République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10421-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une indemnité annuelle de fonctionnement à l'Université de Genève pour les années 2008 à 2011

Premier débat

Mme Elisabeth Chatelain (S), rapporteuse de majorité. Ce projet de loi, dont le traitement en urgence a été repoussé par deux fois, est important. Il donnera à l'Université les moyens d'appliquer la loi que nous avons votée dans ce parlement et qui l'a également été par le peuple. Le vote de ce projet de loi permettra de valider la Convention d'objectifs conclue entre l'Etat et l'Université ainsi que le montant des indemnités annuelles de fonctionnement permettant à l'Université de réaliser les objectifs fixés pour 2008 à 2011.

Ce projet de loi met en oeuvre progressivement la prise en charge, par l'Université, des mécanismes salariaux. Il est important de le relever car, hors mécanismes salariaux, l'augmentation du montant de l'indemnité versée à l'Université est de 1,4% seulement. L'enveloppe semble avoir été gonflée, mais c'est en fait lié à des transferts de charges entre la direction générale de l'enseignement postobligatoire et l'Université, entre autres. Nous en parlerons dans le cadre d'un amendement déposé par le Conseil d'Etat pour la formation des enseignants, avec la création de l'Institut universitaire de formation des enseignants.

Pour rappel, lors du vote du budget de l'année passée, un amendement offrant 4 320 000 F de plus à l'Université avait été accepté. Pour certains, cet amendement devait être valable une année seulement; pour d'autres, il était reconductible, donc pas du tout prévu pour être ponctuel. En commission des finances, il y a donc eu des discussions, parfois difficiles, qui devaient avoir lieu pour que chacun puisse y trouver son compte. Vous le verrez à la fin du projet de loi, à part une abstention et l'opposition de M. Bertinat, les autres partis ont tous accepté ce projet de loi.

Cette augmentation inscrite au budget 2009 a donc été acceptée. En parallèle, un projet de loi, le PL 10428, demandait que l'Etat crée un fonds pour l'innovation à l'Université, fonds doté de 5 millions de Francs. Pour trouver une solution satisfaisant la majorité, il a fallu réfléchir à regrouper ces deux problématiques dans un seul projet de loi. Le résultat est le projet actuel, celui que je vous demande d'accepter ce soir.

Le montant accordé pour les quatre ans à venir - ou plutôt pour 2008 à 2011 puisqu'on a un petit peu de retard - pourra être réduit en fonction de certaines recettes de l'Université, notamment les recettes liées à l'Accord intercantonal universitaire - l'AIU - qui dépendent du nombre d'étudiants inscrits dans chacune des universités en Suisse. Ce montant dépend également des recettes relatives aux taxes universitaires. C'est le montant global des taxes perçues qui sera pris en compte, et non pas une augmentation de la taxe en elle-même. A partir de l'exercice budgétaire 2010, si le nombre d'étudiants augmente, les recettes découlant des taxes augmenteront donc.

Une nouvelle répartition des éventuels excédents résultant d'une bonne gestion de l'Université permettra d'affecter des montants à un «fonds d'innovation et de développement». Ainsi, l'Université disposera d'un fonds indépendant, non soumis aux mécanismes du contrat de prestation. Ce fonds pourrait également être alimenté par des fonds privés, non investis dans l'innovation à l'Université tant qu'il y avait un risque qu'une partie d'entre eux, fonds privés, reparte dans les caisses de l'Etat à la fin du contrat de prestation. Il était donc nécessaire de créer un fonds dédié spécifiquement à l'innovation et qui soit indépendant.

Les discussions dans le cadre de la commission des finances ont parfois été un peu compliquées, car ces deux problèmes devaient être réglés avec un seul projet de loi alors qu'il s'agissait de deux sujets bien distincts. Toutefois, la grande majorité de la commission des finances, avec l'appui du préavis de la commission de l'enseignement supérieur, vous demande de soutenir ce projet de loi.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Permettez-moi tout d'abord de préciser que nous contestons uniquement la somme de 4,3 millions de francs, et non pas la Convention d'objectifs ni la somme qui est inscrite pour le fonds d'innovation et de développement. Ce que nous contestons, c'est la captation pour le moins curieuse que fait le DIP d'une somme qui lui a été allouée en décembre 2008 lors du débat sur le budget 2009, pour combler le manque à gagner - si vous me permettez l'expression - de l'Université du fait de la diminution du nombre d'inscriptions. Cette nouvelle allocation, faite à la demande d'un député libéral, avait dans un premier temps été refusée en commission. Rediscutée en séance plénière lors du deuxième débat, suite à quelque accord discret passé avec le parti socialiste, elle a curieusement été acceptée en fin de compte, y compris par le groupe PDC qui, dans un premier temps, l'avait refusée. Cette allocation devait pallier la diminution du nombre d'inscriptions d'étudiants, rappelons-le.

A mon sens et, j'en suis certain, selon l'avis de la plupart des personnes présentes lors de la séance plénière ce jour-là, cette somme était bien allouée pour une année et inscrite en tant que telle. Or, quelle n'a pas été notre surprise de la revoir inscrite dans la Convention d'objectifs à partir de 2009. Ladite somme n'a pas été présentée à la commission qui a, dans un premier temps, préavisé la Convention d'objectifs. C'est lors de l'audition de M. Beer par la commission des finances que nous avons constaté l'inscription de ces nouvelles sommes pour 2009 à 2011. Là, il faut le dire, les explications fournies se sont révélées très alambiquées, puisque cette somme n'a pas été inscrite en tant que telle au budget. Elle est conditionnée à un curieux calcul que nous avons beaucoup de peine à comprendre. Voici en quels termes la condition d'octroi de cette somme inscrite dans la Convention d'objectifs nous est expliquée: «En cas d'augmentation de ces ressources par rapport au compte de l'année précédente, un montant équivalent à cette augmentation est déduit de l'indemnité annuelle de l'Etat de Genève, à concurrence du montant de 4 320 000 F». Eh bien, je serais curieux de savoir qui, dans ce parlement, comprend cette phrase, écrite pour justifier l'affectation de ces 4,32 millions de francs pour un certain temps et selon un certain mode !

Fondamentalement, nous nous opposons à cela pour plusieurs raisons. Parce que cette somme n'a pas été clairement attribuée pour être finalement pérennisée et parce que cette somme est le résultat d'un curieux marchandage dès le départ. Cette somme n'a pas été clairement justifiée, puisqu'on a confondu la dotation du fonds d'innovation avec cette aide apportée - annuellement, j'insiste - à l'Université. Dans l'attribution de cette somme, on a aussi confondu le budget d'exploitation avec le fonds d'investissement et on ne sait finalement plus de quoi on parle !

Tout ce que l'on a compris, c'est qu'on est en train de hausser le budget de l'Université, alors que celle-ci a déjà bénéficié de fortes augmentations, non seulement l'année passée mais aussi pour les prochaines années, et nous nous opposons à ce que la Convention d'objectifs soit acceptée telle quelle. Nous vous demandons de la refuser et de rediscuter en commission des finances les futurs montants alloués à l'Université, puisque, sans cette somme, la Convention d'objectifs aura des objectifs et des missions différentes.

M. Michel Forni (PDC). Ce rapport rappelle d'abord que l'Université de Genève accueille plus de 12 000 étudiants et qu'elle offre à plus de 8000 participants des cours de formation continue. C'est dire qu'elle gère des activités de formation et de recherche, mais aussi de services, et cela dans un cadre d'autonomie et de liberté académique. C'est donc une grande entreprise, qui doit bien sûr s'adapter aux conditions du marché et qui dispose, comme cela a été dit, d'une Convention d'objectifs, d'une enveloppe budgétaire et d'un plan de prévisions sur quatre ans et des aides financières en conformité avec la LIAF.

Au-delà de ces éléments institutionnels, il y a des fluctuations. D'abord, cela a été rappelé par la rapporteuse de majorité, une indexation de mécanismes salariaux intervient à certains moments. Il y a ensuite, comme cela a été souligné par la commission de l'enseignement supérieur qui a préavisé favorablement ce projet, une obligation de respecter la Convention d'objectifs. Mais elle peut aussi s'adapter, car les conditions sont aussi associées à une certaine forme de flexibilité. Je rappelle que l'augmentation des montants d'indemnités d'université est de l'ordre de 1,4%.

Le problème de ce soir est celui d'une certaine confusion entre une demande d'amendement liée à une augmentation du budget universitaire d'environ 4,3 millions de francs, qui est censée couvrir cette fluctuation, et cette baisse passagère du nombre d'étudiants qui provoque aussi une diminution du revenu des taxes. Mais attention, certains bruits ont déjà couru, disant que pour corriger cette baisse il faudrait augmenter les taxes ! Et ce bruit court à l'Université, Mesdames et Messieurs les députés. Donc, il est bon que nous soyons clairs dans nos affirmations et que nous sortions des petits calculs mercantiles d'apothicaire. Nous devons être francs vis-à-vis de l'Université, en rappelant que ce qui a été proposé par le Conseil d'Etat est un élément de périodicité et non pas de ponctualité, que les taxes n'augmenteront pas - en tout cas pas pour l'instant - et que, pour en revenir à la Convention d'objectifs, celle-ci sera respectée.

En ce qui concerne le fonds d'innovation, environ 5 millions de francs, une certaine conservation de la somme sera possible, même lorsqu'il y aura redistribution en cas d'excédents et que des sommes disponibles pourraient être utilisées ailleurs. Ce problème est distinct et il n'intervient pas sur la somme qui est allouée par l'Etat au budget de fonctionnement de l'Université. Bien sûr, on peut bien dire que, derrière flexibilité, adaptation, il y a magouille... Eh bien, ce n'est pas le cas ! Ce n'est pas le cas, car nous avons un potentiel universitaire qui, en regard de l'évolution internationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, a clairement identifié les mécanismes face auxquels il devait réagir. Et les statuts juridiques de cet établissement ont été sécurisés ! Sa stratégie financière a été mise en oeuvre pour comptabiliser différents cycles de formation qui permettent à l'Université de rivaliser à un niveau non seulement national, mais aussi international.

Nous sommes donc dans une perspective visionnaire, qui adapte une indemnité de fonctionnement annuelle aux ressources de l'Université et lui accorde une dotation globale de fonctionnement qui est, bien sûr, calculée sur quatre ans pour donner des priorités, mais aussi pour responsabiliser l'Université et redonner confiance, non seulement à ceux qui la fréquentent mais aussi à ses équipes dirigeantes.

Il est peut-être bon de rappeler à cette assemblée qu'il n'y a pas que des fluctuations de la masse salariale et qu'il n'y a pas que des fluctuations du nombre d'étudiants. Une université, ça coûte cher ! Il faut réhabiliter, rénover et sécuriser les bâtiments; les bibliothèques coûtent cher, et puis, la mobilité des étudiants reste indispensable. Il convient aussi que Genève reste ce qu'elle est, avec une masse critique d'étudiants, et que, lorsqu'il y a des rankings, nous soyons en situation de nous glorifier un tout petit peu par rapport à nos résultats.

Le programme financier que nous avons examiné - nous allons en rediscuter ce soir - amène notre Université à un comportement stratégique prévisionnel, collectif, qui réalise une adéquation entre ses orientations et ses moyens.

Vous l'aurez compris, c'est dans le sens d'une approbation, d'une adhésion à ce rapport, que le PDC vous propose de vous attacher à le soutenir. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, le parti radical va évidemment voter ce projet de loi. Nous sommes attachés, nous autres radicaux, à la mission de l'Université, à laquelle il faut garantir un financement pérenne. Un autre point qui est important, c'est qu'une convention d'objectifs est annexée à ce projet de loi et il est également impératif que notre parlement la ratifie.

Concernant le financement de l'Université et le problème soulevé par M. Bertinat, il est vrai qu'il y a peut-être eu un peu de confusion entre le projet de loi 10428 et ce fonds d'innovation. Toutefois, la méthode retenue par la commission des finances et qui est inscrite dans la convention d'objectifs nous paraît tout à fait correcte et à même d'assurer la pérennisation de ce financement.

Il y a cependant un certain paradoxe - je m'adresse au rapporteur de minorité - c'est que les recettes supplémentaires que pourrait trouver l'Université proviendraient de l'augmentation du nombre d'étudiants, étant donné l'Accord intercantonal universitaire, et elles dépendraient donc du nombre total d'étudiants inscrits. Ces recettes dépendent donc, d'une certaine manière, de l'attractivité de l'Université. Et nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée de rogner les ailes de l'Université, en réduisant l'indemnité annuelle alors qu'elle prend son envol avec la nouvelle loi sur l'université. C'est la raison pour laquelle le parti radical soutiendra ce projet de loi.

M. Edouard Cuendet (L). Le groupe libéral soutiendra ce projet de loi, notamment parce qu'il contient trois notions qui ne peuvent que susciter l'approbation de notre groupe. D'abord, la notion d'objectifs, que l'on retrouve dans la Convention d'objectifs; ensuite, la notion de pôle d'excellence, qui est mise en avant plusieurs fois dans l'excellent rapport de majorité; et, enfin, le fonds d'innovation. Ces notions d'objectifs, d'excellence et d'innovation sont trois notions qui nous sont particulièrement chères.

Je tiens à souligner un autre élément qui est très cher au parti libéral, c'est la notion du «PPP»: le partenariat public-privé. Et dans cet excellent rapport, dont je souligne encore la qualité, il est fait état de collaborations avec le secteur privé. On sait que l'Université travaille très étroitement avec des fonds privés et des fondations dans divers domaines, scientifiques mais pas seulement. Je crois que l'Université est pionnière en la matière, et le petit Etat ferait bien de s'en inspirer dans certains domaines pour favoriser les «PPP». Nous avons donc des leçons à tirer de cette Convention d'objectifs !

Cette dernière, rappelons-le, a fait l'objet d'une étude très approfondie de la commission de l'enseignement supérieur; la loi sur l'université a également fait l'objet d'une étude très approfondie de la commission de l'enseignement supérieur; donc, lorsque ce concept global est arrivé à la commission des finances, il avait été réfléchi jusque dans ses moindres détails, ce qui n'est pas le cas pour tous les projets de lois - et de loin pas, je tiens à le souligner ici !

Ce que je souhaite aussi relever, c'est l'évolution des liens entre les représentants de l'Université et les membres de la commission des finances. Il y a quelques années, quand j'étais un jeune membre de la commission des finances, je me souviens que les représentants du rectorat - c'était il y a un certain temps - nous expliquaient que nous n'avions rien compris, nous, pauvres députés de milice, que nous étions très éloignés des sciences enseignées à l'Université et que c'était faire preuve d'arrogance que de poser des questions sur le budget de l'Université ! Je crois que cet état d'esprit de confrontation a totalement disparu et je salue ici l'effort de transparence, la volonté de dialogue et l'ouverture du rectorat actuel. Je crois que l'ambiance de travail a complètement changé, et je m'en félicite grandement !

Alors vous savez que je ne suis de manière générale pas très ouvert à la dépense, mais je m'étonne dans le cas présent de l'attitude du rapporteur de minorité par rapport à ce calcul. Au fond, les modalités du paiement sont clairement définies dans la Convention d'objectifs, alors je ne vais pas faire l'injure à M. Bertinat de croire qu'il n'a pas compris la façon de calculer. Cela me paraît tout à fait clair et mon préopinant, M. le député Saudan, a bien expliqué la situation. Il me paraît donc un peu mesquin de chercher des querelles à cette Convention d'objectifs, mûrement réfléchie sur ce point de détail. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver ce projet de loi.

M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est vrai qu'il est toujours très difficile de ne pas accepter un budget pour l'Université. Parce que l'Université est intouchable. Pour de bonnes raisons, l'Université est nécessaire à notre cité, son aura est importante, la formation des étudiants est essentielle pour notre petite cité, et il est toujours très difficile de discuter d'un tel budget. Dans le cas présent, il faut quand même remarquer une chose: ce budget a été modifié à la suite de l'acceptation exceptionnelle d'un montant pour une année. C'était en 2009, suite à la diminution du nombre d'étudiants et, peut-être, suite à plusieurs autres éléments, il y a eu une certaine confusion dans la prise de décision à cette époque.

Mettons tout de suite les choses au point. Le fonds d'innovation n'est pas un fonds qui dépend d'un budget d'activités: c'est un fonds créé pour permettre certaines activités n'étant pas effectuées dans le cadre de l'activité budgétaire normale. D'autre part, les 4,3 millions de francs ne représentent même pas 1,5% du budget total de l'Université.

On parle de l'excellence de l'Université, et j'y crois; nous avons au sein de l'Université une faculté de sciences sociales et économiques qui forme des gestionnaires appelés à bien gérer l'Etat et les entreprises de la république. Il est clair que je suis un tout petit peu perplexe quand l'Université dit qu'elle ne peut pas faire son travail avec une différence de 1,5% dans son budget, alors que, comme l'a très bien fait remarquer mon collègue libéral, l'Université se gère de deux manières. Elle se gère avec le PPP, qui permet d'obtenir des fonds publics et privés; il n'y a pas de nécessité que ce ne soient que des fonds publics qui soient appelés pour assurer le fonctionnement de l'Université.

D'autre part, si une baisse du nombre d'étudiants a été enregistrée une année, cela ne peut être qu'un accident de parcours ! Quand une université dispose d'un pôle d'excellence comme c'est le cas de la nôtre, je pense que les étudiants affluent en nombre, ce qui est tout à fait normal.

Je crois que ce débat est un faux débat. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur l'Université; il s'agit de reconnaître sa valeur, il s'agit de reconnaître ses vertus. Mais je crois aussi que l'Université doit faire preuve d'une certaine humilité et reconnaître que ce n'est pas l'Etat qui doit nécessairement couvrir tous ses frais. Dès lors, nous pensons que ce budget majoré pour quatre ans d'un montant qui avait été accepté pour une année ne correspond pas du tout à ce que l'on peut attendre d'une telle entité autonome. Le MCG s'opposera donc à ce budget, mais pas au budget dans son ensemble, seulement aux 4,3 millions de francs supplémentaires qui y ont été inclus !

Mme Prunella Carrard (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous vous en doutez, le groupe socialiste va soutenir ce projet de loi. En effet, dans la mesure où la loi sur l'université a été votée par le peuple, il nous paraît indispensable de doter l'Université des moyens nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs définis par la Convention.

Nous enjoignons les conseillers d'Etat, et en particulier le responsable du département, de veiller à ce que les objectifs définis soient scrupuleusement respectés et nous nous félicitons notamment de voir la mission universaliste de l'Université réaffirmée par cette convention, ainsi que d'autres objectifs, par exemple l'égalité des chances.

Toutefois, nous désirons rendre le Conseil d'Etat attentif à quelques points qui ne sont pas mentionnés ni réglés par cette convention. En effet, nous remarquons qu'il n'est traité nulle part de la situation alarmante du logement estudiantin. Il n'y a rien non plus sur l'augmentation et les conditions d'attribution des bourses d'études, qui sont pourtant plus que nécessaires afin de garantir aux personnes issues des milieux les moins aisés l'accès aux études. A ce propos, nous nous réjouissons bien entendu d'aborder ce point lors de la prochaine session avec le projet de loi concernant les bourses d'études.

En outre, nous désirons appeler M. le conseiller d'Etat en charge du DIP à veiller à ce que la mission universaliste de l'Université soit respectée, en particulier dans le domaine des sciences sociales où nous constatons avec inquiétude que certaines filières sont plus que controversées, voire sur le point de disparaître carrément. Je pense notamment au département d'histoire économique.

Pour le mot de la fin, nous saluons le fait que le rapport sur le projet de loi mentionne qu'il n'est pas prévu pour les quatre prochaines années d'augmenter les taxes universitaires, et bien entendu le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame. La parole est au rapporteur de minorité, M. Bertinat.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. En guise de conclusion, je vous dirai que, à mes yeux, l'unique sujet de questionnement, c'est l'augmentation de budget de 4,23 millions de francs. Je précise encore une fois que l'UDC n'est pas opposée à la Convention d'objectifs, mais il y a dans cette dépense une forme d'injustice vis-à-vis des autres départements qui font de grands efforts pour réduire les dépenses d'argent public, par exemple les HUG, Messieurs les députés et médecins ! L'Université n'est pas une vache sacrée. Si elle en était une, on s'en serait aperçu aussi en commission des finances.

Cela ne ressort pas vraiment du rapport déposé par ma collègue Mme Chatelain, or il y a réellement eu des discussions en commission ! Il a fallu que le DIP donne des explications et essaie de justifier cette dépense durant plusieurs séances. Cette augmentation budgétaire n'a pas passé comme une lettre à la poste et il y a vraiment eu beaucoup - beaucoup ! - de discussions là autour. Ces 4,3 millions de francs, je prétends, contrairement à ce qui a été dit, que l'Université n'en a pas besoin ! Elle a déjà bénéficié de fortes augmentations de ses budgets, non seulement pour les années précédentes mais aussi pour celles à venir. Ces 4,3 millions de francs sont, aux yeux de l'UDC, 4,3 millions de francs de trop que l'Etat s'apprête à dépenser !

Enfin, j'aurai quand même une remarque à faire à mes collègues libéraux: pour leur dire que je les ai connus nettement moins généreux quand il s'agissait d'augmenter les subventions d'autres institutions publiques.

Mme Elisabeth Chatelain (S), rapporteuse de majorité. Il est vrai que cette augmentation de budget n'a pas passé comme une lettre à la poste. Elle a été vivement discutée et il y a eu des remarques à propos de ceux qui apprécient particulièrement les pôles d'excellence, voire un certain élitisme de l'Université. Certaines remarques un peu vives émanaient d'ailleurs aussi des rangs socialistes !

J'aimerais quand même rappeler qu'en ce qui concerne le financement de l'Université le subventionnement des collectivités publiques par le budget de l'Etat permet le fonctionnement de l'institution, pour assurer les prestations de base d'enseignement et de recherche. Le Fonds national suisse de la recherche scientifique soutient, lui, des projets spécifiques. Il n'assure pas le fonctionnement global de l'Université, il assure le fonctionnement pour la recherche dans des projets spécifiques. Et il y a encore des fonds de tiers en lien avec des objets bien précis. Donc, l'Etat assume le fonctionnement général de l'Université et lui permet de former notre jeunesse - une partie de notre jeunesse. Je crois que si l'Etat de Genève engage effectivement des montants considérables dans l'Université, il met également des montants considérables dans la formation professionnelle, dans la formation au niveau du secondaire et il cherche à ce que chaque jeune ait une formation certificative, ce qui est très important.

J'aimerais aussi dire en conclusion qu'on ne peut pas jouer l'Université contre l'Hôpital, l'hôpital contre le social, le social contre la sécurité... On ne peut pas se permettre ce genre de comparaisons, ce jeu est trop dangereux.

Je vous demande donc à nouveau, comme la majorité de la commission, d'accepter ce projet de loi, d'accepter cette Convention d'objectifs qui me semble très importante pour l'avenir de l'Université de notre canton.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de m'attaquer à l'objet même de ce point de l'ordre du jour, c'est-à-dire la Convention d'objectifs. La Convention précise, au-delà de la loi approuvée par le peuple, les grandes missions de l'Université donne, contrairement à ce que d'aucuns pensent de l'ancienne loi, les moyens supplémentaires au Conseil d'Etat pour vérifier un certain nombre d'aspects. Elle ne confère pas un pouvoir décisionnel sur l'ouverture ou la fermeture de telle ou telle filière, mais permet bel et bien un contrôle sur la conduite générale de l'Université, fixée par des objectifs dont les indicateurs permettront de mesurer s'ils ont été atteints, partiellement ou pas du tout. Je pense que cet élément est fondamental, car il lie très directement le Conseil d'Etat et le rectorat dans la mission de pilotage de l'Université. C'est ce que nous avions voulu, c'est-à-dire rendre directement responsables les acteurs qui ont la charge de l'application de la Convention et de la régulation qui y est attachée.

J'aimerais dire également que le Conseil d'Etat, comme le rectorat, ne sont bien entendu pas libres de leurs mouvements: ils agissent sous la surveillance - la haute surveillance - de votre Grand Conseil pour le Conseil d'Etat et de l'Assemblée de l'Université pour le rectorat. Et les choses sont très bien ainsi. Cela fait que la Convention d'objectifs est présentée au Grand Conseil pour être approuvée ou non, mais elle ne peut en aucun cas être amendée !

Cela veut dire qu'aujourd'hui nous nous trouvons dans la situation où l'ensemble de la dotation financière, de même que l'ensemble de la mission, de même que la manière d'atteindre ces objectifs, doivent être rassemblés en un seul vote portant pratiquement sur quelques articles qui fixent le rôle de cette Convention d'objectifs en accord avec la loi sur l'université et en accord avec la loi sur les indemnités et aides financières que vous connaissez bien.

Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que cet élément marque pratiquement la fin de nos travaux liés à la crise de l'Université, la fameuse crise qui a éclaté en 2006 et qui avait mis à jour un certain nombre de paradoxes d'une loi qui donnait l'impression de tout contrôler et qui, en réalité, ne permettait aucune espèce de surveillance ! Avec la nouvelle loi approuvée par le peuple et avec une Convention d'objectifs comme celle-là, mais également avec un certain nombre de conseils et de commissions, il y a aujourd'hui toute la structure nécessaire pour non seulement permettre l'activité de l'Université, l'enseignement supérieur et la recherche, mais également pour vérifier l'utilisation des fonds par l'Université, non seulement sous l'angle d'un comité d'audit mais également, vous l'avez compris, sous l'angle d'un comité de déontologie et d'éthique, ce qui est fondamental pour l'Université. Alors, lorsqu'il s'agira de rendre compte sur cette Convention d'objectifs, on verra si les objectifs ont été atteints ou non.

Vous l'avez dit, Madame la députée, la Convention attribue à l'Université un certain nombre de missions générales, dont la mission universaliste. Et puis, plusieurs objectifs inscrivent par exemple l'égalité des chances et ce double ancrage dans la volonté de démocratiser les études. Il s'agit là d'éléments rassembleurs de cette Convention d'objectifs. Je suis heureux que tout le monde remarque cela ce soir et que, aussi, il n'y ait pas de contestation sur ce point. Je remercie M. le député rapporteur de minorité de l'avoir clairement indiqué eu égard au débat de ce soir.

Avant de passer au sujet qui fâche visiblement dans le débat de ce soir, vous me permettrez de remercier l'ensemble des commissions: celle de l'enseignement supérieur, qui a beaucoup travaillé sur le contenu du projet de loi, et celle des finances, qui s'est penchée sur la dotation financière, sur la subvention et les aspects techniques concernant l'engagement du fonds d'innovation, c'est-à-dire la manière dont l'Université peut, à la fois, engager la recherche, se prémunir contre de mauvais exercices et préparer l'avenir.

J'en viens à l'élément de discorde dans ce débat, Monsieur le rapporteur de minorité, et je tiens quand même à dire les choses clairement ! Vous l'avez relevé en partie, mais je me sens obligé de le répéter: la demande d'amendement est venue de votre Grand Conseil lors du débat budgétaire 2009 - lors du troisième débat, sauf erreur. Je n'ai pu que le remarquer et le saluer, peut-être avec retard. On s'est retrouvé avec un élément pour lequel tout a été vérifié avec le Mémorial, du point du vue du contenu, et rien n'a indiqué, Monsieur le député, à aucun moment, que la décision ne portait que sur un seul exercice ! A partir de là, le département de l'instruction publique a simplement préparé le projet en fonction de ce qu'il avait compris. Mais pas pour imposer une décision, cette prérogative revenant à la commission des finances et, en fin de compte, à votre Conseil, ce soir, puisqu'il vous appartient de prendre la décision de ratifier ou non cette Convention d'objectifs.

Je terminerai en rappelant que si la crise financière et économique a eu certains effets en Suisse et à Genève en particulier, ils sont limités. Il ne s'agit donc en aucun cas de remettre en question l'importance de l'Etat et de son engagement dans l'enseignement supérieur et la recherche. Le Conseil d'Etat a largement montré cette volonté à travers le processus budgétaire, avec sa vision de l'avenir et son investissement dans la connaissance, pour le bien de la société en général, y compris des plus démunis.

Je vous remercie donc de faire bon accueil à ce projet de loi et à cette Convention d'objectifs.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter l'entrée en matière ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10421 est adopté en premier débat par 62 oui contre 21 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1, alinéa 1 (nouvelle teneur), nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat. Il s'agit de l'ajout suivant: «La Convention d'objectifs, du 2 novembre 2009, conclue entre l'Etat et l'Université de Genève est ratifiée.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 10.

Le président. J'imagine que le troisième débat est demandé. Monsieur Beer... (Quelques instants s'écoulent.) N'est-ce pas, Monsieur Beer ? (Rires.) Très bien, il l'est !

Troisième débat

La loi 10421 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10421 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 18 non et 2 abstentions.

La nouvelle convention d'objectifs est annexée à la loi.

Loi 10421 et convention d'objectifs