République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 819
Hommage à M. Laurent MOUTINOT, conseiller d'Etat, et à M. Robert CRAMER, conseiller d'Etat, qui arrivent au terme de leur mandat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce soir nous prenons congé de deux membres du Conseil d'Etat qui, après trois législatures, ne se représentent pas.

Je tiens à remercier M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat depuis 1997, président du Conseil d'Etat en 2003 et 2008. Après avoir été en charge pendant huit ans du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, il a présidé le département des institutions pendant ces quatre dernières années. Avec le Forum des Droits de l'Homme, il s'est également engagé de façon constante dans la Genève internationale et en faveur de la lutte pour le développement des droits humains.

Plusieurs projets importants ont été menés à terme, souvent sans bruit, ce qui est à saluer. Je pense notamment à la réforme de la justice, où la bonne collaboration entre M. Moutinot et la commission parlementaire a permis à Genève de finir parmi les premiers de la classe avec une réforme pratiquement sous toit à un an de l'échéance fixée par Berne. M. Moutinot s'est également particulièrement engagé pour la réalisation du projet Curabilis, honorant ainsi une promesse concordataire faite par Genève il y a quarante ans. Ce projet est assez remarquable dans le sens où cet établissement permettra réellement une prise en charge thérapeutique pour les délinquants dangereux. Enfin, et un peu comme testament, M. Moutinot nous laisse un projet de loi sur la police qui, espérons-le, réglera les problèmes survenus au cours de ces dernières années.

Avant de prendre congé de vous, je tiens encore à saluer, Monsieur le conseiller d'Etat, vos qualités de fin juriste qui ont été très appréciées par les membres de notre parlement, ainsi que votre grande disponibilité et accessibilité lors de vos différents mandats. Les membres de la commission judiciaire ont également été sensibles à votre présence assidue et à votre connaissance des dossiers.

En conclusion, j'aimerais aussi vous dire, à titre personnel, toute l'estime que j'ai pour vous et pour la sérénité que vous avez su garder malgré la violence des attaques dont vous avez été l'objet. On a voulu vous faire porter des responsabilités dont la cause remontait pourtant loin en amont. Malgré cela, vous avez toujours su faire preuve de flegme, d'humour et de distance. Peut-être un peu trop, manifestant une réserve que l'on juge avec une excessive sévérité en ces temps de médiatisation absolue. Mais le temps, j'en suis sûr, saura faire son oeuvre et retenir vos éminentes qualités.

Il m'appartient maintenant de saluer et remercier M. Robert Cramer, conseiller d'Etat depuis 1997, président du Conseil d'Etat en 2004. D'abord en charge du département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement, il a présidé aux destinées du département du territoire depuis 2005. M. Cramer, c'est tout un programme, que dis-je, c'est un monument, et on ne sait pas par quelle face l'escalader ! (Rires.) Je vais donc tenter l'ascension par la voie la plus directe, la face sud, la plus souriante et la plus ensoleillée.

Fidèle à ses convictions écologistes, M. Cramer aura largement refaçonné notre canton au cours de ces douze années. Défenseur de l'agriculture locale et des produits régionaux, il a aussi mis en oeuvre le plan de renaturation de la plupart des cours d'eau de notre canton, et les énergies renouvelables ont été développées. L'offre de transports publics a été largement augmentée, notamment avec la mise en place d'un réseau de trams et de trains, dont l'achèvement interviendra dans quelques années et qui fera de Genève une ville avec des conditions de mobilité en transports publics remarquables. M. Cramer a également mis en avant ses talents d'organisateur en rendant plus autonomes des établissements publics d'importance; je pense aux Services industriels et aux TPG, sans oublier ses efforts constants pour améliorer la gestion des déchets que nous produisons malheureusement encore en trop grandes quantités.

Enfin, M. Cramer a oeuvré au développement de notre région en dépassant notre petite frontière cantonale pour associer nos voisins vaudois et français. Il est vrai qu'avec sa fougue et son enthousiasme le projet d'agglomération a pris son envol alors que notre parlement restait un peu sur le tarmac, mais nul doute que nous monterons dans le prochain avion - uniquement mû par de l'énergie renouvelable, cela va de soi - pour contribuer dans le cadre de nos compétences à la construction de notre région.

Un grand merci à vous, Monsieur le conseiller d'Etat, pour l'énergie sans cesse renouvelable et renouvelée que vous avez mise au service de notre canton pour assurer une bonne qualité de vie, pour les sangliers que vous avez su mettre à contribution pour les députés méritants dans certains domaines éloignés de l'Etat, et pour avoir su nous donner les conditions-cadres d'un développement futur harmonieux.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, mais qui est donc Laurent Moutinot ? Il y a chez chacun d'entre nous une part de mystère, ce jardin secret que nous cultivons, mais dans le cas de Laurent Moutinot, la question mérite d'autant plus d'être posée qu'un éminent ethnologue lui a consacré tout un ouvrage. En effet, dans «Le pouvoir hors champ: comment Laurent Moutinot peut-il être conseiller d'Etat ?», Bernard Crettaz s'interroge: «Je cherchais à esquisser modestement le portrait d'une personnalité politique. Avec Laurent Moutinot, ce fut particulièrement difficile, car il a une façon étonnante d'exercer le pouvoir, en deçà de toute visibilité, visant une esthétique de la disparition.»

Mesdames et Messieurs les députés, mais qui est donc Laurent Moutinot ? Certainement pas un apparatchik du parti socialiste, puisqu'il n'y est entré qu'en 1987, à l'âge de 34 ans, et qu'il est déjà élu député en 1993. Celles et ceux qui ont alors siégé avec lui ne manquent pas de se souvenir de ses choix vestimentaires pour le moins surprenants. Ainsi, celle qui fut un temps sa cheffe de groupe, une certaine Claire Torracinta-Pache, se rappelle avoir tenté de lui apprendre à choisir ses cravates, disons de manière plus adéquate. Vous jugerez sur pièce si elle a réussi !

Si Laurent Moutinot n'a siégé dans ce Grand Conseil que quatre ans, il s'est néanmoins rapidement imposé comme l'un des poids lourds du parlement: chef du groupe socialiste entre 1994 et 1996, il a été reconnu par ses pairs comme l'un des meilleurs députés de la législature. C'est donc naturellement qu'il a été élu au Conseil d'Etat en 1997, aux côtés de Micheline Calmy-Rey, permettant ainsi aux socialistes de retrouver leurs deux sièges, après quatre ans de gouvernement monocolore.

Certains croient voir chez ce fumeur de pipe invétéré un flegme tout britannique. Quant à moi, je crois déceler plutôt chez ce protestant convaincu une pudeur toute calviniste. C'est d'ailleurs la foi qui est à l'origine de son engagement pour un monde plus juste, au sein du parti socialiste bien sûr, mais plus fondamentalement en faveur du respect des droits humains. Ne l'oublions pas, Laurent Moutinot a également présidé la section genevoise de la Ligue suisse des droits de l'Homme, ainsi que la LICRA Genève. Comme l'écrit d'ailleurs Bernard Crettaz: «Il entre dans les droits de l'Homme comme on entre dans un ordre. De cet ordre universel, il n'est jamais sorti, puisqu'on retrouve le même militant de base en l'actuel conseiller d'Etat.» Au fond, Mesdames et Messieurs les députés, l'esthétique de la disparition dont parlait Bernard Crettaz n'est sans doute que la manifestation du très grand respect de l'autre qui anime Laurent Moutinot. «Ne pas répondre aux critiques, aussi acerbes et injustes soient-elles, n'est-ce pas reconnaître tout simplement que l'autre a peut-être raison et que je peux m'être trompé ?» Il y a quelques jours, Laurent Moutinot accordait un long entretien au journal «Le Temps». A sa lecture, ce qui m'a frappé, c'est sa capacité à reconnaître certaines erreurs. Alors que certains préfèrent parfois rendre les autres responsables de leurs propres échecs, Laurent Moutinot sait faire preuve de lucidité et d'une certaine humilité, alliées à une très grande intégrité; ce sont des qualités qui forcent l'admiration.

Cher Laurent, au nom du groupe socialiste, j'aimerais donc te remercier de cet engagement constant en faveur d'un monde plus juste. Et comme ton voyage à vélo sur les routes d'Asie centrale n'est prévu qu'au printemps prochain, tu auras enfin le temps de profiter des longues soirées d'hiver. Pour les agrémenter, et en guise de clin d'oeil, comme on ne se débarrasse jamais vraiment du virus de la politique, le groupe socialiste t'offre la première saison d'une excellente série télévisée américaine intitulée «A la maison blanche». Série dont le personnage principal est un président démocrate, humaniste convaincu, qui cherche durant ses deux mandats à concilier éthique et raison d'Etat. (Applaudissements. Mme Anne Emery-Torracinta embrasse M. Laurent Moutinot et lui offre son cadeau.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il me revient de faire l'hommage de M. Cramer. Je pourrais vous parler de Robert Cramer, premier conseiller d'Etat Vert; je pourrais vous parler - et vous la connaissez bien - de la réconciliation de l'agriculture et des Verts, dont il a été l'un des artisans; je pourrais vous parler de la renaturation de cours d'eau, de la réalisation des lignes de tram ou de la construction de la région, mais je préfère laisser ces bilans aux historiens locaux, qui s'en chargeront d'ici quelques années, et vous parler aujourd'hui de Robert Cramer le militant. En effet, Robert Cramer, tout conseiller d'Etat qu'il est, a toujours été un militant, et un militant de base dans notre parti. C'est quelqu'un qui nous a surtout enseigné le plaisir de la politique; c'est un homme qui parle de politique avec un sourire, un plaisir et une appétence rares, et qui donne envie de faire de la politique. Avec Robert, la politique n'est pas un sacrifice, mais un pur plaisir, et c'est également ainsi que nous le voyons.

Sur les stands, Robert est un homme qui est à disposition de tous; plus d'une fois, j'ai vu des gens arriver et lui dire: «Monsieur Cramer, je vous déteste, vous êtes insupportable !»... Et Robert d'aller les voir, de prendre le temps de discuter, et ces personnes, tout enthousiastes, de lui répondre ensuite: «Monsieur Cramer, je vous adore, je le dirai partout !» C'est le seul qui est capable de prendre le temps de discuter, de dialoguer et d'aller jusqu'au bout de la discussion avec chacun, quelle que soit l'humeur de départ; c'est une disponibilité qui est rare de nos jours.

Je voudrais aussi vous parler de Robert Cramer et des nuits que nous avons souvent passées dans son bureau... (Rires.) ...à travailler et à s'occuper de politique. Je vous laisse rire, mais c'est là que nous avons appris; c'est l'université de nuit des Verts ! Nous avons consacré des heures et des heures à refaire la politique genevoise, à recevoir des explications sur l'histoire de notre parlement, sur la façon dont les décisions ont été prises et sur l'histoire de notre parti. Nous nous sommes souvent couchés à point d'heure, vous le savez, mais le lendemain matin à 7h - nous avons tous deux l'habitude de travailler tôt - on s'envoyait un sms, et Rober Cramer était déjà au travail, après peu d'heures de sommeil. Je sais qu'il ne le faisait pas seulement avec moi, mais avec pas mal de monde, et on l'a vu travailler extrêmement tôt et effectuer un nombre d'heures vraiment phénoménal. Le samedi et le dimanche, vous l'atteignez toujours au bureau, il est encore au travail; je dois dire que cette force de travail est complètement folle, et elle nous a tous estomaqués.

J'aimerais aussi vous parler de Robert Cramer et de sa section de la Ville de Genève, de cet amour et de cette disponibilité: Robert Cramer, conseiller d'Etat, est capable de venir sur un stand pour un enjeu municipal, parce qu'il nous a enseigné à tous combien la proximité est essentielle pour les citoyens, car c'est aussi là que l'on touche leur quotidien, et qu'il est vraiment important pour tous de connaître cette réalité du terrain.

En conclusion, Robert, merci de m'avoir ou de nous avoir appris ce si beau métier qui est celui de politicien. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le conseiller d'Etat - et permettez que, pour une fois, je dise «cher Laurent» - «Qu'est-ce en général qu'un voyageur ? C'est un homme qui s'en va chercher un bout de conversation au bout du monde.» J'aime bien cette citation de Jules Barbey d'Aurevilly, et je trouve qu'elle s'applique bien à vous, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous êtes un voyageur: si l'on regarde votre parcours - encore un mot qui fait référence aux voyages - on constate que vous êtes parti de Taizé, que vous êtes passé par la Ligue suisse des droits de l'Homme, avant de faire escale douze ans parmi nous. Sur ces douze ans, vous en avez passé huit à vous occuper des constructions, et quatre à vous occuper de ceux qui démolissaient ces constructions...

Vous voilà donc de nouveau prêt à lever l'ancre, ou plutôt - à ce que j'en sais - prêt à enfourcher votre vélo afin de continuer votre voyage vers l'Est.

Hier soir, en cherchant fébrilement - et je n'aime pas la fébrilité - ce que j'allais pouvoir vous dire aujourd'hui, dans ma bibliothèque je suis tombé sur un petit livre. Il s'agit du «Voyageur de l'aube» de Pascal Debregeas, et voici le texte qui figure en quatrième de couverture: «Voguant sur une mer hostile, à la recherche de l'humanité perdue, il songeait: "Et si la vie pouvait ressembler à autre chose qu'à ce bac à sable..." Il se mit alors à rêver, à imaginer une vie qui abolirait l'ennui, qui échapperait au joug humiliant du quotidien, une vie qui déborderait du périmètre mesquin où l'on voulait si souvent l'assigner. Enfin respirer à pleins poumons, s'évader des ghettos et des sentiers battus, battre la campagne vers des horizons toujours bleus, s'emparer enfin de l'existence, en faire quelque chose qui ait du panache, de la saveur, quelque chose d'héroïque, d'épique. Inventer des mots nouveaux, secouer nos peurs et nos bassesses, défier le temps qui passe, relever la tête comme un étendard, engager le fer avec nos crépuscules, s'ouvrir vers des aubes d'espérance. Ne plus vivre à genoux, plus jamais !»

Que les petites brises rendent votre voyage agréable; et n'oubliez pas de nous envoyer de temps à autre des cartes postales, cela changera agréablement des motions et autres interpellations urgentes écrites. (Applaudissements.)

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, parler de Robert Cramer, c'est évoquer deux personnages illustres dans notre histoire genevoise. D'abord Jules César. (Exclamations.) Vous vous en souvenez: pendant l'époque romaine, les Allobroges vivaient ici; ils avaient, d'après l'historien, la réputation d'être obstinés dans leur désir d'indépendance, tout en étant criblés de dettes. (Rires.) En l'an 63 avant J.-C., ils allèrent à Rome pour négocier une remise d'impôts et, je le suppose, pour se plaindre du trafic infernal dans leur cité. Il s'agissait en l'occurrence des Helvètes qui, par milliers, passaient sur le pont de l'Ile pour aller au sud, constituant ainsi un trafic de transit insupportable. La population s'échauffait; ainsi, à la taverne du Mouton Noir, on voyait des affiches placardées sur lesquelles était écrit: «Non aux Helvètes qui occupent nos postes de travail !» César lui-même fit le déplacement et eut l'idée de génie, reprise plus tard, de couper toutes les voies d'accès à la cité, à commencer par le pont lui-même. C'est donc César et non pas Robert Cramer qui s'exclama, constatant les effets de son astuce: «Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu.»

Passons au roi Gondebaud. Vous vous en souvenez, vers l'an 500, il régnait à partir de Genève sur les Burgondes, dans un territoire qui préfigure l'espace franco-valdo-genevois et dont le coeur était l'agglomération franco-valdo-genevoise. Du royaume des Burgondes au CRFG, il n'y a qu'un pas: celui de Robert Cramer. En tant que disciple visionnaire de Gondebaud, Robert Cramer aura droit lui aussi à une statue quelque part dans la Vieille-Ville, entre les antiquaires et la Clémence !

Monsieur le président, vous me le pardonnerez certainement, cet hommage est en prose, il aurait dû être écrit en «Vert». (Rires. Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le conseiller d'Etat Robert Cramer, cher Robert, au nom des socialistes, j'ai le plaisir de témoigner de l'affection que nous t'avons portée durant cette législature et les précédentes, et j'aimerais surtout noter à quel point ton travail a été remarquable pendant ces douze dernières années. D'abord, moi qui suis arrivé au Grand Conseil il y a seulement six ans, j'ai eu l'occasion de découvrir la force de ton travail comme président de PRO VELO, et notamment dans les épiques batailles qui ont consisté à faire reconnaître le vélo comme un véritable moyen de transport à Genève. En effet, à l'époque du service qui s'appelait l'OTC, le vélo n'existait pour ainsi dire pas, et il a bien fallu les efforts, voire les colères de Robert Cramer en certaines circonstances pour que, au sein de l'administration, ce qui est devenu la DGM intègre enfin le vélo comme véritable moyen de transport d'avenir. D'autant plus qu'aujourd'hui, nous le savons, nous pouvons mesurer cette évolution au regard de celle du réseau des trams, car nous lui devons aussi évidemment ce développement majeur et fondamental pour l'avenir de Genève qui est celui des transports publics. Même si, bien entendu, il reste encore beaucoup de choses à faire, et pour les cyclistes également, l'évolution aura marqué l'histoire du XXe siècle et le début du XXIe.

Ces six dernières années, en tant que député et président de la commission de l'énergie à deux reprises, j'ai eu l'occasion de constater que Robert Cramer avait aussi une force de travail, une compétence, une intelligence lors des réunions de commission, qui étaient exceptionnelles, ainsi qu'une connaissance des dossiers que je n'ai pas toujours rencontrée, je dois le dire, chez tous les conseillers d'Etat. Cette capacité de travail et de conviction, ce sens, cette force du compromis et du consensus, qui ne plaisait parfois peut-être pas à tous les socialistes, ont permis de faire avancer des dossiers qui étaient malheureusement parfois bloqués pendant de nombreuses années. Et il reste encore du travail !

Bien entendu, Robert Cramer, c'est aussi un homme exceptionnel, toujours prêt à discuter, toujours prêt à faire la fête et à boire un verre, toujours à l'écoute des propositions des uns et des autres, toujours prêt à argumenter, et cela, c'est quelque chose qui donne aussi un sens de véritable homme d'Etat au travail de Robert Cramer.

Au nom de tous les socialistes, je te prie d'accepter, cher Robert, un bon cadeau pour un «Thé des trois vieilles dames». Je sais que le thé n'est pas ta boisson préférée, mais ce roman, écrit dans les années 30 par un célèbre écrivain suisse, parle de l'histoire de Genève et d'un conseiller d'Etat qui, de temps à autre, boit un petit verre de blanc à la Clémence. Je suis sûr que tu le liras volontiers dans le train pour la suite de ta carrière politique. (Applaudissements. M. Roger Deneys embrasse M. Robert Cramer et lui offre le bon cadeau.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). J'ai le grand plaisir, au nom du groupe démocrate-chrétien, de passer ce message et cet hommage à M. Moutinot sur un point qui me tient particulièrement à coeur: la place des femmes dans la société. L'engagement que M. Moutinot a témoigné, que ce soit en confiant des postes à haute responsabilité à des femmes compétentes, que ce soit par la promotion de l'égalité hommes-femmes ou par la lutte contre les violences faites aux femmes ou contre la traite des êtres humains - notamment grâce à la nouvelle loi sur la prostitution - est extrêmement important. Et ces actions comptent et compteront encore longtemps pour Genève. Il y a encore, et c'est aussi très important, l'intégration des étrangers et la solidarité internationale, qui ont plus de sens que jamais et qui, pour M. Moutinot, n'ont jamais été de vains mots.

Monsieur Moutinot, nous vous souhaitons de poursuivre une très belle carrière, dans vos passions et dans vos priorités, qu'elles soient politiques, professionnelles ou de grand voyageur, et nous aimerions vous dire que, pour le PDC, vous incarnez l'esprit de Genève et l'humanisme auxquels nous tenons tant. Merci ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Au nom du groupe démocrate-chrétien, permettez-moi de rendre hommage à M. Cramer. Je crois que Robert Cramer a certainement marqué de son empreinte son passage au Conseil d'Etat, tout le monde le reconnaîtra aujourd'hui. J'ai eu le privilège de le côtoyer à la commission des transports et à la commission de l'énergie, et j'ai pu mesurer à quel point Robert Cramer a marqué par son engagement et par son action des domaines comme la mobilité ou le projet d'agglomération, tellement important pour l'avenir de notre canton. Plus récemment, j'ai pu juger à quel point Robert Cramer s'est engagé - et je sais qu'il le fera encore - en faveur de la nouvelle loi sur l'énergie, et je suis très heureux de pouvoir continuer ce combat à ses côtés ces prochains mois.

J'aimerais relever également les grandes qualités humaines de Robert Cramer, ainsi que ses grandes qualités de communicateur, qui ont fait merveille en particulier dans les relations avec les communes genevoises, et dieu sait si ces relations n'ont pas toujours été au beau fixe. Il est à relever que, grâce à son état d'esprit et sa facilité de contact, Robert Cramer, parfois autour d'un verre, souvent lors de séances conviviales, a dénoué beaucoup de situations qui bloquaient certains projets au niveau des communes genevoises, et je crois qu'il faut saluer cette action de Robert Cramer auprès des communes.

J'aimerais enfin relever, et c'est peut-être le plus important, qu'avec pragmatisme Robert Cramer a toujours su privilégier l'intérêt général, en n'hésitant pas, parfois, à prendre le contre-pied des positions de son parti - je pense à la centrale chaleur force ou à la traversée du lac. Je crois que c'est essentiel, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sachions privilégier le bien commun, l'intérêt général, et je pense que nous avons tous à nous inspirer de cet aspect-là de l'action de Robert Cramer. Je lui souhaite, au nom du groupe démocrate-chrétien, de poursuivre sa carrière politique à la défense de intérêts de Genève à Berne - je sais qu'il le fera au mieux - et je lui souhaite bon vent pour l'avenir. (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe radical, je souhaite passer un message aux deux conseillers d'Etat, Laurent Moutinot et Robert Cramer.

Cher Laurent, cher Robert, personnellement, j'ai eu le plaisir de vous connaître il y a une douzaine d'années plutôt sur les scènes genevoises et, depuis quatre ans, dans cet hémicycle, et je dois dire, au nom du groupe, que c'était un plaisir de travailler avec vous deux dans les commissions. On a tous eu le plaisir de siéger avec soit l'un, soit l'autre, et tout a été dit ce soir: vous êtes de vrais hommes d'Etat, vous avez une véritable connaissance des dossiers - cela a été relevé, et c'est vrai - et vous êtes des voyageurs. Monsieur Cramer, vous avez fait un beau voyage à Berne pour aller chercher quelque argent pour le CEVA, par exemple. Monsieur Moutinot, vous aurez certainement l'occasion de faire également un beau voyage pour venir vous prélasser sur la magnifique plage dont nous allons parler un peu plus tard.

Pour nous, je le répète, c'était un plaisir de faire ce voyage avec vous, et nous vous souhaitons tout de bon, l'un pour Berne, et l'autre, on l'espère, pour un beau voyage. Merci ! (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la chance, dans des moments de loisir, de pouvoir aller dans un verger planter des arbres pour le futur, et j'ai eu l'occasion de le faire avec Laurent Moutinot qui, de temps en temps, vient nous donner un coup de main. Nous avons ainsi passé quelques après-midi ensemble, juste les deux, à travailler physiquement dehors, et je dois dire que Laurent Moutinot tient une forme physique rare; il est impressionnant, même si ses activités lui ont valu une épicondylite dont il souffre encore ces temps-ci. Ce sont des moments où l'on a aussi le temps de partager, de discuter et de se rendre compte que, derrière le fin juriste qu'est Laurent, il y a surtout un homme de convictions profondes, un authentique homme de gauche, qui a toujours le souci du plus faible. On sent vraiment, lorsque l'on passe des heures avec lui, cette préoccupation du militant des droits de l'Homme.

Je me suis aussi rendu compte que Laurent se dévoile tranquillement, il faut le temps de l'approcher; que ce n'est pas quelqu'un qui serait affolé par la lumière, tel un papillon qui viendrait se coller au néon; on s'aperçoit que très souvent, à certains moments, il préfère le silence. Il a ses convictions, elles sont extrêmement fortes, mais il ne répond pas toujours à toutes les attaques.

Laurent, j'ai pensé tout simplement à un poème de Kipling qui a été traduit par Eluard, et j'aimerais, Mesdames et Messieurs, vous en faire partager deux extraits:

«Si tu peux supporter d'entendre tes paroles

Travesties par des gueux pour exciter des sots,

Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles

Sans mentir toi-même d'un mot;

[...]

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire

Seront à tous jamais tes esclaves soumis,

Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un homme, mon fils.»

Merci Laurent, d'être un homme, au sens de l'humanité. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Au nom du groupe UDC, j'aimerais saluer nos deux conseillers d'Etat sortants. Je salue d'abord M. Moutinot, dont j'ai toujours apprécié les qualités humaines, et je lui souhaite un excellent et grand voyage; qu'il puisse réaliser ses rêves sur sa bicyclette pendant de longs mois !

Et bien entendu, comme paysan, j'aimerais saluer plus particulièrement M. Cramer. Il y a douze ans, quand les paysans genevois ont appris qu'ils allaient être dirigés par un Vert, je peux vous dire qu'ils avaient la même couleur: nous étions verts ! (Rires.) Nous étions vraiment en souci, nous voyant déjà tirer nos charrues avec des vélos électriques... Ce n'était pas la chaude ambiance ! Eh bien, nous nous sommes largement trompés, et nous avons eu en Robert Cramer un ministre de l'agriculture tout à fait exceptionnel, un ministre de l'agriculture qui aura marqué ces douze ans et qui a simplement aimé les paysans de Genève et leurs produits. Grâce à lui, nous pouvons voir maintenant que les produits du terroir, dont il est l'un des pères, commencent à avoir du succès; grâce à lui, nous avons une magnifique maison de promotion de nos produits, et je dois dire que, en tant que viticulteur, j'ai quand même ressenti de sa part un amour un peu plus développé pour nos vignes et nous-mêmes que pour les gens qui faisaient des salades ! Mais il les a tous soutenus avec beaucoup d'attention et, grâce à toi, Robert, je crois que l'agriculture genevoise se porte beaucoup mieux qu'il y a douze ans: tu as su stimuler tous les producteurs, et on peut voir maintenant l'avenir avec un certain espoir, je crois.

Pour conclure, j'aimerais encore te dire que je te vois partir maintenant du Conseil d'Etat mais que ta carrière politique n'est pas terminée, et je garde avec toi le bien le plus précieux, c'est une amitié qui s'est développée et qui restera. Merci Robert ! (Applaudissements.)

Le président. Je remercie notre ancien président pour son message de sympathie. Avant de passer la parole à nos deux conseillers d'Etat, j'aimerais moi-même leur remettre le petit cadeau que nous avons prévu. (Le président descend de l'estrade, serre la main de M. Laurent Moutinot et de M. Robert Cramer et leur remet leur cadeau.)

Des voix. Oui !

Une voix. Pour écrire vos mémoires !

Le président. Nous avons été attentifs: il ne s'agit pas du traditionnel stylo souvenir, qu'ils ont déjà reçu comme députés, mais d'une plume ! (Exclamations.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas tout à fait la dernière fois que je prends la parole, puisque demain soir nous parlerons de manifestations. J'aimerais vous dire que vos propos m'ont touché, vous en remercier et peut-être tout de même rectifier une ou deux choses. On dit partout que je suis un très mauvais communicateur. Ce n'est pas tout à fait exact, preuve en est cet article de 1997, où j'avais réussi l'exploit d'être considéré par la presse bourgeoise comme le chouchou de la droite. (M. Laurent Moutinot montre un article intitulé: «Le chouchou de la droite». Rires.) En effet, à cette époque, j'étais chef de groupe parlementaire, candidat au Conseil d'Etat, et je considérais qu'il était normal d'occuper tout le temps le terrain politique et médiatique. En revanche, comme magistrat, j'ai eu comme attitude de toujours informer, de toujours répondre sur l'essentiel, mais de ne jamais participer ni à la pipolisation de la politique, ni à l'alimentation des gazettes. J'ai été - je l'admets honnêtement - trop loin dans cette réserve, et l'on est en droit de me le reprocher. Mais je vais quand même vous expliquer comment je fais, pour ceux qui ne l'auraient pas très bien vu. En général, ça se passe ainsi: ça, c'est le premier temps. (M. Laurent Moutinot montre une manchette du journal «Le Temps», sur laquelle est écrit: «Monsieur Moutinot, que faites-vous contre la crise du logement ?»)

Dans un deuxième temps, je réponds. (M. Laurent Moutinot montre une manchette de la «Tribune de Genève», sur laquelle on peut lire: «Moutinot veut 3000 logements à Thônex.») (Rires.)

Et là, ça se gâte un peu ! (M. Laurent Moutinot montre une nouvelle manchette de la «Tribune de Genève», sur laquelle est inscrit: «Logement: Moutinot optimiste, les communes moins.»( (Rires.)

Et puis, ce que je n'ai pas assez osé faire... (M. Laurent Moutinot présente une quatrième manchette, de la «Tribune de Genève», sur laquelle on lit: «Logement: le coup de gueule de Moutinot») Voilà ! J'ai pris des affichettes d'il y a quelques années, parce que toute ressemblance avec des conflits ou des problèmes récents aurait pu inutilement envenimer la situation... (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, je réalisais en vous regardant tout à l'heure qu'il n'y a plus qu'un seul d'entre vous avec lequel j'ai siégé comme député, c'est notre ami Schaller, lequel a fait un retour parmi nous mais qui était député lors de la législature 93-97.

J'aimerais aussi à mon tour rendre hommage à mon excellent collègue Robert Cramer. Nous avions eu avant notre élection quelques activités communes, mais il est vrai que c'est surtout depuis le 8 décembre 1997 que nous avons travaillé régulièrement ensemble, que j'ai subi sa présidence et que lui a eu le bonheur d'en subir deux de ma part. Et maintenant, nous partons ensemble à la retraite. Merci, Robert, pour toutes ces années, et merci à vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour votre soutien, souvent, pour vos critiques, rarement, mais elles m'ont permis de faire avancer les choses. (Longs applaudissements. Les députés se lèvent.)

Une voix. Laurent, tu as oublié Michel Ducret ! Il a aussi siégé avec toi !

Le président. C'est une standing ovation pour M. Moutinot ! Je passe la parole à M. Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, tout d'abord je tiens bien sûr à vous remercier pour les paroles aimables que vous avez eues à l'égard de Laurent Moutinot et de moi-même. Ces propos étaient touchants et émouvants, parce qu'au fond c'est vrai que nous avons consacré pas mal de temps, ces dernières années, aux affaires publiques, en y mettant le meilleur de nous-mêmes.

La première fois que je suis entré dans cette salle, c'était en 1985, il y a donc vingt-quatre ans. C'était la première fois que les Verts siégeaient au Grand Conseil, j'étais à l'époque assis à la place d'Olivier Norer, et derrière moi se trouvait Mme Torracinta-Pache. Puis, à la législature suivante - je pense que le docteur Schaller devait déjà être là, ainsi que mon ami et ancien conseiller national, Jean-Michel Gros - j'étais assis à la place de François Gillet.

Depuis cette époque - et ce sera mon hommage, à vous, un hommage au Grand Conseil - un certain nombre de choses ont bien sûr changé. Ce qui a probablement le plus changé, ce sont les compétences qu'exercent les cantons; nous l'avons vu et nous en avons souvent parlé avec Laurent Moutinot, qui partage avec moi cet intérêt pour les questions institutionnelles, rien que durant cet espace de douze ans où nous avons été magistrats ensemble, nous avons assisté progressivement à un grignotage des compétences des cantons en faveur de la Confédération, et cela dans tous les domaines. Et ce constat, nous l'avons vécu, mais les conseillers d'Etat de tous les cantons suisses également. Au fond, ce grignotage s'exerce beaucoup plus au point de vue institutionnel à l'égard des parlements, des Grands Conseils, qu'à l'égard du Conseil d'Etat, parce que le métier d'un conseiller d'Etat consiste à appliquer les lois, à diriger une administration; qu'il applique des lois ou des ordonnances fédérales ou qu'il applique des lois votées par le Grand Conseil, en substance il fait le même métier; il a peut-être moins de pouvoir d'influence sur la façon dont on rédige les lois fédérales. En revanche, pour les Grands Conseils, pour les parlements, c'est une vraie différence, puisque ce sont vos compétences en réalité qui sont progressivement grignotées, et remplacées aussi par d'autres institutions.

Dans le même temps, ce que j'ai pu voir ces dernières années, c'est que le Grand Conseil - peut-être aussi parce que, dans une certaine mesure, il a moins de compétences législatives - a vu une partie de ses tâches se transformer. Le Grand Conseil, aujourd'hui, est beaucoup plus attentif à la façon dont l'Etat est géré, au pilotage de cette gestion. Vous vous êtes dotés d'un grand nombre d'instruments qui sont totalement nouveaux et, dès la prochaine législature, vous allez passer à un nouveau type de comptabilité, de présentation du budget, qui vous donnera encore une meilleure lecture de ce que nous faisons.

Et puis, bien d'autres choses ont changé. On ne peut plus fumer à la buvette...

Une voix. Si !

M. Robert Cramer. ...et elle a vu son apparence transformée - plutôt en bien, je dirai - mais, au fond, ces changements-là sont mineurs. L'essentiel est resté: l'essentiel, c'est votre engagement; l'essentiel, c'est la foi avec laquelle vous empoignez les dossiers de notre république; l'essentiel, c'est votre sens du service public, du bien public, qui vous anime dans tous vos engagements, parce que l'engagement des députés prend du temps; et l'essentiel aussi, je crois, c'est cette capacité, qui se développe au fur et à mesure des séances - je dis cela aux nouveaux venus dans ce Grand Conseil - de découvrir que ceux qui sont des adversaires politiques sont aussi des gens avec lesquels on peut entretenir des liens de partage, des liens de camaraderie, et parfois même des liens d'amitié. Et c'est quelque chose qui reste à tous ceux qui ont eu le plaisir et l'honneur de siéger dans cette salle. Cela fait partie des enseignements que moi aussi j'ai retenus à la fin de mes mandats de député, et c'est ce que l'on trouve régulièrement dans les courriers que les gens écrivent lorsqu'ils expliquent qu'ils doivent quitter leur fonction.

Alors gardez cet engagement, gardez ce plaisir, gardez cet amour de notre collectivité, et vive la République ! (Longs applaudissements. Les députés se lèvent.)

Le président. Je remercie encore MM. Moutinot et Cramer et leur souhaite tout le meilleur pour la suite de leur carrière !