F. Je tiens à dire que la pratique actuelle montre que ce chiffre est largement dépassé et que les forfaits consentis le sont pour des montants beaucoup plus élevés.
Je tiens encore à relever ceci: vous pouvez trouver à redire à la loi, à l'assiette fiscale prise en considération, mais vous ne pouvez pas affirmer que ces personnes bénéficient d'un barème d'impôt différent ou que la loi n'est pas appliquée de la même façon. Je le répète, la taxation est calculée sur une assiette fiscale différente: on peut le contester, mais on ne peut pas prétendre que la loi ordinaire est appliquée selon un régime différent. Ce n'est pas vrai ! Nous devons appliquer la loi à toutes les personnes qui sont chez nous.
Dernière chose. Monsieur le député, vous avez laissé entendre que ces personnes n'étaient pas irréprochables... J'ignore, Monsieur le député, s'il y a des cas indéfendables. Pour ma part, je demande que les forfaits fiscaux soient vérifiés régulièrement, qu'ils soient toujours adaptés à la réalité et de faire en sorte, s'ils ne le sont pas, de les actualiser.
Enfin - je l'ai évoqué tout à l'heure - je ne vous ai pas entendu réagir avec force lorsque l'impôt sur les successions a été voté dans cette salle... Une différence a précisément était faite, puisqu'il a été décidé que les personnes bénéficiant de forfaits fiscaux devaient continuer de s'acquitter l'impôt sur les successions. (Applaudissements.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la prise en considération de ce projet de loi... (Une députée demande l'appel nominal.)Etes-vous suivie, Madame la députée ? (Appuyé.)Il en sera fait ainsi.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet est rejeté en premier débat par 46 non et 35 oui.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission législative.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission judiciaire.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission des finances.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission d'aménagement du canton.
Ce projet est renvoyé sans débat à la commission d'aménagement du canton.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Nous nous reprendrons nos travaux à 20h40.
La séance est levée à 19h10.