République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10668-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 24'984'000F pour la construction et l'équipement d'une annexe à la prison de Champ-Dollon

Deuxième débat

Le président. Je vous rappelle que la prise en considération a été votée tout à l'heure et que nous sommes maintenant en deuxième débat. (M. Eric Stauffer interpelle le président.) C'est trop tard, c'est passé ! Il n'y a pas de modification de l'ordre du jour à ce stade ! (M. Eric Stauffer insiste.) J'ai dit: «Point 4, pas d'intervention, nous passons au PL 10668-A» ! (Remarque de M. Eric Stauffer.) Vous pouvez prendre la parole sur le projet de loi 10668. Je le répète: nous sommes en deuxième débat.

Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement général qui modifie le montant total du crédit. Cet amendement est proposé par M. Stauffer, à qui je passe la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur s'interrompt.) Enfin, ceux qui sont revenus de leur pause, car, apparemment, à voir le nombre de députés, la sécurité n'est pas un sujet qui passionne la gauche ! (Commentaires.) Oui, c'est vrai, vous avez raison, Monsieur le député, la sécurité, c'est pas leur truc !

Soyons un peu sérieux... (Exclamations.) On va essayer ! (Commentaires.) Le gouvernement nous propose une solution pour réaliser 100 places dans un délai de treize mois. Je vous ai expliqué tout à l'heure que, si nous avions une machine à remonter le temps, nous verrions qu'il y avait 500 détenus à Champ-Dollon l'année dernière et que ce nombre est passé à 600 en un an... Donc, si le Conseil d'Etat avait proposé le même projet que celui qui nous est soumis ce soir et s'il avait été réalisé, nous nous retrouverions dans la même situation de surpopulation carcérale. Le problème ne serait toujours pas résolu. Cela signifie que si l'évolution progresse de la même manière, nous aurons 100 places de plus dans un an, mais, dans le même temps, le nombre des détenus atteindra probablement les 700. Par conséquent, les mesures envisagées actuellement par le gouvernement - et il le dit clairement - ne vont pas résoudre à court terme la problématique de la détention à Genève. Je ne vous parle pas du long terme...

Au MCG, constatant que quelques procédures légales ont été supprimées pour gagner du temps dans la réalisation de ce projet de loi, notamment la mise à l'enquête et quelques autres spécialités qu'il n'est pas relevant de divulguer ici, nous partons du principe que nous pouvons faire confiance au Conseil d'Etat pour construire ce bâtiment en un an. Ce n'est pas tout à fait ce que nous avions demandé, parce qu'il fallait régler une situation d'urgence, mais, dont acte, voilà au moins un projet qui va se réaliser ! Alors, acceptons que ce projet se fasse !

Toutefois, ces 100 places ne suffiront pas. Il faudrait, étant donné que l'on va construire deux étages, envisager d'en construire un troisième, de containers, et, pourquoi pas, un quatrième. Cela ne doublerait pas le prix, puisque les fondations sont les mêmes, mais cela permettrait d'augmenter sensiblement le nombre de places: 50 ou 100 places de plus.

Mais il faut savoir que nous, parlementaires de milice, ne sommes pas équipés pour mandater à grands frais des architectes, pour établir des études de projets: nous sommes limités par nos moyens d'action.

Le MCG va donc vous faire une proposition relativement simple, qui découle du bon sens. (Commentaires.) Notre amendement préconise de doubler le montant initial de ce crédit extraordinaire, c'est-à-dire de le faire passer de 24 millions et quelques à 49 millions et quelques, dans la mesure où une autorisation de crédit n'est pas une obligation de dépense. Vous le savez aussi bien que nous, lorsque nous octroyons un crédit de 10 millions, la somme n'est pas forcément dépensée par le Conseil d'Etat. S'il peut construire avec moins, par exemple, 4 millions, il reste un boni de 6 millions, qui revient, évidemment, dans le giron de l'Etat, qui pourra en disposer pour un autre usage. En fait, c'est une façon de donner carte blanche - ce qui nous changera des cartons rouges ! - au gouvernement...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je pourrai reprendre la parole plus tard ?

Le président. Non, chaque groupe a droit à trois minutes ! Les trois minutes sont écoulées. Vous devez par conséquent conclure tout de suite.

M. Eric Stauffer. Ah, c'est super ! Vous voyez, Mesdames et Messieurs, je ne vais pas pouvoir terminer mon intervention sur un sujet pourtant important. Cela montre bien, une fois de plus, que ce parlement se fout de la gueule des citoyens ! (Exclamations.) Alors, je me tais ! (Exclamations.) C'est comme ça: on ne peut pas débattre !

Le président. Merci !

M. Eric Stauffer. On ne peut rien faire ! (Exclamations.)

Le président. La parole est...

M. Eric Stauffer (hors micro). C'est un véritable scandale ! Vous ne voulez pas assumer les problèmes importants ! Continuez comme ça ! Cela ne va rien résoudre ! Je vous encourage quand même à lire l'amendement et à le voter ! (Exclamations.)

Le président. Monsieur le député, calmez-vous ! Nous avons déjà débattu de ce sujet pendant une heure et dix minutes ! (M. Eric Stauffer interpelle à nouveau le président.) Monsieur Stauffer, vous vous calmez, s'il vous plaît ! Je passe la parole à Mme Bolay.

Mme Loly Bolay (S). Merci, Monsieur le président. C'est vrai qu'il faut parfois rappeler à M. Stauffer qu'il doit quand même, c'est important, montrer un certain respect à l'égard de ses collègues et qu'il n'a pas à vociférer ainsi.

Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste n'approuvera pas l'amendement du MCG, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, j'aimerais quand même revenir sur les chiffres qui ont été donnés tout à l'heure. Certes, il y a 600 détenus, Mesdames et Messieurs, mais 275 seulement pour une exécution de peine. Champ-Dollon est une prison préventive ! Cela veut dire que ce que Genève n'a pas vu pendant des années, le concordat ne l'a pas vu non plus ! Et ce qui fait aussi défaut dans le concordat, ce sont des places d'exécution de peine ! Le concordat latin s'est engagé à construire environ 300 places, avec, notamment - cela a été dit tout à l'heure - les 60 nouvelles places de Curabilis. Cet établissement, je le rappelle, compte 92 places: soit 62 nouvelles places, puisqu'on ne compte pas celles de la Pâquerette - qui, elle, quittera Champ-Dollon. Par rapport à cela, il me semble important de préciser que Curabilis sera fonctionnel à l'horizon 2012, c'est-à-dire dans deux ans, ce qui dégagera de la place à Champ-Dollon, de même que le feront, en sortant de l'enceinte de Champ-Dollon, la Pâquerette - comme, je l'ai dit - et, aussi, «New Medico». Cela signifie que l'on pourra compter sur 150 nouvelles places: les 100 places de ce projet - tout de suite - et environ 50 à 60 places de plus avec Curabilis et «New Medico».

Mais il faut savoir qu'encore davantage de places seront créées au niveau du concordat. En effet, Curabilis étant un établissement concordataire, les places qui vont se libérer dans d'autres lieux concordataires de détention cèderont des places pour le concordat. Qui plus est - et je vous rappelle, Monsieur le président, que la commission des travaux et celle des visiteurs ont siégé ensemble sur ce projet de loi - 100 autres places pourront être envisagées, ce qui fera le double.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le groupe MCG, qui a déjà critiqué le Cento Rapido, ne fait, tout bonnement, que retarder la réalisation de ces 100 places prévues dans ce projet de loi ! En effet, il n'est pas possible de construire un tel bâtiment en quelques semaines ou en quelques mois, et ajouter des étages ne ferait qu'augmenter la durée de cette construction ! M. le député Stauffer le sait très bien, mais, comme d'habitude, il veut faire la morale à tout le monde: c'est «Monsieur-je-sais-tout» ! (Commentaire de M. Eric Stauffer.) Si les 175 détenus en exécution de peine étaient incarcérés ailleurs qu'à Champ-Dollon, il y aurait... (L'oratrice est interpellée par M. Eric Stauffer.) Monsieur Stauffer, vous n'avez pas la parole, vous avez utilisé vos trois minutes ! Vous...

Le président. Il va falloir conclure, Madame Bolay !

Mme Loly Bolay. ...vous nous avez insultés hier toute la soirée: ça suffit ! Je réponds à votre proposition d'amendement !

Monsieur le président, le groupe socialiste - presque tout le groupe - votera... (M. Eric Stauffer interpelle à nouveau l'oratrice.) ...ce projet de loi qui prévoit la réalisation de 100 places...

Le président. Madame Bolay, vous avez parlé une minute de plus !

Mme Loly Bolay. ...mais nous n'accepterons pas l'amendement de M. Stauffer, lequel ne fera que retarder, je le répète, les travaux de cette construction ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame Bolay.

M. Renaud Gautier (L). Nous avons, à Genève, deux types de blaireaux... (Rires.) Le blaireau vulgaris et le blaireau carceris. Le blaireau vulgaris, comme l'a indiqué M. le conseiller d'Etat Mark Muller, a été traité de la manière dont il doit être traité: il a été exproprié ! Nous devons nous occuper ici du blaireau carceris et, plus particulièrement, d'un problème de physique: quel est le taux de compression maximum du blaireau carceris ? Sachant qu'actuellement le taux est d'un peu plus de deux pour un, c'est objectivement un maximum.

Notre collègue du MCG fait une proposition selon laquelle il serait possible de multiplier le taux de compression du blaireau par trois ou quatre... C'est une erreur de physique fondamentale ! Car le blaireau, une fois compressé, dépassé un certain stade, explose ! Ce qui peut générer des maladies. Par exemple, la «blaireauragie»... (Rires.)

Il n'est pas raisonnable aujourd'hui d'imaginer qu'en multipliant le nombre de blaireaux au mètre carré on arrivera à résoudre le problème des blaireaux ! En effet, vous n'augmentez pas la surface disponible: vous densifiez le blaireau ! (Rires.) Or, le blaireau ne se densifie pas !

La proposition de M. Stauffer, en tant que telle, est intellectuellement intéressante, mais elle est totalement impraticable ! Nous avons mis du temps à traiter le problème du blaireau carceris, certes, mais ce n'est pas une raison pour aggraver la situation en les compressant plus qu'il n'est possible ! C'est pourquoi il vous faudra, Mesdames et Messieurs - hélas ! - accepter ce crédit dans sa version initiale, et non pas dans sa version modifiée. (Applaudissements.)

M. Fabiano Forte (PDC). Les démocrates-chrétiens soutiendront l'amendement du groupe MCG... (L'orateur est interpellé par M. Jean-Michel Gros.) On me demande de répéter...

Le président. Poursuivez, Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Fabiano Forte. Je veux bien, mais je suis interrompu ! Les démocrates-chrétiens - je le répète pour M. Gros qui semble avoir quelques problèmes d'audition ce soir - accepteront l'amendement du groupe MCG, car ils souhaitent autoriser le Conseil d'Etat à dépasser le montant initial du crédit prévu pour 100 places. Nous lui avons d'ores et déjà dit d'aller de l'avant - notre déclaration était assez claire - mais nous souhaitons donner un signal encore plus formel pour l'engager à aller encore plus loin dans ce sens. Tout en sachant que cela ne résoudra pas le problème à court terme...

Une voix. Electoralement ! (Rires. Applaudissements.)

Une autre voix. Elle est belle ! (Brouhaha.)

Le président. Il faut poursuivre, Monsieur le député !

M. Fabiano Forte. Si vous arrivez à faire régner l'ordre dans la salle, je poursuivrai, Monsieur le président !

Le président. Monsieur le député, c'est vous qui parlez, alors il faut assumer vos paroles ! (Rires.)

M. Fabiano Forte. Je conclurai ainsi. Hier soir, nous avons eu une belle leçon, passant du virtuel au réel... Eh bien, j'inviterai - et vous transmettrez, Monsieur le président - mon collègue Jornot et son groupe à passer au réel, soit à passer à l'action en acceptant cet amendement. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). En cette Année internationale de la biodiversité, j'aimerais que l'on montre un peu de respect pour la faune... Après avoir abondamment parlé des moeurs du blaireau, j'aimerais que l'on s'inspire de celles de nos amis et cousins primates à quatre pattes, en l'occurrence des chimpanzés. Il y a deux jours de cela, une grande spécialiste en la matière - une grande dame, Jane Goodall - est venue à Genève nous parler des moeurs de nos cousins, moeurs pas très éloignées des nôtres non seulement dans leurs bons côtés, mais aussi dans leurs mauvais. Mais eux, nos cousins, ont trouvé un moyen d'évacuer leur agressivité: avant d'entrer en session, ils prennent le temps de taper très fort le sol de leurs pieds et de courir un bon coup autour de la salle avant de s'asseoir - bien épuisés - ce qui leur permet de discuter dans la sérénité, voire de se tendre la main... Je propose que nous nous en inspirions !

En l'occurrence, je crois que tout a été dit sur ce projet. Ce n'est pas en doublant une somme que l'on arrivera à loger plus de...

Une voix. Blaireaux ! (Rires.)

Mme Christina Meissner. Les blaireaux ont été évacués manu militari de la prison. Et ils ne sont plus revenus, d'ailleurs ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en doublant des crédits que nous ferons de bons projets ! Je crois qu'il faut rester dans l'enveloppe actuelle, et le groupe UDC ne votera pas cet amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. La dernière intervention sera celle de M. Hohl.

M. Frédéric Hohl (R). Il me semble qu'il faut quitter le monde des animaux et revenir à la construction ! Vous proposez de doubler le budget de construction... Pourquoi pas le tripler ou le quadrupler ? C'est une fausse bonne idée ! Cela part d'une bonne intention. Et, nous le comprenons bien, vous avez envie que le gouvernement construise un ou deux étages de plus. Moi aussi !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous le rappelle - c'est assez simple - le gouvernement va réaliser son projet de 100 places, mais cela ne l'empêche pas, dans un ou deux mois, de nous annoncer qu'il a trouvé une autre solution et qu'il peut ajouter un étage. Ce nouveau projet passera en commission des finances, et il n'aura certainement aucun problème à obtenir un budget supplémentaire. Cet amendement est une fausse bonne idée, il ne sert absolument à rien ! Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à refuser cet amendement qui ne sert à rien. Et, je le répète, le gouvernement aura tout loisir de faire passer un nouveau projet en commission des finances si, tout à coup, il estime qu'il est possible de construire un étage de plus, car - et nous sommes tous d'accord sur ce point - ce projet à 100 places n'est pas suffisant !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'amendement général présenté par le MCG. Vous avez cet amendement sous les yeux, il modifie le titre, l'article 1 et l'article 2 du projet de loi: le montant total passe de 24 984 000 F à 49 967 400 F.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 22 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 6.

Troisième débat

Le président. En troisième débat, nous sommes saisis du même amendement général. Je passe la parole à M. Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis effaré du spectacle que nous donnons à ceux qui nous regardent ce soir... (Rires et exclamations.) Nous sommes un parlement majoritairement irresponsable !

Pourquoi, «irresponsable» ? La droite demande davantage de sécurité... La droite, par l'intermédiaire du chef du département, met en place l'opération Figaro visant à débarrasser nos rues de cette petite délinquance qui pourrit la vie de nos concitoyens. Ces gens qui sont arrêtés doivent être détenus le temps d'être déférés devant la justice, condamnés ou acquittés. Or ils vivent aujourd'hui dans des conditions lamentables, dans une prison qui est notoirement surchargée !

D'un côté, vous demandez que l'on soit plus strict au niveau de la sécurité, mais, de l'autre, en refusant cet amendement, vous allez rendre la prison encore plus incapable d'accueillir les personnes que vous voulez que l'on arrête et qui seront, de ce fait, mises en liberté plus rapidement. Ou, tout simplement, sachant d'avance qu'il n'y a plus de place, la police ne prendra même plus la peine de les déférer devant un juge d'instruction ! Donc, les députés de droite - excusez-moi: sous réserve du PDC, qui a soutenu notre amendement - vous êtes absolument inconséquents et irresponsables !

Quant à la gauche, Mesdames et Messieurs...

Des voix. Ah !

M. Mauro Poggia. ...vous qui défendez la dignité humaine: où est la dignité humaine des personnes qui sont arrêtées, qui sont présumées innocentes et que l'on entasse dans des cellules ? Vous êtes aussi inconséquents et irresponsables que les députés de droite ! Vous êtes en train de faire une alliance de l'absurde pour refuser notre amendement, tout simplement parce que l'idée vient du MCG !

Réfléchissez une seconde ! Que cherchons-nous véritablement ? A mettre les criminels et les délinquants en prison ! En faisant en sorte que ces derniers, tant qu'ils sont présumés innocents, soient traités dignement ! Et nous devons trouver un consensus sur cette base ! Comment pouvez-vous décemment refuser un amendement qui est l'expression du bon sens ? (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Engelberts, à qui il reste cinquante secondes...

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président... (L'oratrice est interpellée.) Oh, ça ne me fait pas rire ! Je voudrais juste dire qu'il y a quand même quelques critères par rapport à la vie communautaire. Je pense que certains d'entre vous sont déjà allés dans des prisons, certains y ont peut-être vécu en tant que visiteurs, en tant que professionnels ou, même, d'une autre manière... (Commentaires.) Et cela ne fait pas vraiment sourire !

Quelle qu'en soit la raison, quand vous passez un certain temps en prison, quelques semaines, quelques mois, voire quelques années - je pense en particulier aux professionnels - vous vous rendez compte que certaines choses y sont insupportables et conduisent à la violence. Tout ce qui a trait à l'espace réservé à chaque prisonnier est donc totalement fondamental ! Quand on ne peut pas réfléchir un minimum, avoir un tant soit peu de silence, la situation est très difficile. Or, dans une prison, ce n'est pas possible: il y a du bruit constamment, jour et nuit, 24h/24 ! Et, à six détenus dans une cellule, c'est encore plus insupportable: la promiscuité est telle qu'il leur est impossible de se respecter les uns les autres !

Le président. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, je conclus tout de suite ! Ce qui veut dire que tout ce que l'on cherche à faire et tous les objectifs que l'on fixe dans ce domaine sont réduits à néant si nous ne pouvons pas donner un espace suffisant aux prisonniers ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Madame... (Rires.) Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, j'allais dire «Madame la députée», car je voulais répondre directement à ma préopinante ainsi qu'à M. Poggia. J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, dans cette salle: j'ai fait de la prison, j'ai été condamné à six mois comme objecteur de conscience, et je sais un peu ce que signifie être en prison. A l'époque où il n'y avait pas encore de service civil, les objecteurs de conscience purgeaient leur peine - parce qu'elle était généralement courte - avec des détenus de droit commun qui avaient écopé d'une longue peine et qui étaient en fin d'incarcération. Effectivement, les prisons sont des lieux de violence; effectivement, les prisons sont des lieux de rapports de force. Mais vous ne pouvez pas «allumer», insulter les institutions toute l'année et croire - alors que l'on essaie de réaliser des projets concrets, et nous vous l'avons déjà signalé aujourd'hui, nous, les Verts, nous sommes scandalisés par la procédure qui est utilisée - que vous allez pouvoir résoudre un problème sérieux avec un amendement rédigé sur un coin de table ! Vous vous moquez de nous en nous faisant une telle proposition !

Ce que nous aimerions maintenant, c'est que l'on réalise des projets sérieusement en utilisant les procédures normales, c'est que l'on prenne les choses en amont ! Cela fait une bonne dizaine d'années que nous, les Verts, dénonçons les problèmes de la prison, de la dignité des détenus, alors ne venez pas nous faire la leçon maintenant ! D'autant moins que vos discours - comme votre proposition de motion d'hier soir - sont plus que fascisants ! (Exclamations.) Je pense que vous êtes les derniers à pouvoir nous donner des leçons ! (Applaudissements.)

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat ne souhaite pas que cet amendement soit adopté, et ce pour plusieurs raisons. La première, c'est que le projet que vous allez voter ce soir est un projet de construction avant un crédit ! Vous pouvez donc voter la somme que vous voulez, nous réaliserons ce projet de construction, basé sur des plans précis, fondé sur une autorisation de construire, et rien d'autre !

La deuxième raison est la suivante. En déposant cet amendement, en décrétant qu'il suffit de doubler le crédit en question pour pouvoir doubler la capacité de ce bâtiment, vous faites croire à ceux qui nous écoutent qu'il est possible, dans des délais brefs - en l'occurrence, dans l'urgence, dans les délais que vous appelez de vos voeux - de réaliser davantage de cellules que n'en propose le Conseil d'Etat. Or ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible pour des questions techniques, d'abord. Ce n'est pas possible pour des raisons de place au sol à Champ-Dollon, ensuite. Et ce n'est pas possible non plus pour des raisons de fonctionnement de la prison, sans parler de quelques raisons juridiques annexes qui peuvent se régler.

Vous formulez donc une proposition qui fait passer les membres du Conseil d'Etat pour des incompétents, qui fait passer les députés du Grand Conseil pour des personnes qui ne veulent pas résoudre les problèmes... Votre proposition, Monsieur le député, me fait un peu penser à celles que vous formuliez pendant la campagne, lorsque vous promettiez de résoudre le problème de la délinquance en quarante-cinq jours ! (M. Eric Stauffer interpelle M. Mark Muller.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mark Muller. C'est parfaitement impossible ! Je tenais à expliquer que votre proposition ne résout rien: elle ne fait qu'induire tout le monde en erreur ! De plus, si elle était adoptée, elle générerait une forme de désunion entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil... Il serait tout à fait irresponsable, dans le contexte actuel de la surpopulation carcérale à Champ-Dollon, de générer une telle désunion !

Pour ces quelques raisons, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cet amendement, de voter le projet de loi et de soutenir le Conseil d'Etat dans son entreprise de construction de nouvelles prisons à Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets à nouveau l'amendement général du MCG.

M. Eric Stauffer. Vote nominal ! (Exclamations.)

Une voix. Trop tard !

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 23 oui et 1 abstention.

La loi 10668 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10668 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui contre 4 non et 1 abstention.

Loi 10668

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant à la suite des objets que vous avez, hier et tout à l'heure, décidé de traiter en urgence. Nous commençons par le point 150 de notre ordre du jour, proposition de résolution 620, que nous traiterons en même temps que le point 151 bis, proposition de résolution 623, puisque nous avons accepté de les lier.